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Description de l'Isle de Saint-Domingue (1797)

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DESCRIPTION

Médéric Louis Élie MOREAU de Saint-MéryThe origin of racialization/quantification of Latin descriptors used on Saint-Domingue (now, Haiti).He himself, a native and resident of France, created elaborate mathematical charts claiming to quantify each expression used by the general population on Saint-Domingue when describing the hues of one another (beginning on page 71 of the book, but 96 here in scribd numbers).Also includes a glossary of terms, some of which are common in Latin Louisiana, such as boucan (smokehouse) and maringouin (mosquito).This is entirely in French language.

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  • DESCRIPTIONTOPOGRAPHIQUE

    , PHYSIQUE,t

    CIVILE, POLITIQUE et HISTORIQUEr .: DELA

    PARTIE FRANAISE, s

    DEL'ISLE SAI-NT-DOMINGUE.^If"^ ''!.'

    ^''"'"'"'"' 8"""'" ''" "i P-Pularion,

    fur le Caraftre & lesMursde fesdwersHabitans; fur ,b Climat, fa Culture, fes PdaTosfon Admimflration, &c, &c. .

    ^u-^uuns,

    Jccon^^ag^es des dtails les plus propres faire connatre l'tat de cette Colonie rpoque du i8 Oobre 1789 j

    Et d'une nouvelle Carte de la totalit de l'Ifle.

    P^" M. L. E. MOREAU DE SAINT-M R Y.TOME PREMIER.

    Co.PK...... outre les objets gnraux,la Defcription des vingt .- une Paroiffes de la Partie duNord & de l'Ifle la Tortue.

    Les fources de fa profpirit ne fon t pas toutes taries.

    .

    A PHILADELPHIE,Et s'y trouve

    Chez l'AUTEUR,au coin de Front & de Callow-Hill ftreets

    A Paris,chez DUPONT, Libraire

    , rue de la Loi.Bt Hambourg, chez les principaux Libraires.

    \>

    1797.

  • t!

    II,

    s>^^*-

    MPRIM SELON LA Loi.

    La Soujcripiion t cet Ouvrage devant rtjer ouverte ja/qu'au rAoment de la

    livrai/on de ce Premier Volume, la Lifte de MeJJieurs les Soiifcripeurs fera mif&

    G. la tte du Second Volume,

  • *M^-*:-*^H^^>^M^M?:-^>K^^^^M^^H^>H^-*-i^i^;*:^i^^^^W.

    -m.OOC,X.J0001,OMO000000OOO>00000>000

    DISCOURSPRLIMINAIRE,

    J\. cette vrit, depuis fi long-tetns rpte, que rien n'ed auffi peu connuque les Colonies des Antilles, fe runirai: peut-tre bientt l'impoffibilitde connatre celle qui a t la plus brillante d'entr'elles

    , fi je ne me htais d'otfrirle tableau fidellc de fa fp'.endeur paffc.

    Occup depuis quatorze annes recueillir tout ce qui appartenait la Def-cription, la Lgiflation & l'Hiftoirc des Colonies, j'avais dj publi fixvolumes ;-4

  • \y DISCOURSfol ma douleur d'habiter loin d'elle , en dirigeant mes ides vers Ton bonheur,

    tandis que mon cur s'ennorgueilliffaic de Tes fucces.

    Une premire occafion s'eft offerte de lui donner nne marque de mon zle

    ,

    & c'eft la ceffion faite par l'Efpagne la France , de la Partie Efpagnole de

    Saint-Domingue,

    qu'eft due ma Defcription de ce territoire ( i ).

    Combien j'ai regrett alors que les coups de la fortune me filTent la loi de

    mettre de ct la Defcription de la Partie Franaife ! Mais l'amiti n'a pas t

    inaftive , & c'eft fous fes aufpices que mon zle s'eft ranim.

    Je puis donc enfin publier la Defcription de cette Colonie, qui a t Ci

    juftement envie par toutes les Puiffances , qui fut l'orgueil de la France dans

    le Nouveau- Monde, & dont la profprit faite pour tonner, tait l'ouvrage

    de moins d'un ficle & demi.

    A cette rapide nonciarion de la gloire de Saint-Domingue, comme colonie

    franaife , il me femble entendre une foule de perfonnes , me prtant des vues

    peut-tre contradictoires , m'accufer ou de me livrer un travail inutile ou de

    chercher exciter de regrets dformais fans rem,de.

    Je dois donc faire ici une profeiion de foi claire & franche de mes motifs.

    Quelle que foit la fituation dans laquelle la paix gnrale de la France avec

    tous ceux qui s'taient coalifs pour lui ravir fa libert , trouvera Saint-Do-

    mincrue j quel que puiffe tre le fyftme que ma Patrie adoptera , cette poque

    ,

    .fur fes Colonies fucre , il ferait abfurde de fuppofer que cette fituadon , que

    ce fyftme n'auront aucun rapport avec ce que ces Colonies taient au moment

    o leur Mtropole a fait une rvolution dont les fecouffes font fenties jufqu'aux

    extrmits de la Terre. N'exifta-t-il plus que les objets purement phyfiques

    dont leur enfemble eft compof, il faut que la connaiflance de ces objets

    clairent fur la dtermination quelconque qu'on adoptera.

    Or , fi cette propofition a toute la folidit que je lui trouve , par rapport

    ( i) Publie Philadelphie en 1796, en 2 vol. in-8.

  • PRLIMINAIRE. vlaquelle des Colonies cette connaiflance fera-t-elle plus ncefTaire

    ,que pour

    celle qui l'emportant elle feule fur toutes les autres runies , doit par cela

    mme attirer les regards la premire , & exciter une foUicitude plus vive ?La Colonie franaife de Saint-Domingue eft

    ,je le fais , celle qui a prouv

    de la manire la plus cruelle, les convulfions rvolutionnaires. C'eft dans fon

    vafte fcin qu'elles ont fait plus de ravages : divifions inteflines,guerre tran-

    gre,

    tout s'efl runi pour l'accabler de maux,pour la dchirer

    , & il fem-blerait que ce corps vigoureux & robufle

    ,que cet Hercule colonial , et t

    deftin n'tre plus un jour qu'un fquelette dcharn.

    Cette opinion fut-elle fonde, &je ne l'adopte pas, ( comme le prouve alTezmon pigraphe ) , pourquoi la peinture ficlcUe de ce qu'tait n'agures encore

    une Colonie qui donnait cent cinquante millions tournois de produits annuels

    ,

    qui fe glorifiait judement d'influer fur la profprit de fa Mre-Patrie, neferait-elle pas prfente

    ,du moins

    , comme un monument en quelque fortehiftorique

    , & comme un chapitre mditer par tous ceux qui ont part augouvernem.ent des tats ?

    Il ne peut donc jamais tre indiffrent, & il eft encore bien moins inutile

    de montrer ce que le gnie franais avait cre deux mille lieues de laMtropole ; d'expofer avec dtails ce que ce gnie

    , trs-fouvent contrari par

    le Gouvernement,

    tait parvenu produire prefqu'en un inftant &c avec unefupriorit qui lailTait loin derrire elle tout ce que les autres nations ont entrepris

    de femblable.

    Mais, & cette efprance je ne faurais l'abandonner

    , la France pour laquelle

    l'importance des Colonies finira par tre une vrit mathmatique, voudrarparer leurs malheurs par ce qu'elle ne peut s'empcher de les compter parmi lesfiens propres

    ; parce qu'elle doit les confidrer comme des maux qu'il fautgurir, s'il eft vrai qu'un corps politique ne faurait recouvrer toute Ton nergie

    tant qu'une plaie profonde altre Sj: mine les fources qui concourent conferverfon exiftcnce. Lorfque cet inftant aura t amen par la paix gnrale , la France

    r

    1

    ^

  • vj DISCOURSaura befoin

    ,furtou peur Saint-Domingue , d'avoir des renfeignemens capables

    de la diriger dans le choix des moyens qu'elle devra adopter pour en faire

    enore une utile Colonie.

    Prcendrait-on que ma Deicription s'ar; tant prcil'ment au jour o les

    premiers mouvemens de h rvolution ont t l;ntis Saint-Domingue , ellene faurait clairer fuiFiiamment les efprits , ni procurer les avantages que je

    viens d'indiquer ?

    Je rponds que la Defcription , telle que je la publie , eft prcifment ce

    qu'il faut dfirer : car ou ce qu'elle efl: deftine faire connatre fubfiftc

    encore , o il a t dtruit en tout ou en partie. Dans le premier cas , rien ne

    peut la fupp'ier ; dans le fcond , en ajoutant ces deux feuls mots n'exijie fins ,

    ou la fin du livre ou aux divers articles defcriptifs, on aura la connailTance

    xitaille de la nature , de l'emploi des objets dont il faut dplorer l'anantifl-

    ment. C'eft mme l'unique manire d'apprcier la valeur de la perte qu'onaura faite , & s'il exifte des m.oyens de la rparer , rien n'efl propre les

    fug-grer comme ces dtails mmes.DOf Et fans cela, comment faire la comparaifon de ce que fut Saint-Domingue

    avec ce qu'il fera au moment oj ce rapprochement deviendra le premier devoir

    de quiconque devra travailler fa reftauration ? Sans cela comment mettre fin

    l'interminable difpute qui fubfiHe dj depuis trop long-tems entre ceux qui

    exagrent & ceux qui diffimuknt tout ce qui contrarie leurs vues dans ce parallle?

    Il ne s'agit plus , comm,e en 1630, d'attendre que l'audace des Aventuriers

    enfante des prodiges i il ne s'agit point de venir, comme autrefois, s'emparer

    du fruit de leurs conqutes , & de ne les en rcompenftr eux ou leurs

    defcendans,

    qu'en les rendant durant p'us d'un dtmi-ficle le jouet continuel

    d't fiais , de ttonnemens , de pincipes incohrens &. de ks vexer fous le pr-

    texte qu'ils ne pouvi'.itnt fe pafi^lr d'une prottlicn qui fut quelquefois leur

    flau II faut maint, nant , & c'eft coup sr le but qu'on fe propofera , faire

    fortir de ce qui fera reli Saint-Domingue de fon ancien tat, les moyens de le

  • PRLIMINAIRE. vijrendre encore un jour une fource de richeffe & de puillance pour la France. Dansces channps tout fumans de fang &. de carnage , il faut faire renatre l'abon-

    dance , & que rafpeft du bonheur foit le partage d'une terre o il faut enfevelirs'il ell pofTible

    ,jufqu'au fouvenir des calamits dont elle a t le thtre.

    Et l'vidence de cette vrit une fois bien tablie,quel flambeau plus pr-

    cieux peut-on prendre pour marcher avec afllirance fur cette immenfe furface^

    que celui qui fera diftinguer les chofes qui y fubfiftent encore & reconnatrepar leurs ruines mmes, celles qui ne font plus !

    Qu'on fuppofe en effet une portion quelconque de la Colonie qui aura fouf-fert le plus de ravages ; par exemple , une paroif entire. La Defcription la

    main, la plus fimple infpeflion dira ce qu'elle a perdu de manufactures, d'ha-

    bitans , de cultivateurs, d'ctabliflTemens publics, de relTources de tous les

    genres, & de cette efpce de revue , douloureufe il eft vrai , fortira la connaif-

    fance des pertes qu'on devra rparer. Se celle des moyens qui reftent. Onconnatra encore de cette paroifTe fon tendue , fon fol , les avantages ou lesinconvniens de fa fituation j fa temprature, fes produlions

    , fa minraloo-ie

    fes rivires, leur direftion , fes ctes, leurs ports , leurs mouillages, &c. &c.

    On peut mme juger par la marche progreflive qui l'avait conduite au degrd'utilit o elle tait parvenue au moment de la rvolution , ce qu'on a raifon-

    nablement droit d'efprer pour l'avenir. Quelquefois mme des fautes ou deserreurs que des obftacles particuliers avaient fait commettre

    , feront tout indi-

    qus afin qu'on les vite.

    Il n'cft donc point d'hypothfe o l'on puiffe prtendre , avec raifon,que la

    Dfcription que je donne aujourd'hui n'efl; plus utile; & il efl fi affreux,

    j'ai

    prefque dit fi abfurde,de fuppofer la feule qui puife donner du poids cette

    affertion,c'eft--dire

    ,celle de la perte abfolue de Saint-Domingue

    ,par l'impcf--

    fibilit de le ramener tre une Colonie agricole & manufafturire,que je la re-

    pouffe avec un fcntiment d'indignation qui a mon patriotifme mme pour principe,.

  • vilj DISCOURSEt enfin fi ce fort rellement dplorable tait celui qui menace Salnt-I>omin-

    gue,

    il ferait nceffalre encore l'Hiftoire des Nations de runir un chapitre au

    grand livre de l'exprience,pour montrer ce qu'a t

    ,dans fa courte exilence,

    une Colonie que fa nature,

    fa fplendeur & fa deflru^lion rendraient lepremier exemple de ce genre dans les annales du monde. Nous recherchons

    avec curiofit les ruines des anciens tabliiTemens qui ont fait la gloire &l'admiration des peuples & nous recourons de pnibles recherches

    , de fa-

    vantes dilTertations pour arriver, par elles, la connaiffance imparfaite des murs

    & du gouvernemeni de ces peuples. La Grce, l'Itahe appellent, chaque jour,

    les obfervateurs. Eh bien! avec cet Ouvrage, on mditerait fur Saint-Do-mingue ; 8v fans doute on peut , quelques gards

    , retirer autant de fruit de

    cette contemplation que de celle des dbris d'Herculanum,

    qu''on va tirer du

    milieu des cendres qui les recouvrent depuis tant de ficles.

    Mais mon cur & mon efprit rejettent galement cette fuppofition , & c'eilplein de confiance dans ma Patrie

    ,que je publie cette Defcription.

    Je dois rpondre d'avance une obfervation que je me fuis dj entendu faire

    dans des entr'^ticns privs ; c'eft de n'avoir pas tabli , dans cet Ouvrage,quel eft

    rtatatuel des lieux que j'y dcris.

    Premirement, il faudrait que j'adoptafTe pour cela une poque quelconque, &comme je ne regarderai jamais comme vrai , ce qui n'eft pas marqu pour moiau coin de la certitude

    ,je laifferais iurement encore un intervalle entre cette

    poque & le moment oij je fais paratre ce livre , ce qui ne me garantirait qu'demi du reproche j miais coup sr , cet :at ne ferait pas celui o la paix

    trouvera Saint-Domingue. Je me ferais donc livr des travaux pnibles &;

    incomplets.

    D'ailleurs , comm.ent aurais-je pu appliquer cette portion, ma mthode

    d'entrer dans des dtails hiftoriques pour rendre la Defcription plus

    curieufe & plus inreiante ? E aurait donc fallu parler de la rvolution, & je

    m

  • PRLIMINAIRE. jxme fuis impof la loi de montrer Saint-Domingue tel qu'il tait le premier

    jour que la rvolution s'y eft manifeftce. Suis-je en ce moment affez inftruit pour

    parler de cette rvolution avec la vracit que rien ne me fera jamais abandonner ?

    Le moment eft-il venu d'crire fur la rvolution coloniale ? Je dclare haute-

    ment que je ne le crois pas.

    D'un autre ct,je n'ai ni le dfir , ni la prtention de m'riger en juge de ce

    qui s'eft paff relativement aux Colonies & particulirement Saint-Domingue jni en confeiller pour les mefures qu'on doit adopter leur gard. J'ai publi

    depuis plus de quinze ans la rfolution d'crire l'hiftoire des Colonies & l je nengligerai, ne trahirai, ni n'excderai les droits qui appartiennent au titre facr

    d'hiftorien ; mais dans cette hiftoire , je diftingue auITi tout ce qui a prcd la

    rvolution, & 1789 eft encore l un terme qui me commande un repos. C'eflau

    tems & aux circonflances rendre publique cette portion de mes veilles : au temsparce que j'en ai befoin pour exprimer mes ides & les rendre dignes du grandjour: aux circonftanccs , parce que les malheurs perfonnels que j'ai prouvsdepuis la rvolution , m'empchent de calculer , avec certitude

    , le moment o

    mon zle ne fera point enchan par des motifs que je n'ai dj trouv.^ que trop

    imprieux.

    Je ne veux, prfent , exprimer furies Colonies qu'une feule penfe. C'eft

    que quelle que foit la deftine qui les attend,quiconque ofera fe mler de les

    adminiftrer fans favoir ce qu'elles ont t & fans fe convaincre qu'en gouverne-ment

    ,c'eft toujours par la comparajfon du point d'o l'on eft parti avec celui

    o l'on fe trouve,qu'on doit juger celui o l'on peut arriver, ne fera jamais

    propre y faire ceflcr le dfordre & les rendre encore prcieufes pour leurMtropole.

    Et quel eft l'homme raifonnable qui croit qu'aprs tous les chngemens quela France a prouvs depuis huit ans

    , il ferait poffble qu'elle fut gouverne par~

  • **" ^ ""

    DISCOURSremplie de Franais & d'hommes qui la ccnnaiffent

    ,qu'elle eft capable cle

    grandes riclutions & des tonnans fuccs qu'on admire.Mais o font ceux qui connaiiTent les Colonies ? J'entends par l non pa&

    ceux qui les ont vues,qui mme les ont habites , mais ceux qui les ont tudies

    fous un rapport quelconque & qui font en tat d'clairer fur ce qui les con-cerne. Peut-tre mme s'en trouverait - il encore affez d'exiftans fi on lesruniiait & n on pouvait les interroger tous fur les pardes qui leur font leplus familires ; mais le m.alheur les a difperfs par-tout , & ce malheur n'il pase moindre qu'ait prouv Saint-DomingLie.

    D'une autre part,

    les opinions de quelques - uns & la prventioncruelle qui s'eft leve contre eux & qui les confond tous

    ,permettent-ils qu'on

    fonge les confulter ou qu'on veuille croire ce qu'ils diraient de plus vrai ?

    Et c'eft deux mille lieues des Colonies qu'on doit ftatuer fur ce qui les

    concerne l N'y et-il que cet inconvnient infurmontable,

    quelle raifon pour

    chercher des lumires & pour les accueillir IJ'ofc croire que je ne mg livre pas un mouvement prfomptueux en difant

    qu'on en paifera d'importantes & de multiplies dans cet Ouvrage. Par un hafardqu'il faut trouver heureux ^ il a t fait une poque o Saint-Domino-ue taitparvenu au fommet de la profprit , & on y trouve affez clairement la marcheprogrefTive qui l'avait fait arriver ce terme. J'ai dcrit l'tat de cette Colonie,

    jufqu'en 1789, fous les yeux de fes habitans & aid par les connaiffances debeaucoup d'entr'eux & par la bienveillance qu'alors je pouvais appeler gn-rale. Si mme je m.e cite quelquefois, fi le terrible moi ^ toujours dfavorablepour l'crivain

    ,eft forti frquemment de ma plume , c'eft pour donner la\

    preuve que je parle avec certitude ; c'eft pour augmenter, relativement quel-

    que fait, la confiance que j'ofe croire que le Lecteur m'accordera, & pourmieux rappeler mes contemporains que nous avons vu^ enfemble ce que je-

    rerracc. Il n'eu: pas un rapport fous lequel lapins belle des. Colonies n'y foit

    A" H

  • PRLIMINAIRE.^4

    prcfcntc: adminiftrateur, commerant, agriculteur, phyficien

    ,philofophe,

    marin,homme de lettres, tous peuvent y trouver dis chofes dignes

    d'atention.

    Jamais,& ce fait ne me fera pas contefl

    ,jamais aucun pays n'aura t

    dcrit avec autant de particularits. Cette entreprifc, nul ne l'avait forme avant

    moi, & dformais l'avantage mme d'une longue priorit fuffit pour que jepuifl dire qu'elle ne ferait tente par perfonne. D'ailleurs , commuent retrouverce que je pofsde feul depuis les vnemens arrivs Saint-Domingue ? Com-ment faire renatre toutes les circonflances qui ont nourri & quelquefois fcondun zle que tout s'tait plu encourager & que tous les fuffrages femblaientavoir voulu rcompenfer d'avance? Il eft donc vrai que c'eft de moi feul qu'oapeut attendre l'ouvrage que j'offre en ce moment au Public.

    Il eft tel qu'il eft forti de ma plume, fi l'on excepte quelques rflexions

    ,qui

    pouvaient, huit ans plutt, porter un caractre de courage, & auxquelles j'ai

    craint qu'on n'en prtt un autre qui m'aurait bleff.

    C'eft donc, en confervant toujours cette ide, que j'ai crit j ufqu'en 1789, qu'ilfaut lire cette Defcription, o plufieurs chofes auraient befoin d'excufe fi ellesavaient une date plus rcente. Il faut mme remarquer que je dis dans plusd'un endroit ^^//

  • ?ij DISCOURSencore un caractre particulier cet Ouvrage que de dire le premier une

    multitude de faics dj vieux pour Saint-Domingue, oij la nature dtruit vite

    parce qu'elle eft occupe, fans relche, de reproduftlon.

    J'ai adopt dans mon plan les divifions civiles de la Partie Francaife de

    Saint-Domingue comme les plus fimples & les plus gnralement connues. Jeme fi.is arr; avec une forte de complaifance fur les divers tabliflemens publics,

    parce qu'ils prouvent quels progrs la civilifation avait faits dans cette Colonie

    ,

    & qu'ils font miieux relTortir l'importance qu'elle avait acquife. J'ai blm &quelquefois mme avec force , mais je n'hfite point dire que i'en'ploi

    que je me fuis permis de ce moyen que l'crivain a droit d'employer , eft

    juftifi par l'ufage mime que j'en ai fait. Pourquoi ne m'a-t-il pas t toujours

    permis de fuivre le penchant de mon cur & de louer fans ceffe L

    Je n'en ai pas perdu une feule occafion, & le Lecteur trouvera furement plus

    d'une preuve du plaifir que j'ai got en citant les hommes que leurs vertus ou

    leurs talens , &. quelquefois la runion des unes Se des autres ont rendus dignea

    d'loge.

    Je ne me fuis cependant pas diflimul , depuis que le foin de l'imprefTion de

    mon livre en a remis toutes les parties fous mes yeux , qu'il eft des hommes

    que la haine ou l'affection prfente , depuis la rvolution y fous des couleurs bici.

    diffrentes de celles que j'ai employes pour les peindre. Mais je rpte que

    je finifTais d'crire avec 1789, & je crois de ma probit d'carter ce que j'ii

    entendu , & ce que j'ai vu depuis lors ; ou bien il me faudrait renoncer

    la confiance que j'ai voulu infpirer , en dclarant que j'avais loign de moi , avec

    un fcrupule religieux , tout ce qui n'avait pas prcd la rvolution.

    Il me refiera encore publier l'Hiftoire de Saint-Domingue ; j'ai auf en

    rferve des traits complets fur les diffrentes cultures coloniales. Le Public en

    recevra pareillement l'hommage, fmes vux qui n'ont jamais pour objet que

    l'utilit de tous, ne font pas contraris.

  • PRLIMINAIRE.xiij

    Je ne puis ni ne dois me flatter que ce livre n'aura point de dtrafteurs.

    Comme je ne facrifierai jamais mon opinion aucune confidration,je n'attends

    ni ne veux ce facrificc de perfonne. Je place au-defus de tout, la France & Tonbonheur, & je compterai pour rien tout ce qui tendra nuire au livre par desmotifs fauflement prts Ton Auteur. Rien ne me fera facrifier la vrit : lorf-que je la montrerai elle fera toute nue.

    Je ne prtends cependant pas rejetter des obfervations Se mme des critiquesfondes

    : je les provoque,au contraire. L'erreur eft l'appanage de l'homme &

    j'adreffe d'avance des actions de grce aux petfonnes qui m'auront affez bien jugpour croire que je n'ai commis que des fautes involontaires.Ce tmoignage & celui que nul autre intrt que l'utilit de mon pays ne m'a

    fait prendre la plume,

    font crits au fond de ma confcinee. Si la Franceretire le moindre fruit des vrits que je publie en cet inftant

    , mes longues &pnibles recherches ne feront que trop rcompenfes. PuifTe-t-elle y voir unepreuve nouvelle des fentimens que je lui ai jurs & auxquels je mourrai fidelle 1

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    AVERTISSEMENT,

    L'Atlas dont je parle plufieurs fois dans cet Ouvrage en eft cependant affezindpendant pour que l'on puifle prendre l'un fans l'autre ; il eft facile nan-moins de concevoir qu'une Defcription acquiert bien de la clart par desplans & des vues perfpeftives ( i ).

    J'avais d'abord penf ne mettre qu'une Table gnrale des Matires detout l'Ouvrage la fin du lecond volume ; mais rflchiiant que la recherchedes dtails defcriptifs veut qu'on recourt fouvent la Table, j'ai cru me rendreplus agrable au Leleur en en faifant une pour chaque volume.

    Je me fuis flicit auffi de ce qu'une divifion naturelle formait celle desdeux volumes. La Partie du Nord & rWe la Tortue compofent le premiertandis que le fcond renferme la Partie de l'Oueft avec llfle la Gonave laPartie du Sud avec l'Ifle Vache, & les dbouquemens de Saint-Domingue

    Il pourra arriver qu'en calculant la population ou le nombre des manufaTuresquelconques de l'une des Parties de la Colonie ou un autre objet d'aprs ladefcription de chaque paroiffe

    ,on ne trouve pas un rfultat femblable ^

    l'nonc gnral que je place la tte de la defcription de chacune des troisParties, mais cet nonc je l'ai tir des recenfemens fournis par l'Adminiftra-tion, tandis que les autres documens, je les ai recueillis dans les faroiflesmmes, & avec plus d'exaftitude. C'eft donc ces derniers que la prfrencedoit appartenir.

    Commej'ai employ plufieurs termes confacrs par l'ufage S.int-Domin-gue. J'ai cru devoir en donner une explication concile mais fuffifante pour

    (i ) Le prix de cet Atlas eft de huit gourdes

    ix

  • xvj AVERTISSEMENT.que cette efpce de nomenclature coloniale ne puiffe arrter aucun Ledeur ;

    d'autant que la Table des Matires peut encore fervir de fupplment cet

    gard.

    Pour garantir le Public de l'inconvnient de contrefadions qui fourmille-

    raient nceffairement de fautes dans les noms propres des perfonnes , deslieux

    & des chofes,j'ai jug utile de mettre ma fignature chaque exemplaire , la

    fin de cet Avertiffement.

    EXPLICATION

  • Wiim It^ww^^n MimnuH^miM ijuw iiui.M>itiiu.-'M'n.i.n-Li'-i...B'_v i^^.ivrtarn

    EXPLICATIONDe quelques termes employs Sai7it-Dcmin^ue

    ce Premier Volume,

    aans

    A. L'ufage du figne du datif remplace fouvent

    ,

    Saint-Domingue,celui du gnitif-". Ainfi au

    lieu de dire L'iiabitation GalifFec ou de GalifFet,on dit riiabitation GalifFet , la caf untel , la rhire Mancel , la ravine Pr-voll , &c.

    AcuL. Signifie, Saint-Domingue , un enfon-

    cement.

    AjouPA. Petite hutte baffe , en forme de toit

    ,

    faite de quelques petits pieux & couverte defeuillages.

    Argent. L'exprelion -argent ries Colonies, ou

    Amplement des Colonies , aprs une fomme,

    doit tre entendue du taux de la monnoie colo-niale de Saint-Domingue , o la piallre-gourdevaut iuit /ivres cinq Joics.

    Argent de France ou feulement de France,

    veut dire , fur le pied de la monnoie courantede France

    ,qui vaut 50 pour cent de plus que

    la monnoie courante de Saint-Domingue j deforte que les huit livres cinq fous de la piaftre-gourde ne font que cinq livres dix fous

    ,

    argent de France ou tournois; Se que centlivres de France valent cent cinquante livresde Saint-Domingue.Quand on trouve une fomme fans aucune

    dfignation particulire, c'efl toujours argent

    des Colonies qu'il faut l'entendre.

    .\c A Vesou. Vafe de bois ou de maon-nerie dcfdn recevoir le jus des cannes fucre

    ,en attendant que les chaudires en ayent

    befoin pour le cuire.

    Bois Debout. Bois compof d'arbres furpieJ.

    Tome /,

    Bois Debout ( Faire un ). Abattre les arbreaqui couvrent un terrain.

    Bois de Fardace. C'eft le bols d'arrimayepour remplir les vides entre ks objets t acargaifon d'an vaifeau.

    Boucan. Lieu o l'on fut rtir ou ^rrlUer deaviandes

    ,en les perant de morceaux de Lois

    en guile de broches ; ou bien o l'on exposedes viandes ou d'autres fubltances l'aftion dgia rumee.

    Boucaner. Faire rtir, gr;iJer ou fumer desvjandes

    ,du poifTon

    , &iz.

    Boucanier. Nom donne' auY premiers habi-tans chafTeurs de Saint-Domingue

    , caufe deleur ufage de faire rtii- ou griller des viandesdans un boucan.

    Boucherie Maronne. Boucherie accidentelle& qui fe fouftrait aux rgles de la police.

    Brise. EU fynonyme de vent.

    ; de terre, elt le vent qui vient de l'intr. Terrer le fucre.

    Tache. Feuille du Palmier.

    Terrer ( le Sucre ) C'eft le foumettre l'ac-tion de l'eau mife en tat de fufpenfion dansune certaine quantit de terre trs-battue ; cetteeau

    ,en filtrant depuis la partie large de la

    forme de fucre jufqu' fon fommet qui, danscette opration, fe trouve infrieurement plac,lave les crillaux du fucre & emporte de leurfurface toutes les parties firupeufes qui y taientencore unies. Del, l'expreifion Sucre /erre fOurdfigner le fucre qui a fubi cette aftion.

    Tournois. P'ej. Argent.

    Vide d'un moilin. C'eft l'eau fortant de foncanal aprs qu'elle l'a fait mouvoir.

    --

    ;

    d'une Indigoterie. C'eft le canal qui charrie l'eau qu'on a fait fervir la macrationde l'indigo.

    Vivres de Terre. C'eft l'appelation gnri-que par laquelle on dfigne colleaivement lesracines telles que le manioc

    , la patate, le tayo

    ou choux carabe, l'igname, la couche-couche

    &c.

    du Pays. C'eft, outre les vivres de terre,

    les bananes,

    les figues-banaues, les pois?

    le mahis , &c.

  • ^****-'^'-'-'^ ""--""' - " ^. -.-t>^^

    ERRATA.Du Premier Volume*

    dre de la Petite -Anfei12 , lifez : 2 lieues.

    II, mettez au-deffous en titre;Ville du Cap.

    10, lifez : nef.25 , effacez : gnral.27 , lifez : fecretaire.8 , au lieu du 9 ou 10 ; lifez :

    du 9 au 10.21 , au lieu de Trivial , lifez,:

    Trval.

    ^ant ti!< fautes furmm typographiques > h USieur ,v? nfiamment pri d'y fuppUir.

    Pacs 47,

  • DESCRIPTIONT O P O G R A P H I Q_U E et P O L I T I QJJ E

    DE LA

    PARTIE FRANAISED E

    L'ISLE SAINT-DOMINGUE.

    _L(A Partie Franaife de l'le Saint-Domingue eft, de toutes les pofleffions de la

    France dans le Nouveau-Monde,

    la plus importante par les richelTes qu'elleprocure fa Mtropole & par l'influence qu'elle a fur fen agriculture & fur foncommerce.

    Sous ce rapport, la Partie Franaife de Saint-Domingue eft digne de l'ob-fervation de tous les hommes qui fe livrent l'tude des gouvernemens

    ,qui

    cherchent dans les dtails des diffrentes parties d'un vafte tat, les pointscapitaux qui peuvent en clairer l'adminiftration

    , & montrer les bafes relles dumeilleur fyftme de profprit publique.La connaiflance particulire de la Partie Franaife de Saint-Domingue, peut

    encore intreffer l'.homme qui, fans faifir l'enfemble dont je viens de parler,dfire connatre les murs

    , le caralre , les produftions , la population & lecommerce d'une Colonie

    ,que fon loignement mme de la Mre-patrie

    ^

    Tome L . ^

    1

  • 1 DESCRIPTION DE LA PARTIEempche de lui reffembler, & dont la perte ou la confervation efc un des plusgrands vne mens fur lequel elle ait mditer.

    Enfin le philofophe , le naturalifle , l'agriculteur & prefque tous ceux que lacontemplation phyfique ou morale de la nature occupe, ne peuvent voir fansfruit le tableau fidle d'un tabliliement

    ,plac ibus le ciel de la Zone torride &

    dont le fort peut influer fur les deftines de la France.Mais tous les motifs que je viens de rappeller , comme propres faire dfirer la

    Defcription de la Partie Franaife, acquirent encore une nouvelle force quand onremarque que la proprit de l'le efc partage entre deux nations

    ,qui ont d

    adopter des vues particulires chacune d'elles, relativement leurs coloniesparce qu'elles ont dans les principes de leur gouvernement, & mme dansleur caraftre

    ,des diffrences remarquables. Ainfi , une peinture exale de

    la totalit de l'le Saint-Domingue , doit avoir le double avantage de faireconnatre le gnie Franais & le gnie Efpagnol , agiflant de grandes dif-tances, & de montrer quel genre de moyens l'uii & l'autre a fait fervir fesdefeins.

    C'eft dans la periu.fion qu'on pouvait retirer un grand fruit de cette Defcriptiongnrale

    ,que je me fuis dtermin l'entreprendre (*).

    JLiA Partie Franaife de Saint-Domingue , forme la portion Occidentale dscette le im.menfe

    ,dont les Efpagnols occupent abfoiument l'Orient.. Mais elle

    n'offre pas , comw.t la Partie Efpagnole , une furface d'une longueur -peu-prsgale

    , & peu variable dans fa largeur. Saint-Domingue Franais a une fio-.jreirrgulire

    ,produite par une double caufe ; l'une eft la direllon finueufe de la

    ligne des limites qui fpare le territoire des deux nations , & l'autre deux pointesde terre ingales , ou plutt deux prolongemens

    ,qui partent du bord Sud & du

    bord Nord de l'le,pour courir dans l'Ouefb , & qui laiffent entr'eux une efpce

    d'enfoncement ou de petit golfe.

    (*) L'accueil qu-e le Public a daign faire la publication de la Defcription de la PartieEfpagnole, que j'ai imprime Philadelphie l'amie dernire 1796 , ell: tout -la fois , & un vhiculede pins pour mon zle , & un fevorable augure pooT c qui a rapport k Partie Franaife.

  • PRANAISE DE SAINT-DOMINGUE. j

    Ktendue de la Partie Franaife.

    Le prolongement Mridional qui eil le plus allong,puifque fon extrmit eft

    de trente lieues plus Occidental que l'autre, a environ foixante-quinze lieues de

    long,comptes depuis la limite jufqu' cette extrmit, fur une largeur qui

    ,

    variant depuis fept jufqu' quinze lieues, peut tre value onze lieues delargeur moyenne.

    Le prolongement Septentrional a environ cinquante lieues de long, mefures

    aufTi depuis la ligne des limites,qui l fe trouve un peu plus recule dans l'Eft

    ,

    jufqu'au point oi ce prolongement finit dans l'Oueft , fur une largeur variabledepuis fix jufqu' quinze lieues, & qu'on peut eftimer douze lieues de largeurmoyenne.

    L'efpace qui refte enfuite entre ces deux pointes , & qui borde le fond dupetit golfe

    ,pr fente fon tour, une bande d'environ trente lieues du Nord au

    Sud,

    fur une largeur moyenne de dix lieues de l'Eft l'Oueft.D'aprs ces donnes

    ,qui offrent un rfultat d'environ dix-fept cens lieues

    carres, & confidrant que la Partie Franaife eft trs-montueufe , on peut

    valuer,la furface totale de cette colonie

    , deux mille lieues carres ; lefquellesrunies aux trois mille deux cens lieues carres

    , dj trouves, -peu-prs

    ,

    pour la Partie Efpagnole,

    offrent pour la furface totale de l'le St-Domingue,

    cinq mille deux cens lieues carres, dont la Colonie Franaife ne forme guresplus du tiers

    ,quoique

    ,par fa configuration ,' elle ait au moins cinquante lieues

    de ctes de plus que le territoire Efpagnol.

    Bes Montagnes & des Plaines.

    La Partie Franaife eft,comme celle qui l'avoifme , compofe de parties

    montueufes & de parties planes , mais ce font les premires qui font les plusnombreufes. Elles forment des chanes que l'on peut appeller principales, & quifont des prolongemens de celles de la Partie Efpagnole , dont on a vu dans ladefcnption de cette partie

    ,que le groupe ou centre , tait en quelque forte au

    Cibao. J'ai mme dit que la premire chane de ce groupe fe prolonge par une deA 2

  • \ .!

    DES CRIPTION DE LA PARTIETes branches jufques vers le Port-de-Paix, en fe fubdivifant pour arriver au Capdu Mle Saint

    -Nicolas ; tandis que d'autres clianes vont gd^gmx \t Dondon , laMarmelade

    ,

    \t Gros Morne,

    les Gondhes ,\t Mirebalais, & s'tendent, par des

    embranchemens faccefTifs,jufqu' l'extrmit de la pointe qui fe termine vers

    le Cap Tiburon.^

    De ces chanes principales, qui courent -peu-prs de l'Eft l'Oueft , fedtachent j comme je l'ai fait remarquer en parlant de l'le en gnral, deschanes fecondaires qui parcourent fa furface en diffrons fens, & qui fe dirigentvers la mer. C'eft entre elles que font places les plaines franaifes

    ,qui ne

    diffrent de celles que nous avons adnnires dans la Colonie efpagnole, que parcequ'elles font moins tendues.

    Quant aux montagnes que je confidre comme les premires chanes, ellesoccupent -peu-prs le miheu de chacune des deux pointes de la PartieFranaife, mais leur hauteur eft plus confidrable dans la pointe Mridionale.

    Les Montagnes de la Partie Franaife fervent , comme celles de la PartieEfpagnole

    , faire varier k climat, qui dpend, dans l'une comme dans l'autre,de leur hauteur

    ,de leur proximit

    , de la m.anire dont elles Ibnt places parrapport au vent dominant, & de plufieurs circonftances que Ton peut appelleraccidentelles. Mais en gnral, la Partie Franaife eft plus chaude & plus expofeaux fchereffes qu'on voit devenir & plus frquentes & plus longues, depuis quepar une avidit qui compte l'avenir pour rien , & qui trompe fouvent fur la valeurdu prfent ,on a abattu les bois qui couvraient ces points levs

    ,qui y aopellaient

    des pluies fcondes,qui y retenaient des rofes a'oondantes ^ & une humidit don&

    des forts prolongeaient encore l'utile influence.

    Je rpte ici, qu'il ferait impoffible de donner une defcription qui convnt toutes les montagnes, & j'adopterai la mme mthode que pour la PartieElpagnole

    : c'eft--dire ; que je placerai aux lieux qui leur font particuliers, les

    dtails propres faire bien juger de ces portions du territoire franais.Le m.me motif veut le mme ordre de chofes l'gard des plaines, entre

    lefquelles j'aurai des diffrences fenfibles faire remarquer. Et fi l'on veut ferappeller ce que j'ai dit cet gird dans la Defcription de la Colonie efpagnole,,5in fera convaincu de l'avantage de cette mthode.

    ,V

  • FRANAISE DE SAINT-DOMINGUE.5

    Royaumes dont dpendait ,Johs les Caciques,

    ce quifonne la Partie Franaife.

    On le foiulenc lans doute auffi,que la Colonie franaife fe trouve forme

    d'une grande partie du royaume de Marien, & de la prefque tctalit du royaume

    de Xaragua; mais o il ne reliait plus un leul Indien, lorfqus les Franais vinrentdilputer l'ile aux Efpagnols.

    C'eft h partie hiftorique nous dire quels furent les efforts, les combats, les

    dfaites & les fuccs de ces hommes, dont le courage tonnera la poftrit

    ,

    &'

    qui, dfigns fous le titre d'^w/r?Vr^ par leurs ennemis, qui ne voyaient taeux qu'un ramas d'tres obfcurs & de pirates

    , devinrent un peuple cultivateur,

    l'hrofme duquel la France doit fa plus belle poffeffion d'outre-mer. Mais enparlant de la pnurie des beftiaux qu'prouve la Partie Franaife, j'ai dj ofFerule tableau progreffif des cablilTemens que ces premiers Franais, ces Bcucaniers

    ,

    ic ces Flibuftiers,

    dont la dnomination fernble toujours rveiller des idesd'audace & de terreur, formrent Saint-Domingue. J'ai dit comment n'ofanty paratre d'abord , qu'en s'y mnageant les moyens de fuir l'afped d'un ennemipxiiflant, ils s'taient tenus rapprochs les uns des autres, bordant la cte

    ^

    de quelle manire prenant enfuite de la confiance dans leur nombre, ils avaient"

    tendu leurs petits domaines,

    pafe du rivage un lcigc ou bord fuprieiir,

    puis de celui-ci un autre encore ; comment enfin,par des progrs dont on ne'

    peut afiTez s'tonner,

    les Colons franais font parvenus foumettre, leur-

    courage & leur perfvrante induftrie, toute la furface qu'ils occupent

    aujourd'hui.

    Population de la Partie Franaife de Saint-Dcmingue.

    Cette furface a environ cinq cens vingt mille individus, divifs en quarante!mille blancs

    ,vingt-huit mille afl^ranchis ou defcendans d'afi^ranchis

    , & quatrecens cinquante deux mille efcaves. Ce qui offre la proportion fuivante : onzu-efclaves trois diximes pour un blanc ; dix blancs pour fept affranchis

    , & feizeefcaves pour un affranchi.On trouve auffi qw la li-eue carre de Saint-Domingue franais contient deu;{

  • 6 DESCRIPTION DE LA PARTIEcens foixante individus, c'eft--dire

    ,fix fois & demie autant que la lieue carre

    de Saint-Domingue efpagnol ; mais, fon tour, ce nombre n'eft que le quart dela population de la lieue carre de France. Difons enfin

    ,qu'en fuppofiint aue

    l'le entire et, lors de fa dcouverte,un million d'Indiens galement rpartis,

    la Partie Francaife eft plus peuple en ce moment,qu'elle ne l'tait alors.

    Les trois claffes, prefque phyfiquemient diftinftes,qui compofent la population

    de h Colonie Francaife,rendent cette population trs-diFrente de celle des

    contres europennes. Ce ferait m^mie prendre une ide bien fauie de cetteColonie

    ,que de croire chacune de ces trois claffes un caractre propre

    ,qui

    fert la faire diftinguer toute entire des deux autres. Chaque claffe a des traitsparticuliers

    ,qui femblent former des fubdivifions

    ,que ie tcherai de faire faifir

    ,

    en offrant fuccelTivem.ent mes Leteurs ce qui concerne le^ blancs , les efclaves& les affranchis,

    DesBlancs.

    Dan'S les lieux oij les hommes fe trouvent raffembls depuis une lono-uefuccefTion de temps, leur runion prlnte un amalgame plus ou moins parfait,& tous les m.embres de la famille gnrale ont entr'eux des traits de reffemblancefaciles appercevoir ; mais dans des tabhffemens coloniaux rcemment fondspar une migration fuccelTive

    ,on ne peut trouver des marques d'un vritable

    enfcmble : c'efl: un compof informe qui fubit des imprefTions diverfes, & cette

    inconhrence eft remarquable fur-tout , lorfqu'une grande colonie eft forme pardes individus qui font venus y trouver un cHmat lointain , & abfolument diffrentdu leur ; parce que chacun conferve alors l'habitude de quelques ufages des lieuxqu'il abandonne , feulement modifis & appropris au pays o il eft tranfport.Que fera-ce

    ,fi dans la nouvelle patrie qu'ils fe font faite

    , & o ils fe trouventmls , com.me par hafard , les Colons font environns d'efclaves !

    D'aprs ces raifons qui donnent un caralre particulier aux murs descolonies de l'Amrique

    ,je vais tcher de faifir celui qui diftingue les Colons

    franais de Saint-Domingue.

    Des Flibuftiers , accoutums chercher leurs befoins travers les prils d'unlment redoutable

    , ^ les obtenir par la force des armes i des Boucaniers , la

    K

  • FRANAISE DE S A I N T - 13 O M I N G U E. 7Krreur des forts

    ,dont ils dtruiraient ks habicans

    , ne pouvaient avoir que desmurs farouches & fiinguinaires.

    Ce furent cependant de pareils hommes, mlange de plufieurs nations, que desipculateurs qui calculaient dans la mtropole de la France quel parti l'on pouvaittirer de leurs conqutes

    ,entreprirent d'aflervir

    , & de foumetcre leurs vu.sintrenes. Ce projet, infenf en apparence, ne pouvait ri.nir que par lemoyen d'un chef, dans lequel fe runiraient les talens les plus extraordinaires

    ,

    C>: ce chef, h Compagnie des les de l'Amrique le trouva.En effet, jamais pcrfonne n'influa autant que d'Ogeron

    , fur les murs desintrpides conqurans de Saint-Domingue Franais

    , dont il parvint faire desagriculteurs. Pour leur en donner les qualits les plus nccffaires , d'Ogeroninvoqua le fecours d'un fexe fduifant

    ,qui fait par-tout adoucir l'homme

    , &augmenter fon penchant pour la fociabilit : il Ht venir de France des tresintrelTans

    ,de timides orphelines pour foumettre ces tres orgueilleux

    , accou-tums la rvolte, 6c pour les changer en poux fenfibles & en pres de famillevertueux. C'en de cette manire que Saint-Domingue eut une population qui luidevint propre

    ,& qu'on commena le confidrer comme une vrit.ible patrie.

    Lorfque ces premiers Colons furent parvenus s'affranchir de la tutelleruineufe des Compagnies de commerce, lorfque par les vexations mme qu'onleur faifait prouver pour la vente de leur tabac

    , on les eut forcs fubftituerd'autres cultures celle de cette plante

    ,ils commencrent connatre l'aifance \

    & tranquilles & contens,

    ils virent s'augmenter leurs moyens de fortune. Bientt!riches fans luxe, ils eurent une exiilence d'autant plus digne d'envie, qu'ilsn'avaient pas encore appris l'art de changer les fuperfluits en befoins. L'empirede ces murs coloniales s'tendit mme, pendant long-tems, iufques fur lesguerriers

    ,

    qui le font prefqu'accoutums fe diftlnguer par-tout des autrescitoyens. Chaque foldat pouvait devenir Colon

    , & fi le changement frquentdes chefs & les vcnemens politiques n'avaient pas influ fur le fort des habitansde cette le

    ,ils n'auraient rien eu envier ceux de la Mtropole.

    Mais ce bonheur paifible,devint lui-mme la caufe d'un changement confi-

    drable. Des Colons qu'une culture dirige avec intelligence avait enrichis^deftinrent leurs enfans divers emplois. II fallut les envoyer en France poury faire des tudes analogues leur tat futur. Ceux qui revinrent dans leurpays, y apportrent des gots qu'on ne pouvait pas y fatisfaire i ils s'taient

  • 8 DESCRIPTION DE LA PARTIEarrachs quelquefois des penchans dj trop fortifis ; enfin ils rougirent peut-tre des murs ruftiques de leurs parens. De l, ce dgot du lieu natal, cetteefpce d'ennui qui fait qu'on ne fe regarde plus que comme paffager dar.s le payseu l'on elL forc quelquefois de rfider toute fa vie. De-l, cette infouciancepour l'avantage & la profprit d'une patrie , de laquelle on n'attend plus que le-smoyens de vivre loign d'elle, & de payer cher des jouifances qu'on ne.iBukipie que parce qu'elles ne ftisfont point.

    A ce malheur, qui a rendu la plupart des Colons tiangers la terre qui les avu natre, s'en joignit encore un autre: letir got pour la difipation , leursdpenfes clatantes les faifant remarquer, on fe fit des Colonies une ide exagre.Les contres dont les productions pouvaient fuffire un luxe auffi effrn, devaiens;tre confidres comm.e des mines inpuifables ; & l'amour des Europens pourl'or

    ,les fit partir po'.ir aller prendre leur part de ces trfors immenfes; en vain

    ,

    im climat deflrufteur en moliTonna la maj-eure partie,on ne vit que les dpouilles

    rapportes par ceux qui revenaient.La Colonie parafiait cependant fatisfaire tant d'ambition, & en 1738,

    elle fut confie deux adminiftrateurs , dont le gnie & l'union la rendirent-encore plus importante. L'ide la plus heureufe de ces deux chefs, fut dedterminer les habitans employer l'eau

    ,qui coulait fans utilit dans des plaines

    immenfes, en augmenter la fertilit. Alors on vit s'ouvrir de toute part,des canaux qni fcondrent des plantes prcieufes. D^s routes plus commodess'ouvrirent

    , & les diverfes parties de la Colonie purent communiquer entr'elies.La population s'accrut doublement, parce que les Colons gotant fous Larnage& Maillart , les douceurs d'une admdniftration paternelle , s'arrtrent dans leursfoyers

    ,o cet avantage attirait encore les Europens.

    Mais ce nouveau degr de civilifation , changea auffi les murs du fcondge de h Colonie

    ,que d'autres vnemens devaient faire varier encore.

    La perte de quelques-unes de nos Colonies, pendant la guerre de.1756,

    n'ayant que trop appris ce qu'on pouvait craindre pour les autres , on y fitpafer des rgimens & d'autres troupes rgles, pour les conferver fous ladomination Franaife. Ce fut ainfi que Saint-Domingue reut en 1762 plufieursbataillons. Les dfenfeurs de la patrie

    , ne font pas les gardiens des murs :

    relies de St.-Domingue en firent l'preuve. Le luxe fe propagea dans la Colonie,

    & il n'y eut aucune profefTiOn prferve de fs atteintes. Ce fut lur-tout fur le.fexCi

    rviCSSBUi

    v^^irs^'itXt-

  • FRANAISE DE SAINT-DOMINGUE.9

    fjxe qu'il obtint les plus grands avantages, & ces mariages o l'or c l'orgueil

    rglent tout, fe multiplirent avec une forte de fcandale. Depuis, une autreguerre, dont la caufe & le fige principal taient en Amrique, en multipliantles troupes

    ,

    les marins & mme les aventuriers que les tems de fermentationfembient faire clore

    ,a augment les maux de Saint-Domingue, pui{q,.e la

    dpravation des murs eft une fource relle de maux.Dans l'tat ahiel de la Colonie franaife

    , la population blanche n'offregures qu'un quart de Crols ; c'eft--dire , de perfonnes nes dans l'le, &encore les femmes en forment-elles la majeure partie ; le refte eft compofd'Europens des divers points de la France

    , auxquels font mls quelquestrangers

    , & des Crols des autres Colonies.Parlons d'abord des Europens

    ,puifqu'ils ont t les fondateurs de la Colonie

    qui,

    dans fon origine,comptait parmi les Franais un grand nombre de Nor-

    mands, de ces premiers navigateurs des Mes du Vent, dont l'influence eft encoreremarquable dans pluficurs ufages domeftiques

    , & dans plufieurs mots du patoisCrol.

  • o DESCRIPTION DE LA PARTIEtiffu ait rendu trs-chcres

    , 8>: dont il relvera la fimplicit par des bijoux, dont

    l'il paiiTe tre frapp. C'eft le premier emploi qu'il doit faire de fes gains oude fon crdit: c'ell la livre coloniale. Ne la point porter, c'eft fe dprcierfoi-mme, ou prendre l'air d'un cenfeur , dans un pays o l'on s'eft promis den'en pas couter.

    Il eft \m autre foin non moins important, c'eft de vanter fa naiffance. Onfupple mme dans ce genre la ralit , & cette partie de l'invention eft aiez*fuftueufemeiu cultive. Du mioins

    ,faut-il taire fon origine lorfqu'elle n'a rien

    de noble,& c'eft dj trop d'avoir redouter que l'envie n'en rvle la vrit.

    Telle eft mime la force de l'habitude qu'on contracte Saint-Doraing'je , defe croire anobli par fon feul fjour dans l'le

    ,qu'il eft des Europens qui

    rompent tout com,merce avec leur famille, qui la fuyent en repaiTant en France& qui dtournent avec grand foin leurs regards du lieu oij ils appercevraiencl'humilit du toit paternel. Ils fe choifiiTent enfin un hritier dans la Colonie

    ,

    pour garantir leur mm.oire de la honte que rpandraient fur elle des parensgrolTiers

    ,qui viendraient recueillir leur fucceffion.

    L'un des cuells les plus dangereux pour ceux qui arrivent Saint-Domino-ue,

    c'eft la paiTion du jeu qui y eft prefque gnrale. On y trouve ces lieux o l'ontablit fon bonheur fur l'infortune d'autrui , o Ton eft appelle gnreux pouravoir fu faire contracer un tre quelquefois au dfefpoir , des dettes qu'on a

    dcores du nom facr d'honneur , o l'on va oublier enfin qu'on eft poux ypre & citoyen.

    Mais fi l'on fe prferve de cette contagion, il eft plus difficile de rfifter aux

    attraits d'une autre pafTion, dont la nature fe plat mettre le germe dans tous

    les curs. On ne trouve pas Saint-Domingue comme dans les grandes villesd'Europe

    ,le fpelacle dgotant d'un fexe attaqu par celui qui doit favoir fe

    dfendre pour embellir fa dfaite ; mais on n'y eft pas protg non plus par

    cette dcence publique qui prferve les murs , dans les Heux o l'on rougit dela dpravation des capitales. On s'expatrie , le plus fouvent , dans l'ge o lesdfirs font efferv^efcensj on vient quelquefois de fe fouftraire la furveillance

    gnante de fes parens , & tout--coup matre de foi , on le trouve expof lafdution la plus dangereufe

    ,puifque fa fource eft en nous-mmes. Il faudrait

    un courage prouv pour chapper un pareil danger, & l'on rpte tant Saint-Doxninguje que k climat dfend d'efprer la vidoire , qu'on eft peu tent

  • FRANAISE DE SAINT-DOMINGUE. IIde la clifputer. On fe livre donc Ton penchant, & calculant la vie plutt parl'emploi agrable qu'on en fait que par fa dure , on arrive rapidement au terme

    de la dcftruftion.

    L'intemprance de la table eft encore un dfaut aflcz commun Saint-

    Domingue ; quoique l'on ait banni des repas la joie tumultueufe des anciensColons

    ,qui annonait au loi la perce de leur raifon

    ,on traite toujours la

    crole , c'ell--dire avec profufion. D'un autre ct , comme la grande chaleur

    diminue les forces, on croit les rparer par des alimens fortement afaifonns.

    Tout prend Saint-Domingue un caraftre d'opulence,

    qui tonne les

    Europens. Cette foule d'efclaves qui attendent les ordres & mme les fignesd'un feul homme , donnent un air de grandeur celui qui leur commande. Ileft de la dignit d'un homme riche, d'avoir quatre fois autant de domeftiquesqu'il lui en faut. Les femmes ont principalement le talent de s'environner d'unecohprte inutile

    ,prife dans leur fexe mme. Et ce qu'il eft: difficile de concilier

    avec la jaloufie que leur caufent quelquefois ces fervantes rembrunies , c'eftl'attention de les choifir jolies , de rendre leur parure lgante : tant il eft vrai

    que l'orgueil commande tout ! Le bien fuprme pour un Europen tantde fe faire fervir , il loue des cfclaves en attendant qu'il puifl en avoir enproprit.

    En arrivant Saint-Domingue , on eft tranger prefque tous ceux qu'on ytrouve. On ne les entretient le plus fouvent que du projet qu'on a de les quitter;car k manie gnrale eft de parler de retour ou de paffage en France. Chacunrpte qu'il part Vanne prochaine

    ,& l'on ne fe confidre que comme des

    voyageurs , dans une terre oij l'on trouve fi fouvent fon dernier afile. Cettemalheureufe ide eft tellement familire, qu'on fe refufe ces riens commodes quidonnent du charme l'exiftence. Un habitant fc regarde comme camp furun bien de plufieurs millions ; fa demeure eft celle d'un ufufruitier dj vieux ;fon luxe, car il lui en faut, eft en domeftiques, en bonne chre

    ,& l'on croirait

    qu'il n'eft log qu'en htel garni.

    A ce tableau des m-urs qu'on pourrait appeller gnrales, il eft ncef-

    faire d'ajouter ce qui appartient d'une manire plus fpciale aux BlancsCrols

    ,parce que plufieurs caufes & particulirement l'aftion d'un folcil

    conftamment brlant, produifent dans les habitans de la Zone Torride desmodifications qui les font diffrer des habitans des Zones tempres.

    B 2

  • -'J'jiH^^-*-

    12 DESCRIPTION DE LA PARTIE

    Pes Crds Blancs.

    Les Amricains qui ont reu le jour Saint-Domingue & qu'on dfigncfous le nom de Crhls ( commun tous ceux qui naiffent aux Colonies ),font ordinairement bien faits & d'une taille avantageufe. Il ont une figureallez rgulire

    ; mais elle eft prive de ce coloris dont la nature gay? &embellit le teint dans les pays froids. Leur regard eft expreffif, & annoncemme une forte de fiert

    ,capable d'lever contre eux des prventions dfa-

    vorables,lorfqu'on ne fait que les appercevoir.

    Exempts de la torture du maillot, leurs membres offrent rarement la

    moindre difformit. Et la temprature du climat, en les favoriiant encore

    ,

    leur donne une agilit qui les rend propres tous les exercices,pour lef-

    quels ils ont autant de penchant que de dilpofition.Ce dveloppement rapide des qualits phyfiques ; le fpedacle fans cefTc

    renaiffant, des produftions dont une caufe toujours aftive & toujours fcondeenrichit leur pays

    ; peut-tre encore la vue continuelle de cet lment quiles fpare du refte de l'Univers

    ; tout concourt donner aux Crois uneimaginadon vive & une conception facile. Ces dons heureux prfagcraiendes fuccs pour tout ce qu'ils voudraient entreprendre

    , fi cette faciht nedevenait pas plle-m.me un obftacle en produifant l'amour de la varit

    , & fi lesprfens dont la nature fe montre fi librale dans leur enfance

    , ne fe chan-geaient pas, le plus fouvcnt, en maux pour eux-mmes & en fujcts d'ton-nement pour l'obfervatcur.

    Diffrentes circonftances s'accordent encore pour faire perdre aux jeunes Croisl'avantage qu'ils ont d'abord fur les enfans des autres climats. En premierlieu

    ,la tendreffe aveugle & exceffive des parens qui foufcrivent leurs

    volonts & qui croyent que cette tendreffe leur dfend la plus lgre rfif-tance. Il n'eft point de caprice qui ne foit flatt

    ,point de bifarrerie qu'on

    n'excufe,point de fantaifie qu'on ne fatisfaffe ou qu'on n'infpire mme; enfin

    point de dfauts que l'on ne laiffe au tems le foin de corriger : au tems quifuffirait quelquefois pour les rendre incorrigibles. (*).

    (*) Tout le monde connat ce trait attribu un enfknt Crol & qui peut en peindre urtgrand nombre, " Mon vl gnon z. Gnia point. A coze a mon vl d, " JeYeox un ceuf, Il n'y en a point, A caufe de cela j'en veux deux ,^^

    A"

  • FRANAISE DE SAINT-DOMINGUE.,j

    Heureux encore l'enfant Crol q,.'u;,e fant ferme garantir tic l'occallonfimefte cl prouver toute la fenGbilii des auteurs de fes jours. Car f, fa viecft menace fi fon exirtence ell frle

    , il ne peut chapper au malheur d'treun fu;et d ,dol.itr,e. Tous les dgots de la maladie font pour fes pares despreuves de prtendus dfirs qu'on ne lui croit pas la force d'exprimer Alorson uwcnte pour lui

    .

    on fe livre aux ides les plus extravagantes, & f, letemprament de l'enfant Crol

    .

    plus fort que les obflacles qu'un attachementfervde lu, oppofe tnomphe du mal phyfique, les germes peut-tre indef-truftibles d une maladie morale menacent le relie tie fes jours.Qu'on ajoute ces inconvcniens ceux de l'habitude d'tre' entour d'ef.

    claves. & de n'avoir befoin que d'un regard pour tout fa.re cder autourde fo,. Jamais defpotc n'a eu d'hommages plus affidus

    . ni d'adulateurs plusconftans que l'eniant Crol. Chaque efclave eft founns aux variations de fonhumeur. & fes dep.ts enfantins ne troublent que trop fouvent la paix domeft.ques, parce qu'il ft.ffit pour qu'il commande l'injuKice, qu'elle foit iTbi

    dune volont qu'il ne fait pas encore diriccr Enfin ju'ques dans fes jeux l'enfant Crol" ell rduit n'tre qu'un tyranPlace au m,l,et, de pet.ts efclaves qu'on condamne flatter fes capricesou ce q,u eft plus rvoltant encore

    , renoncer tous ceux de leur e.1 ne veut pas fouffrir la moindre contrarit. Ce qu'il voit il le

    ^ '

    qu'on lu, montre il l'exige. & fi ,a f.talit permet 'q^unT 'le ti^lTpagnons lu, refifte il s'ii-rite,on accourt de toute 'parc fes cris & ce^;de l,fortune que ,a couleur a dfign pour la foumifllon

    . apprennent atffitot quon l'a contramt cder & peut-tre mme qu'un chTtiment punila de,obe,fl-ance dans celui qui n'a pas encore l'inftina de la fe" idcC eft pourtant dans les actes mme de ce defpotifme honteux qu le bonheur e quelques efclaves prend aflez fouvent fa fource.parce qt^fi Wa;

    me,lleur fort. Et mme fi c'eft un autre enfant que le C,-ol adopte & s'il.randitvec fon ma.,re, d deviendra un jour, fuivant fon fexe

    . l'objet ou 1 Cn

    i

    re de les p a.firs & l'afcendant qu'il prendra le garantira, lui & L'Z^sefclaves qu',1 voudra protger.des injuftices du matre

    du Cr'ol'tl-sT7""'"? T '"""'" '^"" P" '-"ff" dans l'ameduCreol toutes les femences d.u b,en

    . & auxquelles il faut ajouter encore te

    !(Ji

  • 14' DESCRIPTION D A PARTIEdangers qui acceKnpagnent les bienfaits de h fortune , ne feraient rien fi uneducation furveille combattait tous ces ennemis de Ion bonheur. loigndu preftige & ne confervant de fes inclinations naiiTintes

    ,qu'une efpce

    d'nergie & d'lvation, que des inftituteurs intelligens Se attentifs pourraientchanger en vertus , rAm.ricain dj favorif par la conf!:itution phyfique

    ,

    ceiT^rait d'tre condamn la mdiocrit.^ Mais c'ef!; cette occafion qu'il faut dplorer le fort des Crols. Confis

    en France , le plus fouvent > des tres pour qui ils font trangers o des mercenaires qui leur vendent des foins fouvent au-deiTous du prix qu'ils

    favent en exiger , ils n'ont pas mme l'efpoir de profiter de l'ducationimparfaite des collges o on les rlgue. Perfonne ne les excite

    ,perfonne

    ne les encourage. Incapables de dfirer les fuccs pour les fuccs mmes-, ils

    comptent , avec ennui les jours paics dans l'exil de la maifon paternelle &avec impatience ceux qui doivent en borner le terme, On ne leur parle deleurs parens que pour flatter cette efpce d'amour-propre qui , au lieu de

    porter mriter des fuffrages , fait croire qu'on en eft toujours afez digne.

    On ne leur en parle que pour rveiller le fouvenir des faiblefes de ces parenspour eux 8: la comparaifon de ce premier tat avec l'abandon dans lequel

    ils font tombs , n'eft gures propre les enflamm.er pour l'tude dont toutle prix efr dans l'avenir.

    C'eft ainfi que la plupart des Crols parviennent , foit dans la Colonie

    fbit en France , l'ge o ils doivent paratre dans le monde. Il ne reftepeut-tre plus pour leur ravir l'efpoir de devenir des hommes eftimables que^e flatter leurs gots pour la dpenfe & pour des jouifTances dont l'efpcefouille quelquefois l'ame encore plus que l'excs , & enfin de ne les con-traindre que dans un feul point

    ,prcifment parce qu'il femblerait devoir

    tre libre , le choix d'un tat ; ce choix c'eft l'orgueil des pres qui le fait ,mme de deux mille lieues.Tout autorife croire qu'une ducation dont le premier foin ferait l'tude

    mme des jeunes Crols & de leurs penchans , favoriferait les difpofitionsqu'ils montrent dans leur enfance, & qui fe perdent mefure qu'on les plied'avantage une mthode dont tout accufe la trifte uniformit. En effet

    ,

    il eft des Crols qui ont rempli l'efprance qu'ils avaient fait concevoir,

    parce qu'ils ont trouv cet intrt touchant qui devient un vhicule & une

    ,V

  • FRANAISE DE SAINT-DOMINGUE. 15rccompenfe pour celui qui a fu l'infpirer. Il en eft mcme qui ont furmontles obllacJcs dont on les avait comme entoures. Et pourquoi dans un payso les plantes trangres excitent tant de curiofit &c de foins , ne femble-t-on indiffrent que pour celles qui n'y font tranlplantes qu'afin d'prouverles innuences d'un climat bienfaifant 8c dont les fruits utiles payeraient fibien les travaux du cultiv.iteur laborieux & eftimable qui les aurait entrepris !

    C'eft faute d'avoir fait ces obfervations qu'on a adreff aux Amricainsle reproche- d'tre incapables de tout. Il fallait auparavant remarquer de quelpoint ils partaient

    ; confidrer que pour connatre les Sciences & les Lettres&par conlquent s'enflammer pour elles

    ,ils taient forcs de s'expatrier. Alors

    on aurait apperu que cette nceffit mme les plaait dans une hypothfe,dont les dfavantages ne pouvaient tre balancs par les influences de leurclimat

    ,

    qu'on a mieux aim accufer de favorifer leur phyfique aux dpensde leur moral. De l quelques favantes inepties dont on a enrichi les Recherchesfur les Am-ru

  • DESCRIPTION DE LA PARTIEleur puiTance dans le cur de la plupart des Crols ; & Icrrqu'enfin les glacesde l'o-e arrivent: , elles n'teignent pas toujours ledfir, la plus cruelle de

    toutes les pafTions. -'

    On peut donc dire , avec vrit, que tout concourt pour former chez les Crolsle caractre imprieux j vif & inconftant qu'on leur connat, & qui les rendpeu propres l'hymen , dont les beaux jours ne peuvent tre l'ouvrage que

    d'une confiance miUtuelle. Jaloux par amour-propre, ils font tourments parla

    crainte de l'infidlit , dont ils donnent l'exemple. Heureufe encore lepoufe

    trahie, fi en prouvant tout ce que le foupon a d'injurieux., elle n'eft pas

    condamne avoir quelquefois fous fes yeux , l'objet qui lui ravit les preuves

    d'un amour qui lui fut folemnellement jur. '

    Les dfauts des Crols, au nombre defquels il faut compter celui de fe livrer

    au jeu, font cependant rachets par une foule de qualits efximables. Francs,

    affables, gnreux, peut-tre avec oflentation , confans , braves, amis frs &bons pres, ils font exempts des crimes qui dgradent l'humanit : les faffes

    d'une Colonie aufTi tendue que celle de Saint-Domingue , offriraient peine

    les noms de quelques Crols infcrire dans la lifle des fclrats. Combien il

    ferait facile de rendre les habitans de cette brillante Colonie , auffi recommen-

    dables que ceux qu'on fe croit permis de leur citer, comme des modles inimita-

    bles pour eux !

    Une vertu principale des Crols, c'efl l'hofpitalit. Ce que j'ai dit de la

    manie d'aller en France , doit fuffire pour prouver qu'il y a peu de focit

    Saint-Domingue, & que cet efprit fugitif efl du moins peu fait pour la rendreagrable. C'efl donc un motif pour accueillir dans les campagnes , les voyageurs

    qui jettent quelque varit fur un plan monotone. Dans un pays vafte oti l'on

    efl opulent, o il n'y a point de pofles , o des auberges en petit nombre ne

    fervent qu' des individus qui n'ont pas de relations dans la Colonie , l'hofpitaht

    prend un caraftre de gnrofit , qui honore ceux qui l'exercent. Il efl des habi-

    tans qui facrlfient un capital de plus de trente mille livres, en chevaux, en voiture

    & en cochers,pour la commodit de ceux qui ont befoin d'aller d'un point

    un autre de la Colonie. Mais de quoi n'abufe-t-on pas ! Il y aurait trop rougir

    pour les Europens , de rvler les fcnes par lefquels ils fe font efforcs de

    rendre les Colons difEciles fur ce point. Malgr cette dfoWigeante exprience

    ,

    un homme avou par l'ami d'un feul habitant, peut encore entreprendre le tourde

    iii^BiV -

  • FRANAISE DE SAINT-DOMINGUE. 17de la Colonie

    ,&c Ci les qualits perfonnelles en font un homme aimable

    , il efl:

    fur d'emporter des regrets de tous les lieux, dont une recommandation luccefTivclui aura ouvert l'entre.

    Le caraftcre Crol parat auITi dans la manire de voyager. De petitschevaux de mdiocre apparence

    ,font parcourir aux chaifes ou efpces de

    cabriolets, trois & mme quatre lieues par heure. Cette vteffe annonce l'ha-bitude de vouloir & d'tre obi avec promptitude. Le cocher qui connat legnie de Ton matre

    ,partage Ion impatience

    , & met de la gloire n'trepas devanc. C'eft donc encore un article de luxe pour les habitans

    ,que celui

    des chevaux; d'autant que pour le plus lger motif, on expdie un meflager cheval

    ,qu' la rapidit de fa courle & aux cris dont il anime fa monture

    couverte de fueur,on prendrait pour un courrier qui porte la nouvelle d'un

    vnement , auquel toute la Colonie eft intreffe.Les Crols de Saint-Domingue font moins fujets que les Europens

    , aux

    maladies de leur climat. Mais une jeunefle prmature, l'abus des plaifirs

    peut-tre ce levain,

    dont l'origine eft diormais la feule chofe fur laquellel'Europe .:\: l'Amrique puident avoir difputer , ne fuffifent que trop fou-vent pour dtruire le temprament le plus robude. Alors s'acclre le momento le Crol a befoin de faire ufage de l'cfpce d'infouciance

    , avec laquelle ilenvifage la ceflation de la vie, & que femble lui donner le fpeftacle frquentde la mort.

    Mais quittons ce tableau lugubre,pour efquifler le caractre de la portion Ja

    plus touchante du genre humain.

    Des Croles Blanches'.

    A la dlicateffe des traits,

    les femmes Croles de Saint-Domingue runiffentcette taille & cette dmarche lgante

    ,qui femblent tre l'apanage des femmes

    des pays chauds. Rarement doues de cet enfemble & de cette exaftituderigoureufe

    ,qui conftiEuent effentiellement la beaut , leur figure offre prefquc

    toujours cette combinaifon,

    plus fduifante & plus difficile peindre qu'onnomme la pliyfionomic 3 & fi l'on obtient aifcment de la Grce & de h

    Tome I. r

  • i8 DESCRIPTION DE LA PARTIEGorgie un tribut de femmes belles, il ferait facile Saint-Domingue d'enfournir un de femmes jolies.

    C'cft dans les grands yeux fpirituels des Croles,qu'on trouve le contrafle

    heureux d'une douce langueur, & d'une vivacit piquante. Si l'pret du climatne rendait pas auffi paflagre la fracheur de leur teint

    , il ferait difficile de fedfendre d'un regard oij la tendrefe & une forte de gaiet , fc mlent fans fcconfondre. Mais fchant employer, avec un got exquis, les reflburces dlicatesque la toilette peut offrir

    ,fans rien emprunter du menfonge

    , les Croles , aidesde ces grces

    ,favent conferver l'empire que la nature leur a donn.

    Vtues avec une lgret que le climat exige , elles ne parafient que pluslibres dans tous leurs mouvemens

    , & mieux faites pour rveiller l'ide d'unevolupt d'autant plus leduifante

    ,que la nonchalance caradrife tous leurs

    mouvemens.

    L'tat de dfceuvrement dans lequel les femmes Croles font leves ; leschaleurs prefque habituelles qu'elles prouvent ; les complaifances dont ellesfont perptuellement l'objet ; les effets d'une imagination vive & d'un dve-loppement prcoce; tout produit une extrme fenfibilit dans leur genre nerveux.C'eft de cette fenfibilit mme

    ,que nat encore leur indolence qui fait s'allier

    leur vivacit,dans un temprament dont le fond eft un peu mlancolique.

    Cependant il ne faut qu'un dfir, pour rendre leur ame toute fon nergie.Accoutumes vouloir imprieufement , elles s'irritent raifon des obftacles ;& ds qu'ils ceiTentj l'infouciance renat. Sans mulation pour les talens agrablesqu'il leur ferait fi facile d'acqurir

    ,elles les envient , cependant , avec une

    forte de dpit,ds qu'une autre les pofTde. Mais ce qui les affele jufqu'

    les afliger, c'eft la prfrence que les charmes de la figure peuvent faire obtenir quelques-unes d'elles , fur les autres. Il eft mme facile de foupconner cetteantipathie

    ,ne d'une rivalit fecrte

    ,quand on remarque combien les femmes

    Croles cherchent peu fe runir,

    quoiqu'elles fe prodiguent les carelTes dsque le hafard les rafTemble,

    Les Croles portent l'excs leur tendreffe pour leurs enfans. Ce font ellesfurtout qui leur infpirent les plus fingulires fantaifies. J'ai affez dit combienleur aveuglement eft funefte ces enfans qu'elles ne commencent traiter enmres

    ,qu'au moment oxx elles confentent les envoyer en France , dans l'efpoir

  • FRANAISE DE SAINT-DOMINGUE.rj

    qu'ils y recevront une ducation cultive. Elles aiment auil leurs parens avecaffeftion, & leur en prodiguent chaque inftant les tmoignages les plus doux.

    L'amour, ce befoin,ou plutt ce tyran des mes fenfibles, rgne fur celle

    des Croles. Aimables par leur propre fenfibilit & par des moyens qu'elles netiennent que de la nature, fans impoliure

    , flins artifice, elles fuivent leurpenchant, qui, pour rendre parfait le bonheur de ceux qui en font l'objet,aurait peut-tre befoin de dpendre davantage du fentiment.

    Il faut cependant ajouter, que fi l'amour gare quelquefois les Croles, hdure de leur attachement pour le choix qui les rend coupables, rachterait leursfautes

    ,

    fi la dcence pouvait jamais ceffer de s'en ofFenfer.Heureufe la Crole

    ,pour qui les fermens de l'hymen ont t les vux de

    l'amour! Chrilfant fon amant dans fon poux,

    fa fidlit, plus communmentencore le fruit de fa nonchalante fagefle, que de la vertu qui fuppofe des combats& une viftoire

    ,ailirera leur tranquillit commune. Mais fi le mari n'a d'autres

    droits que ceux du devoir, qu'il redoute en les exerant defpodquement demeprifer ceux de la compagne

    ,fon exemple pourrait tre fuivi.

    Toutes ces difpofitions aimantes font que la perte de celui auquel ellestaient hces

    ,amnent prefqu'auftt un nouvel engagement. Aufii peut-on

    leur appliquer ce que M. Thibault de Chanvallon a dit des Croles d'uneaucre Colonie

    -," qu'il n'eft point de veuve

    ,qui

    , malgr fa tendrefle pour

    ies enfans,n efface bientt, par un nouveau mariage, le nom & le fouvenir

    d'un homme dont elle paraifTait perduement prife ". Peut-tre mme

    n'exifte-t-il pas de pays o les fcondes noces foient auffi communes qu'Sa.nt-Domingue

    , & l'on y a vu des femmes qui avaient eu fept marisL'attachement des Croles efl ml de jaloufie

    , & malgr leur indiffrencepour l'poux que les feules convenances leur aura donn

    , elles ne peuventlui pardonner fes infidlits. C'efl contre tout ce qu'elles peuvent fouponnerquel es s'irntent avec fureur. La jaloufie a donn la mort des femmesCroles qui n'ont pu fupporter le changement d. celui qu'elles idoltraientElles font mme capables de prfrer la perte de l'objet aim celle defa^tendrefl

    :tant cette odieufe paffion dnature tout

    , jufqu'au fentimentpieme ou elle prend fa fourceJ

    ^

    La danfe,

    mais la danfe vive a tant d'attrait pour les Croles qu'elless y livrent fans rlcrve

    ,malgr la chaleur du climat & la faiblelTe de leur

    af'

  • DESCRIPTION DE LA PARTIEconftit'jtion. Il femble que cet exercice ranime leur exigence, & elles faventtrop bien quels charmes nouveaux il donne une figure exprciive & une taille gracieufe

    ,pour qu'elles ne le recherchent pas avec ardeur. Il leur

    fait oublier l'indolence qu'elles paraiiT;nt chrir. On les entend mme prelTeria mefure qu'elles fuivent avec une prcifion rigoureufe , mais fans contrainte.Enfin telle eft l'erpcc de dlire oij la danfe les plonge

    ,qu'un fpelateur

    tranger croirait que ce plaifir eft celui qui a le plus d'empire fur leur ame.En voyant fTi que dans un bal la retraite de quelques femmes devient uniigp.al pour que les autres quittent la danfe

    , on imaginerait que ne formantqu'une feule famille

    ,elles ne jouiffcnt de cet amufement qu'autant qu'elles

    le partagent toutes. Combien il efh regrettable que ce mouvement de tcn-drefe apparente ait befoin d'un nouveau bal pour reparatre !

    Les Croles aiment le chant. Leur gofier facile fe prte agrablement auxairs lgers & aux airs tendres ; mais la romance efc ce qui leur plat d'avantage.Ses fons plaintifs femblent faits pour flatter leur difpoficion langoureufe

    , &elles en accentuent les expreflons avec une vrit qui fduit le cur aprs

    avoir charm l'oreille.La folituJe plat beaucoup aux femmes Croles qui y vivent volontiers

    ,

    mmxe au fein des villes. Elle leur donne un caraftre de timidit qui ne lesquitte pas dans la focit o elles rpandent peu d'agrmens ; moins qu'ellesn'aient appris en France fentir tout le prix d'une amabilit qu'elles faventrendre touchante.

    Les Croles font trs-fobres. Le chocolat,

    les fucreries, le caf au lait

    furtout , voil leur nourriture. Mais un got qui femble plus fort qu'elles,

    les porte encore refufer les alimens fains & leur prfrer les falaifonsapportes d'Europe ou des mets du pays

    , bifarrcment prpars & connus fousdes noms plus bifarres encore. L'eau pure eft leur boifbn ordinaire

    , maiselles lui prfrent par fois une limonade compofe de firop & de jus decitron. Les Croles ne mangent gures aux heures du repas , mais indifcinc-tement

    ,lorfqu'elles prouvent les dfirs d'un apptit dont elles fuivent toute

    a dpravation.

    Un fommeil trop prolong , l'inaftion dans laquelle elles vivent , descarts de rgime de toute efpce j des alimens mal choifis , des pafions vivesprefque toujours en jeuj telles font les fources des maux qui menacent les

  • FRANAISE DE SAINT-DOMINGUE.^i

    femmes Croles, & les caufes qui flctrinent fitt leur charmes : brillantes

    comme les (leurs,

    elles n'en ont aufli que la dure.

    Une autre caufe de cette rapidit avec laquelle les Croles perdent Se lesmoyens de plaire & leur fant

    ,c'eft l'habitude pernicieufe de les marier

    avant que la nature ait achev toute leur croiirance. Mres avant d'avoiracquis tout leur dveloppement

    ,elles ne donnent la vie qu'en abrgeant

    la leur. Gnralement fcondes,ibutenant leur grofleffe fans maladie & l'en-

    fantement fans accident,

    elles s'abufent fur ces avantages qui ne font dsqu' la faible fie de leurs organes.

    Il me lemble voir natre l'tonnement en apprenant que dans un pays ola tendrefTe maternelle eft une vertu exalte

    , les enfans prefTent un feintranger. Il n'cll: que trop vrai que s'il efl peu de femmes Croles qui netentent de nourrir leurs enfans

    ,il en efl trs-peu qui achvent de remplir

    ce devoir. Faibles par conftitntion & parce qu'on a ht le moment de lamaternit

    ,faibles parce qu'elles dtruifent leur eftomac & que le climat

    & peut-tre des vices hrdit.iires ont rendu le genre nerveux trs-irritable;

    les Croles font rduites folliciter d'une efclave Je lacritice de fbn fano-pour conferver l'tre qui elles n'ont pu donner que la vie. Mais leurs enfansfont nourris fous leurs yeux

    ,elles difputent leurs careiTes la nourrice qu'on

    afFranchit prefque toujours pour prix de ce bienfait ; enf^n les mres rach-tent par leurs foins , par leurs foUicitudes , l'impuiiTance oij elles fe trouventde fatisfaire une loi dont l'oubh eft quelquefois cruellement puni dansd'autres climats.

    Les femmes Croles ne reoivent aucune .ducation Saint-Domingue; &

    quand on les juge d'aprs cette obfervation, on eft tonn de leur trouver

    un fens auf jufte. Leur efpiic naturel,

    plus dgag de prjugs, donne leurame une trempe forte qui

    ,fi elle contribue les garer dans ce qu'elles veulent

    d'irraifonnable,

    procure leurs rfolutions bien diriges un caradre de ftabi-lit dont quelques dtrafteurs chagrins avaient prtendu que leur fexe taitincapable.

    On peut mme demander avec confiance aux femmes Croles un confeilds qu'il intreffe le fcntiment ou la dlicateffe. Doues d'une efpce de talqui vaut fouvent mieux que nos principes

    , elles fe portent naturellementvers ce qui eft prfrable. Fire

    ,indigne de tout ce qui avilit , mprifant

  • DESCRIPTION PAR

    t.>y

    plus que les hommes mmes,

    les hommes dgrads, une femme Crole

    partage vivement l'affront fait celui qu'elle aime. Il faut qu'il renonce fa tendreffe s'il eft capable de dvorer un affront j elle n'coutera jamais lesfoupirs d'un lche & prfrerait de pleurer fur fa tombe.

    Il n'eft malhcureufement que trop facile de leur prouver qu'on eft digned'elles cet gard. La plus grande preuve du peu de fociabiHt de Saint-Domingue

    ,c'eft le faux point d'honneur qui y matrife encore l'opinion.

    Dans un p:iys o la fortune fait tant de rivaux,

    il eft difficile de prendreces dehors polis qui font peut-tre les premires fauvegardes de la fureta particu-lire. L'habitude de commander aux efclaves & de ne trouver que de lafoumilTion, rend nceffairement le caractre un peu altier, & des Colons dfen-feurs de leur propres foyers, doivent tre domins par un prjug aufTi ancienque la Colonie ; il donne mme aux magiftrats un extrieur o-uerrier.

    Les Croles font auffi naturellement affables,

    gnreufes, compatiffantes

    pour tout ce qui porte l'empreinte de l'infortune & de la douleur, mais ellesoublient quelquefois ces vertus envers leurs efclaves domciques.

    Qui ne ferait rvolt de voir une femme dlicate qui le rcit d'un mal-heur moindre que celui qu'elle va caufer

    , ferait rpandre des larmes,prfider

    un chtiment qu'elle a ordonn ! Rien n'gale la colre d'une femme Crolequi punit l'efclave que fon poux a peut-tre force de fouiller le lit nuptial.Pans fa fureur jaloufe elle ne fait qu'inventer pour affouvir fa veno-eance.

    Ces fcnes affreufes qui font trs - rares le deviennent encore plus dejour en jour. Peut-tre mme les Croles perdront - elles

    , avec le temsce penchant pour une domination fvre

    , dont elles contractent l'habitudeds l'ge le plus tendre. Le foin d'en faire lever un trs-grand nombre enFrance

    ,l'influence des ouvrages qui font l'loge des vertus domeftiques &

    .qu'elles lifent avec attendriffement, amneront fans doute cette heureufe rvo-

    lution. Dj les Croles trouvent du plaifir adoucir le fort des efclavesqui les approchent i dj elles prodiguent aux enfans de tous leurs efclavesdes fouis qu'elles ddaignaient autrefois. Il eft plus d'une Crole eftimabledont le premier foin en s'veillant eft d'aller vifiter l'hpital de fon habita-tion

    , & de veiller ce que les maux des ngres foient foulages, & leurs

    peines adoucies. Quelquefois mme leurs mains dlicates prparent des mdj-anjens tandis que la onfolation coule de leur bouche perfuavive,

  • FRANAISE DE SAINT-DOMINGUE.,,

    Sexe charmant! Tel efl votre apanage, k douceur & la bont. C'cft pour

    temprer la fiert de l'homme, pour le captiver, pour lui rendre agrable lefo.ige de la vie, que la nature vous forma. Ne ddaignez donc pas 'de rgnerpar les moyens qu'elle vous a donns. Le fondateur d'une religion

    , en peignartavec des traits de feu un lieu de dlices ternelles, a fenti qu'il fallait, poui-.exciter l'enthoufiafme

    ,vous montrer dans ce fjour douces & belles

    , & il afduit par ce tableau vraiment enchanteur !

    Je ne prtends pas, dans ce tableau du caraftre des blancs qui habitentl'le Saint- Domingue

    ,avoir recueilli tout ce qui peut le diftingucr, mais

    feulement offrir les principales gnralits, qui en font comme labafe.' Il fcprfentera dans le cours de la Defcription de la Partie Franai/e

    ,plus d'un

    dtail relatif aux murs & aux caralres de fes habiians,

    plus d'une exceptionremarquable

    ,plus d'un fujet de louange ou de blme

    , & le Leteur attentifn'aura pas toujours befoin qu'on les lui indique

    ,pour en tre frapp. Il doit

    fentir,dsprfent, que dans une Colonie o chacun, apportant fes vices &

    fes vertus,

    fe dirige vers le temple de la fortune, flon fes opinions

    , k^befoins & les circonftances

    ,il doit y avoir des nuances fenfibles, mme des

    diffemblances abfoluesi

    Dessclaves.Quoioy les fclaves ne forment pas la clalTe q , dans la population

    , fuitimmdiatement celle des blancs

    ,il parat naturel d'en parier avant que de rien

    dire des affranchis,puifque ceux-ci offrent le rfultat modifi de l'efclavage des

    uns, & de la libert des autres.

    L'obfervation infpire par la population blanche , en ce qu'elle n'eft pas toutecompofee de Crol.

    ,doit tre rcnouvelle par rapport aux Efclaves

    , puifqueles deux tiers de ceux-ci ( qui font prefque tous ngres ), font venus d'Afriquetandis que le furplus eft n dans la Colonie. Il faut donc parler d'une manirediftincle de ces deux claffes

    ,qui ont , certains gards , des traits qui leur font

    plus ou moins particuliers

  • DESCRIPTION PARTIE

    Bes Efdaves venus d'Afrique.

    Saint-Domingue eR: le premier lieu de l'Amrique o il y ait eu desElclaves Africains , & perfonne n'ignore qu'ils y furent introduits comme culti-vateurs

    ,d'aprs l'avis de Barthlmy Las Calas

    ,qui en avait vu quelques-uns

    amens par hafard Saint-Domingue depuis 1505. Il propoTa de les fubiliitueraux naturels de l'le

    ,que le travail des mines rendait l'objet des plus cruelles

    vexations, & menaait de faire difparatre abfolument'de leur terre natale. L'idede Las Cafas , gar par l'humanit mme , fut adopte , parce qu'elle offraitdes moyens de plus ; car la cupidit ne cefla pas de moiffonner les malheureux

    Indiens.

    Toutes les Colonies franaifes des Antilles eurent , ds leur nalflance , des

    Efclaves Africains. Mais l'le Saint-Domingue en avait dj, puifque fespremiers conqurans en polTdaient alors , depuis prs d'un ficle & demi.On croira aifment

    ,que dans les commencemens des tentatives des Aventuriers,

    ils avaient peine quelques ngres qu'ils enlevaient, foit terre, foit dans leurs

    courfes marimes , leurs ennemis , & ce ne fut qu'en fe livrant la culture

    ,

    que les Colons franais connurent le befoin rel des Africains. On les vit mme

    ,

    pendant affcz long-tems, cukiver de leurs propres mains, aibcis des efpces

    d'efclaves blancs, appelles Engages ou Trente-fix viois , noms qui exprimaient

    l'tat fervile oij ils taient & fa dure.' Tourments du dfir d'aller provoquer la fortune dans les Colonies , unefoule d'individus fe vendaient en France pour trois ans , un capitaine de navire

    qui,pour prix de Leur tranfport , les cdait fon tour un Colon

    ,pour uns

    fomme convenue. Mais cet ulage , dont il eft affez remarquable que les Anglaisaient les premiers donn l'ide dans les Colonies de l'Amrique Septentrionale

    ,

    o il exifte encore aujourd'hui malgr leur indpendance , ne put pas fe fouteniraux les franaifes. Ce ne fut mme que jufqu' l'poque o le tabac fut l'objetprincipal & mme unique du commerce colonial, que les Engags furenttrouvs propres aux mmes emplois que les ngres. Mais la culture de l'indigo& furtout celle de la canne lucre , exigrent imprieufement des individusplus capables de rufter l'effet continuel d'un foleil ar,ientj & cette culture

    offran

  • FRANAISE DE SAINT-DOMINGUE. o^ofiVant Ton tour , dans fes bnfices , les moyens de payer les ngres que lescommcrans envoyaient prendre en Afrique

    ,le nombre des efclaves s'eft conti-

    nuellement accru iufqu'au nombre que j'ai dj indiqu, & qui b'ive

    maintenant quatre cent cinquante-deux mille.Les Engags qu'on avait continu de tranfporter en trs-petit nombre &

    que plufieurs lois exigeaient imprieufement que les armateurs des navires mar-chands envoyafient leurs frais

    ,ne furent plus que des chefs d'ateliers de

    ngres;mais depuis un grand nombre d'annes , il ne refte des Engags que

    le fouvenir de l'impt que le gouvernement leur avait fubftitu & qiri a tconverti d'abord en une fourniture de fufis que leur mauvaife qualit a faitjuflement rejeter ,& enfuite en une obligation de tranfporter des foldats , desofficiers ou des agens quelconques du gouvernement aux Colonies ou de celles-ci en France. On pourrait cependant ajouter que quelquefois le fouvenirdes Engags fert rprimer l'orgueil de ces hommes qui

    ,par des airs ddai-

    gneux,forcent l'amour-propre blef rechercher leur origine.

    Une grande partie de l'Afrique eft, pour ainfi dire , tributaire de l'Amrique qui elle donne des cultivateurs. Saint-Domingue pofsdc

    , lui feul, au

    moins les trois cinquimes des efclaves des les franaifes de l'Amrique.L'tendue de l'Afrique

    ,celle des parties o h triilte a lieu

    , les immenfesintervalles qui fparent ces diffrentes parties

    ,tout doit faire fntir que les

    murs des Africains runis dans les Colonies y forment un enfemble ol'on ne trouve pas exalement les moeurs particulires de ces divers peuples.AgUrant fur le moral les uns des autres

    ,les nuances du caraclre qui dilHn-

    gue l'Africain des autres habitans "du globe fe fondent en quelque forte enun tout qui ne conferve que le ton principal & qui fert montrer l'Africaindevenu colonial : c'eft cet enfemble que je veux tracer.Ce qu'il offie de plus remarquable & qui eft le moins fournis l'influence

    de la tranfplantatlon,

    c'eft l'infouciance dont on peut former par-tout lacaraclriftique du ngre. Elle eft chez lui , fans doute

    , l'effet d'une temp-rature qui rendant les premiers befoins infiniment borns

    , lui te tous lesfoucis & les foins que l'homme trouve dans l'ide de l'avenir. De cettedifpofition de l'ame doit natre invitablement l'indolence

    , & c'eft l'tat favoridu ngre. Priv de toute .lucation

    , livr tous les prjugs, toutes les

    terreurs de l'ignorance,

    il eft faible & craintif quoiqu'il puiffe s'lever auTom, I, jy

    I

  • "r"T^"-"'^

    f

    2*5 DESCRIPTION DE LA PARTIEmpris des dangers phyfiques

    ,prclfraent parce que fon imagination perd

    fon empire leur gard.

    Les qualits corporelles varient extrmement chez les ngres raifon desdlffrens points de l'Afrique o ils ont reu le jour. Pour mieux remarquerces qualits , la manire la plus sre eft de les obferver dans leurs rapports

    ai'ec ces lieux eux-mmes ; d'autant qu'elle fera voir de combien de peuplesli population noire de la Colonie eft tire.

    Lcrfqu' la naiffance du feizime ficle , les Portugais commencrent introduire quelques ngres en Amrique , ce furent les environs du Sngaqui les fournirent^ & c'eft encore la partie la plus Septentrionale de l'Afriqueo l'on va chercher des efclaves. On y amne quelquefois auffi , en trs-petit nombre il eft vrai, des Maures , des defcendans ou des vili mes de ces

    Arabes procrs d'Ifmal , qui l rpandirent comme un torrent dbord dans

    l'Afrique vers le milieu du feptime ficle & dont les connaifTances tonnentencore l'Europe qu'ils ont contribu clairer. Ces Maures ou Arabes , placs

    le loncr du fleuve Sngal , font une guerre cruelle aux ngres leurs voifms

    & vont mme de trs-grandes diflances dans l'intrieur de l'Afrique che.r-cher des efclaves qu'ils vendent , ainfi que leurs prifonniers ngres , pour payer

    un tribut l'Empereur de Maroc fous le joug duquel ils font courbs.Malo-r l'infriorit de leur nombre , les Maures ufent envers les Ngres d'une

    audace qu'on a de la peine concevoir , & c'eft dans les cas extraordinai-rement rares o ceux-ci rfutent avec fuccs , qu'ils vendent quelquefois,

    leur, tour , parmi d'autres ngres , des Maures , qu'ils maffacrent le plus fouvent

    tant ils les haiTent. C'eft ainfi qu'on a vu des Maraboux , livrs par les

    no-res fur lefquels ils exercent cependant .un empire d'autant plus abfolu

    qu'il eft fond fur la fupcrftition , aller montrer une colonie conquife autre-

    fois par les Efpagnols , des efclaves ilTus de ceux qui furent auffi autrefois

    les conqurans de l'Efpagne.

    Les ngres Sngalais , furent encore les premiers qu'apportrent aux Colons

    frana