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2017-2018 Compte-rendu du voyage d’études au Liban Panthéon Sorbonne Paris1 Ecole d’histoire de Paris 1 12-19 mars 2018 Master AMMO Master d’Histoire de l’Afrique, du Maghreb et du Moyen- Orient

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2017-2018 Compte-rendu du voyage d’études au Liban

Panthéon Sorbonne Paris1 Ecole d’histoire de Paris 1

12-19 mars 2018

Master AMMO Master d’Histoire de l’Afrique, du Maghreb et du Moyen-

Orient

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Programme du voyage d’études au Liban en mars 2018

Liste des participants au voyage au Liban:

ABDALLAH, Mouna (F) AGLAN, Alya, ép.Wismann (Acc.) ALIOUCHOUCHE, Inès (F) ALVES-MURILLO, Lucas (G)

5 - AMIRI, Yasmine (F) BAHOUCHE, Lisa (F) BARTHE Marianne (F) BOLGERT, Adrien (G)

BRULON, Victoire (F) 10 - COLELLA, Célina (F) COLELLA, Anaïs (F)

GACEB, Inès (F) HASNI, Samir (G) KIMYON, Asya (F) 15 - KOLANI, Sheila (F) KOLANI, Charlène (F)

LAKHRAM, Sabrine (F) LAVAL, Maguelone (F) LE GALL, Jean-Marie (Acc.)

(F) LEHAT, Tatiana - 20RAHMOUNI, Sofiane (G)

RAJA, Taâlabia (F) RAJA, Shaisath (F) REGUIG, Soufiane (G) 25 - RIO, Naomi (F)

SAADA, Dina (F) VERMEREN, Pierre (Acc.)

WOZNICZKA-BROUSSE, Carl (G) 29 - YAZIDI, Imran (G)

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Programme du voyage d’études

Jour 1-lundi 12 mars 2018 : 6H25 Orly - 12H Beyrouth international Transfert à l’hotel : Hamra Urban Gardens Street : Right turn before Kababji, Abdel Baki Street Quartier : Hamra Ville : Beirut Country : Lebanon Tel +961 1 742 390 [email protected] Découverte de Beyrouth, centre historique et front de mer. Quartier Hamra. Corniche. AUB.

Transversée d’Achrafiyeh en bus. Repas à 20 heures à Gammayze, restaurant Loris. Découverte gastronomie libanaise.

Jour 2 -mardi 13 mars : Journée à Beyrouth avec l’historien Elie Ziade -Visite et conférences à l’Institut français du Proche-Orient (IFPO). -Retour à la Corniche et déjeuner. -14-18 heures, visite par Elie Ziade : visite d’une partie du territoire de la guerre à

Beyrouth (marche de la Corniche jusqu’à l’ambassade de France : lieu de l’attentat contre Hariri , visite du centre ville historique reconstruit, Place des Martyres, cathédrale et grande mosquée ; ancienne ligne verte, Beit Beirut…).

-18H : RV devant la résidence de l’ambassadeur de France -18H30-20H30 : rendez-vous à la Résidence des Pins, réception à 18H30 par l’Ambassadeur

de France : conférence et collation. -Dîner en ville au Café vert

Jour 3 -mercredi 14 mars : Journée à l’USJ et centre Beyrouth Prof. Carla Edde -RV à 10h : Visite Musée national de Beyrouth -11h : Visite Mim notre musée de minéraux -vers 12h : Déjeuner dans les jardins de la faculté de médecine offert par l’USJ -vers 14h : Présentation sur le Liban par Carla Edde -vers 14h30-16h : Visite Bibliothèque orientale des Pères jésuites de l’USJ, manuscrits et

publications de la Nahda, Musée de préhistoire et Photothèque USJ. -17H30-20H30 : Conférence à l’hôtel sur le PNUD et son activité au Liban de M. Léon

Chammah avec Diane Coussa. -Dîner en ville. -Projection du Film L’insulte (cinéma du centre ville)

Jour 4 -jeudi 15 mars : Journée à Jounieh (20 km nord Bayrouth) avec Prof Dima De Clerck

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-8H45 : départ de l’hôtel -9H45 : Visite de l’USEK (The Holy Spirit University of Kaslik) à Jounieh (Kasrouan) -10H30, A partir de l’Université, on se rend à Bkerke pour le rendez-vous à 11H avec le

Patriarche maronite du Liban. -Montée à Harissa. -Retour à l’USEK, déjeuner en salle des professeurs offert par l’USEK -Visite de la bibliothèque, lieu de rénovation des manuscrits libanais -Depart à 16h30 pour Beyrouth. -18h et 20h a lieu à Beit Beirut (museum and urban cultural center), panel sur la mémoire de

la guerre, avec notamment des anciens combattants (avec l’historienne Carla Edde). -Dîner en ville libre.

Jour 5 -vendredi 16 mars : Journée Qannoubine Prof Dima De Clerck/Dr. Fadi Baroudy, archéologue (à 2H/2H30 de Beyrouth au nord)

-8 H. départ dans deux petits bus pour le Monastère maronite de Qannoubine, dans la vallée de Qadisha, avec ses églises troglodytes, patrimoine mondial de l’UNESCO.

Prévoir bottes ou chaussures de marche. Six heures de marche dans la montagne. Déjeuner sur place qui se transforme en dîner. -Soirée à Beyrouth.

Jour 6 -samedi 17 mars : Journée dans le Chouf (Mont-Liban) avec Prof Dima De Clerck Départ à 9 heures de Hamra. -Deir el Qamar (cité des émirs), 38km de Beyrouth (800m) -Palais de Beiteddine, palais des émirs druzes, visite des hauts lieux de la mémoire et du

pouvoir des Joumbaltt -Visite de Mir Amine Palace (déjeuner) et qqs villages mixtes détruits et/ou reconstruits du

Chouf. -Pérégrination en bus jusqu’à la cédraie. -retour nocturne à Beyrouth.

Jour 7-dimanche 18 mars : Journée dans le nord Départ à 8H30 -Matinée : Byblos (Jbeil), ville de 7000 ans (visite des souks, musée arménien, église, château

des croisés, port). -Repas sur le port de Byblos, chez Pepe’s -Après-midi : retour à Beyrouth et quartier libre.

Jour 8 -lundi 19 mars : Matinée Hôtel Fin des formalités multiples pour solder nos comptes… 13H Beyrouth International - 16H45 Orly Sud

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Compte-rendu de Voyage réalisé par les étudiants

Lundi 12 mars, jour 1

Mouna ABDALLAH, Ines ALIOUCHOUCHE, LUCAS ALVES-MURILLO, Yasmine AMIRI

A la découverte de Beyrouth…

Nous nous sommes donnés rendez-vous le lundi 12 mars, à 4 heures et 30 minutes du matin à l'aéroport d’Orly-Sud. Le vol est prévu pour 6 heures et 45 minutes. Réunis à l’aéroport, certains groupes s’éparpillent, tous aussi excités de rejoindre le Liban. A tel point, incident tout à fait inattendu, que l’un de nous se casse le pied… mais on s’en rendra compte deux jours plus tard à Beyrouth… Durant le vol, la fatigue prend le dessus, la plupart rattrapent leur nuit trop vite écourtée. Les paysages défilent à travers le hublot, l’Italie, les Balkans, la Turquie. Cinq heures et demi plus tard, apparaît une côte jonchée d’immeubles blancs, s’agrippant aux reliefs : nous arrivons au-dessus Beyrouth.

Vue de la baie.

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Tous pressés de descendre, la police des frontières est comme complice, nourrissant le suspens par une étude lente et scrupuleuse de chaque passeport. Les plus chanceux, ayant pu récupérer leurs bagages rapidement, n’attendent pas et filent dehors, comme si le cœur de Beyrouth se trouvait sur le parking de l’aéroport.

Sortis, ce n’est pas le cœur de Beyrouth que nous trouvons, mais le car qui nous y emmènera. L’attente est l’un des mots-clefs de cette journée, les forces de l’univers se sont unies pour nous punir de notre impatience. La circulation étant très dense au Liban, en particulier à Beyrouth, nous nous éternisons sur un trajet qui ne semble pas vouloir prendre fin.

Fatigués mais les yeux rivés sur les vitres, nous découvrons le quartier où se situe l’hôtel réservé: Hamra. Connu pour sa vie nocturne, ses boutiques et son bourdonnement incessant, Hamra nous a aussi permis de deviner ce qu’est Beyrouth, loin du quartier artificiellement structuré de Downtown.

La distribution des chambres se fait dans le brouhaha, les uns râlant car n’ayant pas encore de chambre, les autres pressés de monter à la leur. Dur moment pour l’une des organisatrices du voyage qui pensait enfin pouvoir se reposer.

Le temps de faire sa toilette, décharger nos bagages, et surtout de prendre nos marques, l’heure du rendez-vous dans le hall de l’hôtel est vite arrivée. Nous allons enfin découvrir Beyrouth… après un repas bien mérité.

Vers 13 heures, M. Abdallah nous rejoint. Le père de Mouna Abdallah, l’organisatrice citée plus haut, accepte d’accompagner quelques élèves convertir leurs Euros en Livres libanaises. D’autres ayant décidé de les convertir par eux-mêmes se sont vite rendu compte de l’écart entre la Livre libanaise et la deuxième monnaie circulant au Liban : le Dollar.

Après le repas, les professeurs nous invitent à une promenade sur la corniche. La balade est longue et nous permet d’apprécier les quartiers, l’Université américaine ainsi que de se poser de sérieuses questions écologiques quant à la baie de Beyrouth. Les bâtiments sont en longueur, encerclés par des palmiers alignés en parallèle de la côte. La masse urbaine est une mosaïque de neuf et d’ancien, d’entretenu et de délabré : un manque de cohérence qui allait ensuite prendre sens pour nous. Le coucher de soleil n’allant pas tarder, M. Vermeren nous invite à prendre un premier goûter dans un restaurant surplombant la Méditerranée. Certains prennent des milkshakes, des glaces, d’autres s’essayent à des mets plus locaux, entre le thé, le café turc et le knefeh.

Le soleil se couche, nous remontons à l’hôtel, du moins nous essayons. Notre professeur, certes admiratif du pays, nous fait emprunter un détour en côte pour rentrer à l'hôtel, nous permettant de voir les habitations huppées du quartier de la corniche. On y voit de beaux bâtiments qui surplombent la Méditerranée, des murs d'enceinte décorés de végétation entre lierre et jasmin. La mer s’éloigne peu à peu et nous nous enfonçons dans Hamra la nocturne.

Une fois rentrés, nous apprenons qu’une autre sortie est prévue. Cette fois dans le restaurant chic de Beyrouth qu’est le Loris. Chacun se prépare, se parfume, change de tenue. Tout

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est bon pour faire honneur à la ville qui nous accueille. Le car, qui nous sera fidèle durant tout le voyage, nous avance. Circulation oblige, nous nous aventurons à pieds dans un quartier inconnu. De loin la fameuse mosquée bleue et le clocher de l’église, arborant une croix lumineuse, se distinguent. Arrivés devant le restaurant, nous sommes tous émerveillés par ce bâtiment style villa coloniale, dont la façade est illuminée par des guirlandes de lumières. Nous y entrons, et nous nous attablons dans une salle extérieure, dont le mur est jonché de plantes. Les titres de Fairouz défilent, du romantique « Kifak inta » au nostalgique « Nassam alayna ».

Le repas satisfait tout le monde. C’est ça aussi le Liban, détenant l’une des meilleures gastronomies au monde. L’entrée est composée de mezze chauds et froids, suivie d’une planche composée de pain traditionnel et de viandes telles que la kefta par exemple. Outre le repas qui en rend plus d’un heureux, certains s’adonnent au narguilé. Très présente au Proche et Moyen-Orient, cette grande pipe à eau, au tabac parfumé fait partie du paysage, matin midi et soir.

Le cadre magnifique ainsi que la musique typiquement libanaise semblent pousser M. Vermeren, accompagné de M. Le Gall, à fumer. L’aisance avec laquelle ils expirent toute cette fumée de leurs poumons nous amuse. Deux Européens fumant du narguilé dans un restaurant chic de Beyrouth, la scène en ferait sourire plus d’un.

Diane Coussa, étudiante en Coopération Internationale Afrique Moyen-Orient (C.I.A.M.O.) et actuellement en stage au Programme des Nations Unies pour le Développement (P.N.U.D.) nous rejoint au cours du repas. Eli Ziade, également ancien étudiant à la Sorbonne et rentré à Beyrouth, est aussi invité. Ces deux personnes s’apprêtaient à nous faire découvrir pour l’une, les enjeux humanitaires au Liban à travers son stage, et pour l’autre, Beyrouth et l’histoire de ses différents quartiers.

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Mardi 13 mars, jour 2

Lisa BAHOUCHE, Marianne BARTHE, Adrien BOLGERT

Un voyage unique.

Les images tracées par des mots n’ont point assez de correction dans le dessin ; leurs tableaux conservent quelque chose de nébuleux, dont la réalité n’est perceptible qu’à travers l’émotion qu’ils suscitent.

Le soleil se lève, éclairant la ville jusqu’aux quais visités la veille. Encore marqué par les 4 heures de vols ainsi que les affres de la dernière soirée, le réveil est difficile.

Le programme débute officiellement autour de 11h du matin avec la visite l’IFPO (Institut français du Proche-Orient) et devait se conclure en apothéose dans la Résidence des pins (résidence de l’Ambassade de France).

Pourtant, le service lent du petit-déjeuner, le manque de coordination militaire du groupe, au grand désespoir de notre directeur, sans oublier les hésitations de notre chauffeur druze, achevaient de nous mettre en retard !

Sous un soleil radieux nous arrivons aux abords de l’ambassade dans le quartier chrétien. L’IFPO est enfermé au sein d’une véritable forteresse protégée par des militaires, dont seule la vue d’un téléphone portable peut troubler le calme et la tranquillité.

Après un contrôle de sécurité, nous nous glissions jusqu’à la petite bibliothèque. Bien que le responsable de l’histoire contemporaine soit reparti dans le froid parisien, nous avons eu la chance d’être reçus par ses deux autres collègues. Plein d’enthousiasme, nous avons pu découvrir l’histoire des IFRE (Institut Français de Recherche à l’Etranger), la recherche dans la région et les différentes offres de renforcement en arabe. Cette rencontre riche en question était l’occasion de découvrir les possibilités de détachement au Moyen-Orient

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Intervenants à l’IFPO

De ce cadre idyllique, nous quittons les jolis patios, la tortue et un chat sauvage borgne pour un déjeuner à l’hôtel. Fidèle à notre rythme de marathonien, nous repartons dans l’après-midi pour une parcours en zone urbaine. Notre guide n’était autre qu’Elie Ziade, un ancien de La Sorbonne pour lequel l’histoire de la ville n’a presque aucun secret. Partant du cœur du quartier d’affaire à deux pas du lieu de l’assassinat de Rafik el Hariri, nous entamons un itinéraire jusqu’à la Résidence des pins en passant par le nouveau souk (qui en réalité n’en n’est pas un !), la grande mosquée d’Al Amine et la ligne verte, en longeant en fait la route de Damas.

Bâtiment criblé de balles, près de l’Ambassade.

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À Beyrouth, les multiples affrontements datant de la guerre civile, ont laissé à la ville davantage de blessure dans les cœurs que sur les bâtiments. C’est à peine s’il faut se battre pour conserver quelque bâtiment comme beit Beirut, afin d’attester d’un passé très douloureux. Entre le quartier d’affaires, au luxe ostentatoire, et les immeubles criblés de balles jaillissant de terre, on peine à voir, l’envers du décor.

L’absence de lieu de rencontre entre chrétiens et musulmans, et l’anarchie apparente ambiante, ne découragent pas notre guide de plaisanter sur les contradictions du pays.

Le dynamisme libanais se perçoit notamment dans la circulation. Les pratiques de conduites sont dignes des plus grands cascadeurs et les klaxons une forme d’opéra urbain.

Notre rendez-vous de 18h approchant, après une marche de deux heures à travers la ville, une dernière étape nous attend. La traversée d’une double voie à une heure de pointe devant la résidence des pins relevait de la témérité. Faisant courageusement barrage de son corps et sous les encouragements des enseignants, notre guide animait le troupeau qui s’élançait en priant pour que les conducteurs libanais aient la gentillesse de s’arrêter. Ce spectacle étonnant et burlesque constitue notre premier baptême du feu du séjour. Il ne manquait plus que de traverser la sécurité de la résidence pour rencontrer son Excellence.

Bruno Foucher, Ambassadeur de France au Liban.

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Homme d’une cinquantaine d’année, et sosie d’un ancien chef d’état français que je ne nommerai pas, Bruno Foucher est ambassadeur de France au Liban depuis moins d’un an. Son intervention reprenait une partie des questions transmises la veille au soir ainsi que son parcours académique. La beauté et la solennité du lieu ainsi que le discours très direct de l’ambassadeur achevait de convaincre une bonne partie d’entre nous de l’intérêt de la visite. L’échange qui dura plus d’une heure se terminait par un petit cocktail ainsi que par un joli cliché sur les marches de l’escalier central. La Résidence des pins est un vieil immeuble ottoman du XIXe siècle que les Français ont acheté pour servir de siège officiel de la République française au Liban ; c’est sur ses escaliers qu’a été proclamée la naissance du Liban le 1er septembre 1920.

La journée se terminait donc par la conviction acquise de l’ensemble des participants que la Résidence des pins constituerait le logement idéal pour notre prochain retour au Liban.

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Mercredi 15 mars, Jour 3

Ines GACEB, Victoire BRULON et Célina et Anaïs COLLELA

Notre troisième journée à Beyrouth a débuté par la prise du petit-déjeuner habituel à l’hôtel, et sur le pouce dans le car pour les retardataires. Bien que très friands de gastronomie libanaise la majorité d’entre nous, peu habitués au petit-déjeuner salé, a compris qu’il était possible de demander un manousheh au Nutella, révolution !

Le car nous a ensuite directement conduits au Musée national de Beyrouth situé dans le quartier de l’université Saint-Joseph, et plus particulièrement sur la rue de Damas, qui a fait office de ligne de démarcation entre les quartiers Est et Ouest de Beyrouth durant la guerre civile (1975-1990).

Hall du Musée National de Beyrouth.

Heureusement, bien que le musée ait souffert, il n’a pas subi de vols ou de destructions importantes grâce au dévouement du directeur du musée et de nombreux employés.

Le musée expose chronologiquement des objets allant de l’âge de Bronze à la période Ottomane. Après cette brève introduction, la visite a débuté par la découverte de l’une des merveilles du musée : des momies naturelles datant des conflits entre croisés et mamelouks du XIIIème siècle ap-JC, découvertes par l’archéologue Dr. Fady Baroudy, extrêmement bien conservées grâce aux conditions climatiques.

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Autres pièces marquantes, les sarcophages anthropoïdes découverts par Ernest Renan au XIXe siècle à l’occasion de l’expédition française en Syrie et au Liban (1860). Ces sarcophages datant du IVème av-JC sont faits de marbre et se distinguent des sarcophages traditionnels par le travail apporté par les artisans au dessin de visages, de pieds et même parfois de détails floraux dans le cas où le sarcophage était destiné à une femme.

Par ailleurs, nous avons pu admirer le sarcophage d’Ahiram, roi de Byblos au Xe av-JC, pièce maîtresse du musée découverte en 1923. Cette pièce illustre parfaitement tout ce que nous avons pu apprendre au cours de notre visite. En effet, les gravures dessinent une fleur de lotus fanée symbole de mort, ainsi qu’une procession de nombreuses personnes apportant des offrandes au défunt illustrant ainsi l’importance sociale de ce dernier. Face à lui, son fils avec une fleur de lotus fraîche symbolise la succession.

Bas-relief du sarcophage.

Enfin, grâce à la directrice du musée, Anne-Marie Maïla Afeiche, qui nous a si aimablement guidés, nous n’avons pas manqué de nous intéresser plus particulièrement à l’alphabet phénicien, plus ancien alphabet connu au monde, datant d’il y a 3000 ans. Cet alphabet se distingue par l’absence de voyelle et se caractérise comme l’ancêtre de nombreux alphabets notamment le tifinagh, alphabet berbère conservé en Afrique du nord jusqu’à nos jours, mais aussi des alphabets grec, sémitiques et latins.

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Inscription en phénicien sur le côté du sarcophage.

Nous avons ensuite pris la route de l’Université Saint-Joseph en compagnie du Professeur Carla Edde, vice-recteur aux relations internationales de l’USJ, afin de visiter le musée des Minéraux qui se trouve dans l’université. Il s’agit d’une collection personnelle de minéraux de toutes sortes et de toutes provenances, et qui est constituée de 2025 pièces. La collection rassemble toutes les variétés minérales, de plus, rien n’a été taillé ni touché. Le musée garde également des fossiles de poissons qui ont été retrouvés sur des montagnes du Liban.

Il faut noter que même si aucun de nous n’est spécialiste, la beauté des pièces ainsi que la modernité du musée qui permet une visite entre calme et interactivité avec les visiteurs en a charmé plus d’un.

À la suite de la visite au musée des minéraux, nous avons été invités à manger à l’Université Saint-Joseph, plus précisément dans les jardins du campus de médecine, où nous avons pu profiter de la belle journée ensoleillée.

Puis, après une petite marche vers la bibliothèque des Jésuites de Beyrouth, qui est l’ancien siège de l’Université, nous avons assisté à une conférence présentée par Madame Carla Edde sur le thème : « Histoire du Liban : les dates charnières : réflexion sur l’émergence du Liban contemporain et de son/ses identités ».

Elle nous a exposé successivement deux grandes parties :

« Le Liban avant le Liban » c’est-à-dire l’ensemble de la période précédant 1920 et la création du Liban contemporain, comme nous l’entendons aujourd’hui. Les influences grecques, romaines et

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musulmanes ainsi que les nombreux groupes religieux qui le composent (chrétiens et musulmans) font de la région une entité spécifique.

« Le Liban contemporain, XIX-XXe siècle », c’est-à-dire avec la création, au Mont Liban d’une identité propre protégée par les puissances internationales, qui vont aider à la création d’un territoire en 1861, dont le confessionnalisme et la culture communautaire sont la base du système politique et social. Ainsi la République du Liban n’est pas un Etat laïc, sans pour autant avoir de religion officielle. Le pays obtient son indépendance en 1946 avant de déclarer la guerre à Israël en 1948, ce qui fait de lui un acteur important sur la scène internationale.

Enfin, nous avons trouvé intéressant de reprendre une phrase citée lors de cette conférence qui résume en elle-même le pays : « Le Liban est une patrie au visage arabe qui puise dans la culture occidentale ce qui lui est bon et utile ».

Entrée de la Bibliothèque Jésuite de Beyrouth.

Après la conférence de Madame Carla Edde, nous avons pu avoir accès à la photothèque de l’USJ ainsi qu’à son impressionnante bibliothèque orientale, qui contient tous les libres qui ont donné naissance/ et qui ont constitué la Nahda au XIXe siècle. À l’entrée de la bibliothèque, il y avait une impressionnante carte du Moyen Orient dessiné à même le mur par un Prêtre. Nous avons été chaleureusement accueillis par la responsable de la bibliothèque qui nous a proposé une sélection de livres à emporter avec nous.

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Nous avons dû ensuite nous dépêcher pour retrouver le car, alors qu’il est arrivé en retard… Une fois de retour à l’hôtel, nous nous sommes reposés dans nos chambres avant la conférence du PNUD.

En effet, Diane Coussa, étudiante du Master CIAMO, est venue accompagnée de son responsable de stage, M. Léon Chammah, pour nous faire un bilan sur la situation des réfugiés syriens au Liban et le rôle que joue le PNUD dans leur accompagnement. Nous avons ainsi pu mieux appréhender les problèmes et les crises traversant le Liban et la mission qu’y mène le PNUD.

Malgré un problème de climatisation, nous avons eu l’occasion de poser toutes les questions que nous souhaitions, et il en ressort que la majorité des questions étaient tournées sur la problématique syrienne et la communauté libanaise. Le Liban héberge en effet sur son sol 1,5 million de réfugiés syriens, soit l’équivalent du tiers de sa population, en grande majorité sunnites et pauvres, qui n’ont guère le droit de travailler, et qui constituent un sérieux problème politique. Toute la campagne électorale pour les législatives de mai 2018 tourne autour de cette question ; c’est pourquoi le PNUD consacre actuellement toute son activité au Liban à cette question, pour laquelle il bénéficie de 3 milliards de dollars annuels d’aide internationale. Le problème est évidemment complexe dans un pays dont la croissance n’est pas énorme, et qui est doublement hanté par le souvenir de la guerre civile commencée en 1975, et la menace que fait planer le conflit syrien voisin.

Après la conférence, nous avons rapidement dîné avant de nous rendre au cinéma afin de visionner le film « L’Insulte » (malgré notre précipitation, nous avons tout de même raté la séance du début de soirée à cause d’un trafic débordant), qui est le dernier film de Ziad Doueiri, également connu en France pour être le réalisateur de l’excellente série politique « Baron Noir ».

Acclamé par le public et la critique internationale, ce drame se déroule de nos jours à Beyrouth, et oppose très rapidement un libanais chrétien, Tony, à un réfugié palestinien, Yasser. La magie du film réside dans le fait qu’il parvient en deux heures de temps à présenter au spectateur éclairé un portrait saisissant du Liban de 2018. Un Liban en apparence moderne, éclectique, en paix, mais qui reste profondément marqué par la guerre et les drames familiaux qu’elle a pu provoquer, si bien que la guerre semble avoir perduré tacitement entre les communautés.

Enfin, ce film semble aussi consister en une invitation à destination des Libanais à ne pas reproduire avec les réfugiés syriens les erreurs commises avec les palestiniens en s’inscrivant dans des engrenages haineux.

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Jeudi 15 mars, Jour 4

Les soeurs KOLANI, Asya KYMION et Samir HASNI

Jounieh

Rendez-vous au bus à 8h45, le réveil se fait de plus en plus dur. Le trajet d’1h30 jusqu’à la réception par le Patriarche maronite se résume en une présentation historique offerte par l’historienne Dima de Clerk. Nous nous apprêtons à rencontrer le patriarche d’Antioche, c’est pourquoi nous avons préparé quelques questions jusque dans le bus. La rencontre se fait d’une manière très solennelle : nous sommes individuellement pris en photo en rentrant dans la pièce au moment où le patriarche nous serre la main, les professeurs prennent la parole chacun leur tour pour le remercier de nous avoir accordé de son temps, on nous distribue des chocolats.

Béchara Boutros Raï, Patriarche des Maronites.

Le patriarche des Maronites Béchara Boutros Raï nous explique que le Liban et la France ont une relation très particulière depuis le temps du roi Louis IX. Par exemple, le lundi de Pâques, une messe est organisée en l’honneur de la France, avec la présence de l’ambassadeur français, afin

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de marquer la relation entre les deux pays. Le patriarche loue les bienfaits de la religion maronite, religion catholique présente en Orient, en référence à Saint Marron. Il nous précise que le Liban est différent de tous les pays par son communautarisme : les populations de toutes confessions religieuses vivent ensemble ; la religion est séparée de l’Etat mais l’Etat n’est pas séparable de Dieu. Le pacte national garantirait à la fois le vivre ensemble mais aussi la présidence pour les chrétiens et le gouvernement pour les sunnites. La conséquence est qu’au Liban, tout citoyen doit appartenir à une religion.

Cette courte intervention du Patriarche, interrompue par son secrétaire général pris par le temps, nous a appris des choses sur les Maronites.

Les étudiants et professeurs en présence du Patriarche.

Suite à cette visite, nous nous rendons à Harissa, mirador et point de vue magnifique sur Beyrouth, lieu de pèlerinage et touristique pour tous, y compris des Saoudiens présents su place. Le sanctuaire de Notre Dame du Liban, édifice religieux catholique de l’Eglise maronite et lieu de pèlerinage, est dédié à la Vierge Marie, dont la statue a été construite en hauteur, comme patronne et protectrice du Liban. Devant cette si belle vue, une Libanaise demande à certaines étudiantes si elle peut les filmer pour son blog. Après avoir profité de cette vue sous le soleil, nous rejoignons le bus qui nous ramène à l’Université de Kaslik, au bord de la mer dans la ville de Jounieh.

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Vue de la baie depuis la statue de la Vierge Marie.

Edifice religieux qui surplombe la baie. Visible depuis la statue de la Vierge Marie.

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Nous déjeunons au restaurant universitaire de l’Université Saint-Esprit de Kaslik (USEK). Lerepas qui nous est offert par l’Université est copieux et digne d’un grand restaurant. Apres avoir repris des forces, nous avons visité la bibliothèque moderne de l’Université. Sur le mur d’entrée étaient inscrit les noms et les signatures des membres qui ont contribué au financement d’une quelconque manière, et donc qui ont participé au renouveau de la bibliothèque. À l’intérieur, deux pièces ont particulièrement attiré notre attention : celle de reproduction digitale des archives et celle de restauration des ouvrages. La reproduction des archives doit se faire de manière spécifique à base d’une copie brute. Chaque prise de photo peut atteindre 30 millions de pixels ! On peut effectuer différents types de photographies, par exemple celles de journaux prises sous le mandat français. Le plus difficile est la conversion des anciens films de cinéma. Ils sont convertis par le biais du numérique. Cette technique ne sert pas seulement à conserver le patrimoine écrit du Liban, mais elle est aussi utile pour voir comment les gens vivaient à cette époque. Qui aurait cru trouver une salle de reproduction d’archives dans une bibliothèque universitaire ? C’est en réalité un service public dans lequel se spécialise cette université privée maronite.

Les étudiants et professeurs en présence du professeur Nehme Azoury, directeur de la recherche à l’Université de Kaslik.

Enfin, un documentaire nous est diffusé. Il traite de la fondation de l’université en 1950 ainsi que de l’importance accordée à l’écologie. En effet, l’université de Kaslik est la seconde université verte du Moyen-Orient. Cette université privée concentre des archives a vocation à

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conserver le patrimonial culturel, religieux, social et la mémoire nationale. Les archives sont conservées, entretenues, nettoyées, stérilisées et numérotées dans une base de donnés pour les chercheurs et les étudiants. Autour d’une table était disposées des archives comme des correspondances entre ceux qui étaient à l’origine de la fondation de l’université, des photos du général Henri Gouraud proclamant le Grand Liban le 1er septembre 1920. En résumé, nous pouvons dire que l’USEK est digne d’une prestigieuse université américaine. Quiconque voit ce lieu s’imagine forcément y étudier. Ajoutons qu’une de ses nombreuses cours offre un paysage époustouflant sur la magnifique baie ensoleillée de Jounieh.

Après une journée bien remplie, nous retournons à Beyrouth pour visiter une exposition organisée à l’initiative de l’Ambassade de Suisse pour le mois de la Francophonie. Dénommée « Beyrouth – Rêves Urbains », cette exposition a connu un vif succès grâce notamment aux photographies prises par l’artiste suisse Jacqueline Meir, qui a été témoin de la reconstruction du centre-ville de Beyrouth de 1991 à 2012. Les photographies ont été mises en scène par Dimitri Haddad, qui a voulu montrer que la reconstruction du cœur de Beyrouth est passée par trois périodes distinctes, et de ce fait l’agencement des photographies dévoile cet « avant-après » subi par le centre-ville, cette transformation qui tient de la métamorphose, et aborde dès lors le sujet du traitement du passé et ses conséquences sur la mémoire collective. Cette exposition s’est déroulée dans le cadre hautement symbolique de « Beit Beirut », et a permis de soulever des questions cruciales autour de la mémoire de la guerre lors d’une conférence-débat.

« Beit Beirut »

Photo de Beit Beirut tirée de l’exposition.

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Edifié en 1924 par l’architecte libanais Youssef Afandi Aftimos, l’immeuble dit la « Maison Jaune » ou « Immeuble Barakat » marque de son style néo-ottoman l’angle des rues de Damas et de l’Indépendance. Située sur l’ancienne ligne de démarcation, la « Maison Jaune » était un poste de contrôle avancé avec une position idéale pour tirer sur tous ceux qui passaient dans cette zone. Située à la limite de la ligne verte, sur la route de Damas, la « Maison Jaune » devint un repaire de francs-tireurs pendant la guerre civile. Outre sa situation stratégique, l’architecture aérienne de la « Maison Jaune », faite de transparences et de multiples angles de tirs, a été utilisée à des fins guerrières pour contrôler ce lieu, connu sous le nom de « carrefour Sodeco ». Cet immeuble est donc aujourd’hui un lieu singulier par la superposition d’une architecture domestique et d’une « architecture de guerre », élaborée par les francs-tireurs qui ont occupé le bâtiment durant la guerre civile.

Depuis la fin de la guerre, la « Maison Jaune », meurtrie par le conflit, continue de se dégrader à cause de l’usure du temps et d’actes de malveillance. Menacée de démolition à la fin des années 1990, la « Maison Jaune » a finalement été sauvée grâce à la mobilisation de la société civile et à l’engagement de la Ville de Beyrouth, à travers une procédure d’expropriation au nom de l’intérêt public, prononcée en 2003. Le projet de réhabilitation a démarré en 2008 dans le cadre d’un partenariat entre la Ville de Beyrouth et la Ville de Paris. Elle abrite désormais un musée, un lieu de rencontre culturel et artistique, un lieu de conservation des recherches et études portant sur la ville de Beyrouth à travers l’histoire et un Bureau d’urbanisme de la Ville de Beyrouth…

Un petit groupe d’étudiants a rencontré Mona, celle qui s’occupe de l’entretien du musée à temps plein. Cette femme a lutté pour que cette maison devienne un symbole, cela fait 23 ans que le lieu en tant que tel existe. Elle voudrait développer des photos à chaque fois pour que les visiteurs fassent vivre ce lieu, et racontent de nouvelles histoires à son sujet. Il y a deux mois une femme a reconnu son père sur une des photos retrouvées par Mona. Elle a pu le contacter, il vit aujourd’hui au Koweït.

Elle a également retrouvé plusieurs portraits photos de personnes noires vivant au Liban dans les années 1960-70 qu’elle a disposé de manière évidente, afin de lutter contre le racisme au Liban qui vise certaines communautés, comme les Philippins par exemple. Mona a ensuite amené les étudiants dans une pièce spéciale. Elle leur a montré d’où les snipers tiraient. Elle leur a aussi raconté son enfance (elle est sunnite) dans laquelle sa mère lui disait que tant qu’elle entendait les balles, elle ne serait pas totalement morte. Dima de Clerk (maronite) nous a aussi raconté son enfance, comment elle a passé son bac pendant la guerre, la perte des membres de sa famille, ses déménagements constants, la solidarité entre les voisins.

Il est bientôt vingt heures nous nous installons pour écouter la conférence-débat qui fait suite à la visite de l’exposition.

Effectivement, dans le cadre hautement symbolique dans lequel nous nous trouvons, les différents intervenants ont abordé des questions cruciales relatives à la mémoire des Libanais par

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rapport à la guerre civile, lors d’un panel de discussions intitulé « Mémoires de la guerre : Représentations du passé et du présent. » La présence d’Ambassadeurs, de candidats aux élections, de professeurs d’universités et de leurs élèves, de plusieurs activistes enfin, a démontré à quel point les thèmes soulevés par les photographies exposées durant l’exposition sont importants aux yeux du public libanais et des intervenants étrangers.

(de gauche à droite : Carla Eddé, Lokman Slim, Carmen Hassoun Abou Jaoudé (modératrice) et Assaad Chaftari)

Carla Eddé débute le débat en donnant un titre à la conférence-débat. Si elle voulait être provocatrice, elle aurait nommé celle-ci : « Amnistie : OUI / Amnésie : NON » Au Liban, on répète souvent qu’on a imposé l’amnésie et avec elle l’amnistie, elle va battre cette idée en brèche. Elle axe son propos sur deux idées essentielles :

-La demande sociale de savoir, celle des jeunes en particulier.

-Les initiatives évoquées qui sont nombreuses et qui empêchent, dans un sens, l’amnésie.

Carla Eddé précise, avant de débuter son propos, qu’elle adopte en cette soirée une position neutre en sa qualité de professeur d’université et d’historienne, et qu’elle aborde les problèmes que rencontrent le Liban avec une perspective académique. Ceci dit, elle ajoute qu’elle peut être une militante active dans sa vie de citoyenne.

Elle prend en exemple la modératrice du débat, Carmen Abou Jaoudé, qui a fait partie d’un projet ayant eu le soutien de l’Union Européenne, dans lequel un sondage a été lancé auprès

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des jeunes Libanais par la question : « voulez vous savoir ce qu’il s’est passé pendant la guerre civile au Liban ? » Ils ont massivement répondu oui à cette question, alors que les générations plus âgées, celles qui ont vécu la guerre, refusaient d’en parler et préféraient oublier ce passé meurtri. A la demande pressante et non sans quelques hésitations, l’Université Saint Joseph (USJ) a introduit un cours assez lourd sur les guerres du Liban que Carla Eddé assure depuis 2005. Les jeunes refusent l’histoire, car ils en ont une perception passéiste et nostalgique, alors que l’Histoire ce n’est pas ça. Ils se demandent aussi qui il faut croire, quelle est la bonne histoire ? Et en effet, dans l’historiographie officielle, aucune phrase ne concerne les Arméniens. Elle reste très lacunaire sur beaucoup d’éléments (groupes, régions), selon Carla Eddé, il y a encore beaucoup à faire sur l’histoire libanaise en général.

D’ailleurs, une question par laquelle elle débute toujours ses cours, et ce depuis 2005, « Est-ce que la guerre est finie ? » De 2005 à 2018, les élèves qui suivent son cours ont massivement répondu non à cette question, ou je ne sais pas. Les jeunes veulent surtout savoir pourquoi il y a eu cette guerre ? Avec l’idée sous-jacente « du plus jamais ça. » Cette soif de savoir est bel est bien réelle, et elle est surtout spécifique à la guerre. On ne peut séparer le passé du présent, au Liban, il y a un amalgame d’éléments qui font qu’on se dit que l’on est ligoté par le passé, en particulier celui de la guerre civile. Un autre aspect significatif, « est-ce qu’il faut poursuivre les coupables ? » Ils ne veulent pas poursuivre les coupables, ce serait trop compliqué, par contre les étudiants demandent qu’on leur raconte ce qui s’est passé pour ne pas oublier.

La situation dans laquelle se trouve le Liban, ce n’est pas l’idée qu’ils se font de la paix. On est dans un espèce d’entre deux, ni guerre ni paix. L’insécurité est d’ailleurs multiforme en témoigne l’agression israélienne de 2006, les problèmes internes (crises et disparitions).

L’idée que le présent est fortement allié à ce passé est très importante, l’idée d’amnésie ne marche pas auprès des jeunes. Cette soif est peut être une bonne chose, Carla Edde les y encourage, elle soutient toutes ces initiatives. Beit Beirut montre que ces initiatives, pour rappeler ce passé sont nombreuses. Elle rappelle qu’elle n’est absolument pas contre l’idée de garder à l’esprit ce passé. L’Etat libanais a ceci de particulier, qui fait son point fort et son point faible : il n’empêche pas les initiatives. A ce niveau Carla Edde est satisfaite qu’il n’y ait pas une version de la guerre civile imposée par les pouvoirs, si on a en tête ce qu’il s’est passé pendant la guerre civile algérienne. L’Etat n’a pas empêché les initiatives réductrices, mais il ne les a pas accompagnées non plus.

Il y a différents acteurs, les ONG, les artistes, les romanciers qui reviennent toujours à la guerre, il y a un renouveau du cinéma libanais (L’insulte). Tout ces domaines ont intégré la guerre civile et cela sans dire que c’est même un point central. Pour les partis politiques, on parle d’une mémoire sélective, les ONG aussi d’une certaine façon ont la mémoire sélective avec le mécanisme fonctionnel du plaidoyer. Les partis politiques commémorent la guerre à leur façon. Cependant il existe des chercheurs individuels qui maintiennent en vie ce passé, la disparité de Beyrouth nous le rappelle à chaque instant, les chancelleries étrangères et les ambassadeurs y contribuent (NDLR les ambassadeurs de Suisse et de France sont dans la salle). Il devient difficile de faire une version qui n’intègre pas toutes les strates mémorielles, cela ne marchera pas

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selon elle. On peut dire que les mémoires sont plurielles, parfois et souvent conflictuelles, mais la recherche académique peut réparer cela, avec la création d’une version « intégratrice » compliquée certes, mais qui serait un objectif à atteindre. Celle-ci est en préparation, mais en même temps il sera difficile de la synthétiser de manière très courte. A son sens, l’Etat l’acceptera si toute la société l’accepte. On est clairement dans une société plus forte que son Etat. Les mémoires sont toujours présentes, elles restent indissociables du présent et il faudra en tenir compte pour écrire l’histoire de la guerre civile libanaise.

A la fin de l’intervention de Carla Eddé, Carmen Abou Jaoudé ajoute qu’on parle d’amnésie au Liban car on enseigne pas l’histoire de la guerre civile à l’école, à part quelques exceptions. Quelque part l’Etat a un rôle à jouer. C’est vrai qu’il y a des chercheurs, des artistes qui s’y attellent, mais il y a des obligations idéologiques au niveau de l’État qui font que jusque-là, rien n’a été fait par eux pour faire évoluer la situation.

Assaad Chaftari salue toute initiative en direction du passé, de l’avenir et de l’être humain placé entre les deux. Selon ce dernier, les photographies de J. Meir ne montrent pas l’être libanais, à son avis car la culture libanaise a toujours appris à cacher la honte, comme une mauvaise ménagère qui cache les saletés sous le tapis. Assaad Chaftari parle au nom des Libanais, il leur reproche d’avoir démoli leurs tours historiques pour les remplacer par des tours modernes. Aujourd’hui, la place des canaux n’existe presque plus, c’est à peine si on arrive à reconnaître les lieux.

Est ce qu’il faut s’arrêter là ? Si on avait compté uniquement sur le gouvernement, tout serait resté immobile, heureusement la société civile est active au Liban, elle est en outre aidée par plusieurs pays et associations internationales. Au niveau étatique, le Liban a besoin d’une aide financière qu’il n’arrive pas à avoir, faute d’influence. Le Liban a une non-vision : comment sortir de l’état de guerre pour entrer dans un état de paix ? Il y a plusieurs mouvements et plusieurs rassemblements, dont celui auquel Assaad Chaftari participe, « Combattants pour la Paix », qui poussent le gouvernement a participer et à contribuer.

Fondé en 2012, après les évènements de Tripoli entre sunnites et alaouites, le groupe « Combattants pour la Paix » a eu des échos positifs à travers la presse et la société civile. Ils ont ressenti un besoin de se faire entendre, de parler de la guerre.

Ce groupe regroupe cinquante ex-combattants ou miliciens venant de tous bords, toute dénomination et toute région libanaise pour France ensemble. Ils travaillent sur l’être d’abord. La première décision a été de vivre la force de leur modèle et de prouver que ce n’est pas chose impossible de pouvoir changer, peu importe d’où l’on vient et son passé pendant la guerre. Prouver qu’un groupe de Libanais venant de tout bord, qui ne s’entendant pas sur la politique, peuvent travailler ensemble. Ils ont pris la décision d’accepter leurs différences et d’accepter leurs différents. Ils ont fait face aux silences, aux tabous et aux non-dits, ils ont parlé de la guerre ainsi que des dégâts humains, sociaux, économiques. Ils veulent éviter à tout prix une nouvelle

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guerre civile, alors qu’en même temps les parents des générations contemporaines ne parlent pas de la guerre ou quand ils en parlent, ils le font dans la haine.

En outre, tous les membres de ce groupe sont considérés comme des traîtres, car ils parlent. Pourtant ils parlent seulement d’eux-mêmes, mais les gens extrapolent. Selon Assaad Chaftari, pour l’humanité et l’avenir, cela en vaut bien la peine. Ils vont rencontrer les jeunes dans les écoles, les universités, ils regroupent également des ex-combattants et ils les accompagnent dans la voie du changement pour qu’ils deviennent des éléments positifs dans la société libanaise, cependant les politiciens restent une source de problèmes.

Ils réalisent des documentaires, des pièces de théâtres, des projections de témoignages afin de former de jeunes acteurs, activistes ou cinéastes dans des camps d’entraînement où des ex-combattants et des jeunes Libanais se côtoient et partagent leurs expériences. 15.000 personnes sont passées par ces camps jusqu’à aujourd’hui, majoritairement des jeunes. Est ce qu’ils ont été utiles ? Ils ne le sauront jamais, mais pour eux sauver une seule âme de la guerre civile est suffisant.

Leurs devises sont : « Notre passé parlons-en », « le changement est possible puisque nous avons pu changer » ; « La violence n’est pas la solution ». Quand ils demandent aux jeunes combien de tués ? Ils répondent soit 2000 ou soit 2 millions, l’écart prouve que les jeunes ne savent pas encore ce qui s’est passé. Assaad Chaftari lit pour finir son intervention quelques témoignages, dont celui d’un jeune dont l’oncle a été tué et kidnappé pendant la guerre civile ; à la maison, aucun membre de sa famille n’en parle, il ne peut accepter ce déni et vivre dans le mensonge. Un ex-combattant ne trouvait pas une seule nuit de sommeil depuis la guerre civile, après avoir écouté les « combattants de la paix », il leur a écrit une lettre en disant qu’il savait ce qu’il devait faire maintenant.

Lokman Slim, ancien colonel de l’armée, politologue chiite hostile au Hezbollah, dont les positions pourraient être considérées comme pro-israéliennes, n’a pas apprécié le diagnostic fait par Carla Eddé au sujet du rôle de l’Etat. Slim Lokman pense qu’elle a passé outre les quinze années d’occupation et de tutelle syrienne (ndlr jusqu’en 2005), où la seule évocation de la guerre était assimilée à un attentat à la sureté de l’Etat ou à un attentat visant la paix civile. Slim Lokman entame ensuite une réflexion critique sur le lieu qui nous abrite, « Beit Beirut ». Quiconque aurait la fantaisie de chercher plus d’informations concernant ce lieu sur n’importe quel moteur de recherche ne manquera pas de noter que ce lieu est décrit comme un hypothétique musée de la guerre libanaise.

Il lui semble que le malentendu qui plane autour de l’identité de ce lieu, de sa fonction, de sa description d’emploi, et de sa mission en quelque sorte, est aux franges du débat qui porte sur la guerre civile et sur les diverses tentatives pour gérer ses legs. D’autres sont mieux placés que lui-même pour savoir pourquoi ce lieu fut baptisée du nom de Beit Beirut et non de musée de la guerre, ou d’un quelconque nom qui fasse référence de la guerre.

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Il soupçonne que le nom donné à ce lieu, « Beit » est le fruit d’une traduction hâtive et littérale du mot maison en arabe, les baptiseurs-traducteurs n’ayant pas pris en considération la traduction littérale du mot « Beit », cela ne rend pas la chose moins intéressante. L’une des traductions les plus répandus du mot « Beit » dans la langue arabe est celle d’un enclos où les secrets sont soigneusement gardés. La sagesse populaire de l’arabe dialectal ne dit-elle pas : « A chaque maison ses secrets », sachant que secret dans ce contexte s’entend par scandale. Protéger le secret ne fait-il pas partie en arabe comme dans d’autres langues des qualités de noblesse éthique ? La culture arabe et la poésie regorgent de vers sachant apprécier cette qualité : « Quand on me confie un secret, on peut être sûr qu’il est entreposé dans un beit doté d’une porte solide. Non seulement les clés de cette porte ont été égarées, mais cette porte elle-même est condamnée. » Quoi de plus pour garder un secret ?

Ce que Slim Lokman retient du choix d’appeler ce lieu « Beit Beirut » plutôt qu’une autre appellation : c’est la permanence de vouloir nier ce pourquoi la préservation de cette bâtisse a eu lieu, ainsi que la philosophie qui a guidé à sa restauration : la guerre, la guerre et de surcroît civile. Il espère cependant que l’opiniâtreté des uns et des autres finira par avoir raison, et que Beit Beirut ne deviendra pas une maison de secrets et parviendra à surmonter le handicap de son nom. Cette exposition en est peut être l’un des signes de la dite opiniâtreté : Slim Lokman veut bien le croire. Les photographies de Jacqueline Meir contribuent à nous encourager ; à nous pencher sur le malentendu, sous le signe duquel nous vivons depuis la « pacification » de ce pays. Ce malentendu n’est pas chose ardue à exposer : pour simplifier, que faire de toutes ces guerres qui ont ravagé ce pays et qui continuent périodiquement de nous rappeler que les causes sont bien ancrées parmi nous et dans le quotidien. Que faire d’autre que de s’offusquer ?

A notre grand dam, peut-être que la guerre a fini trop tôt. La fin de la guerre civile a coïncidé avec la fin de la guerre froide et avec le début d’un cycle de conflits régionaux qui n’en finit pas. D’ailleurs il ne faut pas oublier que beaucoup des outils qui semblent aujourd’hui classiques pour la gérance des situations conflictuelles et que nous englobons dans le concept bateau de justice transitionnelle était encore en gestation. Pour beaucoup de ces raisons, et pour d’autres le pays s’est retrouvé partiellement en guerre au début des années 90, le Sud était toujours occupé, et la « Pax Syriana » lui ayant enlevé dans une très large mesure sa souveraineté. C’est dans ces conditions aussi complexes que burlesques que les Libanais ont commencé à jouer à la paix, et dans le sillage, ils ont commencé à jouer à la reconstruction. Le tableau des résultats n’est pas difficile à évaluer ; le centre-ville de Beirut est une illustration patente de ce grand fiasco.

Si ce n’était pas le cas, beaucoup de Libanais n’auraient pas l’impression que cet espace a perdu sa centralité que son caractère citadin et qu’il est devenu une sorte de reliquat au goût incertain qui relève d’un temps déjà révolu, et qui appartient à un pays qui n’a pas eu la chance de se réaliser.

N’étant pas une exception à la règle, le Liban a connu dans tous les domaines toutes sortes de prophètes et de prétendus faiseurs de miracles : prophètes de la paix, prophètes de la reconstruction, prophètes de la libération… Probablement le Liban continuera d’en produire et de

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temps à autre d’en payer le prix fort. Que faire entre temps et dans l’espoir que ce nouvel ordre ne tarde pas à advenir ? Oumam documentations essaie autant que faire se peut de dévoiler les secrets de cette histoire libanaise, et Slim Lokman nous invite à consulter ces recherches via les différentes plateformes électroniques disponibles. Il remercia l’Ambassade Suisse du soutien moral et financier apporté à cet effort qui ne pourrait être réduit à un dévoilement des secrets de polichinelle. Il espère que ce petit exposé a permis de faire comprendre sa profonde réticence à appeler ce lieu « Beit Beirut ».

Pour conclure, cette conférence-débat nous a été très utile pour mieux comprendre cet Orient compliqué dont parlait le Général de Gaulle. Après une réception de l’ambassadeur de France au Liban à la Résidence des Pins, où le discours était calibré et les questions envoyées avant cette visite triées et vérifiées par l’administration, cette conférence-débat a eu le mérite de nous donner un aperçu sans filtres du point de vue des Libanais sur le Liban et non du point de vue « politique » ou « autorisé » de la France ou du patriarche maronite sur le Liban.

Public de la conférence.

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Vendredi 15 mars, Jour 5

Sabrine Lakhram - Maguelone Laval - Tatiana Lehat - Sofiane Rahmouni

Journée dans la vallée de Qadisha.

Vendredi 16 mars à 8h ou 8h15 du matin, notre groupe se scinde en deux pour prendre deux minibus qui nous attendent pour aller passer la journée à la montagne dans la vallée de Qadisha. En route, nous nous sommes d’abord arrêtés pour récupérer Dima De Clerck, notre accompagnatrice et guide libanaise, puis l’archéologue et alpiniste Fadi Baroudy, qui était accompagné de deux autres alpinistes. Fadi Baroudy s’est présenté à nous dans le car et nous a fait le récit de ses trouvailles archéologiques. L’anecdote la plus marquante fut celle où il nous expliqua qu’il avait gardé cinq momies chez lui pendant la guerre civile libanaise, dont trois sont aujourd’hui exposées au musée national de Beyrouth.

Vue du Mont-Liban depuis la vallée de la Qadisha.

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Une fois arrivés à la vallée de la Qadisha, à 1400m d’altitude, nous avons visité le monastère maronite Saint-Antoine de Qozhaya. Nous fûmes reçus par un moine australo-libanais qui nous présenta le monastère avant de nous offrir une petite collation. On visita ensuite ce monastère, où on a pu voir la première imprimerie du Moyen-Orient envoyée en 1610 par Henri IV, dont le portrait se trouve dessus.

Les étudiants et les professeurs à la conquête de la Valée.

Puis nous sommes descendus dans la vallée, par des pentes et falaises très impressionnantes, pour visiter un ermitage. Nous étions motivés et enthousiastes au début de la descente, sans doute étions-nous surtout motivés par la promesse d’un repas, même si certains souffraient de quelques vertiges. Nous arrivâmes enfin à la grotte de l’ermite, un ancien et toujours actuel habitat troglodyte, où il avait une petite chapelle pour prier et surtout une vue imprenable sur la vallée. Nous continuâmes notre marche sur un chemin qui se faisait de plus en plus étroit et dangereux, on eut même droit à quelques éboulements de pierres ce qui nous obligea ensuite à garder le silence et à passer par petits groupes. Puis nous visitâmes encore d’autres églises troglodytes. Cependant, plus nous marchâmes et plus l’espoir d’un repas se dissipait et plus la fatigue se faisait sentir.

Nous sommes enfin arrivés au monastère Notre-Dame de Qannoubine, église encastrée dans une grotte, plus ancien monastère du Liban où siégeait le patriarcat maronite de 1440 à 1823. Ce monastère accueille les pèlerins de toute la région. En son sein se trouve la momie du patriarche Joseph el-Tyan qui vécut jusqu’au début du XIXème siècle. Il s’est opposé à la puissance

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ottomane et notamment à l’émir Bachir II car il imposait des taxes trop lourdes aux paysans maronites. Il est mort en 1920 dans la vallée et son corps fut aussitôt protégé des adeptes de reliques. Dans le monastère, la présence d’un chat a attendri une partie du groupe dont Monsieur Le Gall.

Monastère Notre-Dame de Qannoubine

Le retour fut plus long étant donné qu’il s’agissait de remonter toute la pente descendue à l’aller. Mais la promesse du déjeuner de plus en plus décalé nous fit tenir. A un moment, un des guides a voulu emprunter un chemin plus court, ce qui fit redescendre une partie du groupe mais Fadi Baroudy souhaita que nous conservions l’itinéraire prévu. Lorsque le village où nous attendaient les bus fut enfin atteint nous nous précipitâmes dans ceux-ci. Après un quart d’heure de route, vers 18 heures, nous avons enfin trouvé un restaurant ouvert (les villages que nous avions traversé avant étaient surtout habités en été). Il s’agissait d’un restaurant décoré en bois, qui faisait penser à un restaurant d’altitude. Quelques uns se précipitèrent auprès du feu : la température était assez basse dans la vallée et certains n’avaient pas prévu les vêtements adéquats. On nous proposa trois types de sandwichs : à base de poulet, de bœuf ou alors végétarien.

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L’un des nombreux chats qui gardent le monastère Notre-Dame de Qannoubine

Le voyage de retour fut tranquille, beaucoup de personnes s’endormirent après l’effort de la journée. Il fut alors très difficile de se motiver à nouveau pour sortir à nouveau une fois arrivé à l’hôtel à la tombée de la nuit. Mais quelques courageux gravirent les trois étages qui séparait les chambres du bar « rooftop ».

La mosquée Mohammad Al Amine visitée par Sofiane.

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À son grand regret, en raison d’une grave blessure au pied gauche, Sofiane n’a pas pu traverser la vallée de la Qadisha avec le reste du groupe.

« Je suis alors resté dans le quartier de Hamra en compagnie de notre chère Mouna. Entre 10h et 12h, nous nous sommes promenés, dans les rues animées du quartier, en longeant les nombreux cafés, hôtels, bars et restaurants de la ville. Nous avons déjeuner dans un restaurant fort chaleureux et sympathique, nommée Café Hamra, et proposant d’excellentes spécialités libanaises. Puis, l’ami de Mouna, Georges Moussalem nous a gentiment proposé de nous emmener faire un tour dans le centre ville de Beyrouth.

À ma demande, nous avons visité ensemble la mosquée Mohammad Al Amine entre 15h et 16h. Financée par Rafic Hariri et inaugurée par son fils en octobre 2008, cette mosquée d’inspiration ottomane possède un dôme bleu de 48 mètres. Jouxtant la cathédrale Saint-Georges des Maronites, cette mosquée est la plus grande du Liban. La mosquée peux accueillir des milliers de fidèles. De la porte d’entrée, il est possible d’admirer l’immense salle de prière et l’imposant chandelier. Nous sommes ensuite rentré à l’hôtel pour dîner et rejoindre le reste du groupe. »

Bâtiments qui jonchent le secteur de la mosquée Muhammed Al-Amine.

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Samedi 17 mars, Jour 6

Taâlabia RAJA

Visite dans la région du Mont Liban, du Chouf avec Dima De Clerk

Deir el Qamar « la Cité des Emirs », Moukhtara, Bcharré et La Cédraie

Lieu Départ à 9h15: Présentation de Dima De Clerk dans le car...

On parle d'émir dans le sens de celui qui commande, qui ordonne et non de prince, il se place en-dessous des mukkadam, qui sont inférieurs aux cheikh.

Lorsque nous sommes passés près du village de Baa'ta, Dima nous précise que c'est un village épargné par les bombardements lors de la guerre, car le village ne figurait sur aucune carte de l'époque, si bien qu'il s'est considérablement développé car il n'a pas été détruit comme les villages alentours.

Nous nous approchons du Chouf et des affiches représentants Tahmoo (signifiant Tamerlan, c'est celui qui a brulé Damas), fils de Kamal et petit-fils de Walid Joumblatt, se présentant aux élections législatives du 6 mai 2018.

9h30 : Arrivée à Deir el Qamar. La mosquée "druze" a été construite en 1678 sur ordre de l’Emir Abd-el-Aziz, seigneur druze de la localité, pour éviter les conflits avec les Turcs Ottomans qui dominaient la région à l’époque. On peut noter une décoration typique qui entoure les portes, appelée « Miel et fromage » ; ce sont briques de pierres blanches et couleur miel.

Le druzisme est un syncrétisme ayant pour origine le chiisme. Cette religion ou secte est très hiérarchisée. Un adepte y entre au niveau le plus bas et gravit les échelons jusqu’à atteindre un niveau de connaissances plus important (on pourrait le comparer au fonctionnement de la franc-maçonnerie ; c’est une religion initiatique ou à mystères). Cette communauté est marquée par un fort ésotérisme et s’est fermée au XIXème siècle.

10h 00 : Institut français Deir el Qamar au Palais de Fakh Eddine, seigneur des Druzes.

Actuellement, il y a plusieurs propriétaires, mais l’Institut français, accessible au public, en loue une partie. A l'intérieur, il y a une bibliothèque, des cours y sont dispensés en français et d'ailleurs il se déroulait, au moment de notre arrivée, des examens français dans une salle attenante.

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Mosquée druze de Deir-El-Qamar qui fait face au centre culturel français.

10h 30 : Municipalité/ Mairie Deir el Qamar :

En 1860, il y eu des massacres violents et sanglants des chrétiens par les Druzes, des chrétiens ont été assassinés et jetés par les fenêtres de la mairie.

11h 00 : Eglise Saïdet el Tallé et statue d’une Sainte dont l’histoire n’est pas connue par les non-initiés.

En effet, en 1860, les Druzes attaquent les maronites de Deir-el-Qamar en partie pour des raisons de manipulation politique dont Bachir II est à l’origine. Tous les hommes et enfants mâles (« qui portent le fusil ») sont assassinés. Certains ont d’ailleurs pu rentrer à cheval à l’intérieur de l’église Saïdet el Tallé, c’est pour cela que désormais les portes sont construites plus basses afin de ne plus permettre l’entrée des cavaliers. La Sainte Ra’fa, une religieuse, dont la statue est représentée dans la cour de cette église maronite, placée sur le côté et non au centre, sauve un petit garçon et devient le symbole salvateur de cette période de massacres pour les chrétiens de la région. On trouve aussi dans cette cour une plaque avec l’inscription des martyrs de ce massacre.

Précision de Dima Le Clerk dans le car : l’Emir Bachir Chéhab II (chrétien maronite) a été détesté par les druzes et chrétiens car il avait monté les deux communautés l'une contre l'autre. Les chrétiens payaient plus cher l'impôt. En effet, les paysans travaillaient la terre et devaient

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donner un fort tribu aux chefs féodaux qui, eux-mêmes, donnaient une partie aux walis, qui transmettaient au sultan.

On demande à l’Emir Bachir de prendre des combattants druzes pour anéantir la première révolte chrétienne contre l'impôt de 1841, la deuxième puis, la troisième, sanglante, en 1860.

11h30-12h30 : Palais Beit Eddine

Palais Beit Eddine devenu palais présidentiel, car c'est la résidence d'été du Président de la République. Mais auparavant, c'était la résidence de Kamel Joumblatt, pendanty la guerre civile et un peu au-delà, qui s’était approprié ce palais construit au XIXe siècke par l’émir Bachir : il avait apporté sa collection de mosaïques antiques récupérées dans les régions alentours, il en a d'ailleurs repris une grande partie en quittant le palais.

Cour intérieure du Palais Beit-Eddine.

13h00 : Bibliothèque Nationale où se trouve des archives importantes de la région qu'on ne trouve nulle part ailleurs selon Dima De Clerk, qui y a personnellement effectué quelques recherches. La statue devant la bibliothèque est celle de l'émir Fakh Eddine el Mahri (1572-1635), inaugurée par le président Suleyman en 1975.

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Repas à 13h30-14h30 : restaurant au Palais Mir Amin qui est une réplique miniature du palais Beit Eddine.

En car, nous avons pu observer sur la route la statue aux trois canons: c'est une statue de guerriers représentant la révolte druze de 1925, sévèrement réprimée par les Français, et vainqueurs de la bataille de 1983. Les canons sont orientés dans les trois axes pour symboliser la protection de la ville.

15h00-16h00 : Arrivée à Moukhtara, où se trouve la tombe de Kamal Joumblatt, assassiné par des Syriens, le 16 mars 1977 (nous sommes d’ailleurs arrivés le lendemain de la commémoration, des roses et bouquets y avaient été déposés). Le Pr Vermeren note la synchronisation entre l'évènement et notre voyage. Le cimetière a été conçu par Kamal Joumblatt. Il y a des tombes ottomanes et Kamal Joumblatt y a été enterré selon le culte musulman.

A l'entrée de la résidence de la famille Joumblatt et jouxtant le cimetière, il y a une sorte de mosquée d’apparat, très petite et très stylisée, construite pendant la guerre civile syrienne, pour montrer la proximité des druzes avec les musulmans orthodoxes, pour des raisons politiques.

A l'intérieur de la résidence près de l'entrée, gardée par des personnels armés, se trouve la voiture, lieu de l'assassinat de Kamal Joumblatt, criblée de balles. Elle est conservée en mémoire de l'évènement et comme un rappel pour les Druzes.

Cour intérieure de la résidence des Joumblatt.

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Vue de la vallée depuis la résidence des Joumblatt.

16h00- 17h00 : Arrivée à Bcharré et visite de l'Eglise et Couvent Saint-Michel:

Après avoir failli être attaqué par un énorme chien féroce mais heureusement attaché par des chaînes, nous avons pu nous diriger vers l’Eglise, admirer le jubé (une clôture transversale de bois et décorée d’icônes qui ferme le chœur de l’église) et écouter Mme De Clerck nous expliquer d’où venait la liste des martyrs chrétiens tués par les druzes pour se venger de l’assassinat de Kamal Joumblatt. Le village a souffert pendant la guerre, car ceux qui ont assassiné étaient des voisins (cf. livre sur le concept de violences et crimes intimes en ex-Yougoslavie). La réconciliation a été difficile, mais la volonté de Walid Joumblatt, de ne pas voir s'installer dans sa région désertée dès lors par les chrétiens, des musulmans chiites a été plus forte. Les maisons chrétiennes désertées par leur fuite, et qui n'ont pas pu être habitées par des druzes (pas assez nombreux) ont d'ailleurs été détruites pour empêcher l'installation des chiites dans la région.

En conclusion, Dima De Clerk, nous précise qu'il y a actuellement 950 000 druzes répartis entre le Liban, la Syrie et la Palestine.

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On peut remarquer que la mémoire druze est profane (voiture de l'assassinat de Kamal Joumblatt dans la résidence des Joumblatt) et que la mémoire chrétienne est sacrée (liste de martyrs dans les églises).

Au XIXe siècle, les druzes et les juifs sont des minorités proches des Britanniques. Et, en Israël les druzes sont les seuls musulmans à pouvoir intégrer le Tsahal.

La statue de Kamal Joumblatt a été érigée pour le centenaire de l’émir druze Chakib Arslan, grand-père de Kamal, qui fut, durant son exil à Genève durant l’entre-deux-guerres, les chantre du nationalisme arabe auprès des Jeunes nationalistes maghrébins qu’il a profondément influencés.

17h30- 18h00 : Les cèdres (cedars of god) une fois la nuit tombée, ou quand le chauffeur druze, réjoui de la journée passée dans son pays d’origine, persiste pour que nous y allions, à travers les hauteurs et les routes de Crète du mont Liban, alors que les étudiants une fois arrivés croient qu’on s’arrête pour une pause pipi… Mais la barrière du Parc naturel est bel est bien fermée, et on n’observe que les étoiles dans la nuit froide du Mont Liban…

Ainsi, nous rentrons à l'hôtel, sur fond de musique vers la partie arrière du car, avec le chanteur préféré de Célina : Maluma, et discussions savantes à l'avant.

To be continued...

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Dimanche 18 mars, Jour 7

Dina Saada

Matinée à Byblos

Ce dimanche est notre dernière journée au Liban. Une longue journée ensoleillée s’offrait à nous. Les rayons du soleil n’ont pas permis de camoufler nos cernes qui se creusaient de jour en jour. Je retrouve au café l’ensemble du groupe excité à l’idée de passer la journée à Byblos. Je monte dans le bus, un peu déçue après que le groupe de garçons se soit amusé à nous piquer notre commande de petit-déjeuner. Leur air malicieux les trahissant, sans oublier la petite trace de Nutella qui se présentait telle une preuve de leur crime.

Entrée du site archéologique de Byblos.

A Byblos, un petit homme portant des lunettes de soleil et une casquette blanche sautillant de pierres en pierres déclare être notre guide. Pleins d’anecdotes, il nous raconte ses années passées entant que professeur à donner des cours en plein air. Nous espérons secrètement que nos professeurs ont bien entendu ce dernier détail… Nous parcourons l’ensemble de ces ruines avec le guide qui n’en finit pas de nous taquiner. A travers lui, nous imaginons diverses scènes historiques possibles à Byblos de toutes civilisations. Assis tous dans le théâtre antique, l’émotion nous prend face à cette mosaïque unique d’envahisseurs venus de tout part. 28 civilisations successives dans cette ville je crois…

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Ancienne forteresse des Templiers à Byblos.

Ruines romaines à Byblos.

La visite était rapide, à nous s’offrait désormais les souks de Byblos. Des souvenirs divers est variés remplissaient les boutiques de ces ruelles. Mais, le prix variait d’un voisin à l’autre, aussi instables que le cours du dinar tunisien. Un petit groupe s’accorde à acheter des jeux de

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dames dans une boîte artisanale. Quant à moi, j’ai pris pour ma mère un mélange d’herbes pour boire comme infusion, j’espère que la douane ne pensera pas qu’il s’agit d’autre chose. Je profite d’un moment où tout le monde se moquait des supercheries des vendeurs pour faire un tour dans la ville.

Entrée du Souk à Byblos.

Après-midi libre

Nous avons eu la chance de déguster du poisson en bord de mer dans le port de Byblos, et nous, Parisiens, nous exclamons face à l’horreur : des arêtes dans du poisson ! Loin des poissons panés de chez Picard, nous paraissons perdus… Mais ouf, le Pepsi à 5000L vient occidentaliser l’ensemble de ce repas et nous rappelle l’approche du départ.

Nous avons pris le bus pour retourner sur Beyrouth sur des airs latinos que notre cher et unique Lucas mettait, nostalgique du Portugal et de l’Espagne. Le soleil était resplendissant, nous profitons pour « goûter » une glace libanaise chez Bachir. Et là, festival de couleurs, de saveurs et d’odeurs différentes. Un réel plaisir ! Le « goûter » se transforme en vrai gourmandise. Nous avons tous pris au moins quatre boules dégoulinantes différentes, le tout immortalisé par une photo devant le glacier.

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Photo de groupe avec les étudiants, les professeurs et le chauffeur du bus.

Beaucoup espéraient acheter des gâteaux traditionnels pour leurs proches. Petit tour s’impose à la pâtisserie du coin dans la grande rue de Hamra. La déception, rien d’exceptionnel, le vendeur nous propose des boîtes déjà faites de 400grammes pour un prix affolant. Sourire gêné, le groupe sort de la boutique avec peu d’espoir de trouver quelque chose d’intéressant. Dana, libanaise en échange dans son pays natal, nous propose un second plan…

Une expédition, l’aventure ! S’en aller dans une contrée lointaine, « l’autre » Beyrouth, celui dont le nom résonne comme celui de l’horreur, et qui alimente toutes les légendes urbaines. Un taxi s’arrête, le vieil homme paraît sympathique, de quoi nous rassurer dans le lancement de notre péripétie. Nous laissons à Dana l’honneur d’annoncer notre destination. Rien d’étonnant pour le vieux taxiste. Pendant qu’elle lui décrit notre programme dans l’optimisme et la réjouissance, mes camarades et moi demeurons silencieuses, paralysées par l’idée d’entrer du coté obscur. Plus nous nous éloignons du nord de Beyrouth, plus le soleil se couchait. Tous les préjugés traversent nos têtes, nous n’avons pas de moyen de communication, rien pour signaler où nous allons. Au loin apparaissent des silhouettes couvertes d’un grand voile noir. Face à ce contraste, nous nous tentons timidement de couvrir nos cheveux dans le taxi. A la vue de cette scène, le chauffeur est pris dans un rire à lui tordre le ventre, il s’arrête difficilement pour nous dire « si vous voulez respecter vraiment ce quartier, il vaut mieux ne pas vous ridiculiser de la sorte ». Intérieurement, son rire raisonne telle une symphonie qui nous submerge, nous rassure et met, enfin, un terme à cette tension persistante depuis le départ.

Un check point inaugure l’entrée de ce quartier, tête baissée, nous osons à peine lever les yeux vers les forces de l’ordre. Mais du coin de l’œil, je tente tout de même de les regarder, ils jouaient entre eux, leur camaraderie et leur aisance rejoignaient le rire du vieux monsieur. Le taxiste nous pose devant une grande mosquée au coin d’une rue. Nous sommes déjà arrivés. Je balaye du regard le paysage urbain et telle une madeleine de Proust, le son des voitures, les cafés submergeant les trottoirs, la foule mêlant enfants et femmes me rappellent la ville de mon

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enfance, Gabès. Cette familiarité me motive à poursuivre notre chemin vers un bâtiment dans lequel habite la famille de Dana. Elle en profite pour nous différencier les bâtiments datant de la guerre et les récents. Dans l’obscurité de la cage d’escalier, nous montons timidement, un vieille dame nous attend, une des tantes de notre amie Dana. La chaleur et le sourire de cette « mama » suffisent à illuminer tout le bâtiment. Elle a le charme de ces vieilles dames orientales en chair qui marquent nos esprit enfantins. Bien qu’elle ne nous connaisse pas, elle nous ouvre grandement les portes de son humble demeure. Alors, parvient l’émotion de ces dimanches après-midi chez nos grands-mères. A son tour, elle rigole du récit que lui fit Dana de notre appréhension à venir lui rendre visite dans le sanctuaire du « monstre ». Mais très vite, elle reprit un aire sérieux, celui d’une maman angoissée et nous indique le chemin à prendre pour trouver notre Graal. Elle nous prend dans ses bras, marmonnant des mots en français. En bas de chez elle, nous entendons crier le prénom de Dana, la vieille dame nous faisait des grands gestes de sa fenêtre, nous nous empressons de lui rendre un sourire sincère. Le pas est désormais pressé, nous passons devant un groupe de musiciens traditionnels attendant une mariée. La scène de ce moment important contraste avec les grandes banderoles que nous voyons enfin. Mes maigres connaissances en arabe me permettent de lire les termes « Ya Houssein », ils datent de l’Achoura puis, un autre drapeau, nous le connaissons tous celui-là, il nous rappelle les raisons de nos tensions, l’appréhension de cet « autre » Beyrouth. Nous osons à peine le regarder, mais ce moment est marqué par la résonance d’un bruit désagréable les rues. La peur nous prend, une douleur à l’estomac brûle, ne serait-ce pas des balles ? Une bombe ? Dana, la plus courageuse, se retourne et nous montre du doigt une explosion de milles et une lumières dans ce quartier si peu éclairé, le mariage était, en fait, inauguré d’un feu d’artifices. Finalement, la tension était toujours permanente. Le Graal s’offre à nous et nous arrivons, enfin, à la pâtisserie, une grande vitrine à l’architecture américaine montrant une mosaïque de gâteaux de toutes les couleurs. Je dois avouer que j’étais intérieurement déçue, j’espérais tout de même quelque chose de plus traditionnel, tel un hanout ducoin d’une rue. Des vendeurs en tenue de travail nous lançaient des grands souvenirs, second magnifique accueil. Ensemble, ces grandes mains se mettaient au travail pour remplir toutes nos boîtes. Ils sont aux petits soins et n’hésitent pas à nous donner de grandes parts pour goûter un peu de tous ces mets. Leur générosité contrastait avec les propos rapportés sur les habitants de « l’autre » Beyrouth. Ils nous offrent une boîte afin de partager avec le groupe resté à Hamra un peu de notre aventure gustative. Devant la boutique, s’arrête notre exploration de Beyrouth Sud. Juste avant d’entrer dans le taxi, mon regard s’arrête sur la plaque d’un martyr qui me rappelle une réalité de ce quartier. Sur le chemin, nous passons devant une pancarte d’un homme souriant tenant à la main une arme et un gilet par balles, nous étions bien dans les rues du Hezbollah.

-Soirée à Beyrouth

A l’hôtel, nous sommes accueillis par Imran, Lucas et Soufiane telles des grandes aventurières ! Je tiens à rappeler qu’aucun de ces « rajel » n’a voulu nous accompagner. Ma mère m’a toujours dit que les hommes n’étaient pas toujours de grands chevaliers courageux. Je vois dans leur visage une certaine déception quand je peins le quartier telle une ruelle de Tunis ou

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d’Alger, mais avec les drapeaux chiites en plus. Pour tout avouer, je ne leur ai pas parlé de la mésaventure du voile ou du feu d’artifices, car ils auraient autant ri qu’au moment de ma chute dans le Mont Liban.

Néanmoins, toute cette appréhension nous avaient fatiguées, on s’est difficilement mis d’accord pour trouver un endroit où manger. Un traditionnel shawarma fait l’affaire. Et rebelote, nous avons eu du mal à sortir. En réalité, nostalgiques de cette semaine et émus de se quitter le lendemain, nous voulions tout simplement passer la soirée ensemble en toute simplicité. Une foule d’étudiants optimistes débarquent dans le café de l’hôtel. Chichas, pepsi et limonades commandées, nous nous sommes rejoints pour jouer à des jeux de société. Certes les soirées enflammées de Beyrouth auraient pu s’offrir à nous et nous aurions sûrement retourné le dancefloor, mais la modestie de ce moment partagé tous ensemble nous a suffit et finalement, unis. Comme toujours, le jeu du loup-garou met un terme aux amitiés, et dans le rouage sombre de plusieurs désaccords et la déception de certains à voir leur ami leur mentir, même dans le cadre d’un jeu, nous sommes allés nous coucher.

Autre version de la dernière journée, selon Carl Wozniczka, Naomi Rio et Imran Yazidi

Enthousiasmés et éreintés de nos six jours à Beyrouth, nous voici reparti pour une dernière escapade, à la découverte de la ville mythique de Byblos. Accueillis par le soleil libanais, nous avons pu nous plonger dans les mille et une histoire de cette ville, à travers la visite du château de Gibelet. Nous avons effectué cette visite, accompagnés d’un guide libanais, passionné, qui nous a conté l’histoire de la ville et du Liban, de la création du petit village de Byblos daté de la période néolithique, à l’indépendance du Liban en 1943, tout en s’abstenant d’évoquer l’histoire récente du pays, car, je cite, « je préfère ne pas en parler ». Cette phrase reflète le rapport ambivalent des Libanais avec leur histoire : fiers de leur passé historique, mais silencieux sur l’histoire récente de leur pays, la guerre civile.

Suite à la visite, le guide nous présenta les ruines d’un théâtre grec, situé entre le château et la mer. L’histoire de ce théâtre fut agrémentée par l’appel à la prière, que nous entendions, pour la plupart d’entre nous, pour la première fois depuis notre arrivée au Liban.

En bon touristes que nous étions, nous sommes ensuite allés faire nos emplettes au souk : échiquier ; jeux de dames ; backgammon ; bagues ; boucles d’oreilles ; bracelets ; savons ; épices… Malgré le doute sur la provenance libanaise de ces produits, la plupart d’entre nous s’est attelée à les acheter.

Après ce périple shopping et habitués à manger quotidiennement au restaurant, nous nous sommes tous rendus, pour la dernière fois du séjour, dans un restaurant, près du port de Byblos. Emerveillés aux premiers abords, nous nous sommes tous attablés, avec appétit, autour de la grande table qui avait été dressée pour notre arrivée. Malheureusement, certains d’entre nous, qui s’étaient accommodés aux mets libanais, furent choqués et déçus lorsque les serveurs ôtèrent la cloche des plats amenés, qui laissa alors entrevoir des poissons fris, dont la tête n’avait pas été

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ôtée. « Mais qu’est-ce que c’est que cela ? », me firent remarquer mes voisines. Après quelques temps d’hésitations, une bonne dizaine de minutes, ces dernières ont finalement pris plaisir à déguster les poissons fris.

A la suite de ce repas délicieux, nous avons pris le chemin du retour, en car, sans pour autant regagner de suite notre hôtel, puisque nous nous sommes arrêtés déguster des glaces libanaises, à Beyrouth. Ce fut le dernier moment où nous étions tous ensemble.

Nous voilà déjà le dernier soir… La semaine a été intense mais passionnante, et le résultat au delà de nos toutes nos attentes. Malgré la fatigue générale ressentie, une annonce de Mouna dans le bus vient bousculer notre sage programme de la soirée en plus de perturber notre dégustation de glace. Un festival de musique plein air dans Beyrouth est organisé près de l’université St Joseph, de 19h à 23h.

Avec d’autres étudiants, nous prévoyons alors de s’y rendre, savourer une dernière fois la vie nocturne libanaise, et se fondre en véritables Beyrouthins.

Sur place, nous observons une immense place. Un peu perdus, désorientés, peut être surpris, nous nous faufilons progressivement dans la foule afin d’arriver devant la scène. Après quelques minutes et quelques bières, nous commençons à échanger, danser et chanter avec les étudiants beyrouthins. Un moment magique que nous partageons ensemble.

Puis nous nous écartons de la scène afin de discuter dans le calme et de nous acheter à manger. C’est alors que nous apercevons la dame du petit déjeuner de l’hôtel qui nous reconnaît aussi, Rita Kelzi. Instinctivement nous allons la voir et lui parler. C’est alors qu’elle nous invite manger tranquillement chez elle. Après nous avoir raconté brièvement son histoire de jeune Syrienne ayant du fuir la guerre, elle profite de notre présence pour nous présenter fièrement ses 4 chats et notamment Wisky, dont Asya aura du mal à se séparer.

De retour au festival, nous retrouvons Tatiana et Samir, qui étaient restés sur place. Ils nous informent avoir croisé Monsieur Le Gall. Comment ça ? Monsieur Le Gall ? Directeur de l’UFR d’Histoire de la Sorbonne en plein festival à Beyrouth ? Déçus ne pas avoir pu observer sa performance artistique sur le dancefloor, nous décidons de rentrer à 23h à l’hôtel rejoindre les autres étudiants. Après avoir dégusté un dernier verre dans un bar à côté de l’hôtel, l’idée d’une partie de Loup Garou semble gagner les esprits.

Deux fins de soirées eurent dès lors lieu. Au deuxième étage, les survivants de la soirée, fatigués mais pas assez pour se laisser bercer par Morphée, veillèrent. C’est ainsi, qu’une grosse partie des étudiants entamèrent une partie de loup-garou. Ce jeu éveilla les instincts les plus primaires chez les joueurs qui firent la chasse au loup. Dans une atmosphère de tractation politique menant Carl au poste de maire, des couples se formèrent, des villageois furent assassinés, mais la population se vengea et remporta la partie, mettant à mal les stratégies de ces tueurs nocturnes. Parallèlement à cette partie de loup-garou, monsieur Le Gall fit son retour parmi le commun des mortels et s’adonna à une activité qu’il avait délaissée depuis bien longtemps : les dames. En effet, il prit place à notre table et rejoignit Imran devant le plateau de

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jeu, narguilé à la main. Une ambiance des plus typiques au deuxième étage de ce restaurant : musique libanaise, narguilé et jeu de dame, on croirait voir de vieux Libanais à la retraite coulant des jours tranquilles. Après de nombreuses parties et une lutte acharnée de la part de notre cher directeur d’UFR, la soirée se concrétisa sur les nombreuses victoires d’Imran, qui mit en déroute monsieur Le Gall. Ce dernier ne connut que la défaite ce soir là et jura de s’entraîner afin de prendre sa revanche. Cette débâcle ne fut alors qu’un bien faible bémol : la défaite face aux souvenirs créés et au plaisir de jouer, le choix est vite fait.

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Lundi 19 mars, Jour 8

Pierre Vermeren

Beyrouth, derniers instants

Dernier jour. Dernière matinée. 8 heures du matin. C’est l’heure des comptes. Il faut régler l’hôtel. C’est assez simple avec Mike, le patron sympa. Puis il faut aussi payer le bus. Et là, ça se complique. D’une part, la note est bien plus salée que prévue. Et de deux : « No crédit card. Only cash ». Or nous devons faire une carte, la caisse est à sec… Après de longues conversations téléphoniques avec une demi-douzaine de personnes (depuis deux jours), divers textos, palabres et tractations, nous convenons, non sans mal, de partir au siège de l’hypothétique compagnie de bus ; c’est en fait une grosse société touristique dont on nous avait caché l’existence. Nous voilà partis en taxi à 8H30 du matin avec mes collègues Alya Aglan et Jean-Marie Le Gall.

Des indications très approximatives, des communications par wifi impossibles… et donc un lieu de rendez-vous mystérieux. Nous demandons, nous tournons. Le trafic est dense et ralenti. En plus, c’est à perpet, sur la route de Damas. Aurons-nous le temps de rentrer à temps à l’hôtel pour avoir le car de l’aéroport, qui doit venir à 11 heures pile ? Car, comme tous les jours, le car ne peut pas se garer dans ce quartier bondé, sous peine d’amende. Et comme chaque jour, le groupe est en retard d’un quart d’heure voire une demi-heure… Le chauffeur a beau être druze et placide, il s’énerve carrément, et se met en pétard au bout d’un moment. Donc, retour au taxi qui erre dans une banlieue. Le voici qui trouve un peu par hasard la compagnie, dans une sorte de no man,’s land bétonné.

On pénètre dans un petit immeuble sans âme ; et on se retrouve dans le bureau d’un vieux chef. Grand bureau vide, signe de pouvoir. On se présente, peu de mots, si ce n’est pour nous proposer du thé. A peine le temps de s’asseoir, un cadre moustachu dans la cinquantaine, avec lunettes de soleil, entre dans le bureau… Il demande notre carte bleue. Refus ! Nous venons payer. Si c’est une carte à sabot, on peut le faire sur place. Mais si c’est une carte à terminal… il faut repartir. Alors il propose aux hommes de le suivre, Alya peut rester là avec le Maâlem ! Mais elle refuse, et elle est bien inspirée : on est reparti !

Direction ? Inconnue. On roule, on roule, comme tout à l’heure, gros trafic routier à Beyrouth en ce lundi matin. La bagnole fonce, on a rendez-vous dans un bureau hypothétique pour faire cette maudite carte bleue. On parle entre nous, et puis soudain on se rend compte que le cadre-chauffeur qui nous accompagne comprend très bien le français. Ca ne le rend pas plus bavard. Puis on finit par arriver dans un nouvel immeuble, un véritable building cette fois. La voilà la grande compagnie ; qui possède un terminal de CB.

On s’engouffre dans un parking souterrain. Troisième sous-sol. Parking désert. On sort de la grosse berline. Ca fait très « Il Padrino ». Ascenseur lugubre et en mauvais état, à moitié déshabillé. On descend au rez-de-chaussée de la compagnie. On marche. Longs couloirs en enfilade, des services administratifs à l’occidentale de tous les côtés. Beaucoup d’employées. On

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traverse des services, et puis au fond du dernier, quelqu’un se lève et nous conduit au dit terminal de CB. Procédure, signature, code et ça marche. Adieux.

On fait le trajet inverse. Notre accompagnateur s’excuse pour l’ascenseur. On retrouve le parking et on remonte dans la berline. Soulagés mais il est bientôt 10 heures. On débouche en plein soleil. Et c’est reparti pour un tour, au milieu de la circulation dense. S’ensuit une consigne nouvelle : on veut nous conduire directement au terminal du bus, qui nous conduira à l’hôtel, puis à l’aéroport. Nouveau coup de fil, nouveau bouchon. Changement de programme, on veut nous conduire directement à l’aéroport, meilleur moyen de perdre des étudiants et nos bagages en route. Cela dit, s’il téléphone constamment avec on ne sait qui, notre conducteur s’est détendu depuis le paiement. Il se met à parler français.

Finalement, on tente l’hôtel et le rendez-vous de onze heures. On reprend les bouchons… mais cahin-caha, on descend la rue de Damas, puis la place des Martyres, et enfin Hamra. Il nous pose via un improbable dédale non loin de l’hôtel. Sur place tout est prêt. Samir et Mouna ont rendu le fauteuil roulant de Sofiane et récupéré l’argent de la consigne à la pharmacie. Les bagages sont de sortie. Effusions dans le hall de l’hôtel. On laisse Asya et sa copine derrière nous. Tous nos amis de la Sorbonne et de Beyrouth se sont manifestés : Dima, Dana, Mike, le père de Mouna, Carla, Diane, Elie… Dernière marche au bus des 28 restant en longue colonne désunie. Regard étonné du chauffeur Druze : oui, nous sommes à l’heure. Bye bye Beyrouth.

On se doit de remercier étudiants, sponsors, parents, accompagnateurs, guides, amis, hôtes…, tout s’est déroulé au mieux. Sofiane et sa jambe ont été d’un courage exemplaire. La famille de Mouna a assuré de bout en bout. Dima, sur son temps de travail…, a été d’une aide et d’une immense gentillesse. L’USK et l’USJ, par Carla Eddé, nous ont formidablement accueilli, sans oublier l’ambassadeur de France et le Patriarche maronite, qui nous ont dévoilé des hauts lieux du Liban. Beaucoup de gratitude pour nos étudiants et anciens de Paris1 rencontrés sur place nous ayant épaulé. Merci spécial à Elie qui a été à l’origine de la conception de ce voyage : en pleine guerre de Syrie il y a quelques années, cela paraissait impossible : même s’il a fallu respecter les zone imposées par le Quai d’Orsay, nous avons réalisé ce voyage. Merci à l’Ecole d’histoire de Paris 1 pour son aide financière, et à son directeur d’avoir découvert le Liban avec nous. Merci aux étudiants presque toujours joyeux, agréables et parfaitement au fait des convenances selon les lieux, les institutions et les personnes visitées. Merci aux Libanais de rencontre, à leur passion de l’histoire et à leur excellente cuisine… Affaire à suivre !