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F.Boule / Construction de l’espace 1 1/02/13 Construction de l’espace et géométrie 1. Les représentations L’ espace se construit (l’enfant le construit) peu à peu par le moyen de son activité, au fur et à mesure du développement de ses habiletés gestuelles, de sa capacité de locomotion, de la possibilité d'explorer l'environnement. L'espace dont il prend conscience (on pourra dire la même chose de la durée) s'élargit, se précise, s'organise ; on ne développera pas davantage ici tout ce qui, de l'oeuvre de J. Piaget est bien connu. On peut distinguer trois types de représentations aussi bien au niveau externe qu'au niveau interne. • Le premier (premier cité, mais premier à apparaître) est celui des représentations motrices ou psychomotrices [J.Bruner les nomme “enactive”] : celles qui procèdent directement de l'intégration d'une activité motrice. Exemple : le tire-bouchon. Comment définir cet objet sans le décrire ? Par le geste de déboucher ; il y a donc une mémoire du geste, en relation avec celle du mot. Une partie de l'enchaînement moteur est intégré, c'est-à-dire provisoirement automatisé. Autres exemples : le doigté d’un instrument de musique, ou la mémorisation précoce des opérations sur le “Cube-Rubik”. • deuxième type de représentation : les représentations visuelles. Vous prévoyez des achats à faire, vous écrivez une liste, que vous pouvez jeter ensuite parce que vous gardez mémoire de l'image ainsi constituée et du geste qui l'a construite. Les exemples sont nombreux ; pour rappeler une référence bibliographique, il suffit parfois d’évoquer la couverture du livre. Autre exemple : évocation d’un visage, d’un lieu. La reconnaissance d'un visage est une capacité extrêmement précoce dès la petite enfance, mais globale (et pas seulement visuelle). Voici encore un exemple qui illustre cette capacité : essayez de dessiner la carte à jouer “Sept de Pique” de mémoire. On y arrive rarement. Et pourtant c'est une carte que l'on sait reconnaître immédiatement, mais sans l'avoir jamais complètement analysée. Cette capacité globale de reconnaissance est importante, et fera l’objet d’un développement, ci-dessous. • Troisième type de représentation : celles que l'on peut dire verbales, fondées sur des mots. Mais il n'y a pas disjonction complète entre ces différents types de représentations ; il en est peu qui soient purement verbales, ou purement visuelles. Voici un exemple illustrant cette complémentarité. Supposons que l’on projette les figures ci-dessous, une à une, pendant quelques secondes. Il s’agit ensuite, de mémoire, de dessiner la figure. fig. 1 fig. 2 fig. 3 La première image ne pose pas problème ; on pourrait dire qu’il s’agit d’espace pur : tout le monde reconnaîtra une construction de cubes, qui est très simple. La deuxième est moins évidente. Si cubes il semble y avoir encore, ils ne reposent pas sur un plan de base ; ils sont en contact les uns avec les autres par une arête, mais comment repérer ce voisinage ? C’est ici que les mots vont devoir intervenir, en spécifiant soit les arêtes, soit les points de vue. La troisième image, dans une égale durée d’observation, conduit à une difficulté bien plus grande. Si l’on veut encore y voir des cubes, il ne s’agit plus d’un espace “normal”; et les relations entre ces cubes doivent emprunter d’autres registres, par exemple en termes de transformations géométriques. On décompose l’image, pour en soumettre les parties à un traitement pour lequel le langage devient indispensable. Il y a évidemment enrichissement mutuel entre les capacités de percevoir et de décrire. La

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F.Boule / Construction de l’espace 1 1/02/13

Construction de l’espace et géométrie 1. Les représentations L’ espace se construit (l’enfant le construit) peu à peu par le moyen de son activité, au fur et à mesure du développement de ses habiletés gestuelles, de sa capacité de locomotion, de la possibilité d'explorer l'environnement. L'espace dont il prend conscience (on pourra dire la même chose de la durée) s'élargit, se précise, s'organise ; on ne développera pas davantage ici tout ce qui, de l'oeuvre de J. Piaget est bien connu. On peut distinguer trois types de représentations aussi bien au niveau externe qu'au niveau interne. • Le premier (premier cité, mais premier à apparaître) est celui des représentations motrices ou psychomotrices [J.Bruner les nomme “enactive”] : celles qui procèdent directement de l'intégration d'une activité motrice. Exemple : le tire-bouchon. Comment définir cet objet sans le décrire ? Par le geste de déboucher ; il y a donc une mémoire du geste, en relation avec celle du mot. Une partie de l'enchaînement moteur est intégré, c'est-à-dire provisoirement automatisé. Autres exemples : le doigté d’un instrument de musique, ou la mémorisation précoce des opérations sur le “Cube-Rubik”. • deuxième type de représentation : les représentations visuelles. Vous prévoyez des achats à faire, vous écrivez une liste, que vous pouvez jeter ensuite parce que vous gardez mémoire de l'image ainsi constituée et du geste qui l'a construite. Les exemples sont nombreux ; pour rappeler une référence bibliographique, il suffit parfois d’évoquer la couverture du livre. Autre exemple : évocation d’un visage, d’un lieu. La reconnaissance d'un visage est une capacité extrêmement précoce dès la petite enfance, mais globale (et pas seulement visuelle). Voici encore un exemple qui illustre cette capacité : essayez de dessiner la carte à jouer “Sept de Pique” de mémoire. On y arrive rarement. Et pourtant c'est une carte que l'on sait reconnaître immédiatement, mais sans l'avoir jamais complètement analysée. Cette capacité globale de reconnaissance est importante, et fera l’objet d’un développement, ci-dessous. • Troisième type de représentation : celles que l'on peut dire verbales, fondées sur des mots. Mais il n'y a pas disjonction complète entre ces différents types de représentations ; il en est peu qui soient purement verbales, ou purement visuelles. Voici un exemple illustrant cette complémentarité. Supposons que l’on projette les figures ci-dessous, une à une, pendant quelques secondes. Il s’agit ensuite, de mémoire, de dessiner la figure.

fig. 1 fig. 2 fig. 3 La première image ne pose pas problème ; on pourrait dire qu’il s’agit d’espace pur : tout le monde reconnaîtra une construction de cubes, qui est très simple. La deuxième est moins évidente. Si cubes il semble y avoir encore, ils ne reposent pas sur un plan de base ; ils sont en contact les uns avec les autres par une arête, mais comment repérer ce voisinage ? C’est ici que les mots vont devoir intervenir, en spécifiant soit les arêtes, soit les points de vue. La troisième image, dans une égale durée d’observation, conduit à une difficulté bien plus grande. Si l’on veut encore y voir des cubes, il ne s’agit plus d’un espace “normal”; et les relations entre ces cubes doivent emprunter d’autres registres, par exemple en termes de transformations géométriques. On décompose l’image, pour en soumettre les parties à un traitement pour lequel le langage devient indispensable. Il y a évidemment enrichissement mutuel entre les capacités de percevoir et de décrire. La

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perception est une construction, une hiérarchisation, c'est-à-dire une suite de choix, donc un objet d'apprentissage. Le rôle du langage est notamment de permettre l'analyse, donc l'affinement de la perception. L'un des axes directeur des activités mathématiques à l'école est de faire construire des représentations, de les rendre disponibles et maîtrisées ; on peut ajouter à cela cette éducation de la perception qui consiste à bien faire voir ce que l'on voit, à faire analyser, décrire, pour percevoir mieux. Les représentations mentales de types gestuel / visuel / verbal sont rarement dissociées : une « image mentale » n'est pas vraiment une image. C'est un complexe qui associe un ensemble de connaissances, de mots, d'évocations de toutes sortes y compris affectives. Pour simplifier et résumer, on pourrait dire qu'il s'agit, à l'école ( dans le champ qui nous occupe ) de faire créer, rendre disponibles et maîtrisées par l'enfant de nouvelles représentations des choses à partir de son “vécu”, de ses déplacements, de ses manipulations. Cette construction qui va de l'acte vécu à la représentation, ce passage, ce va-et-vient sont essentiels pour les apprentissages mathématiques. 2. Espace et Géométrie L’intuition de l’espace est une construction individuelle. Celle-ci procède par enrichissement de l’expérience et coordination des différents “espaces” perceptifs. Ainsi se constitue un “espace vécu”, une “géométrie concrète”, qui est prise de possession de l’espace et découverte d’invariants propres à l’environnement et aux objets qu’il contient. Cet espace devient objectif lorsque le sujet en vient à disposer de représentations qui deviennent communicables et permettent d’évoquer les objets, voire de raisonner sur eux, même en leur absence. Ainsi s’élabore l’“objet géométrique” qui est un être abstrait. La construction de l’espace est d’abord activité du corps. Les gestes, les mouvements, les déplacements sont une prise de possession de l’espace. Cet espace premier se développe par élargissement de l’espace vécu puis par objectivation (espace centré sur soi, puis décentré, capacité de détour, d’anticipation), enfin par l’élaboration de représentations objectivables. La construction de l’espace se poursuit bien au-delà de l’école élémentaire. Deux conséquences résultent de cette tentative de distinction : • A l’école, il est moins question de géométrie que d’espace. Il s’agit d’établir des représentations mentales par prolongement de l’expérience, et de les maîtriser, en un mot de commencer à penser l’espace. Cette capacité est une des conditions de la mémorisation et de la schématisation. Les représentations spatiales sont partout présentes. Cela passe naturellement par le repérage, les déplacements, la reconnaissance de formes, mais aussi par la construction d’objets, la mémorisation des lieux, l’évocation des points de vue, l’imagination. On aurait tort de réduire ce champ à la manipulation des indicateurs spatiaux du langage, même si l’établissement d’un vocabulaire est une évidente nécessité. Penser l’espace, c’est prolonger l’expérience par des représentations ; celles-ci peuvent être langagières mais aussi gestuelles ou visuelles, extériorisées ou non. C’est la condition de la géométrie, bien sûr, mais bien plus fondamentalement un des moyens de la connaissance. • Il faut distinguer fermement ce qui concerne les objets, leur représentation interne, et la capacité d’exprimer une représentation. Reconnaître un objet selon telle ou telle apparence est une compétence élémentaire. La mémorisation de ces apparences et leur mise en relation relève d’un second niveau. La capacité de construire des représentations et de les maîtriser en l’absence des objets constitue un troisième niveau. Le parcours de ces niveaux s’étend sur plusieurs années.

Reconnaîtreobserver

reproduireconstruire

C’est pourquoi les activités de géométrie doivent obligatoirement s’initier avec de VRAIS objets dans le but, à plus long terme, de travailler seulement sur des représentations. C’est la fréquentation initiale du réel qui assurera la disponibilité des représentations. L’emploi de fiches, ou l’utilisation de simulations sur ordinateur peuvent trouver leur place, mais celle-ci ne saurait être première, ni tenir lieu de manipulation.

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Les définitions abstraites ( droites, plans, parallélisme… ) n’ont pas lieu d’intervenir à l’école en dehors de situations manipulables. En revanche les occasions sont nombreuses de préciser le vocabulaire en partant d’objets concrets. Ni le vocabulaire, ni les représentations ne constituent par eux-mêmes un objectif. Il s’agit prioritairement d’enrichir et de structurer l’expérience. C’est la circulation entre les différents termes ci-dessous (et pas seulement chacun d’eux) qui engendre les représentations mentales.

observation, manipulation,d'objets réels

transpositionsreprésentations figurées

Constructionsdescription, codage verbal ou symbolique

Le tableau suivant propose un classement des différentes activités qui relèvent de l’espace ou de la géométrie à l’école. Il ne s’agit pas ici de développer chacun de ces thèmes, mais de préciser ce qui permettra de situer les compétences ou les difficultés d’un enfant dans chacun de ces domaines.

ORIENTATION

FORME

CONFIGURATIONS

Projeter l'orientation

orientationdes objets

les directions principales : haut / bas

devant / derrièredroite / gauche

positionsrelatives

orientationobservée

reconnaissance

(globale)de formes

repérage analytique(tableau, grille

formes complexes)

images(cf. lecture)

constellations(cf. nombre)

reconnaissanceglobale

repérage de propriétés

relationslogiques

entre propriétés

3. Espaces large, moyen, proche Une dernière distinction va nous occuper avant d’aborder des activités pratiques parce que les manières de se repérer, de s’orienter, de se représenter en dépendent. L’espace large est celui que l’on ne peut appréhender entièrement du regard : le quartier ou la maison que l’on occupe. On ne peut le découvrir que de proche en proche, grâce à ses déplacements (c’est l’espace vécu selon J.Piaget), sans aucun survol, au moins initialement. Ces déplacements sont repérés à partir du corps : « j’avance, je tourne à droite, puis encore à droite… ». C’est ainsi que l’on peut mémoriser un trajet ou le communiquer à quelqu’un qui demande son chemin. Ces activités permettent la construction de représentations qui s’enchaîneront les unes aux autres d’autant mieux que l’espace deviendra plus familier. Toute autre est la découverte d’une ville inconnue pour un adulte, dont il a d’abord étudié le plan ; le plan procure une référence globale par rapport à laquelle vont s’organiser les représentations locales. Pour l'enfant l'espace se construit d'abord selon la première manière, de proche en proche. Il n'accède que peu à peu à la capacité de survol qui va donner naissance à l' “espace objectif”. L’espace proche contient ce qui est sous le regard, et sous la main : la table, la page. Une forte structuration de la page est une condition essentielle pour les apprentissages (et pas seulement ceux de la lecture ou du calcul). Elle est normalement à l’œuvre entre trois et six ans, à l’école maternelle. C’est peut-être pourquoi on semble (malheureusement) s’en soucier beaucoup moins au-delà. Le mode de repérage est tout à fait différent. La feuille est orientée par la position de celui qui l’observe : la droite et la gauche de la feuille sont la droite et la gauche de l’observateur. On parle du haut et du bas de la feuille, même si elle

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est située dans un plan horizontal, par transposition du haut et du bas du tableau, situé devant (fig.4). C’est un repère fixe.

haut

bas

droite

gauche

A

fig. 4 fig. 5

En revanche lorsque l’individu B se déplace sur le quadrillage selon le chemin tracé, il avance de deux cases, tourne à droite, puis encore à droite. L’orientation est définie par rapport à l’individu qui se déplace (fig. 5) ; c’est un repère mobile. On appellera espace moyen le lieu où ces deux repérages peuvent se rencontrer ou entrer en conflit, dans la classe par exemple ; en me plaçant dans un coin ou contre un mur, je peux observer l’ensemble et situer par rapport au tableau, au fond de la classe, au mur extérieur… ; en revanche, si je me déplace dans la partie centrale, je n’ai qu’une vue partielle, et j’oriente mon déplacement par rapport à moi-même, comme ci-dessus, fig. 5. La tortue LOGO jadis a beaucoup contribué à l’exercice de ce type de repérage, et l’on parlé d’une « géométrie locale ». 4. Conflit d’orientation et conflit de représentation Voici un exemple de conflit d’orientation. L’orientation première, on l’a dit, est par rapport à son propre corps. C’est ce repérage-là qui permet d’orienter ensuite la feuille ou le tableau, et aussi quelques objets par référence à la position du sujet : un fauteuil, une automobile sont orientés implicitement par référence à la position de la personne qui l’occupe. Certains objets ne sont pas orientables par eux-mêmes (une assiette, un ballon…) mais par la disposition qu’on leur donne ou l’usage que l’on en fait.

fig. 6 a fig. 6 b

En observant la disposition de la figure 6 a, on peut dire que l’arbre se trouve devant la voiture, et le ballon à sa gauche. Mais l’observateur B de la figure 6 b peut également dire que le ballon se trouve devant la voiture et que l’arbre est à droite de la voiture. L’intervention d’une représentation imagée introduit ainsi une grave ambiguïté : le repérage peut être envisagé par rapport aux objets eux-mêmes, ou bien par rapport à la feuille.

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fig. 7 a fig. 7

Considérant les deux objets de la fig. 7 a, on peut dire « le vélo est devant la voiture». Cependant, l’image 7 b, orientée par le regard du spectateur distingue un premier plan et un second : dans ce cas, c’est l‘arbre qui est devant la voiture. Il y a donc lieu de montrer quelque prudence lorsqu’une orientation implicite semble évidente pour l’adulte (en particulier sur un dessin). Autre exemple : la disposition des couverts sur une table. On ne situe pas le couteau “à droite de l’assiette” ( qui n’a par elle-même ni droite ni gauche ), mais à la droite de la personne qui est à table. Ces deux types de repérage sont étudiés à l’école, et mieux vaut sans doute séparément. Le second a une importance capitale dans les apprentissages de l’écriture et de la lecture, mais aussi du calcul. C’est pourquoi on y consacre beaucoup de temps à l’école maternelle ; mais au CP la maîtrise de ce repérage n’est pas acquise par tout le monde, ce qui peut entraîner des difficultés. C’est pourquoi la plupart des activités évoquées dans la suite de ce chapitre sont relatives à l’espace proche. Remarque : L’apprentissage du repérage spatial n’est pas une leçon de vocabulaire. Le vocabulaire est naturellement utile pour la communication, mais il n’est pas premier. De nombreux exercices liés à l’orientation peuvent être muets, ou bien introduire peu à peu à des représentations langagières. Il est important de faire jouer ces différents registres afin de savoir si la difficulté éventuelle provient de la notion, de son usage ou de sa désignation. 5. Activités Planche à jetons Le matériel est composé de deux quadrillages et de quelques jetons. Une configuration est composée sur la première planche. Il s’agit de la reproduire sur la seconde planche.

fig. 8

sur le CD : ESP-1 Planche Première modalité : le modèle reste présent. Cet exercice est d’ordre perceptif, un contrôle immédiat étant possible. Seconde modalité : la seconde planche est séparée de la première par un écran, ou bien la première planche recouverte d’un écran après observation. Il est alors nécessaire de mémoriser la configuration. Attardons-nous sur cette exercice. Dans cette modalité, il est quasi-muet, mais on peut y faire intervenir progressivement une composante langagière. Deux autres variables interviennent évidemment : la durée d’observation, et le nombre de jetons. La durée d’observation, avec des enfants, ne doit pas être inférieure à une dizaine de secondes. Le nombre de jetons est une variable de complexité : deux ou trois au cycle 2, quatre à six au cycle 3. Un échec à cet exercice peut provenir de la saturation de la mémoire de travail, mais

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aussi d’un déficit de repérage. Quels sont les éléments qui peuvent intervenir ? Il peut s’agir de repères visuels purs, ou bien d’éléments en partie langagiers. Dans le premier cas, il s’agit d’une reconnaissance globale, dans le second, d’une analyse de la figure ; un cas limite consiste à repérer les « coordonnées » (ligne, colonne) de chaque jeton.

fig. 9 A B C D Dans le premier exemple ci-dessus (A), il est facile de voir une rangée centrale de jetons noirs, et deux jetons blancs de part et d’autre ; en (B), on peut voir deux alignements parallèles de trois jetons, en partant du coin supérieur gauche pour les noirs, du coin inférieur droit pour les blancs. La situation D est probablement plus récalcitrante parce que dépourvue d’éléments de symétrie ou de figures partielles identifiables. Remarque : si les jetons ont été déposés un à un, une stratégie consiste à reproduire la succession des gestes dans le même ordre ; c’est un élément facilitateur pour la mémoire. Les repères choisis sont typiquement personnels, ils dépendent de la perception et des moyens de « lecture » de chacun. Le repérage global (image) est plus efficace et plus économique pour la mémoire, mais pas toujours pertinent. En revanche une perception analytique est beaucoup plus coûteuse et risque de conduire à la saturation. Il est très utile de savoir sur quels éléments l’enfant va s’appuyer (formes partielles, lignes, colonnes, coins, diagonales, etc.). Le meilleur moyen pour cela est de lui proposer, pendant l’observation, de décrire à sa manière la disposition des jetons. Cette description est libre et renseigne sur les éléments de repérage disponibles. Mais elle permet aussi de les contrôler et, plus tard, de corriger un vocabulaire inapproprié. On peut faire l’hypothèse que le seul fait de décrire la situation facilite son ancrage en mémoire de travail. Ainsi, cette situation d’abord muette conduit à une exploitation langagière croissante. Il en sera de même pour beaucoup des exercices qui vont suivre. Jeu de Kim Cette activité est de même nature, mais moins formelle. Quelques objets sont disposés sur une table ( un crayon, une boîte, une gomme, une assiette, un vase, une carte à jouer, une poupée… ) et proposés à l’observation. Puis l’un des enfants ferme les yeux, ou les recouvre d’un bandeau ; l’un des objet est retiré, ou seulement déplacé. L’enfant, observant de nouveau, doit indiquer quel est l’objet retiré ou déplacé. On commence avec quatre d’objets, puis on en ajoute un, puis un autre ; ou bien on déplace un objet, puis deux, puis trois…. Le jeu peut durer quelques minutes (cinq ou six) ; il réclame une attention soutenue. Construction avec des cubes emboîtables On peut transposer ce genre d’activité en trois dimensions. On utilise alors des cubes en matière plastique susceptibles d’être emboîtés dans toutes les directions. Il existe plusieurs variétés ( Mathémacubes, Multicubes, Centicubes… ) ; il faut préférer les cubes les plus gros (au moins 2 cm de côté). Chaque modèle existe en plusieurs couleurs. On appelle solide une construction d’un seul tenant réalisée avec ces cubes. On peut tenir compte ou non des couleurs :

fig. 10 A B C D

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Toutes les constructions ci-dessus comportent cinq cubes (quoiqu’on n’en voit quatre dans les trois premiers cas), mais A et B sont différentes, alors que C et D sont identiques. sur le CD : ESP-2, fiche de travail détaillée avec les cubes emboîtables a. Reconnaissance Plusieurs solides sont proposés. On se demande si plusieurs d’entre eux sont pareils (on dira que deux solides sont « pareils » s’ils sont construits de la même façon). Il est possible de les prendre en main pour les comparer. Ce qui est en jeu ici est l’orientation. On cherche à disposer un solide dans une orientation permet de faciliter la comparaison. b. Variante : reconnaissance différée Un solide est présenté à l’observation. Il doit être simple (quatre ou cinq cubes). Puis il est replacé dans une boîte qui contient déjà d’autres constructions voisines (mais différentes). Retrouver le solide observé initialement (…il est bon d’en faire observer une copie auparavant, afin de pouvoir valider le résultat). c. reproduction Un solide est donné (par exemple l’un des solides de la fig. 10) ; il s’agit d’en faire une copie. Comme précédemment, on peut faire intervenir plusieurs couleurs. La reconstruction met en jeu un certain mode de description, pas nécessairement verbal. On retrouve, comme avec la « planche à jetons » ci-dessus la complémentarité des perceptions globales ou analysées, et le rôle des mots dans l’articulation ou la situation des parties. Une variante possible est la « reproduction accompagnée » : le personnage ci-dessous (fig. 11) peut dire : « un cube gris est posé devant moi ; un autre est placé à gauche de celui-ci ; un troisième est situé en arrière du cube gris ; un quatrième est posé sur ce dernier ; le cinquième (et dernier) est attaché à droite du quatrième ». Cette description (dictée) est opérée selon le repère fixe de l’observateur.

fig. 11

c. Variante : reconstruction différée Cet exercice est beaucoup plus difficile, même pour des solides de quatre ou cinq cubes. On peut le faciliter en permettant des va-et-vient entre le modèle et la table de travail. Intervient alors une représentation mentale du modèle par rapport à laquelle la construction suscite des hypothèses, qu’un retour au modèle permet de valider, etc. Cette représentation est donc d’ordre analytique, et non global (il suffit de quatre à six cubes). Les Petites boîtes Le matériel est composé de fragments de tasseau découpés à une fois, deux fois, trois fois leur largeur et assemblés à la colle à bois. Voici les pièces utilisées ( avec les lettres qui vont les désigner par la suite ) :

L R

T

S G D

fig. 12

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Une boîte en carton (sans couvercle) ont pour dimension 2×3×2 (l’unité étant la largeur de tasseau). Il s’agit de puzzles à trois dimensions : cette boîte est présentée, contenant les pièces R, G, T puis vidée devant l’enfant. Il s’agit de replacer les pièces dans la boîte. De même qu’il y a un décalage important entre la capacité perceptive d’identification de la pièce et la capacité motrice de déplacement dans le plan, il y a un décalage entre la maîtrise des déplacements dans le plan (translation, rotation) et la maîtrise des déplacements dans l’espace (les mêmes, auxquels s’ajoutent les retournements dans l’espace). sur le CD : ESP-3 Taktiles, présentation, exemples On peut considérer que ce type de jeu fait partie de la famille des puzzles. Il s’agit d’une activité peu verbale (consigne simple, pas de description, représentation principalement visuelle). Elle a principalement pour but l’intériorisation et la représentation du mouvement, la correspondance entre une pièce et l’espace à occuper. Puzzle, Tangram, Tactiles Il faut distinguer trois sortes de puzzles : • Les images découpées : un sujet est découpé en plusieurs carrés (de l’ordre d’une dizaine ; au-delà il s’agit d’un « casse-tête » dont l’intérêt éducatif est probablement réduit). Ce type de jeu est voué à une “usure” rapide. Dès lors que l’enfant l’a réalisé une ou deux fois, il mémorise l’emplacement des pièces plus qu’il ne tient compte des voisinages. C’est cependant le type de puzzle le plus répandu, notamment à l’école maternelle. • Une variante moins courante, et très économique, consiste à découper un rectangle de papier-cadeau (fig.11 a), de préférence à motifs assez petits, en bandes de largeurs toutes inégales. Il s’agit de reconstituer le rectangle. Dans ce cas, la figure d’ensemble est de peu de secours ; les relations de voisinage sont prépondérantes, et surtout la largeur des différentes bandes. Il s’agit plutôt d’une activité logique que d’un exercice spatial (voir partie suivante).

fig. 11 a b c

• Les puzzles “blancs”, de type Tangram (fig. 11 b). Faciles à construire, permettant de réaliser un très grand nombre de silhouettes, ils sont très souvent proposés et commentés. On leur opposera cependant deux restrictions importantes : •• Les pièces du Tangram classique, à l’exception du parallélogramme comportent toutes au moins un axe de symétrie. Par conséquent, le retournement de ces pièces n’est pas pertinent. •• Les triangles rectangles isocèles existent en trois tailles. Si la silhouette-modèle n’est pas en vraie grandeur, on augment la confusion sur le choix des ces pièces. De façon générale, il est préférable de proposer la silhouette-modèle en vraie grandeur, et l’on peut graduer la difficulté en indiquant des contours partiels. On dispose alors d’une gamme graduée d’exercices très variés. Un autre exemple est proposé en fig. 11 c : il s’agit d’un hexagone régulier découpé en quatre pièces ne possédant aucun axe de symétrie (le retournement de chaque pièce est donc pertinent) [« Hexagone », téléchargeable sur www.editionsdidier.com]

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fig. 12

Un autre exemple intéressant est proposé par les “Taktiles”[A.Colin-Bourrelier] Les pièces sont réalisées en mousse, et disposées dans un bac. Diverses fiches sont proposées qui constituent de petits puzzles à deux, trois, ou quatre pièces. sur le CD : ESP-4 Fiche de présentation et quelques exercices gradués Postures et déplacements Nous nous situons ici plus particulièrement dans l’espace moyen signalé plus haut, et susceptible de donner lieu à des conflits de repérage ou de représentation. Un quadrillage est dessiné sur le sol, portant éventuellement des objets. Trois enfants choisissent chacun une case, une orientation, et une posture (fig. 13 ci-dessous) . Que peuvent-ils dire ? A peut dire : « La chaise est devant moi. » B peut dire : « Le ballon est à ma droite, C est assis devant moi ». C peut dire : « La chaise est à ma gauche, A aussi ; la chaise est entre nous. » etc.

fig. 13 fig. 14 Réciproquement, C peut dire « Je suis devant B et aussi devant A ». Chacun peut dire « le ballon est devant la chaise », mais non « la chaise est devant le ballon » puisqu’une chaise possède une orientation implicite, mais non pas un ballon. Ceci permet de recenser les notions et le vocabulaire disponibles. Il est a priori plus facile de situer les autres par rapport aux autres que soi par rapport aux autres. Une variante muette consiste à transposer ce quadrillage sur une maquette, utiliser des marionnettes (fig. 14), et demander aux enfants de reproduire la situation ; ou bien inversement, une fois réalisée une disposition en maquette, de la reproduire en réalité. Les éléments de repérage sont libres, visuels ou verbaux, selon les sujets, leur âge, la disponibilité des indices choisis. Dans cette phase, il n’est pas question de représentation imagée. Les trajets Les trajets occupent une place importante parmi des activités d’orientation spatiale ; ils font intervenir le corps de l’enfant dans ses déplacements proches ou lointains et donnent lieu naturellement à des transpositions sur des maquettes (plan de la classe, de l’école, du quartier), et des dessins ; mais cette activité dans l’espace est aussi temporelle et justifie l’usage d’une trace (figurative ou non) et d’un codage (verbal ou écrit).

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Les trajets relèvent d’abord de l’activité ordinaire de l’enfant dans son environnement ; ils font intervenir une mémoire motrice et une reconnaissance perceptive de proche en proche ; on repère des éléments particuliers du paysage. En invitant l’enfant à se remémorer de tels trajets, on établit des relations verbales entre les éléments enchaînés, on les complète par de nouvelles observations. Ceci peut donner lieu à des transpositions inspirées ou non de la réalité.

fig. 15

• Trajet muet : un itinéraire étant effectué par un enfant (exemple fig. 15) sur un quadrillage tracé sur le sol. La consigne est, après lui, de suivre le même itinéraire. Le décalage entre un enfant et le suivant est de plus en plus grand. Après quelques essais, le premier itinéraire est entièrement exécuté avant le second. Il s’agit ici de repérage (muet) d’indices, et de mémorisation. • Trajet décrit : le mode de description peut emprunter peu à peu au vocabulaire d’orientation ou de distance : droite, gauche, devant, derrière, à côté de, entre,… Pour garder mémoire d’un trajet accompli, on peut semer des cailloux, ou dérouler une ficelle. Ces activités peuvent être motivées par un jeu de piste ou une chasse au trésor. • choix des directions. On autorise les déplacements vers toutes les cases voisine (huit directions, fig. 16 a), ou bien seulement vers les cases de la même colonne ou la même rangée. C’est cette seconde solution que nous choisirons ci-dessous.

vert

jaune

nord

sud fig. 16 a b c

• Repère fixe, repère mobile. Cette distinction est théoriquement plus importante. Lors d’un déplacement réel, il est plus facile de se repérer par rapport à soi (tourner à droite, avancer…), ce qui implique un changement d’orientation. En revanche, si l’on opère sur une maquette ou un dessin, il est plus facile de définir le déplacement par rapport à la feuille ou au cadre global (avancer vers le couloir, ou vers le Sud, ou vers le bas de la feuille…).

ouest

est

Nord

Sud

Repère fixe

E E S E S O

Repère mobile

Av Av D G D D

Codage par flèches

fig. 17 a b c

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F.Boule / Construction de l’espace 11 1/02/13

Le déplacement figuré ci-dessus (fig. 17 a) est codé « E E S E S O » selon un repère fixe rapporté aux points cardinaux. Il est facilement interprétable quelle que soit la position de l’observateur. On peut d’ailleurs préférer à celui-ci (fig. 16 b) un repérage par rapport aux bords du quadrillage, signalés par des couleurs. Le « repère mobile » correspond aux ordres qui seraient donnés au sujet qui se déplace, orienté au départ comme il est indiqué. On voit qu’il est bien plus difficile à interpréter pour un observateur, puisqu’il impose une décentration. Ce système est source de perturbation dès que l’on utilise une représentation. On rencontre souvent un autre type de codage par flèches (variante de « repère fixe ») représenté fig. 17 c. Ce codage présente une grave ambiguïté. Les flèches de la fig. 17 a sont figuratives : elles représentent le trajet effectué ; alors que les flèches de la fig. 17 c sont des codes, mais qui empruntent les mêmes signifiants. Il semble plus clair de choisir un code sans aucune ressemblance avec le dessin du trajet. sur le CD : ESP-5 Trajets, quatre exemples d’activité sur fiche Formes : perception globale et orientation La définition classique d’un objet géométrique est analytique ; mais l’on est capable d’identifier un objet bien avant d’en maîtriser une définition. Cette capacité de reconnaissance est décisive et très précoce ; l’identification des visages en est un bon exemple. La psychologie de la Gestalt a beaucoup insisté sur cet aspect global de la reconnaissance et sur le concept de « bonne forme » ; il intervient très souvent. On n’en prendra pour exemples d’une part la lecture, d’autre part la reconnaissance globale de constellations (“subitizing”). C’est pourquoi il est certainement utile de maintenir l’exercice de cette capacité, à travers des activités variées, fréquentes et brèves, ludiques ou non. Un exemple générique : le jeu Mémory C'est un jeu bien connu pour deux joueurs ou davantage : des images deux à deux identiques sont retournées sur une table. Chaque joueur, à tour de rôle, en retourne deux. Si elles sont identiques, elles sont gagnées et il rejoue. Sinon, il les replace dos en l'air à la même place, et le tour passe au joueur suivant. Ce jeu met en œuvre d'une part la reconnaissance (globale) d'image, d'autre part leur localisation. Il semble que des enfants jeunes ( moins de 7/8 ans) gagnent facilement contre un adulte ; l'une des causes est probablement qu'ils se repèrent préférentiellement (et spontanément) de façon globale, alors que les adultes procèdent plutôt de façon analytique (ce qui entraîne une mobilisation plus importante et souvent excessive d'informations). Cette dérive vers l'analyse provient en partie des habitudes scolaires. A cet égard, il est probable que la disposition régulière (en tableau) qui peut paraître faciliter le repérage pour l’adulte, n’est pas favorisante pour l'enfant, qui repère la position globalement. Pour la même raison la présence d'images signifiantes (objets familiers) entraîne un moindre coût parce que la discrimination est globale. Une question qui mérite l'examen est le rôle des mots dans cette activité : associe-t-on image et mot, lorsque l'objet est identifiable? Quels sont les traits de l'image qui sont ainsi “filtrés” ? La « mise en mot » est très probablement associée à une démarche analytique mentionnée ci-dessus (et donc sans doute plus largement mise en œuvre chez l’adulte que chez l’enfant). Il existe de nombreuses variantes de ce jeu dans le commerce, mais il est facile d'en construire soi-même, par exemple à l'aide d'images découpées dans deux catalogues semblables, puis cartonnées. On peut envisager ainsi une grande variété de jeux qui mettent la règle et l'aspect ludique au service d'une activité d'entraînement perceptif , ou de calcul, ou de lecture… Démarche générale : commencer avec cinq ou six couples de cartes, que l’on observe d’abord avant de les mettre en jeu. Dans une perspective diagnostique, le maître joue avec un enfant. Ultérieurement, le jeu peut être étendu à plusieurs enfants, avec 6 à dix couples de cartes, le maître demeurant observateur. sur le CD : ESP-6 deux exemples de jeux à douze pièces

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Mémory Maison/ours/lapin : trois types d’images. La discrimination porte sur la symétrie d’axe vertical (pour les maisons et les ours), l’orientation (des oreilles pour les lapins, des pattes pour les ours). Mémory Maison / arbre/voiture : trois éléments interviennent (maison, arbre, voiture). La discrimination porte sur les couleurs (arbre, voiture, toit), la latéralité (arbre à gauche ou à droite…), l’orientation (voiture dirigée vers la droite ou la gauche), la profondeur (premier plan, arrière-plan). Un autre exemple générique : les dominos Il existe un grand nombre de variantes, numériques ou non. Dans cette partie, on s’intéresse à la reconnaissance d’image, non au calcul. Le but de l’exercice est l’identification rapide de formes simples ainsi que leur orientation. Un jeu doit comporter au plus une dizaine de figures, et les combiner deux à deux. Voici quelques exemples de familles de figures à combiner :

fig. 18 Dominos des Dzinn, A.Colin-Bourrelier

fig. 19 Dominos d’orientation, A.Colin-Bourrelier

Ces exemple font intervenir simultanément l’indentification des figures et leur orientation ; la règle du jeu exige que l’on place un domino à côté d’une autre si les figures en contact sont les mêmes ET orientées de la même façon. On conviendra de placer les pièces strictement en ligne, ou d’autoriser les changements de direction :

raccord en ligne changement de direction

fig. 20

sur le CD : ESP-7 Dominos Ronds-carrés et Dominos d’orientation + notice Deux autres dominos d’orientation Dominos « arbre-vélo » Il est composé de deux séries de 16 dominos. Les deux séries sont distinguées par la couleur de l’ovale central. Toutes les pièces comportent un arbre et un vélo. Activité préliminaire : on distribue quelques pièces, au hasard. Question : y a-t-il deux dominos identiques ? Cette comparaison se passe d’abord sans commentaire, mais conduit bientôt à une description. Jeu de domino (un seul joueur, ou bien deux).

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Règle habituelle du jeu de domino (distribution, pioche s’il y a deux joueurs) : on met une pièce à côté d’une autre à condition que les figures en contact soient les mêmes et orientées de la même façon [on ne tient pas compte de la couleur centrale] :

fig. 21

Jeu principal (collectif) : on distribue toutes les pièces deux par deux, l’une à centre blanc, l’autre à centre gris. Un enfant choisit l’une des pièces, comme celle-ci :

fig. 22

Quelqu’un d’autre dispose de la même pièce (avec centre gris) ; il s’agit de l’identifier. Pour cela le premier décrit sa pièce jusqu’à ce qu’un autre enfant lève la main en annonçant « c’est moi qui l’aie ». On compare les deux. En cas d’erreur, le second quitte le jeu. S’il a raison, c’est à lui de jouer avec l’autre pièce qu’il a en main, etc. jusqu’à ce que toutes les pièces soient identifiées. Il est sans doute préférable de décider si l’on dispose le domino verticalement ou horizontalement, et de privilégier d’abord l’une des figures (par exemple : domino horizontal, l’arbre est à gauche, son pied tourné vers la gauche…). Dominos « paon » Il est exactement constitué comme le précédent, mais ne comporte qu’une seule image. Il est d’emploi plus difficile, puisque rien ne favorise une orientation du domino comme précédemment. sur le CD : ESP-8 Dominos arbre-vélo, dominos paons + notice Circuits Ces types de jeu sont faciles à réaliser et susceptibles de nombreuses variantes. Celui qui suit est inspiré d’une boîte PUZZLACO. Cette boîte contient 25 cubes identiques ; toutes les faces sont différentes et portent des éléments de circuits. Le fond de la boite contient quelques modèles à reproduire. Cet exercice suppose la reconnaissance de la face à choisir et son orientation convenable. Mais on peut facilement varier ce jeu topologique (continuité d’un circuit) pour lui adjoindre des contraintes relevant de l’orientation et de la logique, voire de l’imagination. Exemple. Reproduire en six exemplaires les pièces suivantes :

I T C X fig. 23

La règle générale du jeu consiste à disposer les pièces de telle façon que les éléments de circuits se raccordent. On peut ainsi considérer qu’il s’agit de dominos à deux dimensions. Mais à cette règle topologique simple, on peut adjoindre des contraintes supplémentaires, qui vont ajouter une composante relevant de l’orientation, ou de la logique.

? ? ? ?

fig. 24 : poursuivre la frise

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F.Boule / Construction de l’espace 14 1/02/13

Inventer de nouvelles frises.

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circuit fermé

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? ? ?

? ? ?une entrée, une sortie

5 C, 2T, 2X

une entrée, une sortie fig. 25 : compléter ces circuits

Il s’agit là de petits problèmes à la fois spatiaux et logiques. sur le CD : ESP-9 Fiches de travail « Circuits » Papier cadeau Examinons la planche ci-dessous.

Les cases de ce tableau sont occupées par des figures ; il n’y a que cinq figures différentes, mais selon des orientations variées. Une première question pourrait se poser : ce tableau est-il périodique (comme un papier-peint) ? Dans ce cas, il est caractérisé par un motif et deux déplacements, lesquels ? Autre question : avec les mêmes figures, pourrait-on constituer d’autres tableaux périodiques, en gardant la contrainte de voisinage : deux cases voisines par un côté ne peuvent être occupées par la même figure. Avec un pochoir dont l’ouverture découvre quatre cases, qu’observe-t-on ? Les quatre figures sont-elles toujours différentes ? Sur une reproduction de ce tableau, on découpe maintenant plusieurs carrés de quatre cases. Il s’agit de retrouver l’emplacement de ces carrés sur le tableau. Ceci est un exercice peu verbal, mais il est intéressant d’observer, et de faire formuler la démarche, qui révèle les éléments d’observation, ainsi que le vocabulaire associé. Exemple : « sur le carré, il y a un chien et dans la case opposée une voiture ; les deux autres cases sont occupées par deux cœurs, dont les pointes sont en direction opposées » ; avez-vous trouvé ? Ces planches peuvent également servir de support à des déplacements. Exemple : on se déplace seulement en ligne et en colonne. Départ en haut à droite [voiture]. Aller dans la case [cœur], puis [chien], puis [voiture], puis [lune], puis [voiture]. Où est-on ?

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sur le CD : ESP-10 Trois fiches de travail « papier-cadeau » Vocabulaire d’orientation Les supports qui suivent ont pour objet de préciser le vocabulaire descriptif, en particulier : haut/bas, au-dessus/au-dessous, droite/gauche, vers la droite/vers la gauche… Prenons l’exemple suivant : La carte suivante est posée devant un enfant ; que voit-on ?

Il peut dire : « je vois un lapin et un arbre… » On superpose alors la carte suivante : est-ce la même chose ?

—Ah, non ; ici le lapin est à droite, alors qu’il était à gauche… ». Superposons la suivante. La première était-elle comme celle-ci ?

—Non plus, ici le lapin s’éloigne de l’arbre » ou bien « il va vers la gauche ». Cette activité a pour but de trouver une description qui discrimine les cartes deux à deux. Tant qu’on ne connaît pas l’ensemble des cartes, on ne sait jusqu’où préciser cette description. On donc reprendre l’activité après avoir étalé l’ensemble des quatre cartes « Lapin–arbre », et recommencer avec une autre série. Les séries « canard-bateau » ou « arbre-bateau » comportent huit cartes. sur le CD : ESP-11 Planche « canard-bateau » et notice Le matériel suivant répond au même objectif. Chaque carte comporte trois éléments (sauf exception) : une maison, un arbre, une voiture. Variable de position : droite, gauche, centre. Variable d’orientation (pour la voiture) : tournée vers la gauche/vers la droite. Variable de profondeur : devant/derrière. Exemple :

A B C Ce qui distingue le paysage A du paysage B, c’est l’orientation de la voiture. De A à C, la voiture est passée de l’arrière-plan au premier plan. Autres utilisations possibles :

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1. Jeu de mémory, avec six ou huit paires de cartes. 2. Jeu d’appel (cf. Dominos vélo-arbre). Une dizaine de paires de cartes sont distribuées. Un enfant décrit la carte qu’il possède jusqu’à ce que celui qui possède la même puisse l’identifier. 3. Tableau (cf Papier cadeau). Une planche regroupe toutes les cartes (avec des orientations variées). Il s’agit de retrouver sur la planche l’emplacement d’une carte que l’on a en main. Ce jeu est « muet » (comme le jeu de mémory), mais fait certainement appel à une représentation verbale. sur le CD : ESP-12 Planches « paysage » et notice Postures L’objet du matériel suivant est double : 1. La représentation imagée d’une posture ou de deux postures relatives : debout/assis, devant/derrière, face à face, dos à dos etc. et le passage de l’image à la réalisation. Une carte étant choisie, on demande à deux enfants de se disposer comme indiqué ; c’est un exercice « muet ». 2. Le vocabulaire associé à ces postures, que l’on fait expliciter à partir de la carte ou de la situation « réelle ».

A B C sur le CD : ESP-13 Planche « postures » et notice Les exercices suivants visent non seulement à faire identifier une image et reconnaître son orientation, mais aussi à préciser le vocabulaire employé. Ils sont présentés sur les fiches [POSITION/ORIENTATION 1 et 2] et destinés à un usage collectif. POSITION / ORIENTATION 1

Observation de la planche ci-dessus ; on voit différentes figures : vélo, main, téléphone, tête. Trouver la case « tête en bas « (la consigne est visuelle, mais peut être explicitée). Trouver un « domino » (deux cases voisines) contenant deux mains symétriques. Attention : il s’agit de deux cases voisines, mais peut-être pas disposées horizontalement. Alignement : Des cases sont « alignées » si elles sont situées sur une même ligne droite, qui peut être horizontale, verticale ou oblique (fig. A ci-dessous) ; les téléphones « alignés » ne sont pas nécessairement consécutifs.

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F.Boule / Construction de l’espace 17 1/02/13

fig. A fig. B fig. C ENTRE : une case A est située entre deux cases B et C si A est un point du segment [BC]. Cet alignement peut être horizontal, vertical ou oblique ; ainsi (fig. B) le rond blanc est situé « entre » les ronds noirs, entre les carrés noirs, entre les triangles noirs. Ces exercices ont pour but d’établir un vocabulaire à partir de situations d’observation. La seconde partie de la fiche aborde la notion de voisinage (fig. C). Des cases peuvent être voisines (« à côté de… ») par un côté, comme les ronds noirs par rapport au rond blanc, mais aussi par un sommet, comme les carrés noirs par rapport au rond blanc. Un téléphone est un objet orienté : on peut parler de « la droite » du téléphone. En revanche, la tête est face à l’observateur : « la droite de » la tête devrait désigner les cases situées à gauche —et c’est une difficulté à éviter. Il est possible de parler de « devant » ou « derrière » le vélo. POSITION / ORIENTATION 2 La consigne est peu verbale mais peut être explicitée : trouver un « domino » où les deux animaux ont la tête en bas ; il est situé horizontalement, comme sur la consigne. Colorier les cases situées « entre » deux animaux dont l’un a la tête en haut, l’autre la tête en bas. Ici, il s’agit d’alignements qui peuvent être en ligne, en colonne ou en oblique. Les cases solutions sont indiquées ci-dessous en gris (fig. A pour le premier exercice, fig. B pour le second).

fig. A fig. B Dans la seconde partie de la fiche, il faut imaginer les « dominos » comme des pièces indépendantes. Si l’exercice suscite une difficulté, on peut commencer par proposer les pièces découpées (comme les « dominos paons » étudiés ci-dessus). On remarque ainsi que les deux dominos ci-dessous sont « semblables ».

La difficulté du travail sur fiche consiste à tenter de répondre sans découper les dominos, c’est-à-dire en établissant une représentation des orientations relatives, ou bien en simulant mentalement une rotation.

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La fin de l’exercice est un jeu de type puzzle qui nécessite le découpage des dominos et leur positionnement sur la grille. sur le CD : ESP-14 Fiches de travail « Position/orientation » et notice NOTE sur : schéma corporel, dominance hémisphérique, latéralisation, latéralité On appelle schéma corporel (Head, 1911) une représentation interne du corps dans ses aspects anatomiques et fonctionnels, voire affectifs. Cette représentation s’élabore à la fois par intégration des sensations issues des différentes parties du corps, et un remaniement constant consécutif aux actions. C’est ce qui permet d’évaluer la capacité de prendre un objet en tendant le bras, incite à baisser la tête avant de franchir un seuil surbaissé etc. On parle également d’image du corps, ou d’homoncule (moteur ou sensitif), les groupes de neurones associés à cette représentation étant en grande partie localisable (Schielder, L’image du corps, Gallimard, 1968). Les deux hémisphères cérébraux sont, à la naissance, fonctionnellement identiques. Pendant les premières années de la vie, le fonctionnement de chaque hémisphère se spécifie partiellement : chacun sait que les zones responsables du langage sont situées dans l’hémisphère gauche ; le repérage spatial, la reconnaissance globale (image ou mélodie) seraient plutôt localisés dans l’hémisphère droit. La réception sensitive et la commande motrice d’un côté du corps est localisée dans l’hémisphère opposée. Chacun sait que se développe une latéralisation pendant les premières années : une main est dominante (généralement la droite), mais aussi une oreille, un œil, un pied, l’autre partie du corps assurant un rôle de contrôle ou d’équilibration. La latéralisation est un phénomène en rapport avec la dominance hémisphérique. Elle s’observe pendant la première année, mais peut connaître des oscillations jusqu’à 5 ou 6 ans. « La latéralisation débouche progressivement sur la connaissance de la latéralité, d’abord sur soi, puis sur autrui » (Lurçat, 1976). Il n’est pas équivalent d’utiliser spontanément une main plutôt que l’autre (latéralisation) et de répondre à la demande « Lève la main droite » (latéralité). « La connaissance de la latéralité procède d’abord de l’action (latéralisation), et aussi de l’orientation […] Pour s’orienter dans l’espace, il faut s’orienter dans son corps. La connaissance de la latéralité débouche sur l’orientation subjective dans l’espace » (ibid°). Il importe de remarquer que schéma corporel et latéralisation ne sont pas synonymes, et que la latéralité, c’est-à-dire la capacité de repérer droite/gauche autour de soi est liée à la latéralisation mais ne s’y réduit pas. L’orientation dans l’espace dépend de repères liés à soi, de repères liés aux objets (qui peuvent être orientés par eux-mêmes, ou sur lesquels on peu projeter une orientation), et de la disposition du vocabulaire associé. C’est pourquoi il convient de rechercher les éléments dont dispose l’enfant, quant à sa propre latéralisation, mais surtout à sa capacité d’orienter son propre corps, des objets orientés, ou des objets « neutres » comme une feuille de papier. La projection d’une orientation sur cette feuille (haut/bas, gauche/droite) est déterminante pour l’acquisition de la lecture et de l’écriture.

REPERES BIBLIOGRAPHIQUES BOULE, F. (1985) : Manipuler, organiser, représenter, A.Colin. [épuisé] BOULE, F. (2001) : Questions sur la Géométrie et son enseignement, Nathan. BOULE, F. (2005) Faites vos jeux à l’école, Ed. Didier (téléchargeable) BREGEON, DOSSAT, HUGUET, MYX, PEAULT (1997) : Le Moniteur de mathématiques, Nathan. DENIERE, J. etL. (1983) La géométrie pour le plaisir, Ed. Kim-Dunkerque. PECHEUX, M.-G. (1990) : Le développement des rapports des enfants à l’espace, Nathan. LURCAT, L. (1976) l’enfant et l’espace, le rôle du corps, P.U.F PIAGET, J. (1948) : La Représentation de l’espace chez l’enfant, P.U.F.

Extrait de : Boule, Herreman, Breton, Grafto L’aide personnalisée (math, français, cycle 2) HACHETTE 2011