27577373 Les Peres Du Desert

Embed Size (px)

Citation preview

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    1/594

    LES PRES DU DSERT

    PAR JEAN BREMOND

    INTRODUCTION PAR HENRI BREMOND

    DE L'ACADMIE FRANAISE

    LES MORALISTES CHRTIENS

    (TEXTES ET COMMENTAIRES)

    DEUXIME DITION

    PARIS

    LIBRAIRIE VICTOR LECOFFRE

    J. GABALDA, diteur

    RUE BONAPARTE, 90

    1927

    LES PRES DU DSERT I

    INTRODUCTION

    Les Sources

    NOTE

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    2/594

    Le plan du recueil.

    Bibliographie.

    Traductions.

    LES PRES DU DSERT

    CHAPITRE PREMIER: PRINCIPES PREMIERS PREMIRES FORMULES

    Les tapes de la vie spirituelle.

    La saintet n'est ni dans les observances ni dans les miracles.

    La bonne intention.

    Fins et moyens dans l'action.

    La puret du coeur

    Tendre ses forces vers le but unique.

    Le dmon avant-coureur.

    La loi naturelle et la loi cre.

    CHAPITRE IILA LUTTE

    1. Raisons et natures du combat.

    Le candidat aux jeux olympiques.Symbolisme de l'habit monastique.

    Rflexions de Cassien.

    Rflexions de Dorothe.

    Rflexions de Climaque.

    Le pch dorigine.

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    3/594

    La loi de la chair.

    Les Pchs capitaux.

    Les vices et les mouvements naturels de l'me.

    Dangers de l'ignorance.

    Ncessit de prvoir les tentations.

    La vie pratique prpare la contemplation.

    Dure de la lutte.

    On porte sa nature au dsert.

    Lassitude et dcouragement.

    Bulletins du combat.

    Lexamen particulier.

    2. Le dmon.

    Les combats d'Antoine.

    Le Compagnon invisible.

    Le Dmon comdien.

    La Fin de l'ge hroque.Le secours proportion de l'attaque.

    L'Arme des anges.

    III. La Grce.

    Ncessit de la grce.

    Appel l'exprience.

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    4/594

    C'est la grce de Dieu qui opre toujours tout le bien en nous.

    Le grand problme.

    Principes au-dessus des controverses.

    Dieu veut sauver tous les hommes.

    Fautes commises par ignorance.

    Prdestination.

    La grce et la prire, cercle mysttieux.

    CHAPITRE III SOLITUDE ET DPOUILLEMENT

    I. Solitude.

    Invitation la vie solitaire.

    Le nouveau Paradis Terrestre.

    Pressante exhortation de Jrme Hliodore.

    Trois renoncements.

    L'attrait du dsert.

    Les Reclus

    Le Silence.Le silence et la lecture pendant les repas.

    Savoir parler propos.

    II. Le dpouillement.

    Dpouillement initial.

    Prvoyance blmable.

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    5/594

    L'hritage du moine trop conome.

    Efficace prdication des pauvres volontaires.

    L'conomie.

    Le travail des mains

    La paresse et l'amour de l'oraison.

    Travail dsintress. Main-d'oeuvre accommodante.

    La pauvret volontaire source d'aumnes.

    CHAPITRE IV. RIGUEURS CORPORELLES

    Les relations entre l'me et le corps.

    La modration.

    L'esprit de fornication.

    Tactiques diverses du dmon de gourmandise; comment lesdjouer.

    La bonne chre et la luxure. Le jene et la libert de l'esprit.

    Galerie de lutteurs hors concours.

    Le Stylite.

    tienne le Lybien.

    Pacme et son matre Palmon (1).

    Znon sur la montagne d'Antioche.

    Hrosme des porteurs de figues.

    La Rgularit.

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    6/594

    La saintet dans les petites choses.

    Les festins des moines.

    CHAPITRE V. L'ASCSE INTIME

    I. Orgueil et vaine gloire.

    Dires des Anciens.

    L'orgueil est le plus capital des lidos.

    Son habilet s'insinuer, se dissimuler, renatre.

    Les divers degrs de l'humilit; celui qui les a monts est arriv la perfection.

    L'orgueilleux trahi par lui-mme.

    L'orgueil svit dans tous les milieux.

    La mortification vicie par la pense qu'elle sera admire.

    A mesure qu'ils s'lvent en vertu, les saints dcouvrent denouvelles raisons de shumlller.

    Recettes pour acqurir l'humilit.

    Celui qui s'estime pcheur accepte les reproches et lesobservations, sans discuter les droits de celui qui les lui adresse.

    Pacme se laisse reprendre par un enfant.

    La vertu se cache.

    L'extrme humilit de l'abb Pynuphe.

    Celui qui pratique la vertu ne se laisse pas arrter par unedifficult thorique.

    La Fuite des dignits.

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    7/594

    Aveu des fautes.

    De l'abb Poemen :

    Du bienheureux Antoine:

    II. Le triomphe sur la superbe : l'obissance.

    Les Pres exigent des commenants l'obissance universelle etabsolue; la pratique de l'obissance est le plus important desexercices qui forment le jeune religieux.

    Les jeunes religieux ne doivent pas juger les anciens ni discuter

    les sentences des suprieurs.

    L'obissance au premier signal.

    L'arbre de l'obissance.

    Autres exemples donns par l'abb Jean.

    Obissance et mpris du monde.Une crmonie au bout de l'an.

    De l'ermitage au monastre.

    Souvenirs de l'abb Dorothe. Le moine qui va dans le mondepar obissance est l'abri des dangers.

    INTRODUCTION

    En guise de prlude, ou de composition de lieu relisons,dans la dlicieuse traduction qu'en a donne le sieur de Saligny, lequel de son vrai nom s'appelait M. Fontaine, celui-l mme quinous a conserv l'Entretien sur Epictte et Montaigne relisons

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    8/594

    une page de Cassi en, n'importe laquelle, ad aperturam libri, carelles sont presque toutes divines, et, si j'ose ainsi m'exprimer,divinement apptissantes. Cor nostrum ardens erat in via, dumloqueretur. Celle-ci, par exemple, qui termine la premire

    Confrence : comme toile de fond, le dsert de Sct; noussommes avec Cassien et son ami Germain, dans la cellule de l'abbMoyse, qui vient de donner une longue interview ces deuxplerins, partis de Palestine pour s'initier la doctrine spirituelleet s'difier aux exemples du dsert. La nuit est dj fort avance.

    A ces mots, le saint vieillard finit son discours, et l'aviditqu'il voyait en nous, et cette application si attentive que nous

    avions l'couter ne le put faire rsoudre nous en diredavantage. Il nous exhorta

    VI

    de fermer un moment les yeux, et de faire un petit sommeil surles mme nattes o nous tions lorsqu'il nous parlait. Il nousdonna pour appuyer notre tte une sorte de chevet dont ils seservent. Ce sont des roseaux ajusts par petites bottes longues etmenues, qui sont environ de pied en pied lies fort doucement.Elles servent de petits siges fort bas lorsque les Solitairess'assemblent et cela leur tient lieu d'escabelles. Ils sont aussiaccoutums de s'en faire leurs chevets durant la nuit, parce quecela y est fort propre, n'tant pas fort dur et tant assezmaniable. Les Solitaires trouvent ce petit meuble trs commode,parce qu'il se fait sans peine et ne cote rien. Il crot de cesroseaux en abondance sur les bords du Nil, et tout le monde enpeut aller couper ce qu'il lui en faut pour son usage sans quepersonne les empche. Ces roseaux ont de plus cet avantage qu'ilsne sont point pesants, mais faciles manier quand il les faut

    remuer et tirer de leur place. Ce fut l que nous nous mmes enfinen tat, selon l'ordre de ce bon vieillard, de prendre un peu derepos. Mais le repos mme nous tait charge, tant, d'une part,

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    9/594

    transports de joie de ce que nous avions entendu, et, de l'autre,tout pleins de l'attente de ce qu'il nous avait promis.

    Si, par impossible, ces quelques lignes n'ont pas suffi vousmettre sous le charme, je n'ose dire vous faire venir l'eau labouche, celles-ci, prologue de la huitime Confrence,achveront de vous enchanter.

    Aprs nous tre acquitts de ce que demandait de nous lasaintet du Dimanche, ceux qui s'taient assembls dans l'glises'tant retirs, nous retournmes dans la cellule du saint vieillardSrnus, qui nous y traita magnifiquement. Car au lieu de

    saumure, dont il se servait

    VII

    d'ordinaire en y mettant une goutte d'huile, il servit ce jour-l

    quelque peu d'une autre liqueur, et versa un peu plus d'huile qu'iln'avait accoutum. Le dessein de ces Solitaires n'est pas detrouver quelque plaisir dans cette goutte d'huile, puisqu'ils lapeuvent peine sentir lorsqu'ils mangent, mais d'viter par l lavanit et l'orgueil qui se glisse insensiblement dans les austritsextraordinaires... Il nous donna outre cela trois olives frites dansle sel, une corbeille o il y avait quelques pois-chiches fricasss,qui sont pour eux comme leur ptisserie. Nous n'en prmes chacun

    que cinq, avec deux prunes et une figue, parce que ce servitcomme un crime dans ce dsert de passer ce nombre. Aprs quenous fmes sortis de table, nous le primes aussitt de se souvenirde la promesse qu'il nous avait faite (de nous expliquer un passagedifficile de saint Paul).

    Si je me suis attard ainsi cette composition de lieu ce n'a pas t pour mettre l'imagination du lecteur en branle, mais

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    10/594

    pour que cette facult importune, ayant reu, ds l'abord, laration dont elle a besoin, se tint dsormais en repos, renonantaux vains plaisirs qu'elle se promettait peut-tre d'une promenadeau dsert, et laissant l'me profonde s'ouvrir une posie plus

    haute. Quelque sduction exotique, que nous lui prtions, lecadre ici ne doit pas nous distraire du tableau. Ce cadre, du reste,il nous faudrait le voir avec les yeux de nos Solitaires. Leur Egypten'tait pas pour eux ce qu'est pour un Parisien la GrandeChartreuse ou pour un Provenal le Mont-Cassin. Partout, dans cepays, le dsert est proche. Quel attrait pouvaient exercer sur leshabitants des bords du grand fleuve ces tendues dsoles, sanseau, sans

    VIII

    vgtation, brles par l'ardeur implacable du soleil? L'ariditcomplte commence brusquement l o n'a pu atteindre le flot del'inondation; la valle cultive est troite, les champs se rduisentparfois une langue de terre entre le cours du Nil et le rocher quiporte le plateau dsertique. L' Egyptien se sent assig, menacpar le mystre du dsert. Quand il s'y aventure, il s'attend voirsurgir d'tranges ennemis, il tend l'oreille des bruits terrifiants.La foi dans le Christ vainqueur mettait sans doute les Solitairesau-dessus de ces impressions pusillanimes; ils s'avanaient

    hardiment dans ces lieux dont les puissances infernales avaientautrefois usurp le domaine. Les quelques images simples, auxcontours prcis, toujours les mmes qui, chemin faisant seglissaient sous leurs paupires brles, ils les retrouvaient l'heure de l'entretien et de la prire, non pas certes pour lessavourer loisir, mais pour se reprsenter plus vivement par ellesles choses de l'me.

    O dsert, je pourrais t'appeler le temple sans limites oDieu rside et se rend visible ses Saints.

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    11/594

    Ne leur prtons pas les sensations rares que vont chercheraux environs de Louqsor ou d'Assouan nos touristes styls par Loti.Aussi bien, rien de plus facile que de mesurer la distance, presqueinfinie, qui spare Fromentin de saint Antoine :

    Ce bienheureux, dit l'abb Isaac, nous l'avons vu souvent siappliqu la prire qu'il arrivait quelquefois que le ravissemento il avait pass la nuit et cette grande ferveur d'esprit o il setrouvait, lui faisait dire au soleil

    IX

    levant : Soleil, que tu m'es importun. Pourquoi m'empches-tu?Il semble que tu ne te lves que pour me drober ma vritablelumire (1).

    Peu de descriptions dans les rcits que nous ont laisssCassien, Pallade, Climaque. Le pittoresque des lacs sals de Nitrien'a pas mu Rufin (2). Il ne parle que des prils de son voyage, desobjets d'horreur et d'effroi qui se prsentent aux regards duplerin. Un peu de fracheur, en dcembre et en janvier, grce

    la rose, cette rose si abondante pendant ces deux mois qu'uncertain Ptolme, lequel d'ailleurs tourna mal, la recueillant surles pierres avec une ponge, en put remplir une quantitd'amphores ciliciennes, provision pour quinze ans, s'il faut encroire Pallade, le puits des pres , quelque citerne saumtre,tant dix-huit milles de l. On nous dit bien, mais comme unechose non commune, que Paul conoit de l'amour pour larsidence que Dieu lui a mnage s et dont saint Jrme nous a

    laiss un tableau trs allchant. u Il y avait l comme un vestibulequ'un palmier avait form de ses branches en les tendant et en

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    12/594

    les entrelaant, il y avait une fontaine claire d'o il sortait unruisseau qui peine commenait-il couler qu'on le voyait seperdre dans un petit trou et tre englouti par la mme terre qui leproduisait. Mais Jrme a vu cela de trs loin, et il a beaucoup

    (1) Cassien, IX, 30

    (2) Cfr. Le Plerinage au Ouadi-Natroun dans le Charme d'Athneset autres essais, par H. J . et A. Bremond, Paris, 1925.

    X

    d'imagination. Dj romantique, et, chose plus inquitante, djromancier. Il recevra, de ce chef, la rcompense fabuleuse qu'ilmritait : son lion, son chapeau de cardinal. Nos vrais guides,

    Cassien, Pallade, Climaque, sont tout ensemble plus srs et plusaustres.

    *

    * *

    Dans un article excellent, mais qui, par bonheur, date dj,le R. P. d'Als dcrivait en 1906, l'immense travail qui se poursuitdepuis une quarantaine d'annes, autour des Moines d'Orient. Lacritique historique, trop souvent oblige de dtruire, crivait-il,ne laisse pas, comme chacun sait, d'difier quelquefois. Pourillustrer cette vrit consolante, on peut citer le mouvementscientifique rcent qui rintgre les Pres du dsert dansl'histoire, d'o l'on avait pu les croire exils. Lorsque, au

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    13/594

    commencement du XVIIe sicle, un prcurseur de Bolland, HerbertRosweyd, recueillait en un volume les Vitae Patrum (et ce fut unvnement), on s'accordait reconnatre dans ces vieux rcits lesouvenir authentique des premiers moines, et le prudent

    Tillemont traitait la littrature rmitique avec le plus sincrerespect. Mais, au dclin du XIXe sicle, un vent de doute soufflasur l'Egypte monastique. Ne le regrettons pas, car ce doute aprovoqu une renaissance d'tudes, et l'opinion un momentdconcerte par le conflit des ides, y a gagn de se reposerdsormais sur des bases inbranlables. Profane moi-mme,peut-tre

    XI

    rendrai-je service aux profanes, en fixant grands traits la courbede ce mouvement, plus actif aujourd'hui que jamais.

    Premire phase : La retraite des moines. Weingarten etLucius, en Allemagne, les reconduisent, tambour battant, hors desfrontires du rel. Mme en Angleterre, cette forteresse duconservatisme, il se trouve de vrais rudits, M. Gwatkin, parexemple, et, qui plus est, de simples vulgarisateurs, commeFarrar, pour ne plus croire l'existence du grand saint Antoine.Quelle n'eut pas t la dtresse de Newman, lui qui jadisconsacrait au Pre des moines deux beaux chapitres dans saChurch of the Fathers, un des livres qui ont le plus aid lapropagande tractarienne! Chez nous, Amlineau se montraitmoins farouche, mais il tendait lui aussi rduire de beaucoupl'autorit des documents grecs, et particulirement de L'HistoireLausiaque, un de nos textes essentiels. D'ici de l, cependant,mme en Allemagne, on proteste contre ce massacre. Autroisime Congrs scientifique international des Catholiques

    (Bruxelles, 1894) le P. H. Delehaye, aujourd'hui prsident desBollandistes, lisait un long et savoureux mmoire sur les stylites.Ce mmoire, soit dit en passant, est devenu un gros livre (Les

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    14/594

    Saints Stylites, Paris, 1923), presque aussi fervent qu'rudit, sifervent mme que le P. Doncoeur a cru ncessaire de jeterquelques gouttes d'eau froide sur l'enthousiasme du grandBollandiste (1). Au fait, on ne voit pas bien le

    (1) Etudes, 20 janvier 1924.

    XII

    P. Doncoeur sur une colonne, le P. Delehaye, du reste, non plus.

    Alors de 1898 1904, clate une offensive imprvue,brillante, bientt victorieuse des troupes conservatrices, menesau succs par deux chefs de premier mrite :Mgr Ladeuze,aujourd'hui recteur de Louvain, et Dom Cuthbert Butler, abb de

    Saint Grgoire de Downside Deux livres epocb-making : dupremier, l'tude sur le Cnobitisme Packomien pendant le IVesicle et la premire moiti du Ve (1898) (1), du second, l'ditioncritique de L'Histoire Lausiaque de Pallade (1898-1904) (2).

    Puis une priode trs riche de haute vulgarisation. C'estd'abord, pour ne citer que des travaux qui soient la porte detous, le lumineux chapitre de Duchesne Les Moines d'Orient

    dans L'Histoire ancienne de l'Eglise (II-1907); en 1910, l'articleCnobitisme de Dom Leclercq (Dictionnaire d'Archologiechrtienne et de Liturgie), deux cents colonnes d'une rudition etd'une verve vertigineuses, et, dans la collection Textes etDocuments, dirige par le trs regrett Paul Lejay et par M.Hemmer, l'dition et la traduction

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    15/594

    (1) Aprs les rsultats dfinitifs acquis par Mgr Ladeuze, lalittrature Pacomienne est reste ouverte aux recherchessavantes. Les travaux de M. Lefort, en particulier, promettentd'importantes dcouvertes.

    (2) Le R. P. d'Als laisse de ct les objections de R. contre lavaleur historique de l'oeuvre Palladienne, dom Butler ayant djrpondu lui-mme, et d'une manire dcisive, ces objections.

    XIII

    de L'Histoire Lausiaque par M. Lucot (1912). je me rappelleencore avec quelle fivre nous dvorions cette adaptation lafranaise, du travail de Dom Butler, avec quelle joie, malgr lelittralisme irritant de la traduction!

    Enfin, de 1916 1923, un rebondissement merveilleux, mais

    aussi un branle-bas qui semble d'abord tout remettre en question,L'Historia monachorum et L'Historia Lausiaca de Reitzenstein(1916), l'tude mmorable, malheureusement posthume, deBousset sur lesApophtegmala Patrum (1923). Dans les recherchesde Science Religieuse (mars-aot 1924), le R. P. Lebreton,Petavius redivivus, nous fait excellemment saisir la vraie portede ces deux uvres. On n'imagine rien de plus passionnant. Lacitation qui va suivre sera un peu longue, mais nous apprendrons,

    chemin faisant, et du plus autoris des critiques, plusieurs chosesqui sont ncessaires la pleine intelligence de notre sujet, et qui,d'une manire ou d'une autre, auraient d figurer dans cetteprface.

    Dans le livre touffu de Reitzenstein, crit le P. Lebreton,remarquons d'abord le chapitre X, intitul Gnostiques etPneumatiques, et qui n'est gure qu'une polmique contreHarnack, il nous aidera saisir l'opposition des principales colesprotestantes dans la question de l'histoire du christianisme, et

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    16/594

    particulirement de l'histoire du monachisme (1). Si le termetait parlementaire,

    (1) L'article du P. d'Als, que nous citions plus haut, a pour objetde faire connatre cette admirable dition.

    XIV

    je n'hsiterais pas dire qu'aucun livre n'a eu sur l'gypte, l'Asieoccidentale et l'Europe une action plus abrutissante(verdummender) que la Vie d'Antoine (par saint Athanase). s Cetexte de Harnack cit avec indignation par Reitzenstein, exprime,sous sa forme la plus vive, la rpulsion du protestant pour lemonachisme; aussi par les historiens de cette cole, l'histoire dumonachisme, comme celle de la liturgie, comme celle du culte en

    gnral, est ddaigne. Reitzenstein s'indigne, et il a raison, maislui-mme ne s'est pas compltement affranchi des vieux prjugsprotestants. Il veut retrouver partout la lutte des spirituels et desvques, de l'Esprit et de l'autorit (1).

    Et puis il apporte son oeuvre les prjugs propres de soncole : toujours en qute de comparaisons, il ne voit gure dansl'ascse et la mystique chrtiennes que les traits qui les

    rapprochent des sectes juives ou paennes s ne prendre ninourriture ni sommeil, avoir des songes et les confondre avec laralit, vivre dans un inonde merveilleux, hant de visions et alemiracles, c'est dj la vie que vivent ou que rvent les hros dePhilon, des pythagoriciens, des gnostiques paen et juifs. Est-ce ltout le monachisme, toute la

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    17/594

    (1) R. remarque cependant que le plus rcent manuel d'histoirede l'glise, qui a pour auteur des historiens trs comptents,Preuschen et Kruger, ne veut rien trouver dans les sources, duneopposition entre le monachisme et l'Eglise (note du P.

    Lebreton); Duchesne non plus et il le dclare expressment plusieurs reprises, n'avait rien trouv de pareil dans lesdocuments.

    XV

    mystique chrtienne? Non, sans doute, et le grand dfaut de celivre est de mettre au premier plan ce qui peut prter le plus l'illusion et ce qui, en tout cas, ne sera jamais, dans la perfectionchrtienne, que l'accessoire. C'est bien certes notre avis, etnous esprons que tout notre livre confirmera le non sans doute catgorique du P. Lebreton, mais pour l'instant soyons la joiede voir M. Reitzenstein, fervent et docile, nos cts, dans lacellule de Paphnuce ou de Poimen, sur le petit meuble deroseaux. Pour que l'absolu mpris que les protestants d'Allemagneprodiguaient jadis au monachisme ait fait place, chez plusieursd'entre eux et des plus notables, un sentiment tout oppos, ilfaut que quelque chose ait chang l-bas, que quelque chosepeut-tre se prpare. Le mouvement d'Oxford n'a pas commencd'une autre faon. Ce n'est pas l, dailleurs, le seul indice que

    nous ayons de cette heureuse transformation (1). Si, comme onvient de nous le rappeler, ils ne brlent pas encore ce qu'ils ontador, du moins semblent-ils la veille d'adorer ce qu'ils ontbrl. La nostalgie du catholicisme les travaille, comme, depuiscent ans, elle ne cesse de travailler l'Angleterre. Qui est avec nosPres du dsert, n'est plus contre nous. Venons maintenant auxgrands travaux de Bousset : je les comparerais volontiers desjets soudains,

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    18/594

    (1) Voir, par exemple, le livre de M. Will, professeur la Facultde thologie protestante de Strasbourg, sur Le Culte (Strasbourg,1915) et, dans ce livre, notamment ce qui est dit sur la messe.

    XVI

    multiples, continus de flammes de bengale clairant jusqu'auxdernires profondeurs de notre sujet.

    *

    * *

    Depuis longtemps, continue le P. Lebreton, Boussettudiait les origines du monachisme. Il laissa en mourant untravail considrable et dj achev sur lesApophtegmata Patrum.G. Krger vient de le publier.

    On sait que sous le nom de Sentences ou Apophtegmes desPres, nous possdons un recueil de propos et de traits attribusaux moines gyptiens de Sct. Ce recueil dont le fond est

    unique, a revtu des formes trs diverses par exemple le recueildes Verba Seniorum dans les Vitae Patrum de Rosweid...Collections dites, recueils manuscrits toute une littratureconsidrable et encore mal explore. D'o l'immense travail quis'impose, de classification et d'analyse, travail que Bousset lui-mme ne pouvait avoir la prtention d'achever, mais dont il a fait et splendidement une grande partie.

    ... De cette tude minutieuse se dgagent des conclusionsintressantes. La tradition consigne dans ces recueils est latradition de Sct, les moines qu'elle nous fait connatre ont vcu

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    19/594

    entre le milieu du IVe sicle et le milieu du Ve, l'abb Poimen etson cole semblent en avoir t la source principale. Transmisd'abord oralement,

    XVII

    ces apophtegmes ont t bientt consigns par crit, on trouvedj un court recueil d'apophtegmes chez Evagre (mort vers 400),l'auteur de L'Histoire Lausiaque s'est servi de relations crites, et

    Cassien de mme. Ce qui suit est d'une importance capitale : jevoudrais pouvoir en souligner tous les mots. A quoi bon, du reste,pour peu que l'on soit n critique; nascuntur, en effet, critici,comme les potes. Eh! toute critique n'est-elle pas posie? onne lira pas sans un battement de cur ce gnial rsum d'unsystme incomparable.

    L'origine orale et toute populaire de cette tradition a

    marqu son empreinte sur ces recueils de sentences; ils ont unevie, une spontanit, un naturel qu'on ne retrouve pas au mmedegr dans les rdactions plus labores d'Athanase ou de Palladeou de Cassien. On y retrouve aussi plus fidlement le caractredes vieux moines : ce ne sont que des fellahs coptes, des illettrs,ils se dfient de l'criture, ils parlent peu, leurs sentences ont unrelief puissant, ce sont des paroles pleines de l'Esprit-Saint, et,comme le dit l'un de leurs disciples, leurs discours sont tranchantscomme des pes ; ils se complaisent dans les paraboles, dans lesanecdotes; point de dissertations dogmatiques, point de sermons,peu de miracles, peu de visions, mais l'expression spontane de lavie profonde du coeur. Ces sentences n'ont pas t dtaches debiographies crites antrieurement, ce sont des fragments isolsqui, peu peu, ont t recueillis. Leur valeur historique est

    XVIII

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    20/594

    grande, du moins si l'on n'y cherche pas des portraits individuels,mais un tableau d'ensemble o se reflte toute la vie monastiquede Sct.

    Cette description la splendide page qu'on vient de lire suggre le souvenir d'un autre recueil, infiniment plus vnrableencore, celui des actions et paroles du Seigneur. Les disciples desPres leur adressent presque toujours la mme question : Dis-moi comment je dois faire mon salut. N'est-ce pas aussi ce quedemandent jsus et le jeune homme riche, et le scribe, et tant

    d'autres? Et, en Galile, plus encore qu' Sct, les sentences sontsi fortement frappes qu'elles se gravent d'elles-mmes dans lecoeur; et on les rpte, et cette tradition orale peu peu prendcorps dans les recueils crits; et dans les deux cas on trouve aussiune transposition semblable de la langue vulgaire, aramenne oucopte, dans la langue littraire, le grec. Ces rapprochements ontt signals par Bousset, et bon droit; ils ne font pas oublier lesgrandes diffrences qui distinguent ces deux groupes de

    mmoires : la catchse apostolique n'tait pas seulement unrecueil de sentences ; elle contenait aussi un rcit de la vie, desmiracles, de la passion et de la rsurrection du Seigneur (1) ; maissi les ressemblances

    (1) Moins incomptent, je demanderais ici au P. Lebreton si, en

    redoublant pour ainsi dire le travail de Bousset, on n'aurait paschance, au moins en de certains cas, de retrouver commecristallises dans l'apophtegme, quelques semences de rcit. Il estsr que, dans les recueils, l'accent est sur l'apophtegme. Mais telde ces apophtegmes, longuement mri et poli dans la mditationde nos vieux moines, c'est parfois, sinon souvent, une rencontre,une occasion, en quelque sorte historique, qui les a fait jaillir.

    XIX

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    21/594

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    22/594

    Entendons-nous bien. On ne veut pas dire qu' l'exceptionde ces parcelles clairsemes, tout soit cuivre dans la littratureproprement dite qui est ne des apophtegmes, par exemple, dansles Confrences de Cassien, chef-d'oeuvre original et sans prix. Il

    ne s'agit pas ici d'une analyse littraire, mais uniquementcritique : il s'agit de retrouver, parmi les lments de cesproductions littraires, l'apport, non pas ncessairement plusprcieux, mais plus vnrable des anciens Pres. Ainsi d'unhistorien de la philosophie qui tcherait de discerner ce quiappartient Socrate dans les dialogues de Platon. Mauvaisecomparaison, du reste. Socrate est un philosophe au sens propredu mot. Sa pense abondante et souple, n'est pas

    indissolublement lie aux multiples formules qui l'expriment. Dansles apophtegmes au contraire, la formule est tout. C'est elle quenous rverions de retrouver telle qu'elle est tombe, un jour,prcde et suivie de silences interminables, cinglante etobscure, oracle plutt que leon, nigme plutt que sentence, deslvres de nos anciens.

    Que ne suis-je savant? J'aurais le droit de chercher au P.

    Lebreton la jolie querelle que voici. L'apophtegme du dsert estpour lui

    XXI

    l'expression spontane de la vie profonde du coeur . Du coeur, merveille, par opposition la raison raisonnante. Mais spontan est-il ici le mot propre? Je croirais plutt unegermination laborieuse et lente. L'apophtegme n'a pas t moinsrumin qu'une maxime de La Rochefoucauld, bien qu'il l'ait td'un autre manire o toute l'me a plus de part que l'esprit. Etnon pas seulement rumin, mais encore poli, repoli, comme ces

    mmes Maximes, ou plutt comme de minuscules pomes. Poursatisfaire ce point les humbles disciples qui les ont recueillies,et pour s'accrocher leur mmoire, ces paroles mmorables ont

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    23/594

    d se plier un certain rythme, se conformer aux rgles d'un artpotique. Pallade nous dit qu'Evagre eut raison des trois tmoinsqui taient venus le tenter, sa sagesse les ayant domins aumoyen de paroles concises dia brakheo logon (p. 278). N'taient-

    ce pas des sortes de vers?

    *

    * *

    Du peu que nous avons dit se dgage assez dj le caractre plusque singulier, l'originalit unique et qui, au premier abord, paratquelque peu dconcertante, des matres du dsert. Une foule demoines sans doctrine propre et proprement dite, sans histoire, laplupart sans lettres et dont l'identit est souvent difficile tablir. Leurs dpositions sont contenues dans des rcits devoyage, des souvenirs d'entretiens, des apophtegmes, des traits

    difiants, tout cela recueilli sans

    XXII

    critique, sans souci des redites et de la monotonie. Quelques-unsdes greffiers ou des rapporteurs, Pallade, Cassien, par exemple,sont connus : penseurs et hommes de lettres que leur air plussavant distingue des simples copistes. Mais ils ne sont tous que destruchements. Ce n'est pas son propre gnie que l'incomparableCassien doit son prestige, mais sa qualit de tmoin, et pourquoireculer devant le mot, d'vangliste.

    Nous savons aujourd'hui qu'il y a chez Cassien un metteur enscne plus discret, d'ailleurs, plus humain, que Saint Jrme; nous

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    24/594

    savons qu'il a beaucoup prt de son fonds aux quelques douzainesd'Abbs qu'il met en scne dans ses confrences, comme a faitsans doute Platon Socrate; mais au lieu que dans les Dialogues,c'est Platon lui-mme que la postrit admire d'abord, dans les

    Confrences, aujourd'hui encore ce sont tous ces chers Abbs,Isaac, Moyse et les autres, que nous croyons qui nous parlent, etque nous voulons qui nous parlent par la bouche de Cassien.

    Lors mme que nous aurions avec eux une conversationdirecte, nous ne distinguerions pas les vieux matres les uns desautres. Ils sont foule. Ce qu'on nous a transmis sous le nom deMacaire pourrait aussi bien avoir t dit par Moyse. On se perd

    aisment dans cette universit aux mille classes, comme l'abbMacaire dans l'uniformit du dsert, aprs que le dmon aescamot les roseaux que le saint homme avait piqus dans lesable, pour lui servir de points de repre, comme les cailloux duPetit Poucet. Il faut renoncer

    XXIII

    caractriser la doctrine de tel matre et distinguer les coles.Telle quelle nanmoins, cette littrature fragmente,impersonnelle, si peu dogmatique a eu l'influence la plus tendue,la plus profonde, et la plus durable sur les moeurs du peuplechrtien, sur la civilisation elle-mme. Les plus grands docteurs sesont forms l'universit du dsert, et les chrtiens d'aujourdhuireoivent encore, bien qu' leur insu, de cette merveilleuseplnitude.

    Aprs la priode des perscutions violentes, quel aurait tle sort de la vertu parmi les paens venus en foule l'Eglise, ettents de garder au lendemain de leur facile conversion, lesmoeurs de la socit o ils continuaient vivre? Quelsaccommodements n'auraient-ils pas admis de la moralevanglique avec l'ancien esprit? Ceux-l seuls, dira-t-on, que

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    25/594

    l'autorit hirarchique aurait approuvs. Sans doute. Mais lesrformes et les transformations de la conscience publique ne sefont pas seulement coups de dcrets et de dogmes. Il fautsurtout crer l'esprit dans lequel s'appliqueront les dcisions de

    l'autorit. Une institution nouvelle, le Dsert, servit alorspuissamment maintenir la pure doctrine morale du Christ, lesprincipes de l'abngation, de l'oubli de soi, de la vraie charit, del'tat de guerre constant avec la chair, et avec ce monde quisurvivait plus sduisant et dangereux la ruine de l'Empireperscuteur.

    Le dsert peupl d'asctes, et de docteurs en asctisme, est un

    fait extraordinaire dans l'histoire

    XXIV

    de la morale. Pour ne pas y reconnatre la marque d'une force

    nouvelle, on a donn des explications qui se dtruisent ens'opposant. En isolant ou en grossissant ou en gnralisantcertaines violences ou bizarreries des Pres, on a cru justifier lesreproches faits l'Evangile d'avoir dsax les lois harmonieuses,l'heureux quilibre que la sagesse antique aurait tablis. Et,d'autre part, s'est leve la prtention d'enlever son originalit ce mouvement enthousiaste et qui dure encore. Les solitairesseraient les hritiers d'une tradition paenne. L'hypothse rsistede moins en moins la vraie critique, mais en vrit, qu'aurait-ongagn si l'on avait enfin prouv que Pacome, Antoine, Amon firentleur noviciat dans quelque temple de Srapis? Ne voit-on pas quela nouveaut merveilleuse, ce n'est pas tant la vieille ide des'isoler du monde, que le monde lui-mme gagn l'attrait decette ide, que le monde l'cole du Dsert? Voil qui estspcifiquement chrtien, plus encore que la pratique de telle ou

    telle vertu, que l'excellence de telle ou telle leon morale. Leschrtiens arrachs la sduction de la civilisation antique et les

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    26/594

    paens attirs, gagns par le spectacle de ces nouvelles arnes,voil ce qui parat humainement inexplicable, voil le miracle.

    C'est qu'aussi bien, nos solitaires jouissent d'un privilgeauquel ne peut prtendre aucune chaire de morale, aucuneuniversit mme populaire . Populaires, au plein sens du mot,ils livrent les enseignements les plus levs aux simples d'esprit,

    XXV

    comme aux favoris de la fortune le secret des disciplines les plussvres. Rien ne limite leur auditoire, ni les distinctions sociales,ni les degrs de culture. Ici, du reste, exemples et doctrine ne sesparent pas : la doctrine est tout entire dans ces vies, mais ellen'en est pas encore dgage. Raisonnable, cette doctrine, certes,mais ceux qui l'enseignent ne l'ont pas encore raisonne, si l'onpeut dire, en la confrontant avec les systmes ennemis. Docetur

    ambulando, ils laborent, en la vivant, la philosophie morale queles scolastiques doivent un jour construire. Avec un minimum deformules, avec grande aisance et souplesse, ils exposent, ouplutt, ils rendent sensibles les principes qui sont la raison deleurs actes, la sagesse pratique et sublime qui se trouve impliquedans leur saintet. Des formules abstraites et gnrales, unesynthse didactique, il faudra bien que l'on y vienne tt ou tard;mais nos moralistes et nos spirituels d'aujourd'hui doiventreconnatre qu'ils trouvent dj auprs de ces primitifs peu prstout ce qui suffit au progrs moral. Nous surprenons mme nosvieux Pres des points de vue o on les croirait conduits par unsaint Bernard, par un Gerson, par un saint Ignace. Modernes unpoint qui nous tonne, ou qui, du moins, nous tonnerait si nousne savions pas que ces fellahs presque anonymes, aussi peusavants que les pcheurs de Galile, ont ptri leur tour et

    faonn pour toujours le monde des mes : il y a moins loin deClimaque Franois de Sales que de Clment d'Alexandrie Cassien

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    27/594

    XXVI

    *

    * *

    Il ne serait pas trs difficile, crit le P. Rousselot dans

    Christus, de donner de la vie au dsert une description bouffonne.Mais quand on cherche prciser quel idal de perfection seproposaient les moines, on est tonn (merveill serait plusjuste) du rle considrable que joue dans leur spiritualit sl'observation psychologique, la sagesse pratique, et, pour tout dired'un mot, le bon sens (1). Pas n'est besoin, en effet, pour lestrouver bouffons, d'tre Flaubert ou Anatole France. Un pieuxvque du XVIIe sicle, Godeau, s'tait dj donn et trs

    gnreusement, ce ridicule, Godeau, ferm deux fois, et comme nain de Julie et comme antimoliniste, au vritable esprit duDsert. L'histoire des Pres du Dsert, crivait-il en 1662,fournit des exemples de pnitence plutt admirables, qu'imitableset qui par les choses extraordinaires qu'elle contient sontdevenues plus propres pour exciter la rise des gens du mondeque pour les toucher et pour les convaincre (2). Au diable lesgens du monde, s'ils n'ont pas assez d'esprit pour trouver jusque

    dans les pages les plus amusantes de cette littrature, unenouvelle raison d'admirer nos Pres, la sret presque infailliblede leurs intuitions

    (1) Christus, p. 804. Tout le chapitre des Pres du Dsert notamment l'loge de Cassien est une des plus belles choses de

    cet admirable livre,

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    28/594

    (2) Les Tableaux de la Pnitence, Paris, 1662, prface.

    XXVII

    religieuses, ce bon sens qui demeure leur qualit matresse, leurhumanit qui devance dj les plus hautes conceptions del'humanisme chrtien.

    De ce qui nous fait le plus rire dans leurs rcits, tes-vous

    bien srs qu'ils n'aient pas ri avant nous?

    En vrit, beaucoup d'histoires de diables, moins qu'on nel'a prtendu, un peu plus cependant que nous ne voudrions, aveccela moins malsaines qu'on ne le croirait d'abord, voire presquetoutes bienfaisantes, puisqu'elles portent en elles-mmes leurantidote infaillible. Combien plus redoutables les leons abstraitesde Jansnius ou de Calvin! Avec ceux-ci, est vou au dsespoir,

    quiconque n'arrive pas sentir que Dieu l'a d'ores et dj rangparmi les lus; avec nos Pres, aucune raison srieuse decraindre. Nul n'a plus vivement ralis que les thologiensconcrets du Dsert, l'impuissance foncire du dmon. Unmatamore, aussi longtemps que notre propre faiblesse ne fait passa force, d'ailleurs toujours phmre. Un aspic dent, disaitl'abb Packon : Un jour que je pensais au suicide, j'ai ramassune de ces petites btes; je me la suis applique, gueule ouverte,

    au bon endroit, et elle n'a mme pas su me mordre (1). Levaccin anti-diabolique est offert tous. Chez l'abb Moyse, il a sibien pris, dit Pallade, que nous craignons les mouches plus quelui les dmons ... Mais la dfensive ne suffit pas. Il y a un autredon, un don d'offensive et galement la porte du plus chtif,bien

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    29/594

    (1) Pallade-Lucot, p. 184. Traduction libre, le grec de Palladebrave parfois l'honntet.

    XXVIII

    que Macaire le jeune en ait t plus copieusement pourvu quepersonne : Le don de conspuer les dmons , kataptuein (1). Ledmon, tte de Turc, ou pour observer la couleur locale, tted'Ethiopien, mme dans leurs visions les plus pouvantables,

    cette plaisante imagination n'est jamais tout fait absente (2).C'est l'humour du Dsert, que le Moyen Age n'aura garde de renier,et qui en vaut bien un autre, commencer par celui de Swift (3).Notez, du reste, que cet humour jaillit, pour ainsi parler, d'unevritable mtaphysique, dj consciente et nettement formule.A lutter contre le diable et contre les pchs capitaux, ils avaientappris, par surcrot, l'art de penser. Pour quelques rcits dontnous nous serions volontiers passs, tous leurs cauchemarsdiaboliques nous ont valu une dmonologie admirable, presque detous points, et que la thologie savante de l'avenir ne pourra quefaire sienne (4). Tirer la langue

    (1) Pallade-Lucot, p. 151. Dans la liturgie grecque le candidat aubaptme est invit cracher sur le dmon.

    (2) Dans les Pres de la bonne poque, les diables ne sont pasencore les monstres qu'imaginera le Moyen. Age. Le plus affreuxdont Cassien ait entendu parler avait l'apparence d'un Ethiopiennoir et hideux.., qui lanait des flches de feu . Coll. II, 12. Lespeintres flamands de la Tentation de saint Antoine peuventnanmoins s'autoriser du tmoignage de Pallade, p. 105.

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    30/594

    (3) Cf. une des dernires paroles du grand vque de Birmingham,Mgr Ullathorne : Le diable est un ne (The deuil is an ass). Vied'Ullathorne, par Dom Butler, Londres, 1926.

    (4) Je ne veux pas m'aventurer sur un terrain qui n'est pas le mien,mais je crois avoir lu en plus d'un endroit que notre Cassien est lepremier qui ait nettement propos la thologie de l'ange gardien.

    XXIX

    aux dmons, lui faire les cornes, le narguer de mille manires,cette leon purile et concrte ne serait pas dj ngligeable,mais combien plus prcieuse la doctrine proprement dite quiprside de tels jeux, le beau dogme, veux-je dire, del'impntrabilit de l'me profonde, la certitude qu'il ne tient qu'nous de cacher aux dmons nos derniers secrets. L'abb Srnus,le bien nomm, fait l-dessus, dans Cassien ces rflexions

    mmorables :

    Tout le monde demeure d'accord, dit-il, que les espritsimpurs ne peuvent savoir nos penses; mais qu'ils les connaissentseulement par des conjectures prises du dehors (1) : c'est--direpar la disposition dans laquelle ils nous voient par nos paroles, et

    par les choses o ils remarquent que se portent nos inclinations etnos dsirs. Pour ce qui est de celles qui sont encore toutesintrieures, et dont il n'est rien pass au dehors, ils ne les peuventconnatre en aucune sorte. Ce n'est pas mme par ce qui se passedans le fond de nos mes qu'ils dcouvrent le succs des pensesqu'ils nous ont inspires... ; ce n'est encore que par le dehors etpar les mouvements de l'homme extrieur qu'ils le conjecturent.Comme si, par exemple, ayant tent un religieux d'intemprance,ils remarquent ensuite que ce solitaire met souvent la tte lafentre, et regarde souvent le soleil

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    31/594

    (1) Pour nos Pres, il faut bien que je l'avoue, la raison dernirede cette impuissance est que les dmons ne sont pas de pursesprits : s'ils ne peuvent entrer chez nous, c'est qu'ils tranentavec eux une guenille charnelle. La thologie corrigera cetteerreur, mais sans toucher l'heureuse con squence qu'ils entiraient. Ils avaient nanmoins dj sur les puissances spirituellesdes ides beaucoup moins grossires que celles qu'enseignait legrand Origne.

    XXX

    pour en juger quelle heure il est, ou qu'il demande avecempressement s'il se fait tard, ils reconnaissent que le dsir de

    l'intemprance a fait quelque impression dans son me.

    Or, pour en deviner si long, pas n'est besoin d'avoir dugnie.

    Et ce n'est pas une chose plus extraordinaire que de pursesprits puissent reconnatre ces choses, puisque les hommes sages(et d'une clairvoyance moyenne) les connaissent et jugent tous lesjours de ce qui ce passe dans notre me par le geste et lacontenance extrieure du corps, et par tous les changements quiparaissent sur le visage (1).

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    32/594

    Tout cela n'est pas que charmant de finesse et debonhomie. C'est dj la thorie des mystiques sur cette finepointe de l'me o seules pntrent les touches de Dieu : c'est laparabole Claudellienne d'Animus et d'Anima : Animus ayant un

    commerce perptuel avec les sens, le diable, force de guetterles mouvements de ceux-ci, arrive deviner les dcisions de celui-l : Anima lui reste invinciblement ferme (2).

    (1) Cassien, Coll. VII, 15. Suit la comparaison ingnieuse desdmons qui tchent de savoir ce qui se passe dans notre coeur,

    avec des voleurs qui tchent de dcouvrir durant la nuit ce qu'il ya dans les coffres de ceux qu'ils volent.

    (2) Bien entendu, ils ne dessineraient pas tous avec l'exactitude deCassien, cette carte mystique de l'me. Comme de tant d'autreschoses, ils n'ont de celle-ci qu'une apprhension concrte, audemeurant d'une extrme vivacit. Cf. les cas de ddoublementchez Pallade : un passant qui lui reproche de se charger

    inutilement de lourds fardeaux, Macaire rpond : J'corche celuiqui m'corche... (p. 137). Tout seul l'Intrieur de sa cellule,arriv vers les cent ans dj, et ayant perdu ses dents, il luttaitcontre lui-mme et contre le diable, et disait en s'injuriant lui-mme : Que veux-tu, mauvais vieillard... Et comme enfredonnant, il se disait lui-mme : Ici, goinfre aux cheveuxblancs, jusques quand donc serais-je avec toi?

    XXXI

    *

    * *

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    33/594

    Leurs histoires de btes ne peuvent vraiment causer la moindrepeine un esprit bien fait. Si nous ne les trouvions pas dans latradition dsertique, il faudrait les inventer. On n'imagine pas undsert srieux sans quelques lions. Leurs promenades d'ailleurs

    discrtes sur le devant de la scne et leurs rugissements lointainsrappellent aux intelligences paresseuses que nos athltes nevivaient pas dans les mmes conditions que nous, et que, de cechef, ils sont parfois plus admirables qu'imitables, selon laprofonde remarque d'Ernest Hello. Et quand la lgende aurait d'icide l dramatis quelque peu ces souvenirs pittoresques, y aurait-ill de quoi se lamenter? Aussi bien, pourquoi ces deux honnteslions n'auraient-ils pas rendu la dpouille de Paul l'ermite les

    petits services que l'on sait? Leurs arrire-penses nouschappent, mais pour ignorer que les fauves sont d'excellentsfossoyeurs, il faut n'avoir jamais vu de chats qu'empaills. Et puisle Dsert n'est pas une mnagerie, pas mme un jardin desPlantes. Il ressemblerait plutt aux environs du

    XXXII

    Paradis terrestre, pendant les semaines qui suivirentimmdiatement le premier pch, alors que de part et d'autre, onn'avait pas encore dsappris de vivre en bonne amiti. Un mmepaysage ras-semble les hros de ces histoires. On se voit tous les

    jours, de prs ou de loin, on se rencontre sans tonnement etmme sans une motion trop vive. Les petits paysans ne prennentpas la fuite lorsque le taureau vient passer, ils vont pieds nusparmi les cailloux o la vipre hume tranquillement le soleil. Delions moines, des accords tacites rglent les relationsordinaires : chacun y mettra du sien, le lion ne mangeant le moineque lorsqu'il ne peut pas faire autrement, le moine permettant aulion l'accs de son puits. Echange de bons procds, et mme

    parfois de rafrachissements.

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    34/594

    Voici, par exemple, quelques lignes de Pallade sur Macaired'Alexandrie.

    Celui-ci allait mourir de soif, lorsque apparut une troupe debubales, dont une femelle qui tranait son petit et qui s'arrta.Car ils sont frquents dans ces endroits-l. Et alors il disait que samamelle ruisselait de lait. S'tant donc mis dessous (Gpeiselthonoun, ce oun est dlicieux, et en effet, quoi de plus simple) etayant tt, il fut satisfait. Et la bubale vint jusqu' sa cellule,l'allaitant, lui, mais ne recevant pas son petit.

    A part ce dernier trait et encore l'excellente bte pouvaitavoir des raisons que nous ne connaissons pas (1) tout cela nesemble pas si merveilleux. Ce qui suit l'est encore moins.

    (1) On dit communment dans les Pyrnes que la vache, une foistte par une couleuvre, repousse nergiquement les approchesde son propre veau, soit qu'elle craigne la gloutonnerie beaucoupplus brusque de celui Yeti, soit pour un autre motif.

    XXXIII

    Une autre fois encore, creusant un puits prs de rejetonsde sarments, il fut mordu par un aspic, animal capable de causerla mort. L'ayant alors saisi de ses deux mains, et l'ayant matris

    par les mchoires, il le mit en pices en disant :

    Dieu ne t'ayantpas envoy, comment as-tu os venir (1) ?

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    35/594

    Le malheureux Packon, hant par ses penses de suicide, secouche tout nu dans une caverne de hynes. Le soir venu, lafamille, mle et femelle, rentre la maison ; ils aperoivent cevisiteur inattendu, Je flairent de la tte aux pieds, le lchent,puis ils pensent autre chose. Quoi encore de plus naturel? Lesfauves les plus froces ne se trouvent pas toujours en posture defrocit. Eh! l'homme lui-mme.... Mais finissons par la plustypique, la plus lgendaire, j'en ai peur, aux yeux de certains, et mon sens, la moins invraisemblable, la plus vridique de noshistoires.

    Paphnuce, son disciple, nous racontait qu'un jour unehyne, ayant pris son petit qui tait aveugle l'apporta Macaire,et, ayant heurt de la tte la porte de la clture, elle entra, luitant assis dehors, et elle jeta ses pieds le petit. Alors, le saintl'ayant pris, et lui ayant crach sur les yeux, fit une prire, et sur-

    le-champ il recouvra la vue. Et la mre, l'ayant allait et pris, s'enalla. Et le lendemain, elle a apport au saint une toison de grandebrebis. Et ainsi la bienheureuse Mlanie m'a dit ceci: C'est deMacaire que j'ai reu cette

    (1) Pallade-Lucot, pp. 126, 127.

    XXXIV

    toison-l en prsent d'hospitalit. Et quoi d'tonnant. Celui qui aadouci les lions par Daniel a rendu intelligente aussi (non, a

    humanis aussi) la hyne (1) ?

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    36/594

    Si c'est l une lgende, on pourra douter de tout. Commeauteur et tmoin, Macaire, un vrai saint; comme greffier Pallade,la probit mme; entre les deux, Paphnuce et Mlanie, lesquelsd'ailleurs n'ont pu se donner le mot; Macaire leur a racont

    l'aventure en leur montrant la peau de mouton. Miracle ou non,peu importe. Et quand, par impossible, tout cela ne serait qu'unefable, en connaissez-vous une seule qui soit aussi bienfaisanteparmi toutes celles de La Fontaine?

    La fable, la voici, deux sicles plus tard, avec son attirail

    saugrenu qui nous oblige tre sceptiques :

    L'abb Jean Le Romain, disciple de l'admirable Jean leSabate, me racontait ce qui suit.., Un porc-pic femelle apportaun jour son petit qui tait aveugle, elle le tenait dans sa gueule etle dposa au pied du vieillard. Le saint, voyant qu'il tait aveuglecracha terre, fit de la boue, en frotta ses yeux et aussitt ilrecouvra la vue. La mre s'approchant baisa la trace des pieds duvieillard, puis prenant son petit qui marchait, elle s'en alla enbondissant. Or voil que le lendemain, la mre apporta dans sagueule un gros chou qu'elle tranait grand'peine, et le saint luidit en souriant : D'o apportes-tu cela? Tu l'as sans doute voldans le jardin des Pres; je ne mange pas ce qui a t vol. Vadonc, et reporte-le o tu l'as pris. Et l'animal, comme s'il avaithonte, prit le chou et lereporta dans le jardin d'o il l'avaitenlev (2).

    (1) Pallade, 139, 141.

    (2) F. Nau, Les Rcits indits du moine Anastase, Paris, 1903, II,20, 21.

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    37/594

    XXXV

    La distance de la peau de mouton cet affreux chou, c'estla distance mme de la vrit au mensonge; pour ce moinepuritain et sermonneur, on voit bien qu'il a lu Pallade, mais onvoit encore plus clairement qu'il ne l'a pas compris, tant il est vraique pour savourer l'Evangliaire du dsert, il faut n'avoir pasperdu, ou du moins avoir retrouv, l'esprit des enfants.

    *

    * *

    Jusqu' la fin de l'ancien rgime (1) ils n'ont pas moinsenchant les plus beaux gnies que les mes simples. Saint

    Franois de Sales s'panouit deux fois quand il les voque dans lesEntretiens d'Annecy. Le disciple et le biographe de saint Thomasd'Aquin, Guillaume de Tocco, nous

    (1) A toutes les poques on voit les grands spirituels sousl'influence directe des Pres du dsert. Pour donner une ide de

    leur popularit, il n'y aurait qu' noter les auteurs ou les saints quin'ont pas profit de leur lecture. Citons cependant la demande dujeune Vianney crivant une famille d'Ecully : Envoyez-moi lesVies des Pres du dsert! Curieux rapprochement : vers lamme poque Snancour crivait au bibliothcaire Van Pratt : Je fais remettre la bibliothque les trois volumes des Vies desPres du dsert. Cfr. Andr Monglond, Vies Prromantiques,Paris, 924,p. 1 27. Dans la 1re dition du roman

    autobiographique d'Arthur, par Ulric Guttinguer, plus de centpages taient consacres des citations des Pres du Dsert, que

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    38/594

    Sainte-Beuve avait fait lire Guttinguer. Cf. la rdition d'Arthurdans la Bibliothque romantique, Paris, 1925, et L'histoire et leroman d'une conversion. Alric Guttinguer et Sainte-Beuve, parHenri Bremond, Paris, 1925.

    XXXVI

    apprend que son matre lisait chaque jour quelques pages desConfrences de Cassien. Par cette lecture, disait le saint

    docteur, je renouvelle ma dvotion, aprs quoi je m'lve plusfacilement aux spculations doctrinales. A ceux qui mprisentnos Pres, ou mme simplement ceux qui parlent d'eux sansamiti, soyez sr qu'il manque quelque chose : aux premiers,l'instinct catholique, aux autres, l'imagination ou l'esprit. Il y aparmi les enfants, de prcoces rationalistes qui ne gotent ni lesMille et une nuits, ni mme Robinson Cruso. Il est vrai que sinous rencontrions aujourd'hui Paphnuce ou Macaire, sur les bordsdu Nil, d'abord ils nous feraient peur, mais les suivre, lescouter, cette premire impression se dissipe aussitt. Rien deplus humain, en vrit, que ces croquemitaines de l'ascse, sij'ose ainsi m'exprimer. Hello, qui passe avec une aisancedsolante, du sublime l'enfantillage, ne les a vus que faroucheset inimitables. Entre les hommes d'alors et les hommesd'aujourd'hui, crit-il, la diffrence est norme. Moeurs,

    habitudes, temprament, physique, tout a chang. La nature denos tentations n'est plus la mme. Les remdes ont chang commel'tat des malades; mais nous ne devons pas plus nous tonner desrigueurs de nos Pres que de leur force physique ou des armuresqu'ils portaient. Il n'a donc pas su lire Climaque, Pallade etCassien. Il n'a pas su voir, par exemple, que ce qui aujourd'huinous tonne et nous pouvante, dans ces prouesses d'austritqu'on nous raconte, tonnait dj et pouvantait

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    39/594

    XXXVII

    les tmoins eux-mmes de ces prouesses, et au point de lesirriter. L'aventure de Macaire d'Alexandrie, le recordman dudsert, comme l'appelle Dom Butler, nous le montre bien :

    Ayant entendu dire que les Tabennsiotes ont unemagnifique rgle de vie, il changea de vtements et, ayant prisl'habit sculier d'un ouvrier, il monta en quinze jours la

    Thbade... tant venu dans le lieu d'ascse des Tabennsiotes, ildemanda leur archimandrite, du nom de Pakhome, personnagetrs expriment et qui avait un don de prophtie, mais qui nefut pas rvle l'identit de ce visiteur. S'tant donc trouv en saprsence, il lui dit : Je te prie, reois-moi dans tonmonastre.... Pakhome dit : Tu es bien vieux et il n'est plustemps pour toi de te mettre l'asctisme. Les frres sont desasctes, tu ne supporterais pas leurs exercices; nous tescandaliserions bientt et tu partirais en nous maudissant. Et ilne le reut ni le premier, ni le second jour, ni de toute lasemaine. Mais, Macaire eut de la constance, et ayant gard lejene pendant tout ce temps, il revint la charge. Reois-moi,abb, et si, d'aventure, je ne puis les imiter ni dans leurs jenesni dans leurs exercices, ordonne que je sois jet dehors.

    Bref, on l'accepta. Puis, quelque temps de l, le carmeayant commenc,

    il observa les pratiques diffrentes des moines : l'un ne mangeantque le soir,... l'autre au bout de cinq jours, un autre encore

    demeurant debout toute la nuit, mais s'asseyant durant lajourne.

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    40/594

    A cette fois, il les tenait.

    Alors ayant fait tremper des feuilles de palmier en

    XXXVIII

    quantit, il se tint debout en un coin (oh! en vidence), et jusqu'ce que les quarante jours fussent achevs et que Piques ft arriv,il ne toucha ni du pain, ni de l'eau, il ne flchit pas une fois legenou ni ne se coucha, ne prenant rien du reste, hormis quelquesfeuilles de chou, et cela le dimanche seulement, et pour sedonner l'air de manger. Si parfois il sortait pour ses besoins, ilrentrait aussitt, sans avoir dit un mot personne, sans avoir

    ouvert la bouche, toujours debout, en silence.

    Humilis, exasprs par ce spectacle, les moines viennentfaire une scne Pacme. D'o nous as-tu sorti, pour notrehonte, cet homme qui n'a dj plus de corps? Chasse-le ou c'estnous qui partirons. Pacme, qui ne s'tait dout de rien,

    vaquant ses propres pnitences, sans s'occuper de cellesd'autrui, dtail charmant et plein de leons, une fois mis aucourant

    pria Dieu, afin qu'il lui ft rvl qui tait cet hommeextraordinaire. Cela lui fut donc rvl. Alors, l'ayant pris par la

    main, il l'amne dans la maison de prire o tait l'autel, et il luidit : Allons, beau vieillard : Tu es Macaire et tu t'es cach demoi. Depuis tant d'annes que j'aspirais te voir! Merci! d'avoir.

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    41/594

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    42/594

    marmite, et s'il manque du sel ou un des assaisonnements, je l'ymets et assaisonne, aprs quoi, j'avale le tout. Tel est monpiscopat, c'est la gourmandise qui m'a ordonn. Il me dit avecun sourire : Quitte les plaisanteries. Tu seras ordonn vque

    pour de bon... (Lucot, p. 243). Entre nous, il n'tait pas peu fierde cegood joke, et il a d le resservir quelques centaines de fois.Inutile d'ajouter qu'ici encore je me suis permis quelques libertsdans la traduction.

    XXXIX

    Hello frmit. Quarante jours immobile, silencieux, regarder pour toute nourriture, trois feuilles de chou! Prenez doncl'esprit du Dsert,

    XLI

    comprenez que le vrai hros de cette aventure, c'est Pacme etnon Macaire. Les folles prouesses qu'on nous raconte sont enfonction, si l'on peut dire, de l'apophtegme qu'elles ont provoqu,et qui les juge, les met au point. Au lieu de Tu nous as

    suffisamment difis , que n'ai-je os traduire : On t'a assezvu! Pacme n'a vraiment souci que de l'intrieur. Pour lui le tortde ses frres n'est pas l'impossibilit o ils se trouvent d'galerl'ascte prodige; il est uniquement dans les sentiments d'envie,puis de colre et de dsespoir o les plonge le spectacle de ces performances . Pour Macaire, s'il n'a garde de le condamner, il nele loue pas non plus. Il le regarde avec un sourire qui en dit assezlong. A la place de Macaire, il me semble que je serais sorti de

    l'glise, moins triomphant qu'il n'y est entr. En tous cas Macaire

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    43/594

    parti, Pacme ne changera rien, ni ses pratiques personnelles, ni ses leons.

    Non, ce n'tait pas si terrible. Disons plutt qu'alors commeaujourd'hui il n'y avait de vraiment terrible que le combatspirituel, la lutte contre des passions qui n'ont pas chang, quoique prtende Hello, l'effort, vers cette charit parfaite dontl'Evangile et saint Paul ont fix, une fois pour toutes, leprogramme. Menu, logement, exercices de mortification, tout cedtail indispensable au pittoresque de nos rcits et , leur posiede surface, n'a de valeur profonde et durable que symbolique. Uneautre page classique de Pallade nous conduit par un chemin

    diffrent la mme conclusion;

    XLI

    c'est l'histoire de Paul le Simple, ce bon vieillard qui, ayant ralis

    vivement le nant des choses humaines, s'en dtache commenaturellement , crit Dom Quentin, et se trouve ds ses premierspas dans l'asctisme, au niveau des moines les plus hroques. Jem'en tiens la traduction littrale de M. Lucot, lgrementmodifie par Dom Quentin :

    Paul, un paysan cultivateur, excessivement simple et sansmalice, fut uni une femme trs belle, mais dprave dans sesmoeurs, laquelle lui tacha ses fautes pendant trs longtemps.Donc, tant revenu soudain d'un champ, Paul les surprit, laProvidence le guidant vers ce qui devait lui tre avantageux. Et,s'tant mis tire discrtement, il les apostrophe et dit : C'estbien, c'est bien. En vrit je n'en ai pas de souci. Par Jsus, je nela prends plus. Va, garde-la ainsi que ses petits enfants, car moije me retire et je me fais moine. s Et n'ayant rien dit personne,il se hte de remonter huit relais, s'en va vers le bienheureux

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    44/594

    Antoine et frappe la porte. Antoine sort et l'interroge : Queveux-tu ? Il lui dit : Je veux devenir moine. Antoine rpondet lui dit : Nomme vieux de soixante ans, tu ne peux pas devenirmoine ici : va plutt au village, travaille et vis une vie d'ouvrier en

    rendant grce Dieu, car tu n'es pas capable de supporter lestribulations du dsert. Le vieillard rpond de nouveau et dit : Si tu m'enseignes quelque chose, je le fais. Antoine lui dit : Jet'al dit que tu es vieux et que tu n'es plus capable. Si tu veuxabsolument devenir moine, va-t'en dans une communaut o lesfrres sont nombreux et pourront supporter ta faiblesse, car moi,je rside seul ici et je ne mange que totales cinq jours lorsque lafaim m'y oblige. Par ces paroles et d'autres semblables, il

    cartait Paul; et comme il ne voulait pas le recevoir, aprs avoirferm

    XLIII

    la porte, il ne sortit pas pendant trois jours cause de lui, mmepour ses besoins. Mais Paul ne se retira pas. Or, le quatrime jour,les besoins l'y forant, Antoine sortit et dit de nouveau : Va-t'end'ici, vieillard. Pourquoi essaies-tu de la pression sur moi ? Tu nepeux pas rester ici. Paul lui dit : Il m'est impossible de mourirailleurs qu'ici. Alors, Antoine l'ayant considr et ayant vu qu'ilne portait pas de quoi se nourrir, ni pain ni eau, et qu'il y avait

    quatre jours qu'il tenait bon jeun : De peur, dit-il, qu'il nemeure et n'entache mon me s, et il l'admet. Or, Antoine adoptaen ces jours-l un rgime comme jamais il n'en avait suivi, mmedans sa jeunesse. Et ayant tremp des feuilles de palmier, il luidit : Prends, tresse de la corde tout comme moi. Le vieillarden tresse jusqu' none, quinze brasses, et il se donna de la peine.Antoine regarde alors, fait le mcontent et lui dit : Tu as maltress : dfais, et tresse depuis le commencement. Quoique

    Paul ft jeun et g, il lui imposa cette tche rebutante, afinque le vieillard impatient prt la fuite, mais Paul dfit et de

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    45/594

    nouveau tressa les mmes feuilles quoiqu'elles fussent plusdifficiles manier, parce qu'elles taient rides. Or, Antoine nel'ayant vu ni murmurer, ni se dcourager, ni s'indigner, fut touchde compassion. Et le soleil ayant baiss, il lui dit : Veux-tu que

    nous mangions un morceau de pain? Paul lui dit : Comme il teplat, abb. Et cela flchit de nouveau Antoine, de voir qu'iln'accourait pas avec ardeur l'annonce de la nourriture, mais qu'ilen rejetait sur lui la facult. Ayant donc mis la table, il apportedes pains. Et Antoine ayant pes les pains biscuits raison de sixonces chacun, il en trempa un pour lui-mme, car ils taient secs,et trois pour Paul. Et Antoine entonne le psaume qu'il savait, etl'ayant psalmodi douze fois, il fit une prire douze fois, afin

    d'prouver Paul. Mais celui-ci de son ct s'unissait avec ardeur la prire, car, ce que je pense,

    XLIII

    il et prfr patre des scorpions plutt que de vivre avec unefemme adultre. Cependant, aprs les douze prires, le soir tantavanc, ils s'assirent pour manger. Or, Antoine ayant mang l'undes biscuits, ne toucha pas un autre. Mais le vieillard, quimangeait plus lentement, en tait encore son petit biscuit.Antoine attendait qu'il et fini, et il lui dit : Mange, petit pre,encore un autre biscuit. Paul lui dit : Dans le cas o tu en

    manges, je le fais aussi; mais si tu ne manges pas, je ne mangepas non plus. Antoine lui dit : Cela me suffit, car je suismoine. Paul lui dit : Il me suffit galement, car moi aussi jeveux devenir moine. Antoine se lve, et fait douze prires etpsalmodie douze psaumes; il dort un peu du premier sommeil, etde nouveau s'veille pour psalmodier au milieu de la nuit jusqu'aujour. Alors, comme il voyait que le vieillard l'avait suivi avecardeur dans son rgime, il lui dit : Si tu peux ainsi jour par jour,

    reste avec moi. Paul lui dit : En vrit, si parfois il arrive qu'ily ait quelque chose de plus, je ne sais pas; mais ce que j'ai vu, je

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    46/594

    le fais bien dextrement. Le jour suivant Antoine lui dit ; Voicique tu es devenu moine.

    Telle est la vocation, conclut Dom Quentin : un premierrenoncement. Le simple et beau rcit de Panade nous fait voirque la vie de l'anachorte tait la suite logique de ce premier pas. Logique sans doute, mais aussi facile. C'est du moins l'impressionque nous laissent plusieurs de ces vieilles histoires; de l vient, engrande partie peut-tre, leur trange sduction.

    On croirait que vraiment il n'en cote rien, que le premiervenu en ferait autant. Possunt quia posse videntur. Tertullienparle d'mes naturellement chrtiennes. A en, juger par leprodigieux succs

    XLIV

    de la littrature dsertique, beaucoup d'mes seraient aussinaturellement monacales.

    Pour nous apprivoiser, du reste, on prend soin de nousrappeler sans cesse que l'ge d'or de l'asctisme est dj pass.Peu de gnrations sparent nos Pres des premiers moines, et

    cependant, on croirait les entendre que les gants j'allais direque les burgraves appartiennent aux temps fabuleux. Non qu'ilsse lamentent sur la dcadence du monde chrtien, comme ferontplus tard les jansnistes; au contraire, ils se rsignentpaisiblement n'tre plus que de pauvres hommes, et ils pensentque, tels qu'ils sont, Dieu saura bien les sanctifier sans exigerd'eux l'impossible. A l'ange qui lui dicte la rgle des cnobites,Pacme fait observer que le rle des prires obligatoires lui parat

    bien peu charg. Et l'ange, qu'on dirait qui a lu l'Introduction lavie dvote, de rpondre : Mais, bien entendu; c'est l

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    47/594

    prcisment ce que je veux. Eh! ne faut-il-pas que les petits,tous mikrous, viennent au bout des obligations communes, sanstre dsols ou accabls. Les parfaits se tireront bien d'affaire; ilsn'ont pas besoin de rgles. Dans les instructions que je te donne,

    je pense surtout la foule des faibles; quand mme se bornant remplir l'ensemble de leurs observances, ils feraient figure desimples domestiques, dans la maison du Seigneur, je veux leurpargner les tortures d'une mauvaise conscience, contrainte,impuissante et dcourage (1).

    (1) Pallade-Lucot, p. 219. Je me suis permis, mais peine, deparaphraser.

    XLV

    Pacme je l'ai dj insinu c'est dj Franois de Sales,autant dire la perfection, autant dire l'exception. Les autres nel'gaient pas. Il y en a de plus ou moins rbarbatifs, Saint-Cyranesques, s'il est permis de parler ainsi. Mais quel'incomparable Pacme soit rest dans les imaginations du dsertcomme le directeur modle, idal, voil le trait significatif et quidonne sa. vraie couleur toute cette littrature. Aussi bien est-cel peut-tre la suprme originalit de nos moines, et le plus

    dconcertant de leurs miracles. Si fort qu'on les aime, nous nesongeons pas, et pour cause, les lever au rang des Pres ou desDocteurs de l'Eglise; mais que vais-je dire, spculatifs,intellectuels, quel besoin aurions-nous de leurs leons. Nous avonsles Irne, les Athanase, les Augustin. Mais les Pres du dsertont, sinon cr de toutes pices et qui sait? du moinsorganis, construit, comme nul ne l'avait fait avant eux, et d'unetelle manire que la, postrit n'aura presque rien ajouter l'difice, cette chose magnifique, ars artium, l'art cleste

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    48/594

    d'enchanter les maux d'autrui , comme disait Cassien (1), en unmot

    (1) Conf. XVIII, 17. Le page est si belle, elle justifie si bien elleseule ce qu'on aient de dire, que je ne rsiste pas au plaisir de laciter : Les vices les pchs de la cuir, qui sont des serpents quiempoisonnent nos mes, sont moins dangereux que l'envie. Carencore qu'tant fragiles comme noms sommes, nous en soyonsblesss plus aisment. nous sa semeuses aussi bien plus aismentguris. Les marques mme de la plaie qu'ils font, paraissent sur

    notre corps... Nanmoins si un homme vraiment spirituel et quisait cet art cleste d'enchanter les maux des autres, y appliquelantidote et le contre-poison de la parole divine, il arrtera lecours de ce poison si mortel, et empchera qu'il ne tue. Pouravoir une telle confiance dans l'efficacit de la direction, quelsinsignes, quels directeurs miraculeux n'aura-t-il pas rencontrs?

    XLVI

    la direction des mes. Est-il un doctorat qui l'emporte sur celui-l?Vous pensez que je me monte la tte? Laissons parler de calmessavants, le Pre Rousselot, par exemple : Ceux qui sont familiersavec l'ascse catholique, telle qu'aujourd'hui encore elle

    s'enseigne, et qui la comparent celle du dsert, sont surpris dela conformit parfaite et souvent littrale des deuxenseignements. Sans doute il n'y a pas l simple concidence, maisaussi influence directe : les matres plus modernes de la viespirituelle se sont forms l'cole des vieux moines. On ne peutnier pourtant que le changement et d tre plus notable, s'il n'yavait eu chez les premiers matres beaucoup de finesse et delargeur d'esprit (1), si dans la seconde Pentecte, ces illettrsn'avaient reu pour leur partage le gnie de la direction (2).

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    49/594

    Henri BREMOND.

    (1) Christus, p. 804-805.

    (2) Je veux encore citer les belles paroles d'un vque bndictin,Mgr Ullathorne, l'ami et le protecteur de Newman : Les maximesprofondes de sagesse et d'exprience recueillies des lvres des

    moines gyptiens par des plumes respectueuses ont clair jusqu'nos jours le peuple chrtien. Ces Pres ont exerc dans leurssolitudes une grande mission, non seulement en priant pour lesbesoins du monde, mais par un vaste apostolat d'instruction etd'dification pour les sicles venir. Les livres spirituels de tousles ordres religieux, brillent de la lumire de leur sagesse; et lesmanuels de pit qui jusqu' ce jour guident les personnes pieusesvivant dans le monde sont parsems de leurs saintes maximes. Les

    milliers et les milliers de femmes pieuses, qui, de nos jours dansles communauts actives, se livrent de rudes travaux pour Dieuet pour les pauvres, ont reu pour une bonne part, leur formationde ces Pres contemplatifs des dserts orientaux. Cit par DomButler, Le monachisme Bndictin, traduction Ch. Grolleau, Paris,1924, p. 119. Dom Butler lui-mme, l'diteur de Pallade, lemeilleur des juges, dit propos des deux confrences de Cassien,source principale de tout ce qui touche la spiritualitproprement dite dans les rgles de saint Benot : Dans les deuxmerveilleuses confrences... la thorie et la pratique de la priresont dveloppes avec une abondance, une lvation, et un senspratique qui n'ont jamais t dpasss.

    XLVII

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    50/594

    Les Sources

    A travers tous les chapitres on rencontrera, mises en bonneplace, des paroles et sentences o est condense la sagesse despremiers matres. Elles sont aptes, aujourd'hui. encore, frapperet saisir les esprits. De plus cette premire expression de ladoctrine spirituelle est comparer avec les dveloppementsultrieurs. Nous les empruntons aux divers recueils reproduitsdans les patrologies. Viennent ensuite plusieurs tmoins.

    NOTE

    Ce livre avait t annonc comme l'oeuvre commune deJean, d'Andr et de Henri Bremond. Mais, trop loigns les tins

    des autres, nous avons bientt d, aprs divers essais decollaboration distance, abandonner le gros de la besogne monfrre Jean, mon frre Andr se rservant toutefois le parallleentre les Pres du Dsert et les Stociens, et moi d'crirel'introduction. Chemin faisant, ce travail sur les Pres du Dsert etle Stocisme a pris de telles proportions qu'a notre vif regret ilnous a fallu renoncer le publier ici.

    XLVIII

    Nommons le premier, saint Athanase. C'est le premier saintqui ait crit une vie de saint. Il l'a apporte notre monde latincomme le premier message de l'Orient monastique et le nom deson hros a gard une place d'honneur dans tous les calendriers.Dans la vie de saint Antoine et dans la manire d'en faire ressortir

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    51/594

    les leons, nous pouvons voir les relations naturelles entre lapuret du dogme et l'orthodoxie asctique, l'influence rciproquedu dfenseur de la vraie foi et du docteur spirituel, le sens durespect de la hirarchie chez saint Antoine et l'humilit du grand

    docteur qui se fait le disciple d'un moine.La vie de Pacme, qui a t bien moins rpandue, nous fait

    mieux connatre l'esprit qui soutenait l'ardeur des moines. MgrLadeuze a tabli l'autorit de ce document rdig peu aprs lamort du saint par un moine dont le nom est inconnu, et il a mis jour la vanit des accusations leves contre les cnobites.

    De la valeur de l'Histoire Lausiaque (1) nous avons en DomButler le plus sr garant. Cette oeuvre est le vrai type des VitaePatrum : rien qui sente l'cole, aucune proccupation demthode, pas d'ambition littraire; il ne parat pas avoir connu latentation de devenir le pangyriste d'un

    (1) L'auteur, Pallade, un Galate, a fait deux sjours en Egypte. Il yvint en 388 tudier la sainte philosophie et y resta jusqu'en 399.Consacr en 406 vque dHlnopoiis en Bithynie, il dfend saintJean Chrysostome. Exil Syne (Assouan) en 406, il passe encore6 ans en Egypte. :Retourn en Galatie, il crit vers 420 l'histoirequ'il ddie Lauses, chambellan de Thodose II.

    XLIX

    hros, de tout trouver dans sa vie et ses paroles. Trois pages ceux de Nitrie, une Amon, quelques lignes Apollon, etc...aprs les mdaillons de Pachon et d'Etienne, des gants del'ascse, une suite d'illusionns, Valens, Hron, la vierge dchue...

    L'art de l'hagiographie exhaustive n'est pas encore dcouvert.Ayant en vue notre profit moral, nous n'en faisons pas de reproche

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    52/594

    Pallade; d'ailleurs l'air d'honntet, de franchise,d'indpendance du public qu'on respire dans ces pages nous donneconfiance aux rcits et nous font connatre des exercices de vertuqui confondent nos timides essais d'ascse.

    Les voyages d'tudes et les stages de Pallade ont dur 17ans; l'auteur de l'Histoire des moines en Egypte n'a pas fait un silong sjour.

    Nos aeux ont lu ce voyage sous le nom de Ruffin, on nousdit aujourd'hui que Ruffin n'est qu'un traducteur. Mais il avaitparcouru les mmes lieux, connu plusieurs des hros et il pouvait

    contrler les rcits qu'il mettait en latin. Le rapprochement avecPallade nous donne de nouvelles garanties.

    Dans le mme genre littraire, Thodoret nous a donn undocument prcieux sur la propagation de l'esprit de nos Egyptiensdans le Liban et sur les bords de l'Oronte. S'il nous expose desprocds nouveaux, des tactiques spirituelles plus singulires, desinterventions miraculeuses plus frquentes, ces diffrences ne

    vont pas contre l'unit de la doctrine. Nous ne quittons pasd'ailleurs le terrain ferme de l'histoire, Thodoret estcontemporain

    L

    et souvent tmoin direct de ce qu'il raconte.

    Avec Cassien, nous avons la mme scurit; lui aussirapporte ses expriences, mais la manire a chang, sesInstitutions ont l'aspect d'un trait, et les fameuses Confrencesont dj le ton des ouvrages de pit (1). Cassien est en vrit lepre de notre littrature spirituelle. Il rsume avec l'autorit d'un

    grand matre les leons du dsert d'gypte, tous les crivains

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    53/594

    dpendent de lui, saint Thomas n'est que commentateur de cetteSomme d'Asctisme.

    Que la direction et les rgles de la dvotion et de la ferveuraient t si rapidement fixes, le fait mrite l'attention autantpour l'honneur du fondateur de Saint-Victor que comme unemarque de la sret de l'instinct catholique.

    Cassien fait parler les moines qu'il a entendus Panphyse Nitrie, aux Cellules. Il recourt

    (1) Jean Cassien, mort vers 435. On n'est pas d'accord sur sa patrie(Scythie, Bas-Danube, Palestine, Provence?). Moine Bethlemavec son ami Germain, ils se rendent en Egypte auprs des grandssolitaires. Ils visitent la Basse-Egypte et demeurent surtout Sct. Il ne semble pas qu'ils aient t en Thbade. Ils reviennentfaire un court sjour Bethlem, pour se dgager de la promessequ'ils avaient faite de retourner leur premier monastre etregagnent Sct. Ensuite ils se rendent Constantinople et sontparmi les dfenseurs de saint Jean Chrysostome, qui ordonneCassien diacre. Ils portent au pape les lettres du clerg deConstantinople en faveur de son vque. Cassien est ordonnprtre Rome. On le trouve ensuite Marseille o il fonde lemonastre de Saint-Victor et un monastre de femmes. C'est lqu'il a crit les Institutions, les Confrences, et, la prire desaint Lon, les livres De Incarnalione Christi contre Nestorius.

    LI

    un artifice littraire en disposant les matires en 24 entretiens.Qu'il ait us d'une certaine libert en rpartissant les sujets entre

    les matres, qu'il ait attribu Daniel ce qu'il avait reu d'Isaac,cela ne nous trouble gure. Ce que nous affirment la saintet de

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    54/594

    l'auteur, le ton du rcit, la concordance avec les autresdpositions c'est que nous avons dans Cassien un tmoinirrcusable de la doctrine du dsert.

    Avant les Confrences, Cassien avait crit les Institutionsqui traitent de la vie extrieure et de la discipline du monastre.Cet ouvrage, qui a eu moins de popularit dans les tempsmodernes, nous a fourni de prcieux documents.

    Saint Basile et saint Jean Chrysostome sont dj prsentsdans notre collection. Cependant quelques citations signalerontl'intrt d'une tude comparative.

    Par contre, Dorothe et saint Jean Climaque apportentd'importantes contributions. Postrieurs Cassien, ils sont de lamme cole.

    Dorothe (1) nous a laiss des Instructions, modle desexhortations et des petits traits spirituels. On y remarque l'espritde douceur et de discrtion

    (1) Nos lecteurs rencontreront plusieurs Dorothe gyptiens.L'auteur des Instructions est n Antioche. Form parBarsanuphe, clbre reclus, avec qui il communiquait par Jean leprophte, fondateur d'un hpital, puis d'un monastre prs deGaza, les circonstances de sa vie offrent une riche matire l'historien des moines d'Orient. Il a prononc ses exhortations

    entre 540 et 560. Cfr. S. Vailh dans le Dictionnaire de Thologieet dans les Echos d'Orient.

    LII

    que saint Franois de Sales a, pour ainsi dire, canonis.

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    55/594

    Dans l'Echelle de Climaque (1) les sujets ne sont pasprsents avec le mme dveloppement suivi. C'est chaquedegr une collection de traits, de maximes, de conseils,l'ensemble est comme une encyclopdie d'apophtegmes. On

    notera chez lui le progrs ralis dans l'expression du sentimentmystique. Nos citations corrigeront l'impression laisse par lespassages de Climaque sur les pnitents de la Prison, lesmacrations qui s'y pratiquaient et l'esprit de crainte et de terreurqui y dominait. Arnaud lui-mme prouve de la gne devant letableau de ces excs. Si au lieu de faire ce choix exclusif, onlimine ces pages, on ne dtruit pas l'unit de l'ouvrage et onapprcie une doctrine, o la note de svrit est accentue, mais

    qui est encore empreinte de discrtion.Nous utilisons moins le Pr Spirituel qui attire l'attention

    plus sur les miracles que sur la doctrine, non sans donner dessignes de la crdulit de Moschus (2), son auteur. Cependant ilnous renseigne sur l'esprit des moines de son temps. En lerapprochant des oeuvres de Dorothe et de Climaque

    (1) Jean qui a pris son surnom de Climaque du titre de sonouvrage, l'chelle du Paradis, est peu connu. Mme sur les datesde sa vie, les savants ont des opinions trs divergentes. Mgr Petitl'identifie avec Jean le Scolastique, qui serait n vers 550 et seserait fait moine vers 590. Cfr. son article dans le Dictionnaire deThologie.

    (2) Jean Moschus mort Rome vers 620. Il rapporte les exemplesde vertu recueillis dans ses visites de nombreux monastres deSyrie, de Palestine et d'gypte.

    LIII

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    56/594

    on est prt rviser le jugement couramment reu qu'aprs leconcile de Chalcdoine l'ordre monastique tait en pleinedcadence.

    Le plus grand nombre des textes sont pris des traductionsdu XVIIe sicle (Cassien traduit par Saligny-Fontaine, Climaque etles Vies des Pres par Arnaud d'Andilly, Dorothe par Ranc).

    Nous les avons choisies pour la beaut et l'ampleur de laphrase et pour leur saveur archaque.

    Parmi les traductions plus rcentes, signalons celle deCassien par Dom Pichery, qui, entre autres mrites, a celui desuivre l'dition de Petschenig.

    Le plan du recueil.

    Comment tracer notre itinraire travers cette vaste etparfois broussailleuse littrature?

    Nous avons eu dessein d'arrter un plan qui satisfasse notresens de l'ordre et qui ne dissipe point le charme propre de cesleons, o nous puissions nous mouvoir et nous retrouver sansrduire violemment cet enseignement libre et familier un cadresystmatique.

    Les vues d'ensemble que nous donnons au dpart nepourraient pas, mme si nous nous y arrtions, s'intituler morale

    fondamentale. La pense de discuter le fondement de l'obligationne s'est pas prsente, mais les principes qui se dgagent et seformulent, l'bauche de thorie, ont encore une valeur pratique.O allons-nous? Quel est le but de la vie? Voil ce qui dterminel'objet des leons morales (ch. I).

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    57/594

    LIV

    Il tait ncessaire de bien montrer l'orientation gnrale dela pense des Pres, pour dfinir et restreindre la porte de ladfinition : ils sont des athltes. La lutte est la condition dusuccs d'une vie humaine, elle n'est pas elle-mme une findernire, elle est domine par des principes suprieurs qui fontreconnatre les erreurs combattre, les buts de guerre plusprcis, les ressources et les modalits du combat (ch. II).

    Aprs cette introduction thorique qui correspond auxpremiers traits de l'Ethique, nous entrons dans la moraleapplique. Nous suivons l'ordre historique de la conversion et duprogrs.

    La premire dmarche est l'loignement du monde; lesraisons de la premire sparation subsistent et demandentl'effort, mme dans la solitude, l'amour du silence, l'affection lacellule. Renoncer au monde, sa conversation, au mouvementdes affaires et des plaisirs, ne suffit pas; le solitaire n'emporterien dans sa fuite, il se condamne au complet dnuement. Et larenonciation faite, il aura encore surveiller les tendances del'esprit propritaire et de l'attachement aux biens (ch. III).

    Il ne suffit pas au solitaire de se soustraire l'emprise del'ennemi, il doit prendre l'offensive. C'est le chapitre desaustrits, celui qui a de tout temps le plus tonn et celui qu'ona le mieux retenu (ch. IV).

    Cependant, des ennemis plus dangereux et moinssaisissables subsistent. Lorsque le corps est dompt, l'ascte voits'tendre perte de vue les steppes

    LV

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    58/594

    o l'entranent l'amour-propre, la vanit, la superbe, usant detactique tour tour fuyante ou audacieuse (ch. V).

    Dans cette lutte sans relche, il y a danger que l'espritexalt ne s'gare en des entreprises folles et des efforts striles,aussi dans leur programme d'entranement et d'exercice continuel,les asctes mettent-ils la pratique d'une vertu insparable desautres, la discrtion (ch. VI).

    La discrtion garde du repli goste sur soi-mme; l'ascteoublie l'esprit du sicle, mais non les besoins que son prochain ade son aide. L'estime que les Pres ont de la charit, aussi bienque de la discrtion convainc plus pleinement qu'ils ont l'esprit dela morale chrtienne. On aime voir ces ennemis de la chair,pressants, tranchants, ardents dans la prdication de la charit,et en mme temps capables des applications les plus dlicates(ch. VII).

    Donner ses soins au prochain n'est donc pas retourner niregarder en arrire, c'est continuer la marche en avant, d'autantque la pratique de cette vertu ne va pas sans l'abngation; c'estcontinuer son ascension; aussi bien traiter de la charit c'est djtraiter des devoirs envers Dieu. Sous le titre de laprire, noustudions non seulement un devoir de louange et de demandeauquel on peut satisfaire en quelques moments de son existence,mais la tendance vers la parfaite union Celui qui est notre fin

    dernire, esprit qui inspire, confirme, rsume toutes lestendances vers les fins particulires (ch. VIII).

    LVI

    Bibliographie.

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    59/594

    Nos lecteurs n'attendent pas une bibliographie savante desPres du Dsert. Nous nous bornons indiquer les oeuvresauxquelles nous avons fait des emprunts nombreux ou importants.Nous les citons d'aprs Migne.

    Migne a rdit aux tomes 73 et 74 de la Patrologie latineles Vitae Patrum de Rosweyde. L se trouvent des ouvrages djcontenus dans la Patrologie Grecque ou dans la Patrologie Latine.Pour plus de simplicit et commodit nous renvoyons ces tomes73 et 74.

    Les divisions en chapitres et paragraphes correspondentordinairement celles des Patrologies. Climaque fait exception; ladivision en paragraphes adopte dans la traduction d'Arnaudd'Andilly n'existe pas dans l'dition reproduite au tome 88 de laPatrologie Grecque.

    Nous donnons ensuite la liste de quelques ouvrages dontnous nous sommes servis plus souvent ou dans lesquels on trouveral'indication de nombreux auteurs. Nous indiquons la suite d'untitre l'abrviation dont nous nous servons dans les rfrences.

    Patrologie Grecque = P.G.

    Patrologie Latine = P.L.

    Vitae Patrum = V.P.

    Vita Beati Antonii Abbatis, auctore Sancto Athanasio P.L.,73. = Vit. Ant.

    LVII

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    60/594

    Vita Sancti Pachomii Abbatis Tabennensis. P. L., 73. = Vit.Pac.

    Vita Sancti Pauli Eremitae, auctore. Divo Hieronymo, P. L.,23. = Vit. Paul.

    Vita Sancti Hilarionis Monachi, auctore eodem. P. L., 23. =Vit. Hil.

    Divi Hieronymi Epistolae. P. L., 22.

    Rosweyde a publi ce qui a trait sainte Marcelle sous letitre Vita Sanctae Marcellae, viduae. Cette vie n'est pas

    reproduite au tome 73 de Migne, pas plus que les vies de Paul etd'Hilarion. Mais on y trouve les notes de Rosweyde.

    Vita Sancti Joannis Eleemosynarii. P. L., 73. = Vit. S. Joan.

    Dom Cuthbert BUTLER, The Lausiac History of Paradsus.Texas and Studies. Cambridge, 1898 et 1904.

    A. LUCOT, L'Histoire Lausiaque. Texte grec, introduction ettraduction franaise. Textes et documents pour l'tude historiquedu christianisme. Paris, 1912.

    Les Vitae Patrum reproduisent plusieurs textes de L'HistoireLausiaque qui ont t dfinitivement condamns par Dom Butler,mais on y trouve en dernier lieu un texte qui d'aprs Butler estassez prs de l'original. C'est le Heraclidis Paradisus auquel nous

    renvoyons. P. L., 74. = Heracl

    Philoteus sive Theophiles auctore Theodoreto Cyri Episcopo.P. L., 74. = Theod.

    Apophthegmata Patrum. P. G., 65. =Apoph.

    Verba Seniorum auctore probabili Ruffino Aquileensi. P. L.,

    73. =Ruffin.

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    61/594

    Verbe Seniorum auctore graeco incerto interprete Pclagio.P. L., 73. = Pelag

    Verba Seniorum auctore graeco incerto interprete Joanne.P. L., 73. =Joan.

    Verba Seniorum auctore graeco incerto interpretePaschasio. P. L., 73. = Pasch.

    Historia Monachorum in Egypto. P. L., 21. = H. M.

    Joannis Cassiani Abbatis Massiliensis de coenobiorumInstitutis libri XII. P. Z., 49. = Inst..

    Joannis Cassiani Abbatis Massiliensis Collationes XXIV. P. L.,49. = Coll.

    Diadochi Episcopi Photices... Capita centum de perfectionespirituali. P. G., 65. = Diadoque.

    LVI

    Pratum Spirituale auctore Joanne Moscho P. L., 74. =Moschus.

    Sancti Patris nostri Dorothoei Expositiones et Doctrinaediversae. P. G., 88. = Dorothe.

    Sancti Patris nostri Climaci Scala Paradisi. P. G., 88. = Clim.

    Aprs chaque texte est indiqu l'ouvrage d'o il est tir

    suivant la notation abrge marque ci-dessus, avec les titres,

    chapitre, etc... Vient ensuite la rfrence la Patrologie.

  • 7/29/2019 27577373 Les Peres Du Desert

    62/594

    Par exemple : Inst. I, 1. P. L., 49. 59 doit tre lu :

    Institutions de Cassien, Livre 1, Chapitre se trouve dans la

    Patrologie Latine, tome 49, page 59.

    Traductions.

    Les Vies des saints Pres des dserts, traduites en franaisparM. ARNAUD D'ANDILLY. Tomes I et II, Paris, chez Louis Josse,1733.

    Les