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HORIZONS BANCAIRES NUMÉRO 329 - MAI 2006 REVUE ÉDITÉE PAR CRÉDIT AGRICOLE S.A. DIRECTION DES ÉTUDES ÉCONOMIQUES C R É D I T A G R I C O L E S . A . D I R E C T I O N D E S É T U D E S É C O N O M I Q U E S NUMÉRO 329 – MAI 2006 Conformité : pourquoi et comment La rationalité de la Conformité Petit abécédaire historique Exigence dans la banque de détail La fonction Conformité en France “Developing supervision and strengthening its capacity” Les attentes des clients Conformité et juridique Conformité et sécurité financière Généalogie du “compliance officer”

Conformité - etudes-economiques.cometudes-economiques.com/medias/HB_329_juin2006_complet.pdf · horizons bancaires – numÉro 329 - mai 2006 revue ÉditÉe par crÉdit agricole

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R E V U E É D I T É E P A R C R É D I T A G R I C O L E S . A .

D I R E C T I O N D E S É T U D E S É C O N O M I Q U E S

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D I R E C T I O N D E S É T U D E S É C O N O M I Q U E S

N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6

Conformité :pourquoi et comment

La rationalité de la Conformité

Petit abécédaire historique

Exigence dans la banque de détail

La fonction Conformité en France

“Developing supervisionand strengthening its capacity”

Les attentes des clients

Conformité et juridique

Conformité et sécurité financière

Généalogie du “compliance officer”

N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6

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AI R E

Editorial ............................................................................................................................................................................................ 5

ALAIN SEUGÉ, DIRECTEUR DE LA CONFORMITÉ, CRÉDIT AGRICOLE S.A.

La rationalité de la Conformité ....................................................................................... 9

JEAN-PAUL BETBEZECHEF ÉCONOMISTE, DIRECTEUR DES ÉTUDES ÉCONOMIQUES, CRÉDIT AGRICOLE S.A.

Petit abécédaire historique de la Conformité............................ 15

ROGER NOUGARETRESPONSABLE DES ARCHIVES HISTORIQUES, CRÉDIT AGRICOLE S.A.

Exigence de Conformitédans la banque de détail ................................................................................................................ 25

JACQUES DELMAS-MARSALETMEMBRE DU COLLÈGE DE L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

La fonction Conformité en France ....................................................................... 31

JACQUES FOURNIERSECRÉTAIRE GÉNÉRAL ADJOINT DE LA COMMISSION BANCAIRE

“Developing supervision andstrengthening its capacity” ......................................................................................................... 39

WILLIAM L. RUTLEDGE, EXECUTIVE VICE PRESIDENT IN CHARGE OF THE BANK

SUPERVISION GROUP AT THE FEDERAL RESERVE BANK OF NEW YORK

Les attentes des clients en matièrede conformité bancaire ........................................................................................................................ 49

REINE-CLAUDE MADER, PRÉSIDENTE DE LA CLCV

H O R I Z O N S

Conformité :

B A N C A I R E S – N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6

Conformité et juridique .......................................................................................................................................... 55

JEAN-MICHEL DAUNIZEAURESPONSABLE DE LA DIRECTION DES AFFAIRES JURIDIQUES, CRÉDIT AGRICOLE S.A.

Conformité et sécurité financière .................................................................................................... 63

RENÉ WACK, DIRECTEUR ADJOINT DE LA DIRECTION DE LA CONFORMITÉ,RESPONSABLE DU PÔLE SÉCURITÉ FINANCIÈRE, CRÉDIT AGRICOLE S.A.

Généalogie du “compliance officer” .......................................................................................... 73

FRANÇOIS EWALD, PRÉSIDENT DE L’ENAS,PROFESSEUR AU CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET MÉTIERS. DOCTEUR ES LETTRES

Auteur du « Principe de précaution » (2001) et de « L’État-providence » (1986)

Revue de presse ................................................................................................................................................................................ 85

JÉRÔME COURCIER, RESPONSABLE FORMATION, DIRECTION DE LA CONFORMITÉ,CRÉDIT AGRICOLE S.A.

Service aux lecteurs ...................................................................................................................................................... 95

pourquoi et comment

À L’ATTENTION DES LECTEURS

La revue Horizons Bancaires a déjà fait paraître deux articles sur la conformité :

• Jean Cédelle, Catherine Limouzineau & Paul Carminati (2005),« L'exigence de conformité », in Horizons Bancaires, n° 327, décembre, pp. 103-110.

• Marc Lenglet (2004),« The Compliance function in Banks. Une lecture du document consultatif publiépar le Comité de Bâle », in Horizons Bancaires, n° 321, juin, pp. 9-26.

N U M É R O 3 2 9 – M A I 2 0 0 6

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DIRECTEUR DE LA PUBLICATION

J e a n - P a u l B e t b è z e

RÉDACTION EN CHEF

R é m y C o n t a m i n , J é r o m e C o u r c i e r

SECRÉTARIAT DE RÉDACTION

V é r o n i q u e C h a m p i o n - F a u r e

SUIVI DU FICHIER

É l i s a b e t h N i c o l a s

CONTACTS

C r é d i t A g r i c o l e S . A .75710 Par is Cedex 15

Tél . : 01 43 23 69 02 - Fax : 01 43 23 58 60Internet : h t tp : / /www.credi t -agr icole . f r / rubr ique : k iosque Eco

CONCEPTION - MISE EN PAGES

B l e u c o m m e u n e O r a n g e

RÉALISATION

C A G

IMPRESSION

C r é d i t A g r i c o l e S . A .

« Cette publication reflète l’opinion du Crédit Agricole. Toutefois, les analyses qui y sont exprimées ne constituent en aucune façon une offre devente ou une sollicitation commerciale et ne sauraient donc engager la responsabilité du Crédit Agricole ou de l’une de ses filiales. Toute repro-duction totale ou partielle sans autorisation préalable ou expresse du Crédit Agricole en est expressément interdite. »

“All rights reserved. This publication has been prepared by and reflects the current views of Crédit Agricole. It is provided for your informa-tion purposes only and it is not intented as an offer or solicitation for the purchase or sale of any financial instrument. The views, opi-nions, estimates reflected therein constitue our judgement. Neither Crédit Agricole or its affiliates nor any officer or employee thereofaccepts any liability whatsoever for any direct or indirect loss arising from the use of this publication or its contents which may not bereproduced or circulated without our prior written consent. Crédit Agricole, its affiliates and their respective officers, directors andemployees including persons involved in the preparation of this document may from time to time, deal in, hold or act as market makers oradvisors, brokers or investment or commercial bankers in relation to securities, derivatives, issuers or any persons mentioned herein.”

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E D I T O R I A L

En octobre 2003, le Comité consultatif sur la supervisionbancaire de la Banque des Règlements Internationauxpubliait un projet de document consultatif sur la fonction« compliance » dans les banques. Dans la foulée, sansattendre la version définitive, les autorités de contrôle enEurope entreprirent de réformer les dispositifs de contrôleinterne pour positionner clairement cette fonction, distinc-tement des autres fonctions de contrôle permanent et decontrôle périodique. En France, le décret du 30 mars 2005crée notamment la fonction de Responsable de contrôle dela conformité. Quant à l’AMF, dans le mouvement derefonte de son Règlement général, consécutive à la fusion dela COB et du CMF, elle institue la fonction de Responsablede la Conformité des Services d’Investissement (RCSI).Ainsi, en l’espace de quelques années, la fonction « com-pliance » fait-elle une entrée remarquée dans le monde ban-caire. La profusion des textes crée-t-elle, pour autant, unenouvelle discipline ? Certes, avec la modification du règle-ment général du CMF, la notion de déontologue s’effacedéfinitivement derrière celle de compliance officer. Les ves-tiges d’une spécificité française, inaugurée dans le règlement96-03 de la COB, disparaissent au profit d’une notion beau-coup plus anglo-saxonne de la fonction, à la fois plus prochede celle des juristes de banque et plus proche des contrôleursopérationnels.Paradoxalement, l’émergence de cette nouvelle fonction, aulieu d’estomper le rôle des juristes dans l’observation des loiset règlements, a ravivé ce rôle. La loi et les règlements ne setraduisent pas seulement par la prise en compte de textesofficiels dans la rédaction de contrats et le traitement descontentieux ou des affaires judiciaires. Bien plus, les juristesdoivent jouer un rôle central dans l’identification des règleset leur interprétation. C’est dans ce travail, dont l’impor-tance est ainsi mise en évidence, que se rencontrent les deuxfonctions. Aux juristes d’interpréter les lois et les règlements,

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DIRECTEUR DE LA CONFORMITÉ , CRÉDIT AGRICOLE S .A .

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“ Il ne faut point

faire par les lois

ce que l ’on

peut faire par

les mœurs.”Charles de Montesquieu

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aux compliance de répondre à la question : « dans la pratique,comment fait-on ? ».Parallèlement aux contrôles de deuxième et troisièmeniveaux, outils indispensables au fonctionnement efficaced’un établissement bancaire, la fonction compliance couvretout le spectre allant du contrôle préalable aux opérations,contrôle simultané lorsqu’il s’agit par exemple des opéra-tions de marché, contrôle postérieur pour vérifier la prise encompte des règles.Ainsi positionné de façon originale, le compliance officer estbien inclassable sur le registre ancien des fonctions dupaysage bancaire et l’institutionnalisation de sa fonction étaitdevenue indispensable.Doté d’un statut, le responsable de conformité dispose éga-lement de techniques qui se professionnalisent. De ce pointde vue, l’année 2001 constitue un tournant majeur. À partirde cette date, la prise en compte des règles de la lutte anti-blanchiment entraîne le développement accéléré de processrigoureux et, par conséquent, le déploiement d’outils infor-matiques dont les coûts de mise en place commencent àdevenir significatifs. Désormais, la compliance devient unedonne incontournable dans les architectures informatiques.La prise en compte le plus en amont possible de ses règlesformelles devient aussi un gage d’efficacité.Doté d’un statut, le compliance officer s’appuie également surune règle inviolable, indispensable à sa crédibilité, tant eninterne que vis-à-vis des autorités de contrôle : de son indé-pendance totale vis-à-vis des responsables opérationnelsdépend en effet la pertinence de ses initiatives. Intégré auxlignes de contrôle permanent ou rapportant au Directeurgénéral, il doit pouvoir faire modifier une opération ou fairebloquer une affaire si les enjeux de la conformité le requiè-rent. Dans la pratique, les choses ne sont pas toujours sisimples et la pression peut être d’autant plus forte que lecompliance officer est isolé. De ce point de vue, le développe-ment de la fonction dans les grands groupes internationauxest facilité par la constitution d’une véritable ligne métier,force de rappel indispensable et gage d’une certaine homo-généité des avis ou préconisations des responsables deconformité.

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Pour autant, plus le groupe est large et diversifié géographi-quement et opérationnellement, plus la gestion des pro-blèmes de réputation est complexe. Si les questions deconformité aux lois et règlements se gèrent d’abord pays parpays, activité par activité, et ne posent que rarement desproblèmes de compatibilité transfrontières, la gestion durisque de réputation ne peut, en règle générale, qu’êtreunique au niveau d’un Groupe. Car chaque entrée en rela-tion avec un nouveau client, chaque innovation financière,quelle que soit la taille de l’opération envisagée, quel quesoit le pays concerné, est susceptible de mettre en jeu laréputation d’un groupe bancaire dans sa globalité. Les auto-rités de contrôle ne s’y sont pas trompées. Lorsque, enoctobre 2004, le comité de Bâle publiait à nouveau undocument intitulé « Consolidated KYC Risk management », ildéclarait d’une manière claire que le risque réglementaire etle risque de réputation devaient être totalement associésdans toutes les questions concernant la connaissance desclients et la surveillance des transactions et que ces questionsdevaient faire l’objet d’une approche globale et indivisibleau niveau des groupes bancaires.Le risque de réputation est aussi désormais présenté par lesrégulateurs eux-mêmes comme un risque majeur, suscep-tible pour les grands groupes bancaires internationaux, d’en-trer dans la catégorie des risques systémiques, auxquels lesbanques centrales et les gouvernements sont si attentifs.Pour autant, si le responsable de conformité s’appuie sur lestextes explicités par les directions juridiques, il ne disposepas de repères aussi clairs sur les enjeux de réputation. Ildoit faire appel à son discernement, son bon sens, eux-mêmes puisant leurs sources dans une bonne connaissancede la culture de l’entreprise du groupe auquel ils appartien-nent et des règles, explicites ou implicites, que celui-ci sefixe vis-à-vis des tiers (clients, fournisseurs, actionnaires),des collaborateurs et de la société en général. Il doit aussirester aux aguets des sensibilités de l’opinion publique afind’anticiper la manière dont celle-ci pourrait, ultérieurement,porter un jugement sur telle ou telle opération, telle ou tellepratique bancaire. C’est dire si la fonction de conformitépeut être riche de sens, mais qu’elle oblige aussi à la plus /...

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grande rigueur dans sa démarche, sous peine de tomber dansdes excès de toutes sortes.« C’est en forgeant que l’on devient forgeron. » Cette simplemaxime est parfaitement d’actualité pour le métier de res-ponsable de la conformité, qui doit encore, sinon préciserses contours exacts, du moins approfondir son mode opéra-toire pour le rendre pleinement efficace et permettre à lapersonne qui en a la charge de jouer pleinement son rôledans les rouages des établissements bancaires et financiers.Les acteurs de cette nouvelle ligne métier, jour après jour,confrontés à une multitude de cas opérationnels, façonnentune pratique nouvelle. Il est encore trop tôt pour mesurerl’impact de cette discipline sur la solidité et les performancesdes établissements bancaires. Mais il est certain qu’une maî-trise efficace des enjeux de conformité se traduit par la dimi-nution des provisions destinées à couvrir les litiges et sanc-tions pécuniaires liés à l’activité. De façon plus générale, celaconstitue une véritable opportunité pour les groupes ban-caires qui auront su anticiper les exigences de la société dansce domaine.

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La rationalitéde la Conformité

L e développement des entreprises devient de plus en plusfinancier et juridique, le volet financier permettant la globali-sation en renforçant les moyens des entreprises, le volet juri-dique en permettant la validation, et donc la véritable conso-lidation. Ainsi posée, la dynamique paraît saine, sauf quechacune de ses composantes peut s’avérer problématique. Ducôté de la finance, on connaît ses excès de rentabilisationdésirée : des exigences élevées de Return On Equity peuventconduire à des choix industriels (focalisation sur le core busi-ness) et financiers (augmentation du niveau de dette) problé-matiques. Du côté juridique, l’erreur est toujours possible, lescoût s sont tou jour s s i gn i f i ca t i f s , l e s dé l a i s de r éac t ionconstamment élevés. On peut ainsi présenter l’évolution deces dernières années comme celle où se combinent les avan-cées de la finance avec le désir, problématique, de rattrapagedu juridique. La question décisive est de voir sous quellesconditions ces deux évolutions peuvent se renforcer.

ENRON ET LES DEUX VITESSESL a fameuse affaire Enron a montré le fonctionnement decette course de vitesses. D’un côté, il y a certes eu de « l’ima-gination » débridée de la part des responsables de l’entrepriseéponyme, de l’autre le comportement des auditeurs a été, luiaussi, assez problématique. Ainsi, i l y a trois ans, ArthurAndersen LLP était condamnée pour entrave à la justice dufait de la destruction de documents. Mais, le 1er juin 2005, la /...

La rationalité de la conformité consiste à définir, structurer

et vérifier des pratiques, de façon à infléchir les comporte-

ments des salariés, à tous les niveaux, et donc à réduire le

risque potentiel de l’entreprise.

J E A N - P A U L B E T B È Z E

CHEF ÉCONOMISTE , D IRECTEUR DES ÉTUDES ÉCONOMIQUES ,CRÉDIT AGRICOLE S .A .

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“ Je tâcherai d ’al l iertoujours, dans cetterecherche, ce que ledroit permet avec ceque l ’ intérêt prescri t ,af in que la just ice etl ’ut i l i té ne se trouventpoint divisées.”Jean-Jacques Rousseau

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/... Cour Suprême blanchit la société : elle estime en effet que lejury populaire a reçu des instructions trop vagues. Entretemps, Arthur Andersen a disparu, sur les 28 000 associés ducabinet, 200 demeurent... pour régler les conséquences deslitiges d’Enron et de WorldCom. Plus significative encore, laloi Sarbanes-Oxley a renforcé les coûts d’élaboration et desuivi des comptes, tandis que le juge Eliot Spitzer faisaittrembler nombre de compagnies en les frappant à la bourse,c’est-à-dire en faisant baisser leurs cours, sous la menace deses interventions et de ses enquêtes.

Depuis ces crises, des corrections ont certes eu lieu, mais lesproblèmes persistent. Le premier consiste à demander tou-jours aux entreprises cotées des comptes trimestriels, et le plusrapidement possible, avec toujours plus de garanties, sachantque les groupes grandissent, grossissent et se complexifient,tandis que le système comptable lui-même change et se com-plexifie. En même temps, les class actions continuent de sedérouler, notamment dans la finance où les « poches » sontjugées plus profondes (deep pocket).Devant l’augmentation des coûts et des risques, les compa-gnies américaines s’inquiètent et des compagnies non améri-caines songent à ne plus se faire lister à New York. Des ana-lystes(1) se demandent aussi dans quelle mesure l’inquiétudediffusée par les événements passés ne serait pas à l’origine, aumoins en partie, de la désépargne américaine. Plus profondé-ment, on peut se demander si de nouveaux risques systé-miques ne peuvent pas naître à l’occasion de la mise en caused’un des « big four », de ces quatre grands cabinets (Pricewate-rhouse Coopers, KPMG, Ernst & Young, Deloitte & Touche)à la suite d’une erreur, toujours possible, dans un dossierdonné, erreur montée ensuite en épingle. Ainsi, il n’est pasimpossible de noter, à ce stade :• que la finance est de plus en plus soucieuse de certification,pour mener à bien ses affaires et réduire son risque ;• mais que ce risque se trouve en partie transféré chez celuiqui doit le réduire !Le couple finance/certification conduit ainsi à un double mou-vement de réduction et de transfert du risque. Ce double mou-vement est inévitable et, en quelque sorte, indispensable. Resteà savoir si le risque global de système est lui-même réduit.

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(1) Perrine Kaltwasser et Jacques Mistral.

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La rat ional i té de la ConformitéJ E A N - P A U L B E T B È Z E

LA CONFORMITÉ, ENTRE ORGANISATIONET COMPORTEMENTC ’est pour cette raison qu’i l faut, aujourd’hui, gérer cedouble risque, notamment dans la partie interne de l’entre-prise. La rationalité de la conformité consiste à définir, struc-turer et vérifier des pratiques, de façon à infléchir les compor-tements des salariés, à tous les niveaux, et donc à réduire lerisque potentiel de l’entreprise. La compliance se situe en effetdu côté de l’amont institutionnel, des « choses à faire », despapiers à demander, des questions à poser. Elle est dans l’uni-vers du pré requis et des procédures.Bien sûr, on peut toujours critiquer les lourdeurs et les coûtsde ces méthodes, que l’on comparera parfois au « risque ». Enréalité, c’est faire là un mauvais procès. Certes, les mesuressont lourdes, mais c’est à la hauteur des enjeux. Et il n’est paspossible, ex ante , de mesurer la séquence des effets d’undéfaut de compliance. Encore moins quand il s’agit de l’imagede l’entreprise. On peut donc toujours déplorer les coûts,mais en réalité on ne connaît jamais le risque en jeu. Plusencore, la démarche de la compliance , quand elle est biencomprise et intégrée, voit son coût diminuer et aide auxchoix. Il y a, en ce domaine, un important learning by doingqui conduit à de nouveaux réflexes, à de nouvelles attitudes.La compliance n’est pas seulement une façon de réduire la pro-babilité et/ou le coût du risque, elle est aussi la façon d’adop-ter des comportements plus sûrs et plus efficaces.Précisons ici que, par « comportements plus sûrs », on n’en-tend pas plus frileux ou, comme on le dit en théorie, plusrisk-averse . Car le risque est une catégorie hétérogène. I linclut ainsi les risques proprement commerciaux, ceux quidoivent être victorieusement concurrencés, et les risques pro-céduriers. Ces derniers sont de « mauvais risques », en ce sensqu’i ls peuvent être largement évités. I ls sont de nature àaccroître les « bons risques » commerciaux. Être moins vigi-lant, moins précis, moins méthodique, c’est donc s’exposeraux « mauvais risques », c’est donc prendre le risque de voirune part de tout un travail gâchée.

LA COMPLIANCE EST-ELLE FRANÇAISE ?S i l’on décrit la compliance comme le fait de suivre les règleset les procédures, donc d’être constamment méthodique, cecisuppose un certain niveau d’obéissance, qui n’est pas nécessai-rement dans les gènes français. Le routinier, le constant, lerégulier ne sont pas dans le profil psychologique des porteursde la furia francesa. Et pourtant, dans l’industrie, il y a biendes procès de production et ils sont de plus en plus com- /...

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/... plexes. Pourquoi ne les trouverait-on pas dans les services ?Pourquoi ne faudrait-il pas suivre, de manière régulière etméthodique, les informations, les procédures, les points cri-tiques ? Et pourquoi ne pas mettre dans ces domaines desmoyens, avec de la reconnaissance financière, comme on lefait dans d’autres activités ? Pourquoi ne pas comprendre quec’est le veilleur qui permet de mieux prendre des risques, etqu’il n’est donc pas là pour les empêcher ?En même temps, il faut accroître le niveau de la compliance,en en faisant un accompagnement à haut niveau technique. Ils’agit en effet de gérer des procédures de manière aussi sûreque possible, ce qui implique de relier entre elles les activités.La compliance demande à entrer dans un workflow d’activités,dans un repérage des plus complexes et potentiellement pro-blématiques. Elle est donc un soutien à la gestion, car elleconsolide la qualité de l’organisation technique et de la sur-veillance des différents salariés.Au total, la rationalité la plus simple de la conformité estdéfensive. Il s’agit d’éviter la faute, l’erreur, le risque tech-nique, avec leurs conséquences. Mais, assez vite, le processusse déplace dans le suivi de l’organisation, dans l’appréciationex ante des procédures, dans la formation des esprits. Larationalité consiste alors à réduire la probabilité d’occurrencede risques prévisibles, pour aller vers une organisation plussûre, avec des signaux adéquats. Il ne s’agit plus simplementde se protéger, il s’agit plutôt de segmenter les activités, lesprocédures, pour mieux les suivre et donc pouvoir les étendre,tout en repérant leurs points de fragilité.

LES ENJEUX DE SARBANES-OXLEYL es conséquences de l’affaire Enron ont été violentes auxÉtats-Unis, et pas seulement dans le contexte américain. Ils’est ainsi agi d’ajouter des règles sur les formes d’audit, avecun organisme de supervision de ces firmes (Public CompanyAccounting Oversight Board, PCAOB) et des procédures extrê-mement complexes d’audit interne. Les standards représententainsi des dizaines de pages, des doubles vérif ications (ouplus), des surcoûts très élevés. En même temps, la loi Sar-banes-Oxley comporte un texte à compétences extra-territo-riales. Pour protéger l’investisseur américain hors des États-Unis, il s’agirait ainsi de vérifier ce qui est fait dans les firmesd’audit étrangères.Pour éviter une tension majeure dans les États-Unis et l’Eu-rope, le principe d’une règle variable (s l iding scale) a étéaccepté, qui fait que plus le contrôle local est rigoureux etindépendant, moins le PCAOB s’impliquera directement,

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La rat ional i té de la ConformitéJ E A N - P A U L B E T B È Z E

s’appuyant sur son homologue étranger. Mais on mesure àquel point ceci est asymétrique, dépendant du jugement duPCAOB en dernière instance, et donc mobile. « L’échellevariable » l’est doublement.Dans un te l contexte , tout ce qui renforce les contrôlesinternes des entreprises va dans le bon sens. C’est d’abordcelui de la solidité et de l’efficacité des entreprises bancaireset financières ; c’est celui de leur renforcement par rapport àleurs propres contrôles externes ; c ’es t donc ce lui d ’unemeilleure position par rapport au marché ; c’est enfin la parti-cipation à la consolidation des entreprises européennes enEurope, et au-delà. N’oublions pas qu’aucune croissance exté-rieure ne peut éviter les États-Unis. Bien sûr, tout ceci estlent et lourd, complexe et indirect. La compliance n’a pas lafuria des OPA, le panache des raids ou des défenses. Mais rienn’est possible sans elle, sans cet héroïsme du quotidien. C’estnotre meilleure base pour continuer, se renforcer, s’étendre.

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Petit abécédairehistorique de la Conformité

A comme ABS (abus de bien social)Le dé l i t d ’abus de b ien soc ia l e s t né en France dans l econtexte agité des années 1930 et de l’affaire Stavisky : ledirecteur du Crédit municipal de Bayonne (établissementfondé en 1931 par Alexandre Stavisky sous une fausse iden-tité) avait émis pour plus de 200 millions de francs de bonsgagés sur de faux dépôts, avec la complicité du député-mairelocal. Le produit de ces émissions était allé principalementdans les poches du séduisant et brillant escroc Stavisky, per-sonnalité du Tout-Paris.Lorsque l’affaire éclata en janvier 1934, Stavisky était en fuitevers la Suisse ; localisé et cerné à Chamonix, il fut retrouvémort dans un chalet, ce qui fut le point de départ du scan-dale, car on soupçonna la police d’avoir reçu des ordres pourle « suicider » et éviter des révélations. On découvrit que despoursuites étaient engagées depuis longtemps contre Staviskymais que les procès avaient été reportés 19 fois par le procu-reur du tribunal de la Seine, qui n’était autre que le gendredu ministre de la Justice Chautemps. /...

L’histoire de la conformité embrasse et mêle des questions

très variées : elle reste à faire dans sa globalité et ses pro-

blématiques sont à élaborer. Les lignes qui suivent ne préten-

dent pas à autre chose qu’à un butinage historique à travers

concepts, pratiques et déviances qui sont au cœur de cette

fonction.

R O G E R N O U G A R E T

RESPONSABLE DES ARCHIVES H ISTORIQUES , CRÉDIT AGRICOLE S .A .

(1) Discours sur la première décade de Tite Live, 18.

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“ De même que lesbonnes mœurs, pourse conserver, ontbesoin des lois , les lois ,pour être observées,ont besoin des bonnesmœurs”Nicolas Machiavel(1)

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/... Une virulente campagne antiparlementariste d’extrême droite,largement teintée d’antisémitisme, se déchaîna alors et ouvritla voie à une crise majeure de la III e République avec lesémeutes du 6 février 1934. C’est après cette affaire et d’autres, comme la faillite Oustric,que parut un décret-loi du 8 août 1935 dont un article répri-mait le délit d’usage abusif des biens d’une société anonyme.La jurisprudence et de nouvelles dispositions légales (notam-ment la loi de 1966 sur les sociétés anonymes) ont ensuiteessayé de mieux définir la notion d’abus de bien social etd’intérêt social, notion suspecte d’insécurité juridique auxyeux de nombreux juristes, car trop soumise à la subjectivitédes juges. Avant le décret de 1935, et notamment depuis unarrêt du 2 août 1845 de la chambre criminelle de la Cour decassation, c’est par le délit d’abus de confiance figurant dansle code pénal que l’on réprimait l’abus de bien social.Du point de vue bancaire, l’affaire Stavisky avait été possible carl’escroc n’avait jamais été condamné : il échappait donc aux dis-positions de la loi du 19 juin 1930 interdisant aux personnesfaillies ou ayant fait l’objet de certaines condamnations de faireprofession de banquier. Les scandales ou tout simplement lesfaillites de banques créées sans formalités et sans vraies garantiesprovoquèrent de nombreux débats dans les années 1930 pourune meilleure réglementation de la profession bancaire ; finale-ment, cette réglementation bancaire, qui comportait notammentl’inscription des banques sur une liste officielle, fut mise enplace sur une base corporatiste en juin 1941, avant d’être amen-dée par la loi du 2 décembre 1945 qui donnait au Conseil natio-nal du crédit le pouvoir d’inscrire ou de radier les établissementsde la liste des banques. L’ensemble de ces dispositions a été revupar la loi bancaire de 1984, puis élargi dans le cadre de la loi demodernisation des activités financières du 2 juillet 1996.

F comme FidesFides est le nom que Crédit Agricole SA a donné à son pro-gramme renforcé de conformité, en plaçant son action sous les i gne de l a con f i ance . En e f f e t , en l a t in , f i d e s s i gn i f i econfiance, bonne foi, fidélité à la parole donnée. Les Latinsopposaient la bona fides à la fides punica, la foi des Carthagi-nois, réputés être fourbes. Mais, plus profondément, dans lePanthéon latin, la Fides publica, la Foi publique, personnifiela fidélité contractuelle : c’est une divinité qui a son sanc-tuaire sur le Capitole, sous les portiques duquel on bat mon-naie. On y consigne certains biens précieux et dépôts : « rienn’était plus sûr ni plus sacré que ces dépôts placés sous la Foipublique », rapporte Tite-Live.

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Pet i t abécédaire his tor ique de la ConformitéR O G E R N O U G A R E T

Le concept de foi publique retrouve quelque vigueur dansl’Histoire de France quand il s’agit de dénoncer la gestioncalamiteuse de la dette publique, notamment au Siècle desLumières. La Révolution, très férue de références à l’Anti-quité, fait de la Foi publique un devoir fondamental de laNation, mais on sait ce qu’il advint de la gestion des financespubliques pendant cette période et les assignats n’ont pas peucontribué, après la faillite du système de Law sous la Régence,à la décrédibilisation auprès des Français de la monnaie et dubillet de banque. C’est la Restauration, chargée de liquider lesdettes de l’Empire, qui remet la Foi publique en vigueur enl’incarnant dans une institution créée en 1816, la Caisse desDépôts et Consignations ; le comte Corvetto, juriste italiennour r i d e cu l tu r e an t ique e t min i s t r e de s F inance s deLouis XVIII, s’attaque avec efficacité à la liquidation de ladette française en faisant voter une loi créant une caissed’amortissement. D’un autre côté, pour éviter que les gouver-nements ne confondent leur caisse avec les dépôts volontaireset judiciaires, la loi prévoit la création d’une caisse des dépôtset consignations, placée sous l’invocation de la foi publique etsous l’autorité législative. Cette construction, toujours envigueur, est l’une des plus tangibles représentations finan-cières de la fides(2).

I comme Initié (délit d’)La tradition veut que le premier délit d’initié ait été l’œuvredes Rothschild qui, informés avant tout le monde de la vic-toire de Wellington à Waterloo, auraient immédiatemententrepris à Londres une spéculation importante et juteuse surla dette anglaise. On retrouve encore cette légende sous laplume de profess ionnels tra i tant de la quest ion du dél i td’initié(3). Or, de délit d’initié à Waterloo il n’y eut point :d’une part, parce que le fait de spéculer sur la foi d’informa-tions privilégiées n’était pas alors considéré comme un délit(il faut donc se garder des anachronismes), d’autre part, parceque la nouvelle de l’issue de la bataille de Waterloo n’était pasà proprement parler une information privilégiée, le champ debataille étant, si l’on ose dire, public. Nathan Rothschild dis-posait simplement d’un meilleur système d’information etava i t u t i l i s é de s cour r i e r s p lus r ap ides que ceux de s e sconfrères ou du gouvernement anglais. Il avait informé immé-diatement le Premier ministre anglais, qui refusa de le croire /...

(2) Voir Caisse des dépôts et consignations, 1816-1986, Paris, CDC, 1988, p. 4-14.(3) Voir par exemple Fabrice Dion et Corinne Thiérache, « Une introduction audélit d’initié », dans Rapport moral sur l’argent dans le monde, 1994, Paris, Asso-ciation d’économie financière/éditions PAU, 1994, p. 82-85.

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/... avant d’avoir la confirmation de cette nouvelle 24 heures plustard par ses propres informateurs. Entre temps, Nathan Roth-schild avait acheté des bonds anglais au Stock Exchange et lesrevendit après que la nouvelle largement répandue de la vic-toire anglaise eut provoqué leur hausse(4). Si elle lui procuraun bénéfice confortable, cette opération n’eut pas les propor-tions que la légende lui prêta et que démentent les statistiquesdu Stock Exchange (5). Sur de nombreuses autres opérationsbancaires, généralement sur la gestion des dettes publiques,les Rothschild, comme tous les banquiers de leur époque, onttravaillé sur la foi d’informations privilégiées car ils étaient lesauxiliaires et confidents irremplaçables de gouvernementsimpécunieux et parce que le consensus social et public toléraitces pratiques. En France, la recherche du « tuyau » chez lesbours icoteurs demeura longtemps un sport nat ional ; demême, il était encore admis à la fin du XIXe siècle qu’un diri-geant de banque prît à titre personnel une participation dansun emprunt d’État en même temps que l’établissement ban-caire ou le syndicat bancaire qui était le sien. Henri Germain,le fondateur du Crédit Lyonnais, n’agissait pas autrement,qu’il s’agît alors d’émissions de titres ou d’opérations immo-bilières : sa réputation de droiture était pourtant établie et sesinterventions à l’Assemblée nationale sur la saine gestion desfinances publiques étaient redoutées(6). Lorsqu’il existe une« murail le de Chine » à l ’époque, c’est, comme au CréditLyonnais, entre le service des Etudes financières et les dépar-tements opérationnels, afin que les avis des ingénieurs desEtudes soient totalement indépendants, dans le but de per-mettre aux dirigeants de prendre leurs décisions en touteconnaissance de cause.Le sent iment que l e s opérat ions d ’ in i t i é s nui sa ient à l aconfiance dans le système financier se développait toutefois surcertaines places financières ou, à tout le moins, faisait débat,puisque la Cour suprême des États-Unis sanctionna dès 1909une forme de délit d’initié(7). C’est encore aux États-Unis, en1934, que les premières dispositions légales contenues dans leSecurities Exchange Act ont défini le délit d’initié (insider tra-ding), d’une manière encore restrictive puisqu’il ne concernait

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(4) Bertrand Gille, Histoire de la maison Rothschild, Tome 1 : des origines à 1848,Genève, Droz, 1965, p. 56.(5) Lord Rothschild, The shadow of a great man, Londres, 1982, p. 37-39.(6) Ber t rand de Lafargue , « Henri Germain (1824-1905) : un banquier enpolitique » dans B. Desjardins, M. Lescure, R. Nougaret, A. Plessis, A. Straus, Le Cré-dit lyonnais, 1863-1986. Etudes historiques, Genève, Droz, 2003, p. 33-60.(7) Thomas C. Newkirk, Melissa A. Robertson, Insider Trading - a US Perspective,dans 16th International Symposium on Economic Crime, Jesus College, Cambridge,1998.

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Pet i t abécédaire his tor ique de la ConformitéR O G E R N O U G A R E T

que les administrateurs, dirigeants ou gros actionnaires. EnEurope, la France est le premier pays à avoir inscrit le délitd’initié dans sa législation, avec la loi 70-1208 du 20 décembre1970, venant préciser l’ordonnance 67-833 de 1967, laquelleavait pour objet à la fois l’institution d’une Commission desopérations de bourse et l’information des porteurs de valeursmobilières. S’i l reconnaît avoir été inspiré par la SEC, leministre des Finances d’alors, Michel Debré, indique que letrouble suscité à la Bourse par les conditions de la fusion entrePechiney et Ugine-Kuhlmann fut un des faits déclencheurs de lacréation de la COB. Mais Michel Debré n’introduisit le délitd’initié dans la législation qu’en 1970, par prudence, car la miseen place de la COB était déjà selon lui un exploit(8). Ces dispo-sitions légales furent régulièrement mises à jour et complétéespar la suite, notamment en transcrivant la directive européennedu 13 novembre 1989. La lente élaboration de cette directive,commencée en 1976, traduit la difficulté d’accorder des tradi-tions différentes, la Grande-Bretagne réprimant par exemple cedélit (insider dealing) depuis 1980. D’autres grands pays commel’Italie et l’Allemagne, dont les traditions acceptaient davantageles opérations d’initiés, ne se dotèrent que tardivement de légis-lations anti-initiés, respectivement en 1991 et 1993.

P comme Panama et Presse Le scandale de Panama est le scandale financier le plus reten-tissant de la IIIe République : il a mis en exergue un grandnombre de conduites répréhensibles ou délictueuses, notam-ment en matière de rapports des entreprises avec la presse, leshommes politiques, les banques ou les actionnaires(9).Rappelons brièvement les faits : à la tête de la Compagnieuniverselle du canal interocéanique, Ferdinand de Lessepsentreprit à partir de 1879 des travaux considérables d’uncanal à niveaux à Panama, contre l’avis de techniciens. Il levaauprès de petits épargnants des fonds importants, mais insuf-fisants et engloutis à perte, avant de se résigner à faire appel àEiffel pour construire un canal à écluses. Pour séduire desépargnants rendus méfiants à partir de 1885, il imagina delancer un emprunt obligataire à lots mais dut pour cela enpasser par le vote d’une loi, qui eut lieu en 1888, malgré unrapport d’ingénieur défavorable. Pour facil iter le vote, la /...

(8) Laure Quennouëlle-Corre, La direction du Trésor, 1947-1967. L’État-banquier etla croissance, Paris, CHEFF, 2000, p. 521. Michel Debré, Trois Républiques pourune France - Mémoires ; tome 4, Gouverner autrement, 1962-1970, Paris, AlbinMichel, 1993, p. 109.(9) Sur l’affaire de Panama en général, voir Jean-Yves Mollier, Le scandale dePanama, Paris, Fayard, 1991.

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/... Compagnie avait acheté les voix de quelques parlementaires,« les chéquards », la plupart ayant résisté à cet appel malgrédes campagnes de presse à la gloire de la Compagnie. Celle-cifut liquidée un an après le vote de la loi, lésant ou ruinant85 000 souscripteurs. L’affaire fut plus ou moins étouffée jus-qu’en 1892, où Edouard Drumont fit des révélations dans sonjournal antisémite « La libre parole », dénonçant la Compa-gnie, les parlementaires et les corrupteurs, dont le baronJacques de Reinach. Celui-ci crut pouvoir apaiser Drumonten lui donnant une liste de « chéquards », et intimider ainsi legouvernement, mais la machine était lancée : lâché de toutesparts, Reinach fut retrouvé mort, s’étant probablement sui-cidé, tandis que d’autres intermédiaires s’enfuyaient à l’étran-ger, tel Cornélius Herz, qui livra de Londres une liste dedéputés compromis. Malgré la mise en place d’une commis-sion parlementaire, il n’y eut qu’une condamnation visant leministre des Travaux publics Baïhaut, qui, seul, avait eu lanaïveté ou l ’honnêteté d’avouer. L’affaire eut des consé-quences délétères sur la vie politique française, de nombreuxparlementaires, tel Clemenceau, entamant un long purgatoireé lec tora l à par t i r de 1893. L ’ant ipar lementar i sme, dé jàréveillé par le boulangisme, se développa tandis que l’antisé-mitisme allait se déchaîner peu après avec l’affaire Dreyfus.L’épargne française, échaudée par les grands financements deprojets et par l’Amérique, se tourna vers les emprunts d’État,notamment vers l’Est... et les emprunts russes.Par delà le scandale politique et parlementaire, qui mobilisal’attention de l’opinion, l’affaire de Panama pose la questiondes rapports des entreprises avec la presse. 12 à 13 millions defrancs (entre 40 et 44 millions d’euros 2005) furent utiliséspour obtenir le soutien des journalistes. La presse reçut égale-ment des parts de fondateurs mais « cette pratique ne consti-tuait nullement une transgression des normes du moment » (10).Par ailleurs, il existait alors une presse de chantage, tel leComic Finance, qui, contre remise de sommes d’argent, arrêtaitla publication d’articles diffamatoires : l’achat par les établisse-ments financiers d’articles favorables dans d’autres feuillesfinancières était alors conçu comme un contre-feu par les ban-quiers, limités dans leurs capacités de poursuite par la loi de1881 sur la liberté de la presse(11). Au bout du compte, plus quela vénalité de la presse, c’est l ’aveuglement d’une opinion

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(10) Jean-Yves Mollier, op. cit., p. 122.(11) Voir notamment Patrick Eveno, L’argent de la presse française des années1820 à nos jours, Paris, CTHS, 2003, p. 60, et Hubert Bonin, L’argent en Francedepuis 1880, Paris, Masson, 1989, p. 241-242.

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nationaliste – et un brin antiaméricaine –, flattée par le prestigede l’opération, que pointent aujourd’hui les historiens(12).Enfin, à côté du grand scandale politique, l’historien JeanBouvier a souligné le scandale bancaire et financier(13), les éta-blissements bancaires étant suspects d’avoir retiré des béné-fices exorbitants et sans rapport avec les risques encourus,puis d’avoir lâché la Compagnie, ce qui n’est pas sans rappelerdes critiques contemporaines à l’égard d’un autre grand finan-cement de projet, le Tunnel sous la Manche. Cette thèse n’estplus reprise aujourd’hui par les historiens, qui estiment qu’ense référant aux normes de rémunération du risque dans lapériode considérée, et en considération de l’ouverture réelledu marché financier, le taux de prélèvement des banquesappliqué à la Compagnie (6 %) n’avait rien d’anormal(14).

S comme SpéculationLa spéculation n’a pas bonne presse et l’opinion, à laquelle se joi-gnent parfois les hommes d’État, est prompte à dénoncer l’enri-chissement facile, notamment en périodes de secousses écono-miques. Les économistes ont pourtant vanté les vertus de laspéculation ; « force régulatrice » pour l’économiste Leroy-Baulieu,elle a trouvé avec le socialiste Proudhon, auteur d’un Manuel duspéculateur à la Bourse, son plus lyrique défenseur : « la spécula-tion est, à proprement parler, le génie de la découverte. C’est elle quiinvente, qui innove, qui pourvoit, qui résout, qui, semblable à l’Es-prit infini, crée de rien toutes choses. »(15) Les excès de l’agiotage – lamanipulation du marché –, qu’il a fallu définir par rapport à laspéculation, ont nui ainsi pendant très longtemps à l’organisationdes marchés à terme, en France et dans d’autres pays.En France, après l’écroulement du système de Law, un arrêtdu Conseil d’État du 24 septembre 1724 établit la Bourse deParis en un lieu unique, rend l’intermédiation des agents dechange obligatoire mais interdit le marché à terme, même àcouvert, pour éviter les ventes simulées. La répétition d’ar-rêts, notamment en 1785, 1786 et 1787, indique que l’agio-tage continue malgré les interdits royaux : une ouverture estfaite pour les marchés à terme à couvert mais la vente àdécouvert est proscrite et le roi essaye toujours de faire cesser /...

(12) Patrick Eveno, op. cit., p. 69.(13) Jean Bouvier, Les deux scandales de Panama, Paris, Julliard, 1964.(14) J. Y. Mollier, op. cit., p. 159-161 ou Hubert Bonin, « Les banques et la fraude :un risque permanent (1850-1950) » dans Gérard Béaur, Hubert Bonin & ClaireLemercier (dir.), Fraude, contrebande et contrefaçon, de l’Antiquité à nos jours,Genève, Droz, 2006.(15) Cité dans Frédéric-François Marsal, Encyclopédie de banque et de bourse,Paris, Crété, 1931, t. V, p. 19. Voir aussi le Nouveau dictionnaire d’économie poli-tique de Léon Say et Joseph Chailley, Paris, Guillaumin et Cie, 1891.

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/... des opérations qui consistent « à tendre des pièges à la foipublique en vendant ce qu’on n’a pas, ce qu’on ne peut paslivrer, ce qui même n’existe pas ». La Révolution montre unecertaine continuité, à l’exception d’une période de fermeturecomplète de la Bourse entre 1793 et 1795. Un règlement du6 floréal an III (25 avril 1795) qui prononce l’ouverture d’unmarché légal , interdit toujours la vente à découvert : lecontrevenant est passible de prison et de « l ’exposition enp u b l i c a v e c é c r i t e a u s u r l a p o i t r i n e p o r t a n t l e m o tAGIOTEUR ». Le marché à terme à couvert est interdit peuaprès mais, malgré toutes ces interdictions, il ne cesse d’êtrepratiqué. Le code de commerce (1807) est muet sur les mar-chés à terme mais le code civil (1804), avec l’exception dejeu, fait courir un risque en permettant d’entraver éventuelle-ment l’exécution d’une opération si elle est assimilée à un jeuou à un pari (16). Grâce à des parères (avis constatant unusage) des grands banquiers de la place qui exposent en 1824et 1842 l’intérêt des marchés à terme pour le pays et le com-merce en général, la jurisprudence est plutôt favorable, maisel le reste indécise, jusqu’à ce qu’une loi du 8 avri l 1885vienne enfin légaliser tous les marchés à terme. Le krach del ’Union générale, intervenu en 1882, aurait pu accroîtrel ’aversion pour les marchés spéculatifs mais i l eut l ’effetcontraire : c’est pour protéger les marchés des nombreusesexceptions de jeu invoquées par des spéculateurs de mauvaisefoi au lendemain du krach pour se soustraire à leurs obliga-tions, que fut mis en route le chantier de la loi de 1885.

V comme ValeursLes codes et chartes de déontologie mis en place dans les éta-blissements bancaires ne seraient rien s’ils ne pouvaient s’ap-puyer sur des systèmes de valeurs professionnelles, plus oumoins explicites, héritées de traditions propres aux établisse-ments et guidant le comportement des collaborateurs. Dans leGroupe Crédit Agricole par exemple, la charte de déontologieadoptée en 2003 regroupe l’ensemble des codes de déontolo-gie des entités du groupe et combine les principes historiqueset fondateurs du mutualisme et de la coopération avec ceuxdu marché dans lequel le groupe est progressivement entré,par extension de compétences ou par acquisition d’établisse-ments d’origines différentes.Par les écrits et débats auxquels el les ont donné l ieu, lesvaleurs mutualistes sont clairement connues : les banques

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(16) Art . 1965 : « La loi n’accorde aucune action pour une dette du jeu ou pour lepaiement d’un pari. »

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mutualistes françaises se sont inspirées des expériences alle-mandes des années 1850 théorisées par Schulze-Delitzsch(1808-1885) et Raiffeisen (1818-1888). Libéral et refusant leconcours de l ’État , part i san d’une économie d’entra ide,Schulze-Delitzsch souhaitait toutefois rémunérer le capital– pour l’attirer –, et rémunérer les administrateurs en com-pensat ion d’une gest ion r igoureuse . Le modèle Schulze-Delitzsch convenant davantage à l’artisanat et au commerce,Reiffeisen l’adapte au monde rural en refusant la rémunéra-tion du capital et en imposant le bénévolat. C’est via l’Italie,où ces modèles allemands ont fait école, que le mutualismebancaire s’est diffusé en France à la fin du XIXe siècle, sous desformes d’organisation variées mais avec un même socle devaleurs(17) :• la responsabilité par la participation à la gestion, et l’égalitédémocratique, en vertu du principe « un homme, une voix » ; • la solidarité et la réciprocité (le sens même du mot mutuel) ;• la proximité, fondée sur la décentralisation, et l’esprit deservice.Les créateurs de banques mutual istes en France omirenttoute fo i s d ’ ins i s t e r sur une va l eur -c l é de l a banque , l erisque, ce qui provoqua d’énormes difficultés – et de nom-breuses fa i l l i tes – dans l ’entre-deux-guerres , dues à uneconjoncture économique difficile et à une faible profession-nalisation des hommes. Chaque « famille » mutualiste réglaà sa manière la question : le Crédit agricole « officiel » puts’appuyer sur l’Office national de Crédit agricole, établisse-ment public créé en 1920 et devenu Caisse nationale en1926, pour instiller une meilleure culture du risque et dili-genter les contrôles nécessaires. Avec la progressive banali-sation des activités bancaires du monde mutualiste françaisdans le dernier quart du xxe siècle, avec la pression grandis-sante du marché e t des log iques bours iè re s , l e s va leursmutualistes ont paru menacées et sans avenir ; elles ont pré-cisément retrouvé un avenir grâce à des pratiques de gou-vernance en avance sur leur temps et parce qu’elles s’accor-dent bien avec les notions de développement durable et det r a i t ement équ i t ab l e de s consommateur s auxque l l e s l asociété aspire, le cours de bourse devenant désormais le jugede paix de la bonne gestion.Dans le domaine de la banque commerciale, il est plus diffi-cile de trouver des codes de conduite formalisés avant la findu xxe siècle : l ’historien peut donc se réjouir de voir les /...

(17) Voir André Gueslin, Les origines du Crédit agricole (1840-1914), Nancy,Presses universitaires de Nancy, 1978.

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/... quatre principes de fonctionnement du Crédit Lyonnais énon-cés par son président, le baron Georges Brincard, gendred’Henri Germain, à l ’occas ion du 75 e anniversa ire de labanque en 1938 :

• « liquidité parfaite ;

• division et modération des engagements ;

• droiture absolue dans tous les actes de gestion ;

• esprit de gain totalement subordonné à la volonté de main-tenir au plus haut degré le crédit et la réputation moralede la Maison »(18).

Ces principes à la fois économiques et moraux – où l’on notetoutefois l’absence du client – étaient partagés par ce qu’onappelait alors les grands établissements de crédit. Ils n’enrendent que plus criants les errements, 50 ans plus tard, dessuccesseurs du baron Brincard, qui opéraient pourtant sous latutelle de l’État.

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(18) Archives historiques Groupe Crédit agricole SA, BR HCL 5.

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Exigence de conformitédans la banque de détail

A lors que certaines affaires reviennent sur le devant de lascène, la commercialisation des produits financiers fait l’objetd’un rapport récent. Commandé le 6 avril 2005 par ThierryBreton, le ministre de l’Economie et des Finances, à JacquesDelmas-Marsalet, membre du Collège de l’Autorité des mar-chés financiers, il fait pour la première fois un état des lieuxdes pratiques de l’ensemble du secteur financier (banques,assureurs...). Mais surtout, il préconise un certain nombre demesures qui vont dans le sens de l’intérêt des épargnants.Avec un objectif central : leur permettre de faire des choixéclairés en matière de placements financiers. Explications avecJacques Delmas-Marsalet.

INTRODUCTIONPourquoi s’intéresser aujourd’hui à la commercialisation desproduits financiers ?Pour deux raisons au moins. Tout d’abord parce que l’évolu-t i on de s s y s t ème s f i n anc i e r s e t d e s d i f f é r en t e s f o rme s /...

Les produits financiers doivent faire l’objet d’une campagne

ciblée pour des catégories de clientèle bien déterminées. La

segmentat ion do i t d ’a i l l eurs ê t re m ise en œuvre à tout

niveau : sur la clientèle mais aussi sur les conseillers. Cela

permettra de définir le type de produits que l’on peut offrir à

chaque segment de clientèle, de manière à ce que la forma-

tion et la compétence de chaque conseiller-vendeur soient

adaptées à l a gamme des produ i ts qu ’ i l es t au tor i sé à

vendre. Voilà l’idée force.

I N T E R V I E W D E J A C Q U E S D E L M A S - M A R S A L E T *

MEMBRE DU COLLÈGE DE L ’AUTORITÉ DES MARCHÉS F INANCIERS

* L’article est initialement paru dans le numéro de MIEUX VIVRE VOTRE ARGENTde janvier 2006.

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“ La loi en général estla raison humaineen tant qu’el le gouvernetous les peuplesde la Terre”Charles de Montesquieu

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/... d’épargne se t radui t par un t rans fer t c ro i s sant , ver s l e sménages, des risques et de la responsabilité du choix de leursplacements. Prenons l’exemple de l’assurance vie : les contratsen unités de compte, dans lesquels l ’épargnant assume lerisque, occupent ainsi une place de plus en plus importantepar rapport aux contrats en euros qui, eux, sont couverts parl’assureur. Ensuite, ce rapport a pour objet de prévenir lerisque de ventes inadaptées de produits financiers. La « mauvaise vente » de produits financiers se limite-elle auxplacements affichant un risque de perte en capital ?Absolument pas ! Elle concerne toute forme de vente inadap-tée à la situation financière, à l’objectif d’investissement, àl’horizon de placement ou au profil de risque de l’épargnant.Voilà les quatre grandes variantes à prendre en compte pourdéterminer quels types de produits d ’épargne of f r i r auxclients. Lorsqu’on propose un plan d’épargne en actions – quin’a tout son intérêt que s’il est gardé au moins cinq, sinonhuit ans – à un particulier exprimant des besoins de liquiditésdans un avenir proche, il y a vente inadaptée. Il en va demême, mais en sens inverse, lorsqu’on propose un produitsécurisé mais de faible rendement à un épargnant prêt àprendre des risques pour obtenir un rendement élevé.

L’ÉTAT ACTUEL DES MODES DE DISTRIBUTIONL’évolution des systèmes financiers est marquée par une sépa-ration entre, d’un côté, les producteurs et, de l’autre côté, lesdistributeurs. Les premiers bâtissent des nouveaux produitsrépondant à l’attente du marché et les seconds ont pour mis-sion de les vendre. Le conseil n’est-il pas le grand perdant decette nouvelle organisation ? Je ne suis pas tout à fait d’accord avec cette analyse. L’évolu-tion dans les conditions plus ou moins favorables du conseilest plus liée, à mon avis, au développement de la multibanca-risation qu’au développement du marché. Lorsque les épar-gnants se contentaient d’un seul fournisseur bancaire, d’uneseule banque, l’établissement avait assez facilement une visionglobale de la situation et du patrimoine du client, préalablenécessaire pour donner un bon conseil. Les épargnants disper-sant désormais leurs avoirs dans plusieurs banques, l’exerciceest plus difficile. On ne peut donner un bon conseil que si ona une vue globale. C’est une difficulté objective.Que p en s e z - vou s donc du p r in c ip e d e « l ’ a r ch i t e c tu r eouverte », cette approche permettant à un conseiller de vendredes produits de différentes banques ?L’architecture ouverte es t parfa i tement compat ible avecl’exercice d’un bon conseil dans la mesure où elle vous permet

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Exigence de conformité dans la banque de détai lJ A C Q U E S D E L M A S - M A R S A L E T

de vous adresser, non pas à un réseau bancaire ou à une com-pagnie d’assurances, mais à un conseiller en investissementf inanc ier . Ce dernier peut p lus fac i l ement prendre uneconnaissance globale du client pour lui donner un bon conseilen allocation d’actifs et ensuite chercher, parmi les produc-teurs avec lequel il collabore, des produits adaptés.Mais les grands réseaux sont aujourd’hui dans une purelogique de distribution...Le fait est, qu’aujourd’hui encore, la commercialisation desproduits financiers est dominée par les réseaux intégrés pro-posant des produits maison. Ainsi, 82 % des fonds d’investis-sement et 62 % des contrats d’assurance vie sont vendus parles réseaux bancaires intégrés, contre 5 % pour les fonds d’in-vestissement et 10 % pour les contrats d’assurance vie com-mercialisés par les distributeurs indépendants...

LA MULTIPLICATIONDES NOUVEAUTES EN QUESTIONRevenons sur l’actualité des derniers mois. Vous êtes critiquesur le lancement du Perp dans votre rapport. Globalement, netrouvez-vous pas que l’on a tendance à créer des produits dèsque l’on rencontre un problème plutôt que de développer ceuxque l’on a déjà à sa disposition ? Ne faudrait-il pas faire unembargo sur les nouveautés ?Certes, il y a trop de produits et l’épargnant finit par s’yperdre. Les gammes doivent être plus simples. Mais attention,il ne faut pas donner un coup d’arrêt à l’innovation finan-cière. À ce titre, le rapport préconise que les produits les plusinnovants – souvent aussi les plus complexes et les plus ris-qués – soient, au moins dans un premier temps, réservés à uneclientèle d’investisseurs qualifiés. C’est-à-dire à des institu-tionnels, des particuliers disposant d’un portefeuille de plusde 500 000 euros et réalisant au moins dix opérations signifi-catives par trimestre ou ayant une expérience professionnelled’un an dans le secteur financier. En mettant bout à bout cesintervenants, je suis sûr que l’on couvre une part largementprépondérante du marché. Les lancements incessants de nouveautés contribuent toutefoislargement au développement des ventes. Une campagne de pro-motion, une motivation des réseaux et l’on collecte facilement...Il faut éviter ces pratiques. Les produits financiers doiventfaire l’objet d’une campagne ciblée pour des catégories declientèle bien déterminées. La segmentation doit d’ailleursêtre mise en œuvre à tout niveau : sur la clientèle mais aussisur les conseillers. Cela permettra de définir le type de pro-duits que l’on peut offrir à chaque segment de clientèle, de /...

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/... manière à ce que la formation et la compétence de chaqueconseiller-vendeur soient adaptées à la gamme des produitsqu’il est autorisé à vendre. Voilà l’idée force.Pour en revenir aux nouveautés, je ne suis pas opposé à l’idéeque l ’on expérimente certa ins produits pour les di f fuserensuite au grand public. Ce que je ne veux pas, c’est que legrand public serve de cobaye. Enfin, il faut veiller à ce que lechoix des produits proposés soit dicté par l’intérêt du client,e t non pa r l e n i veau de s r émunéra t ions pe rçue s pa r l econseiller-vendeur.Faut-il limiter le problème de la commercialisation à la seuleanalyse des produits financiers ?Absolument pas, une allocation d’actif adaptée au profil del’épargnant est essentielle ! Sur ce point, le rapport préconiseque soient fait les plus gros progrès au sein des réseaux ban-caires. La prestation de conseil doit reposer sur un diagnosticdu client et une proposition d’allocation d’actifs. Le choix desproduits ne doit intervenir qu’ensuite.

RÉHABILITER LE CONSEILPeut-on avoir un bon conseil sans le payer ?Avant de se poser le problème du financement, il faut se poserla question de savoir comment l’on peut étendre la prestationde conseil à des catégories de clientèle plus larges que la clien-tèle patrimoniale gérée en gestion privée. Le rapport proposele développement d’outils d’aide au conseil mis à dispositiondes conseillers. De quoi s’agit-il ? D’un questionnaire typepermettant de faire le diagnostic du client et des préconisa-tions d’allocation d’actifs avec des produits adaptés en fonc-tion des réponses. Tout cela implique que l’on dote les postesde travail des conseillers-vendeurs de logiciels assez simples dediagnostic et de préconisation : i ls existent déjà sous desformes plus sophistiquées au niveau de la gestion patrimonialeet de la gestion privée. On répondra alors à deux préoccupa-tions. Premièrement, on introduira une certaine forme d’in-dustrialisation de la prestation : une catégorie plus large declientèle pourra bénéficier à un coût qui ne sera pas prohibitifd’une prestation de qualité. Deuxièmement, on sécurisera leconseiller-vendeur : sa préconisation ne sera plus seulement lasienne, mais, dans une large mesure, celle de l’établissementemployeur qui l’aura doté de ces outils.La question du coût reste entière...À l’heure actuelle, la couverture du conseil se fait par desrétrocessions sur les droits d’entrée ou sur les frais de gestionprélevés sur l’encours. Ce second mode, dominant aujour-d’hui sur le marché, a l’avantage de moins pousser à la vente à

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Exigence de conformité dans la banque de détai lJ A C Q U E S D E L M A S - M A R S A L E T

tout prix. Ce système de rémunération n’est toutefois pasidéal, car il rémunère le conseil lorsque celui-ci aboutit à unevente. Or, il y a des cas dans lesquels le bon conseil peut êtrede ne pas souscrire de produit. Exemple : si vous avez de l’ar-gent disponible et que vous êtes endetté à un taux nettementsupérieur au rapport de vos placements, mieux vaut alors rem-bourser qu’investir. En l’état actuel des choses, si l’on donnece conseil, on n’est pas du tout rémunéré. Donc, on ne ledonne pas ! Le rapport avance l’idée de favoriser la rémunéra-tion du conseil en tant que tel par voie d’honoraires perçussur le client. Si le conseil débouche sur une vente, elle seraitdéductible des droits de souscription des produits vendus. Defaçon à éviter une double rémunération. Pour être acceptédans l’Hexagone où les clients des banques sont très réfrac-taires à la tarification de ce service en tant que tel, cetterémunération devrait être modeste. Elle pourrait être limitéeau coût réel du temps passé par le conseiller-vendeur.

UNE INFORMATION À AMELIORERParlons de l’information sur les produits. Sur les fonds d’in-vestissement, vous avez appuyé l’expérimentation d’un pros-pectus à format libre plus pratique et plus clair que les pros-pectus simplifiés remis d’ordinaire à la souscription. N’est-ilpas paradoxal de faire plus simple pour informer mieux ?L’important, c’est de hiérarchiser les informations. Les infor-mations clés, indispensables à l’épargnant pour prendre sadécision d’investissement en toute connaissance de cause, doi-vent être mises en avant de façon très apparente. Et puis, il ya d’autres informations contenues dans le prospectus simplifiédéfini par la Directive européenne qui ne sont utiles que parla suite pendant la durée de vie du produit ou du contrat.Nous avons autorisé l’expérience du prospectus à format librepour permettre aux commerciaux des sociétés de gestion dehiérarchiser les informations.N’y a-t-il pas non plus un problème de culture et de décalageentre les professionnels et le grand public ? Votre rapport pré-conise, dans les informations importantes à communiquer auxsouscripteurs d’une assurance vie, d’indiquer si le contrat estindividuel ou collectif. Pensez-vous que parmi les millions deFrançais détenant au moins un contrat, beaucoup savent ouconnaissent les conséquences de cette caractéristique ?Vous avez raison de dire qu’il y a un aspect pédagogique àdévelopper. Concernant le problème que vous soulevez surl’assurance vie, je pense que les épargnants n’ont pas suffisam-ment conscience de la grande différence entre un contratindividuel et un contrat collectif. Un contrat individuel ne /...

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/... peut être modifié en cours de vie qu’avec l’accord exprès del’assuré alors qu’un contrat collectif peut être modifié parsimple accord entre l’assureur et l’association souscriptrice. Il est donc important que les intéressés soient informés, dès ledépart, de la nature individuelle ou collective du contrat. Leproblème est de savoir s i on le fait individuel lement surchaque document d’ information ou s i on développe uneaction pédagogique collective. Je crois qu’il faut combiner lesdeux. On ne pourra pas tout indiquer dans le prospectus sim-plif ié ou dans les notes d’information sauf à les alourdirconsidérablement. Pour autant, il est assez facile de mention-ner la nature d’un contrat et ce qu’il en résulte.Au rang des informations clés, vous préconisez aussi la duréeminimale de placement recommandée...J ’y attache personnellement une très grande importance.Selon nos statistiques, le ratio rendement-risque des place-ments, notamment des placements en actions, est d’autantplus favorable que la durée de détention est longue. Faisonsici un peu de pédagogie, quitte à aller à l’encontre de la ten-dance naturelle du marché. On se focalise trop sur la liquiditédes placements. Regardez, par exemple, la publicité que l’onfait sur les contrats d’assurance vie. Vous verrez que l’on metl’accent sur la disponibilité à tout moment de l’épargne, cequi est un demi-mensonge puisque l’on ne peut disposer del’argent avant huit ans sans acquitter des pénalités au moinsfiscales. N’ayons pas peur de le dire : pour être intéressants,certains produits doivent être conservés assez longtemps.

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La fonction conformitéen France

D e nouvelles dispositions en matière de contrôle internesont entrées en vigueur le 1er janvier 2006, qui ont pour objetd’offrir aux établissements bancaires et financiers français uncadre réglementaire, en ligne avec les exigences internatio-nales, pour une meilleure maîtrise du risque de non-confor-mité. Ce cadre s’inscrit dans la démarche générale de renfor-cement du contrôle interne qui vise à mieux maîtriser lesrisques encourus par le système bancaire et financier, y com-pris dans leurs aspects qualitatifs.L’actualité internationale a montré l’importance des risquesqualitatifs pour l’activité des établissements financiers. Lesouci d’une prévention plus systématique et proche des réali-tés opérationnelles doit donc également trouver à s’appliquerdans ces domaines. Non seulement le risque de non-confor-mité s’est accru en raison de la multiplication des techniqueset des réglementations que les entreprises assujetties doiventmaîtriser, mais encore, le contexte national et internationalest devenu nettement plus exigeant dans tous les domainesrelatifs à la conformité et à la réputation. Dans ces condi-tions, un renforcement de la vigilance en matière de contrôlede la conformité des opérations est indispensable. Il devaitpasser par le vecteur réglementaire pour, à la fois assurer sonuniversalité, mais aussi lui conférer toute la solennité néces-saire à une bonne perception des risques encourus à ce titre.On permet ainsi aux établissements français de répondre auxexigences croissantes des autorités nationales et étrangères et, /...

La fonction conformité participe de la clarification des diffé-

rentes fonctions de contrôle interne apportée par la modifi-

cation du règlement n° 97-02. A cet égard, il faut bien perce-

voir que le contrôle interne est à la fois un concept et un

métier. Et l’un ne recoupe pas l’autre.

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SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ADJOINT DE LA COMMISS ION BANCAIRE

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“L’observation des lois ,la conservationde la l iberté et l ’amourde la patrie , sontles sources fécondesde toutes grandes choseset de toutes bel lesact ions”Denis Diderot

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/... d’une façon générale, à une attente forte de la société en cequi concerne la rigueur et le professionnalisme des établisse-ments de crédit et des entreprises d’investissement.Au niveau international, la version révisée des Principes degouvernement d’entreprise de l’OCDE approuvée en avril2004 invite « les gouvernements et les instances chargées de laréglementation à offrir aux institutions financières et aux entre-prises de leurs pays un cadre réglementaire de qualité propre àencourager l’adoption de pratiques exemplaires ». Par ailleurs, denombreuses instances internationales, parmi lesquelles figurele Comité de Bâle, qui a publié des recommandations en cedomaine en avril 2005, s’attachent à établir les dispositifs quiassurent la conformité aux règles et normes professionnelles.La poursuite du développement international des établisse-ments financiers français et le maintien de la réputation de laplace financière de Paris ont donc appelé l’adoption de dispo-sitions qui complètent les règles antérieures, pour qu’ellesrépondent entièrement aux nouveaux développements desstandards internationalement reconnus et confortent ainsi labonne réputation du système bancaire et financier français.Les compléments introduits dans le règlement n° 97-02 relatifau contrôle interne par l’arrêté du 31 mars 2005 visent ainsi àaccompagner en le formalisant le renforcement, déjà entreprispar plusieurs établissements, de leur dispositif de veille et decontrôle de la conformité et à en assurer sa pleine reconnais-sance nationale et internationale.

Cinq orientations principales se dégagent de ces nouvelles dis-positions, autour de l’axe central visant à renforcer et à assu-rer une structuration visible de cette fonction au sein des éta-blissements. • La première est de consacrer une déf init ion large de laconformité. En France, les questions déontologiques relativesen particulier aux opérations sur instruments financiers et lalutte contre le blanchiment des capitaux ont donné lieu à l’or-ganisat ion de dispos i t i f s spéci f iques , b ien ident i f iés , decontrôle. De fait, ces domaines ont une grande importance,déterminante pour la réputation des établissements bancaireset financiers. Pourtant, la conformité est une notion beau-coup plus large et englobante, puisqu’elle recouvre toutes lesnormes internes et externes applicables aux activités finan-cières et bancaires, y compris par exemple celles relatives à lacommercialisation des produits à la clientèle, sujet qui vientde faire l’objet d’un rapport présenté par M. Jacques Delmas-Marsalet.• La deuxième est de réaffirmer qu’une fonction de conformité,

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pour être efficace, doit être organisée de manière très structurée,presque industrielle. Cela veut dire qu’il doit y avoir, dès lorsque la tail le le permet – ce qui est notamment le cas desgrands groupes – des spécialistes dans la fonction de confor-mité, des spécialistes au niveau central, des spécialistes dansles métiers et des spécialistes dans les régions. Que ce métierexiste en tant que tel, au carrefour de beaucoup d’expertises :juridiques, comptables, f iscales, éthiques, réglementaires,entre autres. Il demande des outils d’analyse a priori , desoutils de contrôle permanent et, pour cela, il faut disposerd’équipes totalement dédiées non seulement aux échelonslocaux, mais également centraux, dont ce soit le métier à partentière. La fonction centrale doit à cet égard jouer un rôled’impulsion, d’homogénéisation, d’harmonisation, de cohé-rence, qui soit réel et effectif, ce qui demande, en termesquantitatifs, des effectifs minimaux, en particulier pour lesgroupes les plus importants. Lorsque la taille de l’établisse-ment est plus modeste, la fonction de conformité peut êtreconfondue avec la fonction de contrôle interne, telle qu’elleest définie dans le texte réglementaire actuel, voire avec lesfonctions équivalentes résultant de la réglementation AMFpour ce qui relève des opérations de négociation ou d’inter-médiation sur instruments financiers, les « opérations bour-sières » en quelque sorte.• La troisième orientation est d’assurer un passage obligatoirepar la conformité : toute opération nouvelle ou tout change-ment significatif dans une opération nouvelle doit donnerlieu, ex ante, à un avis de conformité. Il ne s’agit aucunementde placer la fonction de conformité en position de décidermais qu’elle soit toujours en mesure d’exprimer systématique-ment, par écrit, son avis, la décision étant prise par les éche-lons décisionnels, lesquels sont variables, selon la taille desopérations (pour les plus importantes d’entre elles, ce sont lesdirigeants ou – pour utiliser la terminologie de la réglementa-t ion bancaire – l ’organe exécutif) . C’est un objecti f trèsimportant en terme de prévention, et qui relève de la concep-tion du contrôle permanent, lequel, pour être efficace, doitêtre plus préventif que correctif.• La quatrième orientation, c’est de faire en sorte que la fonc-tion de conformité soit une fonction active. Il ne s’agit pasuniquement d’inscrire dans un organigramme une fonction deconformité. Il s’agit qu’elle irradie l’ensemble de l’entreprise.Pour cela, il faut que la culture de la conformité soit partagéepar l’ensemble des acteurs de l’entreprise. Depuis les diri-geants jusqu’aux personnes qui ont des rôles beaucoup plusmodestes au sein de la banque, le souci de la conformité doit /...

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/... être présent, comme cela a déjà été le cas dans la perceptiondes nécessités de la lutte contre le blanchiment des capitaux etle financement du terrorisme.Il faut faire de même, de façon plus générale, pour l’ensemblede la fonction de conformité. Ce qui veut dire qu’il faut queles dirigeants, et notamment l’organe exécutif, soient impli-qués, qu’ils partagent cette vision des choses, qu’ils diffusentce message, qu’i l y ait une formation et une informationactives au sein de l’ensemble de l’entreprise. Ce n’est pas l’af-faire de quelques spécialistes, c’est l’ensemble de l’entreprisequi doit participer.Naturellement, certains acteurs seront, très légitimement,davantage intéressés par d’autres priorités ou auront des prio-rités concurrentes. Mais il faut au moins qu’ils aient la percep-tion de l’existence et de l’importance de ce sujet, que c’est l’undes angles sous lesquels ils doivent analyser les opérations.À cet effet, la fonction de conformité doit disposer d’outils.En termes de cartographie des risques : où la fonction deconformité doit-elle être développée en priorité, dans quelmétier, dans quelle zone géographique ? Construire des outilssur les risques de conformité majeurs ne va pas nécessaire-ment de soi : par exemple, s’assurer que, partout dans ungroupe, on respecte la réglementation sur les titres aux États-Unis est en soi déjà un défi technologique qui n’est pas négli-geable, puisqu’il faut remonter à des niveaux d’actionnariatindirect assez complexes. Il faut s’assurer aussi, au travers decontrôles choisis, permanents, que la préoccupation de laconformité dans les opérations courantes est effective.Les dispositions du règlement n° 97-02 prévoient égalementdans ce domaine que les entreprises organisent la faculté,pour leurs salariés, de faire part à un responsable de la confor-mité de leurs interrogations vis-à-vis d’une opération, sansprévoir un devoir d’alerte tourné vers des autorités ou ins-tances extér ieures à l ’entreprise . L’objet de cette facultéd’alerte est donc d’améliorer, par la participation de tous, laprévention des risques auxquels l’entreprise est confrontée, enrenforçant un dispositif de dialogue interne dans un domainelimité aux règles propres aux activités bancaires et financières.C’est bien, à la différence d’autres systèmes étrangers, unefaculté d’interrogation, de dialogue, en tant que de besoin,d’alerte sur une question ou un éventuel dysfonctionnementde conformité, et non pas un devoir d’alerte. Ce qui veut direque chaque agent employé doit pouvoir demander à dialo-guer , se lon un mode qui sera déterminé par l e s normesinternes à l ’entreprise, avec un chargé de conformité qui,pour les questions les plus usuelles, se situera au niveau local

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et qui jugera si le sujet est pertinent ou pas et s’il convient ounon d’intervenir. Ces dispositions, d’ordre règlementaire, nesont d’ailleurs pas exclusives, dans tel ou tel groupe, de lamise en place de processus de signalement obligatoire des dys-fonctionnements par les salariés à leurs supérieurs hiérar-chiques, indépendamment de la faculté d’alerte qui subsisteen tout état de cause.• Enfin, dernière orientation structurante, garantir l’indépen-dance de la fonction conformité . L’indépendance impliquenotamment que les spécialistes exclusifs de la fonction deconformité ne doivent pas exercer d’autres fonctions – c’estd’ailleurs une des normes que le Comité de Bâle a généraliséesen matière de conformité – et qu’ils doivent jouir d’une indé-pendance qui se matérialise également, selon un mode à déter-miner au sein de l’entreprise, par un processus d’attributiond’avancement ou un mode de rémunération ne pouvant natu-rellement pas être lié aux résultats ou aux performances del’entreprise, comme pour tout contrôleur interne, semble-t-il.

La fonction conformité participe de la clarification des diffé-rentes fonctions de contrôle interne apportée par la modifica-tion du règlement n° 97-02. À cet égard, il faut bien perce-voir que le contrôle interne, c’est à la fois un concept et unmétier. Et l’un ne recoupe pas l’autre.D’une part, c’est un concept, c’est-à-dire que tout le monde ausein de l’entreprise, à un échelon ou à un autre, joue un rôle enmatière de contrôle interne, y compris les agents tout à faitopérationnels. Cela commence par celui qui va apposer ladouble signature dans le cadre d’un processus hiérarchique, oupar le supérieur hiérarchique qui va viser une note ou un projetque lui transmet un collaborateur. Ce concept général decontrôle interne que tous les responsables s’approprient au seinde l’entreprise, doit être présent à l’esprit de chacun : assurer lasécurité et veiller à la qualité et à la sécurité des opérations.D’autre part, il y a la nécessité d’avoir des spécialistes encontrôle interne. Des spécialistes internes qui sont des contrô-leurs internes permanents, des responsables de la conformité, etdes responsables d’audit. Et le règlement n° 97-02 précise queces spécialistes doivent être eux-mêmes indépendants les unsdes autres. Il y a clairement une séparation entre les contrô-leurs internes permanents exclusifs – qui ne sont donc pas lesopérationnels qui, par ailleurs, dans le cadre de l’ensemble deleurs tâches, font du contrôle interne – et l’inspection générale– ou l’audit interne comme on la dénomme souvent.Ainsi, relèvent de la fonction de contrôle interne permanent,les fonctions de conformité incluant les fonctions de lutte /...

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/... contre le blanchiment et de financement du terrorisme –comprenant une cellule spécialisée, si le besoin en apparaît,au sein de la banque –, les fonctions de contrôle des risquesde marché permanent, de contrôle des engagements de créditet de contrôle des risques opérationnels qui forment un pre-mier niveau en matière de spécialistes de contrôle interne,d’une part, et les fonctions d’inspection générale, d’autrepart.Pour les établissements d’une certaine taille, il n’y a donc plusun responsable unique, au sein de l’entreprise, mais des res-ponsables des différents pans du contrôle interne, sous l’égidedes dir igeants qui assurent la détermination effect ive del’orientation de l’activité, au sens de l’article L.511-13 duCode monétaire et financier, puisque ce sont eux qui, en défi-nitive, sont garants de la gestion saine et prudente des établis-sements bancaires et financiers.Dans le cadre de ces orientations, il convient de souligner lagrande latitude d’organisation offerte aux établissements parles nouvelles dispositions. Ces dernières avancent des prin-cipes généraux conformes aux standards internationaux maissans en dicter les modalités précises de mise en œuvre au seinde l’organisation interne des établissements.Le but recherché est que la mise en œuvre de la fonctionconformité en France soit bien adaptée aux situations très dif-férentes des établissements assujettis et, en particulier, qu’ellesoit bien adaptée et proportionnée aux risques encourus. Celarelève bien entendu aussi de la responsabilité des dirigeants del’établissement, toute l’ambition de ce renforcement de lafonction conformité étant de fournir aux établissements unoutil essentiel pour la gestion, toujours plus complexe, desrisques inhérents aux activités bancaires et financières.Le règlement prévoit, par exemple, la possibilité d’externalisa-tion des tâches d’exécution de contrôle interne, y compriscelles relatives à la conformité, lorsque les caractéristiques del’activité ou des circonstances particulières le justifient. Eneffet, si le contrôle interne gagne à être exercé au sein dugroupe ou de l’entreprise assujettie lorsque celle-ci disposed’une taille importante, le recours à des prestataires externespour l’exécution de ces missions peut répondre à un besoinpropre aux entreprises de taille modeste en matière de techni-cité ou de facilité de gestion. Pas de dogmatisme organisa-tionnel donc dans le texte réglementaire, mais un objectifd’efficacité, qui impose le pragmatisme, à la condition deveiller, par une supervision externe active des situations indi-viduelles, à ce qu’il soit fait un usage raisonnable, adapté à lataille et au profil de risques de l’établissement concerné, decette liberté.

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À l’heure où de plus en plus d’opérations sont externalisées,en France et à l’étranger, à des sous-traitants, la nouvellerég lementat ion bancai re prévoi t auss i que l ’ ex igence deconformité ne disparaît pas lorsqu’une opération est sous-trai-tée. Tout au contraire, les établissements de crédit et lesentreprises d’investissement (c’est-à-dire notamment les inter-médiaires en opérations boursières) doivent et peuvent, à l’ap-pui de ce règlement, veiller à ce que leurs sous-traitants res-pectent des obl igat ions de qual i té , de cont inui té , e t deconformité.

Au total, la nouvelle réglementation sur la conformité vacontribuer à façonner l’organisation interne des établisse-ments financiers, notamment des plus importants d’entre eux.Ceux-ci seront ainsi les mieux à même de répondre à l’attentecroissante, dans toutes les places financières majeures, d’unrespect scrupuleux des obligations légales et même, à certainségards, des impératifs éthiques qui s’imposent à eux.Les établissements de crédit et les entreprises d’investissementpartagent cette conception et ces objectifs même si, bien sûr,des progrès restent à accomplir ici ou là. En témoigne lecaractère très constructif de la concertation de près d’uneannée qui a précédé l’élaboration des dispositions réglemen-taires finales. L’illustrent également les recrutements massifsde responsables de la conformité ou de contrôleurs internesqui sont intervenus au cours des deux dernières années ,comme les réorganisations internes auxquelles de nombreuxétats-majors ont déjà procédé. En répondant présente, la placebancaire française, qui est aussi largement internationale dufait de la considérable diversité géographique de ses ramifica-tions étrangères, confirme qu’elle sait percevoir les enjeux dedemain et qu’elle entend s’y préparer de façon active.

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“Developing Supervision andStrengthening Its Capacity”

T he single, most dominant theme of my remarks, is thatsupervision needs to ensure not only that the financial orga-nizations we supervise are operating in a safe and sound man-ner in the immediate term, but that the firms are well equip-ped to continue to do so over time. The focus cannot just beon the “here and now”, but on a longer time horizon as well.This may well differentiate the supervisor’s perspective fromthat of the general marketplace. While the market must alsobe focused on the future, not just the present, i t clearlyplaces a much heavier premium on immediate financial per-formance than do we as supervisors. As I will discuss, withmore forward-looking disclosures, some of this timing diffe-rence in perspective may narrow.Another theme that will be clear from my remarks-one thatties in closely and underpins the first-is that banking supervi-sion can and should evolve in response to the improving riskmanagement and control architecture of supervised firms.How we do our jobs depends in significant part on how thefirms we supervise operate.A corollary to that theme is that the evolution of bank supervi-sion will necessitate changes in the training, development andexpectations for examiners and other supervisory personnel.Let me turn now to how the supervisory process is evolvingand strengthening-both in terms of the supervision of indivi-dual firms and in terms of the overall approach to the super-visory process.For the individual firm, it is logical to begin with an assess- /...

Remarks at the 19th Annual Conference of the Group of

Banking Supervisors from Central and Eastern Europe, Przno,

Montenegro, April 6, 2006.

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EXECUTIVE V ICE PRES IDENT IN CHARGE OF THE BANK SUPERVIS IONGROUP AT THE FEDERAL RESERVE BANK OF NEW YORK

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“ The people’sgood isthe highest law.”Cicero

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/... ment of current condition through an analysis of point-in-time financials. We need to make sure that the banking orga-nization has strength in its current balance sheet, with well-performing loans, a healthy investment portfolio, appropriatereserves, good liquidity on both the asset side and the liabi-lity side, and a capital base that is fully sufficient to supportits risk taking. As supervisors we need to have examiners whoare well-trained and experienced in making all of these assess-ments of current financials.With the time horizon I focused on upfront, the supervisorsof course cannot stop with that snapshot of current conditionas we have to ensure not just the quality of immediate-termfinancials but also the prospects of the firm maintaining thatfavorable position over time. Part of the analysis is to have aforward-looking perspective on the financials that we see.How vulnerable is the balance sheet to changing circum-stances? Is the loan portfolio heavily concentrated by indus-try or geographic region in a way that could make it morelikely that a limited economic downturn would have majoradverse effects? Is the banking organization heavily reliant oncross-border exposures that absent effective hedging couldexpose the firm to inordinate foreign exchange risk? Trainingand developing examiners who are able to make these kindsof forward-looking assessments is a material next step in theevolution of the supervisory process.As I see it though, an even bigger step involves moving fromthe analysis of financials to the assessment of the quality ofthe management and managerial processes of the firm. Simplyextrapolating the current financial positions of the firm for-ward in the face of changing economic circumstances doesnot do justice to a typical bank’s management. A bank withgood management obviously will look to adjust its strategiesand exposures to changing external developments. Increasin-gly, in fact, a well- managed firm plans for those possibleshifts by systematically exploring potential vulnerabilitiesthrough the development of some times very sophisticatedscenario analyses, in which management evaluates its businessand exposures against the possible stresses that could develop.I will come back to this later in my remarks.Setting and adjusting the strategic direction, and managingand controlling risks, is first and foremost the responsibilityof the banking organization itself. The largest banking orga-nizations, which face the challenge of managing expansive,diverse and complex organizations, have made major shifts inhow they look to maximize risk-adjusted profits and mini-mize associated risks.

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Developing Supervi s ion and S trengthening I t s Capaci tyW I L L I A M L . R U T L E D G E

To accomplish these objectives, well-run organizations havedevoted a great deal of attention to establishing strong corpo-rate governance systems-systems with effective and indepen-dent boards of directors, strong senior management directionand overs ight , and sophis t ica ted sys tems of checks andbalances to ensure that risks are understood and controlled.These firms have established extensive risk management sys-tems, bringing together expertise in each of credit risk, mar-ket risk, liquidity risk, operational risk, and legal and reputa-tional risk management. They have staffed and empoweredk e y c o n t r o l f u n c t i o n s l i k e i n t e r n a l a u d i t , l e g a l a n dcompliance.While primary responsibility for a banking organization’s safeand sound operation lies with the firm itself, we as banksupervisors play a key role by critically reviewing bank opera-tions and encouraging the development of the necessary riskmanagement and control processes.Before getting into more detail as to what this means for thesupervision of the individual firm, let me back up a step andsay a few words about our broad philosophy of supervisoryapproach-beginning with the core question of how we shouldlook to achieve the ultimate objectives of supervision.An obvious key objective is to ensure the long-run strength ofthe banking industry, but does that lead us to inevitablyconclude that supervisors should aim to ensure that banks donot fail? We do not believe that. Not only is that ambitiousobjective a nearly impossible task, but it is not an optimalapproach to supervision. In a market economy, failures andlosses are part of risk-taking. And risk-taking is a necessaryfeature of a dynamic market-based economy.Accordingly, a key goal of supervision should be to encourageinnovation and calculated risk-taking by banks, while ensu-ring that these processes are managed in such a way as to pro-mote safety and soundness. That is the fundamental balan-cing act of bank supervision. The Basel Committee elegantlyaddressed this basic tension in its core principles for banksupervis ion, by recogniz ing a dist inct trade-off betweensupervisory protection and the cost of financial intermedia-tion. A supervisory process that is too intrusive can hinderoptimal asset allocation and stifle business innovation. Super-visors should of course always be adequately prepared to dealwith problem situations as they arise-including dealing withfailures in a way that minimizes disruptive effects.How do supervisors look to strike this balance? How has oursupervisory process evolved to meet the challenges posed bythe structural developments and business shifts in the ban- /...

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/... king sector? Supervisory techniques that may have been ade-quate 20 years ago are clearly unable to meet the supervisoryobjectives for today’s larger, more complex banks.Broadly speaking, we have made our process more dynamic ini t s o r i e n t a t i o n - d e v e l o p i n g m o r e f l e x i b l e s u p e r v i s o r yapproaches that are geared specifically to the risks of eachparticular bank. A checklist approach to undertaking a stan-dardized review of each bank can have value in some circum-stances in terms of promoting consistency-and we use avariant of i t in supervis ing small banking organizations.However, if firms have evolved with widely differing businessstrategies and managerial approaches, that type of supervisoryfocus will not work.Similarly, as I indicated in broad terms a moment ago, wenow have much more focus on the integrity of the risk mana-gement and internal control processes of the individual firm,rather than simply on the validation of its current financials.For example, our focus is much more on the quality and inte-grity of the processes that generate the credit risks, distributethem and manage those to be retained, rather than on thecredits currently on a balance sheet. A critical underpinningof this approach is that the firm has systems with appropriateindependence and control to ensure accurate current assetquality assessment.Another example of our looking to develop a supervisoryapproach that leverages off of strong control processes is howwe focus on the internal audit function. We spend a gooddeal of time critically evaluating the rigor, comprehensivenessand, of course, independence of the internal audit function.When we determine that the internal audit function is asound one, we then are much better able to factor its findingsinto our supervisory plans.Assessment of the internal audit function is therefore a keypiece of the examinations planning process as we design examapproaches suited to the risks specific to each banking orga-nization. Understanding the extent to which internal auditcan be properly leveraged in our work is an important part ofdeveloping the extensive institutional knowledge needed totailor a supervisory program for each individual firm.Another factor in developing inst i tut ional knowledge i scontinuity of supervisory perspective. It is important thatsome of the same people supervise a given organization for areasonable period of time-getting to know and evaluate itsmanagement, its business direction and, most importantly, itsrisk profile. For the largest banks we have dedicated teamsthat follow the bank year-round.

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The increasingly sophisticated nature of banking has also ledus to go a step further in the supervisory development processby embracing the concept of specialization for our examiners.Supervis ing the major banking organizat ions that we dorequires the cultivation of specialists with the skills and expe-rience necessary to fully understand the risks being takenthrough a bank’s complex business lines. Armed with deepand sophisticated understanding, a special ist can ask thetough questions necessary to determine where problems aremost likely to surface. We use specialists in a variety of areas,including, for example, the analysis of various capital marketsactivities. For the major banking organizations in the UnitedStates, solely relying on generalist examiners is no longerappropriate.To emphasize my key theme, this supervisory focus on banks’risk management mechanisms and internal controls allows usto assess not just a bank’s strength today, but the bank’s abi-lity to function well over time.

FOCUS ON RESILIENCEI find that a useful way to capsulize what this longer-termvision should mean both for the supervision of the individualfirm and for our supervisory approach more broadly is tofocus on the concept of resiliency-resiliency in the very broadsense of how well major firms and the system overall can dealwith changing circumstances and external shocks over time.Let me turn to how we are seeking to promote banking orga-nization resiliency in various forms-specifically, strategic resi-lience and innovation; ongoing business resiliency; and tech-nological resiliency.

STRATEGIC RESILIENCEA primary focus of supervisors should be the strategic resi-liency of banking organizations. To ensure a dynamic ban-king system, we need banking organizations to have the stra-tegic flexibility to broadly change their businesses to takeadvantage of competitive opportunities that arise.A bank’s ability to adjust its strategic objectives over time iscritical to maintaining the long-term dynamism of the ban-king system. In the U.S. context, the growth of market-basedfinance drove commercial banks to press for legal and regula-tory changes to allow them to significantly diversify theiractivities. With those changes, banking organizations nowoffer a variety of investment and insurance products, andhave added investment banking and merchant banking func-tions to their array of services.

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Less dramatic shifts occur on a much more continuous basis-offering many opportunities for banks to introduce innova-tive products to satisfy market needs. The growth of deriva-tives is an obvious example. These instruments, used wisely,permit market participants to manage and price risks moreeffectively-a positive development for the broader financialmarket. Meeting their expanding needs to hedge or diversifytheir risks has also contributed to the bottom line profitabi-lity of many banks.However, while encouraging banks to pursue strategic oppor-tunities as they arise, supervisors must ensure that banks fullyunderstand the risks that they are taking and are able to mea-sure and manage those risks appropriately. A key supervisoryfocus in this regard is on assessing the rigor of the firm’s pro-cess for new product approval, particularly for the most com-plex products (such as various derivatives). New productreview should be undertaken by a range of personnel with suf-ficient experience, training and stature to evaluate the full setof risks and potential control problems. Accordingly, banksshould involve not just their business people, but also theirinternal audit, legal and compliance people, and their riskmanagement personnel in the review of possible new pro-ducts. Once introduced, these products must of course besubject to rigorous ongoing monitoring and control processes.

BUSINESS RESILIENCEIn addition to promoting this kind of strategic resilience,supervisors should also seek to ensure a bank’s resiliency on anongoing basis against various financial, economic and otherexternal shocks. Unanticipated interest rate or exchange ratemovements are good examples of such potential shocks. Wehave found that risk models do not always take into account,as fully as they should, market liquidity, or the ability to tradeout of positions in the event of a sudden shock. A major dis-turbance, or a combination of several concurrent disruptiveevents, can seriously affect many banks’ exposures simulta-neously and thus potentially lead to larger systemic effects.

The potential for adverse shocks poses significant challengesfor risk measurement. Widely-used measures of risk, such asvalue-at-risk, are limited in their effectiveness because theytend to reflect potential for loss under generally normal mar-ket conditions over short-term horizons. These models typi-cally do not fully take into account very rare adverse events,in which conditions can rapidly change in a very short periodof time. As we learned all too well with the problems of Long

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Term Capi ta l Management fo l lowing the Rus s i an debtdefault in 1998, there are many ways in which financial dis-ruption in one part of the world can affect major financialcenters worldwide.To ensure a bank’s resiliency against these and other shocks,we are looking to ensure, as I suggested earlier, that banksperform rigorous, ongoing stress testing to assess the impactof unanticipated events.

TECHNOLOGICAL RESILIENCEG iven the importance of technology to bank operations,both internally and between firms, a third supervisory focusis on the long-term technological resiliency of a firm’s opera-tions. Banks are not only subject to risk related to credit andmarket exposures, but also to operational problems whichinevitably occur from time to time. As supervisors, we haveemphasized for some time that individual banking organiza-tions must invest in back-up arrangements to ensure thatprocessing can continue in the event of a technological dis-ruption. The ability of a firm to resume operations quicklyand accurately when its primary processing facilities face dis-ruption is critical not only for the firm itself but, in manycases, for the overall financial system.Technology is, of course, vital to the smooth functioning ofthe payments system. Payments activity today is undertaken bya diminishing number of global financial institutions. Accor-dingly, there are now fewer participants accounting for a largershare of the expanding and increasingly global payments busi-ness. It is important that those banks ensure a level of techno-logical resilience that is commensurate with their importanceto the financial system. We have therefore been requiring forvarious core clearing activities that organizations establish out-of-region back-up arrangements to recognize the kinds of risksthat September 11, 2001 so vividly demonstrated.

MARKET DISCIPLINED isclosure and market discipline complement formal super-vision, and clearly market participants can play an importantrole. In free and open markets, market participants can usetheir investment and credit decisions to reward those firmsthat are performing most effectively. Or more accurately,reward those firms they project will be the most effective per-formers going forward.How market participants make those projections is not alwayseasy to determine. Even in a system with sophisticated analysisby rating agencies and other market practitioners that reco- /...

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/... gnize the inherent strength or weaknesses of particular fran-chises, it seems that the market focuses heavily on short-termmatters- for example , of ten seemingly unduly penal iz ingmodest shortfal ls from quarterly earnings estimates. In afinely-tuned market, a great deal of information has alreadybeen factored into pricing of debt and equity instruments, andwhat tends to move the market is anything that comes acrossas a new development-however unimportant it may ultimatelyprove to be for the long-run performance of the firm.If a major uncertainty arises (such as a major legal issue) or ifquarter-to-quarter adverse trends seem to be developing, themarket can factor a negative judgment in even more strongly-sometimes appropriately, but sometimes exaggerating theimport of the trend or development. The tough thing forsupervisors and the firm is that negative judgments, even notentirely accurate ones, could become self-fulfilling prophecies.As I mentioned earlier, these market reactions can be explai-ned to some extent by the difficulty of projecting firms’ per-formance based on available disclosures. For market disciplineto be a truly effective complement to formal supervision,market participants must be armed with accurate and timelyinformation, not just about current balance sheet and incomestatement elements, but also with information having a lon-ger-term value-such as qualitative and quantitative informa-tion on business strategies, risk profiles, and risk appetite.We have noted some improvements in banks’ disclosures inthese dimensions over the past several years-some of it in res-ponse to new disclosure requirements, some to getting readyfor Pillar 3, but much also in response to the pressures of themarketplace. In addition, as firms have developed their eco-nomic capital methodologies and become confident enough torely on them for various internal purposes, we have beenseeing more public disclosure of such information. We arelooking forward to additional enhancement of banks’ disclo-sures in the coming years.To exploit the potential of market discipline, Pillar 3 of theBasel II Accord emphasizes transparency and disclosure bybanking organizations. Enhanced disclosure of key risk ele-ments and capital by banking organizations should help mar-ket participants develop a better-informed view of a bank’srisk profile. In this way, Pillar 3 provides much-needed mar-ket encouragement of more prudent risk management, andtherefore ties in nicely to the evolving supervisory processthat I have just discussed.Before closing, let me bring in one final element to the pro-cess of ensuring the strength of banking institutions-that is,

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ensuring the strength of the capital supporting each majorbank’s operations. Working together, the three pillars of theBasel II Accord should complement the approach to banksupervision I have described and be an integral part of oursupervisory process going forward. The implementation ofBasel II should result in more resources being applied toimproving bank r isk management pract ices . This shouldresult in banks’ pricing becoming more reflective of risk andin better capital allocation across firms, borrowers and indus-tries. In fact, Basel II has already led financial institutions todeepen and accelerate their efforts to improve the evaluation,quantification and disclosure of risk.This type of approach to regulatory capita l , working inconcert with the kind of supervisory focus I have been descri-bing, will encourage innovation and promote the continuousdevelopment of better risk management tools. That holds thepromise of a more stable banking system, with the potentialfor reductions in systemic risk, and stronger assurance ofcontinued and vigorous circulation of credit over time.

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Les attentes des clientsen matière

de conformité bancaire

L a conformité est une not ion étrangère aux c l ients desbanques, et probablement très éloignée de leurs préoccupa-tions lorsqu’ils vont ouvrir un compte, reçoivent leur relevébancaire, ou cherchent à s’informer sur un produit d’épargne.C’est le plus souvent s’ils rencontrent un problème avec leurbanque qu’ils se frotteront à cette notion, sans d’ailleurs lesavoir, et plutôt en général sous l’angle de la non-conformité...Mais les évolutions en cours dans le domaine de la conformitébancaire, si elles sont ignorées des consommateurs, peuventpourtant avoir une importance significative pour eux, dansleur relation avec leur établissement bancaire.La fonct ion de conformité aujourd’hui créée au se in dechaque établissement bancaire a pour objectif de contrôler lerisque de non-respect des règlementations et des normespropres aux activités bancaires et financières. Et parmi cesrèglementations ou normes, outre celles qui assurent la soli-dité du système bancaire, élément bien entendu essentiel pourles consommateurs, d’autres encore leur sont spécifiquementdestinées. Leur respect, du siège jusqu’à la plus petite agence, /...

La banque de détail et la vente de produits financiers aux

particuliers étant, et restant probablement encore pour long-

temps, une activité centrale et extrêmement porteuse de la

très grande majorité des établissements bancaires, l’établis-

sement d’une relation de confiance, basée sur la transpa-

rence et la f iabil ité, est un élément indispensable pour un

développement de ces activités prenant en considération le

bénéf ice de tous. Dans cet te opt ique, les responsables

conformité sont les alliés objectifs des consommateurs.

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PRÉS IDENTE DE LA CLCV

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“ Agis toujoursde tel le sorteque tu trai tes l ’humanitécomme une f in et jamaissimplement commeun moyen.”Emmanuel Kant

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/... est un élément décisif de la relation de confiance entre un éta-blissement et ses clients.

LE RESPECT DES ENGAGEMENTS ET DELA RÉGLEMENTATION EN MATIÈRED’INFORMATION ET DE CONTRACTUALISATIONPendant de longues années, les relations banques-clients ontfait exception aux règles qui régissent normalement les rap-ports des consommateurs avec leurs prestataires de service. Lefonctionnement et la gestion d’un compte de dépôt reposaitsur une relation presque personnelle entre le détenteur ducompte et son conseiller, et non sur un contrat formaliséfixant dès le départ les règles du jeu, ce qui pouvait par la suitedonner lieu à des contentieux pourtant tout à fait évitables.C’est le développement du consumérisme bancaire qui a enfinamené la profession bancaire à reconsidérer ses pratiques.

Les conventions de compte sont aujourd’hui un moyen inscritdans la loi pour formaliser le contrat entre la banque et sonclient. Leur diffusion systématique à tout nouveau client ainsiqu’à tout client qui le demande, est une obligation ; mais ilest aussi nécessaire que ces conventions soient le reflet d’unerelation équilibrée et loyale entre les deux parties, et qu’à cetitre, elles soient vierges de toute clause qui pourrait êtreconsidérée comme abusive, en particulier au regard du codede la consommation. Une importance particulière doit êtreportée à cette question, qui est un des fondements de la rela-tion de confiance qui doit se bâtir entre un professionnel etson client. Plus que des contrats-type stéréotypés, il faut queces conventions soient un réel outi l de référence pour leconsommateur dans sa relation avec sa banque, et donc pourcela qu’elles soient claires, lisibles, non pas un recueil detextes applicables à tous types de situation, mais dans toute lamesure du possible, un contrat presque personnalisé, adapté àla situation et aux services souscrits par le consommateur.

D’autre part, depuis plusieurs années, nous déplorons à laCLCV le manque d’accessibilité de l’information sur les tarifsbancaires pour les particuliers. Des améliorations ont étéapportées notamment à la suite des évolutions législativesimposant aux banques d’adresser leurs modifications de tariftrois mois avant l’entrée en vigueur de celles-ci, obligationlargement respectée par l’ensemble des établissements. Enrevanche, la présence sur les lieux de vente, pourtant elle aussiprévue par la réglementation, reste beaucoup plus inégale :une récente enquête auprès de 280 agences bancaires à travers

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Les at tentes des c l ients en matière de conformité bancaireR E I N E - C L A U D E M A D E R

la France nous a permis de constater que ces plaquettes tari-faires n’étaient en libre disposition que dans 133 d’entre elles,soit moins de 50%. Or l’accès aux tarifs est pour le consom-mateur un élément essentiel pour faire jouer la concurrence.

De la même façon, les banques ont pris l’engagement d’infor-mer largement les consommateurs qui pourraient être concer-nés de l’existence d’un droit au compte, en prenant en chargeune partie des formalités (recours auprès de la Banque deFrance) en cas de refus d’ouverture d’un compte. Là encore,le rôle des agences est central pour le succès et le respect deces engagements. On sait que, durant de longues années, mal-gré l’existence d’un droit au compte inscrit dans les textes,son utilisation était très limitée, essentiellement en raisond’un défaut d’information des consommateurs, bien souventparce que les agences bancaires elles-mêmes, lorsqu’elles refu-saient l’ouverture d’un compte, n’étaient pas en mesure d’in-former sur la possibilité de ce recours légal.

Il y a donc, sur des sujets tels que ceux-ci, une attente desclients pour que les engagements pris au niveau des sièges etles obligations incombant aux établissements bancaires soientensuite très concrètement mis en œuvre dans les structuresavec lesquelles les consommateurs sont en contact, à savoir lesagences. Et c’est bien évidemment le rôle des responsablesconformité de faire en sorte que soient mises en place les pro-cédures nécessaires pour assurer le respect de ces règles, grâceà l’implication de tout le réseau.

UNE ATTENTE FORTE DANS LE DOMAINEDE L’ÉPARGNE ET DU PLACEMENTL a complexification et la sophistication croissante des pro-duits financiers, le transfert de risque et de responsabilité deplus en plus important vers les particuliers, engendrent desexigences accrues d’information et de conseil de la part desintermédiaires financiers à l’égard de leurs clients. C’est unenjeu majeur pour les consommateurs, dont l’épargne est enjeu, parfois pour des investissements de très long terme,notamment en vue de préparer leur retraite.Mais c’est aussi bien évidemment un enjeu majeur pour lesétablissements bancaires qui commercialisent ces produits, etqui, par une mise en œuvre la plus efficace possible du devoird’information et de conseil, peuvent se prémunir d’un risquejuridique de mise en cause de leur responsabilité, mais égale-ment d’un risque commercial , d’atteinte à leur image demarque. /...

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/... Monsieur Delmas-Marsalet, dans le rapport rendu à l ’au-tomne dernier au ministre de l’Economie et des Finances surla commercialisation des produits financiers, formule un cer-tain nombre de recommandations, dont l’application serait denature à réduire les risques de commercialisation abusive dece type de produits et permettrait de protéger ainsi l’épar-gnant et son banquier, ou assureur. Certaines d’entre ellesretiennent tout particulièrement notre attention :1) L’information donnée au consommateur, tout d’abord, quece soit par le biais des documents publicitaires , premiercontact de l’épargnant avec le produit, ou sur les documentsprécontractuels. Dans les deux cas, bien qu’à des niveaux dif-férents, l’information se doit d’être suffisamment claire pourque le souscripteur potentiel soit informé des caractéristiquesessentielles du produit, et cela sans ambiguïté. En particulier,l’information sur les risques liés au produit ne doit pas êtreévacuée au profit des seuls avantages de celui-ci, ou plusencore, d’une surestimation de ceux-ci. Des affaires récentesont montré que certains établissements financiers n’avaientpas été suffisamment transparents sur les risques liés au pro-duit commercialisé, destiné à un public non averti qui s’estestimé trompé, ou à tout le moins mal informé. De tellessituations, fortement nuisibles pour le client qui subi despertes ou ne récolte pas tout ce qu’il espérait de son place-ment, sont également dommageables pour l’image de marquede la banque concernée, voire de l’ensemble de la profession.Mais même en l’absence d’affaires aussi médiatiques ou depréjudice avéré du client, une information déficiente à l’uneou l’autre des phases de la relation pré-contractuelle est préju-diciable à la relation de confiance entre l’établissement et sonclient et également à une allocation optimale des ressourcesd’épargne, dans l’intérêt des deux parties au contrat. D’oùl’importance d’une implication forte des responsables confor-mité pour le respect des principes nécessaires à une bonneinformation.2) Les pratiques de commercialisation au sein des réseaux,d’autre part. En ce domaine, il apparaît clairement qu’il existeune forte marge d’amélioration dans la plupart des réseaux, etque la mise en place de nouveaux outils, de formations, deprocédures, est indispensable pour permettre aux conseillerscommerciaux de ne proposer que des produits pour lesquelsils sont réellement formés, et d’orienter leurs clients vers lesproduits les plus adaptés à leur situation, par l’analyse deleurs objectifs, de leur profil de risque, de leur situationfinancière. Là encore, le rôle des responsables conformité estparticulièrement important, d’autant plus qu’il s’agit sur cette

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Les at tentes des c l ients en matière de conformité bancaireR E I N E - C L A U D E M A D E R

question de toucher l’ensemble du réseau de distribution.Seule la mise en place de procédures et de formations homo-gènes peuvent permettre de mettre en place les conditionsd’un conseil de qualité en tous points du réseau.

L’implication des services conformité sur ces questions estd’autant plus importante qu’elles relèvent aujourd’hui large-ment de l’application de bonnes pratiques, et demain peut-être de la mise en place de codes de bonne conduite. S’agis-sant de démarches volontaires, il est donc essentiel que desservices tels que ceux de la conformité fassent en sorte quetoutes les branches de l’entreprise soient convaincues de lanécessité de leur mise en œuvre et de leur bonne application.

La banque de détail et la vente de produits financiers aux par-ticuliers étant, et restant probablement encore pour long-temps, une activité centrale et extrêmement porteuse de latrès grande majorité des établissements bancaires, l’établisse-ment d’une relation de confiance, basée sur la transparence etla fiabilité, est un élément indispensable pour un développe-ment de ces activités prenant en considération le bénéfice detous. Dans cette optique, les responsables conformité sont lesalliés objectifs des consommateurs.

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Conformité et juridique

Pendant longtemps, conformité et juridique se sont confon-dus dans la mesure où la première mission des juristes enentreprise a toujours été de vérifier la faisabilité des opéra-tions et leur conformité à la loi avant même de rédiger lescontrats destinés à les concrétiser. Dès 2001, les notes de pro-cédure relatives à la fonction juridique rappelaient cette évi-dence en distinguant précisément le risque contractuel et lerisque judiciaire, autrement dit aujourd’hui, le risque de non-conformité.Avec la présentation du Programme de contrôle renforcé de laConformité à la Commission Bancaire en janvier 2004, Cré-dit Agricole S.A. a choisi d’articuler l’organisation de la fonc-tion globale « Conformité » autour de trois lignes métiers :affaires juridiques, conformité-déontologie et sécurité finan-cière. Cette organisation initiale a cependant quelque peuévolué sous l’influence des dernières modifications du Règle-ment 97.02 et de l’Arrêté du 31 mars 2004. Ce dernier a eneffet introduit le contrôle de conformité en tant qu’élémentdu contrôle interne permanent.On a vu progressivement dans les organigrammes de certainesentités la conformité-déontologie associée à la sécurité finan-cière devenir la « conformité ». On a constaté également desmodifications d’organisation du contrôle interne regroupantcontrôle des risques et contrôle de conformité, mais n’in-cluant pas le contrôle du risque juridique. Faudrait-i l endéduire une évolution du contrôle de conformité devenantpartie intégrante du contrôle interne, le risque de conformitéjuridique au sens de contrôle du risque légal restant alors dansle domaine du risque juridique pur ? /...

Sur le chantier de la conformité, la complémentarité entre les

lignes métiers juridique et conformité apparaît comme une

évidence qui doit conduire non pas à une mise en concur-

rence des intervenants mais au contraire à un véritable tra-

v a i l e n é q u i p e e t à u n e o p t i m i s a t i o n d e s m o y e n s p o u r

construire un édif ice cohérent de maîtrise des risques de

conformité qui n'affecte pas l'efficacité opérationnelle.

J . - M . D A U N I Z E A U

RESPONSABLE DE LA DIRECTION DES AFFAIRES JURIDIQUES, CRÉDIT AGRICOLE S .A .

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“ Vous m’appelezla Loi ,je suis la Liberté.”Alfred de Vigny

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/... Les procédures « Fides » mettant en œuvre le programme decontrôle de la conformité dans le groupe Crédit Agricole S.A.ont été diffusées en juillet 2004 après avoir été approuvéespar la Commission bancaire. Pour la fonction juridique, lesocle fondateur de la ligne métier juridique est la procédureFides 4 « Organisation et fonctionnement des fonctions juri-diques du groupe Crédit Agricole S.A. », progressivementdéclinée dans les entités du groupe.Il est intéressant de s’interroger aujourd’hui, dix-huit moisaprès l’introduction d’un plan renforcé de conformité dans legroupe, sur ce qui a changé, sur ce qui a évolué dans les orga-nisations et leur fonctionnement, sur les questions non réso-lues et les débats ouverts. Les enjeux pour les mois, voire lesannée s à v en i r , f e r on t é g a l emen t l ’ ob j e t d e que lque sréflexions.

QUELS CHANGEMENTSPOUR LA FONCTION JURIDIQUE ?

La maîtrise des risques juridiquesConcernant la fonction juridique, la prise de conscience parles juristes du rôle spécifique qui leur revient dans le contrôledu risque de non-conformité se fait progressivement, notam-ment parce que la conformité juridique est aux juristes ce quela prose était à Monsieur Jourdain. Ils en ont toujours fait...en le sachant, car c’est leur métier.Il y a maintenant quelques dizaines d’années, le juridique,c’était le « contentieux ». Puis, la fonction a revêtu un aspect« notarial » et on entend parfois encore dire : « ce n’est pasjuridique, c’est contractuel » (sic). La fonction s’est en fait pro-gressivement élargie avec le temps et cela fait déjà de longuesannées qu’elle couvre toute la palette des métiers du droit : leconseil juridique interne valide régulièrement désormais lafaisabilité juridique d’une opération et contrôle la documen-tation contractuelle. En cas de litige ou de contentieux, enliaison avec les conseils juridiques externes, il analyse les faitset le droit, définit la stratégie judiciaire, sélectionne les argu-ments pertinents. Rien n’aurait donc changé avec la conformité ?Bien sûr que si ! Jusqu’à présent, s’assimilant à des médecinssaisis de façon aléatoire ou à des pompiers intervenant selonle cas de façon préventive ou curative, les juristes ne se consi-déraient pas comme des gestionnaires de risque. C’est en réa-lité un véritable changement de culture qu’induit la confor-mité. Ce changement se manifeste dans la façon pour lejuriste d’exercer son activité plus que dans le contenu de l’ac-

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Conformité e t jur idiqueJ . - M . D A U N I Z E A U

tivité elle-même. Désormais, il ne s’agira plus seulement derépondre à des questions dans le cadre de dossiers , maisd’avoir une approche managériale consistant à identifier lesrisques juridiques, à les mesurer et à en améliorer la maîtrise. Pour autant, les questions juridiques n’ont pas changé denature, encore que l ’on puisse voir se dess iner certa inesinfluences de l’approche « conformité » sur le droit. Mais lejuriste doit rester un facilitateur de prise de décision et non un« empêcheur de faire », et la multiplication des procédures etdes contrôles a posteriori ne doit pas conduire à de la contre-productivité. Si la fonction juridique doit s’attacher à mainte-nir son rôle de prévention en vue de sécuriser le chiffre d’af-faires de la banque, elle doit aussi apporter une valeur ajoutéecommerciale par le professionnalisme de ses avis et la qualitéde rédaction des contrats, rôles tout à fait indissociables. Par ailleurs, les directions juridiques modernes ont depuislongtemps compris la nécessité de centraliser la fonction dansle double objectif d’optimiser la gestion des effectifs et d’assu-rer l’objectivité du conseil juridique par une véritable indé-pendance intellectuelle des juristes vis-à-vis des opérationnels.Il faut donc dire d’emblée que la distinction juriste « opéra-tionnel » et juriste « de conformité » ou de « contrôle a poste-riori » est d’autant plus dépourvue de sens qu’elle ne peut queconduire à une augmentation des effectifs, sans réellementaméliorer la sécurité des opérations.Ce sont les interventions en amont, par la saisine systéma-tique des juristes, qui permettront de sécuriser nos produits,nos activités et nos opérations, et d’en assurer la conformitéjuridique. De ce point de vue, il conviendra de s’interroger defaçon permanente sur l’adaptation quantitative et qualitativedes ressources juridiques disponibles en interne. Cette adapta-tion implique de revoir régulièrement les objectifs et la straté-gie de la fonction. Il semble également qu’une réflexion com-mune puisse s’avérer utile entre les différentes lignes-métierconcernées par la conformité et le contrôle interne pourmieux dimensionner les aspects « contrôle et prévention ».

Le domaine de la conformité et le domaine du juridiqueLe règlement 97-02 définit la conformité juridique comme laconformité aux dispositions législatives, réglementaires et auxnormes professionnelles et déontologiques propres aux activi-tés bancaires et financières, susceptibles d’être sanctionnéesjudiciairement et disciplinairement(1). /...

(1) Il faut bien entendu élargir la notion d’activité bancaire et financière à l’en-semble de l’environnement juridique et réglementaire des autres métiers de labanque, qui sont également régulés, comme le métier des assurances.

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/... La rigueur qu’on peut attendre des juristes et qu’ils attendenteux-mêmes des textes, permettait d’espérer une définition plusprécise et une réflexion plus claire (au niveau des textes de Bâlecomme du Règlement 97.02) sur le risque juridique et le risquede non-conformité. Alors que la définition du risque juridiquese trouve malmenée au gré des originateurs des textes, sans queparadoxalement il ait été donné aux juristes au niveau et dansun cadre appropriés le soin de donner des définitions justes etopérationnelles, on peut s’interroger sur l’exactitude de la défi-nition qui crée une distinction artificielle entre risque de nonconformité et risque juridique, et qui ne prend donc en compteni le risque contractuel, ni les risques de mise en jeu de respon-sabilité civile fondés sur l’article 1382 du Code civil. Or, ilsemble avec le recul de l’expérience que ces risques particulierssoient inclus. S’en tenir à une définition stricto sensu apparaîtinsuffisant. Logiquement, nous devrions également aller versune compréhension de plus en plus large des dispositions légis-latives et réglementaires concernées. Dans ce contexte, une première tentative de répartition desrôles aurait pu conduire à conférer de façon arbitraire à laconformité (entendue au sens de conformité-déontologie et desécurité financière) un rôle exclusif couvrant la prévention dublanchiment de l ’argent, les règles de bonne conduite ounormes déontologiques non susceptibles d’être sanctionnéesjudiciairement, le respect des procédures internes et des ins-tructions des organes exécutifs, ainsi que le risque d’image etde réputation. Il ne faut toutefois pas s’y tromper. Les textesqui sont édictés , puis sanctionnés par les régulateurs neconstituent pas une source de droit ou un domaine du droit àpart, mais ils s’insèrent dans la hiérarchie des normes, le plussouvent sous forme de règlements, d’arrêtés ou de décrets, etils doivent évidemment respecter les lois et les traités interna-tionaux auxquels ils sont subordonnés. La fonction juridiquene peut donc pas être absente de ces domaines.Dans une perspective différente, certains ont cru pouvoirdéfendre une approche de la conformité concentrée sur lesnormes professionnelles, dont la définition resterait cepen-dan t à donne r . Le déve loppement de s code s de bonneconduite, inspirés de bonnes pratiques mais qui ne seraientpas des mesures législatives ayant un caractère d’ordre public,semble aller dans ce sens et ouvre le domaine contractuel à laconformité. Ceci étant, l’auto-réglementation qui en résulteest-elle véritablement souhaitable ? Si le régulateur dispose dupouvoir d’en sanctionner la violation, comment en effet lejuge civil et le juge pénal tiendront-ils compte de ces règles debonne conduite ? À partir de quel moment deviendront-elles

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Conformité e t jur idiqueJ . - M . D A U N I Z E A U

un usage reconnu comme source de droit ? À l’initiative desassociations professionnelles, faut-il en plus l’approbation desrégulateurs ? Qui appréciera la légitimité des associations pro-fess ionnel les ? Une prat ique généra l i sée dans un groupepourra-t-elle être sanctionnée même si elle n’est pas contrac-tualisée ? Autant de questions non véritablement réglées quimontrent que le débat est ouvert... Pour autant, encore, lafonction juridique contribue de façon déterminante à l’élabo-ration de cette « soft law ».Enfin, et à y regarder de près, l’approche « conformité » n’in-fluence-t-elle pas déjà l’évolution du droit ? On voit se dévelop-per certains concepts à la limite du juridique et de la déontolo-gie : à titre d’exemple, le devoir de loyauté comme principegénéral condamnant les conflits d’intérêt ou se substituant auprincipe juridique de la bonne foi dans l’exécution du mandat...Dernière observation : si la « conformité » entretient pour desraisons pratiques une relation privilégiée avec les régulateurs,le juridique doit « reprendre la main » lorsqu’on en vient auxlitiges. C’est un enjeu important car nous devons nous prépa-rer à une augmentation des cas de poursuites et des risques desanction au fur et à mesure de l’accroissement de l’arsenaljudiciaire et des moyens dont disposeront les régulateurs : encas d’enquête d’un régulateur, la rédaction des réponses auxrapports et aux lettres de suite doit être impérativement éla-borée avec les juristes. L’analyse très en amont des faits, laqualification des éventuels manquements sont indispensablesà la définition d’une bonne stratégie dans une perspective depoursuite disciplinaire dans un premier temps, et pénaleensuite le cas échéant.

LE PARTAGE DES RÔLESEntre le juridique et la conformité, ce que nous avons vu semettre en place progressivement en pratique est non pas unerépartition de territoire d’intervention (qui s’avère finalementêtre pratiquement le même), mais un partage des rôles : lejuridique « dit » le droit, fait les contrats ; la conformité veilleau respect des instructions au sein de la banque.• À la conformité, la maîtrise des processus à travers la prépa-ration des procédures, la décision d’opportunité sur l’élabora-tion des modes opératoires, la définition des traitements et deleurs outils. • Au juridique, la portée des obligations, par exemple enmatière d’obligation de conseil et d’information, le contrôledes termes juridiques utilisés dans la rédaction des procéduresinternes, la conformité du contenu juridique des procéduresaux textes applicables, notamment la nature et le fondement /...

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/... légal ou réglementaire des obligations qui seront imposéesdans les procédures internes.Il est aisé de voir, dès lors, que les conditions dans lesquellesles dispositions législatives ou réglementaires doivent êtremises en œuvre pour respecter les textes applicables, sont for-cément définies en commun.À ce titre, l’enjeu est double : il faut, d’une part, assurer lacohérence au sein du groupe des procédures internes entreelles, car nous prendrions des risques à créer des contraintesdifférentes selon les entités d’un groupe où les produits sontconçus, développés et distribués par des acteurs différents, et,d’autre part, mettre en œuvre sans délai les modifications desprocédures rendues périodiquement nécessaires par les chan-gements de lois, de règlementations ou de jurisprudence.Le va et vient est permanent entre le juridique et la confor-mité. Dans la plupart des cas, la saisine ou l’information del’une et de l’autre se fera en parallèle, qu’il s’agisse d’émettredes avis ou de prendre des actions correctrices à la suite d’undysfonctionnement. C’est une responsabilité partagée entreles lignes métiers conformité et juridique au niveau groupe,où la coordination entre les fonctions est en recherche perma-nente d’amélioration.Au final, la conformité constitue pour la fonction juridiqueun levier précieux, qui permet d’homogénéiser et de systéma-tiser des principes de saisine dans des procédures spécifiques,de faire mieux comprendre la nécessité de la standardisationdes contrats et des actions de formation, comme de communi-quer les consultations et les avis dans un cadre où ils serontmieux pris en compte (Comité des nouveaux produits, Comi-tés des opérations complexes, sensibles et transfrontières,Comité des risques, Comité de contrôle interne, etc).

QUELS ENJEUX POUR LA FONCTION JURIDIQUE ?La cartographie des risques juridiques et le dispositifde contrôle interneUne tâche est aujourd’hui prioritaire : l’élaboration et le suivid’une cartographie des risques juridiques, légaux et contrac-tuels. À l’image de ce qui a été fait pour les risques de non-conformité, il s’agit d’identifier les risques juridiques signifi-ca t i f s au regard de l ’ impor tance de l eur s conséquencesjudiciaires et financières. L’identification des faits générateursqui ne sont pas nécessairement uniquement de nature juri-dique (méconnaissance ou mauvaise interprétation des textespar opposition à traitement informatique, mauvaises pra-tiques...) permettra de prendre des dispositions et de prioriserles actions de prévention pour réduire le risque. À partir

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d’une cartographie régulièrement actualisée, chaque entitédisposera d’un outil de pilotage du risque juridique de sonactivité.La fonction juridique devra alors développer un véritable dispo-sitif de contrôle interne de ce risque particulier, qui contribue àresponsabiliser les juristes sur leur mission de maîtrise et decontrôle du risque juridique et permette de développer un dispo-sitif de contrôle interne permanent de premier ou de deuxièmeniveau, assorti de missions de vérification périodiques.

L’organisation de la veille juridique et réglementaireLe Règlement 97-02 prévoit que « les entreprises mettent enplace un dispositif permettant de garantir un suivi régulier et leplus fréquent possible des modifications pouvant intervenir dansles textes applicables à leurs opérations et, à ce titre, l’informa-tion immédiate de tous les membres de leur personnel concerné ».Le principe « nul n’est censé ignorer la loi » est bien connu,mais de quoi s’agit-il ? D’augmenter le niveau de connais-sance des collaborateurs concernés et de les sensibiliser pourleur permettre de se poser et de poser aux juristes les bonnesquest ions. Bien entendu, i l ne s ’agi t pas de transformerchaque collaborateur de la banque en expert juridique, maisseulement de leur donner les moyens d’acquérir les bonsréflexes. Dans ce cadre, la fonction juridique a une missionessentielle de veille et de diffusion de l’information juridiqueavec l’objectif de faciliter la compréhension par le personnelde la banque des textes légaux et réglementaires et de la juris-prudence, ce qui passe notamment par la fourniture à la fonc-tion « conformité », le plus en amont possible, des informa-tions pertinentes nécessaires à l’acquisition des ressources et àl’élaboration des procédures propres à assurer le respect desrègles qui s’imposent à nous.Très schématiquement, cette veille juridique peut se décom-poser en trois parties. Tout d’abord, la veille informative,dont les enjeux sont l’exhaustivité, la rapidité de la collecteet la diffusion aux personnes concernées des informations(textes législatifs et réglementaires, jurisprudence, doctrine)relevant du droit bancaire et financier, ainsi que des autresdomaines du droit concernés par les activités, produits, ser-vices et opérations du Groupe Crédit Agricole. Ensuite, uneveille analytique sur les textes dont la pertinence relève de laresponsabilité des juristes. Enfin, la représentation profes-sionnelle, avec pour enjeux l’anticipation sur les impacts pos-sibles des textes en préparation, sur nos activités, produits ouopérations, et la prise en compte des intérêts collectifs duGroupe Crédit Agricole. /...

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/... CONCLUSIONSur le chantier de la conformité, la complémentarité entreles lignes métiers juridique et conformité apparaît comme uneévidence qui doit conduire, non pas à une mise en concur-rence des intervenants, mais au contraire à un véritable travailen équipe et à une optimisation des moyens pour construireun édifice cohérent de maîtrise des risques de conformité quin’affecte pas l’efficacité opérationnelle.Au fil des ans, la science juridique a régulièrement donnénaissance à des branches spécialisées du droit, qui ont prisune importance telle que l’on a pu parler parfois d’une quasiautonomie (« autonomie » du droit pénal, « autonomie » dudroit fiscal, etc.). Avec la conformité, il ne s’agit pas ici d’unebranche du droit, mais d’une technique de mise en œuvre desrègles juridiques et de contrôle de leur respect. D’une époqueoù le juriste délivrait à la demande un conseil dont il ne sepréoccupait pas de suivre l ’application, on est passé à unmonde qui a pris conscience que « tout est juridique » et quela violation de la règle n’est plus acceptable, ni sociologique-ment ni économiquement.Plus que jamais, la responsabilité des juristes sera de sécuriserles opérations de la banque, sans dans le même temps consti-tuer un frein à l’exploitation. La conformité ne doit pas êtreune raison pour ne pas agir et il faut garder présent à l’espritque, dans la limite de l’abus de droit et de la fraude à la loi,un principe fondamental de notre système juridique est quetout ce qui n’est pas expressément interdit est en principepermis. Pour autant, la créativité ne doit pas être exclusive deprudence et, dans un système où les évolutions jurispruden-tielles et législatives sont de plus en plus rapides et où la pré-visibilité des solutions devient réellement problématique, l’ef-f e t mu l t i p l i c a t eu r d e l a t a i l l e d e no t r e r é s e au su r l e sconséquences financières et d’image d’une prise de risqueinconsidérée doit continuer d’inciter les juristes à une saineprudence.

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Conformitéet

sécurité financière

Le concept de « Sécurité Financière », ainsi que les missionsqu’il recouvre, sont nés après la réunion du G7 au sommet del’Arche à Paris en juillet 1989, sommet au cours duquel lesdirigeants des sept pays les plus industrialisés ont décidé lacréation d’un groupe de travail, destiné à améliorer la luttecontre le blanchiment du produit des trafics de stupéfiants età solliciter la contribution des établissements financiers danscette lutte. Ce groupe de travail est devenu le GAFI et il enest résulté 40 recommandations adoptées en 1990 et qui ontété transposées en droit interne en 1990 et 1991. A ces mis-sions initiales de contribution à la prévention du blanchi-ment, complétées régulièrement depuis, se sont rajoutées plusparticulièrement, après les attentats du 11 septembre 2001,toutes les obligations concourrant à la lutte contre le finance-ment du terrorisme. De ce fait, le périmètre des obligationsde conformité liées à la sécurité financière s’est considérable-ment élargi depuis ses origines, élargissement concernant tantles personnes physiques ou morales assujetties que les nou-velles missions incombant au monde financier. /...

La tendance dans le domaine de la Sécurité financière est

celle d’un transfert de missions régaliennes relevant tradi-

tionnellement des autorités publiques vers le secteur privé.

Cela est d’autant plus vrai que si les obl igations init iales

incombant aux banquiers étaient des obligations de réaction

et de signalement, elles ont depuis été transformées en obli-

gations d’action et de résultat.

R E N É W A C K

DIRECTEUR ADJOINT DE LA D IRECTION DE LA CONFORMITÉ ,RESPONSABLE DU PÔLE SÉCURITÉ F INANCIÈRE , CRÉDIT AGRICOLE S .A .

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“D’un côtéi l y a la droiture,de l ’autre,la fraude.”Cicéron

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/... I – LES OBLIGATIONS ET MISSIONSDE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

De manière générale, la tendance dans ce domaine est celled’un transfert de missions régaliennes relevant traditionnelle-ment des autorités publiques vers le secteur privé. Cela estd’autant plus vrai que si les obligations initiales incombantaux banquiers étaient des obligations de réaction et de signa-lement, elles ont depuis été transformées en obligations d’ac-tion et de résultat.

A - Les obligations liées à la prévention du blanchiment decapitauxElles sont principalement de deux ordres : la connaissance desclients et la surveillance des opérations de ces derniers.La connaissance des c l ients s ’entend non pas seulementcomme une simple vérification de l’identité des personnes,mais comme un ensemble d’éléments (profession, patrimoine)permettant d’apprécier les opérations effectuées sur le comptedu client. À cela s’ajoutent bien évidemment des élémentsd’appréciation de risques spécifiques tels que la qualité denon résident, de ressortissant d’un pays classé à risque, d’exer-cice de fonctions politiques, tous éléments permettant de clas-ser le client dans une catégorie de risques qui entraînera unesurveillance soit allégée, soit normale, soit renforcée.Cette connaissance du client est la pierre angulaire de tout ledispositif de conformité, c’est elle qui aura des répercussionstant sur le plan de la conduite commerciale (y compris la« suitability ») que sur celui de la sécurité financière. Elleincombe tant aux commerciaux lors de l’entrée en relationqu’aux services spécialisés de la sécurité financière, qui appor-teront les compléments d’ information nécessaires à cetteconnaissance, principalement lorsqu’il s’agit de clients catégo-risés « à risque ». Ce complément s’effectue principalement àtravers la délivrance de visas préalables à l’entrée en relationet d’enquêtes de due diligence.La surveillance des comptes et opérations «remarquables» desclients ne se limite plus à une simple surveillance que l’onpourrait appeler passive, c’est-à-dire celle qui, dans l’exercicenormal de nos fonctions, nous amène à détecter des anoma-lies, mais elle est devenue une véritable surveillance pro-activeconsistant à aller rechercher l’initiative des opérations ou évé-nements que l’on pourrait qualifier d’inhabituels ou d’anor-maux. Cette obligation de surveillance active ne peut plusconcerner que les seuls collaborateurs des banques mais néces-site le recours à des outils permettant une détection automati-sée et un traitement spécialisé.

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La finalité de ces surveillances est la détection d’opérationspouvant relever des obligations de déclaration de soupçonsauprès de la cellule de traitement du renseignement et de l’ac-tion contre les circuits financiers clandestins (TRACFIN) ins-tituée auprès du ministère de l’Économie et des Finances. Àce jour, ces déclarations concernent tous faits pouvant releverdu trafic de stupéfiants, d’activités criminelles organisées,d’atteinte aux intérêts f inanciers des communautés euro-péennes, de la corruption ou qui pourraient participer aufinancement du terrorisme.

B - Les obligations liées au respect des mesuresd’embargo et de gel des avoirsCes mesures, instituées dans le cadre de la lutte contre le ter-rorisme et plus particulièrement son financement, concernentsoit des États, soit des marchandises, biens ou services, soitdes personnes physiques ou morales.

Les embargosLes mesures d’embargo relèvent de sanctions économiquesdont l’usage apparaît dès l’antiquité (cités grecques).

Le système actuel a pour fondement l’article 41 de la Charte des Nations Unies et lechapitre VII qui fixe les compétences du Conseil de Sécurité.Les sanctions ont force obligatoire ou contraignante pour les actuels 191 paysmembres qui ont une obligation de résultat et doivent inscrire les décisions duConseil dans leurs dispositifs réglementaires.Dans ce cadre, l’article 113 du traité de Rome de 1957 organise la collaboration dela Communauté européenne et de l’ONU en matière de sanctions économiques etpose le principe de la compétence exclusive de la Communauté en ce domaine.Le règlement 945/93 instaure l’identité des obligations relatives aux sanctions éco-nomiques décidées par l’ONU au sein de tous les États de la CE.

Les conséquences d’une mesure d’embargo, qu’elle soit totaleou partielle, sont l’interdiction de réalisation des opérations.L’appréciation de cette interdiction peut varier selon qu’ils’agit d’embargos européens identiques dans tous les pays del’Union, quelle que soit la devise, et dont le non respect estsanctionné pénalement (art. 474/3 du code des douanes : cinqans d’emprisonnement et amende) ou d’embargos exclusive-ment américains. Les embargos de l’OFAC (Office of ForeignAffairs Control) sont uniquement opposables aux ressortissantsaméricains (US persons) et ce partout dans le monde ainsi qu’àtous les établissements financiers implantés aux États-Unis.Ils ne concernent que les transactions en dollars américainsdont le non respect entraînera un gel de fonds dès lors que cesderniers se retrouvent sur le territoire américain. /...

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/... Une des difficultés d’application des mesures d’embargo pro-vient souvent de l’absence de justification économique destransferts de fonds à destination ou en provenance de paysfaisant l’objet d’un embargo partiel tel que, par exemple, laCôte d’Ivoire, pour laquelle seules les importations d’armesou objets assimilés sont concernées.Le respect des mesures d’embargo suppose évidemment uneveille juridique et réglementaire de ces mesures, leur diffusionà toutes les entités concernées, une surveillance de tous lesflux internationaux en temps réel ainsi que l’obligation d’in-tervenir avant le dénouement des opérations.

Le gel des avoirsLes mesures de gel des avoirs, qui se sont considérablementdéveloppées ces dernières années, ont des sources identiques àcelles évoquées dans le cadre des embargos. Les personnesphysiques et morales concernées par de telles mesures s’élè-vent actuellement à 15 700 pour la seule Union européenneet leur nombre ne cesse de croître.Une réunion extraordinaire du Conseil européen s’est tenue le21 septembre 2001 afin de renforcer les mesures policières etjudiciaires mises en place dans le cadre de la lutte contre lefinancement du terrorisme.Dans ce contexte ont été établies et sont régulièrement édic-tées dans le cadre de textes légaux et réglementaires des listesde personnes morales et physiques faisant l’objet de sanctionsspécifiques.Les conséquences des mesures prises dans ce cadre se tradui-sent par un gel immédiat des avoirs des personnes morales ouphys iques concernées . Les champs d ’app l i ca t ion de ce smesures se situent à deux niveaux : d’une part, les biens ouavoirs existants et confiés à l ’établ issement f inancier et ,d’autre part, les flux financiers à destination ou en prove-nance de l’une des entités figurant sur les listes des sanctions.Le respect de ces mesures suppose un examen approfondi desfichiers clientèles, mandataires ou ayant droits économiques,afin de déterminer l’éventuelle présence d’une personne phy-sique ou morale tombant sous le coup de la législation envigueur. En cas de découverte d’une telle personne, il doitêtre immédiatement procédé au gel des avoirs concernés. Encas de doute (homonymie), il est indispensable de transmettreles éléments au service compétent de la Direction du Trésorpour décision.Par ailleurs, comme pour les mesures d’embargo, il faut procé-der à une surveillance en temps réel des flux internationaux afind’intervenir si nécessaire avant le dénouement des opérations.

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Dans ce domaine, une stricte veille juridique, permettant unemise à jour rapide du fichier des personnes concernées ainsique sa diffusion à toutes les entités du groupe, est primordiale.

II – LES MOYENS DE LA SECURITE FINANCIÈREL ’accroissement continu des obligations de conformité liées àla Sécurité Financière a conduit le monde financier à revoirentièrement les dispositifs mis en place à l’origine et qui, leplus souvent, s’étaient cantonnés à nommer un ou plusieurscorrespondants « TRACFIN ». L’évolution a conduit à la créa-t ion d ’une vér i tab le l igne mét ier ayant l e s moyens tanthumains que matériels nécessaires pour mettre en place unevéritable organisation destinée à « sécuriser » les établisse-ments financiers et leurs dirigeants.Les moyens destinés à assurer le contrôle du respect des obli-gations de sécurité financière sont de plus en plus informati-sés et sophistiqués. La période durant laquelle la détection desopérations suspectes ou de clients douteux relevait de la seulevigilance et perspicacité des gestionnaires est désormais révo-lue. Les évènements qui se sont déroulés aux États-Unis enseptembre 2001 ont sonné le glas des méthodes artisanales. Ilest dorénavant indispensable d’avoir des outi ls dédiés decontrôle et d’alerte et des moyens d’enquêtes.

A - Les outilsIls doivent obéir à des critères et contraintes variables selonqu’ils sont destinés à lutter contre le terrorisme ou à détecterdes opérations de blanchiment.Le respect des mesures d’embargo et de gel des avoirs, nousl’avons vu précédemment, suppose une surveillance des fluxfinanciers en temps réel. Il s’agit de détecter si les clients de labanque envoient ou reçoivent des fonds de personnes phy-siques ou morales figurant sur les listes nationales ou interna-tionales de sanctions. La taille de ces listes ne permet aucuntraitement manuel sérieux. Le nombre d’individus figurant surtoutes les listes diffusées dans les différents pays s’élève à38 600 actuellement. Seul un logiciel syntaxique capable delire les différents champs des messages de transferts de fluxpermet cette détection en temps réel. L’implantation de cegenre d’outil sur les plateformes régionales de traitement desflux permet en outre une optimisation du traitement des fluxarrêtés. De même, cette lecture des champs des messages swiftss’opère sur la base d’un coefficient d’approximation de 70 %,ceci étant rendu indispensable du fait de l’orthographe incer-taine ou variée des individus figurant sur les listes de sanction.Le respect des obligations incombant aux établ issements /...

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/... financiers en matière de prévention du blanchiment imposeune surveillance, une connaissance et une analyse approfondiede multiples variables qui ne peuvent s’inscrire que dans letemps.Si les premiers outils utilisés étaient à base de requêtes uni-formes concernant tous les clients pour détecter soit des opé-rations importantes ou répétées en espèces, soit des opérationsfinancières significatives par leur montant – en général supé-rieur à 150 000 euros, l ’entrée en vigueur de la nouvelledirective européenne et sa transposition en droit interne avantfin 2007, va imposer une surveillance des comptes clients avecune approche diversifiée selon des catégories de risques.Cette nouvelle génération d’outils de profilage et de sur-veillance permet une catégorisation des profils des clients etévite d’avoir de trop nombreuses « fausses » alertes. Ce typed’outils utilisant des scenarii de base préétablis détecte demanière beaucoup plus ciblée des opérations inhabituelles ouatypiques selon le profil des clients.En outre, ce type d’outils assure également des fonctionsjusque-là remplies par d’autres moyens, tels que la comparai-son des fichiers clients lors de la parution de nouvelles listesde sanctions, la vérification systématique lors de toute nou-velle entrée en relation de ces mêmes listes. Il permet égale-ment la vérification périodique des fichiers clients ainsi que lavérification de nouvelles entrées en relation à des fins dedétection de personnes politiquement exposées, obligationrésultant de la nouvelle directive européenne.Cette nouvelle approche comportementale des comptes declients ne va toutefois pas mettre fin à l’utilisation d’outils derequêtes spécifiques concernant les flux internationaux ainsi queles comptes des banques correspondantes. Les flux transfron-tières en provenance ou à destination de pays classés à risquetels que les pays et territoires non coopératifs désignés par leGAFI (Groupe d’Action Financière) ou ceux considérés commedes paradis bancaires et/ou fiscaux, constituent une catégorie derisques particulière justifiant une surveillance accrue.I l en est de même pour les opérations transitant par descomptes de banques correspondantes, certaines banques pou-vant utiliser leurs comptes propres pour effectuer des opéra-tions non souhaitées au profit de leurs clients.

B – Les moyens liés aux enquêtesL’accroissement des obligations de conformité a eu commecorollaire l’accroissement des investigations relevant du péri-mètre de la sécurité financière.

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Ces investigations se situent à trois phases différentes :• lors des entrées en relation ;• lors de la survenance d’opérations inhabituelles ou atypiquessur les comptes clients ;• lors des surveillances des flux internationaux.Les procédures liées à la connaissance du client mises en placedans les banques comprennent soit des comités d’entrées enrelation, comme par exemple pour l’activité de gestion de for-tune, soit une obligation de visa préalable de la sécurité finan-cière pour les clients à risque (ressortissants de pays sensibles,personnes politiquement exposées...). Pour pouvoir donnerdes avis éclairés, la Sécurité Financière doit pouvoir disposerde banques de données appropriées lui permettant d’effectuerdes recherches c ib lées . Les informat ions nécessa i res quiconcernent la qualité et la réputation des prospects, se trou-vent principalement sur des sites recensant des informationsrelatives à des personnes exerçant des activités politiques ouadministratives importantes ou collationnant les articles depresse des principaux quotidiens ou périodiques à travers lemonde. Outre ces recherches, il y a lieu également de vérifiersi ces personnes ne figurent pas sur les listes de sanctionsnationales ou provenant de la Commission européenne.Des investigations s’avèrent également indispensables en casde survenance d’alertes. Les outils mis en place par la SécuritéFinancière contribuent à systématiser la détection d’alertes oud ’ anoma l i e s . Ce t t e augmenta t i on du nombre d ’ a l e r t e sentraîne de facto une augmentation du nombre d’enquêtes yafférentes.Cette augmentation du traitement des alertes a parallèlemententraîné une spécialisation des personnes en charge des inves-tigations. L’évolution naturelle a été de transférer cette mis-sion, initialement souvent attribuée aux gestionnaires encharge de la clientèle, aux collaborateurs de la Sécurité Finan-cière. Ces derniers disposent, par ailleurs, de banques de don-nées externes déjà évoquées mais également internes centrali-sant le s é léments d ’a ler tes concernant le s c l ients . Cettecentralisation des informations et des risques permet unemeilleure analyse et prise de décision quant aux déclarationsde soupçons et de maintien ou non des relations. Elle garantitpar ailleurs, eu égard aux obligations découlant des règles« Informatique et liberté », une confidentialité indispensableet un usage professionnalisé des informations.La dernière catégorie d’enquêtes concerne celles effectuéesdans le cadre du respect des mesures d’embargo et de gel desavoirs. Elles concernent les flux arrêtés en temps réel, avant /...

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/... exécution, pour lesquels il s’agit de déterminer si l’opérationincriminée vise un pays ou des marchandises, biens ou ser-vices frappés d’embargo, ou si le donneur d’ordre ou le béné-ficiaire du message de transfert correspond à une personnephysique ou morale figurant sur les listes de sanctions. Cesinvestigations supposent que le message de transfert soit neu-tralisé en attendant une prise de décision finale.En matière d’embargo, soit un examen approfondi du contenudu message permet une prise de décision rapide, soit il estnécessaire d’interroger le client concerné par la transaction oula banque correspondante pour obtenir des informations com-plémentaires sur la nature économique de la transaction.En matière de gel des avoirs, l’alerte nécessite une investiga-tion approfondie auprès de l’entité donneuse d’ordre pourobtenir des informations complémentaires sur l’identité de lapersonne incriminée. Si un doute subsiste après enquête,l’opération est mise en suspens en attendant une décision duservice ad hoc de la Direction du Trésor concernant le gel desavoirs ou leur libération.Ces diverses catégories d’investigations sont centralisées ausein de la l igne métier Sécurité Financière au niveau duGroupe. Cette centralisation permet un meilleur échanged’information, à des fins de prévention du blanchiment et dufinancement du terrorisme, entre les diverses entités. Elle per-met également une très grande réactivité en cas de détectiondes clients à risque ayant des comptes dans plusieurs entitésdu Groupe ainsi que la diffusion de messages d’alertes quipeut en résulter.Il a également le très grand avantage de la professionnalisa-tion et de la spécialisation des collaborateurs qui contribuentau sein de la banque au contrôle de la conformité.

Le domaine de la sécurité financière, bien que s’étant déjàconsidérablement agrandi depuis son origine, n’a pas encoreatteint son point de stabilité. Plusieurs textes tant européensque nationaux sont encore à venir dans les deux ans. Il s’agitdes textes de transposition des deuxième et troisième direc-tives européennes, du décret d’application de la loi du 23 jan-vier 2006, relative à la lutte contre le terrorisme, ainsi qued’un règlement européen sur l’identification des donneursd’ordre pour les messages de transferts de fonds.Tous ces textes ont la même finalité, à savoir élargir, préciseret compléter les obligations incombant aux établissementsfinanciers, et ce dans le cadre de la lutte contre le terrorismeet le blanchiment du produit de toutes infractions.La contribution forcée demandée au secteur privé et principa-

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lement au monde bancaire dans le cadre de la lutte contre lac r im ina l i t é , non s eu l emen t impos e d e s cha r g e s e t d e scontraintes nouvelles s’éloignant le plus souvent des condi-tions normales et traditionnelles d’exercice de la profession,mais elle s’accompagne également d’un risque non négligeablede sanctions réglementaires voire de sanctions pénales en casde défaillance.C’est là « l’originalité » des obligations de conformité liées à lasécurité financière : leur non respect, soit à titre individuel,soit par les personnes morales, est sanctionnable pénalement.Si les États font confiance aux banquiers pour les aider à lut-ter contre le blanchiment et le terrorisme, cette confiancen’est pas aveugle. Elle est encadrée par des textes répressifs encas de manquement.

Pour les professions financières « sollicitées », le fait de faire« mal » son métier tombe désormais systématiquement sous lecoup de la loi pénale. C’est tout le challenge de la l ignemétier sécurité financière.

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Généalogiedu “compliance officer”

Voici le propos d’un philosophe sur la naissance d’une nou-velle fonction dans l’entreprise, dans les banques aujourd’hui,mais peut-être bientôt dans d’autres entreprises , au-delàmême du monde financier : celle du compliance officer.

PHÉNOMÉNOLOGIE DE LA FONCTIONDE COMPLIANCEOn appelle en philosophie, « phénoménologie », la descrip-tion d’un objet tel qu’il se présente immédiatement à nous.Essayons de dresser la phénoménologie de la fonction de com-pliance telle qu’elle se donne à l’observation. Première remarque. L’apparition, la distinction d’une fonc-tion dédiée à la compliance dans l’entreprise financière apparaîtà la fin des années 1980 dans les pays anglo-saxons. C’est à cemoment qu’on isole une fonction nouvelle « chargée de laconformité aux lois propres à des métiers spécifiques ». Cettefonction a fait l’objet d’une recommandation par le Comité deBâle, qui précise que son « rôle est d’assister la banque dans lagestion du risque de conformité, lequel peut être défini comme lerisque de sanctions légales ou réglementaires, de pertes finan-cières ou de pertes de réputation auxquelles une banque peut êtresoumise par suite des manquements aux lois applicables, auxrèglements et codes de conduite ».La conformité, ou plus précisément l’absence de conformité,est présentée comme un risque. La fonction du compliance /...

Le rapport à la norme que désigne la conformité, dans sa

dimension éthique, c’est-à-dire comme exigeant une élabora-

tion, un travail, une discipline de soi n’est pas sans rappeler

celui qui préside au rapport du moine à la règle de son obser-

vance. Observance, voilà bien un mot français qui conjugue la

règle et la pratique de la règle, conformité et déontologie, les

deux mamelles de la conformité au sens du Crédit agricole.

F R A N Ç O I S E W A L D

PRÉSIDENT DE L’ENAS, PROFESSEUR AU CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTSET MÉTIERS. DOCTEUR ES LETTRES, AUTEUR DU « PRINCIPE DE PRÉCAUTION » (2001)

ET DE « L ’ÉTAT-PROVIDENCE » (1986)

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“Ce n’est pas assezqu' i l y ai t conformitéà la loi morale,i l faut encore que ce soitpour la loi moraleque la chose se fasse.”Emmanuel Kant,« Les fondementsde la méthaphysiquedes mœurs » , 1785.

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/... officer est de prévenir ce risque, isolé comme tel et évaluécomme un risque majeur. Il a, selon le Comité de Bâle, troisdimensions. D’abord, celle de la sanction par l’État, dont ilprovoque l’intervention et la mise en œuvre de l’activité judi-ciaire. C’est ensuite un risque de « pertes financières » et,enfin, de « perte de réputation ». L’apparition de la fonction decompliance décrit la volonté de traiter, par une organisationnouvelle de l’entreprise financière ce risque à trois têtes. Lafonction de compliance décrit un problème d’organisation :comment une banque, un établissement financier, se structu-rent-ils pour répondre au risque de conformité ?Deuxième remarque. Cette fonction n’était pas jusqu’à pré-sent isolée comme telle. C’est que le risque qu’elle cherche àtrai ter n’étai t pas lui-même dist ingué. Le r i sque de nonconformité fait partie de ce qu’on appelle depuis quelquesannées les « nouveaux » risques. Ils sont plus immatériels,moins objectifs que ceux que l’on avait l’habitude de gérer.L’activité du banquier consiste à gérer des risques, risque decrédit en particulier, directement liés à son activité. La dis-tinction de la fonction de compliance fait apparaître que,récemment, les banques ont isolé un risque qui n’était pastraité par leurs structures habituelles. Ce risque n’apparaît pasou pas bien lorsqu’on lit l’activité d’une banque sous la seulegrille de l’économie, de la finance ou des questions sociales.Ce risque nouveau, en fonction duquel les entreprises, cher-chent désormais à s’organiser, appartient à la catégorie desrisques « éthiques ». La fonction de compliance se distinguelorsque ce type de risque apparaît suffisamment important. Troisième remarque. Cette fonction est difficile à saisir. Entémoigne :• La difficulté à traduire le mot « compliance » en français. Ontraduit par « conformité ». Ce n’est certainement pas faux,mais conformité en français va avec conformisme, obéissanceaveugle, une sorte de servilité à la règle qui n’est guère com-patible avec l’esprit de responsabilité que l’on revendique parailleurs. Le Crédit agricole propose une traduction – « confor-mité-déontologie » – qui, par sa lourdeur même, témoigne dela difficulté.• Les questions de compliance étaient jusqu’à présent traitées del’extérieur de l’entreprise. Il appartenait au client ou au juge desanctionner tel ou tel agissement. Précisément, l’apparition decette fonction dans l’entreprise témoigne de la volonté de traiterle risque en interne, de faire en sorte qu’il ne quitte pas l’en-ceinte de l’entreprise. Il doit être internalisé. Mais cela va soule-ver de redoutables problèmes d’organisation, dans la mesure oùtoute la hiérarchie, du plus haut au plus bas, est concernée.

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Faut-il créer une hiérarchie, une organisation parallèle, unesorte d’audit éthique ? Mais comment éviter les conflits d’inté-rêts ? Comment faire qu’internalisée, la fonction de compliancereste indépendante, aussi scrupuleuse que cela est nécessaire. Lecompliance officer est un salarié, mais un salarié qui n’est pascomme les autres, dont le rapport de subordination va être tem-péré par une nécessaire indépendance.• Car, et ce sera ma dernière remarque, on ne demande pas aucompliance officer de n’être qu’un gendarme des procédures, encharge d’une surveillance aussi aveugle qu’exhaustive de laconformité. Mieux vaudrait installer des caméras vidéos danschaque bureau, chaque agence, et cette fois non pour surveillerl’intrus venant de l’extérieur, mais l’intérieur, le personnel de labanque devenant en quelque sorte suspect à lui-même. Le com-pliance officer est en charge des valeurs de la banque, de sonéthique, de sa déontologie. C’est une fonction d’intelligence.

Résumons cette brève phénoménologie de la compliance : d’uncôté, la compliance apparaît comme un principe de réorganisa-tion de l’entreprise bancaire ou financière dans la gestion d’unrisque de nature éthique. De l’autre, la géographie de cettenouvelle organisation ne semble guère facile à dessiner.

ANALYSE DE LA FONCTION DE COMPLIANCEComment comprendre et apprécier ces transformations dansl’organisation contemporaine des entreprises ? Je procèderai endeux temps : je voudrais replacer l’apparition de ces problèmesdans leur contexte historique et sociologique ; puis analyser lesexigences d’organisation appelées par la fonction de compliance.

A. Sociologie de la fonction de complianceLa naissance de la fonction de compliance est, je crois, un dessymptômes de la crise contemporaine du capitalisme, je veuxdire du capitalisme tel qu’il fonctionne depuis une vingtained’années. Son fonctionnement est perçu aussi bien par sesprincipaux acteurs, les investisseurs (les actionnaires), que parles pouvoirs publics, comme dangereux. Il y a une menacepropre à ce capitalisme, une menace vitale dont les consé-quences seraient autant économiques que sociales. Les symp-tômes de cette crise, et de la volonté de la juguler, se trouventaussi bien dans la production de nouvelles normes juridiquesconcernant l’éthique des entreprises (sanctionnées par des ini-tiatives judiciaires à la fois plus structurées et d’inspirationplus préventives) que par l’imposition par l’investisseur lui-même de contraintes de gouvernance très rigoureuses. D’uncôté, la loi Sarbanes-Oxley et les pôles financiers dans les juri- /...

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/... dictions, de l’autre, la restructuration de la gouvernance desentreprises. Au regard de la gestion du risque dont il est ques-tion, il n’est pas sûr que les excès de judiciarisation dénoncéspar les entreprises ne soient pas souhaités par les investisseurs.

Quelle est la menace ? Quel est le scénario ? Celui d’une des-truction interne du capitalisme, dans la mesure où ses trans-formations contemporaines le mettent en risque de perdrecette condition fondamentale de possibilité qui se trouve dansce « capital social » que toute forme économique doit mobili-ser pour pouvoir fonctionner. Par « capital social », on décrittout cet équipement d’usages, de formation, d’éducation, decivilité qui fait que les hommes se comprennent, que leursattentes se rencontrent, que la confiance puisse s’établir. Lecapital premier pour faire un marché tient dans la confiance.Or certains scandales récents de très grande ampleur ontmontré que certains acteurs étaient prêts à tout pour parvenirà leurs fins, jusqu’à spéculer sur ce capital fondamental.

Le sentiment se répand, autant chez les opérateurs qu’au seindes pouvoirs publics et chez les observateurs, que le capita-lisme contemporain est plus destructeur que producteur decapital social. Deux livres, très différents, en témoignent. Lepremier est celui que Claude Bébéar a intitulé d’une manièreon ne peut plus explicite : « Ils vont tuer le capitalisme(1) ». Il ydécrit les risques entraînés par la prise de pouvoir, au sein ducapitalisme, d’un ensemble d’acteurs chargés de la fonctiond’intermédiation entre l’actionnaire et l’entreprise, et dont lavision serait réduite à son intérêt le plus immédiat. Le secondest celui qu’une spécialiste des relations internationales, Thé-rèse Delpech, a décr i t comme « L’Ensauvagement (2) » . Leconcept est important. Le sauvage s’oppose au civilisé. Carac-t é r i s e r l e momen t p r é s en t comme c e lu i d ’ un « en s au -vagement » veut dire que nous assisterions, dans différentsdomaines, à des retraits, des replis de la civilisation, qui libé-reraient de nouvelles formes de sauvagerie, c’est-à-dire decomportements non « civilisés ». Or, comme on sait, si Marxdécrit le capitalisme comme le « règne de l’argent au comp-tant » , qui ne la i s sera i t p lus r ien au sent iment, d ’autresauteurs, comme Max Weber, ont au contraire souligné que lecapitalisme n’a pu naître et se développer que sur la base deformes de civilité – une éthique, l’éthique protestante – quiest une de ses conditions fondamentales de possibilité.

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(1) Claude Bébéar, Philippe Manière, Ils vont tuer le capitalisme, Albin Michel, 2002.(2) Thérèse Delpech, L’Ensauvagement, Grasset, 2005.

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Ce type de question n’est pas nouvelle dans l’histoire du capi-talisme : elle s’est posée en Europe dans les années 1830-40,quand, avec la découverte du paupérisme et la naissance despremiers mouvements socialistes, la nouvelle économie indus-trielle est apparue comme une menace sociale. On l’a traitéepar cette forme de « civilisation » qui a consisté à rendre l’en-trepreneur responsable de ses ouvriers (et qui est à la base dupaternalisme). Elle s’est posée encore aux États-Unis, à la findu XIXe siècle, autour des « robbers barons ». Ces crises, cesmenaces, se soldent toujours par la définition de nouvellesresponsabilités.Savoir comment « civiliser » aujourd’hui la nouvelle économieou le nouveau capitalisme définit le domaine qui a pris tantd’importance, celui de l’éthique de l’entreprise. Les investis-seurs y sont autant intéressés que les pouvoirs publics. Lacontrainte est à la mesure de la menace perçue. C’est ce quiporte le débat contemporain sur l’éthique des affaires, avec sesdifférents aspects de gouvernance, de développement durableet de responsabilité sociale des entreprises. La distinction dela fonction de compliance s’inscrit dans cette conjoncture.

B. L’organisation de la complianceAu sein de l’entreprise, cette conjoncture de moralisation et degrande intolérance « éthique » se marque par plusieurs traits :1. La première est une nouvelle définition de la responsabilitédes dirigeants. Le dirigeant est désigné comme responsable detout ce qui, en ce type de domaine, peut survenir dans l’en-treprise, quelles que soient les formes de délégation qui ontpu être mises en place. Le dirigeant est posé comme respon-sable « de », et mieux encore, responsable « pour » ses collabo-rateurs. Il n’est pas seulement responsable pour lui, de cequ ’ i l f a i t l u i -même , d an s l e c e r c l e r e s t r e in t d e s e scompétences ; il est responsable pour les autres, pour ceux quidépendent de lui, qui sont sous sa dépendance hiérarchiqueou dans un rapport de subordination.Le dirigeant aimerait bien n’avoir d’autre responsabilité quecelle d’un manager, mesurée en fonction de ses résultats éco-nomiques. La conjoncture éthique conduit à surexposer saresponsabilité. Il ne peut pas prétendre ne pas savoir ce qui sepasse dans les services qui dépendent de lui, dans l’entreprisequ’il dirige. Et en particulier pour tout ce qui concerne le res-pect des normes de l’éthique professionnelle. Cette surexposi-tion judiciaire du dirigeant explique la perception qu’il peutavoir du risque de conformité. Il n’expose pas seulement lapersonne morale, mais la personne même du dirigeant.Autant le risque de conformité l’expose, autant il ne peut que /...

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/... souhaiter le prévenir. Il n’y a pas à être dupe : l’exposition dudirigeant est une des armes de « civilisation » du capitalismecontemporain. On commence toujours par la reconstitutiond’une élite. Le risque pénal, en particulier, fournit des incita-tions pour réduire le risque de non conformité aux normes.Mais, encore une fois, tout ceci n’est pas seulement le faitd’une judiciarisation intempestive. Elle n’est pas seulement lefait des juges, mais des pouvoirs publics comme des investis-seurs. L’exposition personnelle du dirigeant, quel plus bel ins-trument de gouvernance des risques éthiques ?2. La conséquence est que, pour le dirigeant, ses collaborateurssont vus d’une manière nouvelle. Ils ne se manifestent plusseulement par leur efficacité à atteindre les résultats souhaités,mais par leur puissance de nuire. Ils deviennent eux-mêmes sespremiers risques. L’eau se trouble. Ce collaborateur si efficacene serait-il pas en réalité le plus dangereux, si tant est qu’ils’accommode un peu trop des règles et des procédures ?Précisons que le risque du collaborateur n’est pas proportion-nel à la place qu’il occupe dans la hiérarchie. Dans le nouveaucontexte, le dernier des collaborateurs est en puissance demettre en danger l’entreprise dans son ensemble, parce quedes agissements plus ou moins conscients sont susceptiblesd’avoir des conséquences judiciaires pour les plus hauts diri-geants, d’affecter gravement la réputation de l’institution. Lerisque est partout, diffus dans la hiérarchie. Il diffuse, conta-mine l’ensemble de l’organisation. 3. Les risques éthiques pouvant avoir des conséquences tellespour ses plus hauts dirigeants, pour l’entreprise et ses action-naires, et pour la société toute entière, ils ne doivent pas seu-lement être punis, ils doivent être prévenus. On ne peut pasen courir le risque. Ils demandent une attitude de prévention,sinon même de précaution. Il s’agit, en effet, moins d’unrisque que d’une menace, tant il est difficile de déterminer apriori où il se situe et quelles en seront les conséquences. Lamenace est partout, celle d’une malveillance, d’une incompé-tence, d’une incompréhension, qui pourra toujours avoir desconséquences redoutables.4. Ceci conduit à développer une grande intolérance quant aurisque de conformité. Elle va prendre deux formes : le soucidu conformisme – personne ne doit pouvoir prétendre joueravec les normes, les accommoder – et, d’autre part, le déve-loppement d’une volonté de savoir, de déceler ce qui peut set ramer derr iè re l a be l l e apparence de la conformité . Leconformisme peut bien n’être que le masque de la conformité.Il faut faire apparaître les risques, ces risques éthiques, cesr i s que s d e con fo rmi t é j u squ ’ a l o r s c a ché s , l a t en t s , qu i

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n’avaient jamais posé de problèmes, qui étaient toujours « pas-sés » et qui maintenant se révèlent de véritables bombes. Ces risques dont on ne prenait pas une conscience claire, donton n’avait pas nécessairement une connaissance adéquate, laconnaissance de leur véritable importance, et des enjeux qu’ilsrecèlent, s’isolent. Ils doublent l’entreprise. Ils sont dans l’or-ganisation même de l’entreprise financière. Et cela d’autantplus qu’ils ne dépendent pas tant des normes et des procé-dures que de la manière dont les collaborateurs de l’entrepriseen usent et s’y rapportent. Le risque de conformité est unrisque de l’homme, de sa liberté, de sa volonté, de sa loyauté,de la responsabilité. C’est, au sens propre, un risque moral.C’est un risque qui dépend de la qualité du capital humainmobil isé par l ’entreprise. On comprend que, à part ir dumoment où ce type de risque est isolé, la nature des recrute-ments, les qualités requises des collaborateurs, vont changer.Le risque de conformité est en puissance de transformer l’en-treprise comme la manière dont elle est gouvernée. 5. Or, précisément, le risque de conformité a comme caracté-ristique de devoir rester caché. Et cela d’autant plus que l’in-fraction sera grande. On ne se vante pas des facilités qu’on sedonne, des raccourci s que l ’on prend, et cec i à tous lesniveaux de la hiérarchie et d’organisations très complexes,manipulant des produits et des instruments de plus en plussophistiqués. Ces r isques ne doivent pas seulement être perçus, gérés ,connus par la hiérarchie. Leur conscience doit irriguer laconscience de chaque collaborateur, de haut en bas. Chacundoit agir en pleine connaissance de cause. Chacun doit pou-voir exprimer ses difficultés, les cas de conscience engendréspar les nouvelles pratiques en toute liberté. Il est donc néces-saire de définir un relais dans l’entreprise qui, en dehors de lahiérarchie, permette à chacun de s’exprimer en dehors de toutsentiment de culpabilité. Il ne s’agit pas de placer le collabo-rateur malheureux dans un rapport de sanction, qui aboutiraità ce que les choses restent scellées. L’entreprise, autour durisque de conformité, doit s’organiser de manière à ce que secréent des sortes de « cercles de qualité éthique », commeToyota avait créé, dans les années 1980, des cercles de qualitépour optimiser les processus de production dans ses usinesautomobiles. Le principe en était le franc-parler, la capacité,le devoir même de tout dire autant comme cr i t ique quecomme proposition quant à la manière de fonctionner. Néces-sité d’une organisation qui encourage la sincérité. Le risquede conformité conduit l’entreprise à organiser des processusde véridiction internes. /...

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/... 6. Parmi elles, une mérite une certaine attention : celle dudevoir d’alerte, le whistleblowing, l’alerte éthique. C’est unenotion qui vient du droit du travail, et qui tend à s’étendre àtravers toute la société.C’est un devoir étrange. L’alerte est un devoir qui appartient àtous dans l’entreprise, et en particulier à ceux qui sont soumisà la hiérarchie, jusqu’au plus bas degré de l’échelle. Chacundoit alerter, et alerter en particulier sur ce que fait de suspectson supérieur. L’alerte remet en cause les hiérarchies. Elle per-met à l’inférieur de critiquer le supérieur, de le mettre encause. Difficile, mais nécessaire si le dirigeant, le plus exposéau risque éthique, veut pouvoir le connaître pour le prévenir.

Pour pouvoir prévenir le risque de conformité, l’entreprisedoi t accepter la contes tabi l i té é th ique de sa h iérarchie .L’alerte suppose protection, liberté d’expression et ne peutdonc pas s’adresser à la hiérarchie. Raison supplémentaire quijustifie la fonction du compliance officer. Il y a nécessité d’unefonction qui soit à la fois interne à l’entreprise et pourtantindépendante, protectrice, qui recueille les plaintes, les inter-rogations liées au risque de conformité et à la conduite desuns ou des autres. Il s’agit de faire que l’alerte soit traitée enentreprise, que l’information y reste confinée sans alimenterl’extérieur. Sinon, l’alerte devient dénonciation. Il faut rendrevisible ce qui sinon pourrait rester celé, faire en sorte qu’il n’yait pas de recoin. Avec la responsabilité éminente de ceux à qui s’adressentl’alerte : comment traiter des informations aux preuves le plussouvent faibles et fragiles, alors même qu’elles mettent encause l ’éthique d’une personne, accusée d’un des cr imesdésormais considéré comme le plus grave. Lourde responsabi-lité. Elle fait la qualité du compliance officer.Les entreprises se sont toujours organisées pour faire face auxrisques qu’elles percevaient. D’abord, les risques de la concur-rence, les risques de la production, puis les risques sociaux.Elles se sont adaptées. La naissance du compliance officer, avecles transformations très profondes dans l’organisation de l’en-treprise que l’on vient d’esquisser, témoignent des consé-quences de la prise en compte de cette nouvelle strate derisques que l’on appelle « éthiques ». Elle ouvre sur l’idée quel’éthique, ce n’est pas seulement une belle âme, mais un prin-cipe d’organisation, la source d’un management spécifique.De ce point de vue, le compliance officer peut se ranger aussibien dans la catégorie de l’audit que dans celle d’une nouvelledirection des ressources humaines.

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ENJEUX DE LA NOTION DE CONFORMITÉLa conformité n’apparaît pas seulement comme un principed’organisation des entreprises, c’est aussi une forme de mana-gement. On peut manager à la conformité. La conformitén’est pas seulement une fonction supplémentaire dans l’entre-prise ; c ’est plus : une perspective qui transforme tout lemanagement, introduit une visibilité, une surveillance réci-proque, un nouveau rapport aux normes, de nouvelles exi-gences de formation.

Quels sont les enjeux de transformations aussi profondes dansl ’organisation, et donc le rapport des entreprises à el les-mêmes ?

A) UNE NOUVELLE PERCEPTION DE CEQUI FAIT LA VALEUR ÉCONOMIQUELe risque est une mesure de la valeur. L’isolement d’un risqueéthique, autour duquel, face auquel l’entreprise doit s’organi-ser, témoigne que la dimension de l’éthique est désormais per-çue comme une composante à part entière de la valeur écono-mique. Le risque éthique est une composante de la valeuréconomique (et non pas seulement une dimension marketing).L’isolement du risque de conformité témoigne que l’on voitdésormais différemment ce qui fait la valeur produite par lesbanques, ce qui fait la valeur de cette valeur. Dans la valeuréconomique, il y a une composante éthique. L’éthique est unedimension de la valeur économique. Elle ne lui est pas exté-rieure, comme une manière de faire, elle en fait partie inté-grante. La distinction de la fonction de compliance témoigne,suppose, que l’on isole la dimension éthique comme compo-sante de la valeur économique. Elle témoigne d’une réorgani-sation de l’entreprise financière à partir d’une nouvelle per-ception de ce qui fait la valeur économique.

B) AMBIGUÏTÉ DE LA NOTION DE CONFORMITÉReprenons « Les Fondements de la métaphysique des mœurs »d’Emmanuel Kant. Kant distingue l ’action accomplie pardevoir de l’action accomplie conformément au devoir. L’ac-tion accomplie conformément au devoir a un autre mobileque moral, que le devoir. Elle est intéressée. Elle est seule-ment conforme. Elle est hypocrite, douteuse, en elle se dis-tingue l’apparence et la vérité, la forme et le fond. Cette équi-voque est dangereuse.C’est cette équivoque de la conformité que l’on reproche aux /...

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/... pratiques américaines de compliance. On fait comme si. Onremplit des formulaires. On se protège. Mais on n’y croit pas.La conformité ? de la paperasse dont on ne peut pas fairel’économie.Comment en sortir ? La conformité peut-elle être une fin enelle-même ? On devrait agir par conformité. On voit bien quecela ne marche pas. Ou alors, c’est que la crainte du risqueinduit un management si précautionneux qu’on recherche leseul conformisme, au sens le plus servile. On peut dire, d’unecertaine manière, que, faire de la conformité, c’est ce qui défi-nit l’administration. Elle n’a pas à juger des fins, à juger enopportunité, elle doit seulement vérifier la conformité desprocédures. Qu’elle s’intéresse aux fins est déjà un danger,l’annonce d’un passe-droit, d’une tolérance. Mais peut-on,doit-on gérer une banque, un établissement financier, uneentreprise, comme une administration ? D’ailleurs, ce queKant oppose au conformisme de la conformité, ce n’est pas deprendre la conformité comme fin, mais le devoir. Commentappliquer cela à l’entreprise ?

C) CIVILITÉ ET COMPLIANCEDe fait, lorsqu’un établissement comme le Crédit agricoleintroduit la conformité dans sa gouvernance, il ne cherche pasle seul conformisme de ses collaborateurs. Ce qui serait unemanière de leur signifier qu’ils n’ont pas à croire, à adhérer àcette dimension qui accompagne la conformité : la déontologie. Dans une gouvernance à la conformité, il y a bien la dimen-sion d’un respect scrupuleux des procédures, mais surtout unenjeu d’identité. Il y a la volonté de construire une nouvellecivilité de l’entreprise dans un nouveau rapport aux normes etaux procédures. Il s’agit de faire en sorte, par l’intolérance surla règle, que chacun, chaque collaborateur, ait la conscienced’agir pour le bien du tout, que le bien du tout dépend de sarectitude. On veut des hommes droits, intransigeants avec eux-mêmes. La conformité appelle chaque collaborateur du plushaut au plus bas de l’échelle à un effort, un travail sur soi, unediscipline de la rigueur, de la rectitude, de l’intransigeance. Laconformité ne porte pas sur le contenu des normes, mais sur lerapport aux normes, ce qui définit précisément la dimensionde l’éthique. C’est cette rigueur, cette droiture, ce souci del’exactitude, qui devient l’éthique de l’entreprise, qui doitconstituer le souci de chacun en son sein. Il s’agit bien d’unemanière d’être avec les autres, d’un style et d’un rapport à soi.

J’ai souligné en commençant la difficulté à traduire le com-pl iance anglo-amér ica in . Au terme de cet te é tude , nous

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sommes peut-être près d’une solution dont il n’est pas sûrqu’une banque puisse l’adopter.Le rapport à la norme que désigne la conformité, dans sadimension éthique, c’est-à-dire comme exigeant une élabora-tion, un travail, une discipline de soi, n’est pas sans rappelercelui qui préside au rapport du moine à la règle de son obser-vance. Observance, voilà bien un mot français qui conjugue larègle et la pratique de la règle, conformité et déontologie, lesdeux mamelles de la conformité au sens du Crédit agricole.Voilà qui peut-être prendra en défaut la vigilance de nos plusmodernes experts en organisat ion et en management. Lemonastère, comme modèle d’organisation de l’entreprise àl’âge du risque éthique.

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Revue de presse

PREMIER SEMESTRE 2004

Janvier 2004 : le Français Crédit Lyonnais est condamné parla Fed à payer une amende de 100 millions $ pour avoir acquisla compagnie d'assurances californienne Executive Life en vio-lation du Bank Holding Company Act. Parallèlement, samaison mère Crédit agricole S.A. est enjointe de mettre enœuvre un plan renforcé de contrôle de la conformité.

Janvier 2004 : le Britannique Bank of Scotland est condamnéà payer une amende de 1,83 million d’euros pour violationdes règles sur le blanchiment.

Février 2004 : 15 opérateurs de marchés américains surmatières premières sont poursuivis par la CFTC (CommoditiesFutures Trading Commission) pour manipulation de cours,suite à la diffusion de fausses données destinées à favoriserleurs maisons mères. La filiale de Royal Dutch Shell acceptede payer 30 millions $, faute d’avoir pu fournir des docu-ments d’identification sur des détenteurs de comptes aux ins-pecteurs de la FSA.

Février 2004 : 5 teneurs de marchés du NYSE acceptent deverser 240 millions $ pour régler leur différent avec la SEC,qui leur reprochait d’avoir exécuté en priorité des transactionspour compte propre au détriment des ordres et donc des inté-rêts des clients.

/...

Si le métier de banquier, qui repose sur le crédit – au sens de

confiance –, intègre depuis toujours des codes ou traditions

de déontologie, la conformité, en tant que fonction organisée,

est un concept récent dans l’histoire financière, puisqu’elle a

été mise en place après que de nombreux scandales ont

ébranlé les principales places financières mondiales dans les

années 2000. Voici une sélection des plus récents*.

J É R Ô M E C O U R C I E R

RESPONSABLE FORMATION, DIRECTION DE LA CONFORMITÉ, CRÉDIT AGRICOLE S .A .

* Nous attirons votre attention sur le fait que les cas évoqués sont repris d’articlesde presse, et n’ont été sélectionnés que pour illustrer à des fins pédagogiques lesrisques liés à la conformité. Ils ne constituent donc pas une information et ne sau-raient être utilisés à d'autre fins. De plus, ils n'ont fait l'objet d’aucune vérificationquant à leur caractère complet et exact et ne sauraient engager le Crédit Agricole àun titre quelconque.

CI

TA

TI

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“ Vous aviezà choisir entre

la guerreet le déshonneur ;vous avez choisile déshonneur,et vous aurezla guerre.”Winston Churchil l( let tre à Chamberlain)

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/... Mars 2004 : l ’Amér ica in Bank of Amer ica/F lee tBos tonaccepte de payer une amende de 675 millions $ pour réglerson différent avec la SEC quant à l’inégalité de traitementdes investisseurs à même de réaliser des transactions sur sesparts de fonds mutuels.

Mai 2004 : l ’Américain Strong Capita l Management estcondamné à payer une amende de 140 millions $ pour avoirmanqué à son devoir de conseil.

Mai 2004 : l’Américain Riggs Bank est condamné à payer uneamende de 25 millions $ pour non respect de la loi sur leblanchiment d’argent et le financement du terrorisme ,faute d’avoir correctement rapporté comme suspectes destransactions sur des comptes liés à des gouvernements étran-gers (Riggs gérait plus de 700 millions $ pour le compte de laGuinée-Bissau dont 400 mill ions $ de royalties versées àl’État par Exxon Mobil).

Mai 2004 : le Suisse UBS est condamné à payer une amendede 100 mi l l ions $ pour avo i r e f f ec tué de s t r ansac t ionsd’échange de billets américains avec des pays soumis à unembargo par les États-Unis.

Juin 2004 : le Belge KBC est condamné par l’AMF à payerune amende de 500 000 euros pour complicité de manipula-tion de cours, faute d’avoir procédé à l’ajustement régulier dela couverture des positions d’un client « spéculateur » sur leSRD (Service de règlement différé).

SECOND SEMESTRE 2004

Juillet 2004 : le Franco-Belge DEXIA est condamné à payerdes amendes administratives symboliques pour comporte-ment non conforme au droit financier néerlandais dans lecadre de la commercialisation des produits Légiolease ; affairepour laquelle la banque fait l’objet d’une action collective et aprovisionné 500 millions d’euros.

Juillet 2004 : l’Américain Bristol-Myers Squibb est condamnéà payer une amende de 150 millions $ pour avoir trompéles marchés en gonflant artificiellement son chiffre d’affairesde 1,5 milliard $. BMS a de plus accepté de verser 300 mil-lions $ à ses actionnaires, pour éviter un procès en recourscollectif.

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Revue de presseJ É R Ô M E C O U R C I E R

Août 2004 : le Britannique Shell est condamné à payer uneamende de 150 millions $ pour avoir trompé les marchés engonflant artificiellement ses réserves de pétrole et de gaz.

Août 2004 : l’Américain Janus Capital Management acceptede payer une amende de 100 millions $ pour régler son diffé-rent avec la SEC quant à l’inégalité de traitement des inves-tisseurs à même de réaliser des transactions sur ses parts defonds mutuels.

Septembre 2004 : le Britannique Amvescap est condamné àpayer une amende de 375 millions $ et à réduire de 75 millionsles commissions prélevées sur les clients, pour avoir toléré uneinégalité de traitement des investisseurs à même de réaliserdes transactions sur ses parts de fonds mutuels.

Septembre 2004 : l’Américain Citigroup est contraint de fer-mer ses activités de banque privée au Japon, après que la FSAait annoncé la révocation de ses licences bancaires, pour avoirautorisé des lignes de crédit destinées à des manipulations enBourse et promis à des clients des rendements « extravagants »sur des produits dérivés incompréhensibles.

Octobre 2004 : l’Américain Marsh Mc Lennan perd 40 % desa valeur boursière suite à l’annonce par la SEC d’une enquêtesur son mode de rémunération des courtiers, contraire à l’in-térêt de ses clients.

Novembre 2004 : l’agence gouvernementale américaine Fan-nie Mae est mise en cause par son régulateur pour diversesmanipulations financières (lissage des résultats, comptabili-sation douteuse de produits dérivés, non-respect des règlesd’amortissement) estimées à 12 milliards $.

Novembre 2004 : l ’Américain Citigroup, accusé de négli-gence et de défaut d’information, accepte de verser 2,6 mil-liards $ pour mettre un terme aux poursuites lancées par lesinvestisseurs lésés par la faillite de WorldCom.

Décembre 2004 : le Français Vivendi Universal est condamnépar l’AMF à payer une amende de 1 million d’euros pour diversmanquements en matière de communication financière.

Décembre 2004 : le Français AXA est condamné à payer uneamende d e 500 000 £ pou r pub l i c i t é t r ompeus e auRoyaume-Uni. /...

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/... PREMIER SEMESTRE 2005

Février 2005 : le Français La Mondiale est condamné, pourdéfaut d’information, à rembourser à l’un de ses clients lesper te s subies sur son contra t d ’a s surance-v ie inves t i enBourse.

Février 2005 : l’Américain Marsh Mc Lennan crée un fondsde compensation de 850 millions $ pour régler son différentavec la SEC, qui l’accusait de ne pas défendre au mieux lesintérêts de ses clients en les dirigeant vers les assureurs luireversant les commissions arrières les plus importantes.

Mars 2005 : le Français CALYON (ex Crédit Agricole Indo-suez) est condamné par la Commission Bancaire à payer1 million d’euros d’amende pour plusieurs manques de vigi-lance dans la lutte contre le blanchiment.

Mars 2005 : l’Américain JP Morgan, accusé de négligence etde défaut d’information, accepte de verser 2 milliards $ pourmettre un terme aux poursuites lancées par les investisseurslésés par la faillite de WorldCom.

Mars 2005 : 10 assureurs allemands sont condamnés à payerune amende de 130 millions d’euros par l’Office fédéral anti-cartels pour entente illicite sur les prix des grands risquesindustriels.

Juin 2005 : l’Américain Citigroup accepte de payer 208 mil-lions $ pour régler son différent avec la SEC, qui reprochait àsa filiale de services aux fonds mutuels, Smith Barney, de pri-vilégier ses intérêts au détriment de celui de ses clients, en nefaisant pas jouer la concurrence à l’extérieur du Groupe, et enconservant l’intégralité des rabais obtenus plutôt que d’enfaire profiter les fonds mutuels, et donc leurs actionnaires.

Juin 2005 : l ’Américain Morgan Stanley est condamné àpayer une amende de 1,45 milliards $ pour conflit d’intérêtset vérification diligente frauduleuse, dans le cadre de sonmandat de conseil en acquisition sur la société Sunbeam pourle compte du raider Ronald Perelman.

Juin 2005 : l’Américain Citigroup, accusé de négligence et dedéfaut d’information, accepte de verser 2 milliards $ pourmettre un terme aux poursuites lancées par les investisseurslésés par la faillite d’Enron.

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Juin 2005 : le Français Crédit Agricole Indosuez Securities Japanest épinglé par la SESC (AMF japonaise) pour des manques dediligence en matière de KYC (Know Your Customer).

Juin 2005 : l’Américain JP Morgan Chase, accusé de négli-gence et de défaut d’information, accepte de verser 2,2 mil-liards $ pour mettre un terme aux poursuites lancées par lesinvestisseurs lésés par la faillite d’Enron.

Juin 2005 : l’Américain Citigroup est condamné pour manipu-lation de cours par le régulateur britannique (FSA) à payerune amende de 24 millions d’euros pour avoir, préalablement àla vente de 11 milliards d’euros de titres obligataires, procédé àdes achats massifs sur le marché à terme Eurex (pump anddump) et ainsi réalisé un profit indu de 17 millions d’euros.

SECOND SEMESTRE 2005

Juillet 2005 : l’Allemand Volkswagen est impliqué dans uneaffaire de corruption supposée mettre en cause des cadressoupçonnés d’avoir monté un réseau de sociétés-écrans, diri-gées par des hommes de paille pour passer des contrats avecVolkswagen ou ses filiales.

Juillet 2005 : le régulateur sud-coréen ordonne la suspensionpour un mois du patron de la Deusche Bank à Séoul etadresse un avertissement à son homologue de BNP Paribaspour défaut d’information, après avoir constaté un manquede transparence dans la commercialisation de produits dérivésde change (absence d’explicitation des risques).

Août 2005 : Crédi t Sui s se porte à 1 ,1 mi l l i a rd d ’euros(+ 600 millions) les provisions passées dans ses comptes pourcouvrir les litiges liés à la faillite d’Enron.

Août 2005 : l’Américain KPMG, accusé de complicité d’éva-sion fiscale pour avoir aidé certains de ses clients à dissimuler11 milliards $ de revenus entre 1996 et 2002, accepte depayer 456 millions de dollars d’amende (75 % de son résultatnet annuel) en échange du classement du dossier.

Septembre 2005 : le Français Cortal est condamné pourpublicité mensongère à payer une amende de 180 000 eurospour avoir imputé des frais sur un produit qu’il avait com-mercialisé comme gratuit.

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Septembre 2005 : le Trésor américain ordonne la fermeturede tous les comptes de correspondants de la Banco Delta AsiaBank (Macau) après avoir constaté des opérations de blanchi-ment de capitaux.

Octobre 2005 : 3 mois après son introduction en Bourse,l ’Amér ica in REFCO dépose son b i l an pour avo i r caché430 millions de dettes dans une structure ad hoc et présentéen conséquence de faux bilans depuis 1998.

Novembre 2005 : le Français SG Americas Securities estcondamné par la NASD (Association Américaine des Cour-t iers en Bourse) à payer une amende de 3,75 mil l ions $(+ 730 000 $ de restitutions) pour rémunération excessive,après avoir indûment majoré ses commissions sur le négocedes obligations à haut rendement.

Novembre 2005 : l’Américain Lehman Brothers est condamnépar le NYSE à payer une amende de 500 000 $ pour non res-pect de l’intérêt des clients et abus de marché, suite à uneopération sur des actions Quest Diagnostics en 2002.

Novembre 2005 : les Français Eurazeo et Exane sont condam-nés par l’AMF à payer 900 000 euros d’amende pour manipu-lation de cours et usage d’informations privilégiées.

Novembre 2005 : le Néerlandais Ahold, accusé en 2004d’avoir trompé les marchés en ayant gonflé artificiellementson chiffre d’affaires trois années durant, accepte de verser1,1 milliard $ pour mettre un terme aux poursuites lancéespar les investisseurs lésés par la chute du titre.

Décembre 2005 : les Français Orange, SFR et Bouygues Télé-com sont condamnés respectivement à des amendes de 256,220 et 56 millions d’euros par le Conseil de la Concurrence,pour s’être échangé des informations confidentielles et stra-tégiques portant sur le nombre de nouveaux abonnements etde résiliations (auto-surveillance) et s’être ainsi entendus pourstabiliser leurs parts de marché.

Décembre 2005 : le Néerlandais ABN AMRO est condamnépar la Fed à payer une amende de 80 millions $ pour avoire f fec tué des t ransac t ions avec des pays soumis à unembargo par les États-Unis, en l’occurrence avoir fait destransferts en dollars vers l’Iran et la Libye à partir de sa suc-cursale de Dubaï. Pour la Fed, ABN Amro n’a pas surveillé

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ses t ransact ions pour déce ler toute « act iv i té suspecte » ,négligé de signaler les incidents litigieux, n’a pas suffisam-ment analysé ses cl ients, et a « exagéré » la qualité de sescontrôles vis-à-vis des régulateurs.

Décembre 2005 : le principal dirigeant du Crédit Municipalde Paris est contraint de démissionner suite à l’ouverture parla Commission bancaire d’une procédure disciplinaire pournon signalement de dossiers litigieux aux autorités chargéesde lutter contre le blanchiment de l’argent.

Décembre 2005 : l’Américain American Express, accusé dedéfaut d’information pour avoir, sans information préalable,prélevé des charges pouvant atteindre 2 % aux clients quieffectuaient des achats en monnaies autres que le dollar,accepte de payer 75 millions de dollars aux 800 000 plai-gnants en échange du classement du dossier.

PREMIER SEMESTRE 2006Janvier 2006 : le Français Banque Populaire Centre Atlan-tique est condamné pour facturation excessive d’un client ensituation de domination économique.

Janvier 2006 : le Japonais Livedoor, soupçonné de manipula-tions boursières et de falsification de bilans, voit son coursplonger de 30 % en deux jours.

Janvier 2006 : le Français Caisse d’Épargne est condamné parl ’AMF à une amende de 150 000 euros pour n’avoir pasassuré la couverture nécessaire à la vente de titres.

Janv i e r 2006 : v ing t en t r epr i s e s d ’ inve s t i s s ement sontcondamnées par le département de surveillance du NYSE àdes amendes totalisant 5,9 millions $ pour des manquementsrépétés aux procédures de reporting des « Blue Sheets » (parexemple, des ventes à découvert ont été rapportées comme desventes de t i tres au comptant). UBS Securit ies , GoldmanSachs, Merrill Lynch, Crédit Suisse et Calyon Securities ontreçu chacun une amende de 500 000 $.

Janvier 2006 : l’Américain Merrill Lynch est condamné par laNASD à une amende de 14 millions $ pour la vente abusivede parts de fonds d’investissement inappropriés aux parti-culiers. Ce montant correspond aux commissions supplémen-taires indûment perçues par la vente des fonds inappropriés. /...

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/... Février 2006 : le Français GEMPLUS est condamné parl’AMF à une amende de 600 000 euros pour diffusion d’in-formations inexactes.

Février 2006 : l’Américain AIG, accusé d’avoir falsifié sescomptes, accepte de payer 1,6 milliard de dollars aux action-naires trompés, aux clients lésés et à l’État de New-York, enéchange du classement du dossier.

Février 2006 : l’Allemand HVB, accusé de complicité d’éva-sion fiscale pour avoir financé des structures montées parKPMG aux États-Unis, accepte de payer 25 millions de dol-lars d’amende en échange du classement du dossier.

Mars 2006 : les Français La Mondiale et AXA sont condam-nés, pour défaut d’information, à rembourser à leurs clientsles pertes encourues sur leurs contrats d’assurance-vie investisen Bourse, faute de leur avoir remis une note d’informationsur les dispositions essentielles des contrats qui soit distinctedes conditions générales de vente.

Mars 2006 : l’Allemand Deutsche Bank, accusé de complicitéd’évasion fiscale pour avoir financé des structures montéesaux États-Unis par KPMG, provisionne 250 millions de dol-lars pour couvrir l’éventuelle amende à payer en échange duclassement du dossier.

Mars 2006 : le Français La Poste est condamné à une amendede 300 000 euros pour publicité mensongère. Les premièresplaquettes publicitaires de ses fonds à promesse Bénéfic indi-quaient en effet « restez gagnants même si le CAC ou l’EuroStoxx 50 baissent ».

Avril 2006 : l’Américain Citigroup est accusé de délit d’initiéen Australie pour avoir usé de sa position de conseiller afin deréaliser des opérations pour compte propre sur les titres dugroupe Toll.

Avril 2006 : l’Allemand Deutsche Bank, condamné partielle-ment par la justice pour violation du secret professionnel etavoir ainsi porté atteinte aux intérêts de son client Kirch,accepte la démission du président de son consei l de sur-veillance.

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Avril 2006 : l’Américain JP Morgan Chase est contraint parla FSA de suspendre les activités de son agence de Tokyo dansdeux domaines ( futures sur indices de marchés et créditsimmobiliers) pendant respectivement 15 et 5 jours, pourdivers abus de marché.

Avril 2006 : l’Américain Goldman Sachs est accusé de conflitd’intérêt en Angleterre pour avoir réaliser des opérationspour compte propre sur les titres du groupe Scania, alorsmême qu’il était mandaté pour vendre un bloc d’actions de lasociété pour compte de tiers.

Avril 2006 : l’Américain JP Morgan Chase, accusé d’abus demarché pour avoir privilégié, dans l’attribution des titres deses IPO, les investisseurs qui s’engageaient à acheter après lacotation de nouvelles actions à des prix plus élevés, accepte deverser 425 millions $ pour mettre un terme aux poursuiteslancées par les investisseurs lésés par l’explosion de la « bulleboursière » créée par les valeurs technologiques entre 1988 et2000.

Mai 2006 : l ’Amér i ca in Pr i ce Wate rhouse Cooper s e s tcontraint de suspendre pour 2 mois ses services d’audit auJapon, sur ordre de la FSA, qui lui reproche un contrôleinterne insuffisant ayant permis à la société de cosmétiqueKanebo de « maquiller » ses comptes.

Juin 2006 : ?

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279 Aménagement du territoire :la nouvelle équation

280 Le réveil des matières premières281 Quelle innovation en agriculture ?282 Les impacts de l’UEM

sur le système bancaire283 La banque face aux progrès

technologiques284 Les nouveaux marchés

de la carte bancaire285 Les nouvelles tendances

de la distribution bancaire286 L’évolution des exploitations agricoles287 L’Amérique latine en pleine mutation288 Les marchés mondiaux de produits

agricoles à l’aube du XXe siècle289 Les banques à l’heure

des concentrations290 Nouveaux défis pour

les collectivités locales291 Ambitions et atouts de l’agriculture

française292 La Chine après Deng Xiaoping293 Le commerce extérieur français294/ Stratégies bancaires à l’aube 295 du XXIe siècle296 Nourrir l’humanité297 La protection sociale à la recherche

d’un équilibre.298 Protection de l’environnement

et lutte contre la pollution299 Nouvelle donne pour les entreprises300 Investissement immobilier :

stratégies pour demain301 Les mutations de l’agriculture française302/ Stratégies bancaires : nouvelles303 dynamiques européennes304 Une nouvelle architecture

du système financier international ?305 L’agriculture française :

dix ans pour l’an 2000306 Développement économique

et collectivités locale307 Vent de reprise en Asie

308 Le financement de l’agricultureen France et en Europe

309 L’Europe bancaire en mouvement

310 Le passage à l’euro fiduciaire

311 Le crédit à la consommation en France et en Europe

312 Acteurs et stratégiesde l’Europe bancaire hors France

313 Banque et risque

314 L’Europe centraleaux portes de l’Union

315 La gestion d’actifs :bilan d’un succès

316 Banque et nouvelles technologies

317 Banque et immobilier

318 L’Europe des services bancaireset financiers

319 Le secteur bancaire et financier,acteur du développement durable

320 Les nouveaux aux territoiresde la bancassurance

321 De nouvelles exigencespour les banques

322 Vers un marché uniquedu crédit immobilier en Europe ?

323 Dynamiques chinoises

324 La consolidation bancaire en Europe

325 À nos marques !

326 Agriculture et ruralitédans les pays en développement

327 Banque de financementet d’investissement :modèles et développements

328 Face aux risques extrêmes :banques et assurances

329 Conformité : pourquoi et comment

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