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12 I voIx du mIdI I n°6979 I 4 juIllet 2013 I PatrImoIne C arlos Gardel, un nom légendaire à jamais associé au tango. Une voix unique, un réper- toire aujourd’hui inscrit au patrimoine mondial de l’huma- nité. Une icône aussi populaire en Argentine qu’Eva Peron, Che Guevara ou Diego Maradona. Sa tombe au cimetière de la Cha- carita, à Bunos Aires, est visitée par des admirateurs venant des quatre coins du monde. Mais le plus « porteño des porteños » (habitant de Buenos-Aires, ndlr) reconnu de son vivant comme chanteur national, est un authen- tique Toulousain. « Après plus de vingt ans de recherches et d’inves- tigation, j’ai rassemblé les preuves de son existence en établissant l’arbre généalogique de sa famille et en rassemblant les actes d’état civil » assure l’écrivaine Chris- tiane Bricheteau. Dans son der- nier ouvrage Carlos Gardel, fils de Toulouse, cette professeure agré- gée des Sciences de la Vie et de la Terre, aujourd’hui à la retraite, démontre ainsi que le célèbre tanguero est né le 11 décem- bre 1890 dans la Ville rose, fruit d’une liaison entre Paul Lasserre, imprimeur et hommes d’affaires, et de la repasseuse Marie Ber- thes Gardes. De son vrai nom Charles Romuald Gardes, il voit le jour à la maternité de l’hôpi- tal de la Grave. Il passe ses deux premières années dans un petit immeuble de la rue du Canon d’Arcole, dans l’ancien faubourg Arnaud Bernard, chez un cousin de sa mère. Non reconnu par le père, la fille mère et son fils, poussés par la belle-famille, s’exilent en Argen- tine. Accueillis par un couple de blanchisseurs dans le quartier San Nicolás de Buenos-Aires, ils bénéficient d’un logement dans un vieux bâtiment de la rue Uruguay, converti à l’épo- que en « conventillo » (immeu- ble ancien loué par appartement d’une pièce à des personnes peu argentées, ndlr). Chanteur « criollo » Tout en livrant le linge repassé par sa mère, le jeune « Carlitos » assiste, adolescent, aux passa- ges des vedettes Pablo Podesta, Arturo de Nava ou du baryton espagnol Emilio Sagi Barba, qu’il prend en modèle. Il fré- quente dans le monde interlope du faubourg d’El Abasto escrocs, proxénètes, poètes, « payadores » (troubadours qui, accompagnés à la guitare, improvisent des chan- sons populaires) et fait ses pre- mières armes, en interprétant en duo avec l’artiste uruguayen « criollo » Jose Razzano, un réper- toire folklorique. Parallèlement, il enregistre ses premières chansons, sur lesquel- les il s’accompagne lui-même à la guitare. Devenu Carlos Gar- del, il irradie les assistances par son timbre vocal, son charme et sa sympathie. En 1915, lors d’une tournée les menant au Bré- sil avec son complice, il rencon- tre sur le bateau le célébrissime ténor italien Enrico Caruso qui lui donne de nombreux conseils. À cette même période, il travaille son image et débute dans le cinéma muet dans le film Flor de Durazno. Le créateur du tango chanté C’est en 1917 qu’il est reconnu comme véritable chanteur de tango en interprétant la chanson Mi noche triste. Une gageure lors- que l’on sait que le tango est alors surtout musical et sans paroles. Sans grand succès à ses débuts, ce genre devient populaire après la grande guerre. Accompagné des guitaristes Ricardo et Bar- bieri, le plus célèbre des duos argentins est invité à parcou- rir l’Europe, et notamment en Espagne. Trahi par sa voix, Raz- zano raccroche. En 1929, Gardel part enfin à la conquête de Paris, où il se produit à l’Opéra, à l’Em- pire ou encore à l’Odéon avec ses guitaristes, avant de faire un cro- chet par Cannes et Monte-Carlo. Soutenu par Chaplin, il se lance dans Luces de Bunos Aires, son premier vrai long-métrage, avant de signer avec la Paramount. Ambitieux, il conquit le marché nord-américain, tourne ses der- niers films à New York où il se lie d’amitié avec le jeune bando- néoniste Astor Piazzola. Mais lors d’une énième tournée, il trouve la mort lors d’un accident l’avion, près de Medellin en Colombie, le 24 juin 1935. Mathieu Arnal Carlos Gardel prend la pause entouré de ses musiciens. Ci-contre, la façade de sa maison natale, rue du Canon d’Arcole. « Aussi populaire en Argentine qu’Eva Peron, Che Guevara ou Diego Maradona » Renseignements pRatiques Dans le cadre du Tangopostale (www.tangopostale.com) en partenariat avec l’Office du Tourisme de Toulouse, est organisée la balade Sur les traces de Carlos Gardel : la voix du tango. Une visite commentée par Christiane Bricheteau qui évoque la mémoire familiale du célèbre tanguero dans la Ville rose en huit étapes, de l’hôpital de la Grave (dernière visite, gratuite et ouverte à tous, le 5 juillet, à partir de 14h) où il a vu le jour, au cimetière de Terre-Cabade, où reposent les familles Gardes et Lasserre. Parmi les lieux gardeliens névralgiques, on peut citer la maison de la rue du Canon d’Arcole, transformée depuis peu en appartements meublés de location pour les touristes de passage, grâce à Sabine Cabanis, gérante du site SejourAtoulouse.com (www.sejouratoulouse.com). Outre la balade, l’exposition Carlos Gardel ou le tango universel est en cours à l’espace Bazacle, jusqu’au 7 juillet. © Portrait de Carlos Gardel: Festival Tangopostale. la maison natale: Mathieu Arnal découveRte les merveilles du midi Carlos Gardel, le roi du tango chanté

découveRte les merveilles du midi Carlos Gardel, le roi du ... · les traces de Carlos Gardel : la voix du tango. Une visite commentée par Christiane Bricheteau qui évoque la mémoire

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12 I voIx du mIdI I n°6979 I 4 juIllet 2013 I PatrImoIne

C arlos Gardel, un nom légendaire à jamais associé au tango. Une voix unique, un réper-

toire aujourd’hui inscrit au patrimoine mondial de l’huma-nité. Une icône aussi populaire en Argentine qu’Eva Peron, Che Guevara ou Diego Maradona. Sa tombe au cimetière de la Cha-carita, à Bunos Aires, est visitée par des admirateurs venant des

quatre coins du monde. Mais le plus « porteño des porteños » (habitant de Buenos-Aires, ndlr) reconnu de son vivant comme chanteur national, est un authen-tique Toulousain. « Après plus de vingt ans de recherches et d’inves-tigation, j’ai rassemblé les preuves de son existence en établissant l’arbre généalogique de sa famille et en rassemblant les actes d’état civil » assure l’écrivaine Chris-

tiane Bricheteau. Dans son der-nier ouvrage Carlos Gardel, fils de Toulouse, cette professeure agré-gée des Sciences de la Vie et de la Terre, aujourd’hui à la retraite, démontre ainsi que le célèbre tanguero est né le 11 décem-bre 1890 dans la Ville rose, fruit d’une liaison entre Paul Lasserre, imprimeur et hommes d’affaires, et de la repasseuse Marie Ber-thes Gardes. De son vrai nom

Charles Romuald Gardes, il voit le jour à la maternité de l’hôpi-tal de la Grave. Il passe ses deux premières années dans un petit immeuble de la rue du Canon d’Arcole, dans l’ancien faubourg Arnaud Bernard, chez un cousin de sa mère. Non reconnu par le père, la fille mère et son fils, poussés par la belle-famille, s’exilent en Argen-tine. Accueillis par un couple de

blanchisseurs dans le quartier San Nicolás de Buenos-Aires, ils bénéficient d’un logement dans un vieux bâtiment de la rue Uruguay, converti à l’épo-que en « conventillo » (immeu-ble ancien loué par appartement d’une pièce à des personnes peu argentées, ndlr).

Chanteur « criollo » Tout en livrant le linge repassé par sa mère, le jeune « Carlitos » assiste, adolescent, aux passa-ges des vedettes Pablo Podesta, Arturo de Nava ou du baryton espagnol Emilio Sagi Barba, qu’il prend en modèle. Il fré-quente dans le monde interlope du faubourg d’El Abasto escrocs, proxénètes, poètes, « payadores » (troubadours qui, accompagnés à la guitare, improvisent des chan-sons populaires) et fait ses pre-mières armes, en interprétant en duo avec l’artiste uruguayen « criollo » Jose Razzano, un réper-toire folklorique. Parallèlement, il enregistre ses premières chansons, sur lesquel-les il s’accompagne lui-même à la guitare. Devenu Carlos Gar-

del, il irradie les assistances par son timbre vocal, son charme et sa sympathie. En 1915, lors d’une tournée les menant au Bré-sil avec son complice, il rencon-tre sur le bateau le célébrissime ténor italien Enrico Caruso qui lui donne de nombreux conseils. À cette même période, il travaille son image et débute dans le cinéma muet dans le film Flor de Durazno.

Le créateur du tango chantéC’est en 1917 qu’il est reconnu comme véritable chanteur de tango en interprétant la chanson Mi noche triste. Une gageure lors-que l’on sait que le tango est alors surtout musical et sans paroles. Sans grand succès à ses débuts, ce genre devient populaire après la grande guerre. Accompagné des guitaristes Ricardo et Bar-

bieri, le plus célèbre des duos argentins est invité à parcou-rir l’Europe, et notamment en Espagne. Trahi par sa voix, Raz-zano raccroche. En 1929, Gardel part enfin à la conquête de Paris, où il se produit à l’Opéra, à l’Em-pire ou encore à l’Odéon avec ses guitaristes, avant de faire un cro-chet par Cannes et Monte-Carlo. Soutenu par Chaplin, il se lance dans Luces de Bunos Aires, son premier vrai long-métrage, avant de signer avec la Paramount. Ambitieux, il conquit le marché nord-américain, tourne ses der-niers films à New York où il se lie d’amitié avec le jeune bando-néoniste Astor Piazzola. Mais lors d’une énième tournée, il trouve la mort lors d’un accident l’avion, près de Medellin en Colombie, le 24 juin 1935.

Mathieu Arnal

Carlos Gardel prend la pause entouré de ses musiciens. Ci-contre, la façade de sa maison natale, rue du Canon d’Arcole.

« Aussi populaire en Argentine qu’Eva Peron, Che Guevara ou Diego Maradona »

Renseignements pRatiques

Dans le cadre du Tangopostale (www.tangopostale.com) en partenariat avec l’Office du Tourisme de Toulouse, est organisée la balade Sur les traces de Carlos Gardel : la voix du tango. Une visite commentée par Christiane Bricheteau qui évoque la mémoire familiale du célèbre tanguero dans la Ville rose en huit étapes, de l’hôpital de la Grave (dernière visite, gratuite et ouverte à tous, le 5 juillet, à partir de 14h) où il a vu le jour, au cimetière de Terre-Cabade, où reposent les familles Gardes et Lasserre. Parmi les lieux gardeliens névralgiques, on peut citer la maison de la rue du Canon d’Arcole, transformée depuis peu en appartements meublés de location pour les touristes de passage, grâce à Sabine Cabanis, gérante du site SejourAtoulouse.com (www.sejouratoulouse.com). Outre la balade, l’exposition Carlos Gardel ou le tango universel est en cours à l’espace Bazacle, jusqu’au 7 juillet.

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Carlos Gardel, le roi du tango chanté