dictionnaire historique de l'antiquité

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  • SO

    DICTIONNAIREHISTORIQUE

    ISONNAGES CLBRES DE L'ANTIOUIT.

  • J,E NOKMANT F1I,S, IMPRIMKUft )V HOI,

    KUK nK SEINK, k" 8.

  • DICTIONNAIREHISTORIQUE

    DES PERSONNAGES CLBRES DE L'ANTIQUIT,Pr.l^CES, GNRAUX, PHILOSOPHES, POETES, ARTISTES, ETC.;

    DRS Dieux , BKROS DE LA FAIILS ; DES VILLES , rLECVKS, ETC. ;

    AVEC

    L'TYMOLOGIE ET LA VALEURDE LEURS NOMS ET SURNOMS ;

    PRCD

    D UN ESSAI SUR LES NOMS PROPRESCHEZ LtJ PEIPLM ANCIENS ET MODERNES;

    r .Ti F. NOL,leur-t^rn'Tj' 4ii .in les, membre de la Lgion-d'Honneur

    iTS Socits savantes.

    SECONDE EDITION,REVUE

    ,CORRIGE ET AUGMENTEE.

    Ktv(vvV; apa tiyai pav/ov v t5 vofxaro; ui

  • 'DEs.A/6

  • PREFACE.

    J'ai souvent entendu , dans la conversation,

    demander le sens d\m nom propre , surtout desgrands hommes de la Grce ou de Piome

    ,et

    exprimer le dsir de voir paratre un ouvrage ol'on pt au besoin satisfaire cette curiosit, dsird'autant mieux fond

    ,

    que la plupart de nos pr-noms ou noms de baptme sont tirs des languesgrecque et latine. Un savant italien avait jug cesujet assez intressant pour lui consacrer sesveilles, lorsque la mort le prvint. Cette anecdote

    ,

    qui m'a t raconte par M. de Villoison,m'a

    confirm dans le projet que j'avais de m'en occu-per. En effet

    ,

    je ne connais pas d'ouvrage ocette matire ait t traite ex professa. On trouvebien et l, dans les philologues, des traces decette sorte d'rudition; mais elles sont parses

    ,

    sans ordre et sans mthode, et cotent des re-cherches longues, pnibles, et souvent infruc-tueuses.

    D'ailleurs , c'est rarement sous le point de vuede l'tymologie que ces auteurs ont envisag lesnoms propres; ce qui rduit peu de chose lessecours qu'on cherche dans leurs crits.

    Je me suis fortifi dans mes ides en remar-quant qu'il n'y avait aucune tymologie de nompropre dans l'ouvrage estimable publi par M. Mo-rin , sous le titre de Dictionnaire tymologiquedes MotsJranais drics de la Langue grecque ;j'ai pens que ce nouveau lexique rparerait cetteomission

    , et ferait en quelque sorte le complmentdu premier; et sans me flatter du mme succs

    ,

    je

  • 2 PREFACE.

    me suis propos le mme but, l'utilit publique.Je n'avais d'abord le projet que de donner les

    noms grecs ; mais les noms romains n'ayant pasune valeur moins dtermine, j'ai cru qu'on mesaurait gr de les joindre aux autres, et j'ai con-sult avec le mme soin les sources que j'espraistrouver les plus sres et les plus abondantes (i).

    Les historiens sont ceux qui doivent prsenterune plus riche nomenclature ; je les ai parcourus,sans oublier les crivains qui , comme Elien

    ,

    Diogne Larce, Athne, etc., offrent un grandnombre de noms propres.On a dit des tymologies qu'elles taient comme

    les bons mots : plus on les recherche , moins onen trouve ; aussi plusieurs personnes sont-ellesprvenues contre les tymologistes

    ,

    qui ne sontpas, il faut en convenir, toujours heureux dansleurs dcouvertes. Mnage , dont les tymologiessont souvent tires, avouait qu'il tait difficiled'assigner avec certitude l'origine de tous lesmots. En cela il tait de l'opinion de Cicron

    ,

    qui disait de Chrysippe : Magnam molestlamsuscepit Chiysippus ^ reddere rationem omniumvocabulorum ; Chrysippe a form une pnibleentreprise , celle de rendre raison de tous lestermes ; et Cicron lui-mme s'est souvent garsur les pas de Platon. Cependant l'exercice n'enest pas ngliger. Les stociens en faisaient unedes bases de leur philosophie ; les jurisconsultesromains y trouvaient quelquefois la solution desdifficults les plus importantes et l'explication desantiquits de leur jurisprudence. C'est sur leur

    (i) On a cru devoir joindre celte nouvelle dition lesnoms des personnages les plus importons de l'Histoire sainte

  • PRKACE. 3autorit que Ciccron adopte l'tymologie de^tles,qui venait, selon eux, de l'exactitude faire cequ'on promet: Credamus

    ^

    quia Jiat quod dictiime$i, oppellatam fidem. Quintilien combattait lesdtracteurs de cette science utile, et par l'^tuto-rit de Csar, qui ne ddaigna pas ^''crire unouvrage sur l'analogie, et par des "aisons nonmoins solides que des autorits, concluant ainsi :Minus igifuj' ferendi sunt qui hanc arfem utienuem et jcjunam caillantur

    ^qu nisifunda-

    rnenta jideliier jccerit^quidquid supersiruoceris

    corruet; N'coutez donc pas les dtracteurs decet art (ju'ils rabaissent comme frivole et strile

    ;

    c'est un fondement ncessaire sans le secoursduquel tout s'croule. Tel tait aussi le senti-ment de Locke, qui regarde l'tymologie commesi utile

    ,

    qu'il n'a pas craint d'y consacrer unepartie considrable de son Trait de VEntende-ment. Il est constant , dit le prsident Des- brosses

    ,

    que cette matire , considre avec des vues mtaphysiques , devient une partie essen- tielle de l'histoire de l'esprit humain. Diderottrouve aussi dans le rsultat de la science tymo-logique une partie importante de l'analyse d'unelangue , c'est--dire la connaissance complte dusystme de cette langue

    ,de ses lmens radi-

    caux,de la combinaison dont ils sont suscep-

    tibles : selon lui, le fruit de cette analyse est lafacilit de comparer les langues entre elles soustoutes sortes de rapports

    ,grammatical

    ,philo-

    sophique, historique, etc. (i)

    (i) C'est ce qu'a bien enli l'auteur d'un Dictionnaire desSciences et des Arts, M. Lunier; et c'est avec justice qu'onlui a fait un mrite de ne laisser aucun mot sans une tyrao-logie, qui souvent est une vritable dfinition.

    1.

  • 4 PRFACE.Si ces rflexions peuvent avec justesse s'appli-

    quer l'tymologie des mois en gnral, qui,dans les langues primitives

    ,ont t forms

    ,

    tantt d'aprs le sentiment que font prouver lesobjets qu'ils dsignent, tantt d'aprs la sensa-tion qu'ils excitent, quelquefois par onomatopeou imitation de son , combien plus ne trouvent-elles pas leur application dans l'tymologie desnoms propres

    ,

    qui pour la plupart ne sont dansl'origine que des noms appellatifs, soit simples,soit composs, et combien l'lymologiste a moins craindre de se perdre ! A-t-il remont au nomappellatif , sa tache est finie ; il s'abstient de faireun pas de plus, parce que ce pas l'engagerait dansles routes de l'arbitraire.

    Voil le principe que j'ai suivi; je me suis atta-ch en gnral des explications simples et natu-relles. Ce n'a t que par respect pour Platon etpour Cicron que j'ai rapport les tymologiesforces qui taient tant du got du platonisme ; etlorsque j'ai essay de remonter aux radicaux denoms moins ordinaires, je ne l'ai fait qu'avec laplus grande circonspection.

    Mais tous ces soins n'auraient abouti qu' pro-duire une nomenclature sche et fastidieuse. Quoi-que l'tymologie ft l'objet principal de l'ouvrage

    ,

    j'ai cherch le moyen d'y remdier : pour y parve-nir, j'ai prsent dans des esquisses rapides, lestraits caractristiques des personnages clbres,tels que les victoires d'un conqurant, les prin-cipes politiques d'un prince, les dogmes d'un phi-losophe , les chefs-d'uvre d'un artiste , les dits etfaits mmorables, les anecdotes peu connues, etc. enfin tojit ce qui pouvait rendre cet ouvrage plusattraya'nt pour les jeunes gens , auxquels il estsurtout destin.

  • PREFACE. J

    Sans doute,

    quelques soins que j'aie mis mesrecherches, des noms me seront chapps; maisce ne seront vraisemblablement que des nomsobscurs, et d'ailleurs, l'habitude de dcomposerles termes et de remonter aux radicaux, contractepar l'usage de ce Dictionnaire , suffira pour mettresur la voie, et donnera le secret des autres d-compositions.La manie qu'ont eue les savans depuis la renais-

    sance des lettres, de se masquer d'un nom grecou romain, m'a fait penser qu'il me serait permisde lever ce masque et d'emprunter ainsi quelquespersonnages l'histoire moderne; mais ils sont enpetit nombre , et c'est l'histoire ancienne qui estla base et le fond de l'ouvrage.

    Je l'ai fait prcder d'un Essai his/ori^iur sur'les JSoms propres, dont les articles du Lea;i(jiiesont pour ainsi dire les pices justificatives. Cesujet n'a jamais t trait , du mioins comme jel'ai conu , et donnera peut-tre l'ide d'un travailplus rgulier et plus complet.

    C'est dans cette vue que j'y ai joint une Noticeanalytique des sources o j'ai puis

    ,mthode qui

    tait celle des anciens rudits, et que bien des per-sonnes dsireraient voir renatre comme un garantde la bonne foi, du scrupule et de l'exactitude desauteurs.

    Un autre but non moins important que je mesuis propos dans la publication de ce Diction-naire

    ,c'est de contribuer pour ma part ressus-

    citer le got des solides tudes , et surtout celuide la langue grecque

    ,qui renaissent de toutes

    part^ , et qui nous promettent pour le sicle oijnous sommes une rvolution heureuse dans leslettres et dans les murs, lesquelles ont entreelles un rapport beaucoup plus intime qu'on ne le

  • n PRFACE.pense. Si ce but est rempli, je ne regretterai nimon temps ni mes peines; et ce prix, je souf-frirai qu'on m'applique cet ingnieux apologue :

    L'horizon s'empourprait des derniers rayonsdu soleil , lorsqu'un plerin se trouva gar dansle fond d'un bois , thtre de meurtre et de bri-gandage. Il errait depuis long-temps, le curpalpitant d'pouvante, lorsqu'il arrive en un en-droit o la route se partageait en deux. Plein d'unnouveau trouble , il s'arrte , et s'crie en soupi-rant : '< Ah ! qui me remettra dans mon chemin i* Son il effar se porte de tous cts, et dcouvreenfin , droite , une colonne leve dont le brastendu indiquait la route. Il y lit ces mots : Dans

  • V,

    ESSAI HISTORIQUESUR

    LES NOMS PROPRES.

  • ESSAI HISTORIQUESUR

    LES NOMS PROPRESCHEZ LES PEUPLES ANCIENS ET MODERNES.

    RFLEXIONS PRELIMINAIRES.JLe nom , en gnral , suivant la dfinition la plus ordinairc-naent reue, est le terme dont on a coutume de se servir pourdsigner une chose ou une personne. Cette dfinition est fon-de sur la valeur du mot nomen, que les tymologistes d-rivent, ou du verbe nosco (i), parce que, dit Cicron (2), ilest la marque caractristique qui fait connatre chaque chose,ou du mot grec ovof^a, o Platon, par une dcomposition unpeu subtile, trouve ov pas^at , rechercher l'origine de l'tre (3).

    Pythagore rapportait l'imposition des noms une souve-raine sagesse , et c'est en ce sens que Platon disait que c'taitaux sages de les imposer aux choses.

    Epicure, qui ne remonte pas si haut, convient au moinsque les noms sont l'effet de la premire ide que les hommesse sont faite des objets qu'ils dsignent; et, quant la diver-sit des langues, il l'explique par la diversit des impressionsreues en divers climats.

    Nigidius, dans Aulugelle, en examinant cette question fa-meuse dans les coles de la philosophie ancienne, si les nomssont naturels et fonds en raison

    ,ou positifs et arbitraires, se

    dclare pour la premire assertion (4).

    (i) Noscime?i , nouimen, notameii, notiinen.,(2) Qndd vei nota est. Cic.(3) Une troisime tymologie est v/ofiat , tre utile, parce que son

    usage sert faire connatre les choses; et une quatrime vfj.tiv, dis-tribuer, vofjto;, loi, le nom donnant chaque chose sa valeur, commela loi chacun ce qui lui appartient.

    (4) *u(T rot ovo^^ara si'iit , v) Oce: , lib. X, cap. 4- Le passage de Nigi-dius ressemble un peu la scne du Bourgeois Gentilhomme prenantaa Icfon de grammaire.

  • 'O ESSAI HISTOUIQIP.

    C'tait aussi l'ide des stociens, lesquels, aussi bienqu'Aristote, cherchaient dans la proprit des noms la vritdes choses.

    Il est en effet assez probable que, lors de l'existence d'unenation et d'une langue primitive, les noms ont t imposs,non arbitrairement et par un effet du hasard, mais naturelle-ment et avec connaissance de cause; et lorsqu'Adam donnale nom tontes les cratures sublunaires, on en doit conclurequ'il possdait au plus haut degr la connaissance intime detous les objets de la nature , de leurs proprits et de leurseffets (i), connaissance que l'homme ne perdit pas tout--fait aprs sa chule, comme semblent le prouver les noms despremiers patriarches.On peut donc supposer qu'il a exist un temps o les noms

    taient imposs avec assez de raison pour que chacun d'euxexprimt la nature de chaque chose et cela avec autant deprcision que de justesse.

    Mais la confusion des langues et la dispersion des premiresfamilles, multiplies au point de former diverses peuplades,qui bientt se subdivisrent elles-mmes en une infinit derameaux; la naissance de nouveaux besoins et de nouveauxrapports, produits ncessaires d'une socit plus nombreuseou plus avance, toutes ces causes, et une foule d'autres,durent, en donnant lieu la cration de signes nouveaux,altrer la valeur des anciens , en faire perdre de vue les no-tions primitives , et introduire dans le langage le peu de con-venance qui se trouve souvent entre le signe et la chose signi-fie. De l vient qu'il y a peu de noms qui manifestent lanature des choses

    ,que la plupart expriment rarement les

    proprits du sujet; et au lieu que dans l'origine ils furentadopts par les chefs de famille conformment une tradi-tion tablie, ou donns par les sages d'aprs une analogie bienreconnue, ils ont fini par tre soumis au caprice du peuple

    ,

    qui les a assigns fortuitement et sans rflexion, et mesureque le besoin s'en est fait sentir dans l'usage de la vie : de l

    ( 1 ) Les rabbins ont travesti leur manire cet endroit de la Gense : Sammal , distiit-ils , le prince des anges, et quelques autres deson parti, tonns que Dieu prt tant de soin de ce premier Iiommc,lui demandrent de quel usage ce soin pourrait ctrc, et quelle enserait l'utilit. Dieu rpondit que l'excellence d'Adam surpassait celledes auges, fit \cmr des quadrupdes et des oiseaux, pour voir s'ilspourraient les nommer. Sur quoi ils avourent leur ignorance. Adam ,au contraire, ne fut pasplus tt interrog sur leurs noms, qu'il rpon-dit : Celui-ci csl un buf, celui l un lion, cet autre un aigle, etc.

  • SVn LES NOMS P&OPRES. > >

    la diflicultc d'ap|)rofoiidir comment s'est faite l'imposition desnoms, accidenlellciiitnt ou d'une manire judicieuse.Ce que je viens de dire des noms en gnral peut s'appli-

    quer aux noms propres, dont l'objet est, pour l'ordinaire, dedistinguer les individus, ou de prsentera l'esprit des tresdtermins par l'ide d'ime nature individuelle. Mais outrecette premire fonction, sans doute que, dans le principe,ils eurent encore une autre destination. Chez les Hbreux,par exemple , les noms s'imposaient , ou d'aprs un ordre divin,ou conformment aux avantages dsirs la personne nomme

    ,

    ou d'aprs les circonstances de la naissance des enfans. Platonn'a donc pas tort de soutenir, dans son Cratylus, qu'il y a sou-vent un rapport certain entre le nom propre et le personnagequi le porte; et, partant de ce principe, de supposer qu'engnral les noms n'ont pas t donns au hasard et au gr d'uncaprice aveugle, inais qu'ils eurent d'abord une analogie relleavec le caractre , les vices et les vertus , la profession , etc. des

    individus qui les reurent. Mais il va trop loin aussi, lorsqu'illeur reconnat une sorte de vertu prophtique, une espce defatalit entranante qui dtermine la manire d'exister, commeAgis, Agsilas, etc. qui, dit-il, annonaient d'avance lecommandement, l'autorit dont ces princes ont t revtus.

    r~ Une opinion plus probable , c'est que les noms propres n'ac-L,quirent une signification individuelle qu'en vertu d'un usagepostrieur; car on peut regarder comme un principe gnral,que le sens tymologique de ces mole est constamment appella-tif. Peut-tre en trouverait- on plusieurs sur lesquels on ne pour-rait vrifier ce principe, parce qu'il serait impossible d'en assi-gner la premire origine; mais, par la mme raison, l'on nesaurait prouver le contraire : au lieu qu'il n'y a pas un nompropre dont on puisse assigner l'origine, dans quelque langueque ce soit, que l'on n'y retrouve une signification appellativeet gnrale.En hbreu , tous les noms propres de l'Ancien Testament

    sont dans ce cas : il en est de mme chez les Grecs; tmoinAlexandros, 'brave dfenseur; Aristoteles, 'but excellent;Philippos, qui aime tes chevaux, etc. , et chez les Latins,Lucius, n au -point du jour ; Servius, n esclave, etc. :observation qui peut se faire avec le mme succs sur les nomspropres des langues modernes (i).Ce serait, au reste, une conclusion fausse que celle par

    laquelle on infrerait de ces rflexions prliminaires que ce

    (i) Voyez It' rh;ipilrt dcn Noms propres chez lis Natictis modernes.

  • 2 ESSAI HISTORIQUErapport entre les noms el Jes individus a toujours quelquechose de rel. Si l'on en trouve comme Alexandre

    ,Dmos

    thne (i),etc.

    , o ce rapport ne peut se mconnatre , com-bien en est-il d'autres qui

    ,pour avoir une valeur dtermine

    ,

    n'ont pas pour cela plus d'analogie avec les personnes? Maiscette difficult cesse d'en tre une, lorsqu'on rflchit que telnom a convenu au premier qui l'a port, et n'a pu convenir ceux de ses descendans chez lesquels il s'est perptu , soit p;irune suite de l'usage qui a d s'introduire de bonne heure parmiles hommes de faire porter au fils le nom de son pre, soit afinque ce fils trouvt dans le nom glorieux d'un de ses anctres unmotif d'mulation. Ainsi, pour ne pas sortir de l'exemple all-gu ci-dessiis, supposons que, suivant la coutume des Ath-niens, le fils de Dmosthne et donn au sien le nom de sonaeul, n'et-il pas t extrmement possible que la valeur dece nom {force du peuple), tellement propre cet illustre ora-teur qu'elle semble avoir t imagine aprs coup, n'et euaucime convenance avec la vie, les inclinations et les talens dupetit-fils ? C'est sans doule ce qui est arriv plus d'une fois

    , et

    voil pourquoi les noms, de prcis et de significatifs qu'ils ontt d'abord, sont devenus par la suite vagues, arbitrairi;S etindtermins

    ,malgr les efforts de tous les peuples pour les

    rapprocher de leur destination premire.1- Kn effet, si l'on consulte l'histoire, on remarquera queI toutes les nations ont attach une grande importance l'impo-

    sition des noms ; et peut-tre est-il assez piquant d'observerque, dans les temps mme o l'on faisait un crime aux enfunsde s'appeler comme leurs pres, on n'a pas manqu d'allerchercher dans tuie antiquit trs-recule des appellations plusou moins pompeuses, preuve que la vanit des noms peutfort bien s'allier avec les prtentions de la philosophie; si tou-tefois ce n'est pas profaner ce terme auguste que de l'appliquerau dlire et la draison.

    Il est vrai que cette importance a pu quelquefois paratreridicule aux yeux du bon sens; mais il ne faut pas confondrel'abus avec la chose, et il n'est pas possible qu'un usage qui seretrouve chez tous les peuples ne repose pas sur des fondemenssolides.

    Au reste , mon objet n'est pas d'en rechercher les causes; ilne s'agit ici que d'rudition

    ,et non de raisonnement. J'ai pro-

    mis des recherches et non pas des discussions. C'est l'homme

    (i) Voye7 dans ce Dictionnaire les articles j4(/raste , Ai:amemtwn ,Priam , etc.

  • SUR LEd NOMS PaOFRtS. l3

    d'Etat i\ mditer sur une question qui intresse plus qu'on necroit peut-tre la reconstruction du corps social. L'rudit seborne recueillir les faits; le philosophe tire les consquences.

    Contentons-nous donc de tracer d'une manire rapide l'his-torique des noms propres chez les peuples anciens et modernes

    ,

    objet exclusif de ce modeste essai.

    www %%v\^

    CHAPITRE PREMIER.Des Noms propres chez les Hbjxux.

    Ce n'est pas sans raison que je mets cette nation la ttedes autres

    ;presque tous les noms hbreux ont une valeur ana-

    logue aux qualits des personnes, ou aux circonstances danslesquelles elles naissent, soit qu'ils soient le fruit d'une rvla-tion particulire , soit qu'ils soient dus au choix libre desparens : c'est ce qu'on verra dans le cours de ce chapitre.

    Dieu mme, au rapport de saint Jrme (i), a dix noms quiont t manifests dans l'Ecriture.Le premier est El, que les Septante interprtent, Etre-

    Dieu.Le second, Elohim, qui a la mme signification.Le troisime, Elod, qui drive de El.Le quatrime, Sabaoth, des armes; titre que prend Dieu

    dans les prophtes Isae, Jrmie, Amos, Agge et Mala-chie (2).

    Le cinquime , Hlion 3 qui signifie Trs-Haut (3).Le sixime a t rvl Mose par une faveur spciale :

    Ego sum qui sum (4)-Le septime, Adona, qui signifie ie Seigneur , et que Dieu

    dfendit Mose de rvler au peuple hbreu (5),Le huitime, La, pris de la dernire syllabe du mot all-

    luia, qui veut ite louez le Seigneur.Le neuvime, Tetragrammaton, qui est crit de quatre

    lettres, est ineffable. Philon remarque qu'il n'tait pas permis

    SEpist. ad Marcell. i36.Isae, cap. 54, Jerem, i , Amos , 5 , Agg. i , IHalach. 1.

    f 3) Ps. 90.'4) Exod.y cap. i3.(5) Exod., cap. 6.

  • l4 ESSAI HISTORIQUE

    de profrer ce nom hors du temple. Depuis la mort de Simonle juste, on ne le pronona mme plus dans le sanctuaire, depeur qu'une oreille profane ne le recueillt ; et les anciens ne ledirent leurs enfans et leurs disciples qu'une fois en septans, et partout on lui substitua le nom d'Adona. Quand onprononce ce nom, dit le Talmud^ il faut que ce soit avec laplus grande prcaution et dans un cas de ncessit urgente;car celui qui le prononce met dans sa bouche le monde entieret toutes les cratures qui le composent.

    Le dixime, Sida, c'est--dire, qui abonde en touteschoses.

    David, parlant du nom de Dieu, l'appelle grand, saintet terrihie (i).

    Dans Zacharic , le Seigneur Dieu des armes donne la qua-lit ^''Orient au Messie son fils (2).

    Isae lui applique le nom d'Emmanuel,

    qui veut direDieu avec nous; et ailleurs il le traite d'admiraie (3).Aux yeux des Hbreux , ces noms taient pleins de mystres

    ;

    aussi avaient-ils en telle vnration la science des noms, qu'ilsla mettaient mme au-dessus de la loi crite. C'est ce qu'ilsappelaient la Cai?aie. A les entendre. Dieu avait donn la con-naissance de ces noms sacrs aux patriarches et Mose; ellen'a point t crite, mais grave dans l'esprit des saints, et con-tinue, par une tradition non interrompue, entre les prophtesvenus depuis eux. Les grands hommes d'Isral n'ont rien faitde merveilleux que par la force des noms divins ; et si l'on pou-vait les assembler et les prononcer avec le respect et la puretrequis , on produirait des prodiges aussi admirables que dans lessicles passs. Aussi les Juifs contemporains de Jsus-Christ pr-tendaient-ils qu'il ne faisait des miracles que par la vertu puis-sante du nom ineffable Jehovah (Jaoa), dont il connaissait lavritable prononciation. C'est pour cela, disent les rabbins,que le nom d'Ose , fils de Nun , fut chang en Josuah, causede la lettre initiale du etragrammalon , chaque personnagedistingu du vulgaire dsirant insrer dans son nom un de cesdivins caractres pour se rendre plus respectable ; c'est pourcela que Josu, gnlce cette addition, fut mis par Mose latte des explorateurs qui allrent reconnatre la terre pro-

    mise.Cette opinion des Juifs semble avoir t partage par les

    (i) Psalm. y8 et no.(2) Cap. 6.(3) Cap. 7 et g.

  • SUR LES NOMS l'HPRES. tj

    Pres de la primitive Eglise. Origne (i) remarque qu'il y aune puissance secrte et miraculeuse dans quelques nomssacrs , et Eusbe (2) observe que , par un mystre merveil-leux , le nom ineffable de Dieu comprend les sept voyelles dansles quatre lmens de grammaire dont il est compos.Au commencement du monde, les individus n'eurent chez

    les Hbreux qu'un seul nom propre, qui exprimait ce que lesparens dsiraient l'enfant, ou qui procdait de quelque occa-sion ou de quelque vnement. Ainsi, Adam signifie hommede terre rouge, parce qu'il fut form du limon de la terre;Abel, rien ou vanit, parce qu'il n'eut pas de ligne; Seth,rsurrection, car il fut choisi pour rparer la perte d'Abcl;Mathusal, dieu de mort, toute sa gnration tant dvoueau dluge; Lameth, frappant, parce qu'il tua Can; Noach,repos, etc.Edom, qui veut dire sanguin et rouge, tait un des noms

    d'Esau,qui tait roux. Jacob signifie qui supplante, ou tient

    par ie taion, parce qu'il voulut ravir son frre le droitd'anesse; Isral, autve nom de ce patriarche, voyant Dieu,pour avoir combattu toute une nuit contre l'Ange du Seigneur.

    Dans le seizime chapitre de la Gense , Ismal s'interprtel'homme ayant entendu

    ,parce que Dieu avait ou les

    plaintes d'Agar dans le dsert.Ruben, premier fils de Jacob et de Lia, est interpit, fils

    de vision; Simon, leur second fils, audition; Levi, troi-sime, addition; Juda, quatrime, louange; Lia, sa mreayant rendu grces Dieu au moment de sa naissance (3); Dan,cinquime fils de hi\d\A, jugement, comme chef de la tribudes Juges; Nephthalim , sixime, il m'a converti; Jacobprophtisa de lui qu'il aurait un beau^langage; Gad, septimefils, issu de Zelpha, heureux; Aser, huitime, gras, parceque son pre prdit qu'il serait un pain gras, et les dlicesdes rois; Issachar, neuvime, issu de Lia, mon loyer: sonpre le nomma Ane fort, parce qu'il eut beaucoup de peine cultiver la terre qui lui chut en partage, et qui s'tendaitprs du Jourdain et du mont Carmel; Zabulon, dixime,hahitation, son pre ayant annonc qu'il habiterait le rivagede la mer et le port des navires; Joseph, onzime, fils deRachel, accroissement; et Benjamin, douzime, son frrede pre et de mre, fds de la droite et de vertu : inlerprta-

    (1) Homil. 5, contra Celsiim.{i) Prpar. evangel., l. XI

    ,cap. 6.

    {s) Gnes.,

    c. 9.

  • l6 ESSAI HISTOBIQCE

    lions qui ont donn lieu aux devises en forme d'armoiries,attribues ces douze patriarches.

    Ces noms des douze enfans de Jacob, chefs des tribusd'Isral, taient gravs, selon l'ordre de leur naissance, surles douze pierres prcieuses qui ornaient le ralional (i), et quiaccompagnaient la pierre nomme Dabir (oracle), sur laquelletait grav le nom de Dieu. Josephe nous apprend que cesdouze pierres taient appeles sardoine, topaze, meraude,escarboucle, jaspe

    ,saphir, lyncure, amthyste, agate, onyx,

    chrysolilhe et bryl.Aaron s'explique par montagne; Salomon par pacifique,

    cause de la paix de son rgne; Phares, dont les Pharisiensdescendirent, par division; Daniel, ^iv.rjugement , en m-moire du jugement clbre qu'il rendit en faveur de l'inno-cence de Suzanne, contre les deux vieillards ; Elie, par DieuSeigneur

    ,pour exprimer son zle contre l'idoltrie. Job,

    aprs son rtablissement, appela la premire de ses filles Jemi-mah, jour , etc.

    Cependant, si tous les noms hbreux ont une valeur, onn'en peut conclure que cette valeur a toujours t analogue quelque circonstance de la vie des individus. Il est arrivsans doute chez ce peuple, comme chez tous les autres, queles noms, convenables peut-tre aux chefs des familles, n'ontplus eu aucun sens , ou du moins aucun rapport avec leurs des-cendans.En effet, si h nom de tribu se prenait d'un des douze fils de

    Jacob, celui de la famille tirait son origine de quelque neveuou descendant clbre de ces patriarches. Ainsi, les Nazarens,descendus de Jonadab, fils de Rechab

    ,porlreot le nom de

    Rchabites,qu'ils rendirent illustre par leur sobrit. Ainsi

    ,

    tout Juif du nom de Jean n'est pas pour cela plein de la grcedivine s et Absalon, inquiet, ambitieux, rebelle, ne fut rienmoins que pre de la paix.On ne voit pas dans l'Ecriture que les Hbreux aient connu

    l'usage des surnoms. En gnral , il n'y avait chez eux , commede tout temps chez les Arabes, qu'un moyen pour distinguerles familles , et ce moyen consistait exprimer la suite deson nom de qui on tait fils. On disait : Saiii , fiis de Cis;David, fils d'Isa, etc.

    Si dans la suite, comme le veulent quelques crivains,entre autres Philon , ils en prirent jusqu' trois, ce ne fut

    (i) Ornement en forme carre, que portait sur sa poitrine le grand-prtre de la loi ancienue.

  • SrE LES NOMS PROPRES. IJ

    probablement qu'aprs leur couimerce avec les iiiUions tran-gres, aprs la disp;frsion des tribus, et surtout lorsque laJude devint une p;'ovince romaine , comme le prouvent lesnoms de .Tude Thsfde, Simon Barjone, Judas Barsabas : en-core le ralibin Abravanel remnrque-t-il que celle multiplicitde noms n'avait lieu qu'en faveur de ceux qui excellaient parleurs vertus ou leurs talens, et ne date-t-i! cet usage que de-puis la construction du second temple.

    Les femmes ne paraissent galement avoir port qu'un nompropre ; mais il n'est pas toujours ais de dcider si ce nom aquelque rapport avec la personne nomme. En effet , si Agar(tranfjcre)

    ,par exemple, a une valeur propre, puisqu'elle

    tait gyptienne, on ne peut apprcier galement la conve-nance du mot Dalila (pauvre) avec la courtisane de ce nom;de Dbora [abeille) , avec la prophtesse ainsi nomme, etc.On peut appliquer aux noms de femmes les rflexions que

    nous avons faites sur les noms des hommes.Chez les anciens Hbreux le nom se donnait l'enfant lors

    de la circoncision , laquelle se faisait le huitime jour de lanaissance : cette poque est choisie de prfrence, disent lescommentateurs qui ont le bonheur de tout expliquer

    ,parce

    que cette opration mettant l'enfant en pril, et les parensn'ayant pas encore eu le temps de s'attacher lui , la perte leuren serait moins sensible, s'il venait mourir en ce moment.

    Il parat, par l'exemple de Zacharie (i), que l'on imposaitaux enfans le nom de leurs pres. Aussi voulait-il que son filsportt son nom , et non pas celui de Jeah. La rflexion desparens : Il n'y a personne dans votre famille qui soit ainsinomm , prouve aussi qu'on prenait quelquefois le nom d'unepersonne de la parent.

    L'addition d'une ou de plusieurs syllabes tait regardecomme une preuve de noblesse. C'est ainsi que le pre d'Isaac,qui s'appelait d'abord Abram [pre d'une grande lvation),reut de Dieu mme le nom d'Abraham ( pre d'une grandemultitude) 3 lorsqu'il lui fut promis que sa race galerait lenombre des toiles et celui des grains de sable ur les rivagesde la mer.On retrouve chez les Hbreux la mme ide de l'importance

    des noms qu'on peut observer chez les peuples. Il leur taitdfendu de se marier hors de leur tribu , de peur que les biensaffects une ligne ne passassent par alliance dans une autre.

    {i) S. Cuc, cap.

  • in f.ssAi nJSTORioiiir

    et que les noms ne fussent confondus cl changs; et le? fille*ne pouvaient entrer par mariage dans une autre ligne qu'au-tant qu'elles n'taient pas hritires. C'est ainsi que Michol(parfait), fille de Saii! , de la Irihu de Benjamin, pousaDavid, issu de la tribu de Juda. Aussi l'Ecriture bl5me-t-elleceux qui laissent leur nom se perdre dans la mmoire deshommes, au lieu de se faire un bonheur de le voir perptupar des enfans. C'est pour celte raison qu'il tait ordonn unfrre de susciter semence son frre mort, pour lui donnerun successeur qui conservt son nom et sa gloire (r). C'est cet esprit qu'on peut attribuer la constance avec laquelle les

    enfans d'Isral conservrent dans leur intgrit les noms desfamilles, de mme que leur langue et leurs vtemens, pourlre distingus des autres nations.

    Chez les Juifs.modernes, l'imposition des noms se fait, pourles mrdes, le jour de la circoncision, c'est--dire le huitimejour de la naissance

    ,

    par celui qui prside la crmonie , ouparrain , entre la premire et seconde bndiction , en prsencede dix tmoins, dont le moins g doit avoir plus de treizeans.

    A la naissance d'une fille, les crmonies sont beaucoupmoins importantes; ce n'est que six semaines aprs qu'on luidonne un noin. Le berceau de l'enfant est orn autant que lepermettent les facults de ses parons. De jeunes viergesprennent place autour, et le soulvent de temps en temps ;celle qui se trouve la tte remplit les fonctions de marraine :aprs quoi il se donne un grand repas , et tout le monde se livre la joie.

    Ces formalit* varient selon les pays. En Italie , suivantLon de Modne , il ne se pratique aucune crmonie. Au boutd'un mois, la mre releve de ses couches se rend la syna-gogue, et prsente sa fille au chassan, ou chantre, qui rcitesur sa tte une formule de bndiction , et lui donne le nomque la mre dsire.

    En Allemagne, c'est le chassan qui se rend la maison del'accouche, et qui bnit la fille et lui donne un nom en levanten l'air une coupe remplie de vin.

    Depuis la dispersion des Juifs, les principaux ont souventaflect de faire prcder leurs noms de titres honorifiques , telsque Rab, Rabbi, Uibbi , Rabban {matre) , Hacam {sage),Nasi {prince), Mar, Marcnu, Gaon {crivain), Theo-

    (i) JDeuLcron., 2,5, 5.

  • SUR LES NOM HRuPUtS. |()

    iiim, etc. Ils se sont distingus nussi par des surnoms tirs fiel'ge, de l'office ou de la profession. Exemple : Ral)I)an , T.a-maliel {Senior) ; R. Clianina {chefdes -prtres) ; R. Joha-nan { cord&titiier ) ; Naluun {Scribe); A. Simon {tisse-rand), etc.

    Maimonide assigne trois rangs aux docteurs cits dans laMisna : les premiers ne sont prcds d'aucun titre, tels queHillel , Schamma, Abtalion , parce que les prophtes n'ont nititre ni surnom, et parce qu'aucun no pourrait ex})riraer l'ex-cellence de leur gnie. Les sages d'un rang infrieur s'appellentRahban ; et ceux du dernier ordre, Rathi ou A^ha.

    L ^-^-W* %/V^/W% X/%*/WV ^

    CHAPITRE II.Des Noms chez les Grrcs.

    Aristote nous apprend que le nom se donnait le septimejour de la naissance, parce que c'tait celte poque seule-ment qu'on se flattait de conserver l'enfant, ou parce que lenombre septnaire tait mystrieux et sacr. Suivant d'autres,les noms taient imposs le dixime jour. C'tait une fte defamille appele Onomasteria , laquelle taient invits lesparens et les amis en grand nombre. On la clbrait par desrepas et des sacrifices, afin de consacrer en quelque sorte cetteimposition des noms par l'intervention de la Divinit. Cettefte s'appelait aussi mphidromie, del principale crmo-nie qui s'y pratiquait Les femmes qui avaient aid la mre sise dlivrer, se purifiaient, et prenant l'enfant entre leurs bras,le portaient en courant autour du foyer; et l'occasion decette fte, les parens et les amis de la maison faisaient de petitsprsens au nouveau-n.

    Saint Chrysostme attaque une sorte de divination qui paratavoir t un reste de paganisme : on allumait un certainnombre de cierges auxquels taient attachs autant de noms celui qui brlait le plus long-temps dterminait le choix, et lenom prfr semblait promettre une longue vie l'enfant quivenait de natre.A Athnes, une loi donnait au pre le droit d'imposer le

    nom son enfant : c'tait assez souvent celui du grand-preque l'on choisissait, surtout s'il avait t illustre. Ce choix

    ^

    tenait l'opinion des anciens, que les qualits, soit physiqi*es,

  • ao ESSAI HISTOP.IQDE

    soit morales, passaient ordinairement de l'aeul au petit-fils (i).Ils avaient observ que souvent le fils d'un athlte vigoureuxet robuste tait remarquable par sa mollesse, et que la gouttefranchissait galement la premire gnration pour s'attacher la seconde. On donnait au fils an le nom de l'aeul pater-nel ; au second, celui de l'aeul maternel, et ceux qui les sui-vaient portaient le nom de l'agnation et de la cognation.

    Quelquefois on choisissait le plus illustre des anctres ;d'autres fois l'amour-propre des parens aimait retrouver dansle nom des enfims des faits honorables la famille. On em-pruntait aussi le nom des divinits locales, persuads appa-remment que c'tait un moyen de participer au courage, laforce ou la beaut de celle dont on prenait le nom , ou d'avoirun titre spcial sa protection. Assez souvent enfin les nomsiuposs marquaient les heureuses esprances que les pres etmres avaient conues de leurs enfans, ou exprimaient lesvux faits pour leur bonheur.

    Les femmes n'taient pas admises l'honneur de donner lenom (2) ; une loi d'Athnes le leur dfendait mme formelle-ment : usage qui fut depuis imit par les Romains. C'tait lecontraire chez les Lyciens ; le fils y prenait le nom de sa mre

    ,

    parce que la succession passait aux filles. Le nom d'Athnetait interdit aux femmes, parce que c'tait celui de Pallas, etque c'et t manquer de respect la desse. Souvent les nou-velles maries en prenaient un nouveau avant d'entrer dans lamaison de leur poux.On dsignait aussi les individus par un nom patronymique,

    c'est-i-dire par le nom de leur pre, comme Petides, Achille,fils de Pele; de leur aeul ou bisaeul, comme J crisiades

    ,

    Perse,

    petit-fils d'Acrisius, etc. : usage qui s'est reproduitchez les nations modernes, comme on le verra au chapitredes Noms patronymiques.Au reste , la terminaison en ides ou odes n'est pas toujours

    patronymique chez les Grecs ; elle a servi quelquefois expri-

    (1) La marne opinion avait peut-tre lieu chez les Carthaginois :Annibal portait le nom de son aeul, tandis que son pre s'appelaitAmilcar.

    Brantme remarque que ceux qui portent le nom de leur aeul luiressemblent volontiers , et cela l'occasion de l'empereur Ferdinand

    ,

    qui ressemblait en tout son grand-pre.

    (2) Cet usage n'avait pas toujours exist en Grce. On voit dansHomre que les enfans reccvaieut leur nom de leur mre au momentde leur naissance.

  • Sl'R LES NOarS PROPRES. al

    nier une giandciir ou une qualit plus leve que celle quisrail dsigne par le nom prinutif. C'est cet usage queLucien iait allusion , lorsqu'il introduit dans son dialogue duCoq, un savetier qui, devenu riche, se fait appeler iSmiomt/e,de Simon qu'il tait avant d'tre enrichi, et qui se plaintamrement de ceux qui ne l'appelaient que Simon, comme sice n'et t qu'une mutilation du nom de Siinonide, faite dessein de l'insulter; en quoi il n'avait pas tout--fait tort. Ilsavait que l'on avait affect

    ,presque de tout temps , de ne

    donner que des noms d'une ou deux syllabes aux esclaves etaux autres personnes viles, et que ceux de quatre ou cinq syl-labes n'taient que pour les personnes d'un rang plus relev.Aussi, dit Lucien, de dissyllabe qu'il avait t dans la bas-sesse de sa premire condition , il devint quadrisyUahe aprsle changement de sa fortune (i).En effet, il parat que cette abrviation de noms n'avait lieu

    qu' l'gard des valets et des petits enfans. C'est au mprispour les uns et la familiarit caressante envers les autres,qu'Eustathe attribue la libert que les Grecs se donnaient deraccourcir la plupart des noms propres. Ainsi, Dmas n'estqu'un diminutif de Dmtrius ; Menas, de Mnlas ; Bacchon,de Bacchylide; Amphis, d'Amphiaraiis ; Artraon, d'Artmi-dore ; Alexas , d'Alexandre ; Theudas , de Thodore ; Antipas,d'Antipater ; Clophas, de Clophile, etc.

    La plupart des diminutifs grecs paraissent confirmer cequ'on vient de dire; car ils s'emploient, ou l'gard desfemmes publiques, comme Gymnasium, Glycerium, Phile-matium

    ,etc., ou l'gard des esclaves, comme Syriscos pour

    Syros ; ou des enfans et autres personnes que l'on traite avecfamiliarit , comme Parmnisque pour Parmenon.

    , Cyrillepour Cyrus, etc. Dans ce dernier cas, ils s'appellent A-^;;ocw-ristica, flatteui-s.

    Les terminaisons en idion, asion, avion, iitos , iskos

    ,

    iilos , uUos, iUa, inna, uila, ion, etc., paraissent affectes ces sortes de diminutifs. On en verra plusieurs exemplesdans ce Dictionnaire.

    Les grammairiens distinguent encore les dnominatifs, quisont drivs des noms appellatifs, comme Philon, de philos,

    (i) Dmosthne rcproclit; Eschine d'avoir mtamorphos enAtromite le nom de son pre Troms.On voit dans VAnthologie une pigramme contre un homme mii,

  • 32 ESSAI HISTORIQUEami; Leaena

    , de leo , Uon ; Stoinylus {hahiiiard) , deffTOf^a, houche, etc.; et les verbaux, qui viennent des verbes,tels qu'Ida, Idaeus, Idicus, qui se forment du verbe Sdv

    ,

    voir.

    L'usage dporter deux noms (i) remontait la plus hauteantiquit; on en trouve divers exemples dans //mnre, etentre autres celui du fils d'Hector, dont le nom ordinaire taitScamandrius, et que son pre avait appel Astyanax, commedestin au trne; de Pris qui s'appelait Alexandre; d'Andro-iiiaque, qui ne prit ce nom qu'aprs tre devenue l'poused'Hector, etc.

    Les surnoms se divisaient en surnoms proprement dits , eten sobriquets.

    Les premiers se tiraient pour l'ordinaire d'une action mmo-rable, de l'clat des victoires, de la supriorit de courage oude lumires, de quelque avantage corporel, d'une prospritmarque, etc., comme Soter, Eudmus, Eucnmus, Ever-gtes

    ,Nicanor, Polycrale

    , Aquila , Polyhistor , Aristo-bule, etc.

    Quant aux seconds, on sent que chez un peuple aussi spi-rituel et aussi railleur que l'taient les Grecs , ils durent treextrmement prodigus : c'est ce qu'on aura lieu d'observerpresqu'c\ chaque page de ce Dictionnaire (2).On peut ranger dans la classe des surnoms, les noms que

    les grammairiens appellent

  • SIR LE)i NOUS PROPRES. 20

    deuxime lettre tle l'alphabet, l'vlhagore fut surnoiimi T,Gamtna ; Antnor, historien de Crte, A, Delta, du doriqueCretois Deitos , brave homme- bon citoyen. On nomma E,EfsUon, Apollonius, clbre astronome

    ,qui vivait du temps

    de Ptolme Philopator, pour avoir fait des recherches cu-rieuses sur la figure de la .'ettre E, qui tourne avec la lune.Satyre, ami d'Aristarque, fut appel Z, Zta, des soins qu'ilprit d'approfondir la nature des choses; /;-2v, chercher.Esope fut dit 0, T/uta, par son matre Idmon

    ,parce qu'il

    runissait les qualits d'un serviteur adroit et fidle; jr,

    ,

    3ktq , serviteur gages. La mre de Cypsle fut nommeA, Larti'bdaj par Apollon, parce qu'elle avait les pied^ tour-ns en dehors. Saint Pacme, dit Sozomne , distribua sesreligieux en vicgt-quatre classes, et donna chacun le nomd'une lettre grecque, selon qu'il la jugeait convenable leurhumeur et lear caractre.

    Chez une nation aussi fconde en grands hommes que lefut long-temps la Grce, il dut y avoir des noms qui furentplus particulirement l'objet de la vnration publique. De cenombre furent, chez les Athniens, ceux d'Harmodius etd'Aristogiton , meurtriers du tyran Hippias, un des fils dePisistrate. Ces noms taient tellement respects, qu'ime loidfendait expressment de les donner aux esclaves. A cetexemple, Domitien, par une imitation aussi ridicule que bar-bare, punit de mort Mtius Pomposianus, pour avoir avili lesncms de JMagon etd'Annibal, en les faisant portei- par deuxde ses esclaves; excs de svrit qui n'et t excusable qu'Carthage.

    Cyrus, Alexandre, taient aussi des noms Irs-rvrs, etqui, par celte raison, devaient souvent tre donns par lespres leurs enfans. Mais pour obvier la confusion quiaurait pu rsulter de cet emploi frquent des mmes noms oude la gnralit de la signification primitive des noms propres,et pour conserver la distinction individuelle, objet principalde cette espce de nomenclature, les Grecs individualisaientJe nom propre par le gnitif de celui du pre. Ainsi, ils di-saient : ).c|v

  • 24 ESSAI HISTORIQUE

    CHAPITRE III.Des Noms propres chei les Romains. ,

    Les Romains, comme tous les autres peuples, n'eurentvraisemblablement dans le principe, q>'un seul nom propre.Ils ne commencrent, suivant Eulrope > en prendre deuxqu'aprs leur mlange avec les Sabins; poque o le trait depaix entre les deux nations porta que, pour ne faire qu'unmme peuple, ils emprunteraient rciproquement les nomsles uns des autres, que le Romain ajouterait au sien celuid'un Sabin, et le Sabin celui d'un Romain.

    Appien prtend que l'usage de porter deux noms fut d'abordparticulier aux Romains, et qu'ils en donnreat le premierexemple. Cette assertion n'est pas fonde; il est constant qu'a-vant la fondation de Rome, les Albains portaient deux noms.La mre de Romulus s'appelait Rhea Sylvia; son aeul, Nu-mitor Sylvius; son oncle, Amulius Sylvius. Les chefs desSabQS qui vivaient peu prs dans le mme temps, en avaientaussi deux , tels que Titus Tatius , Metius Suffetius. Romuluset Remus qui semblent n'en avoir eu qu'un, en avaient deuxen effet : Romulus et Remus taient des prnoms , et leur notnpropre tait Sylvius.

    La multiplicit des noms, dit Varron, fut tablie pour dis-tinn-uer les familles qui tiraient leur origine d'une mmesouche, et pour ne point confondre les personnes d'une mmefamille. Les Cornlius, par exemple, taient une race il-lustre, d'o plusieurs familles taient sorties, comme autantde branches d'une mme tige; savoir : les Scipions , les Len-tulus, les Cethegus, les Dolabella, les Cinna, les Sylla.

    Mais quoiqu'on se contentt d'abord du nom de sa familleparticulire, sans y joindre celui de sa race, ou parce qu'ontait le premier qui ft souche, ou parce qu'on n'tait pointd'une origine qui ft honneur, les Romains ne laissrent pasdans la suite de porter trois noms, et quelquefois quatre.

    1. Le nom de famille, qui s'appelait proprement le nom,

    nomen, tait commun tous les descendans d'une mmemaison, gentis, et toutes ses branches, comme Julius.C'tait probablement le nom propre du premier auteur de lamaison, puisque les Jules descendaient, ou prtendaient des-cendre d'Iulus, fils d'Ene.

  • SUR LES NOM PROPRES. 3 5

    a. Le prnom, qui distinguait les personnes d'une mmefamille, prnomen.

    3. Le surnom, cognomen , tait pour quelques uns untitre honorable, ou un terme significatif des vices ou des per-fections propres i ceux qui le portaient.

    4- Le quatrime nom, quand il y en avait, s'appelait agno-inen, autre espce de surnom.

    Les prnoms, qui distinf;;uaient les personnes d'une mmefamille, tiraient leur signification de quelques circonstancesparticulires. Varron fait une longue nomenclature des pr-noms en usage parmi les Romains , et en rapporte l'lymo-logie. On les trouvera rpandus dans ce Dictionnaire.

    Le cognomen, surnom, tait fond, i. sur les qualitsde l'me

    ,qui comprenaient les vertus , les murs , les

    sciences , les belles actions. Ainsi Sophus marquait la sagesse ;Pius , la pit ; Frugi, les bonnes murs ; Gurges, Nepos,les mauvaises; Puhlicola , l'amour du peuple; Lepidus

    ,

    Atticus, les agrmens de la parole; Corioianus > la prise deCoriole, etc. 2. Sur les diffrentes parties du corps, dont lesimperfections donnaient matire aux surnoms. Cr'aMMS expri-mait l'embonpoint; Macer, la maigreur; Cicero, PisOj lesigne en forme de pois chiche qu'on portait sur le visage.Voyez tous ces noms leur article respectif.

    Il y avait deux sortes de surnoms : le cognomen distin-guait une branche d'une autre branche parallle de la mmemaison, familiam; Vagnomen caractrisait une subdivisiond'une branche : l'un et l'autre taient pris ordinairement dequelque vnement remarquable

    ,qui distinguait le chef de la

    division ou de la subdivision. ^S'c^p^o,.^/V'*ca^n,tait un surnom,agnom,en, du vainqueur de Carthage, et serait devenu l'a^-nom.en de sa descendance, qui aurait t distingue ainsi decelle de son frre

    ,laquelle aurait port le nom Asiaticus.

    Ces surnoms ne furent pas en usage dans les premiers tempsde Rome; aucun des rois n'en eut de son vivant. Celui deSuperbus que porta le dernier Tarquin

    ,ne lui fut donn que

    par le peuple , mcontent de son gouvernement.Le surnom de Coriolan fut donn Caius Marcius, comme

    un tmoignage de la reconnaissance publique,pour le service

    qu'il avait rendu l'Etat; tmoignage d'autant plus glorieux,qu'il fut le premier qui en fut honor. On ne trouve pointqu'on l'ait accord depuis d'autres qu' Scipion, surnomml'Africain

    , cause de ses conqutes en Afrique. Ce fut l'imi-tation de ce dernier que l'usage en devint moins rare dans lasuite, et cette distinction fut fort ambitionne. Rien, en effet,

  • 2
  • Sl'B LIS NOMS l'ROPRES. 3^

    Tel fui le sysline suiri du temps de la rpublique : tantqu'elle subsista, le prnom occupa presque toujours la pre-mire place; mais depuis les empereurs, Rome et dans lesprovinces, les frres ne furent plus distingus par le premiernom, mais par le dernier. Des deux frres Vespasien. l'uns'appelait Flavius Vespasianus, et l'autre Flavius Sabinus. Demme, des trois fils de M. Annaeus Seneca le rhteur , le pre-mier se nommait M. Annaeus Novatus; le second, L. AnnaeusSeneca ( Senque le philosophe); et le troisime, L. AnnaeusMla

    ,pre du pole Lucain.

    Du temps de la rpublique, en imposant le prnom , l'usagetait de donnera l'an un prnom emprunt du pre ; au secondet au troisime, un prnom pris des oncles ou des aeux. Maisles noms des maisons, yentium, et des familles, faitiitia-rum, taient tellement dtermins, qu'ils taient communsaux frres et passaient aux descendans , et surtout depuisqu'une loi de Caracalla eut permis indistinctement tous lessujets de l'Empire de prendre le nom de citoyen romain. Depuisla chute de la rpublique, soit par le caprice des particuliers,soit par l'arbitraire du matre, la plus grande confusion s'intro-duisit insensiblement dans les noms. Celui des maisons ne futplus dtermin ; les fils furent distingus de leurs pres, et lesfrres entre eux par une diffrence totale de noms. En voicideux exemples, qui suffiront pour donner une ide du reste.Sous le rgne de Thodose , on trouve deux frres, dont l'uns'appelait Q. Clodius Hennogenianus Olyhrius, et l'autreFaitonitts Probus Atypius; et quelque temps aprs on voitun Flavius Avitus Marinianus

    ,qui eut pour \s Rufus

    Prtexlatus Postumianus.Cette confusion dut s'augmenter mesure que les diverses

    armes levrent l'Empire des Francs , des Germains, desAfricains, des Gaulois; et le mlange des nomsjrecset des nomsromains a fini par faire de celte nomenclature un chaos inex-tricable.

    Pendant quelque temps, les femmes portrent aussi un nompropre particulier, qui s'exprimait par des lettres renverses.Par exemple, C et M renverses signifiaient Caia et Marcia :c'tait une manire de dsigner le genre fminin ; mais cellecoulume se perdit dans la suite. Si les filles taient uniques,on se contentait de leur donner le nom de leurs maisons, Te-,rentius, Terentia; quelquefois on l'adoucissait parun dimi-nutif, TuUiat Tuliiola. Etaient-elles deux, on les distin-guait par les noms d'ane et de cadelte. Si elles taient enplus grand nombre, on disait la premire, la seconde, latroi-

  • a8 ESSAI HISTORIQUE

    siino. Par exemple : l'ane des surs de Brulus s'appeiuitJunia major, la seconde Junia tninor

    ,cl la troisime

    Junia tertia. On faisait aussi de ces noms un diminutif, Se-cundiila , deuxime; Quartiiia, quatrime, etc.

    Plutarque prtend queles Romaines n'avaientque deux noms,savoir : le nom de la maison, comme Licinia , Cornelia

    ,Sempro-

    nia ; et le surnom , comme Metella , Lepida ; et qu'on les dsignaitou par l'un ou par l'autre. Festus leur donne des prnoms , etleprouve par l'exemple de Ccilia, femme de arquinl'Ancien,et de Tarrutia

    ,qui toutes deux s'appelaient Caia ; et par celui

    de Lucia et de Titia. Valre Maxime, qui est de mme opi-nion, compte, parmi les anciens prnoms des femmes, Rutilla,Cxsella, Rodocella, IMarcula, Burra, noms tirs de la couleur;Caia, Lucia, Publia, Maria, Numeria, etc., noms tirs deshommes, Caius, Lucius, Publius, Marins, Numerius, etc.Suivant d'autres , les femmes n'avaient ni cognomen, niagnomen (i).

    Dans le principe, c'tait au moment de la naissance que lesRomains donnaient leurs enfans le nom de leur famille, afinqu'ils fussent vus et reconnus par tous ceux qui taient demme nom et de mme race (2). Dans la suite, on irr posaitle nom aux enfans le jour de leur purification : c'tait le hui-time aprs leur naissance pour les filles, et le neuvime pourles garons. Cette crmonie, appele iVowiina/ia , se faisaitsous les auspices de la desse [Nondina, qui prenait son nomde nonuSf neuvime, et en pi'sence des amis de la famille,pour qui c'tait un devoir de s'y rendre; mais l'empereur An-tonin ordonna de nommer les enfans le troisime jour, et defaire inscrire le mme jour ce nom dans les registres publics;ordonnance renouvele par Franois I" , roi de France ,en 1 549. On donnait le prnom aux garons lorsqu'ils quit-taient la prtexte pour prendre la robe virile, et aux fillesquand elles se mariaient (3).

    Plutarque, dans ses ProMmes , examine pourquoi le nomse donnait le huitime jour aux filles , et le neuvime aux gar-ons : c'est, dit-il, parce qu'on pensait que les unes arrivaientplutt la pubert que les autres. -

    Les noms passaient des pres aux enfans, le plus souvent

    (1 ) ^lex. ah Alex. , liv. i , c. 9 ; liv. 5, c. 4'(2) Deiifs (l'Halicajiiasse , liv. 3.(3) Cette opinion est combattue par le jurisconsulte Joseph Casla-

    lion.,qui prtend prouver, par les inscriptions, que le prnom se don-

    nait de bonne heure aux enfans-.

  • SUR LES NOMS l'ROrRF.S. iQtout entiers, quelquefois avec un lger cliangement. Ainsi,l'historien C. Suetonius TratKjuiUus avait pour pre Sueto-nius Lents.

    D'autres fois il arrivait de runir le nom du pre et de lamre, comme M. Aurelius Antoninus.

    Les Romains avaient quelquefois deux noms de famille', oudu moins le nom d'ime famille et le surnom hrditaire d'uneautre. Cet usage avait lieu en trois occasions : i". lorsqu'uncitoyen passait d'une famille dans une autre par l'adoption';2. lorsqu'un esclare tait affranchi par son matre ; 3. lorsqu'untranger obtenait le droit de bourgeoisie romaine

    ,

    par le crditde quelque citoyen.

    Dans le premier cas, celui qui toit adopt prenait le nom,et mme le prnom et le surnom de la famille o il entrait;mais, pour conserver quelque trace de son origine, il ajoutaitaux noms de la famille dont il tait devenu membre par l'adop-tion, le nom de la famille dont il sortait, ou un des surnomsqui servaient en distinguer les branches ; car l'usage varia cetgard. Les uns se contentrent de joindre leurs noms celuide leur premire famille, en lui donnant la forme de surnom.Auguste, par exemple, qui se nommait avant son adoptionC. Octavius, se fit appeler C. Julius Csar Octavianus.D'autres voulurent conserver le nom de leur famille sans aucunchangement. C. Ccilius

    ,que C Plinius Secundus adopta,

    se nomma depuis C. Plinius Ccilius Secundus , et non pasC. Plinius Secundus Ccilianus. D'autres , enfin , neretinrent de leur premire famille que le surnom de la branchedont ils sortaient; tmoin P. Cornlius Scipio , adopt parQ. Caecilius Metellus Plus, qui se nomma Q. Metellus Scipio.A l'gard des esclaves, ils n'eurent d'abord d'autre nom que

    le prnom de leur matre , un peu chang, comme Lucipor

    ,

    Marcipor,pour Lucii, Marc puer. Dans la suite, on leur

    donna des noms grecs ou latins, suivant la volont de leurmatre, comme Earinus, printanier, dans Martial, ou bienun nom tir de leur pays, surtout d'une nation vaincue, commedansTrence, Dave, Syrus, Gta, etc. ; Dardanus,dans Cic-ron, ou enfin un nom tir de quelqu'vncment. Mais ilstaient restreints un nom seul, unit qui mme tait unepreuve d'esclavage.

    Lorsqu'on les affranchissait, ils augmentaient leur nom dunom et du prnom de leur matre, mais jamais de son surnom,les gardaient avec le nom propre ou sobriquet qu'ils avaienttant esclaves, et le transmettaient leur postrit

    ,qui pouK

    l'ordinaire ne conservait que le premier. Ainsi , le pote Andro-

  • 3o ESSAI IIISTORIQUB

    niciis, affranchi de M. Livins Salinator, fut appel M. Liviusndronicus. Les deux fameux affranchis de Cicron s'appe-laient M. Tuliius Tiro , et M. TuUius Laurea. Les affran-chis des villes municipales prenaient le nom des villes o ilsavaient reu la libert. Lorsqu'ils avaient t affranchis lasollicitation de quelqu'un, ils joignaient quelquefois au nomde famille de leur matre , le prnom de celui qui leur procuraitla libert : tmoin le M. Pomponius Dionysius , affranchi d'Alti-cus, dont il est parl dans les Lettres de Cicron cet illustreRomain.

    Les trangers, honors du droit de cit, prenaient le prnomet le nom du patron auquel ils se croyaient redevables de celtefaveur. Thophane, qui la devait Pon)pe

    ,prit le nom de

    M. Pompeius Theophancs. Demetrius Mgas, dont parleCicron, prit le nom et le prnom de Dolabella , et s'appelaP. Cornlius.

    Chez les Romains comme chez les Grecs,

    il n'tait permis,ni de donner aux esclaves des noms d'hommes illustres, nides noms d'esclaves aux enfiins de condition libre.

    Quant aux enfans naturels , on les appelait du nom de ceuxque la voix publique donnait pour amant leur mre.

    W'WA'%, VV \. V* % VV-V-V-WX-VX-^/WX XX'VWXVVW-V VX-WVX VX'X'VX'WX.^VXX.'XVX %%'VX.XXX'.V%.'VX

    CHAPITRE IV.Des Noms chez diverses nations de l'antiquit.

    HRODOTE (i) nous apprend que, de son temps, les enfansen Syrie prenaient le nom de leur mre.

    Pline et Solin assurent que les Atlantes de Libye n'avaientpoint de nom propre , et c'est pour cela qu'Hrodote les appelleanonymes. Ils les prenaient l'aventure des linamens ou desdimensions de leurs corps, de la taille, etc.

    Les Troglodytes donnaient leurs enfans les noms de Blier,Mouton, etc., regardant comme de vritables parens ces ani-n)aux auxquels ils devaient leur subsistance.

    Chez les Daces, les noms se changeaient avant le mariage;le fianc en donnait un nouveau la fiance, et en recevaitd'elle ; et cette appellation , ratifie par les deux parties, tenaitlieu d'engagement et de contrat.

    (i) ZfV. Clio.

  • SUR I.tS NOMS PROl'KES. 01

    Chczlo anciens Germains, les noms n'avaient rien de for-tuit, et avaient tous une signification fixe et dtermine. Auxexemples qu'on citera plus bas , peuvent se joindre les siiivans :Alaric , immer von tag zu tag reicher , riche de plus enplus; \ercingclor\x, versinnreich, riche de sens ; Ricimer,.rcichcr tncyer, maire riche; Adolphe, gottcs, ou vatters,ou yidci hculff', secours de Dieu, du pre, ou noble; Gri-moi\\,grinvm wait

    ,puissance de la colre ; Adelbcrl, depuis

    Albert, adciwcrt, digne de sa naissance; Conrad, gut rath,bon conseil; Berthold, werthund hold

    ,prcieux, aimable

    ;

    Baudouin, hald winning,qui gagne ou surmonte vite, etc.

    Chez les Carthaginois, les noms les plus usits taient Ham-mon, Magon, Annibal, Asdrubal, Amilcar, Hiempsal, Bomil-car, Himiice

    ,Barce, etc.

    CHAPITRE V.Des Noms chez les peuples modernes.

    Il est difficile de rien dire de positif sur l'origine des nomschez les Franais. Les guerres entre les Romains et les Gaulois jles irruptions des Francs, des Sicambres , des Goths , des Lom-bards et des Danois, ont ncessairement altr l'ancien idiome;de sorte qu'il reste bien peu de mots dont on puisse donnerune interprtation qui ne prte pas plus d'une objection.

    Il parat cependant qu'originairement les Francs n'avaientqu'un nom en langue vulgaire, propre exprimer la chargedont on tait revtu, la vertu dont on tait dou, ou la choseque l'on dsirait. C'est ainsi que Marcomir signifiait gouver-neur d'un pays; Pharamond, homme vritaMe ; Clovis elLouis, fort, valeureux ; Clolilde, hien aime; Dagobert,renomm aux armes ; Chilpric , qui a puissance d'aider;Henry, digne d'honneur; Childebert, homme entre lesguerriers; Frdric, qui aiepouvoir de donner ta paix, etc.Chez les Franais d'au-del de la Loire, du moins dans lestemps voisins de leur tablissement dans les Gaules, on re-trouve bien l'usage de porter plusieurs noms, la manire desRomains, mais communment, les Franais d'en-de la Loiren'en avaient qu'un. Charlemagne introduisit en quelque sortela coutume d'en prendre deux, par les noms qu'il donna auxgrands hommes de son temps avec lesquels il tait en relation :

  • 52 E!*SAI HISTORIQl'E.

    c'est peut-tre la premire origine des surnoms franais qui semultiplirent sur la fin du dixime sicle et au commencementdu onzime.

    Les noms n'taient pas toujours hrditaires pour les grandsseigneurs, mais seulement attachs leurs fiefs; ils se confon-dirent ensuite avec les surnoms, dont l'usage commena versla fin de la seconde race des rois.de France. Lorsque la noblessefranaise prit les siens de ses principaux fiefs, on leur donnale nom qu'elle portait. Il y a mme des crivains qui prtendentqu'aucun nom n'tait hrditaire : il n'y avait, selon eux, queles grands seigneurs qui ajoutassent leur nom de baptmecelui de leur terre et de leur apanage, ce qui insensiblementest devenu le nom de famille ; en sorte que les cadets qui pre-naient le nom de la terre qu'on leur donnait pour apanage

    ,

    sont devenus insensiblement chefs de diffrentes maisons , etont oubli la tige dont ils taient sortis.

    Si l'on en croit d'anciens historiens, tels qu'Andr Duchesneet Pierre Mathieu, les familles nobles n'avaient aucun surnomavant les rois Hugues Capet et Robert son fils (en 987 et 997) ;et ce fut de leur temps qu'elles commencrent les prendredes terres principales qui taient en leur possession; mais cetusage ne fut ni constant ni rgulier. Aussi ces mmes histo-riens remarquent-ils que les plus grandes familles de l'Europeont oubli leurs premiers noms ou surnoms, pour continuerceux qui taient attachs leurs partages, apanages et succes-sions.

    a Ce ne fut gure, dit Mezeray, que vers la fin du rgne dePhilippe-Auguste, que les familles commencrent avoir desnoms fixes et hrditaires. Les seigneurs et gentilshommes lesprirent le plus souvent de leurs terres, et les gens de lettresdu lieu de leur naissance. Les Juifs convertis en firent autant,et les l'iches ngocians empruntrent les leurs des villes o ilsfaisaient leur rsidence.

    La Rocque,"dans son Trait des Noms, expose fort au longcomment les noms des familles nobles se sont composs deleurs noms primitifs et de leurs principaux fiefs ; j'y renvoie lelecteur curieux de celte sorte d'rudition ().

    (i) Les Franais, dit-il, ont tir leurs noms propres en forme denominatif, des villages ou des terres qu'ils possdaient, ajoutant laterminaison selon la diversit des pays, et mettant devant ou aprs lenom propre , ce qui tait fort honorable , puisque c'tait un tmoignagequ'une terre tait de toute anciennet dans une famille, et mmeq^u'elie avait t difie par ceux qui en portaient le rjom. De ce nombre

  • SVB LES NOM PROPI.CS. 33

    Quant aux roturiers, leurs noms, dans l'origine, paraissentavoir t tirs, les uns de la couleur, les autres des dfauts ducorps; ceux-l des habits, ceux-ci de l'ge, de la professionou de l'office; quelques uns des meubles, des instrumens, deshabits, des degrs de consanguinit , des mois et des jours dela semaine , d'autres, enfin, de leurs bonnes ou mauvaises qua-lits. Voil pourquoi nous retrouvons dans la roture les nomssuivans : le Bel, le Bgue, Prud'homme, Sauvage, Mnager,Petit, Ttu, le Doux, le Prieur, le Moine, Chtelain, Vavas-seur, Champion, Prvt, le Riche, le Fvre, le Charpentier,le Brun, le Bhsnc, l'Ami, le Gendre, le Normand, Lombard,Martel, Lachaise , Chaudron, Panier, Mortier, Bonnet,Bguin, Soulier, l'Enfant, le Jeune, le Vieux, Neveu, Cousin,Beauls, Filleul. Janvier, Fvrier, Jeudi, etc.

    Plusieurs noms ont t dus aux vnemens; tels qu'Apel-voisin , Crevecur, Eveillechien , etc.Un grand nombre est provenu de l'agriculture ; tels que

    Rozier, des Noyers, de Lorme, du Fresne , du Pin, Buison,Hautefeuille ; sans compter les bourgeois qui

    ,possesseurs d'un

    petit quartier de terre, ont quitt leur nom de iamille pourprendre ceux de la Saussaye, de Ducoudray, de la Haye, duRouvray, etc. ; vanit que Molire a ridiculise dans ces versd VEcole des Femmes :

    Quel abus de quitter le vrai uom do ses jjres

    ,

    Pour en voiilou' prendre un Lli sur des chimres !De la plupart des gens c'est la dmangeaison ;Ht, sans vous embrasser d;ins la comparaison.Je sais un paysan qu'on appelait Gros- Pierre,Qui , n'ayant pour tnul bien qu'un seul quartier de terre

    ,

    Y fit tout l'entour faire un foss bourbeux,Et de monsieur de l'isle en prit le nom pompeux.

    Dans les titres au-dessus de l'an looo, on ne trouve gureles personnes dsignes autrement que par leur nom propre oude baptme; c'est de l peut-tre que les prlats ont retenul'usage de ne signer que leur nom propre avec celui de leurvch

    ,parce que

    ,durant les sicles prcdens , on ne voyait

    point d'autres souscriptions dans les conciles.Dans les actes publics, pour mieux dsigner une personne,

    on crivait au-dessus de son nom, en interligne, le sobriquet

    sont les maisons de Montmorency en France, de Mendoa en Es-pagne, de Sanseverino en Italie, de Mansfeld en AlJcmague

    , deBatliiauy en Hongrie, de Neuhauss en Bohme, de Rariwil en Li-thuanie

    ,d'Ossoiiuski en Pologne

    , de Lumely en Angleterre ,' deGordon en Ecosse , etc.

    3

  • 54 ESSAI HISTORIQtJE

    qu'elle portait, et l se trouve l't^'mologie du mot suniom'Souvent des noms de baptme sont devenus des noms de

    famille, et ceux-ci des noms de baptme. 11 y en a une mul-titude d'exemples depuis le quatorzime sicle. Mais combiences noms ont t dfigurs par une prononciation vicieuse ?Quidirait que Senneterre vient de saint Nectaire? D'o ce nomdrive-t-il lui-mme ? de nictare, clignoter. Ce nom est parconsquent du genre de ceux qu'on a tirs d'une habitude cor-porelle.

    Des crivains rapportent l'origine des surnoms la coutumequi s'tablit d'en donnera nos rois. Les Mrovingiens ne con-naissaient point cet usage; mais depuis Ppin-le-Bref, ildevint ordinaire : il tait gnral au treizime sicle, mme l'gard des particuliers. ,

    11 a environ cent ans, dit Baluse, qu' Tulle on n'avait quedes noms propres, et point de surnoms (i).

    Sous Henri II, les gens qui n'avaient pas de seigneurie, equi voulaient se distinguer, eurent recours un moyen for*simple. Les frquens rapports avec l'Italie , dit M. de Mayer

    ,

    Gterie philosophique du seizime sicle, nous en avaientfait adopter beaucoup d'usages, et, la manire de l'Italie,nos htelleries avaient des enseignes de saints et de saintes. Lespetites gens prirent de ces noms dont ils se firent des noms defamille; c'est pour cela que nous avons tant de Sainte-Croix,de Saint-Paul, de Sainte-Maure, de Sainte-Marthe, etc.

    Dans les pays du Nord, les surnoms remontent plus haut^et ils taient dj communs au neuvime sicle; mais les sur-noms ne s'y transformrent en noms de famille , d'une manirefixe, que depuis l'institution des armoiries. Pour le mmepeuple, il n'avait point de nom de famille, ou de surnomavant le l'gne d'Edouard l", qui monta sur le trne en 975.Plusieurs familles n'en ont point encore dans le Holstein et dansquelques autres pays, o l'on n'est distingue que par le nomde baptme et par celui de son pre, fils de Jean, fils de Pierre,Johnson, Pterson , etc. Ce dernier mode est familier auxEcossais.En Angleterre, le mot de fitz se met quelquefois devant

    le nom , comme Fitz-William , Fitz-Gerald, etc. Ancienne-ment, les pres donnaient un nom distinct leur premier n :c'tait un titre d'anesse.

    En Irlande, o, vers le milieu du dix-septime sicle.

    (i) Mena^iana , tom. L

  • STB LES NOMS PROPRES. 35

    presque personne ne portait de nom de terre , on employaitla nom du pre avec le nom de fils, comme Maodonall ; etdans le pays de Galles, on sous-entendait le nom de fils.En Pologne, vers la fin du dix-septime sicle, les paysans

    n'avaient point de nom, et le mme peuple, lout--fait dans ladpendance des seigneurs, tait si obscur, qu'il tait gale-ment nuliius nominis. Il n'y avait que les nobles qui fussentconnus par leurs noms et par leurs seigneuries.Les surnoms ont commenc en Hongrie depuis 1120.Leur usage en Dalmatie, Croatie, Esclavonie

    , est d'imeantiquit beaucoup moins recule.En Transylvanie, le nom se met aprs le surnom; au Heu

    de dire Gabriel Bethlem, on dil Bethlem Gabor.En Danomarck , les noms ont commenc tre fixes seule-

    ment depuis Frdric I".En INorwge, ils n'ont t tablis que fort lard.Chez les anciens Sudois , les noms des pres n'taient point

    transfrs leurs enfans : s'il arrivait quelque chose de notable,ils prenaient d'autres noms; quelquefois ils empruntaient,comme les Brah , celui de leur mre. D'autres ont prfr lenom de consanguinit leur nom propre. Il parat que la Sudeest le pays o les surnoms ont t tablis les derniers pourtoutes sortes de conditions; autrefois, beaucoup de bonnesfamilles n'en avaient pas. Quelques unes mme ont pris desnonii propres de leurs pres seulement depuis i5i4, maisaucune ne sembiait avoir de surnoms. Dans les temps plusl'cens , il y a eu des surnoms d'honneur usits dans les fa-milles, et considrs autant que les noms des parens ou pr-dcesseurs , mais qui n'taient pas proprement des surnoms.Ainsi, les noms Dicterici , Jacobi , Mathice, Gerhardl, etc.ont t pris par des familles entires. L'opinion la plus gn-rale est que c'est seulement depuis deux cents ans que les mai-sons de Sude portent des surnoms fixes et rgls, la pluparttirs de leurs armes. Par exemple, Oxemtlern [front de buf)a son cu d'or avec une tte de buf ou de buffle de gueule,les cornes de mme couleur. Sparr [chevron) a des armesd'azur au chevron de deux pices d'or. Horii [cor)

    ,porte d'or

    au cor de cliasse de sable. Dans celle de Bannier, le nom etles armes ont tant de rapport, qu'elles sont de gueule labannire d'argent. Aussi, quand on^anoblit quelqu'un

    ,est-on

    dans l'usage de lui donner un nom qui a du rapport aux armes.En Hollande, en Zlande et en Frise, les habilans chan-

    geaient leurs noms tous les degrs, ajoutant celui de leurpre au leur propre.

    3..

  • 3t) ESSAI HlSTUaiQI'E

    En Allemagne, les surnoms de famille furent communs audouzime sicle. La mode de prendre deux prnoms fut incon-nue aux Allemands avant la fin du quinzime. Les crivainsprolestans de cette nation attribuent l'influence de la courromaine l'poque de la fameuse querelle des investitures, ladsutude des noms d'origine vraiment germanique , et laprfrence donne , vers la fin du rgne de l'empereur Henri V,aux noms trangers, latins, grecs, et mme hbreux. Cetvnement peut avoir t une des causes; mais mille autresont pu concourir au mme effet, tels que les migrations, lesmnriages , les guerres , etc.

    Les surnoms paraissent dans quelques chartes d'Espagne duonzime sicle; mais en Italie, comme en Fram;e, on les voitds le commencement du dixime. Les Vnitiens en donnrentl'exemple aux autres villes d'Itdie; mais l'usage en fut long-temps rserv aux grands de l'Etat. 11 ne commena gurequ'au quatorzime sicle dans le pays de V;iud.A Prouse , les paysans ne faisaient point usage de leurs

    noms.

    Jusqu'au commencement du douzime sicle, les surnomsavaient t rels, et tirs de la seigneurie, de la dignit ou del'office; alors ils devinrent gnriques, et les signes distinctifsde famille : ce qui fit que chaque chef de famille adopta un nomcertain, permanent et successif.

    Les femmes n'avaient autrefois que des noms propres. EnAngleterre, elles n'avaient point de surnoms, conformmentau droit romain, mais prenaient ceux de leurs maris, commeen France et ailleurs, au commencement du treizime sicle,les veuves de la haute noblesse retenaient le nom de leursmaris. Ce n'est que dans le dix-septime sicle, vers l'an 1620,que l'on a commenc mettre le nom de famille des femmesdans les actes : ainsi, dans tout le cours du seizime, elles neportaient encore que le nom de baptme.On voit, par. les souscriptions des vques des sixime

    et septime sicles, qu' l'exemple des Romains ils prenaientplusieurs noms; mais c'est une singularit remarquable detrouver plusieurs prlats et seigneurs appels diversement dansles titres, surtout vers les commenceuiens du onzime sicle.De l l'embarras des gnalogistes, qui trouvent une personnedsigne sous un nom dans un acte, et sous im autre dansune pice diffrente.

    Les noms propres varirent mme dans l'orthographe, dansles impriujs et dans les chartes. La ngligence des notaires marquer les surnoms depuis qu'ils furent en usage, et la cou-

  • SUR LES NOMS PROPRES. 5^tuine de ne marquer les noms rriiornines que p:>r la lettre ini-tiale

    ,qui commena vers la fin du onzime , ont jet beau-

    coup de tnbres dans l'histoire.

    SUITE DU CHAPITRE V.

    L'histoire des nations orientales et celle des pays inconnusaux anciens , offrent une grande varit d'usages relatifs au nompropre. J'ai cru propos d'en fiiire un article parlicidier.

    Les Turcs donnent le nom leurs enfans au moment deleur naissance; ils ne les circoncisent que la sixime ou sep-time anne

    ,lorsqu'ils sont assez avancs pour lire ou pro-

    noncer la profession de foi de l'islamisme : Il n'y a (ju'unDieu, et Mahomet est son prophte. C'est alors seulementqu'on lui donne le titre de musulman. Quant aux femmes,quoique la circoncision n'ait pas lieu pour elles, elles ne sontgalement musulmanes qu'aprs qu'elles ont articul leurprofession de foi.

    I

    Ils prennent les surnoms de croyans, d'orthodoxes, etc.Mahomet s'appelle VJptre, le Lieutenant, le Serviteurde Dieu, titre que prit aussi Omar. Le fameux Saladin, quichassa les chrtiens de la Palestine, est nomm par lus Arabes,Joseph te restaurateur de la religion. Le calife Moaffa

    ,

    aprs s'tre dfait d'Habib, se donna le surnom de dfenseur1 de la religion de Dieu, etc.

    Chez les Macassarois, le nom se donne quatre ou cinqmois ; c'est toujours un nom de quelque saint de l'Alcoran.Du temps d'Olarius, les Persans vouaient leurs enfans ds

    le sein de leur mre, et tiraient de l leurs dnominations.Aux Indes, les dieux pnates de chaque maison ont les

    mmes noms que les chefs de la famille. Les Bramines nenomment leurs enfans que huit jours aprs leur naissance , enleur perant les oreilles.Au Japon, les princes, outre leurs noms propres, sont

    appels de celui de leur principaut, qui est aussi celui deleur principale rsidence. Dans le reste de la nation, tous lesmles changent trois fois de nom : celui de l'enfance n'appar-tient ni la jeunesse, ni l'ge viril; les vieillards mme enont un diffrent. Avant ce nom, les Japonais mettent commeprnom celui de la famille.

    Une autre nation, lesTapuges, ne le lisaient qu' l'ge dehuit ans, lorsqu'ils peraient leurs enfans les oreilles et lalvre infrieure.

  • 38 ESfAI HISTORIQUEA la Chine, au rapport d'Herrera , les hommes changoiil

    plusieurs fois de nom; et, selon le P. Triganlt, Jes filles n'enont pas, et sont dsignes par l'ordre de leur naissance dans lamaison de leurs pres. An dire du premier , ils nommentPinon et Pinonne les parens de l'espce hinnaine que leslivres saints appellent Adam et Eve.

    Les Tartares Czrmisses, qui sont idoltres , attendent aubout de six mois nommer leurs enfans. Ce terme arriv, ondtermine un jour, et le premier qui s'approche ou qui passe ct de l'enfant, lui donne le nom qu'il porte.En certains endroits de Guine, les mres donnent le nom

    i^i leurs enfans ds le moment de leur naissance, aprs avoirconsult leurs fliclies : ailleurs, aussitt qu'un enfant vientde natre, le pre invite tous ses voisins. Le nouveau-n estplac sur une feuille de palmier^ les convis boivent sur soncorps, de manire que des gouttes de la boisson tombent surson visage. Au premier cri qu'il pousse, on lui donne un nom(]ui approche du son qu'il a fait entendre , comme Coranquin,Quaku, pedae, Jafury. Ils appliquent quelquefois auxmles le nom de Bangala, qui est en grand honneur parmieux. 0"^'

  • SUR LES NOMS PROPRE?. 30,uX hommes sages et courageux . parce qu'ils adoraient souscelui de Pilla une divinit de l'air.

    Les Mexicains s'en rapportaient au sort pour donner un nomn leurs enfans, et tiraient pour l'avenir des prsages de celuique le hasard avait amen. Ils donnaient le nom de leurs dieux ceux de leurs princes qu'ils levaient de leur vivant auxhonneurs de l'apothose.

    Dans une autre partie de l'Amrique, le cacique, ou chefdes Sauvages, recevait comme un titre d'honneur tous les nomsqui nous paraissent le plus injurieux, pourvu qu'on y ajouttle mot de grand. Ainsi

    ,pour le louer on disait : c'est un grand

    cheval , un grand voleur, un grand sorcier. Ce titre tait celuidont il tait le plus jaloux.

    Ailleurs, les pres reoivent leurs noms de leurs enfans.

    k -K^y^VWVV\ -V-k/X X'V VX^ VW%X-WXWVW- fc-VW*.w.\ xvx vxx-w.

    CHAPITRE VI.Des Noms patronymiques.

    L'usage de ce qu'on appelle nom jyatronymj U6 , n'a past restreint aux Grecs; on le l'etrouve chez presque tous lespeuples. En Grce

    ,ce terme n'exprimait d'abord que les noms

    forms sur le nom propre d'un pre ou d'un grand-pre, telsque ceux d'y^^c/rfes, AeTydides , 'JEacides ; mais depuis,les. grammairiens sont convenus de rassembler sous cette d-nomination les noms que les enfans ou les autres descendansont pris de ceux dont ils tenaient la vie immdiatement ou m-diatement, quelque inflexion et quelque terminaison qu'il aitplu ceux qui les ont ports de leur donner dans leur langue.La terminaison en ides, ades , ou les cas obliques des an-

    ciens Grecs ; celle en ius des anciens Romains, pour les nomsqui marquaient la maison

    ,n'ont apport aucun embarras dans

    les noms patronymiques. Mais aprs la dcadence de la rpu-blique, et surtout depuis le sicle des Antonins , l'altrationde celle mthode a, comme on l'a dj vu

    ,mis dans ces sortes

    de noms la plus grande confusion. Les prnoms devinrentinutiles pour distinguer les individus. Les surnoms, quiavaient servi discerner les familles d'une mme maison

    ,

    vinrent se confondre. Les noms propres mme des maisons,quoique communs plusieurs familles, vinrent se dissiper,

  • ^O ESSAI HISTOBIQUB0'. du moins se disperser dans des races d'tranger, d'affran-chis ou de clients.

    Dans les sicles suivans , et surtout du temps des empereurschrtiens , on fut plus curieux de noms patronymiques ; maisla coutume qui s'introduisit d'en porter plusieurs la fois,sans en changer la terminaison ni l'inflexion, donna lieu denouvelles didicults. Les uns se contentaient de celui du preet de celui de l'aeul; comme saint Fulgence,vque de Ruspe,dont le nom propre tait Fahiiis, et qui s'appelait Ctaudius,du nom de son pre, et Gordianus , de celui de son grand-pre. Les autres ont port celui de l'oncle paternel et de l'aeulmaternel, comm le jeune Symmaque, fils du clbre Sym-maque, dont nous avons les ouvrages. Il s'appelait Quintus

    ,

    du nom qui lui tait propre; Flavianus , du nom de sononcle, et Memmius , de celui de son grand-pre. D'autresont eu des noms pris de parens encore plus loigns, et, denos jours , il n'est plus possible de dmler des diffrencesdont la connaissance s'est perdue de bonne heure.[]^Aprs les Grecs et les Romains , i! n'est presque point denation qui ait fait un emploi de noms patronymiques aussi fr-quent que les Arabes. Llne grande partie de leurs auteurs noussont beaucoup plus connus sous les noms de leurs pres, deleurs aeux, ou de quelque autre de leurs anctres, que sousleurs noms propres. Avicenne et Averros , si fameux dansl'Ecole, ne sont que des patronymiques altrs, dessein peut-tre d'en faciliter la prononciation. Le premier ne marqueautre chose que le fils de Sina; le second ne veut dire que le

    lfils de Rtish'd.

    Les Juifs modernes, et surtout leurs rabbins, ont fait grandusage de noms patronymiques. Ils s'expriment chez eux par^en ou aben, suivi du nom de celui de leurs anctres qu'ilsont choisi de prfrence. Il, s'en trouve aussi quelquefois faits l'instijr des Grecs, tels que celui de Maimonide y sous lequelon connat le rabbin Mose-Ben Maimon.

    Les Espagnols et les Italiens semblent avoir introduit, oudu moins pratiqu plus qu'aucune autre nation , l'usage d'uneautre espce de noms qu'on pourrait appeler mlronymiques.Il n'est rien de plus ordinaire parmi les Espagnols que de por-ter le nom de la mre, et quelquefois celui de l'aeule aveccelui de leur pre, c'est ce qui produit souvent une suite dequatre ou cinq noms. Quelquefois mme les enfans prennentle surnom de leur mre l'exclusion de celui de leur pre.

    C'est un usage que nous trouvons pareillement tabli enItalie et en Allemagne.

  • SUR LES nOMS PROPBBS. ^ I

    11 n'a pas t inconnu en France; et l'on voit, dans la g-nalof^ie des grandes maisons, que la noblesse du sang, o\\les richesses provenues des alliances ont t les motifs ordi-naires qui ont fait prendre aux enfans le nom de leurs mres

    ,

    et aux maris celui de leurs femmes.Dans le cours du dix-septime sicle, le grand usage de-*

    Pays-Bas tait de prendre le nom de baptme ou le prnon-du pre, et de s'en faire un surnom au cas oblique, commeautrefois chez les Grecs Jiexander PhiHppi, PtoiemusLagi. Ainsi , au lieu de porter le surnom du pre ou de la fa-mille, ils se faisaient nommer Henricus Jdriani, Guiitei-mus Bernardi, etc.

    D'autres fois le fils a repris le prnom de sou aeul dont sonpre s'tait fait un surnom, et a mis le prnom de son pre encas oblique

    ,pour lui servir de surnom. On en voit un exemple

    en deux magistrats clbres, tous deux prsidens du conseilsouverain de Brubant Malines. Le pre s'appela NicolaHsEverardi , comme fils d'Evrard ; et le fils, Everardus Nicotai.

    Les Italiens ont introduit un autre raffinement dans l'art despatronymiques. Au lieu de tourner le prnom du pre ensurnom

    ,ils se sont fait du surnom du pre un prnom , et un

    surnom pour eux-mmes, comme on le voit dans les noms deLatino Latini, GalHeo Gaiitei, Sperone Speroni, Vi-viano Viviani, Batdo Baidi, tous noms connus dans larpublique des lettres. Et lorsqu'il a t question de s'exprimeren latin, ils se sont contents de la terminaison des anciensRomains pour les patronymiques, en s'appelant Latinus La-tinius , Spero Speronius ; comme ont fait aussi un grandnombre de Flamands, Adrianius, Nicolaius, Guilelmius, etc.

    D'autres ont fait levivre la terminaison des anciens Grecs,et se sont fait appeler Stephanides pour Fitz-Steven, ou filsd'Etienne; Simonides, Johannides, Andreades

    ,Nicolaides,

    Anionides, etc., pour fils de Simon, de Jean, d'Andr, deNicolas, d'Antoine, etc.

    VtjX/VV^/WX/X

    CHAPll IIE VILDe l'Imposition des Noms chtz les chrtiens.

    Daks les temps de la primitive Eglise, les prnoms pa-raissent avoir vari, suivant les usages locaux, c'est--dire

  • ^l^ ESSAI HISTORIQUEchez les Romains seulement; car on a vu que les Grecs n'enconnaissaient pas l'usage : ce ne fut que long-temps aprs quela pit des chrtiens les porta donner leurs enlans desprnoms tirs de l'Histoire des Saints, dont la vie devait leurservir de modle, et la rcompense d'aiguillon ; comme autre-ibis les Grecs prenaient le nom de leurs dieux. Cette coutumesubsista jusqu'aux schismes de Luther et de Calvin. A cettepoque

    ,les protestans, dont la critique hardie confondit quel-

    quefois les lgendes fabuleuses avec les biographies authen-tiques

    ,plus H vrs d'ailleurs l'tude del Bible

    , y cherchrent

    ,

    comme les Juifs, les noms de baptme de leurs enfans, usagequi s'est perptu dans leur communion

    ,comme celui de don-

    ner des noms de saints est rest dans l'Eglise catholique.C'est ordinairement au baptme que l'on impose les noms;

    l'usage est de s'attachera celui de l'aeul paternel ou maternel,en quoi les chrtiens se rapprochent des Athniens. Souventaussi l'enfant reoit le sien de ses parrain et marraine. Quel-quefois on prend le nom du saint sous l'invocation duquel estle jour de la naissance de l'enfant.Le nombre des parrains n'a pas t toujours le mme. Les

    Allemands en ont eu autrefois l'infini, d'o a rsult, pourles familles de ce pays, un grand nombre et souvent une con-fusion de noms. Dans le seizime sicle

    ,ils en prir;ent encore

    trois, et dans le dix-septime, ainsi que dans les sicles sui-vans, ils se bornrent deux, comnie chez la plupart des na-tions chrtiennes. Ce nombre tait pour quelques uns une sp-culation, comme le prouve cette anecdote raconte dans lesMmoires de M. du Thuit

    ,qui avait rsid auprs de toutes les

    cours de l'Empire, pour les affaires de France, avec M. deBongars : Un particulier pauvre

    ,dit-il, qui n'avait point

    d'enfans de son mariage, en acheta un d'une pauvre femme,et le fit nommer par plusieurs princes , dont il reut en prsensla valeur de plus de dix mille cus.

    Autrefois, en France , l'usage tait aussi d'avoir quatre par-rains; il fut rduit deux et une marraine pour les mles,t!t '^ un parrain et une marraine pour les filles : aujourd'hui

    ,

    d'aprs l'ordonnance du concile de Trente, on n'a plus qu'unparrain et une marraine.

    Lorsque le baplmc n'avait pas lieu aussitt aprs la nais-sance, il n'tait pas rare que les adultes changeassent de nom,lorsqu'on les baptisait, et alors on leur donnait des noms desaints.

    L'usage des noms doubles au baj)lmc fut long-temps parti-culier aux Allemands, pour se mieux distinguer, parce que

  • SUR LES NOMS PROPRES. l\'3

    ,uvcnt deux frres avaient le mme nom. Depuis, celle cou-tume a pass chez les autres nations.

    Les noms de saints varient suivant les pays : ceux des An-glais sont ordinairement saxons, comme Guillaume, Robert,Kichard, Henri , Edouard

    ,Edmon

    ,Edwiu, Gilbert, Gautier,

    Lonard, qui tous sont significatifs.En Espagne, on employait les noms de Lopez, Ruis, Alva-

    rez, Suarez et Ximnes, qui ont enfin t convertis en sur-noms dans certaines familles, et d'autres les ont continuscomme Ferdinand et Alphonse.

    Certains noms sont aflects certaines provinces. Les Bre-tons prennent les noms d'Alain, Josselin, Rolland, Samson ,Herald, Ives ; les Normands, ceux de Guillaume, Richard,Robert , Raoul ; les Gascons , ceux de Guillaimie , Raymond

    ,

    Bernard, Bertrand, Roger. Et Thistoire d'Aquitaine remarqueque grand nombre de seigneurs de cette nation, se trouvantdans un festin, tous portaient le nom de Guillaume.

    Les Provenaux ont eu en recommandation les noms de B-renger et de Raymond; les Angevins, ceux de Maurice et deRen ; les Bourguignons, ceux d'Eudes, d'Esme et de Bnigne ;les Champenois, ceux de Thibaut et d'Eustache. En Flandres,les noms usits ont t ceux de Baudouin et de Sohier; enPicardie, ceux de Hugues et d'Enguerrand ; en Bourbonnais,celui de Gilbert.

    Des maisons nobles ont affect certains noms propres etquelquefois mme ont chang ceux du baptme pour conserverles autres, comme des noms attachs aux successions. Lescomtes et ducs de Savoie prfraient le nom d'Amde; lessires de Lusignan , le nom de Geoffroi ; les barons de Mont-morency, Bouchard; Guy tait adopt par les maisons deLaval et de Laroche-Guyon ; Gaucher, parcelle de Chatillon-sur-Marne; Simon et Amaury, par celles de Montfort, etc.

    Par un contraste assez singulier, et qui cependant se conoitaisment, de tous les peuples de la chrtient, les Italienssont peut-tre les moins curieux de porter des noms de saints

    ,

    ou d'un usage comuxin dans le christianisme. C'est en Italieque naquit la manie de prendre des prnoms de l'ancienneRome. Les descendans des Fabius, des Paul-Emile ne se firentpas scrupule d'emprunter les noms de leurs anctres, seuleportion de leur hritage qui ft reste en leur pouvoir. Lesprnoms de Csar (i), d'Annibal, de Scipion , devinrent com-

    (i) Anniijal Caro, Hercule d'Est, Scipion Maffci , Torquato Tasso.

  • 44 ESSAI HISTORIQUEinuns en Italie, d'o ils passrent dans le reste de l'Eu-rope (i). Des cai;dinaux (a) consacrrent, par leur exemple,ce reste de paganisme, et l'on vit reposer sur la mme tte lesnoms de Caton et de Pantalon.On trouve assez souvent cependant le nom de Marie

    donn des hommes : en France, nous avons eu Anne deMontmorency, nom qu'il avait reu au baptme de Anne deBretagne , femme de Louis.

    Les AlleiTiands poussrent encore plus loin la mme affecta-tion, et Paul Jovc parle d'un Vuicain^ fils du comte deFurstemberg.

    Cet usage, ou, si l'on veut, cet abus excitait, il y a un sicle,la bile du svre La Bruyre qui s'en expliquait en ces termes : C'est dj trop d'avoir avec le peuple une mme religion etun mme Dieu; quel moyen encore de s'appeler Pierre, Jean,Jacques (3), comme le marchand ou le laboureur ? Evitonsd'avoir rien de commun avec la multitude ; affectons au con-traire toutes les distinctions qui nous en sparent : qu'elle s'ap-proprie les douze aptres, leurs disciples, les premiers martyrs(telles gens, tels patrons); qu'elle voie avec plaisir revenirtoutes les annes ce jour particulier que chacun clbre commesa fte; pour nous autres grands, ayons recours aux nomsprofanes; faisons-nous baptiser sous ceux d'Annibal , de Csarou de Pompe, c'taient des grands hommes; sous celui deLucrce, c'tait une illustre Romaine; sous ceux de Renaud,de Roger, d'Olivier, de Tancrde, c'taient des paladins , et leroman n'a point de hros plus merveilleux; sous ceux d Hec-tor, d'Achille, d'Hercule , tous demi-dieux; sous ceux mme

    (i) Csar de Vendme, Diane de Poitiers.(2) Le cardinal Gorrcvod s'appelait Caton.

    (3) Jadis , on appelait nos presJean, Franois, Andr, Nicolas,Robert, Jacques, Simon, Thomas.

    Tous ces noms aujourd'hui semblent tr.op ordinaires ;Le vulgaire mme en est las.Les noms qu'aux champs comme la villeLes purrains donnent maintenant.Sont Csar, Alexandre, Achille,Hecto