70
L’hypothèse d’e cience des marchés Marches aléatoire, matingale et transmission de l’information par les prix Philippe Bernard Décembre 2003

efficience des marchés

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: efficience des marchés

L’hypothèse d’efficience des marchés

Marches aléatoire, matingale et transmission de

l’information par les prix

Philippe Bernard

Décembre 2003

Page 2: efficience des marchés

Table des matières

1 L’ “incarnation du chahut continu” 2

1.1 Le chartisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

1.2 Le démon de la chance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

2 La marche aléatoire des marchés 11

2.1 La fluctuation à l’équilibre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

2.2 Une modélisation simple . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19

3 Marche aléatoire et gestion passive 21

4 L’hypothèse des marchés efficients 26

5 Information et équilibre 26

6 Efficiences faible et semi-forte des marchés 28

6.1 Efficience faible . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28

6.2 Efficience semi-forte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31

7 Information privée et l’hypothèse d’efficience forte 37

7.1 Variances des marchés et information . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38

7.2 L’énigme de la Value Line . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40

7.3 Valeur de l’information des initiés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43

8 La prévisibilité des cours 48

9 La difficulté de battre le marché 58

1

Page 3: efficience des marchés

Fig. 1 — Alfred Cowles

1 L’ “incarnation du chahut continu”

Alfred Cowles (1891-1984), membre d’une riche famille patricienne de Chicago,

commença à partir de 1926 à gérer les affaires financières de la famille et s’abonna à plu-

sieurs services de conseils en investissement. Cependant, le coût élevé de ces abonnements

l’incita à mesurer la performance des services. Aussi, commença-t-il en 1928 à suivre les

24 services les plus diffusés.

La crise de 1929 vint mettre en difficulté ses finances. Aucun des services financiers

auquel il était abonné n’avait prévu la crise. Cette erreur résultait-elle de la malchance

ou était-elle le reflet de l’inefficacité de la prévision financière ? Cowles débuta sa propre

enquête en 1931. Il n’hésita pas y investir une partie de la fortune familliale pour financer

une nouvelle société, l’Econometric Society, laquelle se proposait de développer les mé-

thodes mathématiques et statistiques en économie. Il entra en contact avec l’un de ses

principaux animateurs, un ancien condisciple de son père à Yale, l’inévitable Irving Fi-

sher, et fonda avec lui ce qui allait devenir l’une des principales institutions de la recherche

économique : la Cowles Commission. Mais, Cowles ne se contenta pas de ce rôle de bien-

faiteur, il consacra également son propre temps. Il rassembla et exploita les données qu’il

avait lui même rassemblé depuis 1928.

Le premier résultat de son travail fut un article en juin 1933 dans Econometrica, la

revue de l’Econometric Society. L’introduction de cet article le résume : “Are prices pre-

dictable ? It is doubtful.” (A. Cowles [Cow33]) Dans cet article, Alfred Cowles n’analysait

pas moins de 7500 recommendations des services financiers, de 3300 recommendations

des services d’information financière, toutes les transactions des compagnies d’assurance,

sur 4 ans (janvier 1928 - juin 1932). Pour évaluer leurs performances, Cowles estima la

2

Page 4: efficience des marchés

performance boursière qu’aurait eu un investisseur suivant leurs conseils et la compara à

celle d’une sélection aléatoire des titres. Selon Cowles : “les performances de l’agence de

prévision moyenne ont été inférieures à la moyenne des performances qui auraient pu être

obtenues uniquement par chance1.” ([Cow33], cité par [Ber95] p. 40) Pire, il s’attaqua à

une légende du chartisme : Hamilton.

1.1 Le chartisme

William Peter Hamilton avait été de 1903 à sa mort, en 1929, le rédacteur en chef du

Wall Street Journal. A ce poste, il avait succédé à l’un des deux fondateurs de ce journal,

Charles Dow (1851-1902), dont il avait épousé la théorie des marchés. Dans ses éditoriaux,

de la fondation du journal en 1889 à sa mort en 1902, Dow n’avait cessé d’exprimer ses

idées sur la Bourse et la prévision boursière. Selon lui :

“Une personne qui regarde monter la marée et qui veut savoir exactement à

quel niveau arrivera la marée plante un bâton dans le sable aux points atteints

par les techniques montantes, jusqu’à ce que le bâton atteigne une position où

les vagues n’arrivent pas et finalement reculent suffisamment, confirmant que

la marée redescend.”

“Cette méthode est fiable pour observer et déterminer le flux et le reflux

des marées de la Bourse [...] Les vagues des prix, comme celles de la mer, ne

reculent pas d’un seul coup quand elles ont atteint leur point le plus élevé.

La force qui les met en mouvement contrôle graduellement les arrivées, et il

faut attendre quelque temps avant de pouvoir affirmer que marée a vraimment

atteint son maximum.” (C. Dow dans le Wall Street Journal, 1901, cité par

[Ber95] p.31)

Pour Dow et pour son héritier Hamilton, les cours sont “suffisants en eux-mêmes” pour

révéler tout ce qu’il y a à savoir sur la conjoncture économique pour révéler l’évolution

future de la Bourse. Le chartisme dont ils furent les pionniers ont poursuivi et approfondi

ces idées. Reposant sur la conviction qu’il existe à la fois des régularités dans l’évolution

des cours et que les évolutions des évolutions passées de ceux-ci sont utiles pour prédire

leurs évolutions futures, il repose sur l’utilisation de différents outils, notamment des

moyennes mobiles (figure 2), des lignes de résistance (ou de support) (figure 3) et de

figures complexes.

1Mis en italiques par nous.

3

Page 5: efficience des marchés

temps

prix

signald'achat

signalde vente

moyenne mobilecourte moyenne mobile

longue

Fig. 2 — Les signaux d’achat et de vente engendrés par la comparaison des moyennes

mobiles.

La comparaison de moyennes mobiles différents entre elles par la longueur des retards

pris en compte est un outil essentiel de l’analyse chartiste. Comme par construction les

moyennes mobiles les plus courtes sont plus influencées par les évolutions récentes des

cours, elles ont pour propriété de fluctuer autour des moyennes longues. La convergence

et la divergence des différentes moyennes sont alors utilisées, comme le montre la figure

2, comme des signaux d’achat et de vente des titres. Ainsi, lorsqu’une moyenne mobile

courte initialement plus basse que la moyenne longue rejoint celle-ci, ceci constitue un

signal d’achat du titre : l’évolution du titre est en effet alors anticipée être durablement

à la hausse. Par contre, lorsque la moyenne mobile redescend au nivceau de la moyenne

longue, ceci constitue un signal de vente du titre puisque l’évolution de celui-ci est alors

durablement anticipée être à la baisse.

Les lignes de résistance et de support sont un autre moyen de définir des signaux

d’achat et de vente. Dans le cas d’une ligne de résistance, la méthode consiste alors,

comme l’illustre la figure 3, à repérer une droite passant par deux maximums locaux des

cours sans être provisoirement dépassée par une séquence de cours. Le prolongement de

cette droite définit pour le chartiste l’ensemble des prix contre lequel le marché doit venir

butter en l’absence de fortes pressions haussières. Aussi, comme sur la figure 3, le cours

tend à nouveau vers la ligne de résistance, le comportement du cours devant cette barrière

4

Page 6: efficience des marchés

temps

prix

signald'achat

Ligne derésistance

Fig. 3 — Le principe de la ligne de résistance (ou de support).

est un test déterminant la stratégie à suivre : si le cours vient à la franchir, ceci constitue

un signal d’achat pour le chartiste. Le principe de la ligne de support est le même : la

ligne est simplement déterminée par deux minima locaux et doit constituer au moins

localement un plancher pour les cours. Lorsque le cours vient à franchir cette ligne de

support, alors ceci atteste pour chartiste de la force baissière du marché et donc constitue

un signal de vente.

Ls figures complexes constituent d’autres outils d’analyse. Les principales sont les M,

les W, les têtes et les épaules (et sa forme inversée). Comme la figure l’illustre, lorsque les

cours des actifs les définissent, elles constituent des signaux d’achat (pour le W et “la tête

et les épaules” inversée) ou des signaux de vente (pour le M et la “tête et les épaules”).

L’analyse chartiste rencontre plusieurs difficultés. D’une part, la reconnaissance précise

des figures complexes n’est pas nécessairement un exercice aisé. D’autre part, la multi-

plication des outils augmente la probabilité que les signaux soient contradictoires. Enfin,

l’analyse chartiste est économe en raisonnements économiques. Ceci n’a pas empêché ce-

pendant l’utilisation fréquente du chartisme sur les marchés et d’y être crédités parfois de

succès.

Ainsi, plus heureux qu’Irving Fisher, Hamilton eut même le bonheur d’annoncer, le

21 octobre 1929, le retournement du marché dans un éditorial intitulé “The turn in the

5

Page 7: efficience des marchés

signal de vente

signal de vente

signal d'achat

La figure du M La figure du W

La figure de la tête et des épaules

Fig. 4 — Les figures complexes du chartisme.

6

Page 8: efficience des marchés

Fig. 5 — L’analyse de l’action peugeot par le chartisme (décembre 2002 - novembre 2003).

7

Page 9: efficience des marchés

Fig. 6 — L’analyse de l’action Total par le chartisme (décembre 2002 - novembre 2003).

8

Page 10: efficience des marchés

Fig. 7 — Maurice G. Kendall

tide”.2

Cela n’empêcha pas Alfred Cowles de s’attaquer à la légende en s’apuyant sur l’analyse

de 255 éditoriaux de Hamilton publiés entre 1903 et 1929. Selon Cowles, un investisseur

qui aurait suivi les recommendations de Hamilton entre 1903 et 1929 aurait vu son capital

multiplié par 19. Mais un investisseur se contentant d’acheter l’indice en 1903 aurait vu

le sien multiplié deux fois plus !

Après ce premier travail, pendant plus de 20 ans, Cowles continua d’évaluer l’efficacité

de la prévision financière en en publiant les résultats [CJ37] [Cow44] [Cow60].

1.2 Le démon de la chance

L’analyse de Cowles suscita peu de réactions chez les économistes. Ce furent des sta-

tisticiens qui, de fait, poursuivirent son analyse du marché boursier. Le premier d’entre

eux fut Holbrook Working (1895-1985). Ce statisticien, appartenant à un institut

de recherche agronomique - le Stanford Food Research Institute - non seulement fut l’un

des premiers à relever le problème de l’ “identification” en économétrie, mais consacra

de nombreux travaux au fonctionnement des marchés à terme. Dans un des premiers tra-

vaux [Wor34], il s’attacha notamment à caractériser les comportement des prix de ces

marchés. Il remarqua que si en niveaux, on pouvait repérer des fluctuations présentant

des tendances identifiables et répétitives, par contre, en variations, les évolutions des prix

semblaient totalement aléatoires.2Talent ou simple chance ? En faveur de cette dernière hypothèse, on peut noter qu’Hamilton avait

commis des éditoriaux similaires en janvier 1927, juin 1928, juillet 1928.

9

Page 11: efficience des marchés

Vingt ans plus tard, un autre statisticien parvint aux mêmes conclusions. Maurice G.

Kendall (1907-1983) était déjà l’un des statisticiens britanniques (et donc mondiaux) les

plus réputés, auteur d’un ouvrage de référence en statistique [Ken43]. En 1953, il publia

un article [Ken53] résumant une analyse statistique sur plusieurs séries de cours boursiers.

Il y analysait 19 groupes d’actions britanniques différentes sur la période 1928-38, compre-

nant des entreprises financières et des entreprises industrielles (chemin de fer, brasseries,

pétrole, service public), mais également des moyennes hebdomadaires du prix du blé sur

les marchés de Chicago sur la période 1883-1934 (en excluant la période 1915-20), du

coton à la bourse de commerce de New York de 1816 à 1951. Comme Working, Kendall

fut frappé par l’absence apparente de tendance des cours : “le schéma des événements

dans les séries de prix est beaucoup moins systématiques qu’on ne le croit en général”

([Ken53], cité par [Ber95] p. 100) Selon lui, la mémoire du marché boursier était au plus

d’une semaine. Comme le soulignera quelques années plus tard un astrophysicien émi-

nent, M.F.M. Osborne [Osb59], les variations des prix des actions présentaient une “forte

analogie avec l’ensemble des coordonnées d’un grand nombre de molécules”. La bourse

semble “l’incarnation du chahut continu” [Osb62], la prévision des prix futurs impossible.

Dans son commentaire sur l’évolution des 2287 variations hebdomadaires du prix de blé,

Kendall résuma ainsi les leçons de son analyse statistique :

“La série ressemble à une série “vagabonde”, presque comme si une fois

par semaine le démon de la chance3 piochait au hasard [la variation du prix]

dans une population symétrique de dispersion constante et l’ajoutait au prix

courant pour déterminer les prix de la semaine suivante.” ([Ken53], cité par

[Ber95] p. 101)

Malheureusement pour Kendall, le démon de la chance ne lui fut cependant pas favo-

rable : lorsqu’il présenta ses résultats à se collègues de la très prestigieuse Royal Statistical

Society, un tumulte de désapprobation l’accueillit sans doute par qu’ “[u]n tel nihilisme

semblait frapper la science en plein coeur.” (Paul Samuelson [Sam73])

3Souligné par nous.

10

Page 12: efficience des marchés

Fig. 8 — Paul A. Samuelson

2 La marche aléatoire des marchés

2.1 La fluctuation à l’équilibre

Le vacarme suscité par Kendall finit par atteindre le campus du MIT sur lequel règnait

Paul Anthony Samuelson (1916-).

Au début des années 50, Samuelson cherchait à exploiter son savoir faire d’économiste

et s’était pris de passion pour les mécanismes boursiers. Moins par nécessité que par défi

intellectuel, pour prouver comme jadis Thalès de Milet la valeur de son capital humain, il

était à la recherche d’une méthode lui permettant de réaliser rapidement de substantielles

plus-values boursières. Pour mettre toutes les chances de son côté, il s’était abonné à un

service financier spécialisé sur le marché du warrant “The RHM warrant and low-price

stock survey”.

Lorsque le tumulte suscité par les résultats de Kendall arriva jusqu’à lui, Samuelson

eut la saugrenue idée de prendre le contre-pied de l’opinion courante, d’y voir le triomphe

des lois économiques : “Travaille de l’autre côté de la rue ! L’impossibilité de prévoir

les prix futurs à partir de prix passés et courants est le signe non pas de l’échec des lois

économiques, mais du triomphe de ces lois après que la concurrence ait fait de son mieux.”

(correspondance de Samuelson avec P.L. Bernstein, cité dans [Ber95] p.120)

Dans plusieurs papiers, [Sam57] et surtout dans l’article The proof that properly antici-

pated prices fluctuate randomly [Sam65], Samuelson proposa un cadre théorique achevant

cette réconciliation. Dans celui-ci, les agents, neutres au risque, spéculent sur les titres

sans cesse. Pour évaluer les titres, des “prix fantômes”4 sont introduits. La concurrence

4“des prix jamais vus, sur terre ou sur mer, en dehors des bibliothèques d’économie” (P.A. Samuelson)

11

Page 13: efficience des marchés

impose alors qu’à l’équilibre le profit espéré des spéculateurs est nul. Mais ceci impose

sous certaines hypothèses une imprévisibilité des évolutions futures :

“On pourrait s’attendre à ce que les agents de marché, qui poursuivent

de manière avide et intelligente leur intérêt personnel, tiennent compte des

événements futurs dont il est possible de voir, en un sens probabiliste, qu’ils

projettent leur ombre devant eux. (Comme on dit des événements passés qu’ils

projettent leur ombre derrière eux, il est possible de dire des événements futurs

qu’ils projettent leur ombre devant eux)” ([Sam65], cité par [Ber95] p. 122)

Chemin faisant, Samuelson contribua à redécouvrir la contribution du théorie tragique

de la théorie financière, Louis Bachelier (1870-1946). Mathématicien français, disciple

d’Henri Poincaré, celui-ci avait choisi pour sujet de sa thèse Théorie de la Spéculation

[Bac00] [Bac64] 5 un sujet (trop) original pour un mathématicien : le fonctionnement de la

Bourse. Bien avant Cowles, Working, Kendall, Bachelier eut l’intuition que la dynamique

des cours boursiers étaient régis par des évolutions aléatoires imprévisibles :

“Les événements passés, les événéments présents, et même les événements

futurs actualisés se reflètent dans les prix de marché, mais souvent ils ne pré-

sentent aucune relation apparente avec les variations de cours [...] Des causes

artificielles interviennent également : le marché réagit à lui-même et la fluctua-

tion actuelle est une fonction non seulement des flottements antérieures, mais

aussi de l’état actuel. Ces fluctuations sont déterminées par un nombre infini

de facteurs ; il est donc impossible de prétendre pouvoir les prévoir mathéma-

tiquement [...] [L]a dynamique du marché ne sera jamais une science exacte.”

([Bac00], introduction)

Aussi, Bachelier eut l’idée de représenter les variations des cours par des variables

aléatoires identiquement et indépendamment distribuées de moyenne nulle. Cinq ans avant

Einstein, Bachelier introduisit donc la notion de processus brownien dont Norbert Wiener

devait donner la formalisation complète en 1923. Une conséquence de cette formalisation

est qu’ “[i]l semble que le marché, la collectivité des spéculateurs, à un instant donné, ne

peut croire ni en une hausse ni en une baisse du marché, puisque, pour chaque prix coté,

il y aura autant d’acheteurs que de vendeurs.”

5Aux Etats-Unis, la thèse de Bachelier fut redécouverte accidentellement au début des années 50 par

Leonard Savage. Celui-ci fit par de sa découverte à de nombreux économistes américains, dont Samuelson.

La thèse de Bachelier fut traduite en américain et reproduite dans l’ouvrage [Coo64] de 500 pages publié

par Paul Cootner et reprenant, en plus de la thèse de Bachelier, les textes de Cowles, de Kendall, etc...

12

Page 14: efficience des marchés

Fig. 9 — Louis Bachelier (1870-1946) en 1888

Bachelier introduisait ainsi l’hypothèse que les cours boursiers suivent une marche

aléatoire, i.e. l’hypothèse que les évolutions futures ne peuvent être prédites sur la base

des actions passées.

Dans ce cadre, comme plus tard Samuelson, Bachelier détermina l’équilibre en impo-

sant la nullité de “l’espérance mathématique du spéculateur”. Il développa les implications

de sa modélisation pour la volatilité des marchés financiers et pour l’évaluation des op-

tions. Bien avant Black & Scholes (et leurs prédécesseurs des années 60), Bachelier proposa

en effet un modèle d’évaluation des options qu’il testa lui-même empiriquement sur les

options portant sur les bonds d’Etat de la période 1894-98. Ce modèle de valorisation

oublié a été l’objet d’une réestimation récente [SW94] reproduite sur les figures 10, 11,

12, 13.6

L’hypothèse de la marche aléatoire des cours boursiers frappe de nullité l’analyse

financière en général, l’analyse chartiste en particulier puisque comme le souligne un de

ses plus fervents supporters, B. Malkiel : “Si l’on tire toutes ses implications logiques, elle

implique qu’un singe aveugle jetant des fléchettes sur les pages financières d’un journal

sélectionnerait un portefeuille qui ferait aussi bien que si celui-ci avait été soigneusement

sélectionné par des experts.” ([Mal96] p. 24) 7

La marche aléatoire est d’ailleurs capable de répliquer qualitativement les figures du

chartisme comme le démontra Harry Roberts, un statisticien de la Graduate School of

Business de l’Université de Chicago, en 1959 [Rob59]. Pour montrer la superficialité des

analyses chartistes, Roberts calibra en effet des roulettes en adoptant les hypothèses sui-

vantes : (i) la variation d’une période à l’autre sera en moyenne de +0.5%; (ii) deux

6Le titre utilité est le call portant sur l’action d’une entreprise américaine Digital Equipment. Cette

entreprise fut sélectionné en raison de son absence de versement de dividendes, ce qui facilitait l’estimation.

La période est l’année 1989.7Que le lecteur se rassure, la sélection de portefeuille a été tentée. Pour conserver le mystère, les

résultats ne seront dévoilés que plus tard.

13

Page 15: efficience des marchés

Fig. 10 — Le modèle de Bachelier, I

Fig. 11 — Le modèle de Bachelier, II

14

Page 16: efficience des marchés

Fig. 12 — Les erreurs de surestimation du modèle de Bachelier

Fig. 13 — Les erreurs comparées des modèles de Bachelier et de Black & Scholes

15

Page 17: efficience des marchés

Fig. 14 — Les évolutions du Dow Jones en 1956

Fig. 15 — Simulation de Roberts en variation répliquant qualitativement les cours de

l’année 1956

16

Page 18: efficience des marchés

Fig. 16 — Simulation de Roberts en niveau répliquant qualitativement les cours de l’année

1956

tiers des variations sont comprises entre -4.5% et +5.5%; (iii) le niveau initial, 450, des

simulations était le niveau contemporain de l’indice Dow Jones ; (iv) un historique de 52

semaines était simulé. Les résultats des simulations obtenue par Roberts illustre la capa-

cité des marches aléatoires à engendrer des évolutions qualitativement similaires à celles

observées (figures 14 et 15, évolution en niveaux reproduite sur la figure 16).

Comme le montre la figure 17, l’hypothèse de marché aléatoire est également capable

de reproduire les figures favorites de l’analyse chartiste, comme la tête et les épaules.

Chez Samuelson comme chez Bachelier, le marché est donc représenté comme un mé-

canisme s’ajustant quasi-instantanément : “Quand l’agent de change appelle pour dire

“vite, vite, vite !” c’est ridicule. S’il était certain que l’action monte, elle l’aurait déjà

fait.” (correspondance de Samuelson avec P.L. Bernstein, cité par [Ber95] p. 122) Si l’éco-

nomie est stationnaire : “quel gain peut attendre un investisseur qui achète un actif ? La

réponse [...] est ... zéro ! Ou comme le dit Samuelson : “Pas de choix faciles, pas de gains

assurés.” La rentabilité excédentaire sera nulle en moyenne et sur le long terme. Sur des

marchés aussi sauvagement concurrentiels que les marchés financiers et les marchés de

marchandises, battre les autres joueurs avec une quelconque régularité est un véritable

défi. L’impossibilité de prévoir les prix spéculatifs est la preuve que ces prix sont leurs

propres prévisions !” ([Ber95] p. 122)

17

Page 19: efficience des marchés

Fig. 17 — Une simulation obtenue par Roberts répliquant la tête et les épaules des char-

tistes

Fig. 18 — Evolution des variations des cours dans la simulation obtenue par Roberts

répliquant la tête et les épaules des chartistes

18

Page 20: efficience des marchés

temps

ln(pt)

ln(p0)

ln(u)

ln(d)

Fig. 19 — Un exemple de marche aléatoire des prix - l’évolution effective est en trait plein,

l’évolution potentielle non réalisée en pointillés.

2.2 Une modélisation simple

Une modélisation simple des idées de Bachelier (et partiellement de celles de Sa-

muelson) dans un cadre discret est la suivante. L’économie comprend T + 1 périodes

t = 0, 1, ..., T .8

Le cas simple présenté, notamment l’hypothèse de neutralité au risque, n’est pas une

hypothèse très restrictive. Dès lors que le marché est complet (ou tout au moins dyna-

miquement complet), la neutralité au risque des préférences des investisseurs peut être

relâchées. En effet, dans un tel cadre, il existe un unique système de prix d’états permet-

tant de valoriser les actifs financiers et définissant une distribution de probabilité π0 dite

probabilité corrigée du risque. C’est notamment le cas si l’on suppose que le rendement

(pt+1/pt) résumé par la variable eη peut prendre deux valeurs u et d avec des probabilitésπ et 1 − π. A chaque période t, les équations de valorisation de l’action considéré et de

l’actif certain s’écrivent : (1 = βu. (1 + r) + βd. (1 + r)

1 = βu.u+ βd.d(1)

et donc les solutions, les prix des états, s’écrivent :

βu =r − d

(u− d) (1 + r), βd =

u− r

(u− d) (1 + r)(2)

8T pouvant être arbitrairement grand. En faisant T tendre vers +∞, et en ajoutant certaines hypo-thèses pour que les limites des valeurs soient définies, on rejoint le cadre d’horizon infini de Samuelson et

Bachelier.

19

Page 21: efficience des marchés

Ces deux prix définissent les variables positives suivantes9 :

π0u =r − d

u− d> 0, π0d =

u− r

u− d> 0 (3)

lesquelles sont des probabilités puisque :

π0u + π0d =r − d

u− d+

u− r

u− d= 1

La martingale des prix (éq. (??)) s’écrit alors :

pt =π0u.ptu+ π0d.ptd

1 + r

=π0u.ept+1 (u) + π0d.ept+1 (d)

1 + r

=Eπ0 [ept+1]1 + r

où Eπ0 [.] est l’espérance calculée à l’aide des probabilités π0.

Cette dernière approche par les marchés complets illustre le fait que la théorie de

Bachelier combine plusieurs éléments qu’il convient de distinguer, dont notamment les

deux suivants :

— l’hypothèse qu’à l’équilibre le profit d’arbitrage est nul, que le prix de chaque titre

est nécessairement le reflet de sa valeur pour chaque investisseur ;

— l’hypothèse que le processus stochastique régissant les prix est une marche aléatoire.

L’abandon de l’hypothèse de la marche aléatoire, i.e. que les chocs {θt}t≥1 sont distri-bués de manière identique et indépendante rendraient possible la prévision de l’évolution

des prix ; notamment, celle-ci pourrait être inférée de la connaissance des prix passés.

Mais tant que l’absence de profit d’arbitrage à l’équilibre est préservé, l’exploitation de

cette information ne peut dégager un profit : les rendements anticipés corrigés du risque

seront égalisés les uns aux autres. En effet, comme l’a souligné Samuelson en 1965, si la

martingale des prix est observée :

pt =Eπ0 [ept+1 |It ]1 + r

(4)

où It est l’ensemble des variables sur lesquelles on peut conditionner l’espérance, l’espé-

rance du rendement net en excès du rendement certain est nul. Le rendement net (en

9Necessairement, si les deux actifs sont détenus à l’équilibre, aucun n’est dominé par le rendement.

Par conséquent, on ne peut avoir ni r < d < u, ni r > u > d. En conséquence, nécessairement l’équilibre

impose :

π0 =r − d

u− d> 0, π0d =

u− r

u− d> 0

20

Page 22: efficience des marchés

excès du rendement certain) est en effet :

ert+1 = ept+1pt− 1− r (5)

Par conséquent, la manipulation de (4) donne :

Eπ0 [ert+1 |It ] = Eπ0

·ept+1 − ptpt

− r |It¸= 0 (6)

Par itération des espérances, on a également :

∀τ > 0, Eπ0 [ert+τ |It ] = Eπ0

·ept+τ − ptpt

− r |It¸= 0 (7)

Cette nullité des espérances de profit donne une des propriétés statistiques les intéres-

santes : si la martingale est vérifiée à l’équilibre alors il n’y a aucune autocorrélation du

rendement net. En effet ∀t0 < t :

cov (ert, ert+1 |It0 ) = Eπ0 [(ert −Eπ0 [ert |It0 ]) (ert+1 −Eπ0 [ert+1 |It0 ]) |It0 ]= Eπ0 [ertert+1 |It0 ] puisque Eπ0 [ert |It0 ] = Eπ0 [ert+1 |It0 ] = 0= Eπ0 [ertEπ0 [ert+1 |It ] |It0 ]= Eπ0 [ert×0 |It0 ]= 0

Bref, sur un tel marché, la bonne performance d’un gérant de portefeuille aujourd’hui

ne signale pas une bonne performance pour demain. Cette absence de corrélation (ou sa

faiblesse) fut évidemment l’une des premières relations testées par les économistes. Elle a

également des conséquences importantes pour les styles de gestion souhaitables des funds.

3 Marche aléatoire et gestion passive

Avant même que Samuelson ne donne en 1965 sa démonstration que “des prix cor-

rectement anticipés fluctuent de manière aléatoire”, cette vision avait largement acquis

le droit de citer. En effet, elle permet de réconcilier la relative efficacité des gestions de

portefeuille passive.

Tout gérant de portefeuille, professionnel ou non, a toujours le choix entre deux types

de stratégie.

La première, la gestion active, est une gestion dynamique, en continue du contenu du

portefeuille. Sans cesse, le gérant se tient prêt à remodeler son portefeuille, en sélection-

nant de nouveaux titres, en ajustant les quantités des différents titres. L’intérêt d’une

21

Page 23: efficience des marchés

telle méthode est évidemment de pouvoir exploiter sans cesse exploiter les nouvelles in-

formation, i.e. à la fois les informations publiques qui arrivent “sur le marché” et les

informations privés que délivrent par exemple l’analyse financière (chartisme, analyses

fondamentalistes, etc.).

La seconde grande stratégie, la gestion passive, est bien résumé par “achat-conservation”.

A la différence de la première, on ne cherche donc pas forcément ici à exploiter sans cesse

les nouvelles informations arrivant sur le marché. Un exemple d’une telle stratégie passive

est la stratégie indicielle, i.e. la stratégie consistant à s’acheter un portefeuille répliquant

un indice boursier (par exemple le Standard & Poor’s Index 500 ou le Bekshire Index 5000)

supposé représentatif du marché boursier. Ces stratégies indicielles qui se sont progressive-

ment développés depuis le milieu des années 70 et portent aujourd’hui approximativement

sur 40% des actifs des funds, permettent donc d’assurer une performance moyenne. Un

intérêt subsidiaire de telles stratégies passives est d’être économe des frais de courtage10.

Les coûts et avantages de ces deux stratégies dépendent largement du monde dans

lequel nous sommes, i.e. :

— un monde à la Dow-Hamilton où l’analyse financière, voire le chartisme, permet de

lire l’évolution prochaine de la bourse

— ou un monde à la Bachelier-Cowles-Samuelson où le démon du hasard emprêche

l’analyse financière d’être une méthode de sélectionplus efficace qu’un lancer de

fléchettes sur une page financière.

Si cette dernière vision est une exécrable caricature11, nécessairement une gestion

passive ne peut que donner de très mauvais résultats. Par contre, si elle est (suffisamment)

juste, comme le soulignait dès 1962, un partisan (pondéré) de la marché aléatoire, Paul

Cootner [Coo62] :

“Dans un tel monde, les seules variations de prix qui peuvent avoir lieu

sont celles provoquées par de nouvelles informations. Comme il n’y a aucune

de penser que l’arrivée d’information n’est pas aléatoire, les variations de prix

d’une action d’une période à l’autre doivent nécessairement être aussi aléa-

toires, statistiquement indépendants les uns des autres. Le niveau des prix des

10En fait ceci n’est vrai que pour celui achetant le produit financier répliquant l’indice. L’institution,

elle, subit souvent des frais relativement important car, pour répliquer l’indice, il lui faut réjuster en

permanence son portefeuille en fonction de l’évolution des différents titres.11Nécessairement, toute théorie du monde concret est, en effet, nécessairement une caricature de celui-

ci, une carte à une certaine échelle. Comme toute carte à une échelle différente de 1 :1, toute théorie

appliquée ne peut donc (et doit) ignorer une partie de la réalité.

22

Page 24: efficience des marchés

actions, sous de telles conditions, décrivent ce que les statisticiens appellent

une marche aléatoire, ce que les physisciens appelent un mouvement brow-

nien. Dans l’ordre normal des choses, les prix [...] pourront sembler décrire

des cycles qui n’en sont pas. De l’observation de séries de tels prix, rien ne

peut être appris sur l’avenir. Acheter une action sur la base de tels signaux,

de graphiques [chartistes] ne produira donc pas de meilleurs résultats que de

sélectionner en tirant à pile ou face.” ([Coo62] p. 25)

Si la marche aléatoire est une “bonne” hypothèse, une gestion passive fait donc aussi

bien voire même mieux. Or, empiriquement, de nombreux travaux comparant les perfor-

mances relatives des gestions passives et actives ont souvent montré que la première est

loin d’être le désastre attendu.

Au milieu des années 60, ces recherches empiriques testant la marche aléatoire reçurent

une nouvelle impulsion grâce à Eugene Fama et à ses associés.

Eugene Fama (1939-) fut un des premiers économistes (avec Sharpe) à utiliser massi-

vement la modeste puissance d’un computer, un IBM 709. Il multiplia les études empi-

riques, les tests de la marche aléatoire et les rassembla dans sa thèse, dans un article de 70

pages [Fam65a], et dans un résumé [Fam65b] de celui-ci paru dans The Financial Analyst

Journal au titre évocateur : Random walks in stock prices. Comme Samuelson avant lui,

Fama y défendait l’idée de l’imprévisibilité des cours comme conséquence de l’efficacité

du marché :

“Si de nombreux analystes ont du talent pour ce genre de choses [...] ils

contribuent à la réduction des écarts entre les prix observes et les valeurs intrin-

sèques et font que les prix observés, en moyenne, s’ajustent “instantanément”

aux variations des valeurs intrinsèques [...] Bien que ces analystes sophistiqués

puissent obtenir des rentabilités relativement élevées, ils donnent naissance à

un marché sur lequel l’analyse fondamentale est une procédure plutôt inutile,

aussi bien pour l’analyste moyen que pour l’investisseur moyen.” ([Fam65b])

A la conférence annuelle de l’Institutional Investor de l’hiver 1968, confronté aux

gestionnaires de portefeuille et aux chartistes, Fama [Fam68] réitéra sa position avec le

succès que l’on imagine, thèse qu’il résuma encore pour le congrès annuel de l’American

Finance Association :

“Nous soutenons qu’il n’existe aucun résultat empirique tendant à infirmer

l’hypothèse [d’efficience du marché] dans sa forme faible ou semi-forte [...] et

23

Page 25: efficience des marchés

Fig. 20 — Eugene Fama et Michaël Jensen

Tab. 1 — La performance relative des funds, 1985-94cumulé annuel

S&P’s

500 Index+281,65% +14,33%

moyenne des

Equity Funds+214,80% +12.15%

source : Malkiel (1996) p. 178

que les tests de sa forme forte n’ont produit que peu de résultats allant à l’en-

contre de cette hypothèse (en d’autres termes, l’accès privilégié à l’information

sur les prix ne semble pas être un phénomène répandu dans la communauté

financière).” ([Fam70])

A la fin des années 60, la thèse de la marche aléatoire avait acquis un crédit certain

grâce aux nombreuses études de Fama et de ses associés. L’une des plus cités fut réalisée

par Michaël Jensen [Jen68]. Portant sur 115 fonds communs de placement (FCP) sur la

période 1955-64, utilisant le modèle du MEDAF pour tenir compte du risque des différents

portefeuilles, cette étude concluait qu’en moyenne sur dix ans, pour un niveau de risque

donné, les clients des FCP auraient pu accroître leur richesse de 15% en se contentant

d’acheter et de conserver un portefeuille largement diversifié ; or, à peine 26 des 115 FCP

avaient obtenu des performances supérieures. Sur la période récente, comme le montre le

tableau 1, cette relative efficacité de la gestion passive fut encore constaté.

Une des expériences les plus amusantes fut celle menée par le magazine économique

américain Forbes de 1967 à 1984. Intrigués par les résultats des analyses académiques, les

allusions à la sélection par les fléchettes, les rédacteurs décidèrent de pratiquer celle-ci en

juin 1967 ! Accrochant la page financière du New York Times du jour, ils sélectionnèrent

alors un portefeuille de 28000$ ... en jetant 28 fléchettes ! Pendant 17 ans, ce portefeuille

24

Page 26: efficience des marchés

fut conservé, ses résultats suivis semaine après semaine. Après 17 ans, en 1984, lorqu’il fut

réalisé, ce portefeuille valait alors 131 697.61$. Son taux de rendement annuel composé

de 9.5% n’avait été surpassé que par un nombre très réduit de spécialistes. Au début

des années 90, le Wall Street Journal réitéra l’expérience de la sélection par fléchettes

selon des modalités différentes : chaque mois, quatre experts étaient sélectionnés et leurs

sélections de titres étaient opposés à quatre sélections par fléchettes. D’après B. Malkiel

qui eut accès à la totalité des résultats : “Au milieu des années 90, les experts étaient

légèrement en tête. Cependant si la performance des portefeuilles étaient prolongés [au

delà du mois considéré], alors les fléchettes revenaient légèrement en tête. Cela signifie-

t-il que le poignet est plus efficace que le cerveau? Peut-être pas, mais je pense que les

rédacteurs du Forbes soulevaient une très bonne question lorsqu’il écrivaient : “il semble

qu’une combinaison de chance et de paresse bat le cerveau.” ([Mal96] p. 179)

Ces résultats sont sans doute certains des plus intéressants éléments empiriques pour

la thèse de la marche aléatoire car elle seule est capable de les rationaliser :

“Si des investisseurs intelligents sont constamment à la recherche des bonnes

valeurs, les vendant lorsqu’ils pensent qu’elles sont sur-évaluées et les achetant

lorsqu’elles sont estimées sous-évaluées, le résultat de cette action des inves-

tisseurs intelligents sera que les prix des actions seront très vite alignés sur

les valeurs escomptées justifiées par leurs perpectives. Aussi, pour l’investis-

seur passif, qui ne cherche pas lui-même les situations sur- ou sous-évaluées,

la structure des prix sera telle que pour lui un titre en vaudra un autre. Pour

cet investisseur passif , la chance sera une aussi bonne méthode de sélection

qu’une autre.” (P.A. Samuelson, [Sam67], cité par [Mal96] p. 190)

Ils ont également conduit le même Samuelson à adopter une vue extrême sur l’uti-

lité des analystes financiers dans le premier numéro du prestigieux Journal of Portfolio

Management :

“l’observation des faits me fait pencher vers l’hypothèse selon laquelle les

gérants de portefeuille devraient pour la plupart se retirer et essayer la plom-

berie, enseigner le grec ou aider à la production du PNB en travaillant comme

cadres commerciaux.” ([Sam74])

25

Page 27: efficience des marchés

4 L’hypothèse des marchés efficients

5 Information et équilibre

Fama ne se contenta pas de multiplier les études empiriques. Il donna aussi une nou-

velle dénomination : l’hypothèse d’efficience marché (Efficient Market Hypothesis, EMH),

et une nouvelle présentation. Avec l’accent est moins mis sur la nature du processus sto-

chastique du marché que sur une autre propriété : la capacité (supposée) des prix du

marché à refléter l’information disponible :

“Dans un marché efficient, la concurrence entre de nombreux investisseurs

intelligents conduit à une situation où, à tout instant, les prix effectifs reflètent

déjà les effets de l’information sur les événements passés et sur les événements

susceptibles d’avoir lieu dans le futur. En d’autres mots, dans un marché

efficient à tout instant le prix effectif du titre sera une bonne estimation de sa

valeur intrinsèque.” ([Fam65b])12

Entre les approches antérieurs (Cootner, Samuelson, Bachelier) et celle de Fama, un

glissement s’est opéré : l’information a pris le pas sur les propriétés stochastiques des

prix réduites à n’être qu’une conséquence. Aussi, dans son article fondamental de 1970,

Efficient capital markets : a review of theory and empirical work [Fam70], Fama en vint

à proposer trois formes d’efficience :

— la forme “faible” selon laquelle l’information contenue dans les prix de marché passés

est complètement reflétée par les prix des actifs ;

— la forme “semi-forte” selon laquelle toutes les informations publiques sont complè-

tement pris en compte par les prix ;

12Ou en termes plus imagés :

“L’efficience du marché est une description de la réaction des prix aux nouvelles informations. L’arrivée

d’une nouvelle information sur un marché concurrentiel peut être comparée à l’arrivée d’une côtelette

d’agneau au milieu d’un banc de piranhas affâmés, les piranhas figurant les investisseurs. Au moment

où la côtelette effleure la surface de l’eau, celle-ci est soudainement agitée par les piranhas qui dévore

la viande. Très rapidement cependant, celle-ci disparaît, et la surface redevient paisible. Similairement,

quand une nouvelle information atteint un marché concurrentiel, celui-ci est soudainement rempli du

tumulte créé par les investisseurs qui, prenant en compte la nouvelle information, vendent et achètent les

titres, causant un ajustement des prix. Une fois que celui-ci est réalisé, l’information est comme un os

sans viande. Aucun rongement supplémentaire ne permettra d’obtenir plus de viande, et aucune analyse

supplémentaire de la nouvelle n’apportera d’information supplémentaire exploitable avec profit.” (Robert

C. Higgins [Hig92])

26

Page 28: efficience des marchés

Fig. 21 — Eugene Fama en 1965

— enfin, la forme “forte” selon laquelle toutes les informations disponibles sont pris en

compte par les prix.

Chacune de ces formes “cible” une forme d’analyse ou d’information : la forme “fai-

ble” si elle est vérifiée aboutit à nier en effet toute utilité aux analyses chartistes ; la

forme “semi-forte” elle aboutit à remettre en cause l’efficacité des analyses fondamenta-

listes évaluant la valeur des entreprises à partir de données publiques (comptables) sur

les entreprises ou (macroéconomiques) sur leurs marchés. Enfin, la forme “forte” vise le

problème de l’importance de l’information privilégiée.

Fama lui-même avait une vue essentiellement pragmatique de ces tests :

“nous devons noter que ce que nous avons appeler le modèle des marchés

efficients [...] est l’hypothèse que les prix des actifs à tout instant “reflète tota-

lement” toute l’information disponible. Alors que nous allons défendre la thèse

que le modèle se comporte relativement bien par rapport aux faits, il est évi-

demment une hypothèse nulle extrême. Et, comme les autres hypothèses nulles

extrêmes, nous ne devons pas nous attendre à la voir totalement confirmée.

Les catégories forme faible, forme semi-forte et forme forte ont essentiellement

pour but de nous permettre de cerner le niveau d’informationoù l’hypothèse

s’effondre.” ([Fam70] p. 23)

Dans sa recension de 1970, Fama concluait qu’il n’y avait aucun élément important

allant à l’encontre des formes faible et semi-forte, et seulement des éléments limités contre

la forme forte. L’élément sans doute le plus en faveur de la forme forte est l’étude de Jensen

[Jen68] déjà mentionnée des performances de 115 mutual funds sur la période 1955-64.

L’absence de sur-performance des gérants des funds conduisait en effet Jensen à conclure :

27

Page 29: efficience des marchés

“Bien que les résultats n’impliquent pas que la forme forte de l’hypothèse

de la martingale soit vérifiée pour tous les investisseurs et à tout moment, ils

donnent des éléments particulièrement forts à l’appui de cette hypothèse. On

doit en effet réaliser que ces analystes sont extrêment bien dotés. Au surplus, ils

opèrent sur des marchés d’actifs tous les jours et ont de multiples contacts dans

le monde des affaires et les milieux financiers. Aussi, le fait qu’ils n’aient été

apparemment incapable de prévoir suffisamment précisément les rendements

pour compenser leurs frais d’analyse financière et leurs coûts de transaction

supplémentaires est un élément de preuve étonnant en faveur de la forme forte

de l’hypothèse de martingale.” ([Jen68], cité par [Fam70] p. 48)

De multiples tests ont depuis permis de mieux évaluer cette forme forte. Même si

elle est sans doute plus résistante que l’on ne pourrait s’y attendre, elle n’est sans doute

pas la forme d’efficience la mieux vérifiée empiriquement. Cepedant, cette forme “forte”

d’efficience est sans aucun doute la plus intéressante théoriquement car elle pose une

énigme.

Comment l’information privée qu’ont les différents traders ne pourrait pas leur donner

un avantage sur les agents non informés ? Fama, lui-même, ne proposait pas de modéli-

sation théorique expliquant cette transmission de l’information par le marché. Ce ne fut

que progressivement, notamment sous l’impulsion de Robert Lucas (1937-), que l’on vit se

développer des modélisations expliquant cette transmission de l’information par les prix.

L’exemple simple qui suit permet d’en comprendre l’intuition.

6 Efficiences faible et semi-forte des marchés

6.1 Efficience faible

Les travaux sur le chartisme avait largement remis en question la possibilité de battre

le marché en se basant sur les prix passés. L’examen dans les années 50 et 60 de la

profitabilité des stratégies de filtre permis de confronter l’hypothèse d’efficience faible des

marchés.

Comme l’illlustre la figure 22, la technique de filtre consiste à fixer une marge de fluc-

tuation au delà de laquelle en cas de retournement le titre est soit acheté, soit vendu.

Ainsi, sur la figure 22, le point A constitue un premier retournement du marché : au

point B, la hausse cumulée du marché (depuis A) est égale au filtre et donc ceci cosntitue

le signal d’achat des actions. Aux points C et D, le marché se remet provisoirement à

28

Page 30: efficience des marchés

temps

Log prix

signald'achat

signalde vente

A

B

C

D

E

F

x %

x %

Fig. 22 — Un exemple d’application de la technique du filtre.

baisser. Cependant, la baisse cumulée (jusqu’au retournement à la hausse) en chacun de

ces points est inférieur au filtre : aussi on continue à détenir les titres achetés en A. Par

contre, le retournement initié au point E est d’une ampleur suffisante pour entraîner l’ap-

parition d’un signal de vente au point F. Cet exemple illustre le principe de la stratégie

de filtre. Celle-ci présuppose que les évolutions des cours des actions financiers sont suf-

fisamment persistants. Son principal désavantage est qu’elle conduit souvent à réajuster

les portefeuilles et donc à multiplier les coûts de transaction. Les études empiriques ont

souligné l’importance de ceux-ci pour la profitabilité de relative de la stratégie de filtre

relativement à une stratégie passive de “buy and hold”.

Ainsi, dans une étude représentative, Cootner [1962] [Coo62] opposa, sur un échan-

tillon comprenant 45 valeurs du NYSE sur la période 1956-60 (données hebdomadaires),

une gestion passive “achat-conservation” à une stratégie traquant les cours à l’aide d’une

moyenne mobile (sur 40 semaines) et avec un seuil soit nul soit de 5%.13 Les résultats

13Cette stratégie consiste donc à comparer au début de chaque semaine la valeur atteinte par le titre

durant la semaine précédente à sa valeur moyenne (calculée à l’aide de la moyenne mobile). Si la valeur

effective est supérieure au seuil, par exemple est supérieure de 5% à la valeur moyenne, le titre est

considéré comme surévalué et donc vendu. Si la valeur est inférieure de plus de 5%, la valeur est réputée

sous-évaluée et donc achetée. Grâce à cette technique (sommaire), on espère exploiter tout écart entre le

prix du titre et sa valeur fondamentale, supposée résumée par cette moyenne.

29

Page 31: efficience des marchés

Tab. 2 — Résultats de différentes stratégies de sélection de titres du NYSE sur la période

1956-60 (données hebdomadaires)

rendement

moyen (%)

transactions

moyennes

brut net

achat-conservation 10 10 2

Moyenne mobile (5%) 14 11 15.2

Moyenne mobile (0 %) 12 6 40.6source : Cootner [1962]

obtenus illustre la difficulté sur laquelle butent les stratégies actives, l’importance des

commissions de courtage (différence entre le brut et le net).

A la même époque, l’économiste Sidney Alexander, initialement partisan des stratégies

actives, concluait ainsi une série d’articles [Ale61] [Ale64] :

“Les profits importants de l’article [Ale61] doivent être remplacés par des

profits plus faibles. La question se posent encore de savoir si ces mêmes pro-

fits ne pourraient pas être le résultat d’une marché au hasard. Mais je dois

confesser que le côté amusant de ce travail a quelque peu disparu.”

“Je devrais conseiller à tout lecteur que seuls les résultats pratiques in-

téressent, et qui n’est pas pas un courtier en bourse et doit donc payer des

commissions, de se tourner vers d’autres sources pour trouver une méthode

qui batte la stratégie “achat-conservation”.” ([Ale64], cité par [Ber95] p. 112)

La conclusion générale des analyses des stratégies de filtre, comme celles sur les stra-

tégies inspirées par les chartistes, est donc plutôt en faveur de l’hypothsèe de l’efficience

faible des marchés. D’autres travaux ont tenté d’évaluer cette hypothèse en évaluant le

degré d’auto-corrélation des rendements et la pertinence de la marche aléatoire.

Sous l’hypothèse de marche aléatoire, connaissant le rendement moyen et la variance du

marché, il est possible de calculer la distribution de runs, i.e. la distribution des rendements

consécutifs allant dans le même sens. Ainsi Fama [1965] [Fam65b] a compté les runs de

30 actions du Dow Jones sur des observations portant sur un, quatre, neuf et seize jours.

En moyenne, le hasard devrait produire une moyenne quotidienne de 760 runs alors qu’il

en observé 735. De même aux autres horizons, les nombres observées sont très proches

des nombres théoriques et les différences étaient trop faibles pour être exploitables.

Econométriquement, la mise en évidence de l’auto-corrélation passe classiquement par

30

Page 32: efficience des marchés

l’estimation d’équations du type :

Rt = a+ bRt−T + et (8)

L’ordre de l’auto-corrélation est donnée par la valeur de T . Dès 1965, Fama dans son

étude sur 60 actions de l’indice Dow Jones a mis en évidence une auto-corrélation positive

du premier ordre des rendements quotidiens pour 23 titres, auto-corrélation significative

pour 11 titres avec des valeurs allant de −0.123 à 0.118 (tableau 3). L’importance decette auto-corrélation n’était cependant pas économiquement significative puisque elle

était trop faible pour être économiquement exploitable d’après Fama.

Dans les années 80, ces résultats plutôt favorables à la marche aléatoire ont été atta-

qués notamment par Lo & MacKinley [1988] [LM88] qui sur données hebdomadaires

ont mis en évidence une auto-corrélation importante pour les portefeuilles equi-pondérés.

Cependant, cette auto-corrélation disparaît pour les portefeuilles pondérés. A court-terme

l’auto-corrélation des rendements est donc suffisamment faible pour apparaître conforme

à l’efficience faible.

6.2 Efficience semi-forte

L’efficience semi-forte revient à poser des restrictions sur l’ajustement des prix lors-

qu’une information publique arrive sur le marché. La figure 23 illustre les deux ajustements

possibles :

— si les marchés n’intègrent pas parfaitement l’information publique alors, comme

le montre (a), après la période d’annonce la dynamique des prix continue à être

influencée par l’annonce et donc ne converge que lentement vers la valeur d’équilibre ;

— si par contre l’information est intégrée rapidement, alors, comme le montre (b), en

l’absence d’arrivée d’autres informations, le prix est ajusté à sa valeur d’équilibre

dès la période d’annonce.

Différents travaux ont donc tenté de mettre en évidence cette dynamique des prix. Un

travail pionnier et classique, utilisant la technique des événements, fut celui de Fama,

Fisher, Jensen & Roll [1969] [FFJR70] sur la division des actions.

Leur analyse portait donc sur 940 divisions d’actions sur la période 1927-59 sur le

NYSE, dont certaines avaient connu durant l’année suivant la division des titres soit une

augmentation, soit une diminution des dividendes. Pour évaluer le rendement en excès des

titres, le modèle du MEDAF est utilisé. La variable observée est donc le résidu cumulé

du rendement en excès, i.e. le rendement non expliqué par le MEDAF. Les résultats de

Fama, Fisher, Jensen & Roll [1969] étaient triples :

31

Page 33: efficience des marchés

Tab. 3 — L’auto-corrélation des rendements

source : Fama [1970]

32

Page 34: efficience des marchés

temps temps

prix prix

périoded'annonce

périoded'annonce

(a) ajustement partielaprès l'annonce

(b) ajustement completà la période d'annonce

valeur d'équilibre après l'annonce

Fig. 23 — Les deux ajustements possibles des prix à une annonce.

— comme le montre la figure 24, le résidu moyen cumulé du titre après la division des

titres est stable, conforme en celà à l’hypothèse que l’ajustement des prix est rapide ;

— la croissance du prix avant la division est a priori problématique car la division est

a priori neutre ; ce mouvement à la hausse est interprétée par Fama, Fisher, Jensen

& Roll [1969] comme la conséquence du fait que la division est en général associé à

une bonne rentabilité à venir pour les actionnaires ; la croissance du titre selon eux

révèle une information inférée par le marché ;

— si la nouvelle anticipée par le marché est confirmée alors le titre doit continuer à aug-

menter alors que si elle est contredite, le titre doit baisser de manière permanente ;

la désagrégation des résultats révèle que ceci est bien le cas (figure 25).

D’autres études ont appliqué la méthode des événements à d’autres marchés, d’autres

titres, d’autres périodes. Les conclusions sont en général conformes à celles de Fama,

Fisher, Jensen & Roll [1969].

On peut également tenter de tester économétriquement l’hypothèse d’efficience semi-

forte. La difficiculté de cette approche est alors de bien identifier les informations pu-

bliques. Le travail de Roll [1984] [Rol84] est sans doute un des meilleurs travaux ayany

adopté cette approche économétrique.

33

Page 35: efficience des marchés

Fig. 24 — Les ajustements des prix avant et après la division des actions. (source : Fama,

Fisher, Jensen & Roll [1969])

Fig. 25 — Les ajustements des prix avant et après la division des actions. (source : Fama,

Fisher, Jensen & Roll [1969])

34

Page 36: efficience des marchés

Les marchés de futures sur le jus d’orange aux Etats-Unis sont essentiellement échangés

par la Citrus Associates du New York Cotton Exchange. Sur la période analysée (octobre

1975 - décembre 1981,), environ 9 contrats étaient échangés, dont les livraisons à deux

mois, en janvier, en mars, etc... La livraison la plus distance est à 17-18 mois. Un contrat

portait sur 15000$ de jus d’orange standardisé par la concentration (le “degré bix”) et

des “scores” minimaux pour la couleur, la saveur et les défauts. Les contrats les plus

nombreux sont pour les échéances rapprochées, i.e. les contrats des échéances supérieures

à 8 mois ne représentent que 10% des contrats d’échéance de 2 à 6 mois. Les contrats les

plus courts sont extrêmement volatiles : ainsi le contrat expirant 16 novembre 1977 vit

son prix passer dans les 15 dernières minutes de 1.30$ à 2.20$ par livre, soit un taux de

rendement annualisé de 1.8 million de %!

L’intérêt du jus d’orange pour l’hypothèse semi-forte d’efficience découle de plusieurs

propriétés de sa production aux Etats-Unis :

— plus de 98% de la production est produite autour d’Orlando (Floride)

— le temps est un des paramètres essentiels de la production ; en raison de la concen-

tration géographique, la météo pertinente est celle de la région d’Orlando ;

— la météo est mesurée de manière précise et cohérente par une agence fédérale, la

National Weather Service du Department of Commerce ;

— seule une petite partie de la production est stockée et donc l’équilibre est peu sus-

ceptible d’être affectée par d’autres paramètres ;

— l’offre est peu susceptible d’être variable étant donné qu’il faut de 5 à 15 ans pour

faire pousser un arbre.

Aussi, “le jus d’orange est un bon candidat pour une étude de l’interaction entre les

prix et un déterminant exogène de la valeur, la météo.” (Roll [1984] [Rol84] p. 861)

Les informations les plus intéressantes communiquées par l’U.S. Weather Service sont

les prévisions à 36, 24, 12 heures portant sur la température (minimum, maximum) et la

pluviométrie.

L’hypothèse testée par Roll [1984] est donc que : “si le marché de futures sur le

jus d’orange était un mécanisme efficient de traitement de l’information, il doit incorporé

toutes les prévisions météorologique à court- et à long-terme. [...] Les prix des futures

doivent incorporer, par conséquent, la part prévisibile de la météo. Seule l’erreur dans les

prévisions doit être corrélée avec les évolutions contemporaines des prix.” ([Rol84] p. 869)

Aussi, les régressions testées sont les suivantes :

ln

µA

F

¶= a+ b−2Rt−2 + b−1Rt−1 + b0Rt + b1Rt+1 + b2Rt+2

35

Page 37: efficience des marchés

Tab. 4 — Rendements journaliers et erreurs de prévision du max de températureb−2 b−1 b0 b1 b2

36 heures0.102

(1.31)

-0.0558

(-0.624)

-0.0894

(-1.00)

-0.0600

(-0.673)

-0.490

(-5.37)

24 heures0.0374

(0.461)

-0.0615

(-7.50)

0.0224

(0.275)

0.585

(0.714)

-0.379

(-4.71)

12 heures-0.0851

(-1.17)

-0.0905

(-1.23)

0.00691

(0.0936)

0.0295

(0.398)

-0.191

(-2.62)source : Roll (1984) p.870

où A est la température actuelle, F la prévision, Rt le rendement journalier équipondéré

des deux contrats. Le ln(A/F ) est donc une mesure de l’erreur de prévision.

Les résultats obtenus sont reportés dans le tableau ??, où les valeurs entre parenthèses

sont les t de Student. Les seuls paramètres statistiquement significatifs sont ceux de la

période t+ 2 : ceci est donc en contradiction avec l’hypothèse d’efficacité semi-forte.

Cette inefficience semble résider dans l’existence des prix-limites. En effet, les autorités

de marché imposent des limites sur les mouvements des prix avant (après) 1979 :

— les prix ne peuvent évolués de plus de 5 (3) cents par livre par contrat, de plus de

750 (450) $ par contrat au dessus ou au dessous de la session précédente ;

— quand au moins 3 contrats mensuels ont été échangés à la clôture à la limite durant

3 jours successifs, la limite est portée provisoirement à 8 (5)% ;

— sur les trois derniers jours des contrats, la limite d’évolution des cours est porté à

10%; si la limite est atteinte durant la session, une suspension de 15 minutes de la

cotation de l’ensemble des contrats est alors respectée et la limite peut alors être

augmentée de 10 points.

Sur la période octobre 1975 - décembre 1981, 160 sessions (10%) de l’échantillon virent

les prix mordre les limites. Aussi, l’inefficacité du marché peut être la conséquence de ces

dispositions institutionnelles. Pour éliminer cet effet, Roll a procédé à une réestimation

de ses régressions en éliminant les 160 mouvements contraints.

Comme le montre le tableau ??, il n’existe plus de relations significatives entre les

erreurs de prévision et les rendements futurs : “Ceci indique que la significativité des

coefficients décalés trouvés dans le ?? était la conséquence des règles de prix limites et

non à d’autres sources d’efficience infiormationnelle.” ([Rol84] p. 872) En l’absence de ces

contraintes de microstructure, l’hypothèse d’efficience informationnelle semi-forte est en

général vérifiée.

36

Page 38: efficience des marchés

Tab. 5 — Rendements journaliers et erreurs de prévision du max de température avec

correction des sessions contraintesb−2 b−1 b0 b1 b2

36 heures0.0692

(1.46)

0.0671

(1.25)

-0.102

(-2.31)

0.0449

(1.01)

-0.0341

(-0.686)

24 heures0.0654

(1.48)

-0.00721

(-1.65)

0.111

(-2.74)

0.0234

(0.570)

-0.0545

(-1.33)

12 heures0.0518

(1.30)

0.0196

(0.495)

-0.0121

(-0.327)

0.0482

(1.30)

-0.0368

(-0.987)source : Roll (1984) p.870

7 Information privée et l’hypothèse d’efficience forte

L’hypothèse d’efficience forte est l’hypothèse la plus audacieuse. Même les partisans

de l’efficience des marchés comme Eugène Fama ne pense naturellement pas qu’elle soit

exactement vérifiée mais qu’elle constitue un benchmark par rapport auquel on peut

évaluer l’efficience des marchés.14

Tester l’hypothèse forte de l’efficience pose de multiples problèmes. Le premier d’entre

eux est évidemment celui de la mesure de l’information privée. Dans la littérature, essen-

tiellement deux types d’information ont été indirectement évalués : celles des analystes

financiers et celle des initiés, notamment des dirigeants et des actionnaires importants des

entreprises. Dans les deux cas, l’information est appréhendée via la mesure des perfor-

mances ex post obtenues. Pour évaluer ces performances, il est nécessaire de les corriger

du risque encouru. Aussi, l’évaluation de la performance en excès conduit à utiliser un

modèle d’évaluation. Ceci est à l’origine du second problème de cette littérature : le test

de l’efficience forte de l’efficience est nécessairement un test joint du modèle d’évaluation

utilisé et de l’hypothèse d’efficience. Si le test est négatif, logiquement soit le modèle soit

l’hypothèse rejetée. Aussi, dès lors que le test est un test joint, se pose alors un problème

d’interprétation des résultats. Les premiers tests de l’hypothèse de l’efficience forte furent

réalisées avec le modèle du MEDAF au cours de la seconde moitié des années 70. Ainsi,

le travail pionnier sur l’information des initiés fut celui de Jaffe [1974] [Jaf74]. Ses ré-

sultats, obtenus avec le MEDAF, rejetaient l’hypothèse d’efficience forte : selon lui, les

14“One would not expect such an extreme model to be an exact description of the world, and it is

probably best viewed as a benchmark against which the importance of deviations from market efficiency

can be judged.” ([Fam70] p. 414)

37

Page 39: efficience des marchés

marchés ne réagissaient que lentement aux informations publiques, et donc les outsiders

pouvaient exploiter leur information même huit mois après que l’information soit devenue

publique. Ces premiers résultats furent critiqués notamment par Seyhun [1986] [Sey86] :

dans l’étude de Jaffe, en effet les profits en excès viennent essentiellement des petites

capitalisations ; or, le CAPM, à la différence d’(autres modèles de valorisation, est un

outil peu efficace pour rendre compte de la valeur de ces titres. Le résultat de Jaffe

[1974] peut donc apparaître beaucoup plus un résultat défavorable au MEDAF plus qu’à

l’hypothèse d’efficience forte. Aussi, à la suite notamment du propre travail de Seyhun

[1986], la remise en cause du CAPM conduisit donc montée du scepticisme sur la valeur

du CAPM, cela conduisit à de nouveaux travaux recourant à des modèles d’évaluation

factoriels et à des méthodes économétriques plus sophistiquées. Ces efforts de raffinement

étant toujours un thème de recherche, il est équitable de conclure que si l’hypothèse d’ef-

ficience forte a souvent été rejetée, les gains que l’information privée permet d’atteindre

apparaissent de plus en plus limités.

La question de l’efficience forte pose évidemment le problème de l’importance de l’in-

formation privée sur les marchés. Différents travaux ont tenté de mettre en évidence

l’importance de celle-ci, dont l’un des plus célèbres est celui de French & Roll [1986]

[FR86].

7.1 Variances des marchés et information

Le point de départ de l’étude de French & Roll [1986] est l’observation que sur la

période 1963-82 sur les actions ordinaires du NYSE et de l’AMEX listés par le CRSP, la

variance des rendements des actions durant les périodes où les marchés sont ouverts est de

13 à 100 fois plus élevée que pendant les périodes où les marchés sont fermés (weekends,

vacances). En effet, les résultats (reportés dans le tableau 6) montre que les variances

des périodes de congés, des weekends, ne sont généralement que “légèrement” supérieures

à celle des jours d’ouverture. En supposant que la durée d’ouverture du marché est de

six heures en moyenne et que l’auto-corrélation est négligeable (pour l’horizon retenu),

ces différentes variances permettent d’obtenir la variance horaire du marché lorsqu’il est

ouvert et sa variance lorsqu’il est fermé. En effet, sous ces hypothèses, la variance du

weekend (comprenant le vendredi) devrait être :

σ2w = 66σ2N + 6σ

2N

38

Page 40: efficience des marchés

Tab. 6 — Ratios des volatilités à la variance des jours d’ouverture

toutes les

actions

quintile

le plus

petit

2 3 4

quintile

le plus

important

congés

(2 jours)1.247 1.301 1.199 1.239 1.217 1.281

weekends 1.107 1.122 1.108 1.119 1.105 1.082

congés et

weekends1.117 1.111 1.122 1.099 1.122 1.130

source : French & Roll (1986) p. 7

alors que celle d’un jour de semaine devrait être :

σ2j = 18σ2N + 6σ

2T

Comme la variance du weekend est égale à 1.107 fois celle d’un jour habituel, alors la

variance

66σ2N + 6σ2T = 1.107

¡18σ2N + 6σ

2T

¢où σ2T est la variance horaire des heures d’ouverture, σ

2N la variance horaire des heures où

les marchés sont fermés. En résolvant, on trouve que la variance des heures ouvertes σ2Tvérifie :

σ2T =66− 1.107× 18(1.107− 1)× 6 σ

2N

= 71. 766σ2N

De même, lorsque l’on applique la même méthode aux congés en milieu de semaine, on

trouve ;

σ2T = 13.2σ2N

ou pour les ponts :

σ2T = 99.6σ2N

Trois facteurs peuvent a priori expliquées cette différence de variances :

— une différence dans la fréquence d’arrivée d’informations publiques ;

— l’arrivée de l’information privée et son exploitation durant les périodes d’ouverture

des marchés ;

39

Page 41: efficience des marchés

— enfin, la plus grande variance peut être la conséquence des erreurs de pricing engen-

drés au cours des périodes de cotation.

L’analyse des données empiriques, notamment de la variance des rendements des jours

fériés, a conduit French & Roll [1986] à rejeter l’hypothèse de l’information privée.

Pour départager les deux dernières hypothèses, l’autocorrélation des rendements a été étu-

diée : en effet, les erreurs de pricing doivent, en raison des corrections qu’elles entraînent,

se traduire par une auto-corrélation négative des rendements. De fait, les résultats éco-

nométriques font apparaître celle-ci mais elle est relativement faible. Aussi, l’estimation

de French & Roll [1986] était que l’erreur de pricing n’expliquerait selon l’horizon retenu

(la journée, la semaine, etc...) que de 4 à 12% de la variance. Ceci suggère évidemment

que l’information privée est le facteur dominant de la différence de variance observée.

Anecdotiquement, de fait, durant la seconde moitié de 1968, les marchés boursiers durent

fréquemment fermés le mercredi pour permettre aux courtiers et autres intervenants de

solder complètement leur arriéré de travail administratif. Or, en conformité avec l’hy-

pothèse de l’information privée, la volatilité des marchés se révéla très inférieure à la

moyenne de la période 1963-82.

Au total, donc le travail de French & Roll [1986] illustre l’importance potentielle

de l’information privée pour l’animation des marchés financiers. Evidemment, au-delà du

volume des transactions, l’information privée pose le problème du rendement en excès

qu’elle confère.

7.2 L’énigme de la Value Line

L’un des premiers cas d’inefficience informationnelle forte portée à l’attention des

économistes fut celui de la Value Line.

La Value Line est sans doute une des plus importantes publications financières du

monde. Elle emploie plus de 200 employés et analyse plus de 1700 actions. Sa méthode

consiste à ranger celles-ci toutes les semaines à l’aide d’un score de 1 à 5. Les actions

appartenant à la classe 1 sont supposés être les actions les plus prometteuses pour les 12

mois à venir, les actions appartenant à la classe 5 à la catgorie la pire.

Black [1973] [Bla73], dont le titre évocateur est “Yes, Virginia, there is hope : tests

of the value line ranking system”, fut la première étude analysant la performance du

classement de la value line. Utilisant le MEDAF pour corriger le rendement du risque,

conformément à la méthode proposée par Jensen [1969] [Jen69], il évalua le rendement

en excès d’un portefeuille long en actifs de la catégorie1, court en actif de la catégorie

40

Page 42: efficience des marchés

Fig. 26 — Les rendements cumulés de la Value Line, novembre 1965 - février 1978. (source :

Copeland & Mayers [1982])

5 à près de 20%!15 Après cette première étude célèbre de la Value Line, divers auteurs

reprirent cette analyse en modifiant les méthodes d’évaluation des rendements. Ainsi,

Copeland & Mayers [1982] [CM82] analysèrent les performances de la Value Line sur

la période allant de novembre 1965 à février 1978 (figure 26).

Utilisant le CAPM, ils ré-estimèrent les rendements en excès de la Value Line sur la

période considérée. Comme auparavant Black, le MEDAF se révéla incapable d’expliquer

(totalement) les variations du rendement en excès des différentes catégories comme l’at-

teste les α non nuls du tableau 7. Les rendements en excès et le cumul du rendement en

excès furent donc calculés en conséquence et sont reportés dans le tableau 8 et représentés

sur la figure 27.

Outre l’existence des rendements en excès, l’analyse de Copeland & Mayers [1982]

mis en évidence :

— des valeurs des rendements en excès sensiblement inférieures à celles de Black ...

— ... qui découlent essentiellement des ventes des actifs de la catégorie 5 ;

— le gain au demeurant apparaît faible au point d’être annuler par un coût de tran-

saction de 1%; cependant certaines stratégies peuvent dégager des profits nets,

notamment celles consistant à allonger la période de détention à 6 mois en révisant

à l’issue de la période en rachetant des actifs de la catégorie 1 et en vendant les

15Les portefeuilles utilisés par Black étaient équi-pondérés et ré-équilibrés tous les mois.

41

Page 43: efficience des marchés

Tab. 7 — Benchmarks des différentes catégories1 2 3 4 5

26 semaines

α 0.000 0.0002 -0.000 -0.0003 -0.0007

β 1.0426 0.9552 0.8870 0.8815 1.0032

52 semaines

α -0.0003 -0.0001 -0.0001 -0.0002 -0.0007

β 1.0209 0.9472 0.8779 0.8778 1.0039source : Copeland & Mayers (1982) p. 299

Tab. 8 — Rendements en excès des différentes catégories1 2 3 4 5

26 semaines

ACR 0.0152 0.0112 -0.0021 -0.0107 -0.0297

AR 0.0006 0.0004 -0.0001 -0.0004 -0.0011

52 semaines

ACR 0.0033 0.0035 -0.0057 -0.0112 -0.0305

AR 0.0001 0.0001 -0.0002 -0.0004 -0.0012source : Copeland & Mayers (1982) p. 301

Fig. 27 — Les rendements en excès de la Value Line, novembre 1965 - février 1978. (source :

Copeland & Mayers [1982])

42

Page 44: efficience des marchés

actifs de la catégorie 5.

L’analyse de Stickel [1985] [Sti85] compléta cette analyse en utilisant la technique

des événements. Son analyse mis en évidence que :

— la Value Line possèdait une information dont le marché ne disposait pas (effet d’an-

nonce) ;

— les ajustements de prix prennaient en moyenne trois jours et étaient permanents ;

— les effets étaient importants essentiellement pour les petites capitalisations ; selon

ses résultats, le passage du groupe 2 au groupe 1 est associé à un rendement sup-

plémentaire au bout de 3 jours de 5.18% pour les plus petites capitalisations alors

que le gain est de 0.7% pour les plus petites importantes capitalisations.

Comme souvent dans la littérature, l’analyse des sources des inefficiences conduit donc

à cerner une catégorie de titres extrêmement spécifique par leurs risques, leurs liquidités

et leurs coûts de transaction.16 L’analyse financière apparaît donc pour certains titres

susceptibles d’engendrer des rendements en excès positifs (mais relativement faibles). Ces

résultats de la Value Line ne sont pas uniques. Liu, Smith & Syed [1990] [LSS90] ont

trouvé des résultas similaires à Stickel [1985] portant sur les conseils de placement (et

le rating) du Wall Street Journal.

7.3 Valeur de l’information des initiés

Le second cas important d’information privée analysé dans la littérature est celui des

initiés. Aux Etats-Unis, depuis le Security and Exchange Act de 1934, renforcé par l’Insider

Trading Sanctions Act de 1984 et l’Insider Trading and Securities Fraud Enforcement Act

de 1988, les “corporate insiders” doivent dans un délai de 10 jours reporter à la SEC

toute transaction portant sur les titres des entreprises dont ils sont les insiders. Parmi

les Insiders les dispositions légales mentionnent les membres des conseils des directeurs

ainsi que les actionnaires contrôlant plus de 10% du capital. Ces formulaires déposées à

la SEC constituent une source d’information considérable (et rarement égalée dans les

autres pays) sur lesquels différents études ont tenté d’évaluer les rendements en excès des

initiés ou des transactions coïncidant à des transactions d’initiés.

Dans cette littérature, outre le travail pionnier de Jaffe [1974] [Jaf74] déjà mentionné,

sans doute le travail le plus de référence est celui de Seyhun [1986] [Sey86].

Son point de départ était de souligner certaines faiblesses des études antérieures :

16Selon Hulbert [1990] (cité par Fama [1991] [Fam91]), au cours des années 80, ces gains de rende-

ment de la Value Line seraient devenus encore plus faibles.

43

Page 45: efficience des marchés

Tab. 9 — Transactions privilégiées selon les entreprisescapitalisation des entreprises

< 25 M$ 25 < < 50 50 < < 250 250 < < 1000 < 1000 toutes

nombre

d’entreprises104 68 173 267 157 769

valeurs des

transactions152 182 1287 2990 6490 11 101

nombre des

transactions4141 3010 10552 23267 16178 59148

achats / ventes 2.09 1.27 0.79 0.57 0.59 0.70source : Seyhun (1986) p. 191

Tab. 10 — Transactions privilégiées selon les types d’insiders

officers directorsofficers-

directors

Pt. du bureau

des directeurs

actionnaires

importantstous

valeurs des

transactions806 1889 571 408 7427 11 101

nombre des

transactions21913 17486 6520 3400 9829 59148

source : Seyhun (1986) p. 191

— l’estimation des rendements par excès par le CAPM néglige le facteur de rendement

que constitue l’importance de la capitalisation [Ban81], [Rei81] ;

— les périodes où les transactions des insiders deviennent publiques sont difficiles à

déterminer et sont généralement confondues avec celles des transactions ;

— les relations entre les profits des insiders et la taille du spread sont peu étudiés alors

qu’elles constituent un élément crucial des théories (Glosten & Milgrom [1985]

[GM85])

Les données exhaustives de Seyhun [1986] proviennent essentiellement de la SEC et

comprennent environ 1.5 million de transactions réalisées entre 1973 et 1981. Après élimi-

nation des entreprises sur lesquelles on disposait de peu d’information, l’éhantillon final

comprenait 769 entreprises. 58% des transactions d’initiés avaient lieu dans les entreprises

les plus importantes ; les agents réalisant le plus fréquemment de telles transactions sont

dans l’ordre les officers, les directeurs puis les actionnaires importants.

Sur les ventes et les achats, les insiders réalisaient des rendements en excès positifs

44

Page 46: efficience des marchés

Tab. 11 — Rendements par excès cumulés des transactions des insiders, 1975-1981période total achats ventes

-100 / 0-2.3

(-3.3)

-1.4

(-2.1)

2.5

(4.0)

-20 / 0-1.3

(-4.8)

-0.7

(-2.4)

1.7

(6.2)

1 / 201.0

(3.7)

1.1

(3.8)

-0.9

(-3.3)

1 / 1002.3

(3.7)

3.0

(4.4)

-1.7

(-2.7)

101 / 3000.8

(0.9)

1.3

(1.4)

-0.5

(-0.6)

1 / 3003.1

(2.8)

4.3

(3.7)

-2.2

(-2.0)source : Seyhun (1986) p. 198

et statistiquement significatifs : à un horizon de 100 jours (par rapport au jour de tran-

saction) la hausse est de 3.0% pour les achats, la baisse de 1.7% pour les ventes ; sur les

100 jours antérieurs, les évolutions sont inverses : les insiders apparaissent donc jouer des

stratégies à contre. Par rapport aux résultats antérieurs ([Jaf74] notamment), les rende-

ments en excès de Seyhun apparaissent modestes mais ils sont robustes aux benchmarks

utilisés. Cependant, si le CAPM est utilisé, le rendement par excès augmente de manière

significative (de 3.1 à 4.3% à un horizon de 300 jours).

Le rendement par excès est décroissant de la taille de l’entreprise puisqu’à un horizon

de 50 jours, le rendement en excès cumulé passait de 4.5% à 0.9% lorsque la taille de

l’entreprise passait de moins de 25M$ àçn plus de 1 MM$.

Si l’on analyse les rendements en excès en fonction du type de l’initié (officers, directors,

officer-directors, chairmen of the board of directors, large shareholders), en moyenne les

transactions des officers-directors sont plus informatives que les transactions des officers,

les différences entre les transactions des types étant statistiquement significatives au seuil

de 5%. Par contre le volume des transactions n’affecte pas le rendement en excès - ce

qui contredit l’interprétation “informationnelle”. Cependant, lorsque les transactions sont

importantes, la part des actionnaires importants est généralement également importante.

Or, les actionnaires importants réalisent des transactions dégageant un rendement en

excès faible voire nul. Les conclusions tirés par Seyhun étaient que :

45

Page 47: efficience des marchés

Tab. 12 — Rendements par excès cumulés des transactions des insiders, 1975-1981

périoderéception

par la SEC

publication

dans l’Official

Summary

1 / 200.5

(3.2)

0.3

(1.9)

1 / 500.8

(3.5)

0.7

(2.4)

1 / 1001.4

(4.3)

1.2

(3.0)

1 / 3001.9

(3.4)

1.1

(1.7)source : Seyhun (1986) p. 208

— l’information des insiders découle de leur implication dans la direction de l’entre-

prise ;

— la relation décroissante entre le rendement en excès et la taille est robuste ; la part

la plus importante des surprofits est réalisée sur les petites entreprises ;

— les insiders semblent déterminer le volume de leurs échanges en fonction de la qualité

de leurs informations.

Les résultats de la littérature sur les transactions des initiés semblent contredire l’hypo-

thèse d’efficience ; cependant, la plupart des études empiriques font comme si l’information

sur les transactions des insiders était disponible immédiatement. En fait, l’information

contenu dans l’Official Summary (de la SEC) n’apparaît que 90 jours après pour 31% des

transactions, 60 jours après dans 84% des transactions. Après recalage des rendements par

excès sur la date de parution dans l’Official Summary, les rendements en excès calculés

par Seyhun devenaient encore plus faibles (de l’ordre de 1.1% à un horizon de 300 jours).

Ainsi, la révélation de l’existence de transactions initiés semble conduire à une correction

des rendements en excès des initiés, correction cohérente avec le fait que les marchés in-

corporent ce résultat et donc par là même, prive les initiés d’une partie substantielle de

leurs avantages informationnels initiaux.

Aussi même si l’analyse de Seyhun révèlait l’existence de rendements en excès, la

faiblesse de ceux-ci et leurs localisations conduisait Seyhun à conclure dans les termes qui

suivent :

46

Page 48: efficience des marchés

Fig. 28 —

“Net of these trading costs, abnormal returns to outsiders following either

the reporting day or the pub2lication day are non-positive. [...] More selective

trading rules also reveal no significantly positive abnormal profits to ousiders

net of the trading costs. This evidence is consistent with market efficiency.”

([Sey86] p. 210)

Récemment d’autres travaux ont revisités ce travail de référence à l’aide de nouvelles

méthodes économétriques. Parmi eux figure la contribution de Eckbo & Smith [1998]

[ES98]. Portant sur 18 000 échanges d’initiés sur l’Oslo Stock Exchange de janvier 1985 à

décembre 1992, ce travail évalue les rendements en excès à l’aide d’une analyse factorielle

sophistiquée. Les estimations des α de Jensen (contraints ou non), i.e. des rendements

en excès, donnent des coefficients de Jensen faibles et dont un seul est statistiquement

significatifs au seuil de 5%.

Comme on le voit donc, l’hypothèse d’efficience forte n’est naturellement pas confir-

mée : l’information des analystes financiers ou des initiés leur permet de réaliser une sur-

performance. Cependant, l’ampleur de cette dernière semble limitée et transitoire. Aussi,

même si la notion d’efficience forte est statistiquement rejetée, elle demeure une référence

incontournable pour évaluer les performances des agents et des méthodes d’analyse.

47

Page 49: efficience des marchés

8 La prévisibilité des cours

Le développement des notions de marche au hasard et d’efficience des marchés s’étaient

réalisées au cours des années 60 et 70 dans un cadre financier dont l’horizon était court,

i.e. inférieur à un an. Les résultats classiques alors obtenus étaient que l’auto-corrélation

des rendements étaient à court-terme faible. Ainsi, Fama [1970] [Fam70] reportait les

résultats du tableau 3 (page 32) pour un ensemble de 30 actions dont les rendements

étaient successivement calculés sur 1 jour, 4 jours, 9 jours, 16 jours. Les nombres accom-

pagnés d’une étoile sont les coefficients dont la valeur est différente de 0 de plus de deux

écarts-types.17 Comme on peut le remarquer, le nombre des coefficients statistiquement

différents de 0 est de 11 si la période est la journée, puis respectivement de 5, 2 et 1 si

elle est de 4, 9 et 16 jours. Lorsque la période est de 1 jour, seuls 3 coefficients sont à

la fois statistiquement significatifs et ont une valeur absolue supérieure à 1. Au maxi-

mum, lorsque la durée est de 4 jours, ce nombre atteint 5 (sur 30 titres) et au total, sur

120 coefficients calculés seuls 11 vérifient ces mêmes conditions. Aussi, les résultats de

la littérature des années 60, 70 étaient généralement interprétés comme confortant pour

l’essentiel la thèse sinon d’une marche aléatoire exacte, du moins d’un comportement très

proche de cette référence. Cependant à partir du milieu des années 80, notamment sous

l’impulsion de travaux de Lawrence Summers (suivis par ceux des inévitables Fama

& French) l’attention se porta des rendements de court-terme à ceux de long-terme (de

1 à 10 ans disons).

Sur la période 1926-1998, le rendement excédentaire des actions (relativement au ren-

dement moyen des T-bills du Trésor américain) est de l’ordre de 8%. Certains économistes

comme Jeremy Siegel, en ont tiré argument pour prôner la supériorité à l’horizon d’une

ou de deux décennies (l’horizon de décision d’un ménage commençant à épargner vers 35

ans) de portefeuilles en actions. Cependant, même si l’on admet que la distribution des

rendements des actions est stationnaire et identique de période à période, la performance

historique des actions doit être relativisée. En effet, le rendement historique ne correspond

pas nécessairement au rendement espéré. En supposant que sa distribution est normale, et

que son écart-type annuel (noté σ) est égal à son écart-type historique, 17% annuellement

sur le marché américain, alors l’écart-type du rendement annualisé sur T périodes, σ(T ),

est décroissant de T :

σ(T ) =σ√T

En supposant que la distribution est normale (et identique de période à période), alors

17Et donc ces coefficients seraient significatifs au seuil de 5% si la distribution était normale.

48

Page 50: efficience des marchés

Tab. 13 — Ecart-type du rendement espéré en fonction de l’horizon

horizon σ/√T (%)

fourchette des

rendements

excédentaires

(seuil de 5%)

5 7.6 [0.4, 15.6]

10 5.4 [2.6, 13.4]

25 3.8 [4.2, 11.8]

50 2.4 [5.6, 10.4]

source : Cochrane [1997] Where is the market going ?

l’intervalle de valeur centré autour de la valeur historique annuelle R auquel au seuil de

5% appartient le rendement théorique R(T ) sur T périodes est :

Pr [R(T ) ∈ [R− α,R+ α]] ≥ 0.95⇒ α ≥ 2σ(T )

Comme σ(T ) est décroissant de T , la plage des valeurs possibles des rendements théoriques

possibles est d’autant plus réduite que T est grand. Cependant comme le montre les calculs

du tableau 13, la volatilité est telle que l’information que donne le rendement historique

est faible :

— à un horizon de 5 ans, au seuil de confiance de 5%, la fourchette du rendement que

l’on peut obtenir est [0.4, 15.6] ;

— à 10 ans, cette fourchette est encore de plus de 10 points ([2.6, 13.4]) ;

— à 50 ans, le rendement moyen que l’on peut obtenir va de 5.6 à 10.4%.

Ces résultats élémentaires soulignent donc la limite de l’argument de Siegel. Dumoins

si l’on retient l’hypothèse d’une distribution identique et indépendante. Aussi n’est-il pas

surprenant que l’on se soit interrogé sur la possibilité qu’à long-terme les rendements des

actifs financiers subissent des forces de rappel qui limitent fortement l’incertitude sur le

rendement à attendre.

Pour mettre en évidence ces mécanismes de correction, de mean-reverting, plusieurs

techniques furent utilisées. La plus simple consiste simple à comparer les variances des

rendements à court-terme (disons 1 an) aux rendements de moyen-terme (par exemple 5

ans) et de long-terme (10 ou 15 ans par exemple). Si les rendements suivaient une marche

au harsard alors les variances à 10 ans, 15 ans devraient être simplement égales à 10 fois,

49

Page 51: efficience des marchés

15 fois la variance de court-terme. Plus généralement les ratios de variance :

RV (t, T ) =σ2(RT )Ttσ2(Rt)

où t est l’horizon de court-terme, T celui de long terme, T/t étant donc le nombre de

courte-période composant la longue période. Si le rendement suit une marche aléatoire

alors nécessairement RV (t, T ) = 1. Si par contre il subit un processus de correction le

ramenant, en l’absence de choc à sa valeur de long-terme, alors RV (t, T ) < 1. Si par

contre la dynamique des rendements est cumulative, un choc à la période t se répercutant

sur les rendements futurs en s’amplifiant alors RV (t, T ) > 1. Cette dynamique cumulative

(momentum) caractérise la dynamique de certains types d’actifs financiers à court-terme,

notamment les petites capitalisations.18

Cependant lorsque l’horizon dépasse l’année, la dynamique cumulative semble laisser

place à des mécanismes de correction. L’une des premières études qui mis en évidence ce

changement de structure fut celui de Poterba & Summers [1988] [PS88] où pour des

valeurs du NYSE sur la période 1926-1985, l’auto-corrélation positive constatée pour des

horizons inférieurs à l’année laisse place à de l’auto-corrélation négative à des horizons

supérieurs (de 2 à 8 ans). Ces résultats confirmaient les résultats de l’étude économétrique

de Fama & French [1988] [FF88]) obtenus sur un échantillon plus important.

Le point de départ de la littérature est d’envisager que les prix (en log) des actifs sont

déterminés par deux composantes :

p(t) = q(t) + z(t)

où :

— qt est la composante indépendante, i.e. la marche aléatoire autour d’un trend :

q(t) = q(t− 1) + µ+ η(t)

avec µ est la dérive anticipée, η(t) est le bruit blanc ;

— zt est la composante suivant le mécanisme de correction

z(t) = φz(t− 1) + ε(t)

où ε(t) est un bruit blanc, φ est légèrement inférieur à 1.

18Lo & MacKinlay [1988] [LM88] ont ainsi repris les analyses antérieures de Fama des variances des

rendements à court-terme (2, 4, 8 et 16 semaines) sur la période 1962-1985 et pour le NYSE et l’AMEX.

ont évalué et pour différentes catégories de titres. Les petites capitalisations y sont caractérisées par une

auto-corrélation positive marquée.

50

Page 52: efficience des marchés

A un horizon T , les rendements sont alors donnés par :

r(t, t+ T ) = p(t+ T )− p(t)

= [q(t+ T )− q(t)] + [z(t+ T )− z(t)]

Le coefficient d’auto-corrélation d’ordre T entre z(t+T )−z(t) et z(t)−z(t−T ) est donc :

ρ(T ) =cov [z(t+ T )− z(t), z(t)− z(t− T )]

σ2 [z(t+ T )− z(t)]

La covariance s’écrit :

cov [z(t+ T )− z(t), z(t)− z(t− T )] = −σ2(z)+2cov(z(t+T ), z(t))− cov(z(t), z(t+2T ))

Si z(t) est stationnaire alors les covariances doivent approcher asymptotiquement 0 lorsque

T → +∞.Au dénominateur :

σ2 [z(t+ T )− z(t)] = 2σ2(z)− 2cov(z(r + T ), z(t))

et donc approche 2σ2(z) asymptotiquement. Par conséquent si z(t) est stationnaire alors

asymptotiquement le coefficient ρ(T ) doit approcher asymptotiquement −0.5. Lorsque zsuit un processus AR(1) alors :

Et [z(t+ T )− z(t)] = (φT − 1)z(t)

et la covariance s’écrit :

cov [z(t+ T )− z(t), z(t)− z(t− T )] = −σ2(z) + 2cov(z(t+ T ), z(t))− cov(z(t), z(t+ 2T ))

= σ2(z)(−1 + 2φT − φ2T )

= σ2(z)(1− φT )2

Par conséquent si φ est proche de 1, alors lorsque T est proche de 0, la covariance est

proche de 0 et elle approche lentement −0.5.Si l’on note β(T ) la droite de régression de r(t, t+T ) sur r(t, t−T ), si les composantes

aléatoires et stationnaires ne sont pas corrélées alors :

β(T ) =cov(r(t, t+ T ), r(t− T, t))

σ2(r(t− T, t))

=ρ(T )σ2(z(t+ T )− z(t))

σ2(z(t+ T )− z(t)) + σ2(q(t+ T − q(t))

51

Page 53: efficience des marchés

Si la composante z(t) est inexistente, et donc si le rendement suit uniquement la marche

aléatoire, alors :

ρ(T ) = 0 = β(T ) = 0

Par contre si le prix ne possède aucune composante aléatoire alors β(T ) = ρ(T ) et donc

approche −0.5 asymptotiquement :

limT→+∞

β(T ) = −0.5

Ces résultats permettent donc d’évaluer la nature du processus que suit le rendement à

partir des valeurs empiriques.

Sur la période 1926-1985, les résultats de Fama & French [1988] font apparaître

au niveau des industries une auto-corrélation négative assez forte jusqu’à 5 ans et sta-

tistiquement significative au seuil de 5% comme le montre le tableau 14 et la figure 29.

L’autocorrélation quasi-nulles pour les horizons courts devient progressivement significa-

tivement négatives à plus long terme (-0.25 à -0.4 pour les rendements à 3 ou 5 ans).

L’auto-corrélatiion a fonc une forme en U inversé en fonction de l’horizon : elle augmente

tout d’abord à court-terme avant de devenir négative. Cette structure se retrouve dans

d’autres pays : ainsi pour la France, Hamon & Jacquillat [1992] [HJ92] ont trouvé

la même structure sur le marché français des actions : les coefficients de corrélation des

rendements mensuels des indices pondérés et équipondérés des actions françaises sont tout

d’abord positifs les trois premiers retards, puis atteignent un minimum de -0.9 au bout

de 36 moins avant revenir à 0 au bout de 60 mois.

Cependant il faut noter que ces résultats sont fragiles. D’une part, le nombre de don-

nées devient relativement faible dès lors que l’on se donne des périodes d’observation de

plus de cinq ans. D’autre part, les analyses sur données américaines ont révélé l’impor-

tance de la période de la Grande Dépression. Ainsi, Fama & French révèle également

que la période 1926-1941 pèse lourdement dans ce résultat comme l’illustre la figure 30 et

le tableau 15 : la valeur absolue des coefficients tend en moyenne à devenir plus faible et

leur significativité devient beaucoup plus faible.

Cependant l’analyse de Fama & French révèle également que la période 1926-1941

semble essentielle pour ce résultat comme l’illustre la figure 30 et le tableau 15.

Ces résultats fragiles mais encourageants ont conduits de nombreux économistes à

tenter à nouveau de prévoir les rendements des actifs financiers. Mais cette fois leurs

efforts se sont portés sur les rendements de long-terme.

Ces travaux ont notamment tenté de prévoir les rendements futurs de long-terme par

l’observation de facteurs, i.e. de variables économiques ou financières comme :

52

Page 54: efficience des marchés

Tab. 14 — Les coefficients beta(T) corrigés obtenus au niveau des industries sur la période

1926-85. (source : Fama French [1988])1 2 3 4 5 6 8 10

Vente au détail -0,2 -0,14 -0,18 -0,12 -0,13 -0,06 -0,09 -0,02Automobile -0,05 -0,22 -0,36* -0,42* -0,35* -0,13 -0,04 -0,02Construction -0,01 -0,13 -0,27 -0,41* -0,42* -0,21 0,16 0,24

Finance -0,01 -0,17 -0,26 -0,25 -0,15 0,07 0,22 0,35Chimie -0,04 -0,33* -0,43* -0,38* -0,37* -0,19 0,05 0,13

Industrie des métaux -0,08 -0,27* -0,36* -0,36* -0,35* -0,17 0,18 0,28Industrie minière -0,09 -0,29* -0,37* -0,44* -0,48* -0,28* 0,02 0,08

Industrie pétrolière -0,02 -0,23 -0,29 -0,42* -0,40* -0,2 0,17 0,27Moyenne -0,03 -0,2 -0,3 -0,34 -0,32 -0,14 0,02 0,08

source : Fama & French

* indique que la pente est différente de 0 d’au moins deux écarts-types.

beta(T)

-0,6

-0,5

-0,4

-0,3

-0,2

-0,1

0

0,1

0,2

0,3

0,4

1 2 3 4 5 6 8 10

Vente au détail AutomobileConstruction FinanceChimie Industrie des métauxIndustrie minière Industrie pétrolièreMoyenne

Fig. 29 — Les coefficients β(T ) corrigés obtenus au niveau des industries sur la période

1926-85. (source : Fama & French [1988])

53

Page 55: efficience des marchés

Tab. 15 — Les coefficients beta(T) corrigés obtenus au niveau des industries sur la période

1941-85. (source : Fama French [1988])1 2 3 4 5 6 8

Vente au détail 0,00 -0,15 -0,13 -0,09 -0,16 -0,15 -0,16Automobile -0,03 -0,30 -0,30 -0,22 -0,17 -0,10 -0,07Construction -0,03 -0,17 -0,15 -0,16 -0,16 -0,09 0,15

Finance -0,01 -0,04 0,00 0,00 0,02 0,11 0,30Chimie -0,22 -0,41* -0,22 -0,09 -0,06 -0,05 0,05

Industrie des métaux -0,16 -0,20 -0,12 -0,06 -0,05 0,01 0,25Industrie minière -0,15 -0,3* -0,31 -0,33 -0,39* -0,32 -0,06

Industrie pétrolière -0,14 -0,21 -0,16 -0,20 -0,16 -0,12 0,13Moyenne -0,05 -0,19 -0,16 -0,13 -0,14 -0,09 0,01

source : Fama & French

* indique que la pente est différente de 0 d’au moins deux écarts-types

-0,5

-0,4

-0,3

-0,2

-0,1

0

0,1

0,2

0,3

0,4

1 2 3 4 5 6 8

Vente au détail Automobile Construction

Finance Chimie Industrie des métaux

Industrie minière Industrie pétrolière Moyenne

Fig. 30 — Les coefficients β(T ) corrigés obtenus au niveau des industries sur la période

1941-85. (source : Fama & French [1988])

54

Page 56: efficience des marchés

-0,4

-0,35

-0,3

-0,25

-0,2

-0,15

-0,1

-0,05

0

0,05

1 2 3 4 5 6 8

1926-85

1941-85

Fig. 31 — Les coefficients β(T ) corrigés obtenus en moyenne au niveau des industries sur

les périodes 1926-85 et 1941-85. (source : Fama & French [1988])

55

Page 57: efficience des marchés

— le ratio des prix aux dividendes (PDR - price dividend ratios) ;

— le ratio des prix aux résultats (bénéfices comptables) des entreprises (PER - price

earning ratios) ;

— la structure par terme des taux d’intérêt (TERM) mesurée couramment par la dif-

férence entre le taux long des titres obligataires d’Etat moins le taux court des bons

de l’Etat ;

— le risque de défaillance des entreprises privées (DEFAULT) mesuré par la différence

entre le taux d’intérêt des titres obmigataires des entreprises dont le rating est

(relativement) mauvais (par exemple Aaa) moins le taux d’intérêt des entreprises

dont le rating est le meilleur (AAA).

Certains de ces facteurs se sont révélés étonnament efficaces. Ainsi, Cochrane [1997]

[Coc97] a tenté d’expliquer sur la période 1947-1996 les rendements excédentaires par le

PDR. La régression estimée a donc été :

eRt→t+k = a+ b(Pt/Dt) +eεt→t+k

où k est l’horizon choisie. Les résultats obtenus sont reproduits dans le tableau 16. A un

an, la capacité d’expliquer les rendements demeure modeste puisque le R2 est “seulement”

de 0.15.19 Cependant, on peut remarquer que la valeur du coefficient b diffère de 0 de plus

de deux écart-types et donc apparaît statistiquement significatifs. Surtout, plus l’horizon

s’allonge, plus le R2 augmente et plus la “significativité statistique” augmente. A 5 ans,

la régression “expliquerait” jusqu’à 60% des rendements excédentaires constatées sur la

période 1947-1996 (aux Etats-Unis) et le coefficient diffère de 0 par près de 6 écart-types !

D’autres variables se sont également révélées très performantes pour prédire les ren-

dements (Fama & French [1989] [FF89]) :

19Il faut d’ailleurs souligner que même des R2 ridicules ne sont pas négligeables pour des gérants. Ainsi,

sur ses données, Cochrane [2001] observe qu’en annuel l’écart-type est pour les titres les plus volatiles

de l’ordre de 40% (soit 40%/√12 = 12% en mensuel) tandis que le rendement des déciles extrêmes est égal

à 1.76 fois le rendement moyen. Supposons donc que l’on obtienne dans une régression des rendements

un médiocre R2 = 1/4%, alors l’écart-type explicable économétriquement est√0.0025× 12% = 0.6%. La

sélection des titres à l’achat ou à la vente (à partir de la régression) devrait permettre d’augmenter le

rendement moyen de 0.6%×1.76 = 1%. Aussi, en vendant les titres désignés comme les moins performantset en achetant les titres désignés comme les plus performants, on devrait donc être à même d’augmenter de

2% (2×1%) par rapport à une stratégie passive donnant le rendement excédentaire moyen. Evidemment,il se peut aussi que les titres très volatiles le soit parce que leurs marchés soient peu liquides et donc que

les coûts de transaction qu’ils supportent soient importants. La profitabilité définitive de cette stratégie

peut donc être questionnée (Carhart [1997] [Car97], Mosqkowitz & Grinblatt [1999] [MG99]).

56

Page 58: efficience des marchés

Tab. 16 — La prévisibilité des rendementsRt→t+k = a+ b(Pt/Dt)

horizon b σ(b) R2

1 5.3 2.0 0.15

2 10.0 3.1 0.23

3 15.0 4.0 0.37

5 33.0 5.8 0.60

source : Cochrane [1997]

— ainsi le PER et le risque de défaillance (DEFAULT) se sont révélées également

efficace à un horizon de 5 ans ;

— la structure par terme est également efficace mais à un horizon plus court (de l’ordre

de un an).

L’efficacité apparente des facteurs à prévoir les rendements à un horizon de cinq ans

pose pour les économistes le problème des mécanismes économiques sous-jascents à ces

résultats économétriques, et notamment de leur compatibilité avec l’hypothèse d’efficience

des marchés. La prévisibilité des rendements à long-terme ne traduit-elle pas en effet une

anomalie des marchés, l’existence d’opportunités de profits incompatible avec les repré-

sentations traditionnelles de l’équilibre des marchés ? Les réponses à ces questions ne font

actuellement pas l’unanimité. Notamment parce que les conclusions que l’on peut tirer

des travaux empiriques sont limitées par la qualité des données, notamment le biais de

survie (Goetzman & Jorion [1995] [GJ95]). Celui-ci découle du fait que les données

utilisées dans les travaux empiriques ne prennent souvent en compte que celles des en-

treprises et des marchés ayant fonctionnés tout au long des périodes utilisées. Ainsi, les

travaux sur le performances des mutual funds américains sur une, deux ou trois décennies,

ne prennent en compte que celles des funds n’ayant pas cessé leurs activités. La différence

différence est en général très importante : ainsi sur les 358 funds existants en 1970, seuls

155 fonctionnaient en 2001. Les études empiriques sur l’ampleur du biais ainsi introduit

l’estime compris en général égal à 0.5 et 1%, voire 1.5% :

— ainsi aux USA il a été estimé à 1.4% par Malkiel [1995] [Mal95], de 0.9% pour

Elton, Gruber & Black [1993] [EGDH93] ;

— en France selon Bergeruc [1999] il serait de 0.55% et de 1.2% selon Aftalion

[2001] [Aft01].

Le biais de survie n’est donc pas négligeable. La prévisibilité des cours à long-terme

par certains facteurs pourraient alors selon certains être sa conséquence : certains facteurs

57

Page 59: efficience des marchés

pourraient en effet être de bons prédicteurs de son importance. Evidemment si ceci était

vrai, les résultats obtenus témoigneraient donc plus des limites des données disponibles

que de l’existence d’opportunités profitables sur les marchés.

Une autre possibilité rend également compatible la prévisibilité des rendements et l’hy-

pothèse d’efficience. Les rendements seraient en effet caractérisés par des macénismes de

correction à long-terme rendant leurs prévisions possibles. Cependant, lorsque par exemple

un titre connaît une sous-performance importante, celle-ci non seulement rendrait pro-

bable sa correction progressive mais elle fragiliserait la situation financière de l’entreprise

et rendrait donc aussi le titre plus risquée. Le rendement excédentaire important que l’on

obtiendrait alors lors du rétablissement de l’entreprise serait donc essentiellement la ré-

munération de ce risque supplémentaire. Corrigé du risque de défaillance, le rendement

ne serait donc pas anormal.

Il est encore trop pour départager ces différentes conjectures. Mais évidemment la

prévisibilité des rendements, qu’elle traduise ou non l’existence d’opportunités profitables,

est importante pour les gérants de portefeuille. Comme le montre en effet la figure 32,

historiquement en effet, des facteurs comme le PDR et le PER sont en effet des variables

qui ont évolué lentement, cycliquement, avec des minima et des maxima stables. Les PDR

sur le marché américain sont restés en effet compris entre 20 et 40, les PER entre 10 et

20, les seuls périodes de franchissement de ces seuils ayant correspondus à des périodes

de sous-évaluation des marchés (fin des années, après la crise de 1974) ou des périodes

de sur-évaluation (fin des années 60 et fin des années 90). L’utilisation de ces facteurs

historiquement caractérisés par un ajustement lent (et des résultats économétriques) sur

la période 1947-96 aurait permis de prévoir à cinq ans de manière relativement efficace

l’évolution des rendements (figure 33). Ceci n’assure pas nécessairement évidemment que

tel sera le cas dans le futur : l’histoire de la finance est en effet pleine de recettes empiriques

qui après s’être avérée très efficace sur données historiques, se sont révélées décevantes

dès que l’on a tenté de les exploiter sur les marchés. D’ailleurs, la figure 34 qui présente

les relations entre les PDR et les rendements en excès soulignent cependant qu’en 1995 et

1996 le modèle rendait assez mal compte des rendements du marché.

9 La difficulté de battre le marché

L’hypothèse d’efficience du marché est une conjecture qui a permis d’organiser l’en-

semble des travaux empiriques et théoriques en finance au cours des 40 dernières années.

De ce point de vue, elle s’est révélée une hypothèse extrêmement stimulante. Comme aime

58

Page 60: efficience des marchés

Fig. 32 — L’évolution du PER du S&P 500 Index et du PDR du portefeuille pondéré du

NYSE. (source : Cochrane [1997])

prévision sur échantillonrendements effectifsprévision hors échantillon

Fig. 33 — Les valeurs prévues (à l’aide du PDR) et effectives du rendement en excès à 5

ans du portefeuille pondéré du NYSE. (source : Cochrane [1997])

59

Page 61: efficience des marchés

prix / dividendes

Fig. 34 — La relation entre le PDR et le rendement en excès. (source : Cochrane [1997])

à le rappeler Fama, toute théorie scientifique appliquée, on ne peut espérer qu’elle soit

parfaitement vérifiée. Une théorie appliquée est en effet comme une carte géographique :

sauf à être l’échelle 1/1, elle oublie nécessairement certains détails et est donc fausse ; en

même temps, une théorie à l’échelle 1/1 est trop complexe pour être utile (sans même

discuter de sa faisabilité). Par conséquent, la bonne théorie comme la bonne carte géo-

graphique dépend du problème posé et est un subtil équilibre entre pouvoir explicatif

et simplicité. Il n’est donc pas surprenant qu’à la fois hypothèse d’efficience soit rejetée

(notamment sous sa forme forte) et qu’elle continue de demeurer une référence incontour-

nable. Au demeurant, elle demeure le seul cadre pouvant pourquoi il est si dur de battre le

marché de manière persistante. Comme on l’a vu en effet, la littérature sur les initiés n’a

donné en effet que des évaluations faibles des sur-performances (moyennes)20 des initiés.

Enfin, la performance des gérants des mutual funds est également confondante.

Comme le montre la figure 35, sur la période 1970-2001, seuls 22% des mutual funds

(survivants) eurent une performance supérieure de plus de 1% du celui du marché, seuls

5% eurent une performance qui dépassa de 2% la moyenne du marché. Ces résultats

20Evidemment le fait que sur plusieurs milliers de transactions, le rendement excédentaire soit très

faible n’invalide pas le fait que sur quelques transactions exceptionnelles (et défrayant la chronique) des

gains substantiels soient réalisés.

60

Page 62: efficience des marchés

1311

28

34

29

21

17

31 1

0

5

10

15

20

25

30

35

40

-4 et m

oins -3 -2 -1 0/-

10/+

1 1 2 3

4 et p

lus

Fig. 35 — Les rendements moyens sur la période 1970-2001 des mutual funds (survivants)

américains.

61

Page 63: efficience des marchés

Tab. 17 — Styles et performances des funds au 30 juin 2000 sur une période de 10 ans

rend. rend. rend.102 funds 17,89 126 funds 15,6 129 funds 13,37S&P500 Growth 19,92 S&P 500 17,55 S&P500

Value 14,7

63 funds 18,14 36 funds 14,1 48 funds 12,77Russel Mid. Cap. Growth 19,52 Russell mid-

cap 16,29 Russell mid-cap value 13,96

33 funds 17,12 22 funds 12,99 23 funds 11,74Russell 2000

Growth 13,01 S&P500 Growth 13,73 Russell 2000

value 12,91

Value

Large Cap.

Mid. Cap.

Small Cap.

Growth Blend

source : Malkiel (2003)

peuvent également être désagréger pour faire apparaître l’impact des styles de gestion.

Aux Etats-Unis, le Morningstar, Inc. positionne ainsi les funds par la nature des titres

sélectionnés principalement par les funds, en distinguant deux dimensions :

— l’importance donnée aux petites ou aux grandes capitalisations ; dans la classification

du Morningstar, on distingue ainsi trois niveaux de capitalisations ;

— le poids accordé aux valeurs de croissance (growth stocks) relativement aux valeurs

de rendement (value stocks)21 ; le Morningstar retient trois types d’actions : les

growth stocks, les value stocks, et les blend stocks (intermédiaires entre les deux).

La grille de lecture du Morningstar est donc de classer les funds en 9 catégories (voir

figure 17). Comme l’a vérifiéMalkiel [2003] [Mal03], la décomposition de la population

des funds américains sur la période 1970-2001 en fonction des styles ne modifie guère

la piètre performance des funds (tableau 17). La comparaison de ceux-ci et des indices

correspondants aux différents styles de titres fait clairement apparaître que dans 8 cas sur

9 l’indice (= “le marché”) bat les gestionnaires de funds. Il est au surplus révélateur que

le seul style où les spéciaistes semblent tirer leurs épingles du jeu est celle des titres qui

sont à la fois des valeurs de croissance et des petites capitalisations.

Cette difficulté à battre le marché se double d’autre part d’une difficulté pour les spé-

cialistes à rester durablement les meilleurs. En effet, par exemple, sur les années 70-80,

les 20 meilleurs fonds des années 70 n’ont dans 3 cas sur 4 pas réussi à rester dans les 50

premiers au cours de la décennie suivante. Au niveau de leur performance, alors que ces

21Les values stocks sont des actions dont les dividendes sont importants mais connaissent une croissance

faible. Inversement pour les growth stocks, les dividendes sont faibles mais les perspectives de gain en

capital ou de croissance des dividendes sont importantes.

62

Page 64: efficience des marchés

Tab. 18 — Evolution du classement des funds, 1970-80 et 1980-90classement

décennie

1970s

classement

décennie

1980-90

Twentieth Century Growth 1 176

Templeton Associates 2 126

Quasar Associates 3 186

44 Wall Street 4 309

Pioneer II 5 136

* Twentieth Century Select 6 20

Security Ultra 7 296

* Mutual Shares Corp. 8 35

Charter Fund 9 119

* Magellan Fund 10 1

Over-the-Counter Securities 11 242

American Capital Growth 12 239

American Capital Venture 13 161

Putnam Voyager 14 161

* Janus Fund 15 78

* Weingarten Equity 16 36

Hartwell Leverage Fund 17 259

* Pace Fund 18 60

Acorn Fund 19 172

* Stein Roe Special Fund 20 57

rendement moy. ann. :

20 meilleurs funds +19.0% +11.1%

funds +10.4% +11.7%

nombre des funds 177 309source : Malkiel (1996) p. 183

63

Page 65: efficience des marchés

Tab. 19 — Performances des 20 funds les plus performants sur la période 1990-94 au cours

de la seconde partie des 90s

rang rend. moyen rang rend. moyenOppenheimer Main St. Growth & Income 1 25,03 129 24,27

CGM Capital Development 2 24,76 134 24,09PBHG Growth 3 24,37 261 15,43

American Cent Ultra Inv. 4 23,05 21 33,78Kaufman 5 22,36 210 19,92

Berger Growth 6 21,25 53 29,28AIM Constellation A 7 19,99 183 22,05

Fidelity Blue Chip Growth 8 19,77 105 25,32Parnassus 9 19,50 275 11,45

Fidelity Adv. Equity Growth Instl 10 19,49 54 29,01Chase Vista Capital Growth A 11 19,32 245 17,66

MainStay Capital Apprec. 12 19,19 31 31,32Fidelity Contrafund 13 19,01 150 23,59

Westcore Midco Growth 14 18,87 233 18,40INVESCO Dynamics 15 18,22 61 28,26

Van Kampen Emerg. Growth A 16 17,78 56 28,87Bandywine 17 17,60 236 18,15

Fidelity Destiny II 18 17,14 4 39,06Delaware Trend A 19 16,94 170 22,54

Chase Vista Growth and Income 20 16,79 224 19,30

Moyenne des 20 funds 20,02 24,09Moyenne de l'ensemble des funds 10,37 23,83

S&P 500 10,85 26,17Nbre des funds 283 283

1990-94 1995-99

source : Malkiel (2003)

64

Page 66: efficience des marchés

winners des 70s avait une rentabilité moyenne de 19,0% très supérieure à la moyenne des

funds 10.4%, leur rentabilité moyenne durant la décennie des années 80 est devenu légère-

ment inférieure à la moyenne (11.1% contre 11.7%) (tableau 18). Au cours de la décennie

des années 90, le même phénomène a été observée (tableau 19) : les funds performants

au cours de la première moitié de cette décennie sont retombés dans le classement au

cours de la seconde moitié des années 90 ; le rendement qui était initialement du double

dela moyenne des funds et du marché est devenu légèrement inférieur au cours des années

1995-99. Le message initial de Samuelson, Fama sur la difficulté de battre le marché

demeure donc, même si les marchés ne sont sans doute pas informationnellement efficace à

100%. Même s’il est donc possible pour certains de battre le marché durablement (comme

Peter Lynch pour le Magellan Fund, ouWarren Buffet pour Berkshire Ha-

thaway), les exemples sont peu nombreux et rarement leurs succès ont pu être reproduits

par d’autre que d’eux, y compris par les lecteurs des best sellers supposés contenir leurs

secrets. Mais il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre...

Références

[Aft01] F. Aftalion, (2001). Les performances des OPCVM actions françaises. Banque

et Marchés, pages 6—16, mai-juin 2001.

[Ale61] S. Alexander, (1961). Price movements in speculative markets : trends or

random walks. Industrial Management Review, May 1961.

[Ale64] S. Alexander, (1964). Price movements in speculative markets : trends or

random walks, no. 2. Industrial Management Review, 5(2), Spring 1964.

[Bac00] L. Bachelier, (1900). Théorie de la Spéculation. Gauthier-Villars, Paris, 1900.

[Bac64] L. Bachelier, (1900). Theory of speculation. In P. Cootner, editor,The Random

Character of Stock Prices. MIT Press, Cambridge, MA., 1964.

[Ban81] R. Banz, (1981. The relationship between return and market value of common

stocks. Journal of Financial Economics, 9 :3—18, March 1981.

[Ber95] P.L. Bernstein, (1995). Des idées capitales. Finance. PUF, Paris, 1995. Tra-

duction de "Capital ideas - the improbable origins of modern Wall Street"

(1992).

[Bla73] F. Black, (1973). Yes, virginia, there is hope : tests of the value line ranking

system. Financial Analysts Journal, 29, September-October 1973.

65

Page 67: efficience des marchés

[Car97] M. Carhart, (1997). On persistence in mutual fund performance. Journal of

Finance, 52 :57—82, 1997.

[CJ37] A. Cowles and H. Jones, (1937). Some a posteriori probabilitiesin stock market

action. Econometrica, 5 :280—, July 1937.

[CM82] T. Copeland and D. Mayers, (1982). The value line enigma (1965-1978) - a

case study of performance evaluation issues. Journal of Financial Economics,

10 :289—321, 1982.

[Coc97] J. Cochrane, (1997). Where is the market going ? uncertain facts and novel

theories. Economic Perspectives, 21(6), November-December 1997.

[Coo62] P. Cootner, (1962). Stock prices : random vs. systematic changes. Industrial

Management Review, pages 24—45, Spring 1962.

[Coo64] P.H. Cootner, (1964). The random character of stock prices. MIT Press,

Cambridge, MA., 1964.

[Cow33] A. Cowles, (1933). Can stock market forecasters forecast ? Econometrica,

1 :309—24, July 1933.

[Cow44] A. Cowles, (1944). Stock market forecasting. Econometrica, 12(3-4) :206—14,

July-October 1944.

[Cow60] A. Cowles, (1960). Revision of previous conclusions regarding stock price

behavior. Econometrica, 28(4) :909—15, October 1960.

[EGDH93] E.J. Elton, M. Gruber, S. Das, and M. Hklarka, (1993). Efficiency with costly

information : a reinterpretation of evidence from managed portfolios. Review

of Financial Studies, 6(1) :1—22, 1993.

[ES98] B.E. Eckbo and D.C. Smith, (1998). The conditional performance of insider

trades. Journal of Finance, 53 :467—98, 1998.

[Fam65a] E. Fama, (1965). The behavior of stock prices. Journal of Business, 37 :34—105,

January 1965.

[Fam65b] E. Fama, (1965). Random walks in stock prices. Financial Analysts Journal,

pages 55—59, September-October 1965.

[Fam68] E. Fama, (1968). What ’random walks’ really means. Institutional Investor,

pages 38—40, April 1968.

[Fam70] E. Fama, (1970). Efficient capital markets : a review of theory and empirical

work. Journal of Finance, May 1970.

66

Page 68: efficience des marchés

[Fam91] E. Fama, (1991). Efficient capital markets : Ii. Journal of Finance, 46 :1575—

1617, 1991.

[FF88] E. Fama and K French, (1988). Permanent and temporary components of

stock prices. Journal of Political Economy, April 1988.

[FF89] E. Fama and K. French, (1989). Business conditions and expected returns on

stocks and bonds. Journal of Financial Economics, 25 :23—49, 1989.

[FFJR70] E. Fama, L. Fisher, M.C. Jensen, and R. Roll, (1969). The adjustment of stock

prices to new information. International Economic Review, February 1970.

[FR86] K. French and R. Roll, (1986). Stock return variances. Journal of Financial

Economics, September 1986.

[GJ95] W.N. Goetzman and Ph. Jorion, (1995). A longer look at dividend yields.

Journal of Business, 483-508 :68, 1995.

[GM85] L. Glosten and P. Milgrom, (1985). Bid, ask, and transaction prices in a

specialist market with heterogenously informed traders. Journal of Financial

Economics, 14 :71—100, 1985.

[Hig92] R. Higgins, (1992). Analysis for Financial Analysis. 3eme edition, 1992.

[HJ92] J. Hamon and B. Jacquillat, (1992). Le marché français des actions. PUF,

Paris, 1992.

[Jaf74] J. Jaffe, (1974). Special information and insider trading. Journal of Business,

47 :410—28, 1974.

[Jen68] M.C. Jensen, (1968). The performance of mutual funds in the period 1945-64.

Journal of Finance, 23 :323—47, 1968.

[Jen69] M.C. Jensen, (1969). Risk, the pricing of capital assets, and the evaluation of

invest ;ent portfolio. Journal of Business, April 1969.

[Ken43] M.G. Kendall, (1943). The advanced theory of statistics. Griffin, London,

1943.

[Ken53] M. Kendall, (1953). The analysis of time series - part i : prices. Journal of

the Royal Statiscal Society, 96 :11—25, 1953.

[LM88] A. Lo and A.C. MacKinlay. Stock market prices do not follow random walks.

Review of Financial Studies, Spring 1988.

[LSS90] P. Liu, S. Smith, and A. Syed, (1990). Security price reaction to the wall street

journal’s securities recommendations. Journal of Financial and Quantitative

Analysis, 25 :399—410, 1990.

67

Page 69: efficience des marchés

[Mal95] B. Malkiel, (1995). Returns from investing in equity mutual funds 1971 to

1991. Journal of Finance, 50(2) :549—72, June 1995.

[Mal96] B.G. Malkiel, (1996). A random walk down wall Street. W.W. Norton &

Compagny, New York, 6 ème edition, 1996.

[Mal03] B. Malkiel, (2003). Passive investment strategies and efficient markets. Euro-

pean Financial Management, 9(1) :1—10, 2003.

[MG99] T. Moskowitz and M. Grinblatt, (1999). Tax loss selling and return autocor-

relation : new evidence. working paper, CRSP, University of Chicago, 1999.

[Osb59] M.F.M. Osborne, (1959). Brownian motion in the stock market. Operations

Research, 7 :145—73, March-April 1959.

[Osb62] M.F.M. Osborne, (1962). Periodic structure in the brownian movement of

stock prices. Operation Research, 10 :245—79, May-June 1962.

[PS88] J. Poterba and L. Summers, (1988). Mean reversion in stock prices : evidence

and implications. Journal of Financial Economics, 22 :27—59, 1988.

[Rei81] M. Reinganum, (1981). Misspecifications of capital asset pricing : empirical

anomalies based on earnings yields and market values. Journal of Financial

Economics, 9 :19—46, 1981.

[Rob59] H. Roberts, (1959). Stock market ’patterns’ and financial analysis : methodo-

logical suggestions. Journal of Finance, 14(1) :1—10, March 1959.

[Rol84] R. Roll, (1984). Orange juice and weather. American Economic Review, 74,

December 1984.

[Sam57] P.A. Samuelson, (1957). Intertemporal price equilibrium : a prologue to the

theory of speculation. Weltwirtschaftliches Archiv, December 1957.

[Sam65] P.A. Samuelson, (1965). Proof that properly anticipated prices fluctuate ran-

domly. Industrial Management Review, Spring 1965.

[Sam67] P.A. Samuelson, (1967). Statement before committee on banking and currency.

US Senate, re mutual fund legislation of 1967, August 1967.

[Sam73] P.A. Samuelson, (1973). Mathematics of speculative price. SIAM Review,

15 :1—42, 1973.

[Sam74] P.A. Samuelson, (1974). Challenge to judgment. Journal of Portfolio Mana-

gement, 1 :17—19, Fall 1974.

68

Page 70: efficience des marchés

[Sey86] N. Seyhun, (1986). Insiders’ profits, costs of trading, and market efficiency.

Journal of Financial Economics, 16 :189—212, 1986.

[Sti85] S.E. Stickel, (1985). The effect of value line investment survey rank changes

on common stock prices. Journal of Financial Economics, 14 :121—144, 1985.

[SW94] E.J. Sullivan and T. Weithers, (1994). The history and development of the op-

tion pricing formula. Research of Economic Thought and Methodology, 12 :31—

43, 1994.

[Wor34] H. Working, (1934). A random difference series for use in the analysis of time

series. Journal of the American Statistical Association, 29 :11—24, march 1934.

69