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#17>>Autom
ne2013
Le Journal du Réseau des Associations Africaines et Caribéennes de lutte contre le sida en France
Asile, droit au séjour : la santé à quels titres ?
131024_Rem86-Ging17.qxp:Rem2008 5/11/13 18:37 Page I
IVDirecteur de la publication : Bruno Spire.
Comité de rédaction : Charles Ankrah, David Auerbach Chiffrin,Fatima Djamila, Papy Katumbay Tshiala, Joseph Koffi, Jean-FrançoisLaforgerie, Romain Mbirinbindi, Bruno Ognantan Ottimi, AlbertinePabingui, Marie-Hélène Tokolo, Joseph Situ.
Coordination éditoriale et reporter :Jean-François Laforgerie, T. : 01 41 83 46 12,courriel : [email protected]
Diffusion, abonnements et petites annonces :Laurent Cottin, T. : 01 41 83 46 10, courriel : [email protected]
Maquette : Stéphane Blot, Vincent Cammas.
Photos et illustrations avec nos remerciements :Vincent Cammas, Marie Lochouarn, Romain, Rudolph White,Yul Studio.
Parution trimestrielle. Tirage : 37 900 ex. et 5 000 ex. deGingembre, le journal du RAAC-sida en tiré à part. ISSN : 11620544.CPPAP N°1212 H 82735.
Impression : Corlet Roto, 53300 Ambrières-les-Vallées.ISSN : 2112-5600.
Gingembre, le journal du RAAC-sida sur internet :www.aides.org
Gingembre, le journal du RAAC-sida/RemaidesTour Essor, 14, rue Scandicci, 93508 Pantin Cedex.Télécopie : 01 41 83 46 19.
Les articles publiés dans Gingembre peuvent être reproduitsavec mention de la source. La reproduction des photos, illustrationset témoignages est interdite, sauf accord de l'auteur.
Gingembre est soutenu financièrement par l’Institut nationalde prévention et d’éducation à la santé.
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II>> Sommaire
GINGEMBRE #17 VIII
IIIEdito"Des chiffres et des actes !",par Eliane Aïssi
IVDossierMigrants, Antilles : les données de VESPA 2En juillet dernier, les premiers résultats de l’enquête ANRS-Vespa 2 ont étépubliés. Gingembre fait le point sur quelques données concernant les personnesoriginaires d’Afrique subsaharienne et celles concernant les personnes vivantavec le VIH aux Antilles, en Guyane et à La Réunion. L’ensemble des résultats, iciprésentés, portent sur 2011.
VIIIci et làEn bref
IXDossierAsile ou séjour : la santé à quels titres ?On entend régulièrement qu’il est possible de mener parallèlement une demandede droit d’asile et une demande de droit au séjour pour soins lorsqu'on vit avec leVIH. Est-ce vrai dans la pratique ? Et à quoi faut-il veiller ? Gingembre a demandéà des militants, spécialistes de ce sujet, d’en détailler les contours. Cette situation,Camara, une jeune femme originaire d’Afrique subsaharienne, la vit. Elle raconte.
13Rem03
131024_Rem86-Ging17.qxp:Rem2008 5/11/13 18:37 Page II
Dix ans après la première édition de l’enquête (1), les pre-
miers résultats de l’enquête ANRS-VESPA 2 nous sont
livrés. Cette enquête de l’Agence nationale de recherche
sur le sida et les hépatites a ceci d’intéressant qu’elle ne se limite
pas aux aspects de santé. Elle interroge aussi les aspects sociaux,
économiques et comportementaux de la vie des personnes
vivant avec le VIH. Elle peut ainsi nous éclairer sur les actions à
mener pour rendre plus efficace NOTRE lutte contre le VIH/sida.
Parmi les personnes diagnostiquées (2), près du quart (23,7 %) sont
des immigrés d’Afrique subsaharienne dont une majorité de
femmes (7,9 % d’hommes et 15,8 %
de femmes), par rapport à 2003
(11,5 % pour les femmes) ; nous
observons un doublement de la part
des immigrés d’Afrique subsaha-
rienne. Pour nous, acteurs de la lutte
contre le VIH au sein des commu-
nautés d’Afrique subsaharienne en
France et des Caraïbes, ces résultats nous interpellent.
Leur analyse doit nous permettre de réadapter nos
actions de prévention et d’accompagnement sur le
terrain.
L’enquête ANRS-VESPA 2 confirme le vieillissement
de la population des personnes vivant avec le VIH et
la nette augmentation de la population d’immigrés
d’Afrique subsaharienne par rapport à 2003. Cette
enquête relève, par ailleurs, que les Français descendants d’im-
migrés y sont davantage représentés que dans la population
générale.
Il est incontestable que l’amélioration de la prise en charge thé-
rapeutique avec la mise sur le marché de nouvelles molécules
antirétrovirales dotées d’une efficacité accrue et l’initiation d’un
traitement précoce contribuent pour beaucoup à la réduction de
la mortalité. Plus de 90 % des personnes diagnostiquées sont trai-
tées dans les différents groupes (hommes ayant des relations
sexuelles avec d’autres hommes) sauf les immigrés africains
(légèrement inférieur à 88 %). Pratiquement les deux tiers des
personnes traitées ont une charge virale faible (entre 50 et 1 000
copies/ml). Ce pourcentage descend autour de 15 % pour les
personnes en interruption de traitement (14,7 %) et celles non
traitées (15,7 %).
Ces derniers éléments confortent la place du dépistage parmi les
instruments majeurs de la prévention. Il permet d’initier un
traitement précoce permettant de diminuer la charge virale.
Il est donc important de revoir et d’adapter les stratégies de
sensibilisation et d’incitation au
dépistage dans nos communautés.
Ces premiers résultats de l’enquête
ANRS-VESPA2 soulèvent aussi le
problème du dépistage à l’insu des
personnes. Une fraction non négli-
geable des participants à cette
enquête, diagnostiquées récem-
ment, disent avoir été dépistées à leur insu.
Il serait bon de faire un rappel au principe de
consentement de la personne au test.
Il s’avère important d’analyser les résultats de
cette enquête afin d’amplifier ou de réadapter nos
actions de sensibilisation. Inciter au dépistage pré-
coce, promouvoir les nouvelles techniques de
dépistage, lutter contre la stigmatisation des personnes
vivant avec le VIH, prendre en compte leur situation sociale et le
fait qu’elles ont une vie sexuelle. Les autorités se doivent d’ac-
compagner ces actions, car les interventions sur le terrain
nécessitent des acteurs formés, ce qui a un coût ! Nous devons
redoubler de vigilance… et d’engagement !
Eliane Aïssi
Des chiffreset des actes !
I
IIIEdito <<
GINGEMBRE #17
(1) : Enquête VESPA : VIH Enquête Sur les Personnes Atteintes.
(2) : Enquête portant sur les personnes vivant avec le VIH suivies à l’hôpital en France métropolitaine en 2011.
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En juillet dernier, les premiers résultats de l’enquête ANRS-VESPA 2 ont étépubliés. Gingembre fait le point sur quelques données concernant lespersonnes originaires d’Afrique subsaharienne et celles concernant lespersonnes vivant avec leVIH aux Antilles, en Guyane et à La Réunion.
L’ensemble des résultats, ici présentés, portent sur 2011.
IV>> Dossier
GINGEMBRE #17
Les infos fournies par l’enquête VESPA 2 (voir encart en page
VI) sont essentielles pour comprendre les conditions de vie
des personnes vivant avec le VIH en France métropolitaine,
mais aussi dans les Outre-mer. Comme l’explique le professeur
Patrick Yeni, président du Conseil national du sida, auteur d’un
édito de présentation des premières données de cette nouvelle
enquête, elles sont "essentielles" car elles sont "d’une part glo-
bales, n’interrogeant pas seulement les aspects sanitaires, mais
aussi sociaux, économiques et comportementaux" et "d’autre
part, parce que la méthodologie de l’enquête les rend extrapola-
bles à l’ensemble de la population séropositive" en France.
Gingembre fait le point sur quelques données concernant les per-
sonnes originaires d’Afrique subsaharienne et celles concernant
les personnes vivant avec le VIH aux Antilles, en Guyane et à La
Réunion.
Etat de santé (1)
Qui est suivi en France métropolitaine ?En 2011, les personnes vivant avec le VIH suivies à l’hôpital sont à
23,7 % des personnes immigrées originaires d’Afrique subsaha-
rienne (7,9 % sont des hommes et 15,8 des femmes). Si on
compare avec les chiffres de 2003 (année de la première enquête
VESPA), on constate qu’il y a un doublement des personnes immi-
grées originaires d’Afrique subsaharienne suivies : 11,5 % en 2003
et 23,7 % donc en 2011.
Etat de santé des personnes en 2011Plus de 9 personnes sur 10 (93,3 %) reçoivent un traitement anti-
VIH en 2011. La part des personnes traitées dépasse 90 % dans
tous les groupes (hommes ayant des relations sexuelles avec
d’autres hommes, consommateurs de drogues, etc.) sauf les
immigrés africains pour lesquels elle est légèrement inférieure
(88 %). Sur le contrôle de la charge virale, la proportion de charge
virale contrôlée dépasse 85 % dans tous les groupes, sauf les
immigrés africains pour lesquels elle est légèrement inférieure
(83,1 % chez les hommes et 84,7 % chez les femmes).
Personnes nouvellement diagnostiquées (2003 à 2010)Parmi les immigrés originaires d’Afrique subsaharienne nouvelle-
ment diagnostiqués, les femmes sont nettement majoritaires
(66,7%). Elles étaient plus jeunes que les hommes au moment du
diagnostic. Le lieu estimé de la contamination est le pays d’origine
pour la majorité des hommes et des femmes (54,5 % et 59,5 %).
Le diagnostic résulte d’un dépistage volontaire pour presque la
Migrants, Antilles :les données de VESPA 2
(1) : Données extraites de la publication : Dray-Spira R, Wilson d’Almeida K, Aubrière C, Marcellin F, Spire B, Lert F et le groupe Vespa2. État de santé de la population vivant avec le VIH en France
métropolitaine en 2011 et caractéristiques des personnes récemment diagnostiquées. Premiers résultats de l’enquête ANRS-Vespa2. Bull Epidémiol Hebd. 2013; (26-27) : 285-92.
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VESPA, c’est quoi ?C’est une enquête de l’Agence nationale de
recherche sur le sida et les hépatites (ANRS) et
de l’Inserm (Institut national de la santé et de
la recherche médicale) sur "vivre avec le VIH
en France". VESPA, cela veut dire : "VIH :
enquête sur les personnes atteintes". L’en-
quête ne concerne que des personnes qui
sont suivies à l’hôpital un peu partout en
France métropolitaine et aussi dans les Outre-
mer et porte sur tous les aspects de la vie (de
l’état de santé à la sexualité, des ressources à
l’emploi, etc.). En 2011, 3 022 personnes ont
participé dont 598 vivent dans les départe-
ments d’Outre-mer. La première enquête
VESPA a été réalisée en 20003, la seconde en
2011.
Pour consulter l’intégralité des résultatsde VESPA 2, il faut aller sur le site del’Institut national de veille sanitaire(InVS) : http://www.invs.sante.fr, puisPublications, le numéro à consulter et àtélécharger gratuitement est le Bulletinépidémiologique hebdomadaire (BEH 26-27), 2 juillet 2013.
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VI
(2) : Données extraites de la publication : Lert F, Annequin M, Tron L, Aubrière C, Hamelin C, Spire B, et al., et le groupe Vespa2. Situation socioéconomique des personnes vivant avec le VIH suivies à l’hô-
pital en France métropolitaine en 2011. Premiers résultats de l’enquête ANRSVespa2. Bull Epidémiol Hebd. 2013; (26-27) : 293-9.
(3) : Données extraites de la publication : Lert F, Aubrière C, d’AlmeidaWilson K, Hamelin C, Dray-Spira R et le groupe Vespa2. Situation sociale et état de santé des personnes vivant avec le VIH aux Antilles,
en Guyane et à La Réunion en 2011. Premiers résultats de l’enquête ANRSVespa2. Bull Epidémiol Hebd. 2013; (26-27): 300-7.
moitié des hommes (46,5 %), mais pour moins du tiers des
femmes (32,2 %). 20 % des hommes et 15 % des femmes disent
avoir été testés sans en être informés. La très grande majorité est
entrée dans les soins rapidement après le diagnostic, mais pour
10 % des hommes et 7,8 % des femmes, ce délai a dépassé 6
mois, des proportions plus élevées que dans les autres groupes.
Dépistage tardifLa majorité des immigrés d’Afrique subsaharienne ont été diag-
nostiqués à un stade tardif (61,8 % des hommes et 56,4 % des
femmes) et, pour 42,4 % des hommes et 34,2 %, à un stade ultra-
tardif. En 2011, 16,6 % des hommes et 10,6 % des femmes
n’avaient pas encore démarré de traitement. Environ la moitié des
personnes avaient un emploi lors du diagnostic.
Situation socio-économique (2)
Premier élément : les personnes vivant avec le VIH subissent la
détérioration du contexte social et économique général. Les per-
sonnes immigrées représentent en 2001 un tiers des personnes
vivant avec le VIH contre 21 % en 2003, hausse en lien avec une
forte augmentation des personnes originaires d’Afrique subsaha-
rienne, en particulier des femmes. Les immigrés d’Afrique
subsaharienne viennent pour plus de 80 % de cinq pays, dans
l’ordre : Côte d’Ivoire, Cameroun, Congo-Brazzaville, République
démocratique du Congo et Centrafrique. Les femmes sont majo-
ritaires (66,5 %). 26,2 % des hommes et 51,9 % des femmes ont
moins de 40 ans. Dans cette population, 17,2 % des hommes et
22 % des femmes ont acquis la nationalité française.
Parmi les personnes de nationalité étrangère, 4 sur 10 ont une
carte de résident, la moitié une carte de séjour d’un an, et 1 sur 10
a déclaré être en cours de régularisation ou "sans papier". Alors
que 37,4 % des hommes ont un diplôme universitaire, c’est le cas
de seulement 11,1 % des femmes, qui se concentrent dans les
niveaux inférieurs au bac (70,6 %). Les ouvriers et les employés
sont très largement majoritaires dans les deux sexes (respective-
ment 70,2 % des hommes et 87,5 % des femmes). 45,7 % des
hommes et 36,1 % des femmes vivent en couple, et 2,3 % et
31,9 %, respectivement, vivent seul(e)s avec des enfants.
Avec un revenu médian par mois de 964 euros chez les hommes
et 783 euros chez les femmes, les difficultés financières concer-
nent respectivement 49,4 % et 55,9 % d’entre eux, tandis que
28,9 % et 34,3 % rapportent des privations alimentaires, soit une
situation moins mauvaise qu’en 2003. Comparées aux hommes,
les femmes sont plus nombreuses à recevoir un minimum social.
Près d’une personne sur 5 n’a pas de logement personnel, ce
qui marque cependant une amélioration par rapport à 2003.
Les personnes vivant avec le VIHdans les Antilles, en Guyane… (3)
VESPA 2 a été menée en 2011 auprès de 598 personnes suivies
pour le VIH dans les hôpitaux de Guadeloupe,Martinique, Guyane
(Cayenne), Saint-Martin et La Réunion. Les indicateurs sociaux en
2011 apparaissent relativement stables par rapport à 2003. Ils sont
marqués par de faibles taux d’activité professionnelle, des reve-
nus faibles, des niveaux élevés de restrictions alimentaires par
manque d’argent, avec une situation plus défavorable dans les
départements français d’Amérique (Guyane, etc.) qu’à La Réunion.
La non-divulgation de la maladie aux proches, sans changement
depuis 2003, reste un phénomène fréquent aux Antilles et en
Guyane.
La proportion de personnes traitées a fortement augmenté entre
2003 et 2011 et est au même niveau qu’en métropole. Les résul-
tats thérapeutiques sont identiques à la métropole en termes de
CD4, mais la proportion de charge virale contrôlée (de 67,9 % à
81,7 %) est plus basse. Dans les départements d’Outre-mer
(DOM), territoires présentant des situations contrastées sur le plan
épidémiologique et social, l’efficacité accrue des traitements a
permis partout une amélioration de l’état de santé tandis que la
situation sociale ne marque pas de progrès entre 2003 et 2011.
Globalement dans les DOM, parmi les personnes nouvellement
diagnostiquées entre 2003 et 2011, 55,3 % l’ont été à un stade tar-
dif de l’infection et 36,7`% à un stade ultra-tardif, soit des niveaux
plus élevés que ceux de la métropole (respectivement 48,6 % et
29,8 %). La proportion de personnes sous traitement antirétroviral
dépasse 90 % dans tous les départements, sauf en Martinique
(88,8 %). Parmi les personnes traitées, la proportion de personnes
ayant une charge virale contrôlée (au seuil de 50 copies/ml) est
voisine de 80 %, sauf en Guyane où 67,9 % seulement des per-
sonnes traitées atteignent ce seuil d’indétectabilité.
Dans leur conclusion, les auteurs expliquent : "Dans les DOM, ter-
ritoires marqués par des situations contrastées sur le plan
épidémiologique, la prise en charge médicale des personnes
vivant avec le VIH a permis des progrès importants depuis 2003,
en dépit d’un phénomène persistant de diagnostic tardif. Dans le
même temps, leur situation sociale n’a pas connu d’amélioration,
notamment en raison d’un contexte économique défavorable et
d’un climat de stigmatisation qui laisse encore beaucoup de per-
sonnes vivre leur maladie dans le secret."
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Droits : un guidecontre les décisionsadministrativesillégalesQuand un service public dysfonctionne à
l’égard des usagers (délais de procédures
très longs, refus abusifs, demandes de
pièces non prévues par les textes, etc.) et
si cela génère pour eux un préjudice, il est
possible de réclamer des indemnités en
justice. Comme peu de gens le savent,
cette solution est rarement utilisée. Dans
certaines situations, cela peut s’avérer
efficace pour construire un rapport de
force avec la sécurité sociale, une MDPH,
une préfecture, etc. Reste que la difficulté
est double : d’une part prouver le fait et
d’autre part le préjudice qui en découle. Le
GISTI (association de juristes spécialisée
dans les questions juridiques en lien avec
l’immigration) a publié un guide qui fait le
point détaillé sur cette procédure et
donne quelques conseils utiles à suivre.
Ce guide ("Comment obtenir des indem-
nités après une décision illégale de
l’administration") est téléchargeable (1).
Plus d’infos sur http://www.gisti.org
VIIIci et là <<
GINGEMBRE #17En bref
(1) : http://www.gisti.org/publication_pres.php?id_article=2939#tele
Biblio : Edition 2013du Guide ComedeQuel bilan de santé proposer selon le pays
d’origine ? Comment aborder les ques-
tions de prévention et de dépistage ?
Comment résoudre un problème d’inter-
prétariat ? Comment soigner en attendant
l'ouverture des droits ? Le Guide du
Comede (Comité médical pour les exilés)
est un outil-ressource pour la prise en
charge médicale, psychologique et sociale
des personnes migrantes/étrangères. Il
traite des questions de droit au séjour, de
droit d’accès aux soins, et apporte des
repères médicaux sur les maladies les plus
fréquentes. Comme les éditions précé-
dentes, celle de 2013 propose des
réponses aux problèmes de santé des
exilés, migrants et étrangers en situation
précaire, à partir de l'expérience quoti-
dienne de l'équipe du Comede.Ce guide est
réalisé avec le soutien de l’Inpes et de la
Direction générale de la santé. L’édition
2013 est publiée en ligne, au format PDF. Le
guide est accompagné de quatre réper-
toires régionaux dont un spécifique aux
Antilles et à la Guyane.On peut les télécharger sur le site del’Inpes http://www.inpes.sante.fr).
Femmes à l’affiche :"De nous A toi""Elégante et belle, la cinquantaine, séro-
positive, n’ai-je pas le droit de croquer la
vie à pleines dents ?" Cette phrase, on
l’entend dans la vidéo que des femmes
vivant avec le VIH, militantes de AIDES
en Normandie ont réalisée début 2013.
Elle est intitulée : "De nous A toi" et a
été conçue comme un Petit Objet
Multimédia (POM) avec de la "disance
pur jus" dedans. Cette vidéo a été réalisée
en partenariat avec le Pôle Image Haute-
Normandie. Elle est une des nouvelles
suites de l’événement que fut FSA
("Femmes séropositives en action") en
2011.Avec cette vidéo, des femmes vivant
avec le VIH se lèvent, une nouvelle fois,
pour bousculer les représentations et
changer le regard de la société.
Leur vidéo se trouve ici :http://dl.free.fr/nn5aS8wDW
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On entend régulièrement qu’il est possible de mener parallèlement unedemande de droit d’asile et une demande de droit au séjour pour soinslorsqu'on vit avec leVIH. Est-ce vrai dans la pratique ? Et à quoi faut-ilveiller ? Gingembre a demandé à des militants, spécialistes de ce sujet,
d’en détaillé les contours. Cette situation, Camara, une jeune femme originaire d’Afriquesubsaharienne, la vit. Elle raconte.
>> Dossier
GINGEMBRE #17
Des jouets. Un très jeune enfant, plein de vie, qui n’hésite
pas à crier pour rester au centre de l’attention des adultes.
Dans le petit logement de dépannage qu’elle occupe tem-
porairement dans la région parisienne, hébergée par une amie,
Camara a beaucoup à faire pour s’occuper de son enfant… et
d’elle aussi. Arrivée en France en octobre 2011, la jeune femme,
originaire d’Afrique subsaharienne, a du fuir son pays. Là-bas, elle
a été contrainte, jeune, à un mariage avec un homme plus âgé.
Elle était à sa merci et la situation s’est dramatiquement compli-
quée lorsqu’il a commencé à la frapper alors qu’elle était à trois
mois de grossesse. C’est dans son pays qu’elle découvre sa séro-
positivité, elle démarre un traitement. "Je prenais le traitement au
pays pour le sauver", explique-t-elle, évoquant son enfant. Pas
d’autre choix pour elle que de partir, de s’éloigner de ce mari vio-
lent qu’elle craint si elle reste au pays. Le suivi médical, elle le
poursuit en France. Son bébé nait par césarienne et va bien. Mais
en France la situation n’est pas simple pour la jeune femme, elle
démarre une procédure de demande d’asile et trouve une place
dans un CADA (Centre d'accueil des demandeurs d'asile). Fragile,
Camara a des problèmes de santé ; elle se remet mal de son éloi-
gnement, des conditions de son départ contraint. "Le médecin
m’a dit que j’avais aussi un problème de diabète. Cela me per-
turbe. Le médecin me dit qu’il ne comprend pas les résultats, que
ce n’est pas normal", explique-t-elle.
Elle juge trop risqué de miser son avenir et celui de son enfant sur
l’unique décision de l’OFPRA (1), c’est long et incertain. Elle sou-
haite, en parallèle de sa demande d’asile, lancer une demande de
carte de séjour pour raison de santé.Mais cela s’avère compliqué
et la préfecture n’est pas coopérative. La résidence dans le CADA
a ses limites. Les conditions d’hébergement pour une jeune
femme dont la santé est fragile ayant un très jeune enfant ne sont
pas adaptées, pas compatibles avec son état de santé, pas
idéales pour la conservation des traitements et leur prise. Elle
demande donc à pouvoir quitter le CADA pour être hébergée ail-
leurs, une autorisation lui est accordée… mais ce n’est que du
temporaire. Et puis, le CADA lui fait clairement comprendre que
son absence à des "activités obligatoires" ou des absences répé-
tées pourraient conduire le CDA à lui demander de partir. Sa
situation personnelle, sa santé surtout, se dégrade. Pas de
réponse de l’OFPRA, pas d’accès possible à un titre de séjour
pour raison de santé, un enfant né en France, un hébergement
inadapté, aucune aide financière.
Asile, droit au séjour :la santé à quels titres ?
VIII
(1) OFPRA : Office français de protection des réfugiés et apatrides.
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"La première chose que nous apportons à Camara c'est l'écoute,
ça la change beaucoup", explique Papy Tshiala Katumbay de l’as-
sociation Espoir. "Notre rôle est de permettre à cette jeune femme
et à son enfant de trouver un logement adapté, comme un appar-
tement thérapeutique et que sa situation administrative
s’éclaircisse. Nous essayons de l’orienter vers nos partenaires ou
d'autres structures de logement pour des personnes malades. Le
manque des moyens suffisants de ces structures ne permet pas
sa prise en charge, elle est malheureusement comme vous l’avez
trouvée, obligée de se réfugier chez une connaissance car blo-
quée administrativement vu que sa demande d'asile est toujours
en cours", résume Papy.
Pourquoi un tel blocage alors qu’en théorie la possibilité de mener
deux demandes en parallèle est possible ? "Théoriquement, cette
possibilité existe, mais en pratique ce n'est pas possible.
Dans la plupart des cas que je connais, on demande aux per-
sonnes malades de retirer la demande d'asile afin de pouvoir
déposer celle de droit au séjour pour soins à la préfecture car les
deux demandes ne peuvent se faire au même moment. Or, si la
procédure de la demande d'asile s'arrête, la personne malade est
obligée de quitter le CADA qui l'héberge dans les 30 jours. C’est
pourquoi, les personnes malades n'ont pas le choix et préfèrent
rester dans le CADA jusqu'à la fin de la procédure de la demande
d'asile tout simplement par ce que le dossier de titre de séjour
pour soins prend aussi beaucoup de temps", explique Papy. "Qui
peut prendre le risque de perdre le premier logement qu’il a dans
le contexte actuel de manque de logements et la baisse, du fait
d’une réduction des financements, de la prise en charge par les
associations ?", demande-t-il.
IX
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Mener parallèlement une demande de droit d’asile et une demande de droit au séjour pour soinslorsqu'on est séropositif. Est-ce vrai dans la pratique ? Et à quoi faut-il veiller ? Cécile Chaussignand,correspondante Plaidoyer et Démocratie sanitaire, et Clémentine Bonifay-Besson, chargée de missionObservatoires et Plaidoyer, militantes à AIDES, répondent.
Est-il possible demener parallèlementunedemandededroit d’asile et unedemandededroit au séjour pour soins lorsqu'on est séropositif ?Dans la loi, rien n'empêche de faire plusieurs demandes de régu-
larisation en même temps, donc demande d'asile et demande de
droit au séjour pour raison médicale par exemple. En pratique,
on se rend compte que beaucoup de préfectures refusent
d'enregistrer les demandes pour raison médicale tant que les
personnes n'ont pas été déboutées de leur demande d'asile. La
raison invoquée, le plus souvent, est que les personnes sont déjà
régularisées — même s’il s’agit d’une régularisation temporaire
— pendant toute l'instruction de leur demande d'asile.
Avez-vous déjà rencontré ce cas ?Oui, la majorité des personnes qui sont en cours d'instruction
d'une demande d'asile ne sont pas reçues par les préfectures
pour une demande de titre de séjour pour raison médicale.
Quels sont les points de vigilance à avoir ?Lorsqu'on fait une demande d'asile, on bénéficie d'une régulari-
sation au titre de demandeur d'asile. Elle s'accompagne de la
délivrance de l'ATA (Allocation Temporaire d'Attente), d'un mon-
tant de 11,20 euros par jour (soit 336 euros pour un mois de
30 jours) ou d’un hébergement et d’un accompagnement médico-
social en CADA (Centre d'Accueil des Demandeurs d'Asile),
pour la personne et sa famille. Cette démarche permet à la
personne de stabiliser sa présence en France en attendant la
décision, qui prend, en général, environ 6 mois. Toutefois, elle
l'empêche souvent, dans la pratique, de solliciter une autre
demande de titre de séjour. Or, au terme de l'instruction de la
demande d'asile (environ six mois, et s'il y a rejet, jusqu'à deux
ans en cas de recours contentieux auprès de la Cour nationale du
droit d'asile puis du Conseil d'Etat), si la personne se retrouve
déboutée, elle perd le bénéfice de son titre de séjour temporaire,
de son hébergement en CADA (la personne a 30 jours pour
trouver un nouvel hébergement), de l'ATA. Si, entre temps, elle n'a
pas entamé d'autre démarche de régularisation, elle se retrouve
alors dans une situation critique. C'est pourquoi nous conseillons
aux personnes de ne pas attendre la réponse de l'OFPRA (Office
Français pour la Protection des Réfugiés et Apatrides) qui se
prononce sur la demande d’asile pour déposer une demande de
titre de séjour pour raison médicale. D'autant que la demande
pour raison médicale est, elle-même longue, du fait de la double
procédure administrative et médicale.
Y-a-t-il des différences d'un départementà un autre dans le traitement des dossiers ?Pour la demande d'asile, non, puisque c'est l'OFPRA qui gère
l'ensemble des demandes sur le territoire français. On note tou-
tefois des disparités dans le traitement et la délivrance des titres
temporaires de séjours en attente d'une décision de l'OFPRA.
Droit d’asile, droit au séjour,coup double ?
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XIPour les demandes de titre de séjour pour raison médicale, il y a
une forte disparité d'une préfecture à une autre (voir le 1er Rap-
port du droit au séjour pour soins, AIDES, avril 2012). En ce qui
concerne la possibilité de déposer les deux demandes, là encore,
il existe des différences de traitement en fonction des préfectures.
La majorité des situations renseignées dans l'Observatoire des
étrangers malades (AIDES, données janvier 2012) montre que les
préfectures refusent le dépôt de ces doubles demandes. Cepen-
dant, nous ne disposons pas de données sur l'ensemble du
territoire.
Quimonte les dossiers ?Pour la demande d'asile, le dossier se monte en deux temps. En
premier lieu, il faut s'adresser à la préfecture qui va délivrer un
titre de séjour provisoire de un mois et un formulaire à adresser à
l'OFPRA (Office Français pour la Protection des Réfugiés et
Apatrides). Dans les 21 jours suivant la délivrance de ce titre
provisoire, la personne doit fournir à l'OFPRA tous les éléments
destinés à instruire sa demande : récit de vie, tout document
étayant son récit et ses craintes de retour au pays, histoire
personnelle, contexte, répressions subies, conditions de départ
de son pays, etc. C'est ensuite uniquement à l'OFPRA que le
demandeur d'asile a affaire. Dans la pratique, les personnes sont
bien souvent accompagnées dans la constitution de ce dossier
de demande d'asile. Cela, pour plusieurs raisons et par plusieurs
professionnels. D'une part, parce que la procédure et la régle-
mentation ne sont pas toujours très faciles à comprendre pour
des personnes qui viennent d’arriver en France (l’administration
parle de primo-arrivants) et très fragilisées psychologiquement.
Les délais de constitution du dossier sont courts, ainsi que les
délais de recours en cas de refus de l'OFPRA à délivrer l'asile.
D'autre part, parce que la rédaction du "récit de vie" qui consti-
tue une pièce majeure du dossier et sur lequel l'OFPRA va
s'appuyer pour caractériser le besoin d'un asile en France, est une
épreuve douloureuse pour les personnes. Le récit doit détailler au
maximum les violences dont la personne a été victime, et les
conditions dans lesquelles elle est arrivée en France. Les per-
sonnes sont souvent accompagnées par des juristes, des
travailleurs sociaux et des professionnels du champ de la santé
(médecins, psychologues).
Y-a-t-il des risquesde se faire expulser de son CADA ?L'hébergement en CADA n'est possible que durant l'instruction
de sa demande. Si la personne bénéficie d'un autre titre de séjour
durant son hébergement, il est probable que la CADA lui
demande de partir. Par ailleurs, depuis quelques temps, nous
constatons dans plusieurs villes (Marseille, Bordeaux) que les pré-
fectures refusent d'enregistrer les demandes de titre de séjour
pour raison médicale lorsque la personne est hébergée en CADA.
C'est une autre façon de ne pas prendre en compte les doubles
demandes. La raison invoquée est la précarité de l'hébergement
et le fait que, en cas de refus de l'OFPRA, la personne ne sera plus
joignable à cette adresse pour ses démarches avec la préfecture.
Cela contraint les personnes à demander une domiciliation à un
autre endroit, domiciliation majoritairement refusée par les pré-
fectures.
Cette question est-elle traitée dans l’ObservatoiredeAIDES sur les droits des étrangersmalades ?Cette question de la double demande est abordée dans l'étape 3
intitulée "Dépôt de la 1ère demande de carte de séjour temporaire
pour soins", lorsque la personne indique ne pas avoir pu déposer
sa demande. Elle a alors plusieurs choix pour renseigner les rai-
sons de refus d'enregistrement, dont la demande d'asile en cours.
Observatoire EMA sur www.aides.org/ema
Droit au séjourpour soins,AIDES au rapportLe 2ème rapport de l’Observa-
toire étrangers malades de
AIDES (EMA) est sorti. Il fait le
point sur le droit au séjour
pour soins.
Mauvaise nouvelle : la situation
ne s’améliore pas du tout,
malgré l’alternance politique,
au contraire. Dans cette édition 2013, un accent particu-
lier a été mis sur les taxes sur les titres de séjour,
les pratiques qui restreignent l’accès à la carte de résident
pour les étrangers malades, les difficultés particulières en
Guyane et les placements en rétention et les expulsions.
La version électronique du rapportest téléchargeable sur seronet.info
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