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Mémoire de stage - Master 2 Eurostudies 2010 (stage effectué chez Cooparch-RU)
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Département de l’UFR de Géographie et Aménagement
MASTER de Sciences et Technologies, mention
Aménagement, Urbanisme et Développement des Territoires
Spécialité : EUROSTUDIES
Charleroi, produire et habiter pour se développer
Paul-Hervé LAVESSIERE
Tuteur universitaire : Philippe DOUCETTuteur professionnel : Mati PARYSKI, Organisme : COOPARCH-R.U.Chaussée de Waterloo, 426 B-1050 BRUXELLESTel : 02-534.50.35Fax : 02/534.50.95
Année : 2009-2010
Remerciements
Je remercie en tout premier lieu Philippe Doucet, mon tuteur universitaire ainsi que Mati Parisky, administratrice et maître de stage.
Je remercie aussi Frans Uyttebrouck pour ses conseils et sa disposition constante à partager idées et
connaissances. Merci aussi à Amandine Billon, Simon Blanckaert, Patrick Colas, Samuel Deroover et Lori Mahmourian qui deviennent dés à présent mes plus proches collaborateurs dans le département
Urbanisme de Cooparch-R.U.
Merci à Arianne Ghysen et à toute l’équipe de la Cooparch-R.U. pour l’accueil chaleureux et la confiance qui m’a été accordée dés le début de mon stage.
Je remercie aussi chaleureusement mon ami Robert Grabzcan pour les visites et réflexions sur l’urbanisme
et l’architecture, en Belgique ou ailleurs. Merci aussi à Mathieu Relekom, Stéphanie Dubuisson, Xavier Lichtfus et Cyril Couscous-Minded.
Merci à Eric Massin et Nicolas Buissart pour le temps accordé en entretien et la disposition à livrer des
réponses complètes et personnalisées.
Merci au personnel technique de l’Université du Travail de Charleroi pour m’avoir permis de monter au
sommet de la tour de la Vigie.
Je dis aussi Bravo à Charleroi faceB, au collectif POUMONOIR et au Rockerill.
Merci enfin à toute la promotion Eurostudies 2009/2010 pour la bonne humeur et l’ouverture d’esprit qui ont régné tout au long de l’année. Bonne route à tous!
1
Préambule
LA STRUCTURE
COOPARCH-R.U. est un bureau d’urbanisme et d’architecture basé à Bruxelles. C’est une structure coopérative fonctionnant grâce à des associés et des collaborateurs. Les premiers ont investi dans le capital
de la structure et sont membres du conseil d’administration. Les seconds sont indépendants et COOPARCH-R.U. est leur client. La structure a un effectif de 25 associés et collaborateurs, ce qui est
relativement important pour un bureau d’architecture et urbanisme.
COOPARCH-R.U. figure parmi les plus importants bureaux Bruxellois et travaille surtout sur la Belgique francophone et la France.
LE METIER D’URBANISTE
Ce stage en agence d’urbanisme m’a beaucoup apporté. J’ai découvert que les capacités d’analyse et de
synthèse des questions spatiales propres au géographe et à l’urbaniste pouvaient être utiles, servir l’action et séduire un client.
Ayant participé à des réunions de travail avec des équipes municipales ou à des réunions publiques pour
l’élaboration de documents d’urbanisme, j’ai beaucoup appris sur le rôle de l’urbaniste dans notre société. J’ai aussi réalisé que la relation entre le maître d’ouvrage et le maître d’oeuvre était centrale dans ce métier.
Alors que la commande de documents stratégiques d’aménagement par les territoires nécessite de leur part
une projection intellectuelle vers l’avenir, les plus concernés, à savoir les élus, l’administration et les habitants sont parfois beaucoup plus préoccupées par des questions urgentes, à savoir «comment bien faire
tourner la machine». Dans ce cadre l’urbaniste doit composer, être force de proposition, intégrer ses convictions dans de son travail (puisque c’est ce que recherche le maître d’ouvrage) et faire preuve
d’adaptation car, en Belgique comme en France, c’est l’élu qui signe (ou refuse de signer). L’urbaniste se trouve souvent seul face à son maître d’ouvrage qui lui fait entièrement confiance et il va forger pour lui les
boîtes à outil que sont les documents d’urbanisme.
Travailler dans un bureau comme COOPARCH-R.U. m’a appris la valeur de la coopération et du dialogue, centrale dans le métier d’urbaniste. Ce que l’on apprend à l’université est plaisant, à savoir être curieux,
analyser, synthétiser. Aujourd’hui, je me réjouis d’apprendre à manier les outils et le langage, et plus largement, je suis heureux d’apprendre le métier d’urbaniste car il s’agit bel et bien d’un métier : connaître la
valeur d’une commande et d’un cahier des charges, comprendre les enjeux et les acteurs, appréhender la relation avec le maître d’ouvrage.
J’ai à présent l’opportunité de rejoindre le département «urbanisme» de la structure à plus long terme en tant
que collaborateur dés à présent ce qui est une très bonne nouvelle.
3
SCHEMA DE STRUCTURE COMMUNAL ET ET REGLEMENT COMMUNAL D’URBANISME
Le bureau d’étude COOPARCH-R.U. a été mandaté pour la réalisation du Schéma de Structure Communale (SSC) de la ville de Charleroi, qui serait l’équivalent d’un Schéma de Cohérence Territoriale en France, pour
sa dimension stratégique. Le bureau a aussi été mandaté pour la réalisation du Règlement Communal d’Urbanisme (RCU) de la même ville, qui consiste en un ensemble de prescriptions urbanistiques, à savoir,
ce qu’il faudrait faire et ne pas faire en matière d’aménagement (sur le bâti, ses abords et l’espace public).
Le SSC est un document d’aménagement à large échelle qui nécessite une projection à long terme vers l’avenir et une vision claire du territoire tandis que le RCU est une traduction de cette vision du territoire et
s’établit à l’échelle des objets qui constituent la ville.
Lorsque je suis arrivé au bureau, l’étude de la situation existante était terminée et la phase de diagnostic bien avancée. Ma mission a d’abord consisté à réaliser des cartes de synthèse pour la rédaction d’un
diagnostic synthétique pour le SSC puis j’ai travaillé sur plusieurs autres dossiers (sur Bruxelles notamment).
POURQUOI CHARLEROI
Ma première prise de contact avec la ville de Charleroi s’est faite à l’occasion d’un relevé photographique de
façade pour l’élaboration du RCU le deuxième jour de mon stage. J’ai été frappé par le profil de cette ville et ai très rapidement décidé d’y consacrer mon mémoire de fin d’étude.
J’ai envisagé celui-ci comme une investigation, fruit d’un mélange entre sérieux et intuition, tant en ce qui
concerne les lectures que les entretiens et personnes contactées. Ce travail de recherche a été pour moi l’occasion d’exprimer l’état naissant de ma vision urbaine. En tant qu’urbaniste, il faut plus de convictions
que de certitudes et celles-ci sont liées aux valeurs auxquelles on est sensible. Ce travail de six mois m’a permis de profiter de l’expérience d’urbanistes expérimentés et passionnés.
Le cas de Charleroi m’a très rapidement touché et j’ai senti que l’étudier en profondeur allait m’aider à
développer une vision de la Ville. J’ai toujours été attiré par les villes moyennes, les villes que l’on aime pas, les «vilains petits canards». Charleroi répond à tous ces critères. Elle est le petit frère wallon dont on a honte
depuis Bruxelles et dont on parle dans les journaux pour la peur qu’elle suscite (jusque dans le New York Times!).
La question résidentielle permet de s’intéresser à quasiment tous les éléments qui constituent un territoire :
cadre de vie, emploi, environnement, etc. et derrière ces éléments, on retrouve toujours l’Humain. Étudier l’attractivité résidentielle de Charleroi a quelque part été le spectre me permettant de réaliser une étude
urbaine assez large qui j’espère plaira au lecteur et lui donnera envie de se rendre sur place.
4
INTRODUCTION! 8
I - Lʼespace Carolorégien! 9I.1 - Histoire de Charleroi! 10
I.1.1 - De la citadelle à la cité industrielle! 10I.1.2 - Charleroi, «ville sociale»! 12I.1.3 - Démographie! 13
I.2 - Charleroi aujourdʼhui! 13I.2.1 - Reconversion! 13I.2.2 - Environnement ! 14I.2.3 - Social! 16I.2.4 - «Chicago-sur-Sambre»! 17I.2.5 - Économique! 17
I.3 - Grammaire urbaine et structure bâtie! 21
II - Quelle stratégie de développement urbain ?! 25II.1 - Un manque de vision stratégique ! 25
II.1.1 - Gestion dʼurgence! 25II.1.2 - Une classe politique médiatisée sur des éléments négatifs! 26
II.2 - Récemment, volonté de tourner la page et de se projeter davantage! 27II.2.1 - Une nouvelle équipe politique! 27II.2.2 - Des grands projets! 28
II.3 - Charleroi métropolitaine et rayonnante ?! 32II.3.1 - Un rayonnement à plusieurs niveaux ! 32II.3.2 - La «bataille» pour la métropolisation! 34
III - Économie de production VS économie présentielle?! 37III.1 - Lʼéconomie présentielle de Laurent Davezies : comment se situe Charleroi?! 37
III.1.1 - Le concept! 37III.1.2 - Répulsivité résidentielle de Charleroi : Le tableau noir du Pays Noir.! 39
III.2 - Des qualités résidentielles qui vont se faire de plus en plus évidentes.! 41III.2.1 - Plusieurs cartes à jouer! 41III.2.2 - Les qualités du Pays de Charleroi : Relief et volumes! 43III.2.3 - Qualités de lʼurbanisme Carolo :! 45III.2.4 - Lʼespace public Carolo! 50III.2.5 - Polycentralité et proximité! 52III.2.6 - Aspects financiers ! 53III.2.7 - Culture et tourisme! 54
III.3 - Vers quoi nous oriente Laurent Davezies?! 56III.3.1 - Avant dʼattirer les revenus, éviter lʼexode des actifs carolos.! 56III.3.2 - Attirer des revenus à tout prix ou la tentation de la gentrification! 57III.3.3 - Une synthèse possible entre économie de production et économie résidentielle/présentielle?! 58
III.4 - Recommandation pour le développement de Charleroi! 61III.4.1 - Cultiver son identité et soigner son image! 61III.4.2 - Concentrer les efforts sur le centre-ville pour encourager la Métropolisation! 62III.4.3 - Améliorer les connexions avec les pôles secondaire! 63III.4.4 - Améliorer ses espaces publics dans toute lʼagglomération! 64
CONCLUSION! 67
Annexes ! 71
5
INTRODUCTION
La première fois que je me suis rendu à Charleroi, j’étais passager d’une voiture en provenance de
Bruxelles. Quelques kilomètres avant d’arriver déjà, on apercevait les premiers terrils, de plus en plus nombreux et tassés. Comme souvent à l’approche d’une ville, on sent que tout se densifie, que les éléments
du paysage se font de plus en plus proches les uns des autres, jusqu’au centre.Cependant, Charleroi aime les surprises et pour se dévoiler dans toute sa force, elle vous conduit d’abord
dans un tunnel et vous libère plus loin sur un viaduc : le ring à sens unique de Charleroi. À la sortie du tunnel, à travers les arbres nombreux, on ouvre grand les yeux. À droite, le site industriel majeur et ses
volumes qu’on ne comprend pas tant ils sont proches. À gauche, une ville-centre qu’on surplombe et qui ne peut donc rien cacher.
La suite de la balade s’est déroulée dans les quartiers périphériques de Charleroi, dans «la banlieue». Mais la banlieue carolorégienne est une banlieue verte, un suburb comme en Amérique, c’est à dire verdoyant et
routier. J’ai découvert le centre bien plus tard, un centre-ville vivant et commerçant avec notamment son piétonnier et ses éléments de prestige.
Charleroi a mauvaise presse et celui qui n’y est jamais allé n’a pas les éléments nécessaires pour la
comprendre. Et puisqu’on a souvent peur de ce qu’on ne comprend pas (comme le chante Charlélie Couture), Charleroi fait peur ; surtout si l’on jette un oeil sur Google News. Un petit tour sur Google Maps
n’aide guère : ce territoire paraît incompréhensible tant sa structure semble n’obéir à aucune règle : autoroute dans la ville, site industriel de la taille du centre-ville et mitoyen à celui-ci, poches d’habitat qui se
répartissent au petit bonheur autour de terrils qu’on était habitué à voir à la campagne. On se demande alors à quoi peut bien ressembler la vie sur place?
Laurent Davezies identifie les territoires productifs comme les plus répulsifs sur le plan résidentiel et attribue
au fait d’habiter quelque part, une grande responsabilité dans le processus de développement territorial. Dans ce cadre, Charleroi paraît bien mal engagée. Elle fait partie du club des villes en déclin, ayant connu
un âge d’or et connaissant depuis des années de grandes difficultés.
Une image très négative s’en dégage et la presse y est pour quelque chose. Elle est élue en 2008 «Ville la plus laide du monde» selon un sondage publié dans le quotidien néerlandais «De Volkskrant» (Jalousie?).
Le New York Times publie un article sur Charleroi le 5 septembre 2001 et dépeint le tableau d’une ville mafieuse, et insécure au possible : championne de car-jacking, l’agglomération se voit décerner le surnom
de «Chicago-sur-Sambre». Localement, on se mobilise et on organise même régulièrement des safaris urbains avec au programme notamment «la rue la plus triste de Belgique». Il paraît même que l’affaire est
rentable. (Articles en ANNEXE).
Mais en se promenant dans l’agglomération j’ai découvert des qualités nombreuses que je ne soupçonnais pas alors. Derrière les nationales, on trouve de petits noyaux villageois, les terrils sont recouverts de verdure
et le centre-ville en rénovation à l’air de bouillonner. Tout semble s’activer comme une ruche au printemps. Sur le site industriel principal, une ancienne cokerie abrite des artistes ferronniers et des expositions d’art
contemporain. On trouve des bouquinistes et des magasins BIO dans le centre-ville, ainsi que de petites
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maisons de ville avec jardin trois fois moins cher qu’à Bruxelles. N’y a-t-il toujours aucune raison d’habiter à Charleroi?
Cependant, le fait est que l’on produit toujours à Charleroi et que les usines sont immenses et polluantes.
Tant d’usines ont déjà fermé qu’il semble incroyable que celles-ci résistent encore. Elles seraient d’ailleurs toujours très rentables (au moins autant que les safaris!). Mais leur présence (nécessaire?) n’empêche-t-elle
pas Charleroi d’être plus attractive sur le plan résidentiel, alors que cette dernière notion paraît essentielle à Laurent Davezies? La problématique que je souhaite à présent développer est la suivante : en quelle mesure la ville de Charleroi peut-elle accueillir à la fois un développement économique et devenir plus attractive sur le plan résidentiel?
Dans un premier temps, nous présenterons aussi objectivement que possible le territoire de Charleroi. Dans
un second, nous analyserons la stratégie de développement que suit Charleroi depuis peu. Enfin, en troisième partie, nous confronterons certains aspects de la théorie de Laurent Davezies au cas
Carolorégien.
8
I - Lʼespace CarolorégienLa première chose à savoir est que Charleroi dans son périmètre actuel est le résultat d’une fusion de commune qui a eu lieu en 1977 entre 14 communes, aujourd’hui considérées comme les quartiers d’une
même ville. Regardons tout d’abord une carte de l’occupation du sol afin d’avoir à l’esprit une vision de base de l’espace
urbain carolorégien. La première chose qui saute aux yeux est la forte représentation de « vert », c'est-à-dire de zones de jardins, pelouses, parcs, végétation basse et forêts.
On peut relativiser cette impression de «grande verdure» en regardant de plus près les surfaces stériles sur lesquelles on trouve les activités industrielles. On peut y ajouter les emprises des infrastructures de transport
(voirie et réseau ferré) qui relativisent encore plus l’impression de verdure. On met ainsi en évidence la présence de grandes surfaces artificialisées non bâties.
L’occupation du sol est une donnée obtenue par l’IGN qui établit une classification pour tous les types d’usage du sol. L’analyse de ces données permet d’établir une carte qui exprime la réalité au sol du territoire mais aussi de définir les grandes caractéristiques de son occupation.
1 - Occupation du sol sur la commune de Charleroicartographie : COOPARCH-R.U. SSC
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L’urbanisation s’est établie de manière tentaculaire depuis les centres historiques et les grandes chaussées, en général de long des routes.
On a du mal à saisir la structure globale du territoire à la première lecture. Le centre-ville apparaît clairement mais on a du mal à interpréter l’agglomération dans son ensemble. La localisation des zones d’activités
industrielles (en rose sur la carte) si proche du centre et leurs dimensions troublent encore davantage la lecture de la carte pour le néophyte.
I.1 - Histoire de Charleroi
I.1.1 - De la citadelle à la cité industrielle
En 1666, on trouve sur le site un village du nom de Charnoy de quelques centaines d’habitants sur lequel le Marquis de Castel Rodrigo, gouverneur des Pays-Bas Espagnols, fonde une place-forte, nécessaire à la
défense militaire du royaume contre les attaques françaises. Cette ville est nommée Charleroi en l’honneur du jeune roi Charles II, roi d’Espagne.
Cette ville a alors principalement des fonctions militaires de défense tout comme Mariembourg ou Philippeville à la même époque.
Au XVIIIe, on cherche à faire en sorte que la ville devienne plus qu’une place-forte militaire. La paix étant
revenue, on va encourager le développement civil de la cité via des avantages fiscaux.
Depuis le Haut Moyen Âge, on exploite la houille dans la région de Charleroi mais c’est à partir du XVIIIème siècle que l’extraction prend de l’ampleur. On trouve alors en nombre des mines à ciel ouvert («cayats»),
ainsi que des puits de mines peu profonds appelés «fosses». Il est alors compliqué de creuser profonds puisque l’on rencontre rapidement les nappes d’eau qui envahissent les galeries.
2 - L’emplacement et la forme de la place Charles II remonte à la création de la citadelle par les Espagnols au XVIIème siècle.Source : Carte de Charleroi en 1693, réalisée par la compagnie cartographique Covens&Mortier d’Amsterdam.
10
La découverte de la machine à vapeur va changer la donne et permettre de pomper l’eau hors des galeries.
Il est possible alors de descendre plus profond, ce qui va littéralement faire exploser la production de charbon dans la région. Cette production de charbon va amorcer un nouvel âge : l’âge industriel. En effet, la
disponibilité en masse de cette énergie va accélérer le développement des entreprises verrières et sidérurgiques.
Ce développement exponentiel va être ralenti par Napoléon et sa politique belliqueuse mais reprendra dés
l’indépendance de la Belgique en 1830. C’est aussi l’époque de l’ouverture du canal entre Charleroi et Bruxelles, de la canalisation de la Meuse, et du développement généralisé du chemin de fer.
Il est désormais possible d’extraire le minerai du sol pour des coûts très faibles, de le transformer avec de
nouvelles techniques mais aussi de travailler d’autres matières comme l’acier et le verre et de transporter les marchandises par voie ferroviaire ou voie d’eau. Bref, c’est un développement exponentiel qui a lieu à ce
moment-là lié à la concomitance de tous ces progrès techniques.
En 1831, le territoire actuel de la ville de Charleroi comptait plus de 37.000 habitants alors que celui de la ville de Charleroi avant la fusion des communes en comptait un peu plus de 1000. On comprend alors
l’importance de ce qu’on appellera la périphérie de Charleroi, c’est à dire tous ces villages alentours.Moins d’un siècle plus tard, la population dépassait déjà les 220.000 habitants. (224.000 habitant en 1910).
Mais l’importance de Charleroi se résume pour le moment à cette prospérité économique et ce
développement démographique important. La ville ne parvient pas par exemple à rayonner autrement et n’accédera jamais au statut de chef-lieu de la Province de Hainaut (c’est Mons qui occupe cette fonction).
Elle n’arrive pas non plus à devenir un réel centre politique, administratif ou religieux.
3 - «Souvenir du Pays Noir» : Le mineur de fond-ouvrier mystifié. Carte postale 1930source : Musée de Charleroi
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«Charleroi n’accueillera donc guère d’organisations gouvernementales, ni de haute administration, ni
d’administration provinciale. La ville n’est le siège ni d’une université, ni d’une cour d’appel, ni d’un évêché et ne compte donc pas, parmi ses habitants, la population de notables et d’élites qui gravitent habituellement
autour de ces institutions et forment généralement le noyau de l’intelligentsia où se recrutent les membres des cercles de réflexion, culturels et associatifs.»
Paul Petit, Architecte-urbaniste dans son rapport «Habiter Charleroi» 2009.
De plus son histoire est récente. Ceci est visible dans les bâtiments de la ville. Les édifices administratifs, culturels ou religieux datent au plus tôt de la deuxième moitié du XIXème siècle. À Namur ou Liège, on
trouvera des grands édifices religieux ou politiques d’une époque bien antérieure. Par exemple, la cathédrale Saint-Paul de Liège fondée au Xe siècle ou le vieux beffroi de Namur qui date du XIVe siècle. À
Charleroi, le patrimoine monumental remarquable est plutôt Art Nouveau, Art Déco ou moderniste, des styles que l’on se met à apprécier depuis peu mais qui ont été très négligés pendant très longtemps.
Arrive ensuite à grand pas, l’inévitable déclin. Après ce qu’on a pu appeler les «Golden Sixties», il a été
énorme. Le déclin démographique n’a été que la conséquence de ce qui est arrivé le plan économique. Cependant, il faut avoir à l’esprit que ce déclin concerne tous les grands territoires industriels basés sur un
système productiviste comparable. Les chocs, pétroliers, la mondialisation et la mise en concurrence avec des pays à la main d’oeuvre très bon marché et plus globalement, ce que l’on a appelé la nouvelle D.I.T.
(division internationale du travail) mettent sur la touche des territoires comme Charleroi. Si les pays industrialisés ne doivent plus produire mais commander et commercer, les acteurs locaux liés à cette
industrie séculaire sont totalement mis à l’écart et dépassés par le phénomène. Puisque Charleroi est une ville, le déclin est encore plus grave que dans s’autres régions industrielles : en plus d’un désastre
économique, c’est une réelle crise urbaine qui se prépare.
Se succèdent les fermetures de charbonnage, de verrerie, d’usines sidérurgiques et autres ateliers de construction, autant d’éléments qui structuraient une vie locale. L’exode de la population va être massif et
continu, au profit de Bruxelles et du Brabant Wallon principalement. Ceux qui partent sont ceux qui ont les moyens de partir, c’est à dire les plus jeunes, les plus qualifiés et dynamiques, laissant derrière eux la
population la plus précarisée et celle qui avait la chance de pouvoir encore travailler (commerces, services ou usines qui n’ont pas fermé). Certains quartiers, généralement les plus centraux, vont se paupériser et
sont aujourd’hui dans une position très délicate.
I.1.2 - Charleroi, «ville sociale»
Dans les années 1970, la Belgique se lance dans un processus de régionalisation avancée. En 1971, les
bourgmestres de Namur, Liège, Mons et Charleroi se réunissent et s’accordent pour un partage des institutions selon la configuration suivante : Namur aura la fonction politique, Liège l’économique, Mons la
culturelle ; Charleroi, elle, s’occupera des question sociales.Du coup, les emplois publics liés à l’action sociale sont très développés. La première filière économique de
l’arrondissement de Charleroi est liée à la santé et aux actions sociales : métiers de la santé et de l’aide sociale. C’est ce secteur qui crée le plus d’emplois aujourd’hui à Charleroi mais cela ne rayonnera jamais
autant qu’une grande université par exemple.
12
I.1.3 - Démographie
On compte quasiment 240.000 habitants dans les années 1960/1970 Ce nombre d’habitants ne sera jamais dépassé puisque le déclin approche. En 1981, on retombera à 220.000 habitants pour s’approcher
lentement mais surement des 200.000. C’est toujours grosso modo le nombre d’habitants aujourd’hui (201.593 en 2009). Il y a un réel enjeu à ce que Charleroi ne passe pas sous la barre des 200.000 habitants
puisqu’elle perdrait alors son statut de «grande ville» et la dotation qui y est liée. Il semble que le chiffre soit stabilisé et que l’on retrouve même une petite croissance démographique depuis 2002.
I.2 - Charleroi aujourdʼhui
I.2.1 - Reconversion
Charleroi cherche toujours à sortir de ses difficultés et si cela n’est toujours pas un succès, sachons simplement qu’elle revient de loin.
Dans les années 1980, le slogan de la ville était devenu : «Charleroi se bat, Charleroi vivra». Ce combat sera long et pénible et il n’est toujours pas terminé. La reconversion d’un tel bassin industriel est très difficile.
Des efforts gigantesques sont réalisés pour encourager l’emploi. Il est cependant toujours difficile de créer de l’emploi peu qualifié qui est le seul auquel beaucoup de carolos peuvent prétendre. Le chômage des
quinquagénaires peu qualifiés par exemple est particulièrement problématique puisque très peu d’employeurs prendront le risque de les embaucher.
4 - Évolution démographique à Charleroi entre 1989 et 2008 Réalisation : COOPARCH-RU – Source : SPF Économie - Direction générale Statistique et Information économique, Service Démographie
13
Les difficultés sont aussi urbanistiques puisque de grandes friches industrielles sont à traiter. Que faire avec de grandes infrastructures devenues inutiles, sur des sols profondément pollués? De plus, ces espaces de
friche sont souvent enserrés au sein de, ou tout au moins très proche de quartiers résidentiels.
Les principaux exemples d’effort de reconversion réalisés ont été : la création de zones industrielles adaptées aux besoins plus actuels et de zones d’activités nouvelles comme on en trouve un peu partout,
destinées à accueillir des activités artisanales et commerciales. Un élément très important a été le fait d’enrichir le site de l’aéroport par un pôle de recherche et de production high-tech : l’Aéropole à Gosselies.
Cependant, ces efforts ont du mal à résoudre les problèmes liés au déclin industriel. Ils s’assimilent à des
dynamiques certes intéressantes mais parallèles aux soucis que rencontre la ville. Il est difficile de s’attaquer de front aux problèmes, en particulier le chômage de longue durée et la misère sociale.
I.2.2 - Environnement
Bien que très verte vue d’avion, Charleroi est une ville très concernée par les problèmes de pollution. Cependant, celle-ci touche inégalement les différents parties de la ville. Les éléments les plus déterminants
sont l’origine des polluants et la direction des vents pour ce qui concerne les retombées. Le centre-ville, espace ayant la densité de population la plus forte dans l’agglomération, figure parmi les espaces les plus
exposés. En effet, les vents dominants étant orientés sud-ouest - nord-est, la pollution de l’air se dépose rapidement sur un vaste espace urbain comprenant le centre-ville, Jumet, Lodelinsart, Gilly, Gosselies et au
delà. Au contraire, les territoires de Monceau-sur-Sambre, la moitié est de Ransart, les territoires les plus
suburbains de Marchienne-au-Pont ainsi que toute la partie située au sud de la Sambre sont relativement épargnés par ces polluants.
Notons que la pollution d’origine industrielle devrait progressivement être contenue par l’amélioration du filtrage à la source d’émission.
Aussi, la pollution des sols est très importante, particulièrement entre Marchienne-au-Pont et le centre-ville
puisque, comme le rappelle Eric Massin, échevin à l’urbanisme (ANNEXE 11), des activités industrielles y ont lieu depuis quasiment 200 ans! Les métaux lourds ont atteint des profondeurs qui décourageraient
n’importe quel acteur qui aurait la volonté de dépolluer le site. En dehors de ce site emblématique, il existe de nombreux sites historiques de production plus mineurs disséminés dans l’agglomération et dont on peut
au moins suspecter la pollution du sol lorsque celle-ci n’est pas avérée officiellement.
S’ajoutent à cela les nuisances locales liées au trafic automobile (pollution sonore, de l’air, encombrement). Les nuisances de la circulation automobile se ressentent assez fort le long des voies primaires en milieu
urbain, même avec des volumes limités de trafic, notamment en raison du gabarit assez étroit de ces voies et de la vitesse élevée des automobiles. En revanche, le petit Ring en viaduc nuit plus par le rejet de
particules fines que par le bruit de la circulation (qui est faible ou du moins discret). Les voies rapides présentes sur le territoire sont très généralement bordées de rideaux de végétation susceptible de filtrer la
pollution des particules. Ces rideaux végétaux sont cependant sans effet sur le bruit généré.
14
L'activité aéroportuaire à Gosselies engendre une pollution sonore importante dont on connait assez clairement les limites sur le territoire. Bien que proche, le centre de Gosselies est plutôt épargné. Le nord de
Lodelinsart est plus directement touché ainsi que le nord de Ransart.
2354 – Schéma de structure communal de Charleroi – Diagnostic synthétique
COOPARCH-R.U. scrl 11/06/2010 - 20 -
Charleroi est une ville très concernée par les problèmes de pollution, mais de manière hétérogène. Le centre-ville, espace ayant la densité de population la plus forte figure parmi les espaces les plus touchés. S'y ajoutent de manière plus intense les nuisances locales liées au trafic automobile (pollution sonore, de l’air, encombrement) Les nuisances de la circulation automobile se ressentent assez fort le long des voies primaires en milieu urbain, même avec des volumes limités de trafic, notamment en raison du gabarit assez étroit de ces voies. En revanche, le petit Ring en viaduc nuit plus par le rejet de particules fines que par le bruit de la circulation peu audible. Le petit Ring est réellement problématique aux endroits où il plonge sous terre, en termes visuel et sonore, outre la pollution de l’air. Les voies rapides présentes sur le territoire sont très généralement bordées de rideaux de végétation susceptible de filtrer la pollution des particules. Ces rideaux végétaux sont cependant sans effet sur le bruit généré. Les principales sources de pollution de l’air sont les installations industrielles implantées dans la vallée de la Sambre entre Marchienne-au-Pont et Charleroi centre. Les vents dominants sont orientés sud-ouest - nord-est. La pollution de l’air se dépose rapidement sur un vaste espace urbain comprenant le centre-ville, Jumet, Lodelinsart, Gilly, Gosselies et au delà. Les territoires de Monceau sur Sambre, la moitié est de Ransart, les territoires les plus suburbains de Marchienne au Pont ainsi que toute la partie située au sud de la Sambre sont relativement épargnés par ces polluants. Cependant, la pollution d’origine industrielle devrait progressivement être contenue par l’amélioration du filtrage à la source d’émission. Par ailleurs, les secteurs de production industrielle sont potentiellement producteurs d’énergie. L'activité aéroportuaire à Gosselies engendre une pollution sonore importante dont on connait assez clairement les limites sur le territoire. Bien que proche, le centre de Gosselies est plutôt épargné. Le nord de Lodelinsart est plus directement touché ainsi que le nord de Ransart. Enfin, il est clair que les sols sont présumés pollués partout où existe ou a existé une activité d’industrie lourde ou polluante. C’est l’évidence dans les grandes zones industrielles du plan de secteur, mais de nombreux sites mineurs insérés dans le milieu urbain sont également suspects.
2354 – Schéma de structure communal de Charleroi – Diagnostic synthétique
COOPARCH-R.U. scrl 11/06/2010 - 20 -
Charleroi est une ville très concernée par les problèmes de pollution, mais de manière hétérogène. Le centre-ville, espace ayant la densité de population la plus forte figure parmi les espaces les plus touchés. S'y ajoutent de manière plus intense les nuisances locales liées au trafic automobile (pollution sonore, de l’air, encombrement) Les nuisances de la circulation automobile se ressentent assez fort le long des voies primaires en milieu urbain, même avec des volumes limités de trafic, notamment en raison du gabarit assez étroit de ces voies. En revanche, le petit Ring en viaduc nuit plus par le rejet de particules fines que par le bruit de la circulation peu audible. Le petit Ring est réellement problématique aux endroits où il plonge sous terre, en termes visuel et sonore, outre la pollution de l’air. Les voies rapides présentes sur le territoire sont très généralement bordées de rideaux de végétation susceptible de filtrer la pollution des particules. Ces rideaux végétaux sont cependant sans effet sur le bruit généré. Les principales sources de pollution de l’air sont les installations industrielles implantées dans la vallée de la Sambre entre Marchienne-au-Pont et Charleroi centre. Les vents dominants sont orientés sud-ouest - nord-est. La pollution de l’air se dépose rapidement sur un vaste espace urbain comprenant le centre-ville, Jumet, Lodelinsart, Gilly, Gosselies et au delà. Les territoires de Monceau sur Sambre, la moitié est de Ransart, les territoires les plus suburbains de Marchienne au Pont ainsi que toute la partie située au sud de la Sambre sont relativement épargnés par ces polluants. Cependant, la pollution d’origine industrielle devrait progressivement être contenue par l’amélioration du filtrage à la source d’émission. Par ailleurs, les secteurs de production industrielle sont potentiellement producteurs d’énergie. L'activité aéroportuaire à Gosselies engendre une pollution sonore importante dont on connait assez clairement les limites sur le territoire. Bien que proche, le centre de Gosselies est plutôt épargné. Le nord de Lodelinsart est plus directement touché ainsi que le nord de Ransart. Enfin, il est clair que les sols sont présumés pollués partout où existe ou a existé une activité d’industrie lourde ou polluante. C’est l’évidence dans les grandes zones industrielles du plan de secteur, mais de nombreux sites mineurs insérés dans le milieu urbain sont également suspects.
5 - Carte de synthèse des questions de pollution à CharleroiDiagnostic synthétique du SSC de CharleroiRéalisation Paul-Hervé Lavessière pour COOPARCH-R.U.
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I.2.3 - Social
Sur des questions sociales, l’arrondissement de Charleroi occupe depuis plusieurs années une position très
défavorable à l’échelle de la Wallonie, et encore plus à l’échelle du royaume tout entier. En effet, le taux de chômage s’élève à un taux avoisinant les 25% alors que la moyenne wallonne est plutôt de 15% (source :
Urban Audit). Une particularité du chômage carolo est qu’il est généralement de longue durée et concerne une population peu qualifiée qui a dur mal à en sortir. Ceci est caractéristique des espaces de tradition
industrielle qui misaient jadis sur la présence en masse d’une classe ouvrière bon marché employable pour des tâches difficiles mais simple.
Les espoirs de s’en sortir sont parfois faibles pour ces chômeurs quand on sait qu’un tiers des demandeurs
d’emploi auraient à peine le niveau d’études primaires (c’est à dire le niveau scolaire des 06-12 ans, à savoir lire, écrire et compter). Des «systèmes D» se mettent en place depuis bien des années jusqu’à devenir plus
que transitoires. Le modèle «aide sociale + travail au noir» est parfois devenu la norme au désavantage de celui de «l’emploi standard à temps plein» car il apporte plus d’avantages à court terme.
Concernant la répartition du chômage dans la ville, on remarque qu’elle est assez inégale. Les quartiers les
plus denses, à savoir la ville-centre et ses abords, regroupent la majeure partie des demandeurs d’emploi. Presque la totalité des quartiers du centre-ville ont un taux de chômage entre 10 et 20%.
Au contraire, les quartiers périphériques ont moins de demandeurs d’emploi, notamment au sud de la ville qui se démarque à nouveau par une caractéristique positive.
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6 - cartes statistiques : chômage et revenussource : COOPARCH-R.U.
Selon Urban-Audit, le revenu annuel moyen carolo en 2004 était de 14.000 euros alors qu’il était de 15.500
à Liège, 17.000 à Namur ou encore 17.600 à Gand. Charleroi est donc encore dans une position de désavantage sur ce critère revenu annuel à l’échelle de ses pairs, de la Région et plus largement du
Royaume. De plus au niveau local, on note encore des disparités fortes entre les territoires de l’agglomération. Une
opposition Nord-Sud se vérifie encore (si l’on considère seulement les espaces densément peuplés).
I.2.4 - «Chicago-sur-Sambre»
Un article de 2001 publié dans le New York Times (ANNEXE 07) dresse un tableau extrêmement négatif de la ville de Charleroi. Si l’on en croit l’auteur, les commerçants carolos sont tous armés, la police est
complètement inapte à faire face à l’insécurité. La ville est championne pour le nombre de car-jacking qui a lieu chaque année dans ses rues.
Réalisation : Paul-Hervé Lavessière
Charleroi est une ville assez inégalitaire. On trouve beaucoup de populations pauvres et dans son sud, de vraies fortunes plus ou moins anciennes (self-made-men et vieilles fortunes familiales se côtoient).
La ville de Charleroi est aussi concernée par des problèmes de criminalité importants. Encore une question de réputation qui ferait passer Charleroi pour une des villes les plus dangereuses d’Europe.
Beaucoup d’article de journaux et un numéro spécial du Soir ont été publiés à ce sujet (ANNEXE 2, 3 et 4).
I.2.5 - Économique
Charleroi est reconnu par le Schéma de Développement de l’Espace Régional (SDER) de la Région
Wallonne comme «pôle majeur», titre seulement partagé avec Liège. L’étude de la participation des arrondissements dans le PIB wallon confortent cette analyse.
En effet, il en ressort que l’économie régionale est polarisée par trois métropoles : Liège (quasi 25 % du PIB et premier pôle d’emploi), Bruxelles, qui bien que hors Région Wallonne, polarise l’arrondissement de
Nivelles (dans le Brabant Wallon) qui représente 14 % du PIB, et enfin Charleroi, dont la participation à la
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production de richesse wallonne se fait à hauteur de 13,2 %. Ces trois métropoles représenteraient à elles seules plus de la moitié du PIB régional.
Cependant, il est frappant de constater que ces « moteurs » de l’économie wallonne sont ceux où la croissance est la plus faible. Seul le Brabant wallon (Nivelles) lié au dynamisme de Bruxelles s’affiche dans
les régions les plus dynamiques, tandis que les deux « poids lourds » régionaux que sont Liège et surtout Charleroi affichent des taux parmi les plus bas : respectivement 2,1% et 1,7% de croissance entre 2000 et
2003. Nivelles a accru son PIB de presque 5% sur la même période.
À l’échelle du territoire de la commune, il est intéressant de voir que le secteur industriel a une importance relativement faible en pourcentage dans l’emploi global. Il a cependant une importance plus grande que ce
chiffre, compte-tenu de la population que cela concerne (qui a peu de marges de manoeuvres et pourrait difficilement se destiner à d’autres types d’emploi) et de la masse de richesse créée par le secteur industriel.
Selon Eric Massin, «certains des quartiers [de Charleroi] ont une main d’oeuvre à jusqu’à 30% ouvrière (en terme de richesse produite par habitant) et il n’y a pour l’instant rien pour remplacer ces activités» qui du
reste sont rentables (ANNEXE 11). L’industrie à Charleroi est donc encore un élément important et sans intervention des pouvoirs publics, des unités parfois de grande taille restent rentables.
Un élément phare au sein des efforts de reconversion de la ville est le site de l’Aéropôle. Autour de
l’aéroport, sur la partie nord de la commune, a été développé un parc scientifique et technologique high-tech spécialisé dans les sciences du vivant, des Technologies de l’Information et de la Communication, de
l’Aéronautique et des Services aux entreprises. Commencé avec un pôle aéronautique puis rejoint dans les années 1960 par CATERPILLAR, cette partie de Charleroi voit aujourd’hui s’accroître son rôle économique.
Elle rassemble aujourd’hui plus de 160 entreprises et emploie plus de 4000 personnes.
8 - Part des principales filières d’emplois Source : traitement COOPARCH-RU des données ONSS
18
7 -
L’élément le plus visible par le public est l’aéroport international «Brussels South Charleroi Airport» sur
lequel RyanAir a installé depuis 1997 l’une de ses plus importantes bases offrant plus de 60 destinations vers l’Europe et le bassin méditerranéen.
Le développement de l’Aéropole témoigne à la fois des ressources du secteur privé et du volontarisme des
acteurs publics pour sortir Charleroi de la tourmente. Cependant, il faut bien savoir que ce type d’initiative profite finalement assez peu à la ville elle-même et à ses habitants les plus fragilisés.
La chance de Charleroi est de disposer d’une importante plateforme logistique multimodale (Port Autonome
de Charleroi) puisque ce secteur d’activité est pourvoyeur d’emplois peu qualifié. Malgré tout, elle ne rivalise que peu avec la force logistique de Liège.
9 - Peu d’aéroport Ryanair offrent autant de destinations. En se nommant «Brussels South», le parti est pris de jouer sur la proximité avec Bruxelles. Carte : Ryanair.com
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2354 – Schéma de structure communal de Charleroi – Diagnostic synthétique
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1.7. CHARLEROI ENTREPRENANT – SYNTHESE SPATIALISEE
L’inscription dans l’espace de l’économie carolorégienne se représente sur deux plans Les grands sites spécialisés de la base économique L’économie résidentielle concentrée au centre et aussi présente dans l’habitat. Au nord, le plateau de l'Aéropole concentre, en plus d'un aéroport au développement continu, de nombreuses zones d'activité avec des emplois high-tech. Situé au Nord de l'agglomération, l'Aéropole regarde autant vers Bruxelles que vers le pays de Charleroi. Cet élément constitue un point d'attache important entre le territoire carolorégien et le reste de la Belgique. Rapprocher ce pôle de développement du centre-ville de Charleroi serait très bénéfique aux deux et la recréation de l’axe de tram entre Gosselies et le centre-ville de Charleroi va dans ce sens. Dans le bassin de la Sambre de l'ouest, l'héritage industriel lourd reste omniprésent. Les volumes imposants que l’on y trouve viennent rappeler pourquoi Charleroi s'y est développée depuis plus d’un siècle. Ce secteur des industries est toujours actif et constitue une base productive forte pour l'agglomération. Les préoccupations environnementales viennent aussi rappeler le besoin urgent d'un renouvellement sur cet espace qui devient le secteur principal pour une mutation industrielle et paysagère à l’étude via le schéma directeur « Porte Ouest ». Globalement, tout le long de la Sambre, on retrouve des paysages industriels et donc un foncier potentiel de grands espaces. Ceci constitue une vraie force pour Charleroi puisque les développements proprement industriels sont intéressés par une offre de terrains vastes à vocation d’activités et proches des services urbains. Parmi tous les possibles, la connexion de l’aéroport au réseau ferroviaire, la prolongation de l’autoroute A503 en direction de Couvin et la connexion améliorée de la plateforme multimodale de Montignies-sur-Sambre au ring R3 sont les questions d’équipement premières pour le développement de la base économique de Charleroi.
2354 – Schéma de structure communal de Charleroi – Diagnostic synthétique
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1.7. CHARLEROI ENTREPRENANT – SYNTHESE SPATIALISEE
L’inscription dans l’espace de l’économie carolorégienne se représente sur deux plans Les grands sites spécialisés de la base économique L’économie résidentielle concentrée au centre et aussi présente dans l’habitat. Au nord, le plateau de l'Aéropole concentre, en plus d'un aéroport au développement continu, de nombreuses zones d'activité avec des emplois high-tech. Situé au Nord de l'agglomération, l'Aéropole regarde autant vers Bruxelles que vers le pays de Charleroi. Cet élément constitue un point d'attache important entre le territoire carolorégien et le reste de la Belgique. Rapprocher ce pôle de développement du centre-ville de Charleroi serait très bénéfique aux deux et la recréation de l’axe de tram entre Gosselies et le centre-ville de Charleroi va dans ce sens. Dans le bassin de la Sambre de l'ouest, l'héritage industriel lourd reste omniprésent. Les volumes imposants que l’on y trouve viennent rappeler pourquoi Charleroi s'y est développée depuis plus d’un siècle. Ce secteur des industries est toujours actif et constitue une base productive forte pour l'agglomération. Les préoccupations environnementales viennent aussi rappeler le besoin urgent d'un renouvellement sur cet espace qui devient le secteur principal pour une mutation industrielle et paysagère à l’étude via le schéma directeur « Porte Ouest ». Globalement, tout le long de la Sambre, on retrouve des paysages industriels et donc un foncier potentiel de grands espaces. Ceci constitue une vraie force pour Charleroi puisque les développements proprement industriels sont intéressés par une offre de terrains vastes à vocation d’activités et proches des services urbains. Parmi tous les possibles, la connexion de l’aéroport au réseau ferroviaire, la prolongation de l’autoroute A503 en direction de Couvin et la connexion améliorée de la plateforme multimodale de Montignies-sur-Sambre au ring R3 sont les questions d’équipement premières pour le développement de la base économique de Charleroi.
10 - Carte de synthèse : «Charleroi entreprenant»Diagnostic synthétique du SSC de CharleroiRéalisation Paul-Hervé Lavessière pour COOPARCH-R.U.
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I.3 - Grammaire urbaine et structure bâtie Connaissant à présent le passé et lʼétat actuel de la ville de Charleroi dans les grandes lignes, nous disposons des éléments nécessaires à la compréhension de sa structure bâtie et paysagère.
Charleroi est généralement présentée comme une ville multipolaire. En effet, son histoire l’explique simplement. À la base une simple base militaire, son développement a été celui de ses multiples communes
voisines industrielles. Cependant, comme exprimé dans le diagnostic synthétique du S.S.C., «on peut poser l’hypothèse que le site de Charleroi ne se serait pas développé en agglomération urbaine de cette
importance si, au milieu d’un bassin minier et industriel, ne s’était pas planifié et développé une ville nouvelle fortement structurée, créée comme lieu de services et d’urbanité. De la sorte, Charleroi-centre est sans
conteste le pôle de référence d’une agglomération multipolaire. Marchienne/Monceau, Montignies-sur-Sambre, Gilly etc. ont leur équivalent dans la structuration d’autres agglomérations perçues, elles, comme
plus classiques.
11 - Le bâti à Charleroiréalisation : Cooparch-R.U.
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On doit donc se poser la question de la réalité de l’éclatement carolorégien traditionnellement mis en avant, si ce n’est qu’il est mis en avant afin de masquer une réalité qui peine à s’assumer : Charleroi, industrielle
comme d’autres sont administratives, est une agglomération urbaine tout à fait polarisée par un centre-ville fort et incontesté, tandis que l’étendue de l’agglomération explique le maintien ou le
renforcement de centralités relais.»
À cette lecture, on comprend très vite qu’il existe un débat important quant à la polycentralité de Charleroi. En effet, son acceptation n’est pas anodine. Le fait de considérer Charleroi comme très polycentrique remet
en question l’importance de son centre. Si l’on considère que Charleroi est polycentrique, il y a peu de raison d’encourager le développement de son centre. Il est plus juste dans cette conception de ne pas favoriser un
quartier à un autre.
Pourtant, on ne peut nier que le centre-ville de Charleroi est très structurant et qu’aucune centralité secondaire, c’est à dire ancien centre de commune avant la fusion ne peut réellement rivaliser avec le
centre-ville. Les centralités secondaires ont des allures de village ou de petite ville alors que Charleroi-centre est clairement une grande ville avec des cinémas, des cafés et restaurants, une ville qui ne pourrait être
ainsi si elle ne rayonnait pas sur une agglomération et un arrière-pays relativement étendus.
De plus, concernant les abords du centre-ville, il est aussi délicat de parler de «première ou seconde couronne». En effet, puisque la ville ne s’est pas constituée de manière radioconcentrique, le schéma de
structure préfèrera par exemple l’appellation «agglomération intérieure» et «agglomération extérieure», la première désignant un territoire au bâti relativement ancien (XIXe et début XXe généralement) et la seconde
faisant référence à des morphologies urbaines clairement périurbaines avec un bâti plus récent et de type «fermette à quatre façades».
Ici encore, il y a un réel enjeu à parler de première et deuxième couronne ou non. En effet, en première couronne, il y a des éléments que l’on s’attend ou non à rencontrer. À Charleroi, si l’on parlait de première
couronne, cela mettrait en avant le fait qu’on a des sites industriels gigantesque très proche du centre-ville. On préfèrera donc mettre en avant le fait que Charleroi ne colle pas à un tel modèle et présenter le tableau
d’une agglomération polycentrique. Cela permet de relativiser la situation actuelle. Il y a encore là une dimension politique forte dans la manière de nommer les espaces urbains carolos et de les qualifier : on ne
choisit pas les termes au hasard!
«Toute ville moderne est nécessairement une agglomération et celle-ci, à partir d’une certaine taille est
polycentrique. Le centre de Charleroi est de fait une ville nouvelle développée dans l’espace de la citadelle, elle même
construite au départ d’un village. Dès le 19ème siècle, la citadelle a perdu ses fortifications et en quelques décennies s’est construit une sorte de corps atypique en pays industriel et minier et complémentaire à lui,
une ville commerçante et administrative compacte, une succession de quartiers planifiés du sud au nord, du niveau de la Sambre au plateau de la Ville Haute. Cette ville est à l’agglomération de Charleroi ce que
Manhattan est à New York, un espace très urbain opposé au soi-disant magma du reste, clairement délimité par son « ring », périphérique routier en forme d’anneau allongé qui sépare l’intérieur très urbain de
l’extérieur très faubourg. L’expansion du centre-ville a été consubstantielle de celle du pays minier et industriel. Il a toujours existé
une relation forte avec les quartiers dispersés autour des mines et des usines, tandis que ce centre générait
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lui-même des faubourgs résidentiels qui s’agrégeaient avec ces quartiers. La principale différence entre Charleroi et des agglomérations clairement radioconcentriques est l’absence de voies radiales planifiées. A
Charleroi, ce sont les chaussées anciennes et seulement elles qui ont assuré la trame des voies radiales.Avec le déclin de l’industrie lourde et la fermeture des charbonnages de l’agglomération, il est resté l’habitat
de plus en plus polarisé par les emplois et les services de cœur urbain. Charleroi se présente donc aujourd’hui comme une agglomération ni plus ni moins polarisée par son centre
qu’une autre. Tout au plus pourrait-on considérer que les centralités anciennes conservent une importance plus marquée que ce qu’on pourrait voir ailleurs, compte-tenu de la population concernée.»
Entretien avec Frans Uyttebrouck, urbaniste et associé COOPARCH-R.U. (ANNEXE 10)
Une particularité importante à Charleroi est la répartition de ce qu’on appellera «l’urbanité» ou «le caractère urbain». En effet, les dimensions de voirie et de bâti font ressortir un caractère plus ou moins urbain selon
où l’on se trouve mais cela n’est que peu lié à la distance au centre-ville.
Si les centralités secondaires font office de relais urbains dans l’agglomération, il faut souligner l’importance des chaussées radiales, qui mènent généralement à ces centralités, et qui sont elles «porteuses d’urbanité».
Plus que des chaussées mais trop souvent encore traitées comme telles, elles sont les boulevards de demain. Le long de ces longues chaussées, on va retrouver de nombreux caractères urbains : un bâti plus
élevé et plus élaboré que dans le reste de l’agglomération (à part le centre-ville). On y trouvera de grandes maisons bourgeoises, et des maisons mitoyennes formant de petits ensembles cohérents. On trouvera
encore une activité commerciale intermittente parfois localement dense, ce qui est encore une caractéristique bien urbaine.
Cette situation peut s’expliquer par le fait que ces chaussées ont été les premières voies carrossables
équipées. De plus c’est une chose assez courante en Wallonie, que l’on retrouvera dans de nombreuses ville : le caractère urbain suit les chaussées. Au premier passage en voiture, cela donne l’impression d’une
grande ville dense mais dés lors que l’on quitte ces grandes chaussées pour rejoindre le réseau plus secondaire, ce qu’il y a «derrière» le front bâti de cette chaussée, on retrouve des quartiers résidentiels
calmes, des paysages villageois, périurbains ou même ruraux.
On a aussi démoli des bâtiments industriels qui jadis avaient pignon sur ces chaussées laissant alors de grands vides ce qui donne un caractère parfois décousu à ces chaussées. Certaines de ces grandes
chaussées étaient aussi souvent parcourues de tramways qui ajoutaient au caractère urbain et rayonnant de ces voiries. La chaussée de Bruxelles sera équipée prochainement d’un nouveau tram. Celui-ci devrait
rendre à cette axe sa valeur de boulevard qu’il avait perdu.
En effet, ces chaussées sont aujourd’hui caractérisées par des trottoirs étroits et une place très importante faite à l’automobile. Les vitesses des voitures sont relativement élevées et les distances à pieds paraissent
interminables. Les traversées à pied sont parfois dangereuses et tout est là pour faire ressembler ces chaussées beaucoup plus à des routes bordées de bâtiments qu’à de véritables rues habitées qui
tolèreraient un trafic.
On retrouve aussi de façon interstitielle des espaces agricoles qui subsistent en agglomération extérieure. Ils sont relativement anecdotiques.
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12 - Carte de synthèse : «Grammaire urbaine de Charleroi»Diagnostic synthétique du SSC de CharleroiRéalisation Paul-Hervé Lavessière pour COOPARCH-R.U.
2354 – Schéma de structure communal de Charleroi – Diagnostic synthétique
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1.1. CHARLEROI BATI ET PAYSAGER – SYNTHESE SPATIALISEE
Centre-ville On peut poser l’hypothèse que le site de Charleroi ne se serait pas développé en agglomération urbaine de cette importance si, au milieu d’un bassin minier et industriel, ne s’était pas planifié et développé une ville nouvelle fortement structurée, créée comme lieu de services et d’urbanité. De la sorte, Charleroi-centre est sans conteste le pôle de référence d’une agglomération multipolaire. Marchienne/Monceau, Montignies-sur-Sambre, Gilly etc. ont leur équivalent dans la structuration d’autres agglomérations perçues, elles, comme plus classiques. On doit donc se poser la question de la réalité de l’éclatement carolorégien traditionnellement mis en avant, si ce n’est qu’il est mis en avant afin de masquer une réalité qui peine à s’assumer : Charleroi, industrielle comme d’autres sont administratives, est une agglomération urbaine tout à fait polarisée par un centre-ville fort et incontesté, tandis que l’étendue de l’agglomération explique le maintien ou le renforcement de centralités relais. Dans son étendue limitée, le centre-ville est multiple, comportant des rues à caractère résidentiel de gabarits moyens mais aussi des immeubles au gabarit élevé. Sa différence fondamentale par rapport au reste de l’agglomération est la constance des îlots fermés. Le centre-ville de Charleroi dispose d'atouts propres de la grande ville : monuments historiques, espaces piétonniers commerçants, trésors architecturaux du 20ième siècle, boulevards… Le centre-ville est aujourd'hui en cours de restauration par la mise en valeur de ses espaces publics, tandis que de nombreux projets de mutations immobilières attestent de l’intérêt des investisseurs privés et publics pour son potentiel d’attractivité. Territoires à enjeux autour du centre-ville On peut identifier des territoires à enjeux en complément du premier centre-ville :
• à l’intérieur du Petit Ring, en extension du centre cerné par celui-ci, les îlots susceptibles de connaître de profondes mutations immobilières ;
• à l’extérieur du Petit Ring, les paysages et îlots dont l’occupation existante semble insuffisamment compatible avec le potentiel qu’offre la proximité du centre.
Il s’agit d’un ensemble aujourd'hui peu structuré d’espaces où va se jouer le lien entre le centre-ville et les quartiers périphériques. Ces territoires sont la couronne par laquelle Charleroi peut affirmer l’extension de son centre métropolitain au moyen de projets prestigieux.
La cartographie synthétique du Charleroi bâti et paysager est commune à celle du diagnostic établi pour le Règlement communal d’urbanisme.
2354 – Schéma de structure communal de Charleroi – Diagnostic synthétique
COOPARCH-R.U. scrl 11/06/2010 - 8 -
1.1. CHARLEROI BATI ET PAYSAGER – SYNTHESE SPATIALISEE
Centre-ville On peut poser l’hypothèse que le site de Charleroi ne se serait pas développé en agglomération urbaine de cette importance si, au milieu d’un bassin minier et industriel, ne s’était pas planifié et développé une ville nouvelle fortement structurée, créée comme lieu de services et d’urbanité. De la sorte, Charleroi-centre est sans conteste le pôle de référence d’une agglomération multipolaire. Marchienne/Monceau, Montignies-sur-Sambre, Gilly etc. ont leur équivalent dans la structuration d’autres agglomérations perçues, elles, comme plus classiques. On doit donc se poser la question de la réalité de l’éclatement carolorégien traditionnellement mis en avant, si ce n’est qu’il est mis en avant afin de masquer une réalité qui peine à s’assumer : Charleroi, industrielle comme d’autres sont administratives, est une agglomération urbaine tout à fait polarisée par un centre-ville fort et incontesté, tandis que l’étendue de l’agglomération explique le maintien ou le renforcement de centralités relais. Dans son étendue limitée, le centre-ville est multiple, comportant des rues à caractère résidentiel de gabarits moyens mais aussi des immeubles au gabarit élevé. Sa différence fondamentale par rapport au reste de l’agglomération est la constance des îlots fermés. Le centre-ville de Charleroi dispose d'atouts propres de la grande ville : monuments historiques, espaces piétonniers commerçants, trésors architecturaux du 20ième siècle, boulevards… Le centre-ville est aujourd'hui en cours de restauration par la mise en valeur de ses espaces publics, tandis que de nombreux projets de mutations immobilières attestent de l’intérêt des investisseurs privés et publics pour son potentiel d’attractivité. Territoires à enjeux autour du centre-ville On peut identifier des territoires à enjeux en complément du premier centre-ville :
• à l’intérieur du Petit Ring, en extension du centre cerné par celui-ci, les îlots susceptibles de connaître de profondes mutations immobilières ;
• à l’extérieur du Petit Ring, les paysages et îlots dont l’occupation existante semble insuffisamment compatible avec le potentiel qu’offre la proximité du centre.
Il s’agit d’un ensemble aujourd'hui peu structuré d’espaces où va se jouer le lien entre le centre-ville et les quartiers périphériques. Ces territoires sont la couronne par laquelle Charleroi peut affirmer l’extension de son centre métropolitain au moyen de projets prestigieux.
La cartographie synthétique du Charleroi bâti et paysager est commune à celle du diagnostic établi pour le Règlement communal d’urbanisme.
2354 – Schéma de structure communal de Charleroi – Diagnostic synthétique
COOPARCH-R.U. scrl 11/06/2010 - 8 -
1.1. CHARLEROI BATI ET PAYSAGER – SYNTHESE SPATIALISEE
Centre-ville On peut poser l’hypothèse que le site de Charleroi ne se serait pas développé en agglomération urbaine de cette importance si, au milieu d’un bassin minier et industriel, ne s’était pas planifié et développé une ville nouvelle fortement structurée, créée comme lieu de services et d’urbanité. De la sorte, Charleroi-centre est sans conteste le pôle de référence d’une agglomération multipolaire. Marchienne/Monceau, Montignies-sur-Sambre, Gilly etc. ont leur équivalent dans la structuration d’autres agglomérations perçues, elles, comme plus classiques. On doit donc se poser la question de la réalité de l’éclatement carolorégien traditionnellement mis en avant, si ce n’est qu’il est mis en avant afin de masquer une réalité qui peine à s’assumer : Charleroi, industrielle comme d’autres sont administratives, est une agglomération urbaine tout à fait polarisée par un centre-ville fort et incontesté, tandis que l’étendue de l’agglomération explique le maintien ou le renforcement de centralités relais. Dans son étendue limitée, le centre-ville est multiple, comportant des rues à caractère résidentiel de gabarits moyens mais aussi des immeubles au gabarit élevé. Sa différence fondamentale par rapport au reste de l’agglomération est la constance des îlots fermés. Le centre-ville de Charleroi dispose d'atouts propres de la grande ville : monuments historiques, espaces piétonniers commerçants, trésors architecturaux du 20ième siècle, boulevards… Le centre-ville est aujourd'hui en cours de restauration par la mise en valeur de ses espaces publics, tandis que de nombreux projets de mutations immobilières attestent de l’intérêt des investisseurs privés et publics pour son potentiel d’attractivité. Territoires à enjeux autour du centre-ville On peut identifier des territoires à enjeux en complément du premier centre-ville :
• à l’intérieur du Petit Ring, en extension du centre cerné par celui-ci, les îlots susceptibles de connaître de profondes mutations immobilières ;
• à l’extérieur du Petit Ring, les paysages et îlots dont l’occupation existante semble insuffisamment compatible avec le potentiel qu’offre la proximité du centre.
Il s’agit d’un ensemble aujourd'hui peu structuré d’espaces où va se jouer le lien entre le centre-ville et les quartiers périphériques. Ces territoires sont la couronne par laquelle Charleroi peut affirmer l’extension de son centre métropolitain au moyen de projets prestigieux.
La cartographie synthétique du Charleroi bâti et paysager est commune à celle du diagnostic établi pour le Règlement communal d’urbanisme.
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II - Quelle stratégie de développement urbain ?
Le collège des bourgmestres et échevins de Charleroi ont décidé en 2009 de rédiger un nouveau Schéma de Structure Communal. Ce document stratégique est défini par le code Wallon de l’Aménagement
(CWATUPE) comme document d’orientation, d’évaluation, de gestion et de programmation du développement durable de l’ensemble du territoire communal. C’est un document hautement stratégique qui
invite à se projeter plusieurs dizaines d’années dans le futur. La bureau d’étude COOPARCH-R.U. a été mandaté pour la réalisation de ce document. J’ai donc eu
l’opportunité de participer à l’élaboration d’un diagnostic synthétique de la ville notamment via un travail de cartographie. J’ai pu être confronté directement à l’action de la municipalité.
II.1 - Un manque de vision stratégiqueII.1.1 - Gestion dʼurgence
Charleroi est souvent caricaturée mais des raisons existent malheureusement. On a parfois le sentiment qu’il y a peu de stratégie réelle dans laquelle la commune est engagée et qui fédère l’ensemble des actions
menées. La gestion a l’air de se faire beaucoup dans l’urgence, ce qui est risqué à long terme.
La société Eole, spécialiste en conception d’espaces verts a participé à la réalisation d’un audit du département de l’écologie urbaine à la Ville de Charleroi, dans le cadre de l’élaboration du S.S.C.. Cet audit
rend compte des difficultés des services communaux à se projeter et se coordonner de manière efficace pour la gestion des espaces verts et des espaces publics de la ville. Considérons cet exemple de la division
de l’écologie urbaine comme révélateur des différents dysfonctionnements au sein des services de la ville.
Tout d’abord, l’audit rend compte de la démotivation du personnel et des responsables. Celle-ci serait du
principalement à :
- la gestion du personnel (manque de formation, disponibilité relative, anomalies dans l’attribution des grades et
donc des rémunérations correspondantes) ;
- la disponibilité du matériel d’exploitation ;
- les difficultés d’approvisionnement de l’ensemble des fournitures ;
- les contraintes administratives et réglementaires ;
- le manque de moyens informatiques ou bureautique.
Le travail se fait souvent dans la «débrouille» par des agents qui font de leur mieux la plupart du temps mais qui
ne trouvent pas le soutien nécessaire à la bonne marche générale du service.
L’audit met en évidence le fait que l’outil informatique est trop peu utilisé dans la gestion du service, ce qui aurait
des conséquence en matière d’organisation et donc d’efficacité. Il y aurait aussi une tendance générale à
considérer que les dysfonctionnements ont une origine externe, ou encore passée, ce qui ne pousse pas assez à
le service à se responsabiliser.
Au sein de cette division de l’écologie urbaine, le bureau d’étude note que l’information n’est généralement pas
bien relayée et diffusée parmi les différents membres du service. Le bureau lui-même a eu de grandes difficultés
à avoir accès à certaines données statistiques fiables, ce qui est une base importante dans un système
démocratique.
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Certes, ces questions organisationnelles peuvent paraître éloignées des questions de stratégie territoriale
mais tout est lié. Il est délicat de faire traverser l’océan à un gros navire si la coque du bateau est abîmée et que l’on se dispute pour savoir où sont les outils et qui doit faire quoi?! Ce qui semble manquer depuis des
années est un projet collectif fédérateur auquel chaque action individuelle se rattache. Par exemple, fleurir un rond-point parce que cela fait partie d’un plan de fleurissement de la ville ou entretenir un chemin parce
que celui-ci fait partie d’une trame verte dans la ville, ne revient pas au même que de réaliser ces mêmes actions sans plan global.
Aussi, la gestion des espaces verts et de la propreté relèvent de de deux divisions différentes qui ne
communiquent pas toujours très bien. Pourtant leur travail est très lié. Comment entretenir les espaces verts s’ils ne sont pas nettoyés? Comment nettoyer si l’herbe n’est pas coupé? Cela peut sembler très basique
mais réfléchir ainsi à petite échelle met en évidence la nécessité de dialogue et de collaboration entre les services sans quoi le travail est d’une qualité moindre.
De plus, comme le rappelle le rapport de l’audit, les services de la Ville de Charleroi font face à des
difficultés d’ordre financier importantes. Lorsqu’on élabore un document comme le S.S.C. la relation avec le maître d’ouvrage est très importante.
Avec Charleroi, on s’habitue à faire des réunions avec un effectif réduit en face de nous. Cela n’aide par le porteur du projet à évaluer son travail en cours.
Débordé par des problèmes urgents, les équipes ont des difficultés à se projeter à long terme, ce qui est assez délicat lorsqu’on se lance dans la réalisation d’une document stratégique comme un S.S.C.
II.1.2 - Une classe politique médiatisée sur des éléments négatifs
Les «affaires carolorégiennes» ont beaucoup terni l’image de la classe politique locale. Les plus récents exemples sont des problèmes de malversations autour d’une société de logement social («la
Carolorégienne»), des détournements de fonds au profit d’associations paracommunales sportives ou directement pour financer des travaux privés («la chaudière de Carcassone»).
Aussi, la Ville de Charleroi a la réputation d’avoir truqué plusieurs marchés publics pendant de nombreuses années, ce qui a mené aussi à des inculpations et condamnations d’échevins et de personnels des services.
Des irrégularités ont aussi été commises autour de «l’Intercommunale de Collecte et de Destruction des Immondices» : faux et usages de faux, légèreté dans la manipulation de produits dangereux.
Enfin, en 2007, on a découvert que plusieurs échevins avaient réalisé de faux procès verbaux de collège échevinal ; les procès verbaux étaient rédigés sans que le collège n’ait eu lieu.
«(...) Charleroi devient le symbole d’une mal-gouvernance que certains associent au Parti Socialiste. Les
images diffusées sont désastreuses pour la ville : des élus et des employés qui défilent au Palais de Justice, d’autres qui sont incarcérés. En juin 2007, quand le PS perd le scrutin fédéral, la vindicte des camarades est
grande : c’est la faute à Charleroi.»Paru dans Le Soir - numéro spécial «Le Soir Ose Charleroi» Mercredi 12 juin 2008.
Plusieurs dizaines d’élus et responsables de l’administration ont été inculpé et des condamnations parfois
lourdes ont été prononcées.
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II.2 - Récemment, volonté de tourner la page et de se projeter davantage
II.2.1 - Une nouvelle équipe politique
Depuis l‘été 2007, une coalition tripartite est mise en place avec comme Bourgmestre Jean-Jacques Viseur
affilié au CdH (Centre Démocrate Humaniste) qui est le principal parti centriste (autrefois appelé Parti Social Chrétien). Les deux autres membres sont Olivier Chastel affilié au Mouvement Réformateur (équivalent
UMP) et Paul Magnette affilié au Parti Socialiste. Cela représente un grand changement dans le paysage politique carolo qui était habitué à voir les majorités socialistes se succéder de manière ininterrompue depuis
la fusion des communes en 1977. Ce changement amène à davantage de dialogue avec l’opposition représentée par le parti Ecolo dont le chef de ville est Jean-Marc Nollet.
Ce système de tripartite se veut une rupture avec les déboires politiques carolos qui ont atteint des sommets
en 2005 avec toutes les affaires judiciaires ayant mis en cause des échevins et responsables. Considérés par la presse comme les «4 fantastiques» allant sauver Charleroi, la mission qu’on leur prête n’est pas
aisée. D’autant plus que même si les têtes des responsables changent, l’administration reste constituée par les mêmes personnalités et dispose d’un pouvoir réel, souvent sous-estimé.
Le discours de ces quatre personnalités politiques est intéressant à analyser. Olivier Chastel (MR) met
l’accent sur le centre-ville et la nécessité de repenser son urbanisme tandis que le socialiste Paul Magnette et l’écologiste Jean-Marc Nollet parlent du besoin de changer l’image de la ville et voient l’environnement
comme un vecteur prioritaire pour y parvenir. Enfin Jean Jacques Viseur, le bourgmestre, identifie l’éducation comme enjeu n°1. Il est en effet frappant de constater que pour beaucoup de carolos qui
connaissent des difficultés, cela a commencé à l’école. Prendre le problème à la source et parier sur les adultes actifs de demain parait avoir du sens. La projection vers l’avenir n’a pas vraiment été la norme au
sein de la classe politique traditionnelle carolo. On cherchait plutôt à promouvoir une économie productiviste sans se soucier des dégâts engendrés, puis, quand la crise des industries est arrivée, la gestion des
problèmes se faisait au fur et à mesure, plutôt dans une logique d’urgence. Les mauvaises langues prétendent que chaque lundi, l’équipe municipale ouvrait le journal et selon les nouvelles qu’elle y trouvait,
prenait des décisions pour la semaine à venir.
Ce pari sur l’avenir fait par Jean Jacques Viseur témoigne d’une plus grande foi en l’avenir. C’est du moins ce que présentent les journaux. Aussi, l’échevin à l’urbanisme Eric Massin (PS), cherche à inscrire la ville de
Charleroi dans une logique de «grand projet urbain» qui poserait le centre-ville en pôle urbain rayonnant localement mais aussi plus largement. C’est un véritable mécanisme de métropolisation qu’il cherche à
amorcer.
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II.2.2 - Des grands projets Récemment, la municipalité sʼest lancée dans une politique de grands projets qui dénote avec la gestion au petit bonheur quʼon lui reproche souvent. Ces projets sont :
- le projet Phénix : revitalisation du centre-ville avec l’aide du fond FEDER- le projet Rive Gauche : pendant privé de Phénix
- le tram et le métro- le grande projet Porte Ouest
a) Le projet PhénixLe grand projet urbain de revitalisation du centre-ville est nommé «Phénix» et bénéficie de fonds FEDER sur la période 2007-2013. Il a été présenté à l’automne 2009 par Eric Massin et est constitué de 8 projets :
1 - La «revitalisation de la Ville Basse» : le " triangle " constitué par les rues du Moulin, Desandrouin et de
la Fenderie sont concernés par des problèmes de prostitution, d’insécurité, de dégradation du bâti et de circulation. Il s’agira d’aménager des espaces piétonniers et/ou semi-piétonniers, de démolir les immeubles
les plus vétustes au bénéfice d’espaces publics soignés sur le plan paysager. Le but serait de faire de ce quartier considéré comme l’un des pires, un des quartiers les plus branchés de la ville.
Le collectif Charleroi faceB proposait même dans sa carte touristique d’y implanter l’auberge de jeunesse de la ville qui fait pour l’instant défaut, ce qui paraît logique vu la proximité avec la gare.
2 - Passerelle végétale à la Rue de la Montagne : ce projet invite à une mise en valeur du patrimoine
immobilier dans le centre-ville. Il y aura aussi un effort pour réhabiliter les étages au dessus des commerces pour y accueillir des bureaux et logements.
3 - Aménagement de la Place de la Digue : Le long de la rue du grand Central, il s’agira de créer un forum
couvert qui pourrait accueillir le marché de la Ville Basse. C’est d’ailleurs ici qu’il avait lieu historiquement. Aujourd’hui, cette place est surtout un grand parking, comme beaucoup d’espaces publics carolos. Cet
espace devrait permettre l’organisation d’événements culturels et populaires.
4 - Aménagement des Quais de Sambre : comme cela se fait dans beaucoup de villes européennes, on cherche par ce projet à réconcilier la ville avec la voie d’eau, à «rendre leur rivière aux carolos». Aujourd’hui,
le niveau de l’eau est assez bas par rapport aux quais ce qui donne une grande impression de vide, de tranchée. Ajoutée en plus au petit Ring et aux voies de chemin de fer, la coupure entre la ville basse et les
anciennes communes du sud est importante. Le but serait de faire de ces quais de Sambre un lieu privilégié pour la balade.
5 - Porte des Arts : Le bâtiment de l’ancienne Banque Nationale a été acquis par la ville mais l’affectation
n’est pas encore décidée. On parle d’un Centre de l’Image et du Cinéma, qui devrait accueillir une salle de cinéma d’art et d’essai. Une passerelle piétonne devrait aussi franchir la Sambre pour relier davantage le
nord et le sud de la rivière.
6 - Multimodale commerciale à la Gare de l’Ouest : Ce projet s’attaque à la logistique urbaine. En effet, il s’agirait d’utiliser la gare de l’Ouest comme «tampon» pour les marchandises destinées aux commerces
situés à l’intérieur du ring. Un système de service par transport "propre" assurera les livraisons des
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commerces en centre ville ce qui devrait réduire voire supprimer le trafic de transit des camions dans les rues du centre et contribuer à apaiser la circulation dans le centre. Il s’agira de créer un bâtiment autonome
énergétiquement et soigné sur le plan visuel pour une bonne intégration urbaine.
7 - Cœur vert pour la place Albert Ier : La place Albert Ier est une place minérale utilisée comme parking. Il s’agirait de verduriser davantage la place pour qu’elle soit plus agréable. Cette amélioration a aussi pour but
de booster l’économie locale dans le centre, notamment le secteur Horeca.
Un par un, ces projets sont plutôt modestes. Ce qui est intéressant dans ce cas, c’est la fait que tout soit coordonné au sein d’un même projet auquel on a donné un nom : Phénix et qui bénéficie de fonds FEDER.
Charleroi doit renaitre de ses cendres ; c’est bien le propos du programme. La dimension communication est aussi intéressante. En nommant ainsi le programme et en liant ces projets, on donne une visibilité plus
grande. Un par un, les chantiers seraient passés pour des travaux courants, et non pas pour une profonde modification du centre-ville dans sa partie la plus en difficulté (la Ville Basse). La politique régionale de
l’Union Européenne encourage ce type de démarche stratégique.
b) le projet Rive Gauche
Parallèlement, le projet Rive Gauche, considéré comme «le pendant privé de Phénix» a été proposé par l’investisseur Anversois Shalom Engelstein. Le but est de «transformer la ville basse en rive gauche». Là
encore, on voit l’importance de la communication dans ce type de projet. Ce projet est à la fois basé sur une mise en valeur de l’espace public et de l’immobilier de cette partie de la ville. Des espaces commerciaux,
logements et bureaux seront réalisés. Le bureau d’architecture qui a proposé les premiers plans est DDS&Partners. Installé avenue Louise à Bruxelles, il est considéré comme un grand bureau.
13 - Le projet «Rive Gauche» proposé par le bureau DDS&Partnerssource : DDS&Partners
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c) Le projet Porte Ouest
Sur la partie la plus problématique de son territoire, Charleroi veut aussi se doter d’une stratégie de territoire. Il s’agit de la réalisation d’un schéma directeur sur le site de Porte Ouest, soit le plus grand territoire
industriel de l’agglomération, situé entre le centre-ville et Marchienne-au-Pont. Le bureau d’étude COOPARCH-R.U. participe à l’élaboration de ce projet
Le projet vise notamment à améliorer le lien entre ces deux parties de l’agglomération via l’aménagement d’un parc paysager.
«Le schéma définit une vision à long terme du développement du périmètre, une projection dans le futur de la zone
à 25 ans. Il définit également les étapes pour y arriver. Le schéma directeur est outil qui doit préciser les actions fortes
et quand et comment les réaliser et accompagner la Ville dans ses choix pendant de nombreuses années.»
Dossier «Diagnostic et intentions» Projet porte Ouest - Mandataires : COOPARCH-R.U. & Agora
14 - Le projet de DDS&Partners prend en compte la notion des temporalités dans la ville
15 - Grand projet porte Ouest : plan général (document de travail)source : COOPARCH-R.U.
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d) Transports publics Métro+tram
Le plan du métro est aujourd’hui assez atypique. Tout d’abord, c’est l’un des seuls métros du monde à ne
pas desservir le centre-ville mais à le contourner. De plus, la boucle qui ceinture le centre-ville n’avait jamais été bouclée (ANNEXE 1).
Le tracé du métro sera bouclée prochainement et un nouveau tram est en création entre le centre-ville et
Gosselies. Cette action aura comme intérêts à la fois de faciliter les transports dans la ville mais aussi d’encourager le renouvellement urbain. Chaussée de Bruxelles (rue qui sera empruntée par le tram), il est
prévu que la valeur immobilière grimpe, ce qui devrait indirectement entraîner la rénovation des bâtiments, voire la construction de nouveau bâtiments. Le terrain et l’immobilier prendra de la valeur et les propriétaires
et autres investisseurs chercheront à optimiser et rentabiliser ces biens.
Ces dernières années ont vu naître ou renaître des trams dans de nombreuses villes européennes. Très souvent, le tram améliore la qualité de vie globale des villes, beaucoup plus que le métro ou les bus par
exemple et a tendance à entraîner une gentrification mais assez «soft» puisque le vecteur principal est un transport public, donc emprunté par les moins riches.
La clôture de cette boucle métro et la réalisation du tram entre Gosselies et le centre sont intéressants en
eux-mêmes mais ce qui est frappant, c’est encore une fois la dimension communication. On trouve sur le site internet une vidéo de presque 06 minutes, utilisant la technique de la «réalité augmentée», c’est à dire la
dernière génération en termes de communication vidéo grand public. La 3D et les images de synthèse sont largement utilisées et cela donne une image très décalée de ce que l’on peut rencontrer dans Charleroi
aujourd’hui. Le fait d’entrer ainsi dans une logique de communication est symptomatique de la volonté d’être une grande ville. C’est une réalisation de la société Dreamwall qui est basée à Marcinelle, soit dans
l’agglomération carolorégienne. On affiche ainsi sur le site de la TEC le fait que l’on est capable de réaliser ce genre de projet localement, qu’il y a les ressources nécessaires.
16 - Capture d’écran de la vidéo de communication faite pour l’ouverture prochaine du métro carolorégien, visible sur internetsource : TEC
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Jean-Jacques Viseur appelait de ses voeux une «forêt de grues» à Charleroi pour qu’elle rattrape son retard. Cela parait plutôt bien engagé. Eric Massin affirme que la ville a aujourd’hui 15 ans de retard par
rapport à des villes comme Mons qui ont concentré leurs efforts sur le centre-ville depuis bien plus longtemps : «Dés la première phase de programmation des fonds structurels (aujourd’hui, on en est à la
troisième), Mons a investi dans son centre-ville, pour le rendre plus agréable, plus attractif. Mais la chance de Mons (et de Liège) par rapport à Charleroi était d’avoir ses unités de productions hors de son centre».
(Entretien avec Eric Massin)
La rénovation du quartier de la gare est aussi très symptomatique d’une ville qui se projette dans le futur et cherche à exister en tant que grande ville. En effet, la catégorie sociale voyageant en 1ère classe-TGV et
marchant à pied en ville est vraiment celle qui promeut ce modèle de ville-métropole. L’exemple lillois est très intéressant à ce propos. Certes la ville est depuis longtemps un grand pôle économique mais elle faisait
face à de grandes difficultés comme beaucoup de cités industrielles. Le projet Euralille a vraiment propulsé la métropole lilloise vers le statut de ville-métropole, et ce projet avait depuis le début pour colonne
vertébrale, la présence du TGV, et la proximité en temps avec Paris, Londres et Bruxelles. Le TGV passe déjà à Charleroi, sur un itinéraire est-ouest (pas en lien avec Bruxelles) et les fruits qui pourraient en naître
sont encore modestes.
De plus, Charleroi a commandé un nouveau Schéma de Structure Communale. Elle cherche bel et bien à se projeter dans l’avenir (au moins un futur proche, ce qui est déjà quelque chose). Comme le dit Frans
Uyttebrouck, urbaniste chez Cooparch-R.U. et chef de projet du SSC, ces documents d’urbanisme «sont portés par l’équipe de la majorité en place et à ce titre ont presque valeur de projet de ville». C’est une vraie
projection dans l’avenir et cela fait preuve d’une volonté de donner une stratégie globale à l’agglomération. RCU la forme
II.3 - Charleroi métropolitaine et rayonnante ?
II.3.1 - Un rayonnement à plusieurs niveaux
Charleroi occupe la 181ème place en terme de population. Ses voisines dans le classement sont par
exemple Portsmouth (UK), Trieste (Italie), ou Erfurt (Allemagne), c’est à dire des villes moyennes. Charleroi rayonne mais c’est une chose que l’on dit surtout localement. La métropole la plus proche est Bruxelles et
c’est peut-être via ce lien que Charleroi peut rayonner le plus en jouant sur cette proximité/complémentarité.
Sur le plan économique, Charleroi partage avec Liège le titre de «pôle majeur» au SDER. Cela la place donc comme élément très rayonnante à l’échelle de la Région. Le rayonnement de Charleroi est concurrencé au
nord par celui de Bruxelles qui déborde largement sur la région wallonne. Au contraire, vers le sud rural, celui-ci s’étend jusqu’à la frontière française. Cependant, malgré ce que dit le SDER, Liège rayonne
beaucoup plus sur la région wallonne et Charleroi ne rayonne pas plus que Namur.
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Il est amusant de constater que l’institution provinciale de Hainaut est basée à Mons et non pas à Charleroi, qui n’accueille de toute façon aucune grande institution régionale ou nationale à part le FOREM, qui est
l’équivalent du pôle emploi français.
Ceci-dit, ce que l’on appelle le rayonnement métropolitain n’est pas uniquement à échelle régionale. C’est aussi le fait d’appartenir au grand réseau des villes métropoles. C’est ce que Pierre Veltz nomme l’économie
d’archipel. Dans ce modèle économique, les grandes villes entretiennent plus des liens entre elles qu’avec leur arrière-pays direct. Par exemple, on peut considérer que Paris entretient des relations plus intenses
avec Londres qu’avec Pithiviers par exemple. En réalité, les relations sont d’une autre nature.
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17 - Synthèse des zones d’influence des pôles régionauxsource : SDER
18 - «Projet de structure spatiale pour la Wallonie»source : SDER
La carte de projet de structure spatiale pour la Wallonie est intéressante. On y voit que l’axe principal allant
vers le sud passe par Namur et non pas par Charleroi qui est pourtant une ville plus importante mais dont le sud est un quasi-désert. C’est la présence de Luxembourg en bout de ligne qui place Namur dans cette
position avantageuse.
Le problème qui bloque le rayonnement de Charleroi est aussi sa relative imperméabilité vers le sud. Il n’y a pas de grand axe qui mènerait à une autre grande ville en France. Du coup, Charleroi n’est structurée que
par sa relation avec Bruxelles et sa situation sur l’axe Sambre-et-Meuse. La position de carrefour est beaucoup plus avantageuse. Liège par exemple, est aussi portée par sa proximité avec Aix la Chapelle, elle-
même ouvrant sur la «région urbaine» Rhin-Rhur. Charleroi parait bien isolée en comparaison.
II.3.2 - La «bataille» pour la métropolisation
La logique de mise en valeur du centre-ville pour le rendre plus métropolitain qui a lieu actuellement est le
résultat de volontés locales d’une certaine élite politique et économique. Dans l’autre sens, il y a aussi beaucoup de forces qui localement ralentissent le processus.
En effet, le centre-ville est aussi beaucoup utilisé par des trafiquants comme terrain d’action. Le trafic de
drogue ou le proxénétisme a besoin du centre-ville comme territoire. Destiner celui-ci à une catégorie sociale piétonne et aisée signifiera enlever ce territoire à d’autres. Il y a donc tout une géopolitique locale autour du
centre. La Géopolitique identifie le territoire lui-même comme un enjeu, disputé par différents acteurs. C’est
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bien ce qui se passe en ce moment à Charleroi. Il y a des lutes pour le territoire. Cela est particulièrement visible par exemple lorsqu’un espace public récemment rénové est systématiquement vandalisé. Les
mauvaises langues conseillent d’utiliser Charleroi comme espace test de solidité et durabilité du mobilier urbain! L’attractivité du territoire est beaucoup une histoire de séduction et dans ce cadre l’insécurité ralentit
énormément le processus.
Finalement, les acteurs de la métropolisation sont nombreux mais habitent plutôt dans le sud de l’agglomération, «là où toute la classe moyenne s’est reclaquée» (Nicolas Buissart - ANNEXE 12). Dans le
même temps, le centre est le terrain de jeu, d’affaires pour toute une population exclue (Charleroi est comparable à Anderlecht sur ce point). Ces population auraient donc à perdre si le centre venait à changer.
Il y a donc un conflit d’intérêt, une géopolitique de la rue à Charleroi. Cela freine beaucoup la métropolisation puisque celle-ci est basée sur l’attractivité, la confiances des investisseurs et la «classe urbaine aisée»
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III - Économie de production VS économie présentielle? III.1 - Lʼéconomie présentielle de Laurent Davezies : comment se situe Charleroi?III.1.1 - Le concept
Laurent Davezies, professeur à l’unversité Paris-Val-de-Marne enseigne le développement territorial à
l’institut d’urbanisme de Paris, à l’université Paris I et à Science-Po Paris.
Il est reconnu comme l’un des tenants de la notion d’économie résidentielle, plus tard appelée économie présentielle car c’est plus le fait d’être présent que seulement d’habiter qui développerait les territoire.
Ce concept de développement territorial se base sur le constat suivant : les espaces productifs sont ceux où
la pauvreté augmente tandis que les espaces les moins productifs voient leur bien-être augmenter. Il existerait donc peu de lien, voire un lien contraire, entre le fait de produire sur un territoire (développement
économique quantitatif) et celui de contribuer au mieux au développement de celui-ci (développement qualitatif).
Au passage, précisons que le développement territorial tel que défini dans les manuels de sciences
économiques est l’ensemble des changements sociaux et culturels qui rendent possible la production économique. Cette notion est donc beaucoup plus large et du coup, plus difficile à définir.
Le départ de la réflexion est que nous ne sommes plus dans une société fordiste industrielle dans laquelle
les espaces de production sont les plus développés et les campagnes pauvres. Cette époque (XIX° siècle, et première moitié XX° siècle) était l’âge d’or de la Wallonie, alors que la Flandre était très agricole.
Aujourd’hui et en gros depuis les années 1970, la nouvelle Division Internationale du Travail distend les liens entre espaces de production et espaces de développement. Puisque les industries sont délocalisées, que
les liens de sous-traitance se développent, que les hommes et les capitaux sont plus mobiles que jamais, les logiques de développement territorial se complexifient énormément.
De plus, il existe de nombreuses formes de transfert d’argent qui échappent aux logiques de la production
de richesses. C’est ce qui selon Laurent Davezies, explique beaucoup de phénomènes de développement ou au contraire de non-développement.
- les transferts publics d’argent : on place ici d’Etat comme régulateur et redistributeur. Même si les
dernières décennies ont été fortement marquées par la dérégulation des marchés et la mondialisation, on ne peut ignorer l’action régulière des états qui jour après jour, par les prélèvements obligatoires et les dépenses
publiques et transferts sociaux permis, contribuent à insuffler de l’argent là où il n’y en a pas et ce de manière relativement aveugle.
Et puisque l’argent public ne tombe pas du ciel, il semblerait que certaines régions travaillent pour d’autres.
Selon l’OCDE, en 1993, la région Parisienne contribuait au revenu des région Française à hauteur de 10% de leur PIB (moyenne pour toutes les régions confondues). Selon une étude co-dirigée par Laurent Davezies
pour la Commission Européenne, les 30 régions les plus riches des 7 plus grands pays européens ont transféré en 1993, 4 % de leur PIB total à leurs régions les moins développées, simplement par des transfert
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publics. C’est 20 fois supérieur à ce qui a été mis en oeuvre explicitement via la politique régionale de l’Union Européenne européenne la même année.
En Belgique, l’écart statistique entre les économies régionales de Bruxelles-Capitale, de la Flandre et de la
Wallonie est grand, voire très grand, comparable aux écarts entre le Nord et le Sud de l’Italie. Ceci interroge quant à la notion de solidarité nationale. Cela donne aussi des idées aux indépendantistes. Mais le facteur
temps est à prendre en compte puisque les dynamiques peuvent s’inverser (crise économique, évolution des modes de vie, changement climatique) et l’aidant peut à son tour avoir besoin d’aide.
Ces arguments contribuent simplement à insister quant à la déconnexion entre ces sommes redistribués et la production directe des territoires.
L’exemple des pensions de retraites est très frappant. En 2004, elles représentent plus de 23% du revenu
des ménages déclarés à l’impôt en France (DAVEZIES 2008). Ces revenus pèsent plus ou moins dans les régions selon que celles-ci sont dynamiques ou non. En Wallonie, les pensions représentent en moyenne
12,3% des revenus des territoires (CREAT 2007). Cette part risque d’augmenter compte tenu du Papy Boom qui ne fait que commencer. Cette forme de transfert d’argent est aussi très puissante puisque beaucoup de
retraités décident de vivre dans une région autre que celle où ils sont travaillé, notamment des territoires ruraux, qui produisent peu. Leur présence est donc une chance pour ces territoires peu dynamiques.
- Les transferts privés de revenu : Nous sommes aujourd’hui et depuis longtemps dans une société de consommation. Les individus choisissent où ils vont dépenser leur argent et réalisent ainsi des transferts. On
peut travailler à Bruxelles et consommer à Namur ou à Oostende. Les progrès continuels en termes de mobilité contribuent à encourager le phénomène. Puisque chacun est libre de dépenser son argent comme il
l’entend, où il l’entend, des transferts massifs ont lieu sans contrôle aucun.
Une semaine passée dans une résidence secondaire sur la côte signifie une semaine de consommation dans les marchés locaux, donc une manne financière peu négligeable pour le territoire. Un territoire qui ne
produit pas peut subsister simplement grâce aux dépenses qu’y réalisent des population allochtones. Il existe de nombreuses formes de transfert privé d’argent dont le phénomène de pérégrination quotidienne
(les navetteurs) ou encore le tourisme. Le cas d’un étudiant recevant une bourse ou de l’argent de ses parents pour étudier dans une autre ville constitue aussi une forme de transfert privé. Il en existe de
multiples formes.
Pour résumer, en considérant que les espaces se développant le plus sont ceux où les gens vivent et consomment, il n’y a pas beaucoup d’intérêt à être un territoire qui produit beaucoup mais où personne ne
vient habiter. La taxe foncière récoltée auprès des habitants est très importante pour les territoires. Le département de la Seine-Saint-Denis est très productif mais pauvre en termes de taxe foncière. Les
communes ont donc peu de moyens pour améliorer la qualité de vie sur cette commune. Ajoutons à cela le fait que les espaces de production sont souvent des espaces pollués. À ce propos, ceci est à peine
compensé par la taxe professionnelle payée à la commune qui, en Belgique comme en France est remise en question.
En plus des navetteurs, on peut décrire un autre phénomène : les «3-day-workers». À Dessau, en
Allemagne dans le Land de Saxe-Anhalt, l’Agence Fédérale de l’Environnement (Umweltbundesamt) offre de nombreux emplois qualifiés. Beaucoup de salariés y travaillent 3 jours par semaine et logent dans une
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petite chambre pendant ce laps de temps pour rentrer le reste du temps à leur vrai domicile (Berlin ou autre). Ces salariés, bien que travaillant à Dessau, ne contribuent quasiment pas à l’économie locale qui en aurait
pourtant bien besoin. (Atelier Bauhaus summerschool 2010).
L’économie présentielle se base sur la théorie de la base économique, soit une vieille théorie dont les origines remontent au XVII° siècle. Elle postule que la richesse d’un territoire est due à sa capacité à attirer
les revenus et à faire en sorte qu’ils soient dépensés sur le territoire. Ces revenus peuvent être de différentes nature : investisseur ou particulier. On identifie donc 4 bases économiques différentes que l’on
retrouvera dans chaque territoire en des proportions variables :
- la base productive : On y organise la production de biens destinés à lʼexportation (exemple : une usine de voiture).
- la base publique : Ceci concerne la présence dʼemplois publics (exemple : lʼAgence Fédérale de lʼEnvironnement à Dessau, ou un grand hôpital)
- la base sociale : Ce sont les différentes allocations perçues par la population (chômage, retraite, allocations familiales, etc.)
- la base résidentielle : cela concerne la part apportée par des résidents qui ne travaillent pas sur place. Cʼest lʼutilisation du territoire comme espace de vie.
Cette théorie ancienne est remise au gout du jour par l’économie présentielle. À présent, confrontons la théorie à l’exemple carolorégien :
III.1.2 - Répulsivité résidentielle de Charleroi : Le tableau noir du Pays Noir.
Charleroi avait la puissance et tous les avantages de la ville industrielle lors de lʼâge dʼor de ce type de production. Au fil des crises économiques Charleroi est devenue une ville à lʼimage salie : ville sale, dangereuse et chômante. Autant dʼarguments pour en faire une ville répulsive sur le plan résidentiel. Le «navettage» (migration pendulaire) est pratique courante depuis des années et même en ayant un emploi à Charleroi, il y a peu dʼarguments convaincants pour y habiter sʼil est possible dʼhabiter plus loin, dans un cadre verdoyant.
Dʼaprès une étude du CREAT, Charleroi figure parmi les territoires les moins attractifs de Wallonie sur le plan résidentiel. Selon une typologie de six profils de territoire, Charleroi figure dans la catégorie «base économique productive et publique», tout comme Liège, Mons ou même Namur. Ce profil correspond aux espaces les moins résidentiels ; la base résidentielle est 10% inférieure à la moyenne des autres communes de Wallonie. Enfin, ces espaces sont les moins bien représentés par le critère «accueil de personnes travaillant dans une autre commune». Ces espaces sont en réalité les centres dʼemploi les plus importants de la Région. Autrement dit, les emplois sont présents en nombre mais concernent une population qui nʼhabite pas sur place. Tout comme à Dessau, ces actifs, en ne vivant pas dans ces villes, ne contribuent pas à leur développement sur le plan résidentiel.
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19 - Dans des communes comme celles du Brabant Wallon, la base résidentielle dépasse les 70% du revenu global. Dans un territoire comme Charleroi, le chiffre atteint à peine 60%. Il est intéressant de constater ce que représente réellement la production de richesses sur un territoire (9% seulement en moyenne pour la Wallonie) alors que psychologiquement c’est quasiment la composante la plus visible, la plus palpable.
71%
7%
5%
17%
60%12%
10%
18%
Sociale Publique Productive Résidentielle
Type Brabant Wallon Type ville vallée de la Sambre - Charleroi
65%9%
8%
19%
Moyenne Wallonie
Quelles sont les raisons de cette «répulsivité» résidentielle? Analysons à présent les raisons de ce déficit
d’attractivité.
a) «Une ville sale et polluée» :
L’histoire industrielle s’accompagne de désavantages important tels que la retombée de fumées sur l’environnement proche. Les usines situées entre le centre-ville et Marchienne-au-Pont envoient allègrement
depuis des décennies, leurs fumées sur les espaces les plus densément peuplés de Charleroi. Les briques sont noircies. Le sentiment général est celui d’être à la fois dans la poussière et la fumée.
Mais la ville est bel et bien polluée, on ne peut pas le nier. Il est déconseillé de manger les légumes cultivés dans les jardins à cause des retombées de métaux lourds en suspension dans l’air. Il apparait clairement
que l’existence de ces industries si proches de la ville est néfaste pour la santé de tous, ce qui est peu séduisant sur le plan résidentiel.
b) Une société à deux vitesses
Charleroi est marquée pour une misère sociale importante mais surtout par des inégalités criantes. Selon
une étude du service «Politique Scientifique Fédérale» belge, il y a plus de différences entre les 55 quartiers de Charleroi qu’entre les 262 communes wallonnes, en se basant sur des indicateurs socio-économiques
(emploi, taille des ménages, espérance de vie, etc.). Si les inégalités se réduisent entre les régions d’un même pays, justement grâce à l’économie présentielle et aux transferts d’argent qui sont induis, elles
explosent au sein des métropoles. Laurent Davezies partage ce constat.
Selon cette étude, les populations les plus ségréguées à Charleroi sont tout d’abord les Turcs et les
Marocains d’une part, les patrons, cadres supérieurs et travailleurs indépendants d’autre part. Enfin, les allocataires du Centre Public d’Action Sociale (CPAS, équivalent du RSA français) présentent un profil de
ségrégation assez important aussi.
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Ces chiffres sont à prendre avec précaution : c’est un calcul par critère et par territoire. Cela signifie que certains territoires (quartiers ou commune) ont tendance à accueillir une forte proportion de population
répondant à certains critères : niveau d’éducation, nationalité, niveau de revenu, etc. Plus simplement, il existe à Charleroi, des quartiers dans lesquels les marocains et turcs sont surreprésentés, d’autres dans
lesquels les allocataires du CPAS le sont et enfin des quartiers accueillant une forte proportions de revenus et niveau d’éducation élevés. On considère généralement qu’une société ségréguée alimente des tensions
et pousse à un certain communautarisme pouvant avoir des conséquences pas toujours positives.
Cette ségrégation sociale et spatiale a tendance à alimenter une certaine tension dans la ville entre un large
territoire au nord du centre avec une population plus en difficulté et au contraire un Sud de Sambre verdoyant, accueillant une population plus fortunée voire très fortunée. La concentration des inégalités est
propre à quasi tous les espaces urbains : puisque la ville concentre les hommes, elle concentre les inégalités. Les chiffres anormalement élevés de la criminalité tendent à faire penser à une corrélation entre
importance des inégalités sociales et criminalité. Ceci contribuerait à créer un environnement anxiogène répulsif sur le plan résidentiel. Qui a envie de vivre dans une ville où le risque de se faire voler sa voiture est
plus élevé qu’ailleurs? En général, le citoyen lambda préfèrera un espace habité par la classe moyenne supérieure s’il en a les moyens.
c) Une ville peu globalement peu attractive
Il existe beaucoup de raisons pour lesquelles Charleroi n’est pas attractive sur le plan résidentiel : cadre de
vie, insécurité, pollution. De plus, les médias ont tendance à en rajouter (mais pas tant que ça finalement!). Décider d’habiter quelque part, c’est aussi donner sa confiance en l’endroit. Puisque les possibilités de
mobilité, en particulier la voiture, n’obligent pas les gens à vivre près de leur emploi, la fuite des revenus hors de Charleroi est importante. C’est le principe des «navetteurs» qui n’est pas nouveau du tout mais c’est
c’est pourtant là que de la théorie de Laurent Davezies prend son départ.
Cependant, la remise en question de l’aménagement tout-automobile pour des raisons écologiques devrait
pousser à un retour à la ville. Ceux qui sont trop pauvres pour être motorisés sont déjà dans les villes pour des raisons économiques. Demain, on imagine un retour à la ville pour les plus aisés pour des raisons
écologiques et/ou de mode de vie. Charleroi a du chemin à parcourir pour parvenir à attirer les revenus sur son territoire puisque les raisons sont nombreuses pour ne pas y habiter lorsqu’on a le choix. Pourtant, en
face B de ce tableau noir, Charleroi dispose de réelles qualités résidentielles. En tachant de ne pas faire preuve de romantisme ou de démagogie, voici ces qualités, exprimées de la manière la plus objective
possible.
III.2 - Des qualités résidentielles qui vont se faire de plus en plus évidentes.
Charleroi présente différents aspects qui participent de sa qualité résidentielle et que pourraient lui envier
ses voisines.
III.2.1 - Plusieurs cartes à jouer
Charleroi est situé à 50 minutes de Bruxelles en train avec un départ toutes les demi-heures. En voiture les
deux villes sont à moins de 30 minutes de ring à ring. Lille est à 1 heure en voiture, 1h20 en train. Liège est
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à 40 minutes minutes en voiture, 1h20 en train. À une autre échelle, Ses petites soeurs Mons et Namur sont à 30 minutes en train et un peu moins en voiture.
Un ami flamand habitant à Bruxelles : «c’est intéressant d’acheter à Charleroi parce que finalement tu mets moins de temps entre Charleroi et Bruxelles qu’entre Leuven et Bruxelles par exemple. En plus les prix sont
franchement inférieurs».
En listant les principales connexions de Charleroi, on réalise que le sud reste isolé. Au sud, c’est le Hainaut
rural : les lacs de l’eau d’Heure, les paysages pastoraux, et la pointe occidentale de l’Ardenne belge. Ce n’est pas pour rien que les plus aisés à Charleroi habitent la partie sud de l’agglomération.
De plus, il est important de noter que Charleroi dispose d’un aéroport sur lequel Ryanair est présent. «Charleroi Brussels South Airport» est l’un des aéroports de la compagnie irlandaise proposant le plus de
destinations, soit 60 destinations vers l’Europe et le Maghreb principalement. Pour les voyageurs d’affaire ou les bagpackers en quête d’exotisme, la proximité avec cet aéroport est une réelle chance.
20 - Résumé en trois temps : Il y a tout d’abord ce lien très fort avec Bruxelles puis le système «Bassin de Sambre» et son histoire industrielle, enfin au sud, on retrouve le calme de la campagne. Croquis PHL.
rural
21 - Paysage rural de Nalinnes, 10 km au sud de Charleroisource : Hemogk (Panoramio)
22 - Paysage rural à Olloy sur Viroin, contrefort de l’Ardenne belge à 50 km au sud de Charleroisource : Letangre ChFred (Panoramio)
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III.2.2 - Les qualités du Pays de Charleroi : Relief et volumes
Le «Pays de Charleroi» que l’on appelait avant le «Pays Noir» offre lui-même des qualités. C’est aujourd’hui un paysage typique et une typologie d’habitat permettant d’être en ville tout en ayant un jardin. De plus, les
maisons ont un prix généralement inférieur par rapport aux communes et villes wallonnes.
Loin des espaces impersonnels, Charleroi offre par les éléments qu’elle abrite et par son relief, des qualités
paysagères uniques empreintes d’une identité forte. Les terrils et usines rappellent le passé (et le présent) industriel. Un grand nombre d’entre eux sont à présent couverts de végétation, ce qui en fait la première
chaîne de montagne construite par l’Homme comme on l’entend parfois.
24 - La verdurisation est très avancée sur certains terrils donnant l’illusion de réelles collines, voire montagnes dans la ville.Photo prise depuis le terril des Piges, tout près du centre-ville de Charleroi.source : Eniotan (Picasa) 2003
23 - (à gauche) Le terril des Piges à Dampremy en formation(à droite) Le terril s’est tassé et recouvert d’une végétation parfois dense, le faisant ressembler à une vraie colline naturelle.source : http://habiterdampremy.skynetblogs.be
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La verdurisation de Charleroi participe des qualités paysagères de la ville mais celles-ci ne s’y limitent pas. Le paysage est le résultat de la relation entre l’Homme et son Territoire. C’est une vision. Il existe presque
autant de paysages que d’individus sur la planète.
Charleroi dispose d’atouts importants offrant des vues :
a) le Relief : La vallée de la Sambre est relativement creusée. Le point culminant sur le territoire de la commune se trouve dans le Sud à 220 mètres d’altitude alors que la vallée de la Sambre s’enfonce à 100
mètres d’altitude. Ce relief naturel est parfois très marqué, offrant ainsi de belles pentes. Même si les terrils sont très visibles et tranchent dans le paysage, le relief naturel est beaucoup plus imposant. Peu de terrils
dépassent les 190 mètres.
Ce relief naturel, est très visible dans la ville-même. La rue de la Montagne, rue piétonne principale du
centre-ville, est fort pentue, ayant même impliqué l’aménagement de petites terrasses planes en partie centrale. À Mont-sur-Marchienne, certaines rues étroites dévalent des pentes donnant un aspect pittoresque
au lieu. Les abords de la Sambre en amont sont aussi assez marqués, quelques roches calcaires affleurent en mini-falaises.
25 - Certaines rues descendent (ou montent) à pic, offrant de jolies vues sur un bois ou un quartier voisin (contrairement aux paysages tout plat qui sont souvent plus monotones). Photo de gauche : rue de Finlande à Dampremy. Photo de droite : rue Caisse à Mont sur Marchienne.
26 - Place de la Lorraine - RouxCrédit photo Cooparch-R.U.
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b) les Volumes : Le paysage de Charleroi est marqué par des jeux d’échelle et de volume parfois très impressionnants.
L’arrivée depuis le petit Ring offre une vue imprenable sur les complexes industriels situés à l’ouest du centre-ville, sur les nombreux terrils ainsi que sur le centre-ville. Lors de la première visite, on a du mal à
croire ces éléments aussi proches les uns des autres et globalement imbriqués dans du tissu urbain. Ces éléments imposants sont aussi visibles depuis les différents quartiers de Charleroi. Parmi ces éléments on
peut aussi citer la tour de l’université du travail ou la tour Albert dans la ville basse.
Le ring lui-même ne tient pas qu’un rôle de desserte ou de belvédère. Il est lui-même un élément fort, à l’échelle démesurée. C’est presque du Land-Art. Il est aujourd’hui indéniable que cet objet fait partie du
paysage carolo, au même titre que le Golden Gate appartient à celui de San Francisco (toutes proportions gardée bien sur!).
Ces questions de vue et d’échelle font du paysage carolorégien un paysage riche. S’il peut être dur, il n’est
en tout cas pas monotone et possède une personnalité propre.
III.2.3 - Qualités de l’urbanisme Carolo :
a) typologie d’habitat : Même si l’habitat carolo est aujourd’hui globalement dégradé, il renvoie à une typologie très courante en
Europe du Nord : la maison de ville avec jardin.
27 - Petit Ring, pourquoi es-tu si grand?Sous le ring, derrière la gare de Charleroi Sud.Croquis Paul-Hervé Lavessière
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Le phénomène de paupérisation des espaces les plus urbains de Charleroi n’a pas permis leur entretien au fil des années. Les retombées de fumées des usines ainsi que la circulation automobile ont noirci les
façades donnant une teinte assez monochrome à l’ensemble de la cité.
Pourtant, ces maisons ont des qualités dans leur conception-même. La typologie que l’on retrouve presque partout dans l’habitat ancien de Charleroi est celui de maisons familiales mitoyennes de taille modeste mais
ouvrant généralement sur un jardin parfois grand. Ce jardin est généralement une projection de la largeur de la maisons à l’arrière, sur la longueur qui était permise par les différents éléments en présence (relief, terril,
autres jardins). Au sein d’un îlot, le partage d’origine est globalement équitable en termes de surface.
Nombre de ces espaces de jardin ont permis d’installer, avec plus ou moins de réussite sur le plan visuel, des annexes au logement et le propriétaire pouvait ainsi agrandir substantiellement son logement. Si l’ajout
d’annexes de ce type n’a pas été abusif, les jardins que l’on retrouve sont parfois assez grand pour accueillir quelques arbres fruitiers et/ou un potager.
Une balade dans la rue ne rend pas compte de cela puisque les espaces publics sont généralement très
minéraux. Pourtant, en intérieur d’îlot, on retrouve des jardins parfois généreux et toute une faune et flore caractéristique. La vue par avion rend bien compte de l’importance de ces surfaces vertes en intérieur d’îlot.
Cette typologie «maison mitoyenne + jardin» n’a pas grand chose d’original. On la retrouve dans la plupart
des villes d’Europe du Nord. À Charleroi cependant, c’est la taille des jardin qui peut être intéressante. Dans un contexte de recherche de développement durable, il est probable qu’on doive s’éloigner du modèle
«maison à quatre façade + jardin tout autour» pour se rapprocher des centres-villes. Dans ce cadre, cette typologie de maison de ville avec jardin est un bon juste milieu.
La recherche de durabilité en urbanisme amène à des questions de densité. Les villes durables que l’on
prend en modèle, comme les éco-quartiers» sont des espaces densément habités. Il n’est plus question de s’octroyer de grands jardins comme par le passé. Vu d’avion, le Pays de Charleroi a l’air tellement étalé et
anarchique dans sa structure urbaine, qu’on le soupçonne peu dense et donc non durable.
28 - Des coeurs d’îlot verdoyant qu’on ne soupçonne par depuis la rue appropriés différemment selon les propriétairesRue Jules Houssière à Dampremy (Charleroi)
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En effet, la densité n’a pas été la priorité lors du développement de la ville dans sa logique productiviste. Comme l’exprime Paul Warin en 1986 dans la revue Architecture+, dans le mode de développement de la
ville «on consommait de l’espace pour résoudre chaque nouveau problème». Cela a donné pour résultat cette image de ville tentaculaire.
Pourtant, en y regardant de plus près, on peut nettement nuancer ce propos. Si la densité est relativement faible pour un espace urbain, il faut noter la compacité de l’habitat. Les maisons sont petites, même
lorsqu’elles ont été complétées par des annexes et laissent du coup de la place aux jardins. C’est donc peu dense mais compacte!
En zone bâtie, cette densité peut aller de 20 hab/ha à plus de 70 hab/ha, ce qui est loin d’être ridicule. On sait que dans les grands ensembles construits dans les années 1960-70 en Europe on cherchait à
concentrer l’habitat dans des barres pour offrir des espaces et équipements publics d’envergure. À Charleroi, on a quasiment la même densité mais tout le monde peut avoir son jardin à l’arrière de son
logement et il n’y a ainsi pas d’espace perdu. (ANNEXE 13)
Cette faible densité d’habitant au km2 peut sembler quelque peu contraire aux objectifs de la ville durable. Il
représente une densité pour des maisons de ville, que l’on ne se permettrait peut-être plus aujourd’hui. En cela, on peut considérer comme étant un «luxe» que d’avoir autant de terrain tout en profitant de cette
typologie «maison de ville». C’est une des valeur de cette typologie d’habitat.
b) Des qualités visuelles
Principalement le long des grandes chaussées et autours des noyaux anciens, on rencontre de nombreux bâtiments que l’on peut qualifier d’ambitieux, par leur architecture. Le patrimoine Art Nouveau est très
représenté, signe de la prospérité de la ville au début du siècle dernier, au même titre que Bruxelles.
Habiter ce patrimoine est une chance pour ceux qui le peuvent. Habiter dans un tel contexte urbanistique, même si l’on est seulement riverain, participe de la qualité de vie. Ce patrimoine ne se limite pas aux
façades mais offre aussi des qualités architecturales exceptionnelles en termes de typologie d’habitat.
29 - Séquence homogène de maisons type Art Nouveau sur une grande chaussée radiale. Avenue Paul Pastur - MarcinelleCrédit Photo : Cooparch-R.U.
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La présence de tels biens peut paraitre anecdotique mais ils sont réguliers dans le paysage et sont du coup un élément à part entière constitutif de la grammaire urbaine carolorégienne.
c) Des sites de production qui ne portaient/portent pas atteinte à la structure urbaine
Avant que les évolutions des dernières décennies ne banalisent le modèle de la zone de production dans des « boîtes à chaussure » en périphérie, les industries carolorégiennes s’établissaient dans des bâtiments
urbains conservant la structure des rues. Y compris sur le site principal de production industrielle entre Marchienne-au-Pont et le centre-ville, en dépit des échelles monumentales des sites de production, l’axe de
transit est une rue, bordée de fronts bâtis, avec des trottoirs. Certes, ceux-ci sont étroits mais le profil est bien celui d’une rue, ce qui est moins désorientant et difficile à pratiquer à pieds que certaines zones plus
récentes comme le campus universitaire de Villeneuve d’Ascq par exemple!
On peut postuler qu’il est plus simple de procéder au renouvellement urbain dans des espaces ayant déjà des structures claires de rue, hiérarchisées. De plus, certains de ces sites de production, par leur forme et
leur volume, mais aussi leur relation avec l’espace-rue, se destinent à de nouveaux usages, profondément urbains. Le Rockerill, chaussée de Mons (entre Marchienne-au-Pont et le centre-ville) est un espace
d’expression d’art contemporain et d’artisanat d’art dans une ancienne cokerie. Celle-ci n’est pas perdue dans une zone industrielle périurbaine mais dans un immense bâtiment ayant pignon sur rue et disposant
d’une station de métro à 50 mètre à peine.
Ceci se répète régulièrement dans les différents quartiers de la ville. Certains bâtiments ont été vraiment
soignés et même parfois revêtent une dimension monumentale. La conception de ces bâtiments sur ce mode met l’accent sur le dialogue avec la rue, l’espace public. Ce ne sont pas des bâtiments qui ignorent
l'extérieur, bien au contraire.
On trouvait jadis, des cafés tout proche, voire en face des usines. Dans leur usage par les travailleurs notamment, ces lieux de production suivaient des logiques profondément urbaines : on habitait en ville, on
venait au travail en transport en commun ou à pieds, on consommait dans des commerces tout proches. Cela s’oppose à des exemples plus contemporains comme le site de production Caterpillar à Gosselies que
30 - Exemple d’usines ne déstructurant pas le profil des ruesà gauche : Usine Cokerill aujourd’hui «Rockerill» rue de Marchienne - à droite : rue de la Madeleine à Jumetcrédit photo : COOPARCH-R.U.
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les employés rejoignent généralement en voiture (modèle «grande zone + grand parking pour les employés»)
d) Homogénéité de séquences bâties
Tandis que vue d’avion ou à la lecture d’une carte routière ou touristique, Charleroi apparait chaotique dans
sa structure, elle offre des séquences bâties très régulières et harmonieuses. On assiste parfois à des ruptures de rythme violentes, de type «changement de gabarit» ou «avancement sur l’espace-rue» relevant
généralement de différences d’époque de construction. Cependant, si ces ruptures sont si évidentes, c’est parce qu’elle viennent casser une certaine régularité pré-existante.
Le front de Sambre, dans la partie est de la Ville Basse fait face au canal comme Oostende le fait à la mer
du Nord. Namur ou Liège ne peuvent se vanter d’un tel «front de canal» comprenant des fronts bâtis, certes de gabarit différents mais alignés et donnant sur une promenade.
31 - Usine Caterpillar conçue selon le modèle «grande zone + parking voitures pour les travailleurs - GosseliesCrédit photo : Bing Maps
32 - Place Verstappen - Mont sur Marchiennecrédit photo : Cooparch-R.U.
33 - Quai de Brabant - Charleroi
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De même, la récurrence du modèle «maison de ville individuelle en brique» dans toute l’agglomération entraîne de grandes séquences régulières, parfois esthétiques, du moins cohérentes.
L’argument ici est de réfuter la thèse affirmant que Charleroi n’a pas de structure. Celle-ci a été maltraitée et
les valeurs de l’urbanisme carolo n’ont pas toujours été respectées car elles n’étaient pas connues ou reconnues.
III.2.4 - Lʼespace public Carolo
Si aujourd’hui les espaces publics manquent et sont relativement faibles dans la métropole carolorégienne, les espaces qui s’y destinent sont nombreux et régulièrement répartis. Il existe de nombreux espaces dont
les dimensions rappellent la présence passée de vraies places mais qui se limitent aujourd’hui trop souvent à de simples parkings.
La question de la place prise par la voiture dans la métropole est récurrente quand on cherche à expliquer ce qui a porté atteinte aux qualités de l’urbanisme carolo.
On peut interpréter l’espace public carolo comme suit :
a) la présence d’éléments d’espace public prestigieux principalement dans le centre-ville. La notion
de prestige est importante à propos des espaces publics. Une place peut être le symbole d’une ville. On pense à la grand place de Lille ou de Bruxelles ou la place Vendôme à Paris.
Le plan en étoile de la place Charles II et la présence de l’Hôtel de Ville Art Déco ainsi que de l’église Saint Christophe, appelée officieusement «basilique» pour sa forme et ses dimensions, en font un lieu prestigieux
et rayonnant, un lieu pour se montrer ou une carte postale.
La place du manège toute proche, où l’on trouve le Palais des Beaux Arts, lui aussi Art Déco, et le Beffroi de
l’Hôtel de Ville, a un potentiel de prestige très important. Certes, elle est aujourd’hui très atteinte par les
34 La place Charles II, monuments et fontaines comme éléments de prestige Charleroi - centre-villeCrédit Photo : Ville de Charleroi
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enseignes de restaurants de toutes les couleurs et tous les matériaux mais Charleroi pourrait bien avoir besoin de cette place comme d’un élément prestigieux.
De même, le quartier universitaire, dans la partie nord ouest de la ville a été conçu à la manière d’un campus urbain, c’est à dire, le long d’une large avenue piétonne ressemblant à un grand parvis. Les
bâtiments universitaires qui donnent sur cet(te) avenue/parvis témoignent, selon leur époque de construction, de la prospérité et de la fierté locale à propos des activités industrielles qui s’y déroulaient. En
cela, on retrouve une qualité et on ressent l’ambition d’une métropole. L’espace public comme symbole de fierté ou de puissance n’est vraiment pas à négliger. Nombreux sont à Charleroi les espaces qui s’y
destinent de manière évidente. Ces places ont joui jadis d’un prestige qu’il ne semble pas impossible à retrouver ; les monuments, bâtiments et espaces ouverts sont déjà là.
b) La multitude d’espaces publics plus conviviaux répartis dans l’ensemble de l’agglomération, se situant en principe au coeur des centralités secondaires. On y retrouve en général une place avec une
église et un hôtel de ville (d’avant la fusion des communes de 1977) sur laquelle se tient régulièrement un marché. Ces places sont récurrentes dans la grammaire urbaine carolo. Pour les plus importantes, elles
fonctionnent encore assez bien et certaines sont déjà occupées à être rénovées et équipées d’un mobilier urbain attrayant.
Cependant, en comparant avec les images d’archives, on voit que beaucoup d’entre elles étaient traversées par des trams, ce qui contribuait à animer la ville. Ceux-ci ayant disparu, et la place de l’automobile ayant
pris une ampleur phénoménale, certaines de ces places ont parfois du mal à ne pas devenir de simples parkings. Pourtant, on y trouve toujours des commerces et services de proximité ainsi que des marchés
hebdomadaires. L’opposition centre-périphérie traditionnelle en géographie urbaine confronte un centre se vidant des ses commerces au profit d’une périphérie toujours plus gourmande. Pourtant ces petits centres
35 - Exemple d’un espace public dans une centralité secondaire carolo, où l’aménagement se limite trop souvent à un simple parking pour voitures - Place Edmond Gilles à Lodelinsartcroquis PHL
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résistent et prennent déjà dans une certaine mesure leur revanche. Le tram va revenir entre le centre-ville et Gosselies et animer plusieurs places ainsi que toute la chaussée de Bruxelles.
Les grandes chaussées qui menaient dans le passé vers ces centralités mais aussi plus loin vers de plus grandes villes, sont devenues de moins en moins des rues et de plus en plus des routes de transit qui ont
parfois laissé de côté ces places.
La place de village reste un élément structurant, aussi loin sommes-nous allés dans modèle de la «fermette
à quatre façades» en périphérie. Lors des 30/40 dernières années on s’est peu soucié de ces questions de centralité, de la nécessité de disposer de ces espaces à la fois conviviaux mais aussi nécessaires à la vie de
la cité. Remettre en valeur ces centralités par l’espace public permettrait comme on dit en Belgique francophone, de «remettre l’église au milieu du village», c’est à dire dans ce cas, de renouer avec une
certaine idée de l’ordre et de la logique.
c) un espace rue à mettre en valeur. Le réseau viaire de Charleroi étant très hiérarchisé, il est peut-être
plus aisé qu’ailleurs de réussir le tri entre le trafic automobile local et le transit. En effet, un infrastructure comme le petit Ring et ses différents entrées et sorties évitent au centre-ville une circulation trop importante
dans son centre. Le grand ring à le même rôle à une autre échelle. Il permet bien d’éviter un transit sur les chaussées locales.
De plus, étant donnée que l’autoroute vers le sud n’existe pas et que seule la partie nord de l’agglomération se rattache à un axe de transport majeur (le bassin de la Sambre, l’Eurocorridor de Lille à Maastricht), on
peut considérer que la majeure partie de l’agglomération est peu concernée par le phénomène de transit allochtone. Donc ces infrastructures routières que sont les deux rings se destinent à un transit local. Il n’y a
pas de grande traversée de l’agglomération par un transit continu qui ne concernerait pas la ville, comme à Valence ou à Angers par exemple où l’autoroute coupe/coupait le centre en son coeur.
Cela signifie que les quartiers d’habitat peuvent être isolés des phénomènes de transit, ce qui est une force. La ville n’est pas condamnée à faire face à un trafic qui l’empêcherait de mener une politique volontariste en
matière de qualité de l’espace-rue. Une affirmation de la hiérarchie entre les axes dans la ville permettrait d’améliorer la qualité de vie. Finalement, les grandes chaussées radiales qui partent du centre-ville vers
l’exterieur pourraient être interprétées comme les grands boulevards de Charleroi et donc gagneraient à être traités comme tel.
Finalement, au premier regard, l’urbanisme carolo ressemble à un fouillis ; alors qu’un travail sur la hiérarchie des voiries permettrait de clarifier la situation. La ville pourrait donc offrir différents types de biens
immobilier. Il serait possible d’habiter selon ses moyens, ses goûts ou son mode de vie, soit un appartement ou une maison sur un «grand boulevard», soit un maison dans une petite rue résidentielle ou encore un
appartement ou une maison dans le centre-ville où les rues sont plus animées. Charleroi peut donc proposer différents types de biens, entretenant des rapports spécifiques avec l’espace-rue.
III.2.5 - Polycentralité et proximité
Charleroi est considéré comme un espace polycentrique. Il s’opposerait ainsi au modèle traditionnel centre-périphérie. C’est une particularité carolo qui est souvent affichée comme l’une des raisons des différents
dysfonctionnements de l’agglomération. En effet, le territoire de Charleroi est le fruit d’une fusion de 14 communes. D’ailleurs, on continue à définir les différents territoires avec ces noms de commune et les
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panneaux sont toujours en place. Cette fusion a parfois du mal à se vérifier sur le terrain ; L’urbanisation a pu atténuer certaines limites de commune et contribuer à créer un ensemble plus homogène mais certains
anciens coeurs de commune restent clairement identifiables.
Quelles sont les implications liées à cette tendance à la polycentralité en matière de qualité résidentielle? Un
problème récurrent dans les grandes métropoles est la question de l’échelle. Une ville démesurée peut perdre l’habitant et accentuer un sentiment d’angoisse face au gigantisme. À Charleroi, même si l’on trouve
des éléments comme le Ring ou les grands territoires industriels proche du centre qui semblent hors d’échelle, on a généralement le sentiment d’une ville à taille humaine. Les bâtiments ne montent pas très
haut à part quelques exceptions dans le centre ou les grands volumes .
Aussi, les différentes centralités secondaires offrent des services de proximité comme le feraient de petits
centres villageois. Le caractère polycentrique implique une certaine proximité avec des services pour la majorité des habitations. En effet, on est jamais très éloigné de l’un de ces anciens bourgs où l’on trouvera
des services de base. Cela est moins vrai dés lors que l’on va habiter une fermette quatre-façade dans le sud de Charleroi ou Ransart. Cela s’applique principalement au bâti de type urbain (maisons mitoyennes de
ville).
III.2.6 - Aspects financiers
Le coût de l’immobilier est plus faible à Charleroi qu’ailleurs en Belgique. Cela peut constituer un élément
très important dans les parcours résidentiels des gens. Lors de l’achat d’un bien immobilier, les ménages font souvent un calcul situation/qualité/prix. Que puis-je m’offrir où?
36 - Charleroi reste moins cher que ses pairsÉtude statistique sur l’immobilier en Wallonie.Source : Cytise - Région Wallonne - réalisation : PHL
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Pour un jeune couple qui souhaite se lancer dans l’aventure d’un achat immobilier, il est possible à Charleroi d’acheter une maison à retaper pour 40.000-50.000 euros non loin du centre-ville.
Nicolas Buissart est artiste et connaisseur de sa ville. Il organise des safarais urbains depuis déjà quelques
année et a aussi un point de vue d’entrepreneur puisqu’il est notamment ferronier : «Charleroi est
aujourdʼhui la seule ville en Belgique où il est encore possible de spéculer «correctement» sur lʼimmobilier.
Jʼai acheté une maison 65.000 euros à Montignies-sur-Sambre. Cʼest une petite maison dʼemployé comme
on en trouve aussi à Bruxelles ou dans la région, avec un bow-window, dans le style «Art Déco pour
pauvre». Elle est à 500 mètres du centre. […] Cʼest intéressant dʼêtre propriétaire et de louer la maison à
des locataires. Parce que si les maisons sont 3 fois moins cher quʼailleurs à lʼachat, les loyers sont juste
20% moins cher». (ANNEXE 12)
En effet, en location, les prix sont moins franchement faibles par rapport aux loyers moyens belges. On
trouve aussi des marchands de sommeil comme à Liège ou à Bruxelles. C’est plutôt à l’achat que la différence est intéressante.
III.2.7 - Culture et tourisme
Charleroi est une ville très particulière, on s’attend à ce que la vie culturelle locale le soit de même. Si la ville
a du mal à exister en tant que métropole au sens large, cela s’applique aussi sur le plan culturel. On ne trouve pas réellement de grand musée, de grand élément fédérateur susceptible d’attirer un large public.
Seul se démarque le musée de la photographie qui est un élément fort dans le paysage culturel local. il s’est installé et a été Inauguré en 1987 à Mont-sur-Marchienne. Il est considéré comme l’un des meilleurs musées
européens sur la photographie.
a) De la cokerie au Rockerill.
Sous ses aspects de ville post-industrielle où les usines tournent toujours, la ville est très attrayante pour les adeptes de cultures plus alternatives. Le Rockerill est ce que l’on appelle un NTA : Nouveau Territoire de
l’Art. De même que l’on a créé le Lieu Unique dans les anciennes usines LU à Nantes, cette ancienne cokerie a été investie par plusieurs groupes d’artistes. Le lieu a été réutilisé. On y trouve une partie
exposition et une autre destinée à la création artisanale d’art. De grands fours et chaudrons sont en activité et permettent le travail de fonderie pour la sculpture.
On organise de temps en temps des évènements techno dans lesquelles tout le milieu alternatif plus ou moins local se retrouve. Il existe donc un vivier de personnes investies dans la culture alternative à
Charleroi.
Certes ce type de culture est dans ses fondements quelque chose d’assez marginal. Cependant, c’est une
culture qui rayonne à l’international très rapidement. Il existe un réseau mondial des villes alternatives qui de manière informelle voire inconsciente, échange des artistes et des publics. Charleroi a tout pour séduire les
«alters» de toute l’Europe : un design urbain exceptionnel, un paysage de manga ou de science-fiction, un vivier local d’artiste accueillants et amoureux de leur territoire.
Un acteur important dans ce paysage est «Charleroi faceB» qui fédère un certain nombre d’action et fait une vraie promotion de la ville. Le groupe BPS22 est très actif en Art Contemporain.
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Malgré l’importance grandissante de cette culture alternative à Charleroi, Eric Massin relativise. Charleroi n’est pas Berlin. Il lui manquerait beaucoup d’atouts pour pouvoir rivaliser. La priorité serait plutôt d’accueillir
à Charleroi des éléments plus fédérateurs, plus trans-générationnels et démocratiques, comme un grand musée par exemple.
b) L’originalité, une force
On peut avoir le sentiment aujourd’hui que le produit standard ne fonctionne plus autant qu’avant.
L’individualisme ambiant mène inéluctablement vers une individualisation des modes de vie et le sur-mesure. Aussi, cela peut être une force pour une ville comme Charleroi d’accueillir des éléments assez
spécifiques. La culture alternative participe clairement de son attractivité résidentielle pour un certain type de public.
Aujourd’hui les villes ne doivent pas hésiter à s’assumer. Si l’on parle autant d’identité des territoires, c’est peut-être parce que nous sommes allés trop loin dans l’uniformisation des modes de vie pendant les 30
glorieuses. Aujourd’hui, on redécouvre les avantages des particularismes locaux. La moindre spécificité devient élément de culture locale : aller manger des frites à la friterie Robert, faire un tour de Ring en voiture,
prononcer les mots de telle ou telle façon, etc. Charleroi ne manque pas de particularismes et si ceux-ci parviennent à séduire un public nouveau, ça peut être très intéressant pour elle.
II.3 - Charleroi, une vraie ville
En guise de conclusion concernant les qualités résidentielles de Charleroi, un petit tour sur le site de
Charleroi faceB s’impose. Les posts que l’on peut y lire offrent une vision complètement en contraste avec l’image traditionnelle du «Pays Noir». L’article «Les cordons de la Bourse» (ANNEXE 09) est un journal
d’une semaine écrit par une habitante qui habite dans le passage de la bourse, soit en pleine Ville Basse. Cet article est symptomatique de la nouvelle lecture que l’on peut avoir du territoire carolo. En effet, l’auteure
évoque les charmes du quartier, les terrasses ensoleillées le temps d’un verre, les bouquinistes et autres boutiques BIO.
On n’est même plus dans le romantisme à l’égard du Pays Noir qui a beaucoup été servi aussi. Un ami Bruxellois travaillant à Charleroi me parlait, sourire aux lèvres et les yeux au ciel des dégazages qui avaient
lieu une fois par mois dans les usines à l’ouest du centre : «On entend un grand «POF!» puis des cendres noires tombent sur la ville pendant quelques heures. C’est magnifique, les gens vivent là-dedans. Parfois
derrière une petite maison, on voit un énorme tuyau qui transporte du gaz ou on ne sait quoi, comme si les gens vivaient dans les usines. C’est un paysage fabuleux, un paysage complètement fou...»
Non, sur ce site de «Charleroi faceB», l’auteur parle de Charleroi comme un Parisien ou un Bordelais parlerait de son quartier : «...Le soleil éclaire les façades blanches à travers la verrière… Splendide! On
dirait les Galeries de la reine, m’a dit un jour une amie bruxelloise complètement sidérée qu’on trouve un endroit comme ça à Charleroi !». Cela signifie qu’il est possible de parler de Charleroi comme d’une ville
normale, c’est à dire avec des éléments de prestige, son piétonnier et ses petits commerces traditionnels voire branchés.
Il est amusant de constater que cette démarche est volontaire et n’est pas vendue par la ville ou un agent immobilier. C’est une forme de marketing territorial spontané et sensible, qui invite le lecteur à lui aussi venir
habiter ou au moins visiter Charleroi.
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Le collectif face B a aussi réalisé une carte touristique en anglais comme il n’en existait pas. Celle-ci invite le touriste (plutôt un jeune «bagpacker») à visiter différents sites et lieux d’intérêt dans la ville. Au programme,
la friterie Robert, monter en haut d’un terril, et faire un tour de Ring en taxi depuis la gare du Sud. On présente aussi les rues et place agréables à visiter, les petits restaurants familiaux. C’est étiqueté pour les
jeunes mais il y en a pour tous les goûts. Charleroi est même «branchée» selon FaceB (ANNEXE 08).
III.3 - Vers quoi nous oriente Laurent Davezies?
Si l’on suit le raisonnement de Laurent Davezies, Charleroi est plutôt en mauvaise posture. Elles est productive et sociale, elle accueille une population pauvre et la qualité de vie qu’on y trouve est trop faible
pour attirer de nouveaux revenus. Mais elle a des qualités résidentielles qui devraient se faire de plus en plus évidentes. Que faire alors?
III.3.1 - Avant dʼattirer les revenus, éviter lʼexode des actifs carolos.
Laurent Davezies affirme qu’il est illusoire de vouloir attirer les revenus dans les territoires en difficulté. Le premier objectif serait déjà de stopper les départs trop important de population vers les campagnes alentour.
Que ceux qui travaillent à Charleroi y habitent ou y ont travaillé restent pour leur retraite serait déjà un grand progrès.
37 - «Made by locals»Pour la première fois, on présente le centre-ville comme n’importe quelle ville européenne avec un design au goût du jourCouverture de la carte gratuite de Charleroi faceB
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L’attractivité résidentielle est plus une question de retenir les résidents que de les attirer. Notamment les retraités. Il ne s’agit pas des les «importer» mais de les convaincre de rester là où ils vivent pour qu’ils...
dépensent leur retraite là où ils l’ont gagnée. (L. Davezies dans une publication de la CPDT, 2006)
Pendant des années des personnes ayant travaillé toute leur vie à Charleroi et étant pensionnées à leur tour
vont facilement être tentées de partir vivre dans un cadre plus agréable, à la campagne en général. Le départ des pensionnés est mauvais pour les territoires puisque c’est une catégorie de population qui
consomme et qui participe donc à l’effort collectif de développement des territoires. Selon l’étude du CREAT sur l’économie résidentielle, des territoires comme Bastogne, près de la frontière avec la France ou encore
Binche, située entre Charleroi et Mons, dépendraient à plus de 15% des revenus des pensionnés. Cela signifie que leur présence n’est pas négligeable dans la vie d’un territoire.
III.3.2 - Attirer des revenus à tout prix ou la tentation de la gentrification
Nous avons évoqué que les quartiers les plus urbains étaient aussi ceux qui accueillaient la population la
plus précarisée qui n’a donc pas les moyens nécessaires à l’entretien et la mise en valeur des biens immobiliers qu’ils occupent. Pourtant, beaucoup de ces biens ont une valeur architecturale et historique
forte. Nous avons aussi évoqué les notions de paysage. Le cocktail est plutôt bien dosé pour attirer une population difficile à définir mais que l’on résume globalement sous le nom de «bobo». En d’autres termes,
beaucoup de quartiers carolos pourraient être attractifs pour une population à revenus plutôt moyens-élevés, cultivée et urbaine, qui verrait à Charleroi un eldorado : des biens immobilier d’une grande valeur
patrimoniale et architecturale (Art Nouveau, Art Déco et modernistes) pour un prix relativement faible.
Ce modèle s’est répété un certain nombre de fois dans de nombreuses villes. Saint Gilles à Bruxelles,
Wazemmes à Lille, Belleville et Ménilmontant à Paris. Ces populations nouvelles cultivées, relativement aisées (mais pas forcément), ayant en général une conscience citoyenne et/ou politique, travaillant dans les
services viennent ainsi redévelopper des quartiers. Une conséquence directe du phénomène est l’augmentation des prix des loyers. En effet, en redonnant de la valeur à des biens par la rénovation et la
remise au goût du jour, la valeur pécuniaire de ceux-ci ne peut qu’augmenter. De plus, le phénomène de boboïsation a tendance à fonctionner à la manière d’une «colonisation» progressive. Au départ, des
pionniers vont franchir le pas. «Demain, nous déménageons à Charleroi». Puis par la logique du réseau social, d’autres suivent et rachètent d’autres biens immobiliers alentours. Au final, les quartiers entrent dans
un processus de gentrification.
Ce phénomène exclue forcément la population originale puisque celle-ci était pauvre. D’une part, si les
loyers augmentent, les locataires ne peuvent plus payer le prix. D’autre part, les propriétaires plus ou moins modestes, vendent volontiers leurs biens dont le prix de vente dépasse toutes les espérance passées.
Quelle aubaine, puisqu’enfin, ils pourront vivre dans un lotissement dans la périphérie verte.
Pour les élus, ce type de phénomène peut être vu de plusieurs façons. L’exclusion des plus pauvres n’est
généralement pas recherchée mais l’arrivée de revenus, d’une population solvable sur le territoire est en général bien acceptée voire encouragée. Une population solvable paie des impôts locaux et permet de
rééquilibrer les finances publiques, de financer par exemple une politique d’amélioration de la qualité de vie dans la ville. Cela contribue à un enrichissement local et n’importe quel élu préfèrera voire sa ville se
rénover, évoluer vers plus de qualité, plutôt que de s’enfermer toujours plus dans le cercle vicieux de la paupérisation.
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Cela n’est pas aussi simple sur le terrain et ces phénomènes se produisent sur le long terme. Il est plus juste d’affirmer que le contraire ne fonctionne pas : ainsi attirer une population toujours plus précaire dans un
milieu urbain toujours plus dégradé ne peut être le salut d’un territoire. C’est difficile à vivre au quotidien et le sentiment d’abandon lié est fort.
Charleroi dispose d’un atout intéressant : la proximité avec Bruxelles. Il serait possible demain de travailler dans le secteur tertiaire à Bruxelles et de vivre à Charleroi dans une belle maison ou un loft dans une
ancienne usine, tout en se déplaçant en train. Le développement de la capitale de l’Europe est donc aussi à prendre en compte.
À Charleroi, on peut envisager que cette population nouvelle consomme sur place et ainsi booste le développement local et les petits commerces.
Cependant, cette logique Davezienne oublie la population pauvre désargentée qui va être simplement «éliminée». En effet, à chaque fois que cela arrive, on ne sait pas ce que devient cette population éjectée du
quartier où elle habitait. Il serait simpliste de s’opposer en bloc à la gentrification mais risqué de chercher à la provoquer sans rien prévoir pour les habitants qui étaient là avant.
III.3.3 - Une synthèse possible entre économie de production et économie résidentielle/présentielle?
Il est intéressant de promouvoir l’attractivité résidentielle mais on ne peut pas baser toute l’économie sur ce
chapitre. Il faut bien que certains territoires produisent sans quoi, le pays n’a plus de bases solides sur le marché mondial. Il est donc nécessaire dans l’économie de marché, de produire à un moment ou un autre. Il
est tentant de s’imaginer vivre dans cette société des loisirs, des services et du temps libre et concevoir que la production se fait «là-bas, très loin mais pas chez moi!» mais beaucoup d’économistes prétendent que
cela est illusoire.
La synthèse serait donc de produire, générer de la croissance, sans pour autant porter atteinte à la qualité de vie. Eric Massin le dit : «ces usines sont nécessaires mais ne sont pas forcées d’être moche. On peut les
peindre, planter des arbres, faire en sorte qu’elles polluent moins».
Le plan Marshall et Marshall 2.vert sont une opération de la région Wallonne qui fait la promotion d’unités de production de petite taille et mises en réseau. Ce modèle de développement défendu par la Région vient
montrer que développement économique réel peut rimer avec qualités résidentielles.
Ouvertement inspiré par l’ouvrage de Michael Porter de 1990 «The competitive advantage of nations», la
Région Wallonne cherche à promouvoir un modèle de développement économique basé sur des pôles d’activités performants au niveau international. En opposition au modèle fordiste qui dominait jusque dans
les années 1970s, le modèle du cluster se base non pas sur de grosses structures productivistes mais sur de petites structures qui fonctionnent en réseau et préfèrent la qualité, la réactivité et l’innovation à la
production de masse.
Traditionnellement, la Wallonie trouvait sa force dans la production industrielle de masse et cela est
particulièrement visible. La présence de grandes familles patronales et d’un prolétariat peu formé n’a pas poussé à l’émergence de logique d’auto-entrepreneuriat par exemple, contrairement à l’exemple souvent
cité des districts industriels italiens, dans le centre de l’Italie.
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Comprenant que le cluster réactif et créatif est plus adapté à la concurrence internationale contemporaine que l’usine productiviste, la Région wallonne en 2000 a placé le «soutien à l’émergence de réseaux
d’entreprises» parmi les mesures prioritaires du «Contrat d’Avenir pour la Wallonie». Le but est de mettre en réseau à la fois des PME et de plus grosses entreprises
La politique de clusterisation s’est donc développée sur une première phase d’expérimentation entre 2000 et 2006. Ont été créées alors les différents clusters thématiques. Après évaluation, une deuxième phase
2007/2008 a vu se créer d’autres clusters pour arriver au nombre de 14 thématiques, toutes innovantes (liste dans le tableau). (Chronologie ANNEXE 14)
Aéronautique Espace Nutrition
Auto-Mobilité Déchets solides TIC
Recherche clinique Transport & Logistique Eco-construction
TWIST (Image, Son et Texte numériques)
MITECH (Micro-Technologies) TWEED (Environnement - Développement durable)
Photonique CAP 2020 (Performance Energétique des Bâtiments)
/
Lorsqu’on cartographie (page suivante) la localisation sur le territoire communal de Charleroi des clusters
qui s’y trouvent, on remarque une relative dispersion de ceux-ci. Certes, ils se concentrent beaucoup sur l’Aéropôle de Gosselies et le centre-ville, mais au sein d’un même cluster thématique, la dispersion est
importante. Ce qui m’intéresse à ce propos, ce sont les conséquences urbanistiques de ce passage de l’économie productiviste à l’économie clusterisée. Dans le premier exemple, on a besoin de grandes
emprises pour de grandes structures qui portent atteinte (en bien ou en mal selon les goûts) au paysage et à la qualité de vie localement tandis que le deuxième exemple, en défendant cette logique de réseaux, peut
parfois se contenter de bâtiments plus réduits, plus évidents à traiter urbanistiquement. Vivre à côté d’un petit laboratoire d’analyse ou de recherche, ce n’est plus comme vivre à côté d’une grande usine de
production d’acier par exemple.
Ce raccourci permet dans une certaine mesure de contredire Laurent Davezies qui prétend que les
territoires productifs sont généralement répulsifs sur le plan résidentiel. Dans une logique de cluster, de petites structures travaillant en réseau, non plus sur de la quantité mais sur l’économie de la connaissance,
un territoire pourrait à la fois être productif, générer de la croissance économique, et être de qualité sur le plan résidentiel.
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38 - Répartition géographique des membres carolorégiens des 14 clusters soutenus par la région wallonne.
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III.4 - Recommandation pour le développement de Charleroi
III.4.1 - Cultiver son identité et soigner son image
«L’attractivité territoriale se fonde nécessairement sur deux bases :• Une base de global standard : un territoire doit être conforme à l’exigence de standards globaux, ou homogènes, que les investisseurs extérieurs et les travailleurs qualifiés demandent.• Une base d’identité locale distincte : Pour être un territoire attractif, l’identité locale est une condition fondamentale
pour sa promotion sur la scène nationale et internationale et un levier majeur du marketing territorial.»
«Jungyoon PARK in L’attractivité des territoires : regards croisés (ouvrage collectif) février-juillet 2007»
Comme lʼexprime Jungyoon Park, Les territoire pour être attractifs doivent offrir les services des qualités objectives mais aussi se démarquer des autres. Cʼest alors que la question de lʼidentité entre en scène. Quelle est dans ce cas lʼidentité de cette ville de Charleroi?
Ce qu’évoque Jean Marc Nollet est la difficulté pour Charleroi de sortir de son image négative et celle-ci est multiple : pollution, insécurité, chômage, paysage uniquement industriel, mauvaise réputation de la gestion
par les pouvoirs publics. Il y a du coup un amalgame entre l’identité carolo et ces éléments négatifs. Voici plusieurs éléments de l’identité carolo :
a) Identité industrielle : CoManaging est un bureau d’études parisien, spécialisé dans la production de « profils identitaires ». Il a mené une étude sur Charleroi dans le cadre de la réalisation du SSC en tant que
sous-traitant pour COOPARCH-R.U. (ANNEXE 15). On peut d’après cette étude dire que Charleroi s’accompagne d’une identité acquise principalement pendant la période industrielle. Il existe à Charleroi un
«attachement viscéral» à la ville, ce qui est comparable à l’exemple Liègeois. L’omniprésence d’éléments industriels dans le paysage et leur dimension témoigne de ce passé glorieux», du moins, ces années de
dynamisme économique. Il n’est pas possible de gommer ces éléments, il sont autant inscrits dans le paysage que dans les esprits. Globalement, on a le sentiment à Charleroi que le destin a été «subi, que la
ville a été créée pour remplir une mission utilitaire». Ce sentiment s’accompagne d’un «rapport nostalgique à l’égard de l’histoire».
b) Communautés étrangères : Charleroi est aussi caractérisée par la présence d’une population étrangère représentant presque 30% dans les quartiers ses plus densément peuplés. Au sein de cette population
étrangère, les italiens, turcs et marocains sont surreprésentés. La vague la plus importante de migration italienne date de 1946, suite à la signature d’un accord italo-belge. Des milliers d’italiens sont donc venus
peupler le Pays Noir.
Aujourd’hui, il est très courant de rencontrer des Carolos ayant un ou plusieurs grand-parent(s) italien(s). Ce
sont les «caccio» comme les appellent amicalement les italiens non-carolos. Quand l’Italie joue un match de football, la ville devient beaucoup plus animée. Il est amusant de constater que lors du dernier match de
Journal Le soir : Quel est le point noir de Charleroi? Jean Marc Nollet (député fédéral de lʼarrondissement de Charleroi - parti «Ecolo») : «Cʼest son image, mais elle en est responsable. Je vise surtout les affaires de ces dernières années. Dés quʼon parle de Charleroi, il y a une connotation négative. Cʼest un poids»
In Journal LE SOIR n°61, page 3, édition Bruxelles, mercredi 12 mars 2008
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l’Italie pendant la coupe du monde 2010, RTL est allé filmer Charleroi. Cependant, la présence de cette communauté résulte d’un passé difficile puisque leurs ancêtres étaient de pauvres paysans des Abruzzes,
que l’on a plus ou moins «échangé» contre des tonnes de charbon. Il faut donc éviter de faire de l’angélisme à ce sujet.
Il y a aussi une importante communauté marocaine et turque ce qui est commun à l’ensemble des villes wallonnes. Leur arrivée a été plus tardive (années 1970-1980).
Une terre d’ingénieurs : Comme le fait remarquer Pierre PETIT, le mode de développement de Charleroi et de son pays n’a pas
permis l’émergence de réelles élites intellectuelles et/ou religieuses de par l’absence historique d’institution religieuse
d’importance ou d’université, contrairement à Louvain par exemple (en Flandres) . C’est donc historiquement une ville où
le travail manuel et les savoirs techniques (avancés par rapports aux autres villes) priment sur les connaissances proprement
intellectuelles. Liège et Louvain-la-Neuve sont les seuls vrais pôles universitaires wallons. On retrouve des satellites
décentralisés dans le reste de la Région et ce notamment à Charleroi mais celle-ci est loin d’être un vrai pôle universitaire.
L’Université du Travail, important symbole Carolo, a été fondée par Paul Pastur en 1903 dans le but de former la population aux
savoirs liés à l’industrie. Cette université, même si elle a beaucoup évolué, n’a jamais ouvert de département «sciences
humaines» par exemple, ce qui est en accord avec l’histoire du lieu.
Ces trois éléments d’identité seraient à prendre en compte au sein d’un travail sur l’attractivité du territoire. On peut dire comme ça très rapidement que Charleroi est une ville multiculturelle et industrielle, une terre
d’ingénieurs.
À propos de l’image de la ville, Charleroi ne doit pas non plus tomber dans le piège de ne faire que de la communication pour soigner son image. Les budgets «communication» des municipalité sont parfois
totalement démesurés par rapport à ce qu’elles dépensent par exemple pour des études d’urbanisme. Si le fond est bon, l’image devrait évoluer naturellement.
III.4.2 - Concentrer les efforts sur le centre-ville pour encourager la Métropolisation
Si Charleroi veut rayonner à un niveau régional, national et européen, elle doit se doter d’un centre-ville
d’envergure, abritant toutes les fonctions qui sont attendues dans une grande ville : des commerces
spécialisés, des cinémas, des services administratifs. C’est ce que Jungyoon Park appelle la base. Sans ces éléments, le centre ne rayonnera pas suffisamment pour faire de Charleroi une grande ville. Disposer d’un
réel centre-ville pittoresque avec des terrasses de café, des restaurant, quelques monuments prestigieux et
39 - Université du Travail Paul Pastur depuis le rond-point du Marsupilami (Charleroi)Crédit photo : Cooparch-R.U.
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des espaces de promenade est une force indéniable. En tout cas, ne pas en disposer est une grande faiblesse.
Il est parfois difficile de trouver des vues de Charleroi donnant l’impression qu’elle possède un centre-ville fort. La rue de la Montagne est l’artère commerciale principale. Elle fait pâle figure comparé à d’autres
centre-villes comme Liège ou Lille qui sont pourtant de taille comparable.En ce sens, des projets comme Phénix (53 millions d’euros du fond de convergence débloqués par la
Région Wallonne) ou Charleroi Rive Gauche vont dans le bon sens. Cependant, la ville ne doit pas tout accepter de la part des promoteurs sous prétexte qu’elle est dans une situation de difficulté depuis des
années.
III.4.3 - Améliorer les connexions avec les pôles secondaire
La Ville qui se métropolise est aussi une ville qui polarise et qui rayonne, et ce en premier lieu sur son
environnement le plus direct. Si aujourd’hui, le petit ring ceinture le centre-ville et a tendance à l’identifier clairement, il contribue aussi à couper le centre-ville du reste du territoire. Au sud et à l’ouest, le ring est
aérien et s’accompagne d’autres éléments linéaires : le passage du métro, du chemin de fer (aérien aussi), la Sambre au sud et une vallée topographique à l’ouest.
40 - Rue de la Montagne - CharleroiCrédit photo : Cooparch-R.U.
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Le métro aérien est une infrastructure présente qu’il convient d’optimiser au maximum. Il est largement sous-
utilisé car il ne dessert pas certains endroits stratégiques comme le centre-ville. La boucle autour du centre-ville devrait être terminée en 2012 et ainsi améliorer nettement la situation.
Ceci n’est pas qu’une question de transport mais proprement de rayonnement. Le risque à trop isoler les
différentes parties de la villes les unes des autres est un aggravation de la ségrégation spatiale et sociale. (déjà très présente à Charleroi) et qui freine la dynamique métropolitaine. Les anciennes communes sont
faibles individuellement mais, comme le dit le dicton national : «l’union fait la force». En cela, la dynamique de clusterisation est positive puisqu’elle se base sur la notion de réseau. L’étude de la carte de localisation
de ces clusters à Charleroi montre une grande dispersion de ses membres, notamment au sein du même cluster. Cela amène donc à créer du lien entre différentes parties de la ville, mettant en valeur
particulièrement le centre-ville et l’Aéropole.
Sur le terrain, il y a certainement un travail à réaliser sur les coupures qui, en ceinturant le centre-ville, l’identifient clairement mais l’isolent aussi.
III.4.4 - Améliorer ses espaces publics dans toute lʼagglomération
La notion d’espace public est très en vogue en urbanisme puisqu’on lui accorde toutes les vertues : l’espace public de qualité facilite le lien social dans la ville car il est un lieu de rencontre. Il donne aussi de la valeur
au bâti environnant et a donc une influence sur l’immobilier. Il peut être aussi le symbole de la puissance publique. Une ville qui offre de belles places est une ville fière et riche. Parfois, on peut tomber dans la
démesure comme la gare «Liège Guillemins» de l’architecte Calatrava.
Le travail sur l’espace public, c’est agir sur les vide pour avoir une influence sur les pleins. Quand on voit la place des manèges de Charleroi, on peut critiquer vivement le non-respect des normes urbanistiques mais
on comprend finalement que chaque tenancier de bar ou de restaurant cherche à compenser le déficit de
Charleroi -centre
Mont sur Marchienne
Quelle relation?
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41 -coupure de territoire au sud-ouest du centre-ville
qualité, visuelle notamment, de la place via des devantures toutes plus colorées les unes que les autres. On peut se demander comment évolueraient ces façades si la place accueillait un jour une halle, une petit
plaine de jeux et/ou un carré de jardin public. Aujourd’hui, ce n’est qu’un parking et si le restaurant est trop discret, il passera totalement inaperçu et ne captera pas les clients.
Aussi, Charleroi laisse une place énorme à l’automobile. L’espace-rue est souvent plus une route qu’une rue
et on ne met presque jamais en rapport les hauteurs de gabarit avec les largeurs de chaussée. La suite maison Art-Déco avenue Paul Pastur à Marcinelle (illustration) est très sympathique mais elle se situe sur
une chaussée très large avec des trottoirs extrêmement étroits. Alors que le quartier est résidentiel, beaucoup trop peu d’aménagement invitent à la flânerie, la marche à pied. Pourtant, beaucoup de gens
marchent déjà dans ces rues.
Globalement, il y a un besoin de clarification entre les différents éléments de l’espace public carolo. Il est important de savoir où commence et où s’arrête le parking, le trottoir, ou encore la route car bien souvent, on
ne sait pas où on se trouve.
42 - Des façades qui cherchent à se démarquerPlaces des manègesCrédit photo : COOPARCH-R.U.
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Ces recommandations sont basiques. Ce sont les choses qui me paraissent les plus urgentes pour faire de Charleroi une ville plus attractives. Il ne s’agit pas de mentir sur la ville mais de souligner des qualités qui
sont bien présentes sur le territoire.
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Une jolie petite citéVue sur le centre-ville depuis le Beffroi de l’hôtel de ville28 juillet 2010Crédit photo : Vincent Zurbach
CONCLUSIONCharleroi est une ville de tradition industrielle et a été touchée par une grande crise qui continue d’avoir des
conséquences. Cette ville est unique dans sa proximité avec ses sites industriels et dans sa structure polycentrique. C’est une ville qui s’est étalée sur les villages voisins, qui les a happé. Aujourd’hui, il en
ressort un final contrasté entre la tranquillité du Pays Noir devenu plus vert et la réputation sulfureuse de son centre et de ses quartiers les plus paupérisés.
La question de l’attractivité résidentielle est forcément très importante aujourd’hui. Un auteur comme Laurent
Davezies remet en cause à raison la croyance parfois trop forte que l’on a en des indicateurs strictement économiques (type PIB). Comme il le rappelle, c’est principalement sur des données de ce type que se base
l’action de l’Union Européenne avec des programmes de plusieurs millions d’euros. En réalité, les activités commerciales de proximité, le fait de faire appel à des services, tout cela génère de l’activité et finalement,
de la vitalité sur le plan économique, sans que l’on ne s’en rende compte.
Charleroi aujourd’hui a encore des difficultés à offrir des conditions de vie convaincantes à ses habitants ou à de potentiels individus qui voudraient effectuer un retour à la ville. Il est en effet important que la ville
compense ce qu’elle retire à celui ou celle qui quitte le calme de la campagne ou la tranquillité de la fermette périurbaine : un logement plus petit mais des commerces partout et souvent ouverts, du temps passé dans
les transports mais une offre culturelle riche, le sentiment d’insécurité mais une facilité à faire des rencontres, etc. Dit simplement, on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre, c’est à dire à la fois les
avantages de la ville et ceux de la campagne. Face à ce constat, la petite maison de ville avec jardin que l’on retrouve partout dans l’agglomération carolorégienne est un bon compromis. Encore plus quand on sait
qu’elle n’est pas chère. Une ville n’étant pas un espace clos, on apprécie encore plus ces qualités quand on sait ce qui entoure l’agglomération : bassins d’emploi de Bruxelles et de l’axe Sambre-et-Meuse, campagne
pour le weekend au sud.
Pourtant, Charleroi a des efforts à faire pour rendre ces qualités plus évidentes : hiérarchiser franchement le réseau viaire, mettre davantage en valeur l’espace public. Cela contribuerait à donner de la valeur à des
lieux, et donc au bâti environnant. Finalement, c’est la vie locale qui se met en mouvement lorsque l’on améliore les espace publics : jouer sur les vides a des conséquences sur les pleins.
On envisage le déclin des villes comme à priori négatif pour la souffrance que cela engendre pour les plus
fragiles. Il y avait 40.000 personnes de plus à Charleroi il y a 40 ans. Mais le vide a aussi a tendance à élargir le champs des possibles. La ville de Dessau en Allemagne est aussi une «shrinking city» (ville en
déclin) et a choisi de démolir ses bâtiments vides pour effacer les preuves de son déclin et retendre artificiellement son marché immobilier. En faisant cela, elle se prive aussi de tout espoir d’un retour de ceux
qui sont partis ou de l’arrivée d’une nouvelle population sur son territoire. Le vide permet de se questionner, de remodeler et cela peut attirer de nouveaux acteurs qui accordent une valeur différente aux objets en
présence parce qu’ils sont d’une culture différente.
Ainsi Charleroi a des atouts pour retenir ses habitants et même attirer une population nouvelle. Cependant, il ne fait pas se leurrer : les usines sont là encore pour longtemps, d’autant plus lorsque l’on se met à parler
de re-localisations d’entreprises du fait de l’augmentation du prix du pétrole. En effet, si le transport devient 67
de plus en plus coûteux, il est avantageux de produire proche des marchés. Des produits de point mais aussi des poutres en acier.
Il s’agit donc de tenter le défi d’une cohabitation entre production et habitat. En d’autres termes, il s’agit de faire un compromis... un compromis à la Belge!
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BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages
• DAVEZIES, Laurent. La République et ses territoires, La circulation invisible des richesses. La République des Idées. Seuil, 2008. 110 pages.
• SCHAEFFER, Pierre-Jean. Charleroi, 1830 – 1994, Histoire d’une Métropole. Quorum, 1995. 464 pages.
• POULAIN, Michel, GEDAP. Ville de Charleroi, Atlas géostatistique des quartiers. Programme des Grandes Villes, 70 pages.
Articles de périodiques
• MILLER, Jacqueline, MONNIER, Bernard, WARIN, Paul. Charleroi, vers une structure urbaine. A+, 2ème trimestre, n°91, 1986, p. 32-34.
• COURTOIS, Robert, YERNAUX, Jean. Charleroi, métro et investissement. A+, n°108, 1991, p. 18-31.
• LUNDAY, Elizabeth. Shrinking Cities, U.S.A. Urban Land, novembre - décembre, 2009, p. 68-71.
• P.-Y.W., Toujours la cite du crime?. Le Soir, mercredi 12 mars 2008.
• Spécial Charleroi, Rendre la ville à ses habitants. Le Vif (cahier), 22 mai 2009, p. 100-137.
Documents de travail
• COMASE. Ville de Charleroi, Audit de l’écologie urbaine. Synthèse finale, septembre 2009, 60 pages.
• COMASE. Audit de l’écologie urbaine. Présentation de la synthèse au Collège Communal, power-point du mardi 22 septembre 2009.
• PETIT, Paul. Habiter Charleroi. août 2009. 61 pages.
Documents électroniques
• Disponible sur < http://www.terrils.be/fr/Terrils/Histoire/charleroi/charleroi.pdf>, l’Héritage des
gueules noires, de l’Histoire au patrimoine industriel, Archives de Wallonie, Le Bassin minier de Charleroi et de la Basse-Sambre, Roger BERWART.
• Disponible sur < http://www.belspo.be/belspo/home/publ/pub_ostc/HL/rHL18_fr.pdf>, Démographie, aménagement du territoire et développement durable de la société belge, Contrat
de recherche n° HL/DD/018.
• Disponible sur <http://www.cpdt.be/telechargement/publications/territoire%28s%29wallon%28s
%29/hors-serie/4-ecoresi_article.pdf>, Economie résidentielle et compétitivité des territoires, UCL, ULB.
69
• Disponible sur <http://www.cpdt.be/telechargement/recherches/finalisees/subv_06-07/theme4/structuration_du_territoire-annexe2.pdf>, L’économie résidentielle en Région Wallonne, CREAT,
CPDT, 2006/2007.
• Disponible sur < ecole.org/seminaires/FS4/EV_06/EV030402.pdf>, Le développement local
revisité, Laurent DAVEZIES, séance du 3 avril 2002.
• Disponible sur <http://www.cpdt.be/telechargement/publications/lettre/lettre11-panacee.pdf>, L’économie résidentielle, la panacée ?, dossier 10, CPDT.
Sites internet
• Consultation statistiques wallonnes. [en ligne]. (consulté le 01/07/10). Disponible sur : <http://
cytisecommunes.gedap.be/>.
• Consultation données générales de l’Institut Wallon de l’Evaluation, de la Prospective et de la
Statistique. [en ligne]. (consulté le 08/07/10). Disponible sur : <http://statistiques.wallonie.be/default.shtml>.
• Consultation statistiques européennes. [en ligne]. (consulté le 19/07/10). Disponible sur :<http://www.urbanaudit.org/>.
• Consultation données générales. [en ligne]. (consulté le 26/08/10). Disponible sur : <http://cpdt.wallonie.be/>.
• Charleroi Face B, références culturelles. [en ligne]. (consulté le 03/09/10). Disponible sur : < http://charleroifaceb.wordpress.com/>.
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Annexes- Documents divers01 - Plan des transports métro + tram de Charleroi avant et après les travaux13 - Densité bâtie à Charleroi15 - Étude du profil identitaire de Charleroi par le bureau CoManaging
- Articles de journaux02 - Journal Le Soir 12 mars 2008 numéro spécial «Le soir ose Charleroi» : Couverture03 - Journal Le Soir 12 mars 2008 numéro spécial «Le soir ose Charleroi» : «Le combat incessant de la
sécurité»
04 - Journal Le Soir 12 mars 2008 numéro spécial «Le soir ose Charleroi» : «Toujours la cité du crime?»05 - Journal DeVlokskrant 01 mars 2008 : «De winnaars: en Charleroi Almere»06 - Journal DeVlokskrant 01 mars 2008 : traduction partielle
07 - Journal New York Times 05 septembre 2001 Charleroi : «A Rust-Belt City's Mean Streets Keep Their Edge»
- Articles internet08 - Première page du blog Charleroi faceB09 - Article «les cordons de la bourse» sur le site de Charleroi faceB14 - Chronologie du développement de la politique de clusterisation en Région Wallonne
- Interview10 - interview Frans Uyttebrouck, urbaniste chez COOPARCH-R.U11 - interview Eric Massin, échevin à lʼurbanisme12 - interview Nicolas Buissart, artiste carolo et organisateur des safaris urbains
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De winnaars: en CharleroiAlmereop 01 maart '08, 00:00, bijgewerkt 12 juni 2008 15:02
Lezers hebben de Belgische stad Charleroi verkozen tot lelijkste plek ter wereld. Binnen Nederland
mag Almere zich winnaar noemen. In totaal brachten 2900 mensen hun stem uit op
volkskrantreizen.nl. Samen verdeelden zij ruim 17 duizend punten over tien genomineerde plekken.
De verkiezing is het resultaat van een levendig debat op de site over lelijke plekken. Lezers stuurden
honderden voorbeelden toe. De reisredactie, die zich doorgaans bezighoudt met mooie plekken, zag er een
onderwerp in organiseerde de wedstrijd. De meest genoemde bestemmingen werden genomineerd: vijf in
het buitenland en vijf in Nederland. Per categorie konden lezers zes punten verdelen.
Charleroi kreeg bijna eenderde van de punten. Luik, eveneens in België, belandde op een tweede plaats –
ondanks een oproep van de Belgische Radio 1 voor het Noord-Russische Nikel te kiezen. Die stad werd
derde, gevolgd door de collega-mijnsteden Katowice (Polen) en Copsa Mica (Roemenië). In Nederland ging
zowel Almere als Nieuwegein van begin af aan op kop; uiteindelijk kreeg Almere 4212 punten en
Nieuwegein 4118 – een nipt verschil. Den Helder werd derde, Heerlen vierde en Eindhoven vijfde.
Lezers vonden hun lelijke plekken vooral dicht bij huis; alle genomineerde plaatsen liggen in Europa. De
Belgische steden kennen de Nederlanders vooral van hun doortocht naar hun vakantiebestemmingen in het
zuiden. En wat je niet kent, nomineer je niet.
In het buitenland staat lelijkheid vooral gelijk met verouderde industrie; alle genomineerden zijn mijnsteden.
Vaak gaat het dan over zwarte sneeuw, smog en bleke gezichten die het straatbeeld bepalen.
In Nederland is dat anders. Daar worden met name nieuwbouwsteden genoemd, of steden die in de oorlog
of daarna hun oude hart verloren. Getuige de reacties op internet is lelijkheid hier vooral synoniem met
saaiheid: er gebeurt niks, het is er leeg. Verkeerde stedebouwkundige keuzes en overambitieuze politici
worden veelal aangewezen als boosdoeners.
In deze aflevering van Reizen besteden we aandacht aan alle genomineerden. Een bijlage vol reportages
vanaf lelijke locaties die bij nadere beschouwing misschien helemaal zo lelijk nog niet zijn. Het blijft
betrekkelijk.
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ANNEXE 5
(TRADUCTION PARTIELLE)Les gagnants: Charleroi et Almere sur Mars '08 1, 0:00, mise à jour Juin 12, 2008 3:02 p.m.
Nos lecteurs ont élu Charleroi la ville la plus laide du monde avec Almere au Pays-Bas. Au total,
2900 personnes ont voté sur volkskrantreizen.nl. [...]
L'élection est le résultat d'un débat animé sur le site sur les endroits laids. Les lecteurs ont envoyé des
centaines de noms. [...]. Les destinations les plus fréquentes ont été nommés: cinq étrangers et cinq aux
Pays-Bas. [...]
Charleroi a gagné près d'un tiers des points. Liège, également en Belgique, a fini en deuxième place [...]
Cette ville est troisième suivi par les villes de Katowice (Pologne) et Copsa Mica (Roumanie). Aux Pays-
Bas, ont été nommées Almere et Nieuwegein qui ont finalement obtenu respectivement 4212 points et 4118
points. Den Helder a terminé troisième, Eindhoven quatrième et Heerlen cinquième.
[...]
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ANNEXE 6
September 5, 2001Charleroi Journal; A Rust-Belt City's Mean Streets Keep Their EdgeBy DONALD G. McNEIL Jr.CHARLEROI, Belgium— In Charleroi, they have a name for the city's most dangerous district: it's called ''Chicago.'' Belgians apparently watch a lot of old gangster movies.Chicago may have changed. Charleroi is having a tough time doing so.This city of 200,000 is just one more hole in the rust belt of Western Europe, the aging smelters and defunct mines that stretch across northern France and western Germany. But it is famous for another local industry: crime.In 1911, it produced the Bonnot gang, anarchists with a taste for violent holdups, who escaped south to terrify Paris. In 1996, it produced Marc Dutroux, the pedophile charged with imprisoning and killing a number of teenage and younger girls.This is a city that still repulses a nation. Belgians say Charleroi is the kind of place where a gang will use a rocket launcher when a pistol would do. Officers describe breaking off car chases when passengers lean out and open up with AK-47's. National statistics say the area has double the number of armed holdups per capita as Liège, a city of comparable size, and 10 times the rate of the safest province. In mid-August, the police announced that their new patrol strategy had cut the armed robbery rate. That day, a spate of carjackings broke out.The brazen car theft on Saturday night, Aug. 19, is a case in point. Two hooded men with a shotgun entered a crowded cafe on Boulevard Tirou, the town's main street. Walking smartly to the back table, where Enzo Scifo, once Belgium's biggest soccer star and now Charleroi's coach, was sitting, they demanded the keys to his Mercedes, which was parked outside. He complied. They left.Moments later, they were back. ''No, wrong car -- we want the blue Mercedes 500,'' they said, according to Gaetano Italiano, the cafe's owner. It belonged to Mr. Scifo's friend. Since the blue car had a better security system than Mr. Scifo's did, its owner was marched out with a pistol at his temple to start it up. The other gunman tossed Mr. Scifo's keys back, saying 'Here you go, Enzo.' ''It makes a joke out of the police, Mr. Italiano said.Stories like that do not make Francine Biot's job any easier. In January she became the first woman police chief in a major Belgian city, earning her headlines and putting her under extra pressure.She has been pondering why the city has such a history of crime, she said. Unemployment is a big part of it. The city's industrial base has decayed badly.There is a soot-belching steel plant virtually downtown, its grounds festooned with crushed cars that resemble piles of sugar cubes. The town's green hills turn out, when underfoot, to be dumps of coal-mine tailings that weeds have sprouted on. Up to 40 percent of Belgium's well-known armed robbery artists live in Charleroi, though they don't all work here, she says.Prosecutors are overworked. Until recently, it usually took three years to bring a criminal to trial. The streets are under-policed; Commissioner Biot, 52, has 800 officers for a city of 200,000 people. Liège, with a similar population, has 1,100.And what is known as the ''police war,'' fought all over Belgium, has been even worse here. As in other cities, the streets are patrolled both by local police and by gendarmes, the politically powerful national force. They hardly cooperate; they even use different radio frequencies.The Dutroux case, a national scandal, was part of that war. The city police wanted to question him about a truck theft, but Mr. Dutroux was a gendarme informant. When gendarmes twice visited his house, he convinced them that cries from the basement were his own children. So they failed to detect the two girls in a hidden dungeon. Partly because of prosecutors' rivalries, Mr. Dutroux still has not been tried. The continuing anger over his case keeps people fearful of Charleroi, Commissioner Biot concedes.But, she says, she is trying. She more than quadrupled the number of patrol hours, from 4,432 last year to 19,127 this year. To do so, she borrowed gendarmes from Brussels, assigned overtime and created units that focus on serving as a strong and aggressive patrol presence on the streets, making fewer arrests whose paperwork would keep them at their desks.The average time to trial is down to five months, she said. The city now has Belgium's second-highest case-clearance rate. Even the police war may fizzle out because the gendarme force's patrol wings are to merge with local departments
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ANNEXE 7
next year. An hour spent in ''Chicago'' with a rapid response team, Inspectors Alain De Wilde, 40, and Patrick Delporte, 31, gave some sense of the problem.Prostitution, while illegal, is tolerated and 20 women loitered on the four blocks waiting for the lunch crowd. A new bullet hole in a shoe store window ''came from an Albanian pimp who didn't want an African girl on his side of the street, so he just started pow-pow-pow,'' the owner said.They drove into a bank's private garage, where a gang recently blew off the steel gates for a robbery.Double parking was rampant. Inspector Delporte is a fan of ''le zero tolerance de New York.'' Allowing such minor crimes, ''you give them this,'' he said, indicating his hand, ''and they eat this,'' -- he touched his arm. The two wrote no tickets, but forced drivers to move on.Only at the end of the tour did their tough-guy routine slip a bit, in a very Belgian way: as they swaggered back into the squad room, they stopped to kiss two colleagues.Just north of Boulevard Tirou, on a nicer street, Gérard Bataille, a clothing store owner demonstrated the different ''arguments'' he keeps for robbers -- a .38 revolver, a 9-millimeter automatic, a billy club and a karate blow guaranteed to burst an eardrum. ''I did it on once, and he fell to the floor and cried like a pig for 10 minutes,'' Mr. Bataille, a 54-year-old former arms dealer, said proudly. Asked about the crime wave, most victims quickly blame one immigrant group or another: Albanians, former Yugoslavians, Africans.Franco Meggetto, a police spokesman, said he wasn't so sure. ''We don't import gangs, not like Antwerp, where the Russians do whatever they want,'' he said. ''I think a lot of it is our local population -- the same people as before. Though they make new contacts.''
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Témoignage dʼune habitante publié sur le site internet de Charleroi FaceB : http://charleroifaceb.wordpress.com/
« J’habite dans le Passage de la Bourse!En général, première réaction à cette information: « Ah bon! Il y a des appartements dans la galerie??? » Eh bien oui,
plutôt jolis d’ailleurs!Deuxième réaction: « Mais c’est mort comme quartier, non? » C’est vrai qu’avec les projets de travaux (en gros,
rénovation des rues et création d’un centre commercial+ nouveaux aménagements sur les quais), c’était devenu un peu tristounet… Pas mal d’endroits ont fermé, le Roy en tête, ce qui était peut-être une bonne nouvelle pour le sommeil des habitants mais pas trop pour l’attrait du quartier…
Mais depuis, les travaux avancent, le piétonnier commence à être en place et l’endroit renait peu à peu .Donc, même si vous n’avez pas un train à prendre, il y a toujours une bonne raison de faire un crochet par la Bourse!Démonstration en une semaine et 6 arguments !Lundi 17h30:C’est beauuuuuu!Le soleil éclaire les façades blanches à travers la verrière… Splendide! On dirait les Galeries de la reine, m’a dit un jour
une amie bruxelloise complètement sidérée qu’on trouve un endroit comme ça à Charleroi !Et pour ceux qui aiment les « petits bouts d’histoire », il y a toujours en vitrine un texte expliquant l’histoire du passage,
photos à l’appui… (voir http://www.charleroi-decouverte.be/index.php?id=62 pour plus de détails)
Mardi 18h:Une nouvelle place piétonne avec terrasse plein soleil!En rentrant du boulot, quoi de mieux qu’un verre en terrasse !? De préférence au soleil et loin des voitures !La solution : les Mille Colonnes!
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ANNEXE 8
ANNEXE 9
Depuis les travaux, la jonction des rues du Collège (celle de l’ancien Roy), de Marchienne (celle du Coliseum) et du Comptoir (celle de l’Hippopotame) est devenue une petite place sans nom et entièrement piétonne… la terrasse peut donc s’étendre allègrement ! Et elle est plein soleil jusqu’au moins 19h30!
Impossible d’y résister! Aujourd’hui, en plus, trois musiciens ont sorti leur guitare et égrènent quelques vieilles chansons rock, folk et manouches…
Pour consommer: bières ou apéros à foison mais aussi une carte spéciale thés! On peut aussi manger, mais ça, je n’ai pas encore testé.
Pour ceux qui seraient seuls et auraient oublié leur bouquin: pas de problème, il y a un pigeon particulièrement sociable et célèbre sur la place qui viendra certainement vous tenir compagnie (s’il y a quelques cacahuètes sur la table)
et puis, il y a toujours bien quelqu’un pour vous faire un brin de causette
Mercredi 8h30Mais c’est Montmartre !Juste devant l’église Saint Antoine, un sculpteur s’est installé. Il a sa petite chaise, une table et il sculpte l’argile en
direct, des formes stylisées de femmes portant un enfant.Pour cuire ses pièces, il doit louer un four, ce qui revient cher… C’est à ça que lui servent les pièces que lui donnent les
passants.Et on espère qu’il en recevra tellement qu’il reviendra souvent !
Jeudi 17hUn tas de magasins qui sortent de l’ordinaire…Si beaucoup de vitrines se sont fermées peu à peu à l’approche des travaux, quelques irréductibles commerçants ont
résisté à l’investisseur anversois. nb: j’exagère un peu, les relations sont plutôt bonnes entre eux et il y a une concertation organisée pour évaluer l’incidence des travaux sur le quartier. Donc pas encore de batailles avec des romains ou des casques qui volent… Par contre, le banquet avec sanglier roti à la broche n’est pas à exclure!
Parmi ces rescapés, il y a, en vrac:… Une librairie ancienne où trouver des livres de poches à 1!, des bds d’occasion, des livres d’histoire (de Charleroi et
d’ailleurs), des livres et partitions anciens, etc. etc…. Avec, en prime, les conseils d’un spécialiste et une ambiance hyper conviviale (voir plus bas) : la Fafouille
…Une boutique de vinyles et cds rock et autres + dvds à prix plancher et toujours un bon disque qui tourne! : Le Discosaurus
… Une bijouterie artisanale : Dany Or… Un magasin zen qui vend des minéraux et bouqins un peu feng shui… Un magasin bio où on trouve un peu de tout: des fruits aux couches, en passant par le pain ou des produits
d’entretien… Un magasin OxfamBref, de quoi fouiner pendant des heures et trouver un tas de choses inattendues !
VendrediToujours un truc à raconter!La Fafouille, ce n’est pas seulement une librairie, c’est aussi une mine d’info, tenue par un libraire dont une des
passions est d’apprendre à connaître ses client!Pour connaître les dernières évolutions du dossier des travaux de Charleroi et du nouveau centre commercial.Pour découvrir un peu de l’histoire de la ville (photos anciennes à l’appui)…Pour en apprendre plus sur les stratégies et les canaux de distribution des éditeurs de livres et de bds…Pour voir ou parler de livres anciens, de musique baroque, de jazz, de kayak et de plein d’autres choses.Avec un peu de chance, Etienne vous fera une démonstration de grand bi (vélo ancien avec une ttrès grande roue) et/ou
Régine vous dédicacera son dernier livre!Passez par la Fafouille, c’est tout bénef: vous sortirez très probablement avec un bon bouquin mais certainement en
ayant bien causé et bien ri!
SamediLe marché de la place Albert, bien entendu!Hommage permanent à Jean Ferrat, Cloclo ou Johnny, fruits, légumes, plantes, fromages, etc. Moins gigantesque que
son cousin du dimanche ville haute, mais un vrai petit marché où il fait bon se promener…
DimancheLa terrasse des Mille Colonnes est toujours là, bien entendu!S’il ne se passe pas quelque chose du genre une fête des voisins, on peut envisager d’installer un filet de badminton…
Ou imaginer toutes les possibilité d’événements qui pourraient animer cet endroit plein de potentiel.Comme la brocante du week-end du 19 juin, une brocante d’objets de collection dans la galerie, assortie d’une rencontre
d’artistes sur la place sans nom: forgeron, sculpteurs, peintres, écrivains, etc.
Et puis, plein d’autres idées en cours d’élaboration, dont une que Face B dévoilera bientôt
Texte et Photos: J. B.81
Frans Uyttebrouck, urbaniste et associé à COOPARCH-R.U.Entretien réalisé le 24 septembre 2010 à Bruxelles.
1 - En tant qu’urbaniste, quel a été votre rôle dans l’élaboration du nouveau schéma de structure communale (SSC) de Charleroi?
Chef de projet sur la partie diagnostic synthétique et options
2 - L’élaboration d’un SSC est un processus lourd et porteur d’espoirs pour les municipalités. Quelle est
l’ambition de cette nouvelle version réalisée par le bureau d’étude Cooparch R-U?Le SSC et le RCU sont non seulement les documents nécessaire à entrer dans le régime de décentralisation
administrative prévu par le CWATUPE, ils sont portés par l’équipe de la majorité en place et à ce titre ont presque valeur de projet de ville. D’un point de vue strict, le SSC est la définition du bon aménagement,
doublé du RCU qui s’appuie sur ses options pour dire les règles d’urbanisme. Ici, ces documents sont une étape dans une construction plus complexe.
3 - On présente souvent Charleroi comme une ville échappant à tout modèle, en particulier au modèle
radioconcentrique. On la présente aisément comme une ville polycentrique. Quelle est l’importance de son centre?
Toute ville moderne est nécessairement une agglomération et celle-ci, à partir d’une certaine taille est
polycentrique. Le centre de Charleroi est de fait une ville nouvelle développée dans l’espace de la citadelle, elle même
construite au départ d’un village. Dès le 19ème siècle, la citadelle a perdu ses fortifications et en quelques décennies s’est construit une sorte de corps atypique en pays industriel et minier et complémentaire à lui,
une ville commerçante et administrative compacte, une succession de quartiers planifiés du sud au nord, du niveau de la Sambre au plateau de la ville haute. Cette ville est à l’agglomération de Charleroi ce que
Manhattan est à New York, un espace très urbain opposé au soi-disant magma du reste, clairement délimité par son « ring », périphérique routier en forme d’anneau allongé qui sépare l’intérieur très urbain de
l’extérieur très faubourg. L’expansion du centre-ville a été consubstantielle de celle du pays minier et industriel. Il a toujours existé
une relation forte avec les quartiers dispersés autour des mines et des usines, tandis que ce centre générait lui-même des faubourgs résidentiels qui s’agrégeaient avec ces quartiers. La principale différence entre
Charleroi et des agglomérations clairement radioconcentriques est l’absence de voies radiales planifiées. A Charleroi, ce sont les chaussées anciennes et seulement elles qui ont assuré la trame des voies radiales.
Avec le déclin de l’industrie lourde et la fermeture des charbonnages de l’agglomération, il est resté l’habitat de plus en plus polarisé par les emplois et les services de cœur urbain.
Charleroi se présente donc aujourd’hui comme une agglomération ni plus ni moins polarisée par son centre qu’une autre. Tout au plus pourrait-on considérer que les centralités anciennes conservent une importance
plus marquée que ce qu’on pourrait voir ailleurs, compte-tenu de la population concernée.
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ANNEXE 10
5 - Quelles qualités résidentielles Charleroi peut-elle offrir? Des qualités que n’auraient pas ses pairs (Liège ou Mons notamment)?
Fondamentalement, Charleroi se distingue de Mons par la plus grande taille de son agglomération et
manque à l’évidence d’un habitat à caractère patrimonial. Vis-à-vis de Liège, Charleroi offre dès à présent des quartiers reliés au centre par un métro ou tram rapide, tandis que Liège dispose d’un parc résidentiel de
centre ville nettement plus développé.Pour le reste, les trois villes, en dépit de leurs contrastes, sont composées à partir de la même matière de
base. Leurs agglomérations sont peu organisées hors du centre ancien et l’habitat dominant (au moins en termes d’image) est celui des maisons « unifamiliales » ouvrières ou un peu plus bourgeoises alignées le
long des rues et des routes. Cela parait souvent peu grandiose, mais en définitive, dans toute sa modestie et désorganisation apparente, c’est un logement souple et évolutif. On peut dire que le belge est plutôt satisfait
de son logement. Là où la qualité collective semble faire défaut, l’habitant se fait un logement bien approprié.
6 - Pensez-vous que Charleroi ait les atouts suffisants pour conjuguer développement économique et développement urbain de qualité?
Le développement urbain de qualité, si on le définit par la qualité des aménagements, il est tout à fait
vraisemblable avec le profil existant de Charleroi. D’ailleurs, les réaménagements de l’espace public en cours le montrent assez.
Et la qualité appelle la qualité. Une ville dont l’image et le vécu concret sont positifs attire aussi l’investissement.
7 - A Charleroi, la voiture est reine et toute l’agglomération a été équipée en fonction. Quels sont vos espoirs pour un Charleroi plus durable?
On constate partout que les mutations vers plus une mobilité plus multimodale sont, d’une part, la
conséquence d’une volonté très forte des élus (bien conseillés par les techniciens), et d’autre part, que ces mutations concernent surtout certains axes de la vie urbaine. Il est faisable de rééquilibrer la mobilité sur les
relations centre-périphérie en un terme de 5 à 10 ans, mais une mutation profonde des consommations de mobilité traduit un changement socio-culturel général qui dépasse sans doute l’action d’une équipe locale.
Donc, on peut valoriser le système du semi-métro de Charleroi avec pour objectif la transfiguration du centre ville, voire la densification sélective des secteurs desservis. Faire plus est un travail en profondeur qui
dépasse le cadre des dispositifs de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme, à mon sens du moins. Mais ce premier pas serait déjà un grand pas en termes de durabilité.
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Entretien avec Eric Massin3ème échevin (PS) au sein du conseil communal de Charleroi depuis 2007
Vendredi 03 octobre, hôtel de ville de Charleroi, division de lʼurbanisme, Gilly.
Les attributions d’Eric Massin sont les suivantes : Logement - Régie Foncière - Etablissements classés -
Urbanisme et Aménagement urbain - Quartiers - Participation du citoyen et civisme - Développement stratégique -
Expansion universitaire - Politique des grandes Villes.
L’objectif de cette rencontre était d’entendre l’avis de Monsieur l’échevin quant à la thématique de l’économie
résidentielle à Charleroi. Eric Massin au sein de ses fonctions cherche à doter Charleroi d’un centre-ville puissant via la
promotion d’une politique de grand projet urbain.
Paul-Hervé Lavessière : Selon Laurent Davezies, depuis 30 ans, les territoires les plus dynamiques ne sont pas les territoires productifs mais au contraire, ceux où réside une population. C’est une situation difficile pour les centre urbains de tradition industrielle comme Charleroi qui cumulent un cadre de vie peu attrayant et une économie résidentielle relativement faible.
Eric Massin : Si aujourd’hui et depuis 30 ans, les territoires productifs sont répulsifs sur le plan résidentiel, il n’en a pas toujours été ainsi. Par le passé, ces mêmes territoires étaient forcément aussi des lieux de
résidences parce que les possibilités de mobilité étaient moins importantes et il était moins coûteux d’habiter près des lieux de production. De plus, les salaires étaient assez faibles et le travail avait lieu presque tous
les jours. Il était donc très pratique d’habiter si proche. Ce phénomène a entraîné une explosion démographique dans ces centres de production, comme Charleroi.
Plus tard, ceux qui en ont les moyens ont quitté ces espaces de production pour aller vivre dans un cadre de
vie plus agréable et dans des maisons plus grandes. On entre alors dans un cercle vicieux : les centres urbains ne sont plus peuplés que par ceux qui n’ont pas les moyens de partir vivre ailleurs et deviennent
même attractifs pour une population allochtone précarisée. Ces biens immobiliers sont assez mal entretenus pour des raisons de moyen, les villes s’appauvrissent et les avantages d’être ville sont de moins en moins
évidents.
PHL : C’est un cercle vicieux dont il est difficile de sortir?
EM : Oui, mais on peut imaginer que ceci est transitoire. Les villes font en effet un effort, sur leur image notamment, et explorent plusieurs pistes pour en sortir :
- Faire disparaître l’industrie productive. Mais Charleroi ne peut faire ça complètement puisque certains de ses quartiers ont une main d’oeuvre à jusqu’à 30% ouvrière (en terme de richesse produite par habitant) et
qu’il n’y a pour l’instant rien pour remplacer ces activités. - Augmenter la qualité de l’espace urbain, ce qui n’est pas simple pour des villes ayant peu de ressources.
84
ANNEXE 11
- Développer certains types de politique : tourisme et culture par exemple qui peuvent être de nature à enclencher un processus d’attractivité. Là, ce sont les politiques volontaristes des grandes villes.
Mais globalement, on a le sentiment d’arriver à la fin d’un cycle : raréfaction des territoires libres pour
construire en périphérie, les difficultés pour les communes à accueillir ces lotissements et cette population périurbaine. En termes de développement durable, on ne peut plus continuer à habiter si loin de son emploi
et consommer autant d’espace.On revient donc à promouvoir la re-densification des centres urbains traditionnels, avec un accent sur la
qualité de vie.
C’est aux villes d’avoir une politique de retour des habitants en centre-ville.
PHL : Mais même les élites politiques ou économiques ont déserté les centre-ville et habitent depuis longtemps hors des centre-villes, dans des villas à quatre façade. Comment attirer ces revenus dans le centre?
EM : La culture est un élément d’importance. «Être urbain» est un mode de vie. Moi-même j’habite à
Montignies sur Sambre (ancienne commune ayant fusionné avec Charleroi, à 10 minutes à pieds du centre-ville) car je me sens urbain.
Mais les centres urbains, pour récupérer des habitants périurbains doivent mener une vraie politique d’aménagement et d’urbanisme : en termes de qualité de l’habitat, de l’environnement, espaces publics,
offre culturelle. Alors, les habitants retourneront au centre.
PHL : Il existe de nombreuses qualités résidentielles à Charleroi : la typologie d’habitat (maison de ville + jardin), le paysage (terrils) ou encore l’accessibilité (à 40 minutes de Bruxelles). Pourquoi les plus aisés ne sont pas incités à venir habiter à Charleroi?
EM : Il n’y a surtout rien dans l’état actuel des choses pour retenir les habitants ayant des revenus financiers
d’aller habiter à Gerpinnes, Ham sur Heure-Nalinnes ou Montignies le Tilleul (communes limitrophes sud) ; et cela échappe totalement à la ville de Charleroi.
La Région Wallonie n’étant pas un état jacobin comme la France, les 262 villes et communes wallonnes
réfléchissent leur aménagement de façon individuelle. Il n’y a pas de schéma stratégique à l’échelle de la Région ou des bassins de vie. Il manque une stratégie globale alors qu’aujourd’hui, chaque commune pense
pour elle-même.
En conséquence, il y a un phénomène de localisation de commerces, qui pourraient être dans le centre urbain, vers les axes menant à cette périphérie verte : Le Bultia notamment, route de Philippeville accueille
un grand nombre des magasins de vêtements alors qu’on se trouve dans un milieu quasi-rural. Ce genre de phénomène, s’il n’appauvrit pas le centre de Charleroi, ne contribue en tout cas pas à son développement.
Cela continue de disperser l’offre en services et commerces et ne renforce par le centre-ville qui a du mal à être vraiment métropolitain.
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PHL : En votre qualité d’échevin, que pouvez-vous faire?
EM : Tout seul, peu de chose. La première nécessité serait d’avoir à la Région Wallonne un fonctionnaire
délégué qui s’engagerait à refuser ce type d’installation en bord de grande chaussée. Il pourrait donc entraîner un refus de permis d’urbanisme ou de permis d’exploiter.
PHL : Est-ce que la Région Wallonne se soucie aujourd’hui des centres urbains wallons?
EM : Oui. Dans la déclaration d’intention de politique régionale qui a été faite par le gouvernement wallon, la
volonté a été affichée de densifier les centres urbains, dans une perspective de développement durable.Un exemple : le ministre de l’aménagement du territoire s’est récemment opposé à la création d’un immense
centre commercial de 70.000 m2 en périphérie de Charleroi, à Farciennes.
PHL : Donc la machine est lancée?
EM : Oui, les intentions sont là mais ce n’est pas suffisant. Il serait intéressant de mettre en place des «agences territoriales» sur le modèle français, auxquelles les villes et communes délègueraient leur
aménagement du territoire, à une échelle plus large que celle d’une seule commune, en se rapprochant plutôt de celle des bassins de vie. Cela est difficile à mettre en place en Belgique, qui, comme je l’ai dit, n’est
pas un état jacobin comme la France mais au contraire est un pays qui a construit son Histoire sur la puissance de ses villes et communes (influence germanique).
Pour l’instant les différents collèges en place dans les villes et communes wallonnes ne seraient pas prêts à laisser de côté leurs compétences en aménagement du territoire. Il y a une barrière psychologique
importante à déléguer cette compétence. Ce serait une perte de pouvoir importante.
PHL : Vous affirmez souvent qu’il n’y a pas de fatalité à ce qui arrive à Charleroi.
EM : Oui, il n’y a pas de fatalité à ce que les villes de production comme Charleroi soient désertées par les populations ayant des revenus. Mais si les atouts de Charleroi restent aujourd’hui à l’état de potentiel, c’est
du fait de logiques qui dépassent les communes. D’une part, ce sont les logiques de territoire, à l’échelle des bassins de vie. À une autre échelle, ce sont les évolutions que connaitra la planète (raréfaction des
ressources pétrolières, urgence de réduire la production de CO2), qui obligeront à un travail sur l’habitat et le transport.
Il est clair que nous arrivons à la fin d’un cycle, qui mettra peut-être encore 10 ou 15 ans à se terminer. Ce
changement (retour vers les centres urbains) doit être anticipé et accompagné voire accéléré par un travail avec les entreprises (leur localisation en fonction de leur fonction).
PHL : Les autres villes comparables s’en sortent-elles mieux?
EM : En allant à Mons, on réalise le travail qu’ils ont déjà réalisé dans ce sens. Le problème à Charleroi,
c’est que nous avons 15 ans de retard. Dés la première phase de programmation des fonds structurels (aujourd’hui, on en est à la troisième), Mons a investi dans son centre-ville, pour le rendre plus agréable,
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plus attractif. Mais la chance de Mons (et de Liège) par rapport à Charleroi était d’avoir ses unités de productions hors de son centre.
C’est la grosse difficulté de Charleroi. D’avoir à traiter ces problèmes si proche du centre-ville.
PHL : À ce sujet, en comparant Charleroi à d’autres villes, on réalise qu’il est exceptionnel d’avoir accueilli de telles infrastructures si proche d’un centre-urbain. Ne serait-il pas tentant de stopper toute activité sur le site pour le valoriser autrement : parc, logement, bureaux, espaces de loisir? Ou au contraire : et si on estimait que cette présence d’un foncier dédié à la production si proche du centre-ville était la plus grande particularité de Charleroi, et donc sa chance?
EM : Tout d’abord, les sols sont tellement pollués, qu’on habitera certainement jamais sur le site. La pollution est tellement ancienne et profonde que personne ne pourrait s’offrir une telle dépollution.
Ce territoire doit continuer à accueillir de la production et aujourd’hui Thy-Marcinelle et Industeel sont aujourd’hui assez rentables ; il n’y aurait pas de raisons à ce qu’ils s’en aillent.
Il est de plus possible de bien vivre avec ces unités de production. Il y aurait un effort à faire sur la mise en
scène paysagère et les normes de pollution. On pourrait peindre ces bâtiments. Rien n’oblige à avoir des usines laides et sales. On peut les peindre, les couvrir de verdure.
On ne peut plus réfléchir selon le système productiviste qui a dicté les priorités à Charleroi pendant si
longtemps. Il s’agirait de continuer à produire, mais en favorisant la qualité de vie.
PHL : Est-ce que ce passage d’un système productiviste à un modèle valorisant la qualité de vie avait été amorcé avant votre arrivée aux fonctions?
EM : Oui, si l’on pense au développement de l’Aéropole à Gosselis par exemple ou il y avait déjà une
volonté de faire quelque chose de qualitatif. Mais cela a été fait en périphérie. Nous voulons aujourd’hui nous concentrer sur le centre-ville, afin d’un refaire un centre-ville métropolitain attractif pour les entreprises
de service, l’enseignement, les acteurs culturels et touristiques.
PHL : L’initiative de FaceB (réalisation d’une carte touristique en anglais destinée aux touristes d’un jour à Charleroi) est très positive en cela, d’autant plus qu’elle met en valeur avant tout le centre-ville. Qu’en pensez-vous?
EM : C’est très bien, très positif. Mais il faut être conscient que c’est une petite chose. Il faudrait peut-être 1000 éléments comparables ou 5 - 6 gros éléments d’attractivité.
PHL : Certains rêvent de Charleroi comme le Berlin belge de demain.
EM : La culture alternative est bienvenue à Charleroi mais il faut être conscient que le public visé est
restreint. C’est un élément mais qui n’est pas suffisant à lui-seul. Il faut penser aussi à des éléments de masse beaucoup plus mobilisateurs et fédérateurs. Et tout le monde a à y gagner ; il n’y a pas de
concurrence entre le secteur grand public et le secteur alternatif.
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Entretien avec Nicolas BuissartArtiste carolo et créateur du Safari Urbain de Charleroi
(formation initiale : soudure et boucherie)
27 septembre, Vernissage de lʼexposition de Sebastien Rien à la Gare de Bruxelles-Congrès
Paul-Hervé Lavessière : Je fais une étude sur lʼattractivité résidentielle à Charleroi. Je cherche à trouver des qualités à la ville qui inviterait à y habiter.
Nicolas Buissart : Mais ouais à mort. On trouve à Charleroi de chouettes petits coin. Mais cʼest toujours une architecture «à la belge» le long de routes nationales. Je suis moi-même originaire de Gerpinnes, au sud de Charleroi, là où la classe moyenne sʼest reclaquée. Au Nord, on a aussi Saint Amand, plus vert, plus chic. Cʼest déjà presque Waterloo.
Jean-Baptiste G. (Ami flamand) : ... (dubitatif)
NB : Je te jure, je mitonne pas. La prochaine fois, on fera pas le safari des coin moches mais le safari des coins chouettes parce quʼil y en a vraiment.
JBG : Je ne savais pas quʼil y avait des coins chouettes à Charleroi
NB : Mais si bien sur. Ok il y a 30% de chômage mais il y a quand même 70% de gens qui travaillent. En plus, à Charleroi, il y a certes beaucoup de pauvres mais il y a aussi beaucoup de riches voire de très riches, dont des vieilles fortunes. On a lʼhomme médiatiquement le plus riche de Belgique qui habite à Charleroi. Mais avant tout, Charleroi, cʼest une terre de «self-made-men». On trouve des hangars pour pas cher. Cʼest le meilleur endroit en Belgique pour commencer une activité. Encore plus avantageux en termes de prix quʼun hangar à Anvers par exemple. Au niveau habitat, cʼest assez sympa aussi. Une fois quʼon a quitté la rue principale, la «nationale», on trouve des anciens coeurs des petites villes et villages qui ont été englobés dans lʼagglomération de Charleroi.
JBG : Est-ce que tu penses que cʼest le bon moment pour investir à Charleroi en ce moment?
NB : ouais complètement. Il y a un anversois qui sʼappelle Engelstein, propriétaire de toute la place verte à Anvers. Il a déjà pas mal acheté dʼimmobilier dans la Ville Basse. Charleroi est aujourdʼhui la seule ville en Belgique où il est encore possible de spéculer correctement sur lʼimmobilier. Jʼai acheté ma maison 65.000 euros à Montignies sur Sambre. Cʼest une petite maison avec un bow-window, dans le style «Art Déco pour pauvre» comme on en trouve pas mal. Je suis à 500 mètres du centre.
PHL : Vous avez lʼimpression que ça change, et que la municipalité change dʼattitude depuis peu? Je pense aux efforts pour redynamiser le centre-ville par exemple
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ANNEXE 12
Sharlene Valable (LE VECTEUR) : Oui mais il faut savoir que même si les échevins changent, il y a à Charleroi un pouvoir énorme de lʼadministration. Il y a donc peu de chances que ça change réellement à court terme. Même Eric Massin sʼest déjà plaint de ne pas avoir assez de marges de manoeuvres parce que le système est comme ça.
NB : Après, cʼest difficile de juger lʼaction dʼun échevin. Il nʼest pas tout seul.
[...]
JBG : C’est intéressant d’acheter à Charleroi parce que finalement tu mets moins de temps entre Charleroi et Bruxelles qu’entre Leuven et Bruxelles par exemple. En plus les prix sont franchement inférieurs.
NB : A Charleroi, les gens ne sont pas habitués à faire appel aux agents immobiliers. Ils ont l’habitude de vendre ou acheter de particulier à particulier, ce qui fait que les prix restent faibles. Mais il y a 5-10 ans, on a ouvert une section «agent immobilier» à l’IFAPME*. Petit à petit les agences immobilières se développent et on approche chez eux des prix quasiment normaux. Toujours moins cher que Bruxelles ou Namur mais, on s’en rapproche.
JBG : En cherchant un peu, on trouve des jolies baraques pour 200.000 euros qu’on trouverait à Bruxelles pour facile 500.000 euros. Après quand t’as internet, un jardin, une voiture, t’as pas besoin d’être à Bruxelles.
[...]
NB : Moi mon trip c’est le design et mes idoles, ce sont les designers de Flandres Occidentale. Mais il faut bien savoir qu’avant qu’ils arrivent dans cette région, on ne trouvait que des fermiers. Du côté de Waregem, des tas de petits coins se sont développés comme ça par des self-made-men, qui ont travaillé dans le design. À Charleroi, on trouve pleins de self-made-men comme ça. Des gens qui travaillent depuis très jeune et qui vont se lancer dans des projets : acheter, rénover et revendre des maisons par exemple. Mais aussi faire une entreprise ou autre. Le truc, c’est que le carolo est mégalo. Il cherche pas à amasser de l’argent pour amasser de l’argent. Non. Il cherche à amasser de l’argent pour faire des projets de plus en plus gros et ambitieux.
PHL : Comment tu vois Charleroi dans 10 ans?
NB : J’ai pas vraiment envie que ça change mais j’ai le sentiment que tout est en train de se retisser dans le centre-ville. La ville retrouve de l’unité. Faut savoir que par le passé, on venait de Lille pour sortir à Charleroi. Rimbaud et Verlaine venaient à Charleroi. Mais le développement était allé trop vite, ça vivait tellement, que finalement Charleroi, c’est un peu comme quelqu’un qui a trop mangé tu vois. Il faut le temps de digérer. À la base ce sont des petits villages qui ont grossi. On peut comparer avec la Rhur par exemple même si c’est au moins deux fois plus impressionnant. Nous ça reste gentil, c’est la Belgique après tout, tout est plus petit et un peu plus anarchique.
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Secteur statistique : HoussièreTerritoire : DampremyDensité de population : 70hab/ha
Caractéristiques : habitat ancien datant de la période industrielle. Malgré la densité de population, la grande majorité des maisons dispose dʼun jardin. Le secteur est tout proche du centre de Charleroi (Sur la partie inférieure de la photo on voit le terril des piges qui jouxte le petit Ring)
Secteur statistique «La Coupe»Territoire : JumetDensité de population : 33hab/ha
Caractéristiques : le bâti est plus mixte, la densité plus faible. Les jardins sont plus grands. Certaines maisons sont équipées de piscines. On ne considérant que la partie bâtie (sans le terril) la densité approcherait plutôt les 44 hab/ha*.
Secteur statistique : «Le Vigneron»Territoire : RansartDensité de population : 18hab/ha
Caractéristiques : le bâti est beaucoup plus récent (lʼancien nʼest pas industriel mais rural). On retrouve alors le type «fermette» à quatre façades. En ne considérant que lʼespace bâti, on peut monter à 24 hab/ha, ce qui reste faible.
* on considère que le terril prend un quart du secteur.
3 types de densité bâtie en pays de Charleroi
Conclusion : Le pays de Charleroi dans sa partie la plus ancienne permet dʼoffrir une densité correcte, digne dʼun espace réellement urbain, tout en offrant des jardins individuels. Ceci est possible grâce à la mitoyenneté des maisons. Dés lors que lʼon se rapproche du modèle de la fermette à quatre façades, la perte de densité est forte. Lʼespace exterieur approprié est-il pour autant plus grand?
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ANNEXE 13
Chronologie du développement de la politique de clusterisation en Région Wallonne : http://clusters.wallonie.be/federateur/fr/historique.html
2001 / 2006 : La phase expérimentaleProjets pilotesS'inspirant des conclusions du rapport MERIT / Ernst & Young, il a été décidé de lancer une phase expérimentale de soutien à l'émergence de réseaux d'entreprises.Au total, 12 clusters ont été soutenus par la Région depuis 2001, leur lancement s'étant produit en trois phases :- en 2001 et 2002, les clusters Aéronautique, Auto-mobilité, Bois et Biotechnologies de l'agroalimentaire ;- en 2003, les clusters Recherche clinique, Céramiques et Espace ;- en 2004, les clusters Déchets solides, Transport & Logistique*, Nutrition*, TIC* et Eco-construction*.*Ces 4 clusters sont une résultante des actions de sensibilisation à la dynamique de réseau qui ont été menées dans les zones phasing out Objectif
1 (Hainaut) et Objectif 2 (provinces de Liège, Namur et Luxembourg) durant la période 2000-2003, avec en corollaire l'accompagnement de projets de clusters.
Evaluation intermédiaireEn 2004, pour le compte du Conseil Economique et Social de la Région Wallonne (CESRW), le bureau d'études MERIT a procédé à une évaluation indépendante du programme expérimental.Parmi les quatre premiers clusters pilotes analysés, deux ont été évalués très favorablement (Aéronautique et Auto-mobilité) tandis que les deux autres expériences (Bois et Biotechnologies dans l'agroalimentaire) ne s'avéraient pas concluantes : masse critique trop limitée, impacts faibles, absence de vision à long terme, etc. Logiquement, à partir de fin 2004, la Région Wallonne a décidé de ne plus poursuivre son soutien à ces deux projets pilotes.Plus fondamentalement, le rapport du MERIT (.pdf - 634Kb) évaluait positivement la phase expérimentale de clustering menée depuis 2001 et recommandait sa poursuite moyennant une série d'améliorations :
• mise en place de bases légales indispensables au bon fonctionnement du programme dans la durée ;
• maintien du principe de dégressivité du financement public ;• sélection des initiatives les plus porteuses sur base d'un processus transparent et objectif ;• évaluation indépendante de chaque cluster après 2 ou 3 années de fonctionnement.
2006 / 2007 : de l'expérimentation à la pérennisationLes leçons tirées de la phase expérimentale, renforcées par l'évaluation indépendante menée par les experts du MERIT, ont donc conduit la Région Wallonne à pérenniser sa politique de soutien aux clusters, tout en lui apportant les améliorations nécessaires. Cette volonté est inscrite dans le "Contrat d'avenir pour les Wallonnes et les Wallons" (février 2005) et le Plan Stratégique Transversal "Création d'activités et d'emploi" (août 2005).La politique de clustering dispose à présent de sa propre base décrétale : le "décret relatif au soutien et au développement des réseaux d'entreprises ou clusters" (.pdf - 996Kb) voté par le Parlement wallon le 18 janvier 2007, complété parl'Arrêté d'exécution (.pdf - 738Kb) adopté par le Gouvernement wallon le 16 mai 2007.Cette base légale définit :
• une procédure de sélection transparente visant à retenir les initiatives les plus porteuses ;• le caractère dégressif du financement public (par périodes de 3 ans : 100%, 80% puis
50%) ;• des évaluations triennales de chaque cluster, mais aussi de la politique dans son
ensemble ;• un soutien spécifique à la coopération internationale et inter-clusters.
Actuellement, 14 clusters sont reconnus au titre du Décret du 18 janvier 2007 :• parmi les expériences pilotes antérieures : Aéronautique, Auto-Mobilité, Recherche
clinique, Espace, Déchets solides, Transport & Logistique, Nutrition, TIC et Eco-construction;
• les clusters TWIST (Image, Son et Texte numériques), MITECH (Micro-Technologies), TWEED (Environnement - Développement durable), Photonique et CAP 2020 (Performance Energétique des Bâtiments) sont des nouveaux venus parmi les clusters wallons.
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ANNEXE 14
ETUDE SUR LE PROFIL IDENTITAIRE DE CHARLEROI
CoManaging est un bureau d’études parisien, spécialisé dans la production de « profil identitaire ». Cette étude originale met en lumière la complexité et la diversité des lieux étudiés.
CoManaging a réalisé en 2008 un portrait identitaire de la Ville de Charleroi et de la Porte Ouest, dans le cadre de l’étude sur le Schéma directeur Porte Ouest.
Le texte ci-après est une synthèse réalisé par CoManaging du profil identitaire de Charleroi et de la Porte Ouest.
1. Partie visible• COULEURS : Omniprésence et prégnance des couleurs nées de l'activité humaine : sensation
d'envahissement par la monochromie dans les gammes de la poussière et l'omniprésente grisaille et force symbolique, notamment les noirs et la gamme chaude et "vitale" des couleurs de feu.
• MATIÈRES : Un territoire inscrit par vocation dans la matérialité : la matière dans tous ses états, à la fois condition sine qua non, objet et rejet de l'activité industrielle.
• LUMIÈRE : Faible luminosité naturelle et effet tamisant de la pollution, mais somptueuses lumières nocturnes de l'activité industrielle.
• ACCESSIBILITÉ : Un territoire de passage, de plus en plus "tunnel" et de moins en moins "porte" : desservi par des voies multiples, mais en même temps, enclavé, souvent contourné, traversé "par la force des choses"… / Entre Charleroi et Porte Ouest, le fil bleu de la Sambre.
• DYNAMIQUE : Flux et forces multiples, mouvements, mutations et métamorphoses : de puissantes et incessantes dynamiques à l'œuvre, positives et précises dans l'engagement, la mobilisation, la production, le travail, négatives et incontrôlées dans le transit, le déclin et la dégradation.
• MOTIFS & FORMES : Une impression de gigantesque chaos formel (jeu de construction) malgré la force géométrique d'un territoire "mis en formes" par l'homme, à base d'éléments particulièrement structurés et rythmés. / Repère symbolique et affectif : la forme prégnante des "pyramides" des terrils.
• RELIEF, PERSPECTIVES & PROPORTIONS : Un quartier globalement plat, mais hérissé d'excroissances verticales, et traversé par une chaîne de "montagnes" artificielles, et aux affinités singulières avec l'extrême, le démesuré et le suspendu (l'aérien).
• COMPOSITIONS & PAYSAGES: Dominé par la présence spectaculaire du paysage extra-ordinaire de l'industrie, vivant bien que plus vraiment perçu aujourd'hui comme "paysage à part entière", un territoire totalement anthropisé, en partie sinistré, entre "beauté de tragédie", "horreur absolue" et "poésie de l'activité humaine".
• PATRIMOINE NATUREL & ENVIRONNEMENT: Un environnement difficile : peu de place pour la nature, malgré la respiration de quelques espaces de verdure, invisibles pour la plupart, malgré des améliorations récentes, une réalité de pollution toujours très problématique et aujourd'hui très mal vécue, et effet de spirale négative avec l'omniprésence de la saleté qui contribue à "l'abandon" de l'habitat.
• ORGANISATION, RURALITÉ & STRUCTURE TERRITORIALE : Sauf dans les communes avec des centres anciens (Monceau et Marchienne-au-Pont), une apparence de quartier en désagrégation, déstructuré, désorganisé, instable, et de plus en plus illisible, même pour les usagers.
• HABITAT & PATRIMOINE ARCHITECTURAL & ARTISTIQUE : Un habitat extrêmement contrasté : "dévasté" notamment à Marchienne-Etat, résidentiel et soigné à Monceau et Marchienne-au-Pont / Comme à Charleroi, des habitants peu concernés par le patrimoine architectural malgré les quelques bâtiments, repères identitaires et témoins de prestige ou de prospérité industrielle passée.
• PATRIMOINE DES PERSONNALITÉS : La figure anonyme mais "mythisée" du travailleur de la grande époque de l'industrie, mais pas de personnalités d'envergure nationale.
• PATRIMOINE DES SAVOIRS-FAIRES: Charleroi, terre de génie industriel, et à Porte Ouest, une tradition pérenne de savoir-faire toujours recherché dans la métallurgie-sidérurgie.
• PROFIL INDUSTRIEL ET ÉCONOMIQUE : À l'égard de l'activité industrielle, entre déclin, fleuron, sursis et nouvelles implantations, une situation et des attentes contradictoires, et un rapport complexe, aussi affectif qu'anxiogène, dont la pollution est devenue le point névralgique, pour l'image comme pour les Carolos en général. / A Porte Ouest, une population contrastée et déconnectée de l'activité industrielle, et notamment à Marchienne-Etat, de plus en plus défavorisée, reléguée et "de passage".
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ANNEXE 15
• VIE & ÉQUIPEMENTS CULTUREL, ACTIVITÉS & ANIMATIONS : À Porte Ouest, "toujours quelque chose qui se passe" : une vie culturelle envers et malgré tout.
2. Partie psychologique• APPARTENANCE & OUVERTURE : Contraste marqué entre l'attachement viscéral des Carolos pour leur
ville, plus localement pour leur commune, et plus spécifiquement au paysage-racines de l'industrie, et l'absence de sentiment d'appartenance au quartier Porte Ouest, à l'identité brouillée et non perçue.
• TAILLE DE L’EGO & ATTRACTIVITÉ : Porte Ouest, un ego complexe de "région la plus riche de Belgique" avant la crise, aujourd'hui quartier "has been", "à l'abandon", rejeté et très stigmatisé comme "à problèmes", "un enfer" / Charleroi, autrefois une "grande ville", actuellement, plutôt une "grande bourgade" à la fierté blessée, bien que 1ère ville wallonne en termes d'habitants et 3ème commune belge / Entre Charleroi et Porte Ouest, rapports ambivalents et fluctuants sur un mode "cannibale" : aujourd'hui Porte Ouest, simultanément "quartier sacrifié", mais "emblématique de Charleroi", avec vampirisation de l'image de la ville par la part d'image la plus négative du quartier Porte Ouest.
• COMPLEXITÉ / ENTITÉ : Superposition de plusieurs communes historiques, de successives aires virtuelles de projet aux périmètres imprécis et changeants, et de nombreuses "frontières" intérieures subjectives (paysagères, économiques et humaines) : Porte Ouest, une entité floue, fragmentée et éclatée, composante de l'Entité de Charleroi, elle-même multiple et polycentrique.
• RAPPORT AVEC L’HISTOIRE : Un destin subi, de ville créée pour remplir une mission utilitaire, à l'origine d'une certaine passivité, voire même de permissivité, et un passé d'activité florissante, aujourd'hui en déclin, d'où un rapport nostalgique à l'égard de l'histoire, a fortiori à Porte Ouest, le quartier emblématique de l'industrie.
• TROPISMES : Tradition ancienne de terre d'accueil et de melting pot, dont la valeur forte du multiculturalisme, considéré comme une richesse, est aujourd'hui en régression, notamment à Porte Ouest, avec la communautarisation.
• FÉMININ / MASCULIN : Un territoire totalement masculin d'un point de vue symbolique. • RAPPORT AVEC LE TEMPS : Un rapport au temps complexe, écartelé entre les tentations
contradictoires de la nostalgie et de la table rase, entre le poids du passé, le goût de la mémoire, un présent qui semble sans avenir et un futur éternellement virtuel jusqu'à présent ….!
• ÉNERGIE & ÉQUILIBRE : En dépit des difficultés et des graves problèmes d'insécurité, énergie toujours à l'œuvre, héritée de la culture industrielle pragmatique et son goût du "faire ensemble", inspirée par le profil de quartier de "tous des possibles", et mobilisée par un sentiment d'urgence, voire de dernière chance / A Charleroi en général, catharsis par le sport et le supporting, à la place surdimensionnée, quasi-religieuse…
• ART DE VIVRE : La dimension humaine et le goût du divertissement, traditionnellement au cœur du bon vivre carolo, particulièrement détérioré aujourd'hui à Porte Ouest, malgré la persistance de l'esprit associatif, avec la disparition de valeurs presque identitaires comme la solidarité, des repères communs et la tristesse généralisée générée par la stigmatisation.
• AFFINITÉS & TALENTS ARTISTIQUES : Dans sa partie d'activité industrielle, un univers unique, puissant et évocateur, extraordinairement inspirant, et même poétique à sa façon, comme paradoxal faire-valoir de la vie, de la dimension humaine.
• SPIRITUALITÉ & RELIGION : Cohabitation d'un héritage carolo laïc ancien, d'une tradition catholique notamment grâce à la communauté d'origine italienne, avec pérennisation des dévotions et des rites de protection, prolongement des peurs anciennes du monde ouvrier, et d'une présence grandissante de l'islam.
• SENS DU MERVEILLEUX : Incroyable richesse projective d'un territoire "support" idéal du symbolique et de l'imaginaire : à la fois incarnation ou décor pour les mythes les plus universels, les allégories, les fantasmes et les peurs, et "terre vierge" pour "tous les possibles" du futur, des projets ou de la fiction.
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Lavessière Paul-Hervé, 2010, «Charleroi, a place to produce and to live»
Institut d’Aménagement et Urbanisme de Lille, Université Lille 1, mémoire de fin d’étude du Master AUDT,
spécialité Eurostudies, 55 p.
Mots clefs : Charleroi, géographie économique, attractivité résidentielle, villes industrielles,
Key-words : Charleroi, economical geography, residential attractiveness, industrial cities,
Résumé :
Charleroi est une ville de tradition industrielle. Cela a porté atteinte aux qualités du lieu mais est aussi à
l’origine du développement de la ville. Laurent Davezies oppose l’économie de production à l’économie
résidentielle (ou présentielle) qui est selon lui la vraie responsable du développement des territoires. Selon son
analyse, la production, industrielle notamment, engendre des nuisances. Ainsi, les territoires productifs sont
aussi les plus répulsifs sur le plan résidentiel. Dans ce cas, la ville de Charleroi est en mauvaise posture.
Pourtant, le retour à la ville est en marche et on remet de plus en plus en cause le modèle de la «maison à
quatre façades» en périphérie. L’agglomération carolorégienne dispose d’atouts importants et pourrait plus ou
moins aisément devenir résidentielle. Cette étude urbaine vise à mettre en évidence les qualités urbaine de
Charleroi qui pourraient faire qu’un jour, non seulement on y travaillera, mais on appréciera y vivre.
Abstract :
Charleroi is an ancient industrial city. The industries have tended to affect the qualities of the place but it is also
the reason why the city developped. Laurent Davezies writes that the productive economy does not really
benefit to the local areas and communities. Indeed, he thinks that if revenues are present, then territorial
development happens. Charleroi, as an industrial territory, would then be in a bad position.
But the suburbian-individual-house based model is today discussed. For many reasons, urban areas will
become more and more attractive for residence. Also Charleroi has many residential qualities.
This study aims at highlighting those qualities and trying to find out how a living and producing city like
Charleroi can do both.