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A ma table après la première matinée de sessions du Théâtre du Léman, se trouvaient un maçon et un archi-

tecte, l’incontournable maître d’oeuvre, et une... coloriste, qui nous évite des façades trop grises. Certes, ce mélange n’a rien pour surprendre un chef de chantier... mais il est plus rare pour un journaliste qui couvre un congrès. Bref, l’ambiance était au ren-dez-vous, même si – en fin de compte – deux des trois débats ont laissé le public sur sa faim... pour l’instant.«Bâtir dans la diversité», tel était le thème cette année: on a été servi, surtout lors de

la session cruciale «Urbanisme, mobili-té et construction» (voir aussi prezi.com/djkb_qiypq3r/projet-europeen-astus/). Les langues se sont déliées... d’entrée, le célèbre architecte et urbaniste français Michel Can-tal-Dupart a tourné en dérision la «densifi-cation» et autres «éco-quartiers»... slogans qui mènent souvent à des utopies hors sol... au propre et au figuré. D’ailleurs, densifier par le nombre d’étages est trompeur: «Hong Kong est une capitale des tours, mais pré-sente une densité (bien plus) basse» que Pa-ris (sauf au centre-ville pendant les fêtes, où on doit mettre les trottoirs en sens unique!).

Cobatyste et patron de Favre & Guth, Pa-trice Bezos a taxé son homonyme d’Ama-zon (Jeff) d’homme «plus dangereux que Donald Trump et Kim Jong-un... car il vide les rues de leurs magasins»... et même le Conseiller d’Etat Antonio Hodgers a admis qu’«éco-quartier» était un slogan marketing, tout autant politique que commercial... au-quel il préfère la notion de «ville à courtes distances». Le mélange de métiers qui fait la force du Cobaty a aussi permis des critiques assassines ou goguenardes entre architectes, ingénieurs et urbanistes. Mais si Michel Cantal-Dupart s’est réjoui qu’existe une telle

n CONGRÈS COBATY

Les bâtisseurs sont aussi des rêveursCeci n'est pas un compte rendu de congrès, mais une rêverie inspirée par un congrès: la grande réunion annuelle de Cobaty - qui s'est tenue cette fois à Genève – fut surtout un moment à vivre par son mélange des genres... et à suivre pour ses visites d’objets et chantiers. Les trois grands débats ont été filmés, et se trouveront en ligne (cobaty.org). Mais, comme pour une ville, on doit quitter un congrès avec un ou deux regrets... afin d'être sûr d'y revenir.

www.toutimmo.ch©

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plate-forme pour commencer à se parler, et parfois à se comprendre – même si chacun a sa langue de métier - certaines questions sont restées jusqu’au bout objet de désac-cords, ou pis, de silences ou d’oublis.

La diversité est un bouquet de frontières

On l’a bien vu le lendemain matin, avec le podium sur les flux migratoires: débat nour-ri, mais centré sur le «problème» de la fron-tière dans notre région, avec deux tiers des emplois en Suisse et deux tiers des logis en France. Mais les villes frontières et les villes libres sont-elles un «problème» à résoudre... par l’inclusion dans une «communauté»… au moment où aux quatre coins de l’Europe – certains voient l’avenir de leur «commu-nauté» dans une nouvelle «frontière»? On

peut même se demander si la «ville» n’est pas par nature une «frontière»: certes, elle n’a plus guère de murs, qu’on ne voit chez nous désormais qu’en virtuel (geneve1850.ch). Mais une fois en ville, un migrant n’en repart plus: «Ville dense, ville intense», di-sait un tweet à l’écran pendant le débat. Et la «ville à courtes distances» d’Antonio Hod-gers est irréversible: face à l’habitat dispersé des campagnes, la ville offre – en nombre d’humains – quatre fois plus de contacts quand la distance double... et même huit fois, si on pense qu’en ville, on construit plus haut (ou plus bas: voir vdf.ch/projet-deep-city.html). Est-ce pourquoi des millions de pauvres dans le monde campent dans des taudis plutôt que rentrer au village, même si une vache et un champ les attendent? Une fois devenu citadin, le citoyen rejette son profil rural: «L’école républicaine enseigne

avant tout au villageois à se haïr lui-même», disait (cité de mémoire) un auteur français sous la Troisième République. Et un récent séminaire au Palais des Nations (geneva-aca-demy.ch) a montré combien était difficile de «représenter» les paysans. «Construire les villes à la campagne» comme voulait Rousseau… construire des camps vivables comme le tente l’agence des «Nations Unies pour les réfugiés»… déconstruire les «murs de la honte», comme en rêvent les citoyens du Monde… il y a de quoi faire encore bien des débats au Cobaty.

Autant tourner… tant qu’il y a de l’eau dans le pot

De même pour le premier débat, portant sur «l’eau», sujet d’un «Cahier» déjà paru au Cobaty: on a appris alors bien des choses, sur les couacs entre Verbois et Génissiat… et les termes «chasse», voire «vidange» sont désormais tabous au profit d’«abaissement». Mais on n’a guère parlé de construire des barrages… sujet de grande actualité mon-diale pour peu qu’ils soient «durables» comme les Alpes. Ni d’architecture flu-viale, alors que Genève-Tourisme clame qu’elle veut mettre les rives en valeur. Ni des latrines que l’UNICEF construit pour les Rohingyas dans les camps. Partout, l’eau est pour l’urbanisme un sujet «chaud»… dans notre pays… dans les mégapoles… sous les barrages… dans les déserts (voir aussi ini-tiativesfleuves.org). Peut-on «construire les villes à la campagne»… même sur le sable ou la glace (le Sahara a la taille du Cana-da)? On voit que les sujets ne manquent pas pour poursuivre le débat… même si pas mal d’eau coulera sous les ponts avant que le congrès fédéral du Cobaty revienne à Ge-nève (les prochains sont à Mâcon, Paris et Bordeaux). n

Boris Engelson

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