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Date : 29 JUIN 18 Page de l'article : p.22 Périodicité ... · inistre des affaires étrangères de 1997 à 2002, Hubert Védrine est consultant et enseigne à Sciences Po. Auteur

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Date : 29 JUIN 18

Pays : FrancePériodicité : QuotidienOJD : 269584

Page de l'article : p.22Journaliste : HUBERT VÉDRINE

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DEBATS & ANALYSESL 'EUROPE ET LES M I G R A N T S

Hubert Védrine« Contrôler davantageles flux migratoires »A l'occasion du Conseil européen des 28 et 29 juin,l'ancien ministre socialiste des affaires étrangères explique qu'il fautinstaurer des quotas d'immigration légale par pays

Par HUBERT VÉDRINE

P our éviter d'autres Aquarius, la désagré-gation des relations coopératives entreEuropéens, mettre fin à cette infernalepartie de mistigri et réduire la pression

sur nos sociétés fragiles, il faut adopter un pland'ensemble et des mesures d'urgence. Le senti-ment que l'Europe est une passoire, alors mêmeque l'islamisme progresse partout chez les mu-sulmans sunnites et que le terrorisme islamistesévit, est peut-être exagéré ou injuste, mais il estobsédant. Il nourrit le « populisme » et alimenteles insurrections électorales. Les efforts accom-plis ces dernières années ou en cours à l'initiativedu président français sont occultés par des événe-ments tragiques et les pugilats européens. Ceuxqui espéraient paralyser les réactions de rejet desmigrations de masse à coups d'eau bénite ou decondamnations morales ont dû déchanter. Ceuxqui n'ont vu dans l'immigration qu'une nécessitééconomique ou démographique ont nourri lesangoisses des populations européennes.

Croire que le plus dur est passé parce que lesflux ont diminué depuis le pic de 2015 est illu-soire quand on connaît les prévisions démogra-phiques africaines. Et comment être sûr qued'autres drames ne jetteront pas demain sur lesroutes des familles à la recherche d'asiles ? Pourcasser cet engrenage dévastateur, il faut contrô-ler ces flux par des mécanismes durables.

Dans le cadre d'un Schengen consolidé et ren-

forcé, il faut d'abord vérifier que chacun des Etatsmembres, et nouveaux candidats, en particulierles Etats frontaliers, sera capable administrati-vement, politiquement et géographiquementd'assumer des engagements renforcés grâce àune agence Frontex [l'agence européenne desurveillance des frontières] mieux équipée ettransformée en vraie police des frontières parfai-tement connectée aux polices nationales.

Le droit d'asile pour les gens en danger doit ab-solument être préservé. Il est l'âme même de l'Eu-rope. Mais cela suppose qu'il ne soit pas détournéde son objet. Sans distinction claire d'avec lesmouvements migratoires, il finira par être balayé.La distinction entre les demandeurs d'asile, dontcertains seront admis en tant que réfugiés, et lesmigrants économiques, dont certains seront ad-mis comme immigrants légaux, est cruciale.

RÉSEAU DE CENTRES D'ACCUEILLe traitement des demandes d'asile au sein deSchengen devra se faire dans un véritable réseaude centres d'accueil à créer, dans les pays exté-rieurs au plus près des zones de conflits ou de dé-part, partout où c'est possible (c'est déjà le cas auNiger). Mais il faut aussi, comme l'a proposé leprésident Macron, installer sur le territoire euro-péen, aux frontières extérieures de Schengen,des centres fermés et sécurisés où l'on exami-nera qui relève du droit d'asile, ce qui relativiserala notion de pays d'arrivée à la base de l'accord deDublin et des controverses qui en découlent.

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Bien sûr, les critères d'attribution de l'asile dansSchengen devront être complètement harmoni-sés, et les demandeurs d'asile acceptés devrontêtre mieux accueillis et intégrés. Quant aux dé-boutés, ils devront être pris en charge et recon-duits par Frontex dans leur pays d'origine, où ilspourront postuler comme immigrants légaux.

On ne peut pas fixer a priori de quotas deréfugiés : étant donné que le nombre des futursdemandeurs d'asile dépend des tragédies à venir,il ne peut pas être plafonné à l'avance. L'Europedevra rester généreuse, vis-à-vis des personnespersécutées ou menacées, tout en aidant plus lespays voisins qui les accueillent en premier lieu,comme la Turquie, la Jordanie, le Liban.

La question des migrations est différente. Lesmouvements de migration économiques vers lespays riches ne cesseront pas, raison de plus pours'organiser. Des quotas d'immigration légale parpays, et par métiers, devront être fixés chaque an-née au cours d'un sommet entre pays de Schen-gen, pays de départ et de transit. Ces derniers de-manderont des aides, ce qui conduira à reconsi-dérer les politiques de codéveloppement. Cettecogestion est indispensable, car il est impossiblede détruire sans ces pays les réseaux de passeursqui ont reconstitué une économie de la traite enAfrique ; de gérer avec eux, avec l'aide du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfu-giés (HCR) et de l'Organisation internationalepour les migrations (DIM), dans des centres d'ac-cueil, les demandes d'asile et les demandes d'im-migration en Europe ; de lutter contre le trafic defaux papiers dans le Sahel; et, mieux, de contrô-ler les frontières entre ces pays. Cette gestion plusrigoureuse des flux migratoires permettra ausside favoriser, comme promis dans le discours deOuagadougou du président Macron, la circula-tion pour les non-candidats à l'immigration (étu-diants, hommes d'affaires, artistes).

«LA DISTINCTION ENTRELES DEMANDEURS D'ASILE

ET LES MIGRANTSÉCONOMIQUES, DONT

CERTAINS SERONT ADMISCOMME IMMIGRANTS

LÉGAUX, EST CRUCIALE»

En attendant, et en urgence, il faut remplacerDublin par de nouvelles règles. Les pays de Schen-gen qui ne voudront pas accueillir de réfugiés de-vront fournir une contribution financière accruepour la protection des frontières communes oupour l'accueil des réfugiés dans d'autres pays. Desdécisions difficiles devront être prises concer-nant ceux qui sont déjà en Europe, illégalement,depuis un certain temps : les reconduire dans descentres de retour à l'extérieur, d'où ils pourronttenter leur chance comme immigrants légaux,ou essayer de travailler dans leur propre pays (lesmigrants, pas les demandeurs d'asile) ; ou les ré-gulariser, mais alors les intégrer vraiment. Si tousles pays de Schengen, ou de départ et de transit,ne sont pas prêts à s'y engager, il faudra commen-cer avec une coalition de volontaires.

Il est urgent que les opinions européennesconstatent un vrai changement. La répartitiondes réfugiés, le montant des compensations, lenombre de migrants légaux, l'organisation du ré-seau de centres à l'extérieur ou aux frontières, etleur fonction, donneront lieu à des négociationsdifficiles. Mais une partie de l'opinion euro-péenne changera quand elle réalisera que ces flux

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seront mieux « gérés ». Et les flux d'immigrationillégaux deviendront moins importants.

Néanmoins, il ne faut pas se cacher que plu-sieurs secteurs de l'opinion, minoritaires maistrès actifs et « audibles », continueront à opposerun tir de barrage à cette politique, pour des rai-sons opposées. Les arguments dè l'extrêmedroite doivent être combattus sans ménagementcomme étant inhumains, économiquement ab-surdes et, de toute façon, inapplicables. Il en va demême pour l'extrême gauche, qui mise sur les po-pulations issues de l'immigration par calcul mili-tant, activiste ou électoral.

En revanche, il faudrait convaincre beaucoup degens généreux et de bonne foi de modifier leurspositions ne serait-ce que pour sauver l'asile.Ceux que la repentance aveugle ou paralyse. Ceuxqui ne voient les migrations qu'en termes de va-leurs et de principes généraux. Or, c'est aussi unequestion de nombre : s'il n'y avait dans le mondeque 10 millions de candidats à l'immigration enEurope, cela ne poserait aucun problème ! Ceuxqu'un universalisme abstrait et un mépris affichépour les besoins élémentaires d'identité et de sé-curité culturelle des peuples européens ont ren-dus inaudibles. Ceux qui ne réalisent pas quece n'est pas être « généreux » que de priver lespays dafrique de leurs meilleurs éléments, lesémigrants jeunes, dynamiques et entreprenants,en alimentant la nouvelle économie de la traite.

Il faudrait même oser questionner le bilan desgrandes institutions judiciaires françaises oueuropéennes qui peuvent donner à la longue auxcitoyens le sentiment qu'elles se substituent à la

souveraineté et à la démocratie. Alors que le pro-blème numéro un de l'Europe est le fossé élites/peuples ! Le plan paraît irréaliste ? Une telle politi-que n'est viable que si tous les pays de ce Schen-gen confirmé et renforcé s'engagent à être despartenaires responsables et solides sur l'asilecomme sur les migrations. Mais il y a le feu ! Para-doxalement, malgré les apparences, il ne devraitpas y avoir d'opposition insurmontable entre lespays européens de l'Ouest et de l'Est. Qui contestela nécessité d'une meilleure maîtrise des flux?Enfin, n'oublions pas l'éléphant dans la pièce:une alliance plus déterminée et assumée des dé-mocrates et des musulmans modérés contre l'is-lamisme aiderait à enrayer le glissement des opi-nions européennes. Tout cela va s'imposer. Fai-sons-le plutôt ensemble, vite, et en bon ordre. •

Retrouvez l'intégralité de la tribunesurLemonde.fr.

«JHubert Védrine o ete ministre des affairesétrangères dans le gouvernement Jospin de 1997a 2002 ll a publie «Le Monde au defi» (Fayard, 2016)et «Sauver l'Europe '» (Liana Levi, 2016)

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Date : 11 NOV 16

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Page de l'article : p.25Journaliste : Nicolas Truong

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B ÉLECTIONS 2O16

Hubert Védrine : « L eredes insurrections électorales »

Pour l'ancien ministre des affairesétrangères, ce scrutin n'est pas une« aberration folklorique américaine »

Entretien

M inistre des affaires étrangères de 1997 à2002, Hubert Védrine est consultant etenseigne à Sciences Po. Auteur de Sauver

l'Europe (Liana Lévi, 2016) et Les Mondes cle FrançoisMitterrand (Fayard, 2016), il revient sur les consé-quences géopolitiques de l'élection de Donald Trump.

En quel sens l'élection de Trump signe-t-ellel'avènement de ce que vous appelez des« insurrections électorales » ?

Dans toutes les démocraties installées, nous assis-tons à une crise de la représentativité. Les citoyens nefont plus confiance aux responsables qu'ils ont eux-mêmes élus. Désormais très informées sur un tas desujets (écologie, santé, etc.), les populations sont endemande de démocratie directe permanente. D'autrepart, les classes moyennes décrochent parce qu'ellesn'ont plus l'impression de vivre mieux que celles quiles ont précédées. C'est ce qui plombe les démocratesaux Etats-Unis et la social-démocratie en Europe.

Les excès obscènes de l'enrichissement par la mon-dialisation étaient tolérés tant que le sort des classesmoyennes s'améliorait. Mais, depuis la crise de 2007-2008, ce n'est plus le cas. Et puis il y a ces catégoriespopulaires qui sont attachées à une certaine identité,une forme dè souveraineté, et qui sont aussi en de-mande de sécurité. Ces phénomènes conduisent à derégulières insurrections électorales. L'enthousiasmedes partisans de Bernie Sanders et de Donald Trumpétait frappant, alors que le choix d'Hillary Clintonétait, pour beaucoup, un vote de raison. Ce seraitdonc une erreur de considérer cette élection commeune aberration folklorique américaine.

Trump est-il une menace pour l'équilibregéopolitique mondial ?

Le monde est dans un équilibre instable, semi-chao-tique, où les Etats-Unis occupent une place impor-tante, sans être une hyperpuissance comme au coursdes années 1990. Nous ne sommes pas dans la situa-tion stable où Trump arriverait comme un éléphantdans un magasin de porcelaine. Trump sera bienobligé de s'insérer dans le jeu des relations internatio-nales. Peut-être changera-t-il d'alliance. Mais, sans tou-tefois se normaliser, il va devoir entrer dans la mécani-que. Son premier problème d'ailleurs consistera à seréconcilier avec son propre parti, contre lequel il s'estbattu. Ensuite, il y aura près de 1500 postes à pourvoirdans son administration, à partir de janvier. Or, sonentourage, c'est dix personnes. Il le fera certes de ma-nière ébouriffante, mais il devra entrer dans le jeu.

Quelle diplomatie peut-il pratiquer ?Les seuls points de repère que nous avons, ce sont

les propos qu'il a tenus lors de la campagne. Or, surquoi a-t-il insisté ? Sur le fait qu'il était un hommequi fait des deals. Donc c'est une personnalité quin'est pas uniquement dans le rapport de force. Car,dans les affaires, les deals, c'est du donnant-donnant.Autrement dit, Trump, ce n'est pas Bush. Il n'a pasnon plus développé l'idée que la mission des Etats-unis devait être civilisatrice, idéologie prédomi-nante depuis le président Wilson, à l'exception dequèlques réalistes, tel Henry Kissinger. Carn'oublions pas que les néoconservateurs sont encoreun courant de pensée très important, notammentcomposé d'anciens gauchistes comme Robert Kaganchez les républicains, mais aussi de « faucons libé-raux» dans le camp démocrate dont fait partieHillary Clinton. Or, tout ce qu'a dit Trump est en rup-ture avec l'idée d'une nation missionnaire prosélyte.En un mot, Trump n'est pas sur la ligne d'une guerreaux dictateurs pour imposer les droits de l'homme.

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Date : 11 NOV 16

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Page de l'article : p.25Journaliste : Nicolas Truong

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S'il fait ce qu'il dit, ce sera un vrai changement, no-tamment marqué par le fait que les « néocons » ontvoté pour Clinton et non pour lui.

Mais est-ce finalement en la matièreune véritable rupture avec Obama ?

On ne l'a pas perçu, en raison de sa vulgarité et de sabrutalité, mais dans la volonté affichée de retenue dela puissance américaine, il y a un lien indéniable entreTrump et Obama.

Trump dit vouloir annuler l'accord de Vienne sur lenucléaire iranien et l'accord de Paris sur le climat.

Si Trump décide de ne pas appliquer l'accord ira-nien, il peut y avoir un bras de fer avec les Européensnotamment, à moins que ceux-ci ne se couchent de-vant lui. L'accord climat, lui, est entré en fonction et ilappartiendra aux autres signataires de prendre éven-tuellement la lourde responsabilité dè l'appliquersans les Etats-Unis si toutefois Trump peut encore

l'annuler. Et puis, même si le président des Etats-Unisest hostile à l'accord, des grandes villes ou bien desentreprises américaines pourraient lui résister etl'appliquer en quelque sorte de leur côté.

Du Brexit à l'élection de Trump, n'assiste-t-onpas à un mouvement idéologique de fond quipourrait porter Marine Le Pen au pouvoir ?

Il n'y a pas de transposition mécanique à faire. Jenote que, depuis des années, et malgré ses scores im-portants, Marine Le Pen n'augmente pas en nombrede voix. Mais les mêmes causes peuvent, bien sûr,produire les mêmes effets. Et si les élites françaisescontinuent à ne pas entendre la détresse sociale, maisaussi ne parviennent pas à comprendre que les peu-ples sont attachés à la sécurité, à l'identité et à la sou-veraineté, et qu'il ne s'agit pas de demandes immon-des si on y apporte des réponses raisonnables, ilspourront voter n'importe quoi. •

PROPOS RECUEILLIS PARNICOLAS TRUONG

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Date : 12/13 NOV 16Pays : FrancePériodicité : QuotidienOJD : 311326

Page de l'article : p.1,4Journaliste : Vincent Trémoletde Villers

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L'ÉVÉNEMENTHubert Védrine : « Après le coupde gong, que faire ? »

L'ancien ministredes Affairesétrangères qui vientde publier «Sauverl'Europe ! »* décrit ladonne géopolitiqueaprès l'électionde Donald Trump.PROPOS RECUEILLIS PAR

VINCENT TRÉMOLET DE VILLERS * vtremolet

LE FIGARO.- L'europe doit-elleavoir peur de Trump ?Hubert VÉDRINE. - D'abord pour Trump,comme pour Obama, l'Europe n'est pasle premier enjeu. Les États-Unis ont biend'autres problèmes dans le monde. Pre-nons le bras de fer stratégique à long ter-me qu'ils ont avec la Chine : l'Europen'apporte rien. Cela peut expliquer unerelative distanciation à laquelle les Euro-péens ont réagi en pleurnichant. Ils fontsonger à Paul Valéry qui, il y a cent ans,disait : « L'Europe aspire à être gouvernéepar une commission américaine. » Ce n'estpas la bonne attitude.

N'est-ce pas l'occasionde faire une Europe de la défense ?Ne rêvons pas. Les Européens ne sont pascapables de se défendre entièrementeux-mêmes. Et si Trump faisait ce qu'il adit (je n'y crois pas) et se retirait de l'Otan(que les Américains financent à hauteurdè 70 %), ce serait la panique en Europe.Entraînerait-elle un sursaut ? Je n'en suispas sûr, je le dis à regret Ce n'est pas le

moment de faire miroiter une Europe dela défense. L'Europe souffre déjà de tropd'illusion : elle promet tout et à chaquefois ça ne se réalise pas. Tout cela alimen-te le sentiment d'une tromperie. Il y amieux à f aire.

Quelle est l'urgence ?Les Européens ne doivent pas attendrepassivement, en proie à des angoissespuériles, l'arrivée de Trump à la Maison-Blanche et la mise en place de son admi-nistration. Les Européens doivent mettreà profit ce délai pour définir une positioncommune sur les engagements améri-cains que le nouveau président pourraitremettre en cause. Je pense à la mise enœuvre de l'accord climat ou de l'accordIran. À la limite, il faut se donner lesmoyens juridiques et politiques de lesmettre en œuvre même sans les États-Unis. C'est là, l'épreuve de vérité.

Quid du traité transatlantique ?Trump s'est prononcé contre ce traité(même Hillary Clinton avait cessé de lesoutenir) et de toute façon beaucoup depays européens - Allemagne en tête -n'en voulaient plus sous cette forme II

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Page de l'article : p.1,4Journaliste : Vincent Trémoletde Villers

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n'y a donc plus dè sujet pour le moment.La question de l'unilatéralisme judiciaireaméricain est plus urgente. Il y a une ag-gravation constante de la prétentionaméricaine à décider, à sanctionner et ju-ger le monde entier. Tout cela aggravépar le Congrès par le biais de juges quiabusent de leur indépendance. Ce n'estplus possible que les Européens conti-nuent à se cacher sous la table ou à réagiren ordre dispersé. Je vous renvoie à cesujet au rapport Lellouche-Berger.

J l f Ce n'est pluspossible queles Européenscontinuent à se

cacher sous la table ou àréagir en ordre dispersé 99

Poutine a-t-il désormais le champ libreen Syrie ?C'était déjà le cas puisque les Occiden-taux ont clairement échoué en Syrie.Mais Trump a dit qu'il ferait un deal avecPoutine. En principe « deal », ça ne veutpas dire renonciation. Que considère-ra-t-il comme vital en ce qui concerne laSyrie, en ce qui concerne l'Ukraine ? Onn'en sait rien. Sur quoi voudrait-il êtreferme ? Dissuasif ? Coopératif ? Voudra-t-il remettre en cause les politiques desanctions contre la Russie, ce qui pren-drait à contre-pied les Polonais et un peula France ? Sur ces questions aussi, ils'agit de savoir ce que nous voulons nous.

Theresa May va-t-elle être tentéede renforcer ses liens avec l'Amérique ?Sans doute, mais c'est secondaire. Il n'y aplus, entre ces deux puissances, de rela-tions privilégiées depuis très longtemps.C'est un mythe utile aux Anglais comme,pour nous, le fait de croire que nos idéessont universelles. La carte de Mme May,ce n'est pas celle d'un lien avec des États-unis qui veulent limiter le libre-échange.Je ne sais pas si elle y parviendra mais elleveut jouer la carte de l'Inde, de Singa-pour, de l'Asie, du monde et pas une cartespécialement américaine.

Quelle géopolitique pour Donald Trump ?Le plus frappant, c'est que dans ses dis-

cours il rompt avec le wilsonisme améri-cain, qu'il ne considère pas que l'Améri-

f f L'immigrationi joue un rôlede part et d'autrede l'Atlantique.

À tort ou à raison,elle réveille des angoissesidentitaires défensives 99

que ait a imposer le respect des droits del'homme et de la démocratie partout.Obama déjà était en retrait sur ce pointmais comme Trump disait les choses avecagressivité et Obama avec distinction, onn'a pas toujours fait le lien. Ce désenga-gement éventuel inquiète les pays les plusprotégés. Et c'est pour les Européensidéalistes, interventionnistes, ceux quipensent, comme souvent la France, qu'ilest de leur devoir de civiliser le mondeque l'adaptation va être la plus difficile.

L'Europe doit-elle profiter de l'électionde Donald Trump pour se relancer ?Cela serait une bonne chose ! Mais cela faitlongtemps - bien avant les élections amé-ricaines - que les peuples d'Europe ontcommencé à décrocher du projet euro-péen et je ne parle pas que de ceux qui sontanti-européens pour des raisons idéologi-ques mais de tous les autres : les déçus, lessceptiques, les allergiques. Ils pourraientretrouver une espérance commune si lesystème européen se réformait vraiment,se concentrait sur l'essentiel (aujour-d'hui : la sécurité et donc un Schengen quimarche) plutôt que de faire des directivessur les concombres ou les chocolats. Cetterelégitimation de l'Europe était déjà indis-pensable avant l'élection de Trump, lesprovocations de Poutine ou l'afflux desréfugiés et des migrants.

L'élection américaineest-elle comparable au décrochagedes peuples européens ?Il y a des éléments communs et des élé-ments distincts. En premier lieu, danstoutes les démocraties installées (les dé-mocraties dites représentatives), on peutobserver une crise de la représentativité.De plus en plus, les gens élisent des diri-geants et très vite ensuite ils s'en défient

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géants et tres vite, ensuite, ils s en défientL'état de grace dure une journee Face acette défiance, la gauche invoque des rai-sons sociales Elle pointe l'absence decroissance pour expliquer qu'il n'y a plusrien a redistribuer C'est encore plus vraidepuis la crise de 2007 Le pacte socialconstruit apres la guerre s'est rompu etcela participe certainement de la fureurMaîs il y a d'autres explications Le méprisdes elites pour ce que les peuples deman-dent conserver une certaine souveraine-té, une certaine identité, etre garanti surle plan de la securite Ce sont des deman-des qui peuvent prendre des formes ex-trémistes, parfois choquantes ou absur-des, maîs comme les elites les balayent, lacolere des peuples n'en est que plus forteL'immigration, ensuite, joue un rôle depart et d'autre de l'Atlantique A tort ou araison, elle réveille des angoisses identi-taires défensives S'ajoutent a cela les ha-bituels commentaires moralisateurs de lapart des elites, a travers l'éloge mecanique des-valeurs-qui-sont-les nôtres Lesincantations tout aussi mecaniquescontre le « repli sur soi », ceux qui« jouent sur les peurs » n'ont aucun effetsur ce genre d'électeurs Les condamna-tions, en bloc et en vrac, du « populis-me » sont vaines Le recours aux mots -« nauséabonds », « annees noires » -n'est pas plus efficace que l'eau bénitecontre les vampires II faut remonter auxcauses du populisme pour les traiterMaîs il y a aussi des elements distinctsHillary Clinton ne soulevait pas d'en-thousiasme contrairement a Sanders(maîs je ne croîs pas qu'il aurait gagnepour autant) Trump a réussi a faire croirequ'il incarnait une réussite a l'américai-ne, avec des hauts et des bas, une vied'entrepreneur et de heros de television,un destin de milliardaire Ce n'est pas dutout le cas de Marine Le Pen en France quiest une politicienne habile maîs classiquea la fois haie par le systeme et membre apart entière de ce même systeme

Y a-t-il une menace populisteen Europe ?Tout dépend de ce que l'on entend parpopulisme qui est un mot-valise De lapart des elites, ça veut dire contestationdes libertés, de la démocratie, comparai-son avec les annees 1930 Le populisme,pourrait-on dire de façon plus banale,

c'est la reaction violente de peuples qui sesentent abandonnes et méprises Onpourrait même dire que des lors qu'il y apeuple, il y a un risque de populisme LesEtats ou il n'y a pas de peuple, ll n'y a pasde risque de populisme voyez Monacoou le Qatar ' Plus sérieusement, ll ne fautpas se servir de ce mot n'importe com-ment et ne pas traiter les causes commes'il s'agissait d'une contagion idéologi-que II faut comprendre les causes du po-pulisme et essayer de les desamorcerApporter une réponse raisonnable pourcanaliser ces demandes qui, sinon, pren-dront des formes extrêmes Maîs si le sys-teme europeen demeure incapable d'en-tendre ces demandes et de se reformer enconséquence, tout peut arriver

La mondialisation n'est plus heureuse ?A l'origine, la mondialisation - cette gi-gantesque deregulation, financiansation -a ete une reaction a l'ultra-reglementa-tion nee des annees Roosevelt et de lagrande crise Maîs le retour de balancierest parti trop loin L'économie est deve-nue un gigantesque casino On a assiste ades phénomènes d'enrichissements fara-mineux et sans cause II y a eu, parfois,quelque chose d'obscène dans l'avidité, lacupidité, quelque chose de vertigineuxdans le fait que l'économie réelle est deve-nue marginale par rapport a l'économiefinanciere qui se nourrit d'elle même Lacrise de 2007 n'a, malheureusement, pasdéclenche une correction suffisante Lamondialisation heureuse ne l'a donc pasete pour tout le monde Qu'est-ce qu'unfermier du Middle West peut en avoir afaire que la mondialisation ait améliore lavie des dizaines de millions d'Asiatiquespauvres 9 La révolte est en marche depuisdes annees L'élection de Trump, c'est lecoup de gong dans le systeme

Comment faut-il parler aux peuples 7

En ce qui concerne l'Europe, le risque dedivorce remonte a longtemps La prise deconscience, pour moi, c'est le tres faiblescore du oui dans le resultat du référendumde Maastricht Plus tard, ll y a quinze ansdéjà, lors d'un Conseil europeen a Laaken,on reconnaissait déjà que certains citoyenseuropéens avaient l'impression que leuridentité était menacée par la constructioneuropeenne ' Depuis, rien n'a change Mon

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essai Sauver l'Europe ! est un appel pour ré-concilier les peuples et l'Europe.Pour cela, il faut une révolution mentaledes élites qui ont voulu faire l'Europe parle haut et à marche forcée. Méditons cequ'a dit récemment Wolf gang Schauble :« Cela devient difficile de ne jamais tenircompte des peuples. »Les chefs d'État doivent donc prendreune initiative spectaculaire. Il faut mon-trer au peuple qu'on l'a entendu et pourcela faire une pause. Organiser uneconférence refondatrice qui commence-rait sans les institutions européennes(Commission, Parlement, Cour de justi-ce). Avec une déclaration solennelle quiaffirmerait, en substance : nous ne seronsplus une usine bureaucratique, notreprincipal objectif sera de garantir la sur-vie du mode de vie européen dans lemonde. On distinguerait mieux ce quidoit être traité au niveau européen et cequi relève, encore ou à nouveau, de lasouveraineté des États membres. Cepréalable permettrait ensuite l'organisa-tion d'un nouveau référendum, en mêmetemps, dans tous les pays qui accepteraitce processus de relégitimation. •'«Sauver l'Europe!» Hubert Védrine, Édi-tions Liana Levi, 94 pages, W euros.

PROLONGATIONDESCONTRÔLESDANS L'ESPACESCHENGENL'Union européennea prolonge vendredi pourune durée de trois mois lescontrôles aux frontières.Le rétablissement de cescontrôles a été décidé l'andernier pour faire faceà l'afflux en Europede migrants sans papiersvia la Grèce et l'Italie.Leur prolongation, proposéele mois dernier par laCommission européenne, aété approuvée par le Conseileuropéen, qui a annoncela poursuite « des contrôlesproportionnés sur certainesfrontières intérieuresde Schengen, en Allemagne,Autriche, Suède, Danemarket Norvège (pays hors UEmais appartenant à l'espaceSchengen, NDLR) ».

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Date : 12/13 NOV 16Pays : FrancePériodicité : QuotidienOJD : 311326

Page de l'article : p.1,4Journaliste : Vincent Trémoletde Villers

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Hubert Védrine: «S; Trump faisaitce qu'il a dit (je n'y crois pas) et seretirait de l'Otan (que les Américainsfinancent à hauteur de 70 %),ce serait la panique en Europe. »

RANLOIS BOULHON/Lh HGARO

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L'OPINIONDate : 07 NOV 16Pays : France

Périodicité : Quotidien Journaliste : Jean-DominiqueMerchet

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La fabrique de l'OpinionL'invité du 14 Bassano

« Mon plan pour sauver l'Europe :reconquérir les peuples »Hubert Védrine : « Cessons d'avoir des vapeurs quand les peuplesdemandent de l'identité ou de la sécurité. Ce sont des aspirationslégitimes même si elles prennent parfois des formes inacceptables »

EN DÉCEMBRE 2015, l'ancien mi-nistre des Affaires étrangèresHubert Védrine publiait un articledans l'Opinion intitulé « Pour sau-ver le projet européen, il faut lelibérer du dogme européiste ». Ce

texte, repris et développé dans plusieurs titresfrançais et étrangers, est devenu un petit livre :Sauver l'Europe (Liana Lévi, 10 euros) qui se pré-sente comme « le plan Védrine ». Nous avons ànouveau rencontre son auteur.

Vous vous définissez commeun « eurocritique » et voilà que vousvoulez « sauver l'Europe », estimantmême que « la possibilité qu'elle se défasseest insupportable ». Vous seriez-voussoudainement converti à la foi européiste ?

Lorsque je dis que la dislocation de l'Europeserait « insupportable », je parle au premier de-gré : la France ne pourrait pas la supporter. Auvu de la place que le projet européen a pris dansl'imaginaire et la vision politique en France de-puis une vingtaine d'années, ce serait un trauma-tisme insurmontable. Je ne suis pas devenu euro-péiste, mais je suis bien obligé de faire ce constatclinique. Sur ce point, et même s'il y a une partde vrai dans leur propos, je ne vais pas aussi loinque Régis Debray ou de Jean-Pierre Chevènementqui pensent qu'une telle dislocation libérerait lesénergies des peuples. Peut-être que l'Allemagne yarriverait, mais la France serait le pays le plus af-fecté. D'où ma tentative de proposer ce plan poursauver l'Europe. C'est ce qui me relie à FrançoisMitterrand

Quel est donc ce « plan Védrine » ?Dans mon livre, je le résume en trois temps :

pause, conférence, refondation. La pause dansl'intégration européenne est un message adres-sé aux peuples. En effet, le point de départ demon analyse, c'est que les peuples décrochentde l'Europe. On ne pourra pas ébranler les vraisantieuropéens, comme Marine Le Pen, mais ondevrait pouvoir rattraper les autres, les scep-tiques, les déçus, les allergiques aujourd'huimajoritaires. Pour les reconquérir, il faut d'abordarrêter de les mépriser. Les élites, devenues inau-dibles, doivent consentir à un compromis avecles peuples. Arrêtons, par exemple, de parlerd'« abandon de souveraineté », parce que les gensont bien compris que, dans ce cas, cette souve-raineté n'était pas perdue pour tout le monde !Cessons d'avoir des vapeurs quand les peuplesdemandent de l'identité, de la souveraineté ou dela sécurité. Ce sont des aspirations normales, légi-times, même si elles prennent parfois des formesinacceptables. Il faut y apporter des réponsesraisonnables. Donc, décrétons une pause dequèlques mois maximum, pour prendre le tempsde réfléchir. Cela marquerait les esprits. Ce seraitun « On vous a compris ! »

Après la pause, vous appelez à une conférencesur le modèle de celle de Messine en 1955.Celle-ci a été à l'origine de la CEE des Six,au lendemain de l'échec de la Communautéeuropéenne de défense (CED). Une énièmeconférence pour sauver l'Europe ?

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L'OPINIONDate : 07 NOV 16Pays : France

Périodicité : Quotidien Journaliste : Jean-DominiqueMerchet

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Non, car celle-ci serait refondatrice, à condi-tion qu'elle clarifie les rôles. L'un des grands pro-blèmes est celui de la surréglementation. MêmeJean-Claude Juncker, le président de la Commis-sion, a reconnu que l'on a eu tort de réglementer« à outrance » ! A cet égard, la France porte unevraie responsabilité : nous avons réussi à trans-poser à Bruxelles notre génie pour les trucs com-pliqués. La loi sur la pénibilité du travail en est unexemple récent. La conférence que je propose nedoit pas se tenir dans une ville comme Bruxelles,Luxembourg ou Strasbourg. Surtout, les insti-tutions européennes (Commission, Parlement,Cour de Justice) n'y seraient pas invitées au dé-but. Les gouvernements volontaires devraient yrépondre à la question : « Quelle valeur ajoutéepour l'Europe qui doit cesser de se mêler detout avec des directives sur les concombres ou les

chasses d'eau ? Et comment redonner de l'oxy-gène démocratique aux Etats et aux régions ? »Le niveau européen devrait se concentrer surquèlques domaines clés redéfinis et arrêter devampiriser les niveaux national, régional ou lo-cal. On a bâti l'Europe à l'envers. Si l'on parvientà un projet cohérent de refondation, on pourraà ce moment-là le soumettre à des référendumset surtout pas avant, ils ne seraient que destruc-teurs. Cette refondation vise, au fond, à sauver lemode de vie européen. C'est un peu comme lesdévaluations de la monnaie qu'on faisait jadis,une manière de repartir sur de nouvelles bases.L'Europe a besoin d'une relégitimisation poli-tique, impossible sans les peuples.

L'un des lieux communs est de misersur le couple franco-allemand pourla relancer l'Europe. Qu'en pensez-vous ?

Depuis la réunification allemande, ce dis-cours n'est plus tenu que par les Français... En Al-lemagne, seul le ministre des Finances WolfgangSchâuble l'évoque encore. Ce qu'il faut mainte-nant, c'est que les deux pays se parlent franche-ment. Or, la France ne pourra être entendue quesi elle entame enfin ses réformes structurelles,pour redevenir crédible. Alors, on pourrait direaux Allemands que, par exemple, leur transitionénergétique antinucléaire est irrationnelle. Ouque la chancelière n'a pas facilité la gestion de lacrise des réfugiés.

Le Brexit peut-il être l'occasionde cette refondation ?

La France avait une carte à jouer au lende-main du référendum britannique. Je regrettequ'on n'ait pas saisi cette opportunité. On peutanalyser le Brexit de deux façons : comme uneaberration britannique ou comme l'indice d'unmalaise général des Européens. On s'est tropconcentré sur la première et, sans surprise, lesommet de Bratislava a été décevant... Quant auxsuites réelles du référendum britannique, il esttrop tôt pour le savoir. Personne n'a la moindreidée de ce que sera la situation dans un an. Larécente décision de Haute Cour (NDLR : impli-quant le Parlement britannique dans la décisionfinale ) montre combien les choses peuvent bou-ger. Selon moi, il est stérile d'adopter une lignepunitive avec les Britanniques. Il n'est pas excluque, dans un an ou deux, l'Europe ne veuille passe passer de la Grande-Bretagne et réciproque-ment. C'est notamment vrai en matière de dé-fense - qui ne relève pas de l'UE, mais d'accordsbilatéraux. En 1998, j'ai d'ailleurs été l'un desacteurs de ceux de Saint-Malo. Aujourd'hui, jesoutiens la proposition de Jean-Dominique Giu-liani et de la Fondation Robert Schuman sur untraité de défense entre la France, l'Allemagne et

«L'un des grandsproblèmes est celui de lasurréglementation. A cetégard, laFrance porteune vraie responsabilité »la Grande-Bretagne. Je me réjouis de voir que des« européistes » en viennent à privilégier, par réa-lisme, l'intergouvememental sur le communau-taire. Cela est plus utile que les incantations sur ladéfense européenne.

Comme vous le racontez dans votre livreLes Mondes de François Mitterrand (Fayard),qui vient d'être réédité, vous avez été pendantquatorze ans un proche collaborateurde l'ancien président. Son engagementeuropéen était très fort. Avec le recul,qu'est-ce qui a mal tourné ?

D'abord, je me méfie du récità l'eau de rose selon lequel il y au-rait eu une période enchantée dela construction européenne qu'ils'agirait de retrouver. FrançoisMitterrand était un Européen,

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L'OPINIONDate : 07 NOV 16Pays : France

Périodicité : Quotidien Journaliste : Jean-DominiqueMerchet

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mais il était aussi un patriote fran-çais à 100% : souvenez-vous qu'ila participé à la commémorationdu millénaire capétien. Pour moi,le moment clé, c'est Maastricht.Au moment de l'Acte unique de1986, personne ne s'est renducompte de l'engrenage normali-sateur que celui-ci déclenchait.En 1992, au moment du référen-dum, c'est là que j'ai découvertque les classes populaires ne sui-vaient plus, qu'elles avaient peuret qu'il y avait quelque chose d'il-légitime à vouloir faire l'Europeet le bonheur des peuples par lehaut. Le résultat a d'ailleurs ététrès serré (51,04% de oui). AprèsMaastricht, comme Helmut Kohi,François Mitterrand souhaiteune pause. Les deux hommesavaient d'ailleurs employé lamême expression, chacun deleur côté, devant Jacques Delors :« Cela n'empêchera pas la Seine(le Rhin) de couler ».

Et pourtant vous avez soutenule projet de monnaie unique...

Certes ! Car, avant l'euro, la France était defait dans la zone Mark. A l'Elysée, j'ai vu FrancoisMitterrand demander à Helmut Kohi de deman-der au président de la Bundesbank d'accepterune dévaluation du franc... L'idée de Miterrandétait alors que mieux valait une monnaie unique,dont nous serions partie prenante.

Quel regard portez-vous sur la crise traverséepar la zone euro en 2015 avec la Grèce ?Finalement, elle a été bien gérée. Cependantsur la Grèce, je n'étais pas choqué par la posi-tion du ministre allemand des Finances Wol-fgang Schâuble. Cela aurait été moins dur pourles Grecs de quitter la zone euro, de revenir à uneurodrachme dévalué et de bénéficier d'un pland'accompagnement pour restaurer leur écono-mie, jusqu'à ce qu'ils puissent revenir.

Il faut donc parfois faire marche arrièrepour sauver l'Europe ?

En tout cas, il faut reconvaincre les peuples,mais bien sûr, le « système » n'a pas envie de seréformer, même si Jean-Claude Juncker et Do-

nald Tusk (président du Conseil européen) sontlucides sur la situation. Pourquoi être soumis àla téléologie, qui voudrait que l'Europe aille tou-jours dans une seule et même direction, quoi quevotent les peuples, et qu'il n'y ait pas de correc-tions possibles? En exagérant, les réactions deseuropéistes me font penser à celles des Sovié-tiques qui se sont engagés militairement en Af-ghanistan en expliquant qu'il n'était pas possiblede laisser tomber un régime communiste. En Eu-rope, il ne suffit pas que l'usine à gaz promette defonctionner mieux. L'urgence, c'est de retrouverles peuples.

Interview Jean-Dominique Merchet(ôtjdomerchet $f

Hubert Védrine

l'Europe!

Eurocritiqueet mitterrandienAncien ministre des Affairesétrangères (1997-2002),Hubert Védrine, 69 ans,a occupé différents postesà l'Elysée de 1981 à 1995 etpréside aujourd'hui l'Ins-titut François Mitterrand.Auteur de nombreux livres,dani Les Mondes de FrançoisMitterrand (Fayard) quivient d'être réédité àl'occasion du centenairede la naissance de l'ancienprésident, il publie Sauverl'Europe (Liana Lévi), unregard eurocritique surl'avenir de TUE.

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La victoire de Donald Trump montre de manière spectaculaire que, scrutin après scrutin,pays après pays, les peuples votent contre le système. Pas de doute, d'autres surprises viendront

Brexit, Trump.A quile tour?PopulismeLe républicain Donald Trump, TO ans, a remporté mardi l'électionpresidentielle américaine, déjouant tous les pronostics et les dernierssondages qui prédisaient la victoire de son adversaire démocrate Hillary Clin-ton. L'homme d'affaires new-yorkais deviendra le 20 janvier le 45e présidentdes Etats-Unis et succédera à Barack Obama. Donald Trump a réuni plus de270 grands électeurs sur 538. Parallèlement, les républicains conservent lamajorité à la Chambre des représentants et au Sénat.

Jean-Dominique Merchet

LE PROBLÈME AVEC LES DÉMOCRATIES,

c'est que les peuples votent. Et de moinsen moins dans le sens attendu par lesélites. Après le Brexit en juin, la vic-toire de Donald Trump le confirme ennovembre. « Trump, c'est une révolte »,constatait, voici quèlques semaines,Gérard Araud, ambassadeur de Franceaux Etats-Unis. Élargissant son pro-pos à l'Europe, il notait qu'« une partiesubstantielle de nos concitoyens est en

train de nous dire que ça ne va du tout ».Scrutin après scrutin, pays après pays,le verdict tombe inlassablement et larévolte s'étend sur fond de refus du libre-échange et de l'immigration, commeun retour de la question sociale. Et cha-cun désormais de se poser la questionen regardant le calendrier électoral : àqui le tour ? Il suffisait de voir, mercredimatin, Marine Le Pen jubiler à l'annoncede ce qu'elle décrit comme « la fin d'un

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, VEN A TOUR cui ÇA VA tnw TU*

monde » pour comprendre dans quelledirection souffle le vent.

À qui le tour? Rendez-vous, d'abord,le 4 décembre. Deux scrutins européensse tiendront ce jour-là, en Italie et en Au-triche. Les électeurs transalpins sont ap-pelés à se prononcer par référendum surune réforme constitutionnelle que la plu-

part des observateurs jugent nécessairepour améliorer le fonctionnement desinstitutions. Las ! Quasiment tous les son-dages donnent le « non » gagnant, parceque le Président du conseil Matteo Renzi(centre-gauche) a commis l'erreur dedire qu'il démissionnerait en cas d'échec.De nouvelles élections auraient alors lieu

et les sondages donnent le Parti démo-crate, au pouvoir, au coude-à-coude avecles populistes du mouvement CinqueStelle (M5S), autour de 30 % des voixchacun. En juin, la candidate du MSSVirginia Raggi a été élue maire de Rome.Si le bilan de ses premiers mois ne plaide

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guère en sa faveur, Crique Stelle ne semble guèreen souffrir dans les intentions de vote.

Extrême droite autrichienne. En Autriche,le second tour de l'élection presidentielle auralieu ce même jour. Le scrutin du 22 mai, invalideà la suite d'irrégularités, avait vu la victoire d'unecourte tête (30 DOO voix) de l'écologiste Alexan-der Van der Bellen face au candidat d'extrêmedroite (FPÔ) Norbert Hofer. Cette fois-ci, la plu-part des sondages indiquent qu'Hofer devraitl'emporter. Si c'est le cas, ce serait la premièrefois en Europe qu'un responsable de l'extrêmedroite deviendrait chef de l'Etat, même si, en Au-triche, celui-ci a un rôle moins important qu'enFrance. Il pourrait toutefois provoquer de nou-velles élections législatives, dont le FPÔ sortiraitrenforcé, avec plus d'un tiers des voix. En pannede stratégie comme partout en Europe, les socia-listes autrichiens du SPO en sont à se diviser surla perspective d'une coalition avec l'extrêmedroite...

Aux confins de l'Europe, la petite Moldaviedoit elle aussi élire son président. Le second touraura lieu ce dimanche 13 novembre. Arrivé entête au premier tour, le candidat socialiste IgorDodon est favori face à une candidate pro-euro-péenne. Dodon incarne une ligne favorable à laRussie et, dans ce pays frontalier de l'Ukraine, savictoire sera vue comme celle de Vladimir Pou-tine, le héros des populistes.

Au cœur de l'Europe, cette fois, un réfé-rendum se profile aux Pays-Bas contre le traitécommercial entre l'Europe et le Canada (Ceta),récemment signé. Hostiles au libre-échange, desorganisations militantes recueillent des signa-

tures afin d'imposer une consultation populaireconsultative, comme le prévoit la Constitution.En avril dernier, un référendum de cè type avaitrejeté un accord entre l'Europe et l'Ukraine alorsque les 27 l'avaient ratifié. Avec la Commissionde Bruxelles, le gouvernement du libéral MarkRutte tente actuellement de trouver une issue.En décembre dernier, les électeurs du Danemarkavaient, eux aussi, déjà rejeté par référenduml'adoption de plusieurs règles européennes enmatière de justice et de police.

Plus de grain à moudre. Comme le dit l'an-cien ministre des Affaires étrangères Hubert Vé-drine, dans son récent « Sauver l'Europe » (LianaLevi), « chaque élection confirme ce décrochagedes peuples ». En juin, le Brexit a été un véritablesaut dans l'inconnu, approuvé par les classespopulaires blanches ralliées au nationalisme - lesmêmes qui, outre-Atlantique, ont élu DonaldTrump et votent FN, de ce côté-ci de la Manche.Si le Brexit a été un véritable séisme - avec lemême effet de sidération que l'élection amé-ricaine - il n'est qu'un élément d'une crise plusgénérale. Le politologue Pierre Martin y voit le« déclin des grands partis de gouvernement ». Se-lon lui, ce phénomène historique s'explique parIe ralentissement de la croissance économique :« Comme il y a moins de "grain à moudre", lespartis au pouvoir ne peuvent plus redistribuerautant qu'avant » et les électeurs les rejettent.

Partout dans les démocraties, des partiscontestataires surgissent, prenant des formestrès diverses d'un pays à l'autre. Mais, en portantà la Maison blanche un candidat entré en poli-tique il y a à peine 500 jours et qui a fait toute sacampagne en dénonçant les élites, les électeurs

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américains viennent d'accorder une victoireconsidérable à ces forces « anti-système ». Déjà,durant la campagne des primaires, les succès ducandidat de gauche Hernie Sanders chez les dé-mocrates sonnaient comme un avertissement.

En Grèce, le parti de la gauche radicale Syrizaavait remporté les élections de 2015, provoquantune vraie crise politique en Europe. Certes, Syri-za a dû en rabattre de ses ambitions initiales et nerecueille désormais plus que 20 % des intentionsde vote. En Espagne, Podemos - un parti frèrede Syriza - n'a pas réussi la percée spectaculaire

« Ce que les Françaisne veulent pas en 2017,c'est remettre une piècedans le même Jukebox»qu'il espérait, mais, avec environ 20 % des voix,il a bloqué le système parlementaire pendant dixmois, contraignant in fine les socialistes, divisés,à laisser la droite gouverner.

« Presque aucune démocratie représentativene fonctionne vraiment bien, à la seule excep-tion, jusqu'ici, en Europe, de l'Allemagne », af-firme Hubert Védrine. Alors, à qui le tour désor-mais ? 2017 sera une annëe électorale en Franceet en Allemagne. Outre-Rhin, des électionsfédérales auront lieu à l'automne. Le parti d'ex-trême droite AÎD devrait entrer au Bundestag,les sondages le donnant aujourd'hui entre ll %et 14 % des intentions de vote. Surfant sur le rejetdes migrants et l'inquiétude des épargnants, ceparti, fondé en 2013, a réalisé une percée spec-taculaire dans le petit Land du Mecklembourg-Poméranie antérieure, en septembre. Toutefois,

l'Allemagne est sans doute moins avancée sur lavoie du rejet des élites politiques que beaucoupd'autres pays. Selon un sondage publié mardi,59 % des Allemands souhaitent même qu'Ange-la Merkel sollicite un quatrième mandat à l'au-tomne prochain.

À cet égard, le contraste avec la France estéclatant. François Hollande y termine son quin-quennal en lambeaux et Marine Le Pen se situeentre 25 % et 30 % des intentions de vote. Mêmesi le FN s'est fracassé sur le plafond de verre auxrégionales de décembre 2015, ne parvenant pas àconquérir une seule région, la victoire de DonaldTrump montre que, pour affronter un populisteincarnant le renouveau, il ne faut pas se tromperde candidat. Hillary Clinton cumulait les handi-caps : femme du passé, elle représente toutesles élites, celles de la politique, des affaires, desmédias, du show-business. En France, les deuxfavoris de la primaire de la droite sont un ancienPremier ministre - entré pour la première fois augouvernement il y a trente ans - et un ancien pré-sident de la République, déjà renvoyé une foispar les électeurs. Sans beaucoup de succès,Bruno Le Maire ou Nathalie Kosciusko-Morizettentent d'incarner le renouveau, comme Emma-nuel Macron toujours « en marche » vers sa can-didature.

« Ce que les Français ne veulent pas en 2017,c'est remettre une pièce dans le même Jukeboxqui joue la même musique lancinante et éner-vante de la vie politicienne qu'ils connaissentdepuis des décennies », assurait au printempsEmmanuel Rivière, directeur du départementOpinion de TNS Sofres-OnePoint, à l'antenne deRTL. Les Américains viennent, eux, d'envoyerleur Jukebox à la casse. @jdomerchet $f

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Elections américaines : les résultats* Les Etatsoù s'est jouée l'élection

Hillary Clinton 228 279 Donald Trump

Démocrates

Etats qui ont bascule democr

Démocrates en tete

Républicains

Etats qui ont bascule republicain

I Républicains en

O Q MA •Ol"°

O ^| RI • Pennsylvanie

on

La Floride, exemplede fracture géographique

entre villes et zones rurales

Hillary Clinton47,6%

59 595 237 VOIX

Donald Trump47,5%

370 252 voix

Mercredi à 31130 du matin, le scrutin basculeLes chances de gagner la presidentielle américaine, en % Comtes démocrates

Comtes républicains

Le congrès des Etats-Unis

nocrates ML Républicains Non parvenu

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Date : 06 NOV 16

Périodicité : HebdomadaireOJD : 193448

Page de l'article : p.3Journaliste : François Clemenceau

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Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères>»

« Les Etats-Unissouhaitent uneFrance forte »

Si Hillary Clintonest élue, à quelschangementsles Français et lesEuropéens doivent-ilss'attendre?

On aura i t tortd'accorder une im-portance exagérée àl'élection américaine. L'Amé-rique n'est plus cette « hyper-puissance » que je décrivais il ya vingt ans. Cela dit, une victoirede Hillary Clinton ne ferait pasdisparaître cette autre moitié del'Amérique qui aura voté pourDonald Trump et qui n'est pascomposée uniquement de ra-cistes ou de sexistes. Ce qu'arévélé cette campagne pèserasur ses décisions, notammentsur les accords commerciauxde libre-échange. Cela ne si-gnifie pas qu'on va d'un seulcoup démondialiser nos éco-nomies mais qu'on va se cal-mer, prendre son temps. Etcela ne chagrinera personne,sauf peut-être au sein ducamp le plus libre-échan-giste de la Commissioneuropéenne.Quelle leçon tirez-vousde cette nouveauté dupopulisme aux États-Unis,avec Trump et Sanders,et son jeu de miroir avecnos populismes en

France et en Europe?

« Hillary Clintonaura à choisir

du bras cle fer etla recherche d'undeal réaliste avecPoutine »

France et en Europe?C'est une réalité qui

affecte tous les paysdémocratiques. Trump,de ce point de vue, n'est

pas qu'une aberrationmais aussi le révélateur d'unproblème plus large, celui dela crise de la représentativité :le slogan « sor- ^^_^^_lez les sortants »est devenu unautomatisme,

d'autant plus que . iles gens sont à la entre la poursuitefois plus informés,ce qui ne veut pasdire mieux, maisdans un désordreabsolu, dans cettegigantesque crisede défiance oùl'opinion publiquea l ' impressiond'avoir été baratinée sur la mon-dialisation et abandonnée.Est-ce que le rapportde Hillary Clinton à la Russierisque d'influencer, en casde victoire, notre relationavec Vladimir Poutine?

L'Europe n'est pas le pro-blème numéro I des États-Unisni la solution aux problèmesde l'Amérique. Sur la questiontransatlantique, Hillary Clintonest assez conventionnelle. Elleaussi souhaitera une Europecapable de partager le poids dufardeau de la sécurité collective.Mais sa priorité devrait êtreau positionnement des États-unis face à Poutine, vis-à-visduquel elle aura à choisir entrela poursuite du bras de fer et larecherche d'un deal réaliste. Et,

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Date : 06 NOV 16

Périodicité : HebdomadaireOJD : 193448

Page de l'article : p.3Journaliste : François Clemenceau

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bien sûr, face à la mon-tée en puissance de laChine. Les Européensdevraient d'ailleurs ces-ser de pleurnicher surce fameux pivot asia-tique des États-Unis etcomprendre que c'estune opportunité pour

peser davantage.Hillary Clinton a la réputationd'être interventionnistesur le plan militaire. Qu'est-ceque cela change pour la France?

Barack Obama, venant aprèsGeorge W. Bush, était très enarrière de la main sur cettequestion du rôle militaire desEtats-Unis. Hillary Clinton, elle,a voté pour la guerre en Irak etétait favorable à une interven-tion en Syrie. Henry Kissinger,que j'ai rencontre récemment àParis, m'a dit qu'elle mèneraitune politique plus engagée.Plus présente que ne l'a étéObama mais moins que GeorgeW. Bush. Les États-Unis sonttrès contents que la France aitune armée de très haut niveauavec un système présidentielqui permette au chef de l'Étatde projeter nos troupes dansl'heure. Ils ont parfaitementcompris que si nous n'étionspas au Sahel, ce serait le chaostotal. Ils souhaitent donc quenous restions économiquementet budgétairement capables demaintenir une armée forte.Dans ce contexte-là, vousécrivez dans votre dernier livre*que pour redevenir populairel'Europe doit accepter d'êtremoins fédérale...

Je ne comprends pas l'aveu-glement des élites qui veulent

poursuivre l'in-tégration euro-péenne quoi quevotent les peupleset écrasent de leurmépris ceux qui« votent mal »ou s'abstiennent.Aux dernièresélections euro-péennes, l'abs-tention a atteintun record de 60%en moyenne enEurope. Si l'on

n'est pas capable de parler auxEuropéens d'identité sans enfaire une maladie, de redonnerun peu de souveraineté auxpays membres, alors le projeteuropéen sera vraiment menacé.D'où mes propositions : faisonsune pause pour mieux écouterce que nous disent les peuples,faisons une conférence refonda-trice pour clarifier les compé-tences des Etats et de l'Union.L'Europe serait alors mieux danssa peau pour s'adapter aux chan-gements du monde tout en étantun partenaire plus autonome desÉtats-Unis.

PROPOS RECUEILLIS PAR

FRANCOIS CLEMENCEAU

* Sauver l'Europe !, Liana Levi, 96 p.,loc.

Page 22: Date : 29 JUIN 18 Page de l'article : p.22 Périodicité ... · inistre des affaires étrangères de 1997 à 2002, Hubert Védrine est consultant et enseigne à Sciences Po. Auteur

L a ministre allemande de laDéfense a résumé l'étatd'esprit européen après

l'élection de Donald Trump,mélange de colère et d'inquiétu-de, en déclarant: "DonaldTrump doit dire clairement s'ilest du côté de la loi, de la paix etde la démocratie ou s'il se fichede tout ça".

Habitués à vivre sous le para-pluie américain, les Européenssont pris à revers. Pendant sacampagne, le nouveau prési-dent des États-Unis a violem-ment critiqué l'Otan et laissé en-tendre que la protection améri-caine automatique n'était plusde mise pour les alliés. Pour-rait-il laisser Poutine agir à saguise dans les zones d'influen-ce de l'ex URSS ? Tout l'est del'Europe s'alarme. Sur le conti-nent européen, seules la Franceet la Grande-Bretagne possè-dent des armées opérationnel-les, mais insuffisantes, pour as-surer une défense globale. Né-gligents et impotents ces derniè-res années, les dirigeants euro-péens sont sommés de fairepreuve d'un courage soudainpour donner une nouvelle iden-tité à l'Europe rejetée par lespeuples (voir l'interview d'Hu-bert Védrine ci-contre), et pourmanifester leur cohésion afin

d'exister dans le chambarde-ment qui s'annonce si DonaldTrump devait tenir ses promes-ses. Comme Barack Obama, ilrefuse que l'Amérique intervien-ne pour propager la bonne pa-role et pour convertir la planèteaux vertus de la civilisation occi-dentale. Mais, tandis qu'Oba-ma respectait les alliances et lestraités internationaux, Donald

Trump annonce vouloir les re-mettre en cause. L'équilibre dumonde s'en trouverait rompu.

Imparfaits, incomplets, lestraités ont tout de même per-mis de préserver la paix en limi-tant la portée des mauvaiscoups perpétrés ici ou là : Rus-sie en Ukraine, Chine en mer deChine et déstabilisation du Pro-che-Orient. Trump annoncevouloir agir en fonction des inté-rêts exclusifs des États-Unis enconcrétisant des ententes depays à pays, sans tenir compte

de leurs effets collatéraux. Ladénonciation par l'Amériquedu traité de Paris sur le climatlibérerait les égoïsmes natio-naux si difficilement surmon-tés, tant les États sont confron-tés à des difficultés de naturedifférente pour atteindre les ob-jectifs fixés.

En se retirant de l'accordavec l'Iran sur le nucléaire, lesÉtats-Unis ouvriraient la porteà un risque de guerre. En effet,si les Européens, les Russes etl'Onu ne parvenaient pas à lefaire vivre, les Iraniens relance-raient à coup sûr la fabricationde la bombe atomique, ce quiprovoquerait une réaction vio-lente d'Israël. Cependant, le pi-re n'est pas sûr.

Dans les années 1960, Ri-chard Nixon était présenté com-me un fauteur de guerre avantson élection à la Maison-Blan-che. Puis, avec Henry Kissingercomme conseiller, il a recher-ché l'équilibre en appliquantune politique de détente avecl'URSS, en nouant des relationsavec la Chine communiste eten engageant le processus depaix au Vietnam. C'est dire l'im-portance de l'entourage que vase choisir Donald Trump poursavoir s'il "se moque de tout ça".Ou pas.

Donald Trump va-t-ilchambarder le monde?

L a t a b l e e s t s a n s c h i c h i a uVieux-Moulin, à deux pas de la place Sé-bastopol, où Patrick Kanner a rencon-tré des jeunes volontaires du service ci-vique. On a préparé ce lundi du pois-son en sauce avec du riz, des brownieset de la pannacotta. "Vous allez trouverça hallucinant à Marseille, mais l’aviona dû être dégivré à Orly où il neigeait cematin", pouffe le ministre de la Jeunes-se et des Sports, justifiant son retard.Pas de souci. Les invités, une quarantai-ne d’acteurs associatifs des quartiersvoisins, ont patienté en papotant. Toutle monde se connaît, les préoccupa-tions sont les mêmes. Il y en a même unqui a amené son ukulélé.

À l’heure de la chansonnette, on ap-prend que son asso, une école de musi-que en redressement judiciaire, va don-ner un peu de drôlerie aux enfants ma-lades de la Timone. "Ce serait bien quel’État sponsorise un peu les trouba-dours", fredonne-t-il. Marie-Arlette Car-lotti, la députée PS du coin à l’originedu repas, reprend en chœur. Le minis-tre applaudit. Il a pris quelques notes,aussi. Il a promis qu’il en toucherait unmot à sa camarade de l’Éducation natio-nale du projet de Catherine, de la com-pagnie "Pourquoi pas nous ?", de faireentrer le théâtre à l’école par des "jour-nées zen". Il a souri un peu jaunequand Éric, du théâtre des Chartreux,lui a demandé s’il avait "des idées pourlutter contre la bête néo-libérale. Il y atrop d’inégalités".

Deux jours plus tôt, Patrick Kanner

était allé au théâtre, en banlieue parisien-ne, voir "F(l)ammes", un spectacle surdix femmes "merveilleux. Allez le voirquand il viendra." Et puis, pour bien apai-ser la petite assemblée, il rappelle qu’il va"faire voter le CICEe associations dansquelques jours au Parlement. 600 mil-lions d’euros. Cet argent va nous servir àrecréer de l’emploi." On approuve, maison signale plutôt ses petits soucis. Monaa besoin de tenues de sport pour ses ate-liers solidaires, Eva n’arrive pas à "créerun modèle économique pour pérenniserles projets en un an, c’est trop compliqué",Alaedine a besoin de "plus de moyens

d’accessibilité pour accueillir les sportifsmalvoyants"...

Dans le brouhaha qui naît, le ministrerappelle "le succès des Jeux paralympi-ques de Rio", propose aux associations demutualiser leurs démarches administrati-ves, rappelle qu’il n’est pas "le ministrequi donne bonne conscience aux autres".Une manière de renvoyer un peu la balle.Et écoute le prêtre de la congrégation Ti-mon-David qui redit sa croyance dans lesvaleurs républicaines et n’a "pas de requê-te". Sûr ? Patrick Kanner reprendrait biendu dessert. François TONNEAU

"Il sera comme tous les autres présidents : beaucoup depromesses, peu d'action. Qui sont ceux qui font lesrécoltes dans les champs, qui lavent les assiettes dansles restaurants? Trump a promis de faire croîtrel’économie, il a besoin de nous pour ça."

JOSÉ ALEJO, CLANDESTIN MEXICAIN AUX ÉTATS-UNIS DEPUIS 22 ANS

❚ Peut-il y avoir une contagion Trump en Euro-pe?On ne peut rien exclure. En dehors de motifs stricte-ment américains, comme le rejet d'Hillary Clinton, levote Trump reflète la colère grandissante des clas-ses moyennes populaires que l'on retrouve dans lesg r a n d e s d é m o c r a t i e s . D e p l u s , l ' E u r o p ed'aujourd'hui est un facteur aggravant. Les éliteseuropéistes persistent à ignorer les votes. Au lieu deles canaliser, elles fustigent de manière contre pro-ductive les demandes de souverainisme et de sécuri-té en répliquant par toujours plus d'intégration.C'est une attitude dangereuse qui peut produire desévénements en chaîne.

❚ Votre livre a pour titre, "Sauver l'Europe" *. Sielle est aussi bancale, pourquoi faut-il la sauver ?Parce que les pays de l'Union ont lié leur avenir auprojet européen. C'est particulièrement vrai pour laFrance qui n'est plus en situation d'imaginer un fu-tur dans une indépendance totale. Dans la compéti-tion mondiale brutale d'aujourd'hui, les Européenspartagent le projet de maintenir leur mode de viespécifique. Les apôtres de la sortie de l'Europe res-semblent aux animateurs de la campagne du Brexiten Grande-Bretagne. Ils excitent les peuples et ilsmarquent des points parce que le système ne réagitpas intelligemment. Mais ils n'ont aucune idée de cequ'il faudrait faire après. Il faut les priver de l'appuides sceptiques avec un projet qui montrera que l'Eu-rope peut redevenir le "plus" qu'elle a longtempsété. La priorité est de rétablir le lien entre l'élite etla population.

❚ Votre plan pour sauver l'Europe comprendtrois étapes : pause, conférence, référendum.Pourquoi réussirait-il mieux que le projet deconstitution rejeté par les Français lors du réfé-rendum de 2005 ?Parce qu'il est l'inverse. Il n'a rien à voir avec laconstitution qui projetait de faire naître un peupleeuropéen imaginaire. Je propose de rompre avec lacourse folle vers l'intégration en réponse aux peu-ples qui se tromperaient toujours. Les dirigeantspeuvent raconter ce qu'ils veulent dans les conseilseuropéens, les peuples ne les écoutent plus. Commele dit le ministre allemand Wolfgang Schaüble, "Çadevient quand même difficile de ne jamais tenircompte des peuples". Pour raccrocher l'attentiongénérale, il faut un coup de gong. La pause, c'est ce-la. Un signal psychologique et politique pour signi-fier : "On vous écoute et on va réfléchir à quoi fai-re".

❚ Après la pause, vous proposez la tenue d'uneconférence. Avec quels objectifs et qui y participe-rait ?Il s'agirait de relégitimer l'Europe avec la participa-tion des gouvernements décidés à tenter l'aventure.Exactement comme la Conférence de Messine en1955, qui avait conduit au traité de Rome et à la nais-sance de l'Europe. La conférence se déroulerait sansla présence des représentants des institutions euro-péennes toujours désireux d'augmenter leurs pou-voirs. Elle aurait pour objectif de recentrer l'Europe

sur des compétences biendéfinies. Par exemple, af-firmer que l'Europe n'apas à se préoccuper de laforme des concombres,mais de la sécurité pourrétablir la libre circula-tion qui est un acquis pré-cieux. Pour cela, il nousfaut un Schengen efficace qui permette de distin-guer rapidement les demandeurs d'asile, en dangerde mort que nous devons accueillir sans restriction,et les réfugiés économiques que nous accueillerionssur la base d'un quota fixé chaque année, métier parmétier. Ce système devrait être cogéré avec les paysétrangers, ce qui suppose la mise en place d'unco-développement volontariste. Voilà un exemplequi permettrait d'effacer l'impression d'une Europepassoire qui révolte les peuples. Une fois le projetbien établi, 3e étape, il pourrait être soumis à réfé-rendum, le même jour dans chaque pays concerné.Les chances de succès seraient réelles car il s'agiraitd'un projet partagé par tous et non pas seulementcelui des élites autistes et méprisantes.

❚ Ce projet suppose une entente franco-alleman-de. Mais les Allemands considèrent que la Francen'est pas un pays sérieux et nous considérons quel'Allemagne impose le diktat de l'austérité. On aencore des choses à se dire?Les deux pays le savent, ni l'Allemagne ni la Francen'ont d'alternative à leur entente. Sur ce plan, la ré-ponse nous appartient. La France doit redevenir cré-dible et cesser de quémander la relance du couplefranco-allemand tout en proférant des slogans vi-des. Ces attitudes puériles ne fonctionnent pas. Tantque nous n'aurons pas effectué les réformes réali-sées par la plupart des pays développés, nous ne se-rons pas audibles par l'Allemagne et nos autres par-tenaires. Une fois ces réformes faites, notre poten-tiel est si fort que la France sera très écoutée.

* "Sauver l'Europe !" Hubert Védrine, Éd. Liana Levi, 94 p, 10 ¤.

"L’Amérique paralysée"Pour comprendre pourquoi les Américains sesont prononcés en faveur de Donald Trump,rien ne vaut de lire son livre-programme. Unouvrage au style brut dans lequel le milliar-daire aborde tour à tour tous les thèmes depolitique extérieure (Chine, Iran, Mexique) etintérieure (santé, éducation). Sans oublier savision de ce que doit être son Amérique.P par Donald Trump, éd. du Rocher, 274 p. 16,90 ¤

79%Selon un sondage Viavoice pour "Libération", 79 % despersonnes interrogées, contre 16 %, estiment que le risquezéro n'existe pas et il y aura toujours un risque d'attentat.Par ailleurs, sept Français sur dix refusent de remettre encause les libertés publiques au nom de la lutte antiterroriste.

Café-théâtre avec Patrick Kanner

"Mon plan pour sauver l’Europe"

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Le livre

Le président-élu suscite des inquiétudes dans son propre pays et bien au-delà. / PHOTO AFP

Politique

"Je ne suis pas le ministre qui donne bonne conscience aux autres", pointe PatrickKanner à ceux qui lui demandent de l’aide sur l’éducation, la précarité... / PHOTO F.S.

Le chiffre

La phrase

L’INTERVIEWHubert VÉDRINE / ancien ministre des Affaires étrangères

Habitués à vivre sousle parapluie américain,les Européens sont prisà revers.

Page 23: Date : 29 JUIN 18 Page de l'article : p.22 Périodicité ... · inistre des affaires étrangères de 1997 à 2002, Hubert Védrine est consultant et enseigne à Sciences Po. Auteur

Date : 09 DEC 16

Périodicité : QuotidienOJD : 267897

Page de l'article : p.23Journaliste : Alain Frachon

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INTERNATIONAL CHRONIQUEPAR ALAIN FRACHON

Une tragédieeuropéenne ?

C es trois-là ont tout pourse comprendre. DonaldTrump à Washington,Xi Jinping à Pékin et Vla-

dimir Poutine à Moscou s'enten-dent sur un point-clé: «la com-munauté internationale», c'esteux - et personne d'autre. L'an-cien promoteur new-yorkais, le« communiste aux caractéristi-ques chinoises » et l'ex-off icier duKGB ont la même méthode de tra-vail : le rapport de force. Ils ont lamême vision du monde: uneaffaire de brutes.

Les doux Européens, volontiersconfiants dans l'extension de lanotion d'Etat de droit à la vieinternationale, n'ont guère d'illu-sions à entretenir. Poutine,Trump et Xi Jinping, nationalistesconvaincus, veulent façonner lemonde à leur main. Un peu par-tout, l'idéal démocratique-libéralest en perte de vitesse et, avec lui,celui d'un ordre international quiserait régi par la norme de droit. Iln'y a qu'à Bruxelles qu'on cultiveencore ce dernier rêve.

Les « Trois » se retrouvent dansla défense de leur zone d'in-fluence - chacun la sienne. Du-rant la campagne électorale amé-ricaine, Trump a laissé entendrequ'il n'avait rien à redire à ce quela Russie reprenne la Crimée àl'Ukraine. Il veut bien que Pékinétende sa présence militaire enmer de Chine, dès lors que les Chi-nois s'abstiennent de commenterles relations de Washington avecTaiwan. Tout est affaire de négo-ciation - de deal, dirait Trump -plutôt que de droit international.

LUE périt dè l'intérieurBrut de dëcoffrage, cet état deslieux a été dressé à la World PolicyConference (WPC), présidée parson fondateur, Thierry de Mont-brial, et réunie, pour sa 9e édition,fin novembre au Qatar. A Mos-cou, Pékin et Washington, l'idéo-logie montante est le bonvieux national-égoisme, pas l'iso-lationnisme. Le monde est appeléà rester global, la mondialisationest portée par la technologie.Mais, plus trompeuse que jamais,l'idée d'une gouvernance mon-diale, incarnée dans des institu-tions internationales, est battueen brèche par la réalité des Etats.Les plus puissants d'entre euxl'entendent bien ainsi.

Une fois de plus, ce devrait êtrel'heure de vérité pour l'Europe, aconstaté la WPC. Ce devrait être lemoment du réveil pour les Euro-péens, la prise de conscience de« l'impossibilité d'une île » : ils nes'isoleront pas des crises, ils nevivront pas comme dans une« grande Suisse ». Dans ce mondede brutes, les epreuves à venircommanderaient de les trouverunis. Pour exister à côté de la« bande des Trois », négocier avecles grands émergents (Brésil,Inde), affirmer une singularitéeuropéenne dans la mondialisa-tion. Seulement voilà, au mo-ment précis où elle devrait êtreforte, l'Union européenne est auplus bas. Elle est victime d'unecrise interne. Le projet européenva fêter son 6oe anniversairedrapeau en berne.

Le mal est profond, peut-être ter-minal, diagnostique Hubert Vé-

drine dans son dernier livre, Sau-ver l'Europe! (Liana Levi, 96 pages,

POUR HUBERTVÉDRINE,

L'ÉLARGISSEMENTPOST-GUERRE FROIDE

A DILUÉ L'UNIONDANS UNE MASSE

INFORMElo euros). L'Union périt de l'inté-rieur : elle a perdu la confiance despeuples. Avant même le Brexit,elle était dans un état de «dérélic-tion avance». Pourquoi cette dé-saffection populaire ? L'ancien mi-nistre des affaires etrangères - ja-mais «eurolâtre», plutôt euro-réaliste- incrimine une Uniondevenue à la fois trop vague ettrop ambitieuse. Mal préparé, troprapide, trop étendu, l'élargisse-ment post-guerre froide a diluél'Union dans une masse informeet sans cesse en mouvement.

L'instauration du marché uni-que s'est traduite par un déluge in-contrôlé de directives, de « normesintrusives et tatillonnes» émanantde la bureaucratie bruxelloise.Celle-ci n'est pas si nombreuseque ça ni si antidémocratiquequ'on veut bien le dire (elle appli-que des décisions prises par desgouvernements élus). Mais lamise en musique de l'ensembleau son d'une partition ridiculi-sant les notions d'identité natio-nale et de souveraineté, pour celé-

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Date : 09 DEC 16

Périodicité : QuotidienOJD : 267897

Page de l'article : p.23Journaliste : Alain Frachon

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brer à satiété les mérites d'uneuropéisme élitiste, a fait le reste :les peuples ont décroché. L'euro-scepticisme est majoritaire.

De la crise de l'euro à Schengenet à l'immigration, le livre passeen revue les difficultés traverséespar l'UE. Il y a la manière Védrine :«no nonsense», dirait-on en an-glais - rester pragmatique, ne passe payer de mots, éviter les ba-tailles théologiques. Il ne se ré-sout pas à la dislocation du projeteuropéen. Une obligation: retis-ser du lien entre les peuples etl'Europe. L'originalité du livre estdans une proposition à doubledétente. D'abord décréter une«pause» à la fois dans l'élargisse-ment et dans « la furie normalisa-trice» de Bruxelles.

Ce serait le temps d'un bilan dela construction européenne: cequ'il faut garder, ce qui ne marchepas. Ensuite convoquer une con-férence « refondatrice» qui accou-cherait d'un document politiquede réorientation de l'ensemble dusystème : redéfinition stricte de larépartition des compétences en-tre les institutions européenneset les Etats; redéfinition du rôledesdites institutions ; redéfini-tion d'un projet européen qui res-pecterait les espaces nationaux etresituerait l'ambition de l'Europedans le monde de demain.

Védrine est souvent convain-cant. Il est aussi convaincu del'impérieuse nécessité de l'Eu-rope pour préserver le mode devie européen dans le monde dedemain. Configuration géopoliti-que nouvelle: l'Europe a peud'amis. Dans toute l'UE, VladimirPoutine finance les partis d'ultra-droite qui veulent dêtruire le pro-jet européen. A Washington,Trump est du côté des «brexi-ters » : il n'a que mépris, au mieuxde l'indifférence, pour l'UE. A Pé-kin, Xi Jinping serait le moinsanti-européen de la «bande desTrois», mais les Chinois saventjouer de la division des Euro-péens entre eux. Dans la multipo-

larité conflictuelle qui s annonce,la désintégration du projet euro-péen serait une tragédie. Pour lesEuropéens. •

[email protected]

POUTINE, TRUMPET XI JINPING,

NATIONALISTESCONVAINCUS,

VEULENT FAÇONNERLEMONDE

À LEUR MAIN

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Date : 02/03 DEC 16

Périodicité : HebdomadaireOJD : 400916

Page de l'article : p.42Journaliste : Alexis Feertchak

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L E C T U R E

L'EUROPE SELON VEDRINE

k

eflechir a une refondation de l'Europe ? Ce réflexe est devenu un mantraface au rejet de l'intégration européenne. Le nouvel essai d'Hubert

Védrine, n'échappe pas a cette philosophie generale Maîs l'ancienministre des Affaires étrangères témoigne d'une lucidité qui lui est propre. Son

ouvrage est aussi précis que le texte du Traité de 2005 établissant une Constitu-

tion pour l'Europe était indigeste.Letat d'urgence est décrète, explique-t-il. La construction europeenne, idéa-

liste, maîs aussi peremptoire et souvent artificielle, a mené l'Union face au ris-

que de sa paralysie, voire de sa dislocation. Les « téléologistes du fédéralisme

europeen », qui représentent moins de I % de

la population, ont voulu faire l'Europe dans

l'intérêt des peuples, maîs sans eux ou, pire,

contre eux. Ils ont traumatisé la psychedémocratique en décrétant l'irréversibilité du

processus, ont dénoncé ad nauseam la tenta-

tion nationaliste du repli sur soi et ont pro-phétisé une Europe qui civiliserait la mondia-

lisation. Face a la derégulation financiere, au

déséqui l ibre des f inances publiques, àl'affaissement des systèmes sociaux et à la

crise migratoire, le gouffre entre les éliteseuropéistes et les peuples européens atteint

une profondeur critique.L'Europe d'en haut choisit la course en avant

institutionnelle vers un « plus d'Europe »dénoncé par l'Europe d'en bas. Un ministre

des Finances qui chapeauterait la zone euro '

L'ancien sherpa de Mitterrand affiche sonscepticisme. « En quoi ce superministre hors-sol serait-il plus légitime pour faire admettre

des réformes aux peuples récalcitrants 9 »

Les partisans de cette expansion permanente

ont même réussi à faire de l'attachement à la

souveraineté, immense conquête démocrati-que, une expression nauséabonde.Le courage d'Hubert Védrine est d'afficher

sans barguigner qu'il faut, pour sauver le projet

européen, le libérer du dogme européiste, de proposer un plan pour refonder une

fedération des Etats-nations qui, respectueuse des souverainetés, se consacre-rait à des coopérations entre pays volontaires Certes, maîs com-ment faire 9 L'ancien diplomate propose de commencer par une

pause du processus européen pour creer une respiration demo- l'Europe!

cratique. Une politique commune de la chaise vide ? C'est le para-doxe védrmien ALEXIS FEERTCHAK

Sauver l'Europe !, d'Hubert Védrine, Liana Levi, 96 p., 10 €.

Pour une pause

du processus europeen

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BULLETIN QUOTIDIENDate : 02 NOV 16Pays : France

Périodicité : Quotidien Page de l'article : p.6-7

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L'ancien ministre Hubert VEDRINE proposeune "conférence refondatrice" pour sauverl'Europe

Le Traité de Nice remplacé par le traité de Lisbonne, le Brexit sur lequel il convient de ne pas setromper d'analyse : la "réalité sans fard" est que d'année en année, d'élection en élection, l'Unioneuropéenne ne peut que constater "le décrochage des peuples". Si elle parvient malgré tout àfonctionner au jour le jour, il n'est pas exagéré de dire qu'elle traverse une "crise existentielle",constate l'ancien ministre des Affaires étrangères Hubert VEDRINE dans son dernier ouvrage"Sauver l'Europe !" (Editions Liana Levi). Au-delà des "mauvaises solutions" proposées ça et là (lafuite en avant, le recentrage, le soin de l'allergie à coups d'allergisants), M. VEDRINE recommandede "rétablir le lien entre élites et populations", de "libérer" le projet européen "du dogmeeuropéiste et le repenser".

"Tenir compte des peuples. Redécouvrir cette évidence devrait conduire notamment à ce que desgouvernements convaincus imposent à la Commission et au Parlement une authentique diètenormative, par une subsidiarité massive et drastique, stoppant l'autisme réglementaire hypertrophié

que les Etats ont eux-mêmes alimenté, la France en tête (...). L'Europe a été bâtie à l'envers. C'estcela qu'il faut corriger", écrit l'ancien secrétaire général de l'Elysée. Pour commencer, il prescritune "pause", qui ne doit être "ni honteuse, ni masquée", mais brève et s'appliquer à toutes lesquestions centrales "sur lesquelles une clarification s'impose".

Cette clarification pourrait être élaborée via une "conférence refondatrice" organisée par la France etl'Allemagne dans une ville d'Europe qui ne serait pas une capitale, et qui n'aurait jamais accueilliaucun sommet, bref une nouvelle conférence de Messine (1955). Ne viendraient que ceux des Etatsprêts à s'engager dans la séquence bilan et refondation, moyen de régler "l'insoluble question dunoyau dur", relève l'ancien ministre. Les délégations "politiques, restreintes, de haut niveau" des Etatscommenceraient par dresser un bilan politique de la construction européenne, ses méthodes, sonfonctionnement, sa bureaucratisation, en se fondant sur trois rapports politiques : le premier émanantde grands anciens, le deuxième de trois dirigeants actuels, le dernier de représentants du mondeéconomique et de la société civile. Seraient abordées ensuite la clarification du rôle de laCommission européenne et la définition limitative de nouveaux domaines clés. Sans oublier dedonner un véritable coup d'arrêt au "complexe" juridico-bureaucratique Commission/Parlementeuropéen/Cour de justice.

Le résultat de la conférence de refondation, qui durerait le temps "nécessaire (plus qu'un sommetclassique, beaucoup moins que la "Convention" de 2011-2012), ferait l'objet d'un texte politique deconclusions qui recentrerait l'Union sur l'essentiel et qui, après une "intense campagned'explications", pourrait être soumis à référendum le même jour dans chaque Etat membre y ayantparticipé et ayant endossé ses résultats. M. VEDRINE estime qu'il serait préférable de ne pas attendre2018 pour lancer le mouvement et suggère que les dirigeants français, allemands, italiens et autres yréfléchissent "dès maintenant ensemble" pour préparer le rendez-vous de Rome en mars 2017 en"étroite concertation avec les présidents TUSK et JUNCKER". "Si cela s'avérait impossible", ajoute-t-il,la France devrait "avancer ses propres propositions", ajoute l'ancien ministre.

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BULLETIN QUOTIDIENDate : 02 NOV 16Pays : France

Périodicité : Quotidien Page de l'article : p.6-7

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Précisons que la célébration du soixantième anniversaire du Traité de Rome, signé le 25 mars1957, interviendra à un mois du premier tour de l'élection presidentielle, prévu le 23 avril.

En matière de sécurité, M. VEDRINE plaide pour un Schengen "qui fonctionne", et pour la défense,juge que la réforme la plus ambitieuse émane de la Fondation Robert Schuman, qui a proposé quel'Allemagne, la Grande-Bretagne et la France signent ensemble un "traité pour la défense et lasécurité de l'Europe" (cf. BQ du 28/10/2016). Il plaide pour une harmonisation budgétaire maisaussi fiscale, et la préservation du "mode de vie européen". Il se fait aussi le chantre de la"fédération d'Etats-nations" chère à M. Jacques DELORS, "oxymore intelligent" qu'il faut faire "vivreet rayonner". Enfin, on lira avec intérêt son récit des relations franco-allemandes, du couple audécrochage, qui se termine sur un conseil de re-création de "bases saines d'un partenariat et d'unenégociation" entre les deux pays.