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Directeur de la publication

Bernard Rey

Rédactrice en chef

Dominique de VillebonneComité éditorial

Yves Birot, Peter Breman, Jean-Marc Brézard, Patrice

Mengin-Lecreulx, Rémy Metz, Pierre-Jean Morel,

Frédéric Mortier, Jérôme Piat, Bernard Rey, Jean-Louis

Roque, Thierry Sardin, Dominique de Villebonne

Maquette, impression et routage

Imprimerie ONF - Fontainebleau

Conception graphique

NAP (Nature Art Planète)

Crédit photographique

page de couverture

Milieu particulièrement fragile dont le maintien nécessite

une intervention humaine - V. Bertin, ONF

Périodicité

4 numéros par an, et un hors série

Rendez-vous techniques est disponible au numéro ou par

abonnement auprès de la cellule de documentation

technique, boulevard de Constance, 77300 Fontainebleau

[email protected] ou par fax 01 64 22 49 73

prix au numéro : 10 euros

abonnement : 45 euros (tarif 2004) durée 1 an

(4 numéros et un hors série)

Dépôt légal : août 2004

R e n D e z - V o u s

t e c h n i q u e s

Toutes les contributions proposées à la rédaction sont soumises à l’examen d’un comité de lecture choisi chaque fois en fonction

du thème abordé.

Page 3: en bref - ONF

Diversité des champignons associés aux racines des arbres forestiers - par Jean Garbaye

1960 – 2003 : évolution de la demande sociale face à la forêtpar Philippe Deuffic, Anne-Marie Granet, Nathalie Lewis

Les statuts de protection dans la gestion forestière

Diagnostic sylvicole - par Xavier Gauquelin

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n° 5 - été 2004

dossier pratique

connaissances

connaissances

pratiques

en bref

RDV techniques n° 5 - été 2004 - ONF

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Le Chef du départementAménagement, sylvicultures, espaces naturels de l’ONF

Jean-Luc Dunoyer

L e maintien du patrimoine naturel forestier est un objectif fondamental de la gestion des forêts publiques.Le régime forestier, qui organise une protection spéciale renforcée de la propriété forestière et des peuplements forestiers en vertu de règles posées dès 1827, puis constamment confirmées et renforcées par le législateur, constitue à cet égard le niveau le plus général de protection du patrimoine forestier public.

Toutefois, depuis les années 1970, la montée en puissance des préoccupations environnementales a conduit à la mise en œuvre dans (et hors) des espaces forestiers publics d’outils de protection du patrimoine dont la nature et les objectifs sont largement diversifiés.

Il peut en résulter pour le gestionnaire le sentiment d’une complexité croissante dans l’application des différents outils de protection du patrimoine ; et d’une lisibilité parfois difficile des objectifs qui leur sont intrinsèques lorsqu’ils viennent à se superposer sur un même espace.

Le dossier "statuts de protection dans la gestion forestière" composant ce numéro des Rendez-Vous Techniques a été conçu dans l’objectif d’aider le lecteur à mieux connaître, comprendre et partager ce que sont les différentes catégories d’aires protégées existantes.

Dans cet esprit, celui de l’appréhension commune d’un domaine complexe et en rapide évolution, plusieurs auteurs (ou co-auteurs) du « monde de l’environnement », issus de structures fédératives, établissements publics, départements ministériels ou organisation internationale ont bien voulu contribuer à enrichir ce dossier.

Je leur transmets les sincères remerciements de la rédaction pour leurs contributions essentielles à ce numéro.

En tant que facteur de durabilité, mais aussi d’identité, le patrimoine forestier se situe aujourd’hui au centre des logiques de développement durable. Sa valorisation doit dorénavant être comprise au sens le plus large du terme, y compris pour l’apport immatériel qu’il offre à une société qui se transforme.

Les forestiers publics, qui ont une longue expérience de la protection et de la transmission de ce patrimoine, sont aujourd’hui investis d’en mieux identifier et reconnaître les différentes composantes, ceci afin d’accompagner la meilleure compréhension collective de ce qui constitue sa valeur .

éditorial

RDV techniques n° 5 - été 2004 - ONF

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Quelques précautions à l’en-lèvement des clôtures

Certains travaux de gestion, a priorianodins, peuvent parfois avoir desconséquences sur la faune qu’il vautmieux chercher à anticiper et éviter.C’est ainsi que des amphibiens (sala-mandres, tritons, crapauds, grenouilles)et des rongeurs ont pu être trouvés aufond de trous laissés par l’enlèvementdes piquets d’une clôture de protec-tion d’une parcelle en régénération.Plus de la moitié des amphibiensétaient encore vivants alors que lesrongeurs avaient tous péri noyés.Des mesures préventives sont à mettreen œuvre : dans le cas du démontagede clôtures (que ce soit à l’entreprise,par les ouvriers forestiers ou des ces-sionnaires) ou même de sondages à latarière pédologique ou de création defosse pédologique, il faut éviter que lestrous laissés ne constituent des piègesqui peuvent être mortels pour la faune.Les piquets doivent être coupés auniveau du sol ou les trous doivent êtrerebouchés. Lorsque le rebouchage nepeut être fait immédiatement, unebaguette solide mise dans le trou peutpermettre à certains animaux qui pour-raient y tomber d’en ressortir mais celane dispense pas de reboucher le trouensuite.

Les clôtures représentent non seule-ment un danger pour la grande fauneou les oiseaux qui peuvent heurter lespanneaux métalliques mais aussi unrisque pour la petite faune courant ausol par les piquets de soutien. Unesolution alternative et plus écologique,mais cependant plus coûteuse, consis-te à mettre en place des lattis-bois uti-lisant un matériau noble et biodégra-dable, le bois (voir illustration photodans Rendez-vous techniques n° 3page 47) !

Si vous voulez en savoir plus vous pou-vez consulter les documents suivantsPiquets de clôtures : Jean-Louis Pratz,David Ollivier, 2004. Trous mortels enforêt. Le courrier de la Nature n°212,mai-juin 2004, p12Lattis-bois : ONCFS-ONF, 2001.Pour un meilleur équilibre sylvo-

cynégétique, Réserve Naturelle deChasse et de Faune Sauvage de laPetite Pierre, pp 24-27

Jean-Marc BRÉZARD, direction tech-nique de l’ONF

La forêt urbaine pour tous ?Conférence de Stockholm

mai 2004

Des forêts pour être heureux et enbonne santé… Ouvertes 24h/24 et7j/7… Voici quelques-unes des formuleschoc d’une conférence sur le thème de « La forêt urbaine pour tous ».

Les pistes explorées, souvent dans lecadre de projets européens - UrbanWoods For People, Neighbourwoods -,ont été présentées par les chercheurscomme par les gestionnaires des diffé-rents pays, pour identifier les enjeux desbois et forêts urbains et proposer desréponses pertinentes aux probléma-tiques de création, d’aménagement, degestion et d’usages de ces espaces.

Les forêts (péri)urbaines, comme diffé-rents travaux exposés l’ont montré,apportent aux individus comme à lasociété dans son ensemble, des béné-fices écologiques, physiques, psy-chiques, éducatifs, économiques…Rendre la forêt accessible à tous,enfants, personnes souffrant d’un handi-cap, personnes socialement défavori-sées, nouveaux arrivants… contribueainsi au bien-être et à la cohésion del’ensemble de la communauté. Desintervenants ont complété cet argumen-taire par une mise en perspective descoûts de gestion voire de création deforêts, faibles relativement à d’autresméthodes et à d’autres types d’espaces,avec les services rendus en termes dequalité de vie. La contribution de la forêtà la qualité des ressources naturelles, del’eau en particulier, fait partie des théma-tiques émergentes. Les forestiers dispo-sent ainsi d’arguments forts pour pro-mouvoir des politiques offensives enfaveur du développement des forêts etbois urbains auprès des décideurs.Chercheurs et gestionnaires travaillentégalement à la mise au point de métho-

dologies et d’expériences innovantes.Des zonages réalisés à des échellesvariables, font intervenir des croisementsde données ou des évaluations etappréciations issues d’enquêtes sociolo-giques ou d’analyses paysagères. Ils per-mettent d’identifier et de cartographierles enjeux, atouts et contraintes ainsique les usages des différents espaces,les zones en déshérence ou les secteursdéficitaires en espaces boisés. Sur leplan pratique, ils donnent la possibilitéde hiérarchiser les objectifs politiques oude gestion, afin d’offrir une diversité demilieux favorable sur le plan écologique,attractive au niveau paysager et suscep-tible de répondre au mieux à desattentes multiples.

Mais la forêt ne produira les effets posi-tifs escomptés que si elle est réellementutilisée par les citadins. Diverses expé-riences proposent des voies à explorer :école de la vie pour les enfants des villes,la forêt est investie comme lieu d’ap-prentissage par l’action dans le cadre deprojets éducatifs novateurs. Espace deliberté, elle doit être reconnue commeterritoire de démocratie, ce qui impliqueune acceptation de la légitimité d’at-tentes multiples parfois contradictoires.Un foisonnement de démarches de ges-tion participative se met en place. De lacharte forestière de territoire françaiseaux comités d’usagers néerlandais ou àla prise en compte des savoirs concretsde « connaisseurs » en Suède, le publicet les groupes constitués deviennentacteurs des projets territoriaux impli-quant la forêt.

La conférence constituait également lecolloque de clôture du programme fran-co-suédois LIFE Urban Woods ForPeople. L’ONF était représenté par lespilotes franciliens du LIFE, le directeurtechnique Bernard REY et des membresde la direction technique associés au pro-jet. Leurs interventions ont été l’occasionde présenter les principaux acquis duprogramme en Île de France et en parti-culier dans la forêt pilote de Sénart.

Peter BREMAN, Cyril CAMPANA,Anne-Marie GRANET, Thierry MOI-GNEU, ONF

RDV techniques n° 5 - été 2004 - ONF

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Pourquoi une si grande diversité de champignons associés aux racines

des arbres forestiers ?

es forêts de nos régionstempérées sont essen-

tiellement constituées d’essencesdites sociales, c’est-à-dire qui ten-dent naturellement à former despeuplements presque purs. C’est lecas par exemple des chênes, hêtres,châtaigniers, charmes, pins, sapins,épicéas, douglas ou mélèzes qui for-ment la quasi-totalité de nos forêtsnaturelles, aménagées ou artifi-cielles. La partie souterraine de cesarbres sociaux est constituée degrosses racines ligneuses qui portentdes racines fines (ou chevelu) de dia-mètre inférieur au millimètre. Cesracines fines ne sont pas lignifiées etsont sujettes à un renouvellementsaisonnier, de la même façon que lesfeuilles. Elles échappent souvent àune observation superficielle carelles sont très fragiles et ne résistentgénéralement pas aux opérationsd’arrachage ou de dégagement desgrosses racines. Pourtant, ce sontelles qui assurent la nutrition minéra-le des arbres. La connaissance deleur répartition et de leurs activitésest donc fondamentale pour mieuxcomprendre le fonctionnement desforêts et appliquer une sylvicultureraisonnée.

Les racines finesabsorbantes sont

concentrées près de lasurface du sol…

Comme on s’en rend facilementcompte lorsqu’on creuse un trou enforêt ou lorsqu’on observe la « galet-te » fraîche d’un chablis, la plus gran-de partie des racines fines sontconcentrées dans les 20 à 30 pre-miers cm du sol. Par exemple, dansune futaie de hêtre de 90 ans sur sol

brun acide dans les basses Vosges,Blaise et Garbaye (1983) ont dénom-bré 5 millions d’extrémités de racinesfines par m2 sur 30 cm de profondeur(soit 17 par cm3), dont 94 % dans les10 premiers cm et seulement 6 %dans les 20 cm suivants ; au delà, lesracines fines étaient très rares. Lesystème absorbant d’un peuplementforestier est donc un tapis peu épaisformé d’un feutrage dense deracines fines occupant la couchesupérieure du sol.

… là où le cycle deséléments nutritifs est le

plus intense

Mais pourquoi une telle concentra-tion en surface, alors qu’en périodesèche les arbres ont de toute éviden-ce besoin d’eau, et que celle-ci estalors surtout disponible en profon-deur ? C’est essentiellement parce

que les ressources minérales néces-saires à la nutrition des arbres (azote,phosphore, calcium, potassium, etc.)sont concentrées en surface du faitdu recyclage effectué par la chutedes feuilles et l’activité de la micro-faune. Ces éléments sont en effetrares et très limitants pour la crois-sance des arbres, et il est vital pources derniers de développer desracines en priorité là où ils sont leplus disponibles. Quelques racinesprofondes suffisent à assurer l’ali-mentation en eau lorsque le sol sedessèche en surface.

Le tapis racinaire : une trèsgrande diversité

d’associations symbiotiquesavec des champignons

Si l’on observe le tapis racinaire deplus près (l’œil nu ne suffit plus et lerecours à la loupe binoculaire est

RDV techniques n° 5 - été 2004 - ONF

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Fig. 1 : diversité morphologique des ectomycorhizes. Ces huit morpho-types diffèrent par la couleur et l’aspect de surface du manteau fongique,

ainsi que par la structure du mycélium qui en émane

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aye,

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RDV techniques n° 5 - été 2004 - ONF

nécessaire), on voit que toutes lesextrémités des très nombreusesramifications des racines fines sontplus ou moins renflées, de couleursvariées et avec des surfaces d’as-pects très divers, lisse, velouté ouhirsute, avec ou sans cordons (Voiry,1981) (Figure 1).

Un examen encore plus approfondi(l’usage du microscope est alorsindispensable) révèle que ces extré-mités sont dominées par des fila-ments de champignons qui formentun manchon autour de la racine.L’observation à fort grossissement decoupes minces montre enfin que lesfilaments des champignons s’insi-nuent et se ramifient aussi entre lescellules de la racine (Figure 2).

De nombreuses recherches au labo-ratoire réalisées depuis plus d’unsiècle ont démontré que cette asso-ciation intime était une symbiosemutualiste obligatoire, c’est-à-direque les deux partenaires ont besoinl’un de l’autre pour survivre, se déve-lopper et se reproduire (voir enca-dré).Les extrémités des racines fines colo-nisées par les champignons sontappelées ectomycorhizes. Les cham-pignons concernés sont extrême-ment nombreux et forment pour laplupart d’abondantes fructifications(carpophores) à la surface du sol ou àfaible profondeur dans l’humus. Cesont par exemple pour les premiers

des bolets, russules, lactaires, chan-terelles, cortinaires, tricholomes,hébélomes (Figure 3), etc., et destruffes vraies (genre tuber) ou desfausses truffes (Elaphomyces,

Rhizopogon) pour les seconds.L’extrême diversité morphologiquedes ectomycorhizes correspond à cetrès grand nombre d’espèces fon-giques. Un arbre adulte peut êtresimultanément associé à plusieursdizaines de champignons d’espècesdifférentes.

La symbioseectomycorhizienne

contribue de multiplesfaçons à la santé et à la

nutrition des arbres

Le fonctionnement des ectomyco-rhizes, comme celui de toute symbio-se mutualiste, implique deséchanges de matière favorables auxdeux partenaires ; il s’agit enquelque sorte d’un contrat parlequel les deux parties cherchent àse procurer des denrées qui lui sontinaccessibles en échange de sespropres excédents. Grâce à la photo-synthèse qu’il réalise au niveau deses feuilles, l’arbre approvisionne lechampignon en carbone sous formede sucres ; en contrepartie, leschampignons ectomycorhiziensaident l’arbre de plusieurs façons :

Fig. 2 : vue microscopique d’unecoupe transversale d’ectomycorhize

Les symbioses mutualistes

Ce terme désigne toute associationintime et durable entre deuxorganismes appartenant à desespèces différentes, impliquant despartages métaboliques et des effetsbénéfiques pour les deux partenaires.Les symbioses mutualistes sontdominantes dans tous lesécosystèmes terrestres (ectomy-corhizes dans les forêts tempérées etboréales, endomycorhizes danstoutes les autres formationsvégétales, nodosités bactérienneschez les légumineuses, microfloreintestinale des termites et desruminants, bactéries endosym-biotiques des insectes, etc.) et marins(algues unicellulaires avec les coraux,bactéries avec les gastéropodes,lamellibranches et vers). Il estdésormais admis que la symbiosemutualiste, offrant à la sélectionnaturelle des sauts adaptatifs plusrapides que les mutations, est un desmoteurs principaux de l’évolution.

Fig. 3 : fructification d’un champignon très commun s’associant à toutesles essences à ectomycorhizes : l’hébélome à odeur de moutarde

(Hebeloma sinapizans)

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mobilisation des éléments nutritifs(dissolution des roches et minéralisa-tion de la matière organique),

prélèvement et transport de l’eauet des éléments nutritifs en solution(bien mieux que les racines, les fila-ments des champignons peuventpénétrer dans de très petits pores dusol),

régulation de la croissance (enproduisant des hormones végétalescomme l’auxine) et

protection contre les agentspathogènes (sécrétion d’antibio-tiques), le déssèchement (accumula-tion de molécules maintenant la tur-gescence des cellules) et les produitstoxiques (rôle de filtre).Selon l’espèce, le champignonentrant dans la composition d’uneectomycorhize peut remplir une ouplusieurs de ces fonctions.

Le complexe symbiotiqueévolue avec l’âge du

peuplement

La grande diversité des ectomyco-rhizes d’un peuplement forestier entermes de caractères morpholo-giques et d’espèces de champignonsassociés s’accompagne donc d’unenon moins grande diversité fonction-nelle des racines fines absorbantes.Ceci est vrai pour les peuplementsadultes qui nous intéressent ici, maison sait que les très jeunes arbresdans les pépinières, les plantationset les régénérations naturelles ont aucontraire un complexe symbiotiquetrès pauvre et généralement dominépar un seul type d’ectomycorhize.C’est cette particularité, avec le faitque l’efficacité symbiotique deschampignons diffère fortement selonl’espèce (voir plus loin le concept decomplémentarité), qui est mise àprofit pour la mycorhization contrô-lée des plantations (voir encadré).Ensuite, le nombre des partenairessymbiotiques augmente rapidementavec le vieillissement des arbres etl’installation d’une ambiance fores-tière favorable à de nouvellesespèces fongiques.

Quel rôle joue ce systèmedans le fonctionnement de

l’écosystème forestier ?

L’ensemble des observations précé-dentes peut se résumer ainsi : le sys-tème absorbant d’un peuplementforestier est constitué d’un tapisd’ectomycorhizes très variées et pou-vant accomplir chacune des fonc-tions différentes. On parle du com-plexe ectomycorhizien. Une questioncruciale se pose donc si l’on veutcomprendre le fonctionnement del’ensemble et pouvoir en tenir comp-te dans la gestion forestière : com-ment sont réparties ces fonctionsdans le temps et dans l’espace ?

Dans ce qui suit, nous apporteronsquelques éléments de réponse à cettequestion à partir de travaux menésdepuis 1998 par le centre derecherches forestières de l’INRA(Institut national de la recherche agro-nomique) à Nancy-Champenoux (Buéeet al. 2002, Buée et Garbaye 2003,

Garbaye et Buée 2003, Jany et al. 2003,et Pouységur 2003). Les résultats ainsisynthétisés résultent d’observationsréalisées dans des peuplementsfeuillus de plaine en Lorraine. Lesméthodes mises en œuvre sont desprélèvements périodiques de racinesfines à différentes profondeurs, la des-cription morphologique et microsco-pique des types d’ectomycorhizes,l’identification moléculaire desespèces de champignons associés paranalyse de l’ADN (voir encadré), et lamesure de diverses activités métabo-liques et enzymatiques sur un trèsgrand nombre d’ectomycorhizes.

Une structure qui changeen fonction des saisons etdes variations climatiques

Une première constatation est queles proportions des différents cham-pignons dans le complexe ectomyco-rhizien varient considérablementselon la saison et les conditions cli-matiques (Figure 4). C’est ainsi queles ectomycorhizes de Lactarius chry-sorrheus, Clavulina cinerea, Clavulinacristata et Laccaria amethystina sontabondantes en hiver mais pratique-ment absentes en été où, par contre,

La mycorhization contrôlée

On désigne ainsi toute techniquevisant à améliorer la croissance desplantations forestières en associantartificiellement les plants, dès lestade de la pépinière, à un champi-gnon ectomycorhizien sélectionnépour son efficacité supérieure à lamoyenne. On utilise pour cela uninoculant (préparation à base despores ou de culture de mycélium)que l’on introduit dans le sol de lapépinière avant le semis. Les fores-tiers français sont familiers avec lamycorhization contrôlée du dou-glas (procédé INRA commercialisépar le GIE Forêt-Mycorhizes), maisd’autres applications à beaucoupplus grande échelle existent dans lemonde : pour les pins et le douglasaux États-Unis, pour les pins enAustralie, Afrique et NouvelleZélande, pour les eucalyptus auBrésil et aux Philippines, etc.

L’identification moléculaire deschampignons

De la même façon que la policescientifique s’appuie sur l’analysede l’ADN (acide désoxyribonu-cléique, support de l’informationgénétique dans chacune de noscellules) pour confondre un criminelà partir d’un cheveu ou d’une gout-te de sang, les chercheurs forestiersutilisent le même type de tech-nique pour caractériser et identifierl’espèce du champignon entrantdans la composition d’une ectomy-corhize. Les progrès extrèmementrapides de l’instrumentation dansce domaine réduisent considéra-blement le coût de cette approchequi est désormais routinière dansles laboratoires d’écologie.

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RDV techniques n° 5 - été 2004 - ONF

les types dus à Cenococcum geophi-lum et certains Xerocomus,Tomentella et Cortinarius sp. aug-mentent en fréquence. D’autresdominent le complexe en toutes sai-sons, comme Lactarius quietus dansles chênaies et Lactarius subdulcisdans les hêtraies.

Partage des tâches et « organisation du travail »

entre ectomycorhizes

Les mycorhizes de Cenococcum geo-philum et Lactarius subdulcis ont faitl’objet d’une étude approfondiependant deux saisons (1999 et 2000)dans cinq placettes de hêtre aux solset aux climats variés, en mesurantfréquemment la température et l’hu-midité du sol. Ces deux types d’ecto-mycorhizes, dominants dans toutesles hêtraies de plaine, manifestentdes comportements très contrastés :alors que celles dues à L. subdulcissont abondantes en toutes saisons,les ectomycorhizes de C. geophilum(représentées par les secteurs noirssur la Figure 4) sont modérémentnombreuses lorsque le sol est humi-de mais prolifèrent rapidement pen-dant la moindre période de séche-

resse. Cependant, à l’inverse, lespremières voient leur activité respira-toire (marqueur de vitalité et d’activi-té) décroitre rapidement avec l’humi-dité du sol, alors que l’activité dessecondes reste à un niveau constantmême lorsque le sol est très sec. Lesdeux types d’ectomycorhizes fonc-tionnent donc à des moments diffé-rents et jouent des rôles qui se com-plètent ; celui de C. geophilum esten particulier de permettre à cer-taines racines de rester vivantes enpériode de sécheresse pour absor-ber l’eau et les matières nutritivesimmédiatement dès le retour de lapluie. Cet exemple illustre donc bienla diversité fonctionnelle du com-plexe ectomycorhizien et la complé-mentarité des différents types d’ec-tomycorhizes qui le composent.

La comparaison des profils fonction-nels de différents types d’ectomyco-rhizes à une même date montre qu’ilexiste des groupes fonctionnelsconstitués d’espèces de positionssystématiques très différentes maispartageant les mêmes fonctions. Parexemple, dans une chênaie-charmaiesur sol limoneux mésotrophe, lestypes formés par un lactaire (L. quie-tus), un Tomentella, Cenococcumgeophilum et un cortinaire (C. ano-

malus) se distinguent en juin par uneforte excrétion de laccase, une enzy-me permettant la libération des élé-ments contenus dans la litière, et, àun degré bien moindre, par l’excré-tion de phosphatase qui mobilise lephosphore organique. Six mois plustard, en décembre, les même typesn’expriment pratiquement plus quel’activité phosphatase. Ces quatretypes d’ectomycorhizes appartien-nent donc à un même groupe fonc-tionnel : ils jouent le même rôle aumême moment. Par contre, sur lesmêmes arbres, des types commeceux formés par un bolet et une cla-vuline (Clavulina sp.) non identifiésexpriment l’activité laccase essentiel-lement en décembre : ils appartien-nent à un autre groupe fonctionnel.

Redondance oucomplémentarité

fonctionnelle

La co-existence de groupes fonction-nels présentant des profils d’activitédifférents a deux conséquences posi-tives pour le fonctionnement del’écosystème. D’abord, la redondan-ce des compétences à l’intérieur desgroupe est un gage de sécuritépuisque la disparition d’une desespèces est compensée par des« remplaçantes ». Ensuite, la spéciali-sation des espèces entre les groupesassure des performances optimalespour toutes les fonctions impor-tantes. Lorsqu’on sait en plus que lacomposition du complexe s’adapteen permanence aux variations del’environnement, on comprend quec’est la complexité même du systè-me qui assure son efficacité et sarobustesse.

Une nouvelle façon de voirla forêt : arbres et

champignons symbiotiquessont indissociables

Un peuplement forestier est doncplus qu’une collection d’arbres.Ceux-ci sont certes la partie la plusvisible et constituent l’essentiel de la

Fig. 4 : variations saisonnière de la composition du complexe ectomyco-rhizien dans une hêtraie des Côtes de Meuse en 2001 (observations men-suelles cumulées de janvier à mars à gauche, et de juillet à septembre àdroite). Pour la lisibilité du graphe, chacun des 13 types d’ectomycorhize

étudiés est arbitrairement représenté par une couleur. On voit parexemple que les types « bleu clair » et « mauve » ne sont présents qu’en

hiver alors que les types « orange » et « noirs » prennent beaucoup d’im-portance en été, et que les types « vert clair » et « vert foncé » n’appa-

raissent qu’en été. D’après Buée et al., 2004.

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biomasse, mais ils dépendent d’unréseau complexe et sans cesse rema-nié d’activités spécialisées mais com-plémentaires assurées par les cham-pignons qu’ils hébergent dans leursracines. C’est la diversité fonction-nelle de cette communauté fongiqueassociée et la complémentarité desrôles qui contribue pour une grandepart à la résilience du peupleme-ment, c’est-à-dire sa capacité às’adapter en permanence aux fluc-tuations des ressources hydriques etminérales du sol. Mais comme, enretour, les champignons dépendentdes arbres pour leur alimentation encarbone, nous sommes obligés deconsidérer l’ensemble comme untout indissociable, chaque arbreétant une entité vivante constituéed’une plante verte et d’une commu-nauté de champignons symbio-tiques.

Des conséquencesimmédiates pour la gestion

forestière

Importance de la veille mycolo-gique Les notions de diversité, de redon-dance et de complémentarité fonc-tionnelles des ectomycorhizes quenous avons illustrées ci-dessusconduisent tout naturellement à uneconclusion pratique : puisque ladiversité des champignons ectomy-corhiziens présents dans un peuple-ment est si décisive pour la capacitéd’adaptation de ce dernier face auxcontraintes environnementales, lagestion forestière doit chercher àrespecter ou même à accroître cettediversité. Ceci est particulièrementbien illustré par les résultats d’uneétude réalisée dans un dispositifexpérimental de l’INRA dans laMeuse, où différents niveauxd’éclaircie sont comparés. Le suivi dela composition du complexe ectomy-corhizien et de l’activité de chaquetype d’ectomycorhize pendant uneannée entière a révélé qu’un fortrégime d’éclaircie augmentait ladiversité des ectomycorhizes et favo-

risait certains types particulièrementactifs.

Il est certes difficile, coûteux et trèslaborieux de déterminer la structurespécifique d’un complexe ectomyco-rhizien par observation directe desracines. Mais, heureusement, les car-pophores (ou fructifications) debeaucoup des champignons associéssont relativement faciles à identifiersur des critères morphologiques (aumoins pour ceux visibles au dessusdu sol) et sont des témoins (maisincomplets bien que précieux) de laprésence des ectomycorhizes corres-pondantes. C’est pourquoi toutes lesétudes portant sur la biodiversitéfongique en forêt (encadré ci-contre)sont d’une importance extrême pouraider les forestiers à percevoir l’im-pact des traitements sylvicoles sur laqualité à long terme du systèmeabsorbant des arbres.

La question de la conservation du boismort lors des opérations sylvicolesconstitue un bon exemple de ce typede problématique. Il est en effet facilede constater et d’expliquer que l’accu-mulation de bois mort favorise l’abon-dance et la diversité des champignonslignivores stricts comme les pleurotesou les gros polypores. Mais un autreaspect de la chose mérite d’être étu-dié : comme on sait que certainesespèces ectomycorhiziennes ont éga-lement une activité saprophytique(c’est-à-dire qu’elles se procurent ducarbone en décomposant la matièreorganique morte, comme les lignivorespré-cités, en plus du carbone directe-ment fourni par l’arbre hôte), il est pro-bable qu’elles sont aussi favorisées parle bois mort. Ce dernier est donc undes facteurs du statut ectomycorhiziendu peuplement, et son enlèvement,son incinétation ou sa conservationsont à considérer dans l’aménage-ment, selon que les symbiotes dépen-dant du bois mort sont plus ou moinsbénéfiques aux arbres.

Le problème des peuplementsmélangés et des essences accompa-gnatrices est un autre bel exemple.

Si beaucoup d’essences disséminées(fruitiers, érables, frênes) n’ont pasd’ectomycorhizes, d’autres (bou-leaux, noisetiers, charme, tilleuls)partagent les mêmes champignonssymbiotiques avec l’essence socialeprincipale (chêne, hêtre, pin, sapin,épicéa, etc.). Leur simple présence,en jouant le rôle d’« hôtes relais »plus ou moins favorables à telle outelle espèce fongique, favorise doncla diversité des ectomycorhizes dupeuplement principal. C’est une rai-son de plus pour conserver un sous-étage constitué de la plus grandevariété possible de ces essencessecondaires à ectomycorhizes.

La biodiversité fongique

La science écologique fait beau-coup appel au concept de diversitéau sein des communautés deplantes, d’animaux, de champi-gnons ou de tout autre type d’or-ganismes. La mesure la plus simplede la diversité est le nombre d’es-pèce, mais il existe d’autres indicesmathématiquement plus sophisti-qués qui tiennent compte de ladominace ou de la rareté relativede certaines espèces. La diversitédes champignons est très grande :rien que pour la France et les cham-pignons dits « supérieurs » qui for-ment des fructifications visibles àl’œil nu, on en recense près de cinqmille espèces, dont une bonnemoitié sont des champignons fores-tiers ectomycorhiziens. Décrireaussi bien que possible la biodiver-sité fongique est la mission princi-pale que se sont assignée les trèsnombreux mycologues de terrainque compte la France et pour les-quels les forêts, par leur richessespécifique du fait de la dominanceectomycorhizienne, constituent le « terrain de jeu » favori. Un autrebut de la plupart des mycologuesest de préserver cette diversité,essentiellement en établissant deslistes rouges d’espèces menacéesde disparition et en faisant pressionsur les pouvoirs publics en faveurde mesures conservatoires intéres-sant les écosystèmes concernés.

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RDV techniques n° 5 - été 2004 - ONF

Vers une symbiose forestiers-mycologuesConfronté à cette nouvelle approchede la fertilité des stations forestières,l’ONF dispose d’un atout importantsous la forme du réseau RENECO-FOR de placettes d’observation, quia déjà fait l’objet d’inventaires myco-logiques (Moreau et al., 2002), et desréserves intégrales dont il assure laconservation (à Fontainebleau, parexemple). Ce sont en effet là, du faitde leur relative stabilité, des sites dechoix pour réaliser le suivi de ladiversité fongique et en particulierdes espèces ectomycorhiziennes.Mais les grand massifs aménagéssont également précieux pour détec-ter l’impact de la sylviculture. Il estdonc impératif que les gestionnairesdes forêts entretiennent des rela-tions très étroites (encore une affairede symbiose!) avec les réseaux demycologues amateurs qui ont régu-lièrement inventorié les espèces pré-sentes depuis de nombreusesannées, disposant ainsi de précieuxindicateurs de santé et de robustessedes peuplements en fonction de leurhistoire. Enfin, en mobilisant sespropres compétences en mycologieet en usant de son influence, l’ONFserait particulièrement bien placépour coordonner et orienter les tra-vaux des réseaux mycologiques dansle sens de la typologie des peuple-ments vue sous l’angle des profilsfonctionnels des complexes ectomy-corhiziens.

Jean GARBAYEUnité mixte de recherche

Interactions Arbres-MicroorganismesINRA, Nancy

[email protected]

Bibliographie

BLAISE T. GARBAYE J., 1983. Effetsde la fertilisation minérale sur lesectomycorhizes d’une hêtraie. ActaOecologica/Oecologia Plantarum4(18) n°2, 165-169

BUÉE M., VAIRELLES D., GARBAYEJ., 2002. Comportement hivernal desmycorhizes d’une hêtraie : diversitéde réponse face aux contraintesenvironnementales. SéminaireBiologie hivernale du groupe d’étu-de de l’arbre, Saint Flour

BUÉE M., GARBAYE J., 2003. Effet dutraitement sylvicole sur la diversitédes communautés d’ectomycorhizesdans une hêtraie de plaine au coursdes saisons. Journées du Réseau deMycologie de la Société française deMicrobiologie, Nancy

BUÉE M., VAIRELLES D., GARBAYEJ., 2004. Year-round monitoring ofdiversity and potential metabolicactivity of the ectomycorrhizal com-munity in a beech (Fagus silvatica)forest subjected to two thinningregimes. Sous presse dansMycorrhiza

CHAMPIGNONS ET MYCORHIZESEN FORÊT. Numéro spécial de laRevue Forestière Française coordon-né par F. Le Tacon. 1997, 255 p

COURTECUISSE R., BRANDILLY O.,2003. Notre patrimoine champignon.Spécial Champignon Magazine 37,24-27

GARBAYE J., BUÉE M., 2003.Complémentarité fonctionnelle desdifférents types de racines fines dansune hêtraie pure. Cinquièmes jour-nées d’écologie fonctionnelle,Nancy, p. 28

JANY J.L., MARTIN F., GARBAYE J.,2003. Respiration activity of ectomy-corrhizas from Cenococcum geophi-lum and Lactarius sp. in relation tosoil water potential in five beechforests. Plant and Soil 255, 487-494

MOREAU P.A., DAILLANT O., COR-RIOL G., GUEIDAN C., COURTE-CUISSE R., 2002. Inventaire deschampignons supérieurs et deslichens sur 12 placettes du réseauRENECOFOR et dans un site atelierde l’INRA/GIP ÉCOFOR. Ed. OfficeNational des Forêts, 142 p

POUYSÉGUR R., 2003. Descriptionde la diversité fonctionnelle d’uncomplexe ectomycorhizien lors de lareprise de la végétation. Mémoire deDEA de Biologie Forestière del’Université Nancy I -Henri Poincaré,26 pp.

VOIRY H., 1981. Classification mor-phologique des ectomycorhizes duchêne et du hêtre dans le nord-estde la France. European Journal ofForest Pathology 11(5/6), 284-299

RemerciementsLes recherches de l’INRA mention-nées ici ont été réalisées grâce aupartenariat et au soutien financier del’ONF, de la région Lorraine, dugroupement d’intérêt publicÉCOFOR et du ministère de l’écolo-gie et du développement durable.

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ès les années 1970, enFrance, de grandes

enquêtes sociologiques portant prin-cipalement sur la fréquentation desforêts furent mises en place (voirtableau ci-dessous). Au début des

années 1990, plusieurs enquêtes ontmis en évidence l’apparition duconcept « environnement ». La forêt,dès lors, allait incarner pour unemajorité de Français le symbole parexcellence de la Nature. Aujourd’hui,

les fonctions récréatives de la forêtrestent un enjeu majeur pour nossociétés occidentales essentielle-ment urbaines : les usagers s’orien-tent vers des pratiques plus indivi-dualisées. Par ailleurs, le contexte

Le rôle social de la forêt apparaît souvent comme une préoccupation contemporaine.

Pourtant, dès le 19e siècle, le mouvement hygiéniste français revendiquait l’importance

du rôle social de la forêt (dans lequel la fonction de loisir occupe une place notable).

Forts de 40 ans d’études contemporaines sur la forêt sociale (1960-2003), nous

montrerons combien le regard du public a évolué face à son domaine vert, en parallèle

avec l’évolution de toute notre société. L’article fera la synthèse d’une étude commandée

par l’ONF à une équipe du Cemagref de Bordeaux sur les liens entre la forêt et la société

(Lewis et al., 2003).

RDV techniques n° 5 - été 2004 - ONF

Forêt et société : une union durable.1960 – 2003 : évolution de la demande

sociale face à la forêt

1969 SARES Région parisienneÉtude de la fréquentation des forêts de la région parisienne

1973 Ballion / INSEE FranceEnquête nationale sur la fréquentation des forêts

1971-1973 R. Ballion Forêt de Sénart et forêts parisiennes

1973-1979 INRA d’Orléans Fontainebleau

1991 BVA pour ONF France

1992 BVA pour DERF Forêts péri-urbaines

1996 IFEN / CREDOC FranceLes opinions des français sur l’environnement et sur la forêt.

1998-1999 CREDOC/ IFEN Île-de-France

2000 SOFRES Francepour La Collective du Bois et de la Forêt

2000 IFEN FranceLa Forêt, symbole de la nature menacée

2002 CREDOC /AEV Île-de-FranceLa fréquentation des forêts publiques en Île-de-France. Caractéristiques de sorties et flux de visites des franciliens.

2002 IFEN FranceLes attentes des français en matière d’environnement.

PRINCIPALES ENQUÊTES EN FRANCE ENTRE 1960 ET 2003

DD

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géographique et social n’est pasnégligeable et reste déterminantdans la relation du groupe social à saforêt. Le citadin ne s’approprie pas laforêt suivant les mêmes critères quel’habitant du monde rural.

Forêt-société : un lienséculaire

Depuis longtemps, forêts et sociétéssont inextricablement soudées. Les tra-vaux d’historiens nous rappellent laplace de la forêt au cours du Moyen-Âge ou de la Renaissance. Néanmoins,ce sont les fonctions de production(bois d’œuvre, bois de chauffage, chas-se, pâturage ou cueillette) qui, le plussouvent, sont associées au rôle de laforêt. Vers la seconde moitié du XIXe

siècle, des voix se sont élevées pourattribuer à la forêt d’autres fonctionsque celles liées à la production de boisd’œuvre et à la chasse. Dans les zonesde montagnes, il s’agissait de limiterles effets de l’érosion, même si celaprovoquait de violents conflits sociauxavec les populations locales (Whited,2000). À proximité des grandes agglo-mérations, il convenait d’aménager desespaces de promenade et de respira-tion pour le citadin oppressé par laville, dans l’esprit du courant hygiénis-te de l’époque. Par ailleurs, cela coïnci-da avec une revendication sociale fortevenant des artistes et intellectuelscontre le productivisme de l’adminis-tration forestière. Ces mouvements setraduisirent par la création des réservesartistiques et des premiers sentiers derandonnée contribuant à la renomméede nombreuses forêts périurbaines(Fontainebleau, Compiègne…). Pourautant, la prise en compte de cesdemandes sociales exercées à l’endroitde la forêt est restée limitée jusqu’à lafin des années 1950.

Les Trente glorieuses, leboom de l’après-guerre

(1945 - 1973)

Les choses vont changer suite auxtransformations sociales de l’après-guerre. Les Trente glorieuses met-

tent en jeu de nouvelles probléma-tiques. La société française se trans-forme sous l’effet de la croissanceurbaine, de l’augmentation du pou-voir d’achat (le consumérisme) et sur-tout, d’une montée en puissance dutemps libre et de l’utopie de la socié-té des loisirs.

Les décideurs publics s’interrogentalors sur le rôle social des espacesforestiers, principalement analysésous l’angle du loisir. Comment« accueillir chaque année davantagede promeneurs de plus en plus moto-risés, leur procurer des possibilités dedistraction et de détente, tout en sau-

vegardant le patrimoine forestier ».C’est ainsi que le problème est posépar le ministère de l’agriculture quipublie à cet effet, le 20 octobre 1964,une circulaire sur le rôle social desforêts domaniales : Premières ins-tructions sur le rôle des forêts dans lacivilisation des loisirs. Cette directivedonne le coup d’envoi à l’ONF nou-vellement créé pour investir ce voletde façon dynamique. Dans un premiertemps, les équipements réalisés,routes et aires de stationnement,financés en grande partie par l’État,ont pour but essentiel de favoriserl’accès à la forêt et d’inciter le maxi-mum de visiteurs à la fréquenter.

1965 - 1980 : la forêt, vuecomme un espace de

récréation et de loisirs

Face à la transformation sociale éco-nomique et culturelle de la sociétéfrançaise au début des années 1960,les décideurs publics s’interrogentsur les usages sociaux de la forêtprincipalement analysés sous l’angledu loisir et, particulièrement au coursdes années 70, sur la possible sur-fré-quentation des forêts. Pour BernardKalaora, la question essentielle pourles responsables forestiers del’époque est de déterminer com-ment, dans ce contexte, protéger lesespaces naturels des pressionsurbaines qui tendent à les détruire ?

RDV techniques n° 5 - été 2004 - ONF

L’analyse des enquêtes et des articles de référence produits au cours de ces 40 dernières années sert à mieux saisir le lien « forêt/société », l’évolutiondes thèmes de recherches et leurs conséquences en matière d’orientation despolitiques forestières. À cet effet, nous avons analysé des enquêtesquantitatives, qualitatives ou mixtes réalisées à l’échelon national ou régional,et des articles spécialisés qui traitaient du lien forêt société d’un point de vuethéorique, méthodologique, rétrospectif ou dans une visée planificatrice.

Quelques travaux internationaux ont également été consultés. La périodecouverte par cette recherche bibliographique va de 1965 à 2003. Toutefois lapremière enquête traitant spécifiquement du lien forêt société date de 1969.Les articles antérieurs traitent de cette question de manière beaucoup plusliminaire.

Cette recherche a permis de collecter 215 travaux traitant du lien forêtsociété ; 42 textes et résultats d’enquête ont fait l’objet d’une analyseapprofondie.

Aménagement cyclabe

P.C

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RDV techniques n° 5 - été 2004 - ONF

En 1967, une première grande enquêtede fréquentation, sera confiée à la SARESpour le compte de l’ONF. Cette enquêtemet en évidence le nombre important devisiteurs qui fréquentent les forêts d’Île-de-France. Elle montre aussi que cettefréquentation n’est pas homogène ausein de la société et que celle-ci varieselon les catégories socioprofession-nelles (CSP) qui apparaissent comme lavariable explicative prépondérante. Dès1973, Robert Ballion (avec l’INSEE) élargitle champ d’investigations et lance uneenquête nationale auprès de 3000ménages. Les résultats tendent à validerceux de la SARES. Presque à la mêmeépoque, B. Kalaora et une équipe del’INRA d’Orléans lancent aussi une séried’enquêtes sociologiques sur ce thème.S’ils ne rejettent pas l’importance desCSP, ils font valoir aussi la notion de dis-tinction culturelle où la position dansl’échelle du savoir est décisive dans lafaçon de fréquenter (ou de consommer)l’espace forestier. Pour R. Baillon, il yaurait, en fonction de l’échelle sociale,des comportements oscillant de la visiteinstrumentale jusqu’à la visite « noble,rousseauiste ». Avec une emphase misesur la culture, B. Kalaora démontre de soncôté que plus les individus sont instruits,plus ils fréquentent la forêt (la forêt entrealors dans la catégorie des biens cultu-rels, tels les musées).

Suite à ces enquêtes, la forêt, sur leplan social, est pensée en terme d’es-pace de récréation et de produit deconsommation de masse (comme lesont d’autres biens culturels tels queles livres et les spectacles). Elle appa-raît comme un espace qui offre unepossibilité de retraite hors de la viemoderne, hors de la ville. Elle est lesymbole de la « non-ville » ce queFrançoise Lugassy analyse d’un pointde vue psychosocial comme uneéchappatoire à la vie citadine, une ten-tative de contourner les dysfonctionne-ments sociaux urbains. Ces travauxmontrent aussi que la forêt tout enétant un espace recherché, reste asso-ciée à certaines idées de peur (liéessouvent à l’imaginaire collectif).Un premier bilan de ces enquêtes montreque l’étude de la fréquentation est aucœur des dispositifs d’enquête qui ont

pour but précis de permettre au gestion-naire d’aménager la forêt menacée par lapression du public. Ces enquêtes sociolo-giques ont aussi produit et stabilisé descatégories d’analyses qui se retrouventdans la plupart des travaux menés sur laforêt lors des deux décennies suivantes(caractérisation de la fréquentation, lieude résidence et moyen d’accès, structuresociale et mode de vie, pratiques, usagenoble ou instrumental de la forêt…).Outre leur aspect très descriptif, elles ont,de plus, fourni des réponses à l’originesociale de ces phénomènes. En matièred’aménagement, ces enquêtes se sontencore traduites par la mise en placed’équipements censés satisfaire la fonc-tion récréative dévolue à la forêt (aired’accueil, parking…). Mais le constat desdégradations dues à la surfréquentationde certains sites conduit le ministère del’agriculture à infléchir sa politique enmatière d’accueil du public (circulaire du26 février 1979) sur plusieurs points : laforêt est fragile et doit être protégéed’une pression de fréquentation excessi-ve. Elle doit conserver son aspect naturelet les équipements doivent être « légers,diffus et discrets ». Ce sont les équipe-ments linéaires, et tout particulièrementles sentiers pédestres qui sont privilégiés.Enfin, la fréquentation motorisée doit êtrelimitée. La circulaire donne égalementaux gestionnaires quelques indicationssuccinctes pour la réalisation des plans decirculation et la gestion des aires d’ac-cueil. L’implication des collectivités estdésormais considérée comme un préa-lable indispensable pour la réalisation etl’entretien des aménagements et équipe-ments pour l’accueil du public.

En revanche, ni la circulaire, ni lesenquêtes n’apportent d’éléments sus-ceptibles d’orienter la gestion et les tra-vaux forestiers courants. Pour cela, unevoie parallèle est choisie qui n’est pascelle des attentes du public mais quipasse plutôt par des préconisations d’ex-perts. En collaboration avec le Cemagrefpuis de manière autonome, l’ONF édite àcet effet plusieurs guides techniques etdes recommandations concernant à lafois l’accueil du public et la prise encompte du paysage lors des aménage-ments forestiers (Breman, 1976 ; Bremanet al., 1992 ; ONF, 1999).

1980 - 1995 : la société semet au vert

En 1987, le rapport Our Common Futur/ Notre avenir à tous de la commissionmondiale pour l’environnement et ledéveloppement est l’élément mar-quant qui propulse sur la scènepublique la problématique environne-mentale. Sans laisser prévoir un telengouement, le thème de l’environne-ment s’est rapidement affirmé. De pol-lution spécifique, l’opinion publiqueest passée à une vision plus globaleincluant le milieu naturel et tous lesorganismes qui y vivent. Dans cet élan,la forêt revêt, pour la majorité desFrançais, l’idéal de la nature. Forêt etNature deviennent sensiblement dessynonymes. C’est l’époque de la pro-tection de l’environnement, de la miseen réserve de sites… La premièreenquête nationale qui montre claire-ment l’émergence de préoccupationsenvironnementales à propos de la forêtdate de 1991 (BVA, 1991). La forêt y estassociée à l’idée de nature ; elle estaussi vue comme un milieu menacé, enrégression, et un patrimoine à proté-ger. Ces tendances sont confirmées lesannées suivantes par d’autres enquêtesdont celles de l’IFEN-CREDOC sur lesFrançais et leur environnement.La forêt conserve ce caractère de lieupropice à la promenade et à une fré-quentation de type familial par descatégories aux revenus et au niveaud’éducation plus élevés que la moyen-ne, ce qui ne fait que confirmer lesrésultats des enquêtes sociologiquesdes années 1970. Paradigme de lanature, l’accent est mis sur les menacesenvironnementales auxquelles la forêtest soumise : incendies (médiatisationrécurrente des feux de forêts estivauxen zone méditerranéenne, pollution(pluies acides et dépérissement desforêts), urbanisation, et aujourd’huitempêtes…

De forêts menaçantes àforêts menacées. Les

enquêtes au fil du temps

Abondamment étudié dans lesannées 1970, le lien forêt/société

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semble faire l’objet de moinsd’études dans les années 1980. Lemariage des sciences de la société etdes sciences de la nature n’est pasévident. Demeurent des enquêtes defréquentation dans différentesrégions françaises basées sur lesméthodes mises au point lors de ladécennie précédente. On retrouveraà partir de 1990, des enquêtes pluspointues, fruit des travaux debureaux d’études et d’instituts desondages. Les études de marché etles techniques de marketing pren-nent le pas sur la recherche et l’en-quête académiques.Le citoyen d’aujourd’hui n’est plus dansl’euphorie de l’après-guerre : le chocpétrolier et les menaces écologiques n’ysont pas étrangers. Le mode de viecontemporain avec un temps libre crois-sant plus fractionné (mais pas nécessaire-ment dévolu aux seuls loisirs, selon lesenquêtes de l’INSEE et du ministère de laCulture) change les pratiques culturelles.Où est la place de la forêt dans celles-ci ?

Par ailleurs, ce citoyen reçoit un flot conti-nu d’informations variées. Il doit faire untri qu’il réajuste en fonction d’intérêtsmultiples (personnels et collectifs) : lesthéoriciens parleront d’un citoyen« réflexif », c’est à dire qui examine etrévise constamment son action à la lumiè-re des nouvelles informations qu’il capte(Giddens, 1994). La direction à suivre n’estplus donnée, il n’y a pas un modèle, maisplusieurs types de comportements.L’usager de la forêt semble demandertout et son contraire (une forêt sauvage etsécurisée), mais ce paradoxe n’est pasirrationnel… il est humain !

Parallèlement à ces enquêtes d’opinionnationales qui reflètent souvent des pra-tiques urbaines de la forêt (sport, « week-end à la campagne »), les enquêtes qua-litatives, plus localisées, mettent en évi-dence la permanence d’un rapport à laforêt fondé sur des pratiques tradition-nelles de chasse et de cueillette. Cesenquêtes qualitatives dans différentstypes d’habitat social et de massifs fores-tiers révèlent au public des usages diffé-renciés. Notre façon d’analyser la sociétéest-elle trop urbaine ? Quelle est la partd’autonomie du monde rural, de cer-

taines régions… peut-on suggérer desusages multiples de la forêt ? Les futuresenquêtes, doivent nous aider à bâtirnotre « savoir » collectif.

Des enjeux sociauxévolutifs, à observer et

accompagner

De fait, si la prise de conscience envi-ronnementale a modifié les regards

de la société en général sur la forêt,ces nouveaux regards ne se sont pas,pour autant, substitués aux représen-tations et aux pratiques sociales plusclassiques. Même s’il peut sembleren retrait de ces enquêtes, le rôle dela forêt de production n’est pas pourautant occulté. La forêt, au tournantdu siècle, n’a pas été transformée ensanctuaire ni en réserve écologiqueintégrale ; elle reste un lieu prisépour les sorties ludiques.

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Le public, très sensibilisé à l’environnement, a besoin d’informations de qualité

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RDV techniques n° 5 - été 2004 - ONF

La société (civile, administrative,politique…) elle-même réflexive,continue son adaptation. Aujourd’huides dossiers mis à l’avant dans lesréflexions touchent, de près, le rôlesocial de la forêt. Des thèmes tels lamultifonctionnalité (où l’activité sylvi-cole est liée à la protection environ-nementale et au rôle social) et la par-ticipation locale (deux idées inscritesdans la Loi d’orientation sur la forêtde 2001) peuvent dans l’avenir trans-former la relation de la société à laforêt. Il s’agit d’accompagner ces

transformations sociales : c’est ceque l’ONF tente de faire aujourd’huipour les forêts sous sa compétence.

La forêt est promue en tant que lieud’intégration sociale ou, au moins,permettant la coexistence de diffé-rents acteurs sociaux. Pour autant, latransformation de la forêt génère desproblèmes nouveaux : elle peut agirsoit comme un révélateur de conflitsentre acteurs locaux et « étrangers »(l’urbain, le touriste, le randon-neur…) soit comme un vecteur de

lien social (dans le cas d’un partageet de pratiques conviviales de l’espa-ce forestier). C’est aussi un lieu oùs’expriment différentes formes demarginalité voire d’exclusion qui sontsouvent dénoncées au nom desatteintes portées à l’environnement(déchets, vandalisme, occupationillégale de terrain privé…) mais sou-vent révélateur de conflits sur lesdroits de propriété ou la peur del’autre. Le lien entre la forêt et lasociété reste encore trop méconnu etmérite qu’on s’y intéresse.

Philippe DEUFFICUnité ADER, Cemagref Bordeaux

[email protected]

Anne-Marie GRANETONF, direction technique

mission fonctions sociales de la forê[email protected]

Nathalie LEWISUnité ADER, Cemagref Bordeaux

[email protected]

Bibliographie

BREMAN, P., 1976. Prise en compte desfacteurs « paysage » et « récréation »dans l’aménagement forestier,Cemagref, Nogent-sur-Vernisson, 34 pBREMAN, P., MOIGNEU, T. ; LAVERNE,X.,1992. Directives paysagères pour larégion Île-de-France, DTC-ONF,Fontainebleau, 66 pGIDDENS, A., 1994. Les conséquencesde la modernité, Paris, L’Harmattan,192 pKALAORA, B., 1993. Le musée vert :radiographie du loisir en forêt. Paris,L’Harmattan, 304 pLEWIS, Nathalie, et al., 2003. De 1960 à2003 des enquêtes pour cerner le lienforêt et société. État de l’art et pistesexploratoires, Cemagref, BordeauxONF,1999. Guide des traitements despaysages. ONF, Paris, classeur avecfiches, 64 pWHITED T., 2000. Extinguishing disas-ter in Alpine France: the fate of refores-tation as technocratic debacle.Geojournal, vol. 51, pp. 263-270

Les fonctions sociales de la forêt, un enjeu d’avenir pour les forestiers

Aujourd’hui, dans une société urbanisée, complexe et mouvante, s’adapter auxnouvelles attentes de la société vis à vis de la forêt –et de la forêt publique enparticulier- est un impératif pour l’ONF.

Encore faut-il identifier et caractériser ces attentes, ce qui n’est pas simple : ellesévoluent en permanence, se font jour à l’occasion de conflits, paraissentambiguës voire contradictoires, combinent plusieurs échelles, associent desacteurs multiples… Elles intègrent la gestion forestière et des paysages, lespréférences et pratiques de l’individu, les représentations de la société, lesmodes décisionnels…

Les réflexions menées avec le comité scientifique de l’ONF dans le cadre dubilan patrimonial ont fait apparaître la nécessité d’un véritable travail de fond surla demande sociale pour mieux appréhender les enjeux liés à la forêt et ainsipouvoir mettre en œuvre une gestion plus conforme aux attentes sociales. Ellesont abouti à la mise au point d’un programme de recherche-développementpluridisciplinaire, dont les objectifs opérationnels sont de définir des outils etméthodes pour une gestion plus en phase avec la société ainsi que des critèreset indicateurs dans le domaine des enjeux sociaux.

Un volet « Forêt et Société » a été développé dans le cadre de la conventionONF-CEMAGREF, dont la 1ère partie présentée ici et réalisée par le groupementde Bordeaux, consistait en une analyse bibliographique des travaux d’enquêteprécédemment réalisés, afin de dresser un état des lieux. Un premier constat doitêtre fait : malgré l’importance des pratiques de loisirs en forêt, on ne peut plusse contenter aujourd’hui d’une vision des fonctions sociales de la forêt sousl’angle exclusif des fonctions récréatives. La réalisation d’équipements pourl’accueil du public n’est plus une réponse satisfaisante et suffisante aux attentesdu public. D’autres dimensions se sont progressivement imposées et c’est ceque la démarche entreprise doit nous permettre de mieux comprendre.

La phase exploratoire 2003 va être complétée jusqu’en 2007 par plusieurs actionspermettant de multiplier les points de vue : enquête nationale sur lesreprésentations de la forêt, les usages et pratiques, les préférences, entretiensqualitatifs approfondis permettant d’affiner et de mieux comprendre les résultatsnationaux, thèse d’un ingénieur FIF analysant la demande sociale à partird’études de cas en vue de généralisation ultérieure.

L’analyse coordonnée de ces différentes approches doit permettre à l’ONF deposer les fondements d’un Observatoire des attentes sociales afin de mieuxconcilier les actions aux attentes de la société et aux impératifs dudéveloppement durable.

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RDV techniques n° 5 - été 2004 - ONF

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Les outils juridiques de protection de la nature

La protection de la nature est certainement un volet relativement récent du droit puisque ce

n’est qu’au cours du dernier quart du XXe siècle que s’est véritablement développée en droit

français une législation cohérente et structurée en la matière. C’est la loi du 10 juillet 1976 qui

a consacré l’existence d’un véritable droit de la protection de la nature, affirmant notamment

l’intérêt général qui s’attache à la protection des espaces naturels, de la faune et de la flore. Plus

récemment, la promulgation d’un code de l’environnement (1) a permis de regrouper et

structurer les textes préexistants, jusque là épars, faisant enfin du droit de l’environnement

une discipline juridique à part entière. Parallèlement, on a assisté à la montée en puissance des

préoccupations environnementales dans le droit international, les États devant intégrer dans

leurs législations internes les premiers acquis de ce droit international nouveau. Ceci est tout

particulièrement vrai du droit communautaire de l’environnement, en construction rapide et

foisonnante. Ce phénomène remarquable souligne combien les questions liées à la protection

de la nature doivent s’aborder avec une conception globale des problèmes et, de plus en plus,

à l’échelle planétaire.

our simplifier notreapproche et en schémati-

sant, on peut considérer qu’il existe troisgrands types de mesures destinées à laprotection de la nature.

La protection de la nature àl’échelle de grands territoires

Si on accepte d’écarter ici, par souci desimplification, les mesures destinées àprotéger le littoral ou la montagne et quirelèvent du code de l’urbanisme (dontcertaines dispositions contribuent trèssignificativement à la protection de lanature), on peut dire qu’il existe essentiel-lement deux grands statuts de protectionapplicables à de vastes territoires : lesparcs nationaux et les parcs naturels

régionaux. L’objectif recherché est ici depermettre une politique d’aménagementdu territoire axée sur la protection et lamise en valeur des espaces et milieuxnaturels et des paysages.

Les parcs nationauxCe statut institué par la loi du 22 juillet1960 (actuels art L331.1 et suivants ducode de l’environnement) s’inspire d’unedynamique internationale qui trouve sesracines dans la création du parc américainde Yellowstone. Il faut cependant noterque les promoteurs de la loi de 1960 plai-daient pour une conception française duparc national, avec une forte dimensionsociale et pédagogique, et un souci depromotion de « la réanimation écono-mique de la région avoisinante ».Cependant, la solidarité d’avenir entre le

parc national et sa zone périphérique quiavait été expressément voulue par lespromoteurs de la loi de 1960 n’a souventpas trouvé de mode pérenne d’expres-sion concrète.

Un parc national permet de garantir uneprotection renforcée sur d’assez vastesterritoires (à l’échelle de la France, maissans commune mesure avec les surfacesde nombreux parcs nationaux dans lemonde), aux caractéristiques naturellesmarquées (faible densité de population,majorité de rochers, glaciers, landes,forêts, pâturages et d’agriculture extensi-ve…). C’est une procédure lourdeconduisant à l’application d’une législa-tion contraignante après enquêtepublique et classement par décret enConseil d’État. La mise en œuvre du

PP

(1) Ordonnance n° 2000.914 du 18 septembre 2000 portant création d’un code de l’environnement - partie législative

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décret de classement est confiée à unétablissement public à caractère adminis-tratif. Celui-ci a un rôle d’animation et deplanification, via le programme d’aména-gement, pour assurer la protection du ter-ritoire concerné en coordination avec lescollectivités territoriales concernées. Laréglementation applicable à un parcnational a trois sources superposées :des dispositions d’ordre général fixéesdans le code de l’environnement, desrègles spécifiques fixées dans le décretconstitutif du parc et, enfin, des règle-mentations particulières et décisions indi-viduelles relevant du directeur de l’éta-blissement public qui dispose à cet effetd’un pouvoir réglementaire propre, enca-dré par le conseil d’administration et leprogramme d’aménagement. Toute acti-vité humaine n’y est pas proscrite maiselle est soumise à des règles qui garantis-sent la conservation durable du milieunaturel. Ainsi, les exploitations pastorales,agricoles, forestières demeurent pos-sibles, mais elles peuvent être réglemen-tées. Ce statut de protection est égale-ment perçu comme une sorte de label detrès haute valeur patrimoniale, qui attireun public adepte de grands espacesnaturels, favorisant ainsi une fréquenta-tion touristique croissante, ce qui n’estpas le moindre paradoxe d’une législa-tion qui cherche à préserver le caractèresauvage d’un territoire naturel (2). Lerécent rapport parlementaire du députéJean-Pierre Giran devrait servir de base àune prochaine réforme des parcs natio-naux français visant, entre autres, à mieuxprendre en compte la solidarité écolo-gique et de vie entre le parc et sa zonepériphérique, à mieux associer les éluslocaux à l’administration de cet outil deprotection de la nature, et à adapter la loiaux spécificités des parcs marins et del’Outre-mer.

Les parcs naturels régionaux (PNR) sontcréés à l’initiative des régions. Ilsconcourent à une politique d’aménage-ment du territoire et de développementdurable, fondée sur la protection dupatrimoine naturel, culturel et paysager,

essentiellement dans des zones ruralesdéfavorisées. Régis par les articlesL333.1 et suivants du code de l’environ-nement, les PNR ne mettent en œuvreaucune réglementation spécifique inter-disant ou limitant les activités humainesou l’accueil du public. En réalité, lescontraintes inhérentes à un PNR, libre-ment consenties par les collectivitéslocales et l’État, résultent de la chartedont il est doté, élaborée sous l’égidede la région après une vaste concerta-tion, et qui détermine les orientations deprotection. Elle fixe les zones du parc enfonction de leur vocation ainsi que lesprincipes fondamentaux de protectiondes paysages. C’est par les documentsd’urbanisme, qui doivent être compa-tibles avec la charte, qu’est assurée laprise en compte des objectifs du PNRdans la gestion courante du territoire. Lesuccès incontestable de cet outil auprèsdes collectivités territoriales (déjà 44PNR et 13 % du territoire national métro-politain) conduit cependant à s’interro-ger sur ses limites.

La protection des milieuxnaturels sur des espaces de

moindre importance

Les sites naturels inscrits ou classés (loidu 2 mai 1930 –actuels articles L341.1 etsuivants du code de l’environnement)constituent l’un des statuts de protectionles plus anciens. Ce statut vise à protégerdes sites présentant surtout un fort enjeuculturel, les sites étant choisis en fonctionde critères historique, scientifique, légen-daire, pittoresque. L’inscription décidéepar la commission départementale dessites permet de soumettre à déclarationpréalable les projets de travaux autresque ceux destinés à l’exploitation couran-te des fonds. En cas de classement (pro-noncé par arrêté ministériel, ou pardécret en conseil d’État en cas d’opposi-tion des propriétaires), le régime est pluscontraignant puisque toute modificationde l’état ou de l’aspect du site est interdi-te sauf autorisation préalable.

Les réserves naturelles (art L332.1 et sui-vants du code de l’environnement) per-mettent une protection très renforcée deterrains à forte spécificité écologique(faune, flore, habitats, eaux, minéraux oufossiles). En pratique, les territoiresconcernés sont d’une taille variable, maismême pour les plus importants, ils n’at-teignent jamais la proportion d’un parcnational.

La loi « démocratie de proximité » de2002 (3) a supprimé la catégorie desréserves naturelles volontaires, et inno-vé en confiant aux régions la possibilitéde créer des réserves naturelles régio-nales (4), de leur propre initiative ou à lademande de propriétaires. Les réservesnaturelles nationales créées par l’Étatont désormais pour vocation principalede protéger des habitats naturels et/oudes habitats d’espèces d’intérêt natio-nal, communautaire ou international.

Le décret de classement pris aprèsenquête publique peut soumettre à unrégime particulier ou interdire toute

(2) Aux USA, il y avait une notion de monument naturel -comme l’ancien monde a ses monuments historiques- donc une préservation de sites grandioses destinés àla contemplation par le public.

(3) Loi n° 2002.92 du 22 janvier 2002. Cette modification du statut ouvre, en faveur des collectivités territoriales, une possibilité d’intervention en matière de police dela nature. Si on ajoute à cette évolution législative la teneur du rapport Giran qui plaide notamment en faveur d’une meilleure intégration des collectivités territorialesdans l’action des parcs nationaux, on peut penser qu’on devrait assister à l’émergence progressive d’un partenariat structuré entre l’État et les collectivités territoriales.

(4) En raison de la spécificité du statut de la Corse, la loi distingue le cas particulier des réserves naturelles de la collectivité territoriale Corse, celles-ci ne pouvantêtre qualifiées de régionales.

Réapparition d’une espèce protégée de milieu aquatique aprèsrestauration, l'hottonie des marais

(Hottonia palustris)

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action susceptible de nuire au dévelop-pement naturel de la faune, de la flore oud’altérer le caractère de la réserve. Lesréglementations qui s’y appliquent sonttrès contraignantes, au service d’un projetde gestion qui doit être formalisé dans unplan de gestion. La réserve peut êtregérée par un établissement public, unecollectivité territoriale, une association,ou un groupement d’intérêt public, etdispose d’un comité de gestion. Dans lemême ordre d’idée on citera pourmémoire les réserves nationales de chas-se et de faune sauvage dont l’objet estbien entendu spécifiquement ciblé sur laprotection des gibiers.

On ne fera qu’évoquer ici le code del’urbanisme qui assure une protectiondes espaces boisés ou à boiser au tra-vers de ses articles L130.1 et suivants quipermettent de classer au plan local d’ur-banisme comme espaces à conserver lesbois, forêts, parcs, jardins etc. Cetteréglementation, qui rend notammentimpossible tout défrichement, relèvecependant moins d’une politique deprotection de la nature que d’une pro-tection des espaces verts dans uneoptique d’utilisation des sols.

En matière forestière, deux réglementa-tions méritent en revanche un peu plusd’explications :

Les forêts classées en forêt de protec-tion (art L411.1 du code forestier). C’estla seule réglementation du code fores-tier applicable tant aux forêts publiquesque privées qui vise à protéger une pro-priété forestière à la fois contre les excèsdu propriétaire lui-même (défrichement,dépôts de matériaux interdits) et surtoutcontre les tiers en interdisant la créationd’ouvrages, infrastructures, etc. (lignesélectriques, voies publiques) contraire àla vocation forestière du terrain. Créépar une loi de 1922 d’abord dans l’op-tique de préserver des forêts utiles à laconservation des sols, la lutte contrel’érosion etc., ce statut a été enrichi parla loi du 10 juillet 1976 sur la protectionde la nature qui a ajouté une possibilitéde classement en faveur des forêts

proches des grandes agglomérations ousituées dans des « zones où leur main-tien s’impose soit pour des raisons éco-logiques, soit pour le bien être de lapopulation ». Au delà des interdictionsprécitées relatives au défrichement,extraction, enlèvement de matériauxetc., le classement en forêt de protec-tion permet de réglementer l’accueil dupublic et la circulation des véhicules.Tout propriétaire qui ne respecterait pasles règles inhérentes au classement setrouverait poursuivi comme un tiers agis-sant dans la forêt d’autrui (art L412.3).

Les zones réglementées par des amé-nagements forestiers (dernier alinéa del’art L133.1 du code forestier). Dans lesforêts relevant du régime forestier,l’aménagement peut interdire ou sou-mettre à conditions particulières desactivités susceptibles de compromettrela réalisation de ses objectifs. Cette par-ticularité introduite il y a une quinzained’années dans le code forestier (loi n°91.5 du 3 janvier 1991) permet de don-ner une véritable base légale auxréserves biologiques créées depuis lesannées 1980 dans des forêts doma-niales ou de collectivités et qui, jusquelà, n’avaient qu’une portée techniquefaute de texte en instituant le principe.Par cette disposition propre aux forêtsrelevant du régime forestier on permetà l’ONF de faire prendre et d’appliquerdes réglementations spécifiquementadaptées aux enjeux de la gestionforestière dont il est le responsable.Bien entendu cette disposition permetde réglementer des activités diversessans qu’il soit forcément nécessaire decréer pour autant des réserves biolo-giques forestières. Ainsi par exemple, laprésence d’un rapace pour lequell’aménagement prévoit un programmedestiné à favoriser sa re-colonisation duterritoire peut justifier, durant la périodede reproduction, une interdiction del’escalade et de la varappe sur une falai-se favorable à sa nidification. Ceci nousfait aborder un nouveau registre de lapolice de la nature, passant d’unelogique d’espace, de territoire, à unelogique d’espèces.

La protection visant des enjeuxlocaux ou des espèces

De multiples mesures de protection dela nature sont axées sur la protectiondes espèces (faune flore) ou sur la pro-tection d’enjeux très spécifiques(notamment l’eau). On ne peut bienentendu aborder ici que quelquesgrands axes relatifs à ces mesures sansentrer dans leur étude précise etdétaillée.

Les espèces protégées(art L411.1 et suivants du code de l’en-vironnement). Le ministre chargé del’environnement peut arrêter conjoin-tement avec d’autres ministres intéres-sés la liste d’espèces animales nondomestiques ou végétales non culti-vées dont la protection s’impose pourdes motifs scientifiques ou pour la pré-servation du patrimoine biologique.L’arrêté ministériel précise pourchaque espèce la nature des interdic-tions prévues à l’article L411.1, leurdurée, les territoires et périodes oùelles s’appliquent. Dans ce cadre, leministre chargé de l’environnementpeut réglementer les prises de son oude vues de nature à nuire à la survie deces espèces. Dans un parc national ouune réserve naturelle, les mêmesmesures sont arrêtées par l’autorité quiadministre le parc ou la réserve.

Les arrêtés de protection de biotopeLorsqu’une espèce protégée est iden-tifiée sur un territoire donné, et indé-pendamment des mesures de protec-tion précitées, le préfet de départe-ment peut, dans un délai très bref s’il ya urgence, prendre un arrêté destiné àfavoriser la conservation des biotopesutiles à cette espèce (haies, mares,marécages, landes etc.). Dans le mêmecadre le préfet peut réglementer ouinterdire les actions susceptibles deporter atteinte à l’équilibre biologiquedes milieux, notamment l’écobuage, lebrûlage des chaumes, le broyage desvégétaux etc. Cet outil n’est cependantpas conçu comme un véritable projetde gestion.

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Les habitats protégésEn application des directives euro-péennes dites « habitats » et « oiseaux »,les états membres de la Communautéeuropéenne ont l’obligation de proposerdes sites devant faire l’objet de mesuresde protection (zones spéciales de conser-vation et zones de protection spéciale) (5)garantissant un bon état de conservationdes habitats naturels et des habitats d’es-pèces présents dans le réseau des sitesdésignés à la Commission européenne :c’est le réseau « Natura 2000 ». C’estnotamment pour constituer ce réseauqu’on a inventorié les richesses écolo-giques sur le territoire, inventaires plusconnus sous le sigle de ZICO pour lesoiseaux et de ZNIEFF pour la flore, leshabitats et les autres espèces de faune(6). Le préfet arrête pour chaque site undocument d’objectifs après concertationavec les collectivités territoriales, les pro-priétaires, les exploitants des terrainsintéressés. Pour appliquer ce documentd’objectifs, les propriétaires peuvent

conclure des contrats dits « contratsNatura 2000 » avec l’autorité administrati-ve. Stricto sensu, il ne s’agit pas d’uneapproche réglementaire, mais, en tantque de besoin, s’il existait un risqueimportant de ne pas atteindre les objec-tifs de bon état de conservation qui s’im-posent à l’État français, celui-ci n’écartepas l’hypothèse de recourir à des régle-mentations « classiques » (arrêté de pro-tection de biotope, réserve naturelle, siteclassé).

La protection de l’eau constitue unenjeu de plus en plus sensible, tant sousl’angle de la qualité de l’eau potable quede la protection des milieux naturels.C’est pourquoi on trouvera de nom-breuses mesures de protection destinéesà préserver les captages de source desti-nés à l’alimentation des habitants en eaupotable, à préserver la faune aquatique, àréglementer les chantiers et ouvrages surles cours d’eau ou aux abords immé-diats… On entre ici dans une matière

vaste et complexe qui constitue à elleseule un vrai sujet d’articles… lesquelsseront l’objet d’un prochain numéro des« Rendez vous techniques ».

Et le régime forestier ?

Si l’on se place d’un strict point de vuejuridique, le régime forestier n’a pas étéconçu comme un outil de protection dela nature. Né des préoccupations despouvoirs publics en 1827, à une époqueoù le bois constituait encore une richesseéconomique essentielle et où l’on décou-vrait la force d’un nouveau droit de la pro-priété (7), le régime forestier est apparud’abord comme un régime de protectionde la propriété forestière et des peuple-ments forestiers (8). Cependant, en pra-tique, il aboutit à préserver la nature car ilimplique une intervention raisonnée dugestionnaire qui intègre nécessairementdans ses actions les enjeux inhérents aumilieu forestier dont notamment lesenjeux paysagers et environnementaux.Cette réalité pratique est confirmée endroit par l’article 11.I du décret n° 77.1141du 12 octobre 1977 qui prévoit que « lesaménagements prévus à l’article L133.1du code forestier prennent en compte lespréoccupations d’environnement défi-nies par l’article 1er du présent décret ».Aujourd’hui, notamment par l’effet desrèglements pouvant être introduits dansl’aménagement forestier (dernier alinéade l’article L133.1 examiné ci-dessus) ladimension de protection de la nature ausein du régime forestier se voit établie.

Jacques LIAGREChef du département juridique de l’ONF

Bernard REYDirecteur technique de l’ONF

Christian BARTHODSous-directeur des espaces naturels

(DNP-MEDD)

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Le lézard ocellé (Lacerta lepida) espèce protégée au niveau national

(5) voir code de l’environnement – art L414.1 et suivants.

(6) Zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique. Art L411.5 du code de l’environnement Simples inventaires scientifiques, les ZNIEFF sont dénuées de por-tée juridique directe (CE 30 avril 1997). Mais le juge administratif peut tirer argument d’une ZNIEFF pour annuler pour erreur manifeste la décision d’une commune de créerun équipement lourd ou une zone d’aménagement sur le terrain concerné (TA Orléans 29 mars 1988 D 1989.209). Ce n’est qu’un élément matériel du dossier qui ne liepas le juge, celui-ci pouvant librement considérer que la surface touchée par le projet est suffisamment modeste pour valider l’opération (TA Rouen 22 septembre 1999).

(7) Triomphe de la propriété privée individuelle née de la révolution de 1789 et qui s’oppose directement aux principes de l’Ancien Régime qui favorisaient une concep-tion communautaire de la propriété favorisant la jouissance en commun de certains biens, dont notamment les bois et forêts (droits d’usages forestiers et affouage sontles plus beaux exemples de ces pratiques communautaires venues de l’Ancien Régime).

(8) L’objectif premier du régime forestier se trouve fort bien résumé par cette courte citation tirée de l’exposé des motifs du code forestier fait par le Vicomte de Martignacà la chambre des pairs lors de la séance du 11 avril 1827 : « Préserver les forêts de l’État des usurpations et des fraudes, les défendre autant que la justice le permet, contreles abus de la dévorante servitude des usages ; donner aux forêts des communes une administration régulière et surveillante, qui concilie les besoins publics avec les inté-rêts bien entendus des habitants ».

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En introduction à l’ensemble des articlesqui suivent et constituent le cœur de cedossier « Les statuts de protection dans lagestion forestière », il nous est apparuutile pour le lecteur de situer, en quelqueséléments chiffrés, la proportion dudomaine terrestre français, de l’ensemblede ses forêts, et de l’ensemble de ses ter-rains relevant du régime forestier où trou-vent à s’appliquer chacun des principauxstatuts de protection. Ces éléments pro-viennent d’une étude réalisée par l’ONFen 2001 pour le compte de la Directionde la nature et des paysages du ministè-re de l’écologie.

Précisions

Les valeurs chiffrées et lespourcentages sont issus du traitementdes données géographiques dispo-nibles à l’automne 2001, pour laFrance métropolitaine.

L’analyse n’est pas exhaustive : en2001 ni les données géographiquesrelatives aux sites classés, ni cellesrelatives aux forêts de protection(statuts tous deux à caractèreréglementaire) n’étaient disponibles.

Ces valeurs n’ont pas étéactualisées pour 2004, alors mêmeque des évolutions sensibles ont étéenregistrées depuis l’automne 2001,en particulier au niveau despropositions de sites d’intérêtcommunautaire et zones deprotection spéciale.

La mise à jour des données, quiproviennent de sources différentes,est engagée par l’ONF mais ne seraachevée que fin 2004. Les valeurs etpourcentages détaillés dans le tableauci-contre constituent donc des minimaau regard de la situation présente.

Quelques repères à propos dela proportion en surface des

statuts de protection dans lesdifférentes classes de terrains

considérés

Au total, et quel que soit le statutconsidéré, la proportion de terrains rele-vant du régime forestier et bénéficiant

d’une protection est plus élevée que celledu domaine terrestre (voir colonnes %des différentes catégories de terrains).Les forêts publiques concentrent doncainsi un effort de protection plus intenseque la majorité du domaine terrestre.

Un peu plus de 5 % des terrains rele-vant du régime forestier bénéficient d’aumoins un statut de protection à caractèreréglementaire, et cette proportion passeà 15,4 % si l’on prend également encompte les propositions de sites d’intérêtcommunautaire : la contribution des sitesdu dispositif Natura 2000 aux dispositifsde protection est particulièrement impor-tante (voir les lignes union des statuts deprotection à caractère réglementaire).

Les statuts de protection à caractèrecontractuel intéressent près de 22 % desterrains relevant du régime forestier ; ils’agit, pour l’essentiel, de terrains inclusdans des parcs naturels régionaux (voir laligne union des statuts de protection àcaractère contractuel).

Au total, le tiers des terrains relevant durégime forestier (33 %) bénéficient d’unstatut de protection à caractère régle-mentaire ou contractuel, proportion, rap-pelons-le, appelée à augmenter en fonc-tion des chiffres actualisés 2004. La contri-bution des forêts publiques aux diffé-rentes approches dédiées à la protectiondu patrimoine naturel est ainsi très signifi-cative (voir la ligne union la plus large desstatuts de protection).

S’agissant des zonages d’inventaire(ZNIEFF, zones naturelles d’intérêt écolo-gique, floristique et faunistique, et ZICO,zones importantes pour la conservationdes oiseaux), qui n’ont pas valeur de sta-tut de protection, mais permettent d’ap-précier la richesse patrimoniale desmilieux, il est possible de formuler lesquelques remarques suivantes :

la contribution des forêts (en général)aux ZNIEFF de type 1, caractérisées parleur intérêt biologique remarquable, estpratiquement le double de celle dudomaine terrestre (respectivement 14 %par rapport à près de 8 %), et celle desterrains relevant du régime forestier estprès du triple (22 %). Si l’on ajoute aux

ZNIEFF les ZICO, les zones inventoriéesselon ces deux démarches (et en élimi-nant les double comptages) concernentun peu plus de 13 % du domaine ter-restre, 21 % des forêts, et un peu plusd’un tiers des terrains relevant du régimeforestier. Les forêts en général, et lesforêts publiques tout spécialement, recè-lent ainsi une haute valeur écologique etbiologique. L’intersection des ZNIEFF etdes ZICO (superficies concernées parchacun des deux inventaires) ne repré-sente que 7 % du total des terrains rele-vant du régime forestier.

Un autre type d’analyse pouvant êtremené consiste à calculer le ratio de super-position des statuts de protection au seind’une classe de terrain concernée (surfa-ce cumulée des couches géographiques,divisée par la surface de l’union desmêmes couches géographiques).

Ce ratio, appliqué aux statuts de pro-tection contractuels (parcs naturels régio-naux, zones périphériques des parcsnationaux), est égal à 1 dans tous les cas ;cela signifie que ces différents statuts deprotection ne se superposent pas spatia-lement.

Le ratio de superposition entre les sta-tuts de protection réglementaire dans laclasse des terrains relevant du régimeforestier s’établit à 1,49. Cette valeursupérieure à 1 traduit l'incidence desuperpositions spatiales existant entreces différents statuts. Une analysedétaillée serait toutefois nécessaire pourinterpréter la nature et l'ampleur dessuperpositions spatiales d'un statut surles autres.

Ces quelques chiffres offrent un pre-mier éclairage, avec une vision unique-ment spatiale, sur l’apport des forêtspubliques françaises en matière d’airesprotégées. Il reste à expliciter, en rela-tion en particulier avec les cas desuperposition spatiale des statuts deprotection, ce qui d’un point de vuefonctionnel les caractérise, et peutvenir traduire des nécessités de protec-tion complémentaires sur un mêmeespace.

Les espaces naturels protégés en France.État des lieux

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Propositions de sites d’intérêtcommunautaire (Directive Habitats) :- juin 2001 (données utilisées pourl'étude DNP) : 1 105 sites pour unesurface de 3 754 669 ha.

- juin 2004 : 1 216 sites pour unesurface de 4 216 660 ha.

Zones de protection spéciale(Directives oiseaux) :- juin 2001 (données utilisées pourl'étude DNP) : 117 zones pour unesurface totale de 888 558 ha.

- février 2004 : 153 zones pour unesurface de 1 242 614 ha.

Bibliographie

MICHON J. M., 2001. Indicateurs d’état etde gestion des forêts publiques.Application à 3 thématiques (connaissan-ce et protection de la nature, fragmenta-tion et compacité des espaces forestiers,relations spatiales entre population etforêt) – Direction de la Nature et desPaysages, convention d’étude 044/01,octobre 2001.

Statut de protection (ou zonage d'inventaire) Domaine terrestre Ensemble des forêts Ensemble des terrains Réf.relevant du régime forestier

surface (ha) % surface (ha) % surface (ha) %

parcs nationaux (zone centrale) 349 300 0,64 93 900 0,60 82 300 1,85 (1)

réserves naturelles (RNN) 124 810 0,23 52 130 0,34 31 560 0,71 (1)

réserves biologiques (RB) 24 930 0,04 20 190 24 930 0,56 (1)

arrêtés de protection de biotope (APB) 103 000 0,19 52 210 0,34 30 720 0,69 (1)

forêts de protection 112 000 0,20 (2)

propositions de sites d'intérêt communautaire 3 252 700 5,92 1 394 700 8,97 618 200 13,88 (1)(futures ZSC)

zones de protection spéciale (ZPS) 695 000 1,26 194 900 1,25 151 400 3,40 (1)

réserves nationales de chasse et de faune sauvage 31 320 0,06 16 200 0,10 16 660 0,37 (1)(RNCFS)

parcs nationaux (zone périphérique) 908 900 1,65 399 500 2,57 166 300 3,73 (1)

parcs naturels régionaux 5 987 600 10,90 2 515 900 16,19 804 700 18,07 (1)

réserves de biosphère (toutes zones) 756 900 1,38 449 600 2,89 185 100 4,16 (1)

ZNIEFF de type 1 (première génération) 4 347 400 7,91 2 187 000 14,07 978 300 21,97 (1)

ZICO 4 341 400 7,90 1 595 500 10,26 861 900 19,37 (1)

union des ZNIEFF de type 1 et des ZICO 7 511 400 13,67 3 312 100 21,31 1 532 000 34,40 (1)

intersection des ZNIEFF de type 1 et des ZICO 1 177 500 2,14 470 300 3,03 308 200 6,92 (1)

union des statuts de protection réglementaires(hors propositions de sites d'intérêt communautaire 908 000 1,65 295 700 1,90 226 400 5,08 (1)et hors forêts de protection)

union des statuts de protection réglementaires(hors forêts de protection)

union des statuts de protection contractuels 6 896 500 12,60 2 915 400 18,76 971 000 21,80 (1)

union la plus large des statuts de protection(réglementaires + contractuels)

(1) - données géographiques disponibles à l'automne 2001 - traitements réalisés dans le cadre d'une étude pour le MEDD

(2) - données MAAPAR 2003

union de couches géographiques : regroupement avec élimination des doubles comptes

intersection de couches géographiques : sélection des surfaces communes aux couches concernées

% : proportion - en surface - du statut de protection ou du zonage d'inventaire dans la classe de terrains (terrains relevant du régime forestier, forêts)

Jean-Luc DUNOYERJean-Marie MICHON

ONF, direction [email protected]

[email protected]

RDV techniques n° 5 - été 2004 - ONF

3 498 200 6,37 1 478 200 9,51 686 500 15,41 (1)

9 575 900 17,43 4 014 300 25,83 1 468 900 32,98 (1)

Évolution en nombre et surface des sites désignés au titre des directives « Habitats » et « Oiseaux » (références en 2001 et 2004).

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ondée en 1948 àFontainebleau, l’UICN

-Union mondiale pour la nature- ras-semble des États, des organismesgouvernementaux et un large éventaild’organisations non-gouvernementalesau sein d’une alliance unique, comptantplus de 1 000 membres dans 142 pays.Sa mission est dédiée à la conservationde la nature et l’utilisation durable etéquitable des ressources naturelles.L’UICN regroupe également un réseaude plus de 10 000 experts bénévoles quiapportent leurs connaissances à traverssix commissions spécialisées, dont uneest consacrée aux aires protégées.

Dans plusieurs pays, les membres del’UICN se sont rassemblés au sein decomités nationaux. Le Comité françaispour l’UICN, créé en 1992, regroupe

ainsi au sein d’un partenariat originaldeux ministères, cinq établissementspublics, 34 organisations non gouverne-mentales, ainsi qu’un réseau d’environ200 experts. L’Office national des forêtsest membre de l’UICN depuis 1996.

En 1958, les membres de l’UICN ontadopté une résolution qui demandait àl’ONU de préparer la première listemondiale des aires protégées : celle-cia été éditée en 1962, et depuis, treizeéditions ont été publiées. La dernière,diffusée en septembre 2003, recenseplus de 100 000 aires protégées dans lemonde qui couvrent une superficie de18,8 millions de km2. Les aires proté-gées du monde sont très diverses selonles législations des pays. Commentl’UICN procède-t-elle pour réaliser cerecensement ?

L’UICN définit une aire protégée comme« une portion de terre et/ou de mervouée spécialement à la protection et aumaintien de la diversité biologique, ainsique des ressources naturelles et cultu-relles associées, et gérée par des moyensefficaces, juridiques ou autres ». L'UICNrépertorie ensuite les aires protégées ensix catégories classées selon leurs objec-tifs de protection. Le tableau ci-dessous,qui les explicite, permet en outre devisualiser la répartition des principauxstatuts de protection existant en Franceselon ces catégories.

Les catégories reflètent une progressiondans l’intervention en matière de gestion.Dans les catégories I à III, la protectionintégrale est la règle et ce sont les pro-cessus naturels qui priment. Les sites decatégories II et III y associent des centres

Les aires protégées selon l’Union mondialepour la nature

L’UICN dresse régulièrement le bilan des aires protégées au niveau mondial. Cette analyse

complexe sert de base de réflexion pour encourager les pays du monde entier à mettre

en œuvre une politique ambitieuse de protection de la nature. Qu’en est-il en France ?

RDV techniques n° 5 - été 2004 - ONF

Catégorie Désignation Statut de protection % de surfacesen France protégées

dans le monde

I Aire protégée gérée principalement à des fins Réserve naturelle intégrale ; 10,9scientifiques ou de protection des ressources sauvages réserve biologique intégrale

II Aire protégée gérée principalement dans le but de protéger Parc national (zone centrale) 23,6les écosystèmes et à des fins récréatives

III Aire protégée gérée principalement dans le but de préserver certaines réserves naturelles 1,5des éléments naturels spécifiques

IV Aire protégée gérée principalement à des fins de conservation Réserve naturelle ; réserve biologique dirigée ; 16,1avec intervention au niveau de la gestion réserve nationale de chasse et de faune sauvage ;

sites du Conservatoire du littoral ;arrêté de protection de biotope

V Aire protégée gérée principalement dans le but d’assurer Parc naturel régional ; 5,6la conservation de paysages terrestres ou marins zone périphérique de Parc nationalet à des fins récréatives

VI Aire protégée gérée principalement à des fins d’utilisation réserves de pêche 23,3durable des écosystèmes naturels

FF

(surface totale protégée dans le monde = 18,8 millions de km2 ; aires protégées sans catégorie affectée = 19 %)

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d’accueil des visiteurs. Dans les sites decatégorie IV, qui sont en fait des réservesnaturelles gérées, le gestionnaire inter-vient de manière à conserver ou, le caséchéant, à restaurer des espèces ou deshabitats. Les sites de catégorie V protè-gent des paysages culturels habités com-prenant des exploitations agricoles etautres formes d’utilisation des sols. Lanouvelle catégorie VI, réserve gérée à desfins d’utilisation durable, correspond àdes aires protégées créées délibérémentpour permettre l’utilisation des res-sources naturelles, essentiellement dansl’intérêt de la population locale.

Une mobilisation croissante dela communauté internationale àtravers le congrès mondial des

aires protégées

Afin de dresser un état des lieux completdes aires protégées dans le monde,l’UICN organise tous les dix ans lecongrès mondial des aires protégées.Cinq éditions ont eu lieu depuis 1962.Ces congrès ont eu un effet remarquableen amenant les gouvernements à créerde nouvelles aires protégées et à consa-crer des ressources plus importantes àces précieux outils de conservation de ladiversité biologique.

Le dernier, qui s’est tenu en septembre2003 à Durban en Afrique du Sud et aaccueilli environ 3000 participants de 154pays, a été à nouveau un événementmajeur : il a offert une opportunitéunique d’évaluer les progrès et leséchecs, et de préparer l’avenir des airesprotégées pour la prochaine décennie.

À cette occasion, un bilan quantitatifextrêmement positif a été dressé : en1992, les aires protégées étaient aunombre de 44 000 couvrant 5 % de lasurface terrestre ; en 2003, il existe100 000 aires protégées couvrant 11,5 %de la surface terrestre. Ces résultats ontété nuancés par le fait que les domainesmarin et aquatique sont insuffisammentcouverts (moins de 0,5 % de leur superfi-cie) et par le fait que la gestion des airesprotégées rencontre de nombreuses dif-ficultés. L’insuffisance des financementsconsacrés aux aires protégées a été

notamment mise en évidence : environ5 milliards de dollars sont actuellementdisponibles pour leur gestion alors queles besoins sont évalués à 25 milliards dedollars par an.

Le Congrès a appelé la communautéinternationale à mobiliser ses efforts pourque les aires protégées assurent unecontribution cruciale à la conservation dela diversité biologique – en construisanten particulier un réseau mondial et repré-sentatif d’aires protégées d’ici 2010 – etau développement durable – en contri-buant aux recommandations du Sommetmondial du développement durable etaux Objectifs du millénaire.

Pour cela, le Congrès a identifié huitpoints sur lesquels il faut travaillerensemble :1 la constitution d’un réseau mondiald’aires protégées intégrées dans les pay-sages terrestres et marins environnants,2 une qualité et efficacité amélioréesde la gestion des aires protégées,3 une meilleure reconnaissance et unmeilleur respect des droits des popula-tions autochtones et des communautéslocales en matière de gestion des res-sources naturelles et de conservationde la diversité biologique,4 une implication plus importante desgénérations les plus jeunes pour lesaires protégées,5 un appui accru aux aires protégéesde la part des gouvernements, ONG,société civile, communautés autoch-tones et entreprises,6 une gouvernance améliorée, recon-naissant à la fois les formes tradition-nelles et les approches novatrices deconservation,7 une forte augmentation des res-sources pour les aires protégées, cor-respondant à leurs valeurs et besoins,8 une communication et des actionsd’éducation renforcées sur le rôle et lesavantages des aires protégées.

Pour une stratégie françaisedes aires protégées

La commission des aires protégées duComité français pour l’UICN a travailléces deux dernières années à l’élaborationd’une stratégie nationale pour les aires

protégées. Une étude a été réalisée afind’identifier des propositions pour l’amé-lioration et l’extension du réseau actueld’aires protégées.

Un bilan a tout d’abord été dressé enconfrontant les inventaires des milieuxnaturels remarquables (ZNIEFF et ZICO)et la couverture actuelle des aires proté-gées. Il a également pris en compte lareprésentativité des différents grandstypes de milieux dans les aires protégées,les corridors écologiques et l’évolutiondes pressions sur la biodiversité (démo-graphique en particulier). Le bilan, établid’après les données disponibles et publiéfin 2003, montre par exemple que seul1,4 % du territoire national se trouve enaires protégées réglementaires et que77 % d’entre elles sont dans des zones oùla pression démographique va augmen-ter au cours des vingt prochaines années.En outre, 92 % des zones de forte biodi-versité (ZNIEFF 1) se trouvent en dehorsde ces aires protégées. Sur la base de ceconstat et de la consultation des acteurs,la proposition de stratégie nationale a étéélaborée ; elle s’articule autour de troisaxes majeurs :

adéquation entre les aires protégéeset le patrimoine naturel et paysager

amélioration des connaissances surle patrimoine naturel et paysager

amélioration des outils de gestiondes aires protégées.La démarche adoptée au niveau natio-nal a été ensuite appliquée au niveaurégional afin de tester et d’approfondirla méthode - la région Languedoc-Roussillon a été choisie comme régionpilote.

Le Comité français pour l’UICN vapoursuivre ses initiatives sur les airesprotégées en particulier pour contri-buer aux plans d’action de laStratégie nationale pour la biodiversi-té et pour travailler sur l’évaluation del’efficacité des aires protégées.

Sébastien MONCORPSDirecteur du Comité français pour

l’UICNUnion mondiale pour la nature

[email protected]

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Les forêts de protection : un statut ancien d’actualité

Le classement en forêt de protection est l’outil juridique le plus ancien pour la

protection des forêts. À ce jour, environ 112 000 ha sont concernés par ce statut soit

0,74 % de la surface forestière métropolitaine. Ce statut, créé par la loi de 1922 pour le

maintien des sols en montagne et la défense contre les risques naturels est-il encore

adapté aux objectifs de protection de la forêt française ?

’origine des forêts de pro-tection remonte au

XIXe siècle. À cette époque, la défores-tation des versants liée notamment aupastoralisme a entraîné des cruesdévastatrices et régulières touchant lesgrandes vallées montagnardes et lesplaines situées en aval.

Un statut juridique uniquepour différents types de

forêts

Les lois du 28 juillet 1860 et du 4 avril1882 ont jeté les bases législatives dela politique de restauration des terrainsen montagne (voir encadré). Par lasuite, les mesures curatives de reboise-ment et de restauration des terrainsdégradés ont été complétées par l’ins-tauration d’un statut protégeant le cou-vert forestier. C’est ainsi que la loiChauveau du 28 avril 1922 a été à l’ori-gine du classement des terrains boisésdont la conservation est nécessairepour le maintien des terres sur les mon-tagnes et les pentes ainsi que pour ladéfense des forêts, de la population etdes infrastructures, contre les ava-lanches, l’instabilité du sol et les cruestorrentielles. Plus récemment, la loi du10 juillet 1976 sur la protection de lanature a prévu que les forêts périur-baines ainsi que celles situées dans leszones où leur maintien s’impose, soitpour des raisons écologiques, soit pour

le bien- être de la population puissentégalement faire l’objet d’un classe-ment en forêt de protection.

Les forêts de montagneLes objectifs prioritaires ayant prési-dé au classement en forêt de protec-tion sont le contrôle de la gestionforestière en dehors des périmètresde restauration des terrains en mon-tagne domaniaux et l’arrêt du défri-chement ou de l’exploitation abusivede certains massifs forestiers. À cejour, environ 50 000 ha de forêts demontagne sont classés à ce titre enforêt de protection. Près de 90 %des classements sont intervenusavant 1976 et la plupart dans la pre-mière moitié du XXe siècle. Les pro-fondes mutations qui ont affectél’économie des zones de montagneau cours des cinquante dernièresannées ont eu pour conséquenced’alléger la pression pesant sur lesforêts d’altitude (pastoralisme, surex-ploitation forestière). Le développe-ment du tourisme d’altitude et l’ur-banisation parfois mal maîtrisée quien résulte, restent aujourd’hui lesprincipales causes de défrichementou de dégradation des forêts demontagne.

La protection des forêts rhénanesLe classement en forêt de protectionpour des motifs écologiques a trouvéune parfaite application dans le

« plan pour la sauvegarde des forêtsrhénanes ». Ce document proposaitde conserver prioritairement 6 700 hade forêts sur les 7 500 ha restant en1977. Le programme de classementdes forêts alluviales rhénanes s’estachevé en 1997 avec la protection deprès de 6 100 ha boisés. Ces forêts

RDV techniques n° 5 - été 2004 - ONF

La restauration des terrains enmontagne

À la fin du XIXe siècle, l’État décide,suite aux inondations catastro-phiques en vallée de la Durance etdu Rhône, de traiter le problème à lasource, en remédiant à la déforesta-tion massive des massifs monta-gneux des Alpes et des Pyrénées.Pendant plus d’un siècle, l’adminis-tration va mener une politique ambi-tieuse de reboisement sur des ter-rains acquis au besoin par expropria-tion ou d’actions de corrections tor-rentielles indispensables à la stabili-té des terrains à reboiser. Au total,380 000 ha vont être classés dansles périmètres RTM, dont plus de240 000 ha sont maintenant boisés.Dès sa création, le service de restau-ration des terrains en montagne aété intégré à l’administration desEaux et Forêts. En 1966, le serviceRTM a été rattaché à l’Office natio-nal des forêts, les services départe-mentaux restant néanmoins à la dis-position des directions départe-mentales de l’agriculture et de laforêt.

LL

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relictuelles, écosystèmes rares àl’échelle de l’ensemble de l’Europe,sont aujourd’hui protégées dans lesdeux départements alsaciens du Haut-Rhin (600 ha) et du Bas-Rhin (5500 ha).À ce jour, les forêts rhénanes représen-tent la quasi-totalité des forêts clas-sées au motif écologique.

Les forêts périurbainesLe développement de l’urbanisation(équipements publics ou sportifs, car-rières, golf) et la création de nouveauxéquipements (routes, voies ferrées,lignes électriques) menacent forte-ment les forêts périurbaines, trop sou-vent considérées comme des réservesfoncières. La réduction régulière deleur surface est d’autant plus domma-geable que ces espaces sont rares,que leur destruction est irréversible etqu’elle ne peut être compensée loca-lement. Depuis 1976, 40 500 ha deforêts périurbaines ont été classés. Enrégion Île-de-France, la forêt deSénart a été la première à bénéficierde ce statut en 1995 (3 400 ha). Leclassement de la forêt deFontainebleau est en voie d’achève-ment (30 000 ha). La procédure declassement est en cours pour lesforêts de Fausse Repose (600 ha) etde Rambouillet (30 000 ha). Le der-nier classement en date concerne laforêt de Dreux (3 900 ha) en Eure-et-Loir.

Les forêts du littoralLe classement en forêt de protectiondes dunes littorales s’inscrit dans unelogique de protection de milieux fra-

giles et riches sur le plan écologique,face aux pressions de l’urbanisationet du tourisme. Au total, plus de13 000 ha de forêts dunaires ont étéclassés sur les côtes charentaise etaquitaine.

Les effets du classement enforêt de protection

Le classement en forêt de protectionconstitue actuellement l’outil juri-dique le plus contraignant pour laprotection des forêts. Il interdit toutchangement d’affection ou toutmode d’occupation des sols de natu-re à compromettre la conservationou la protection des boisements(article L. 412-2 du code forestier).Les forêts classées peuvent êtredomaniales (33 %), communales(22 %) ou privées (45 %).

L’urbanisation peut menacer la forêt

0

5 000

10 000

15 000

20 000

25 000

30 000

1925 1935 1945 1955 1965 1975 1985 1995

Évolution de la surface classée en forêt de protection

Années de classement

Surface classée (ha)

Forêts de montagne50 %

Forêts périurbaines37 %

Forêts alluviales6 %

Forêts dunaires7 %

A.M

.Gra

net,

ON

F

Répartition des surfaces classées par catégorie

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La procédure de classement enforêt de protection

La procédure est centralisée, le clas-sement en forêt de protection étantprononcé obligatoirement par décreten Conseil d’État.

La constitution du dossier nécessitepréalablement que le ministre chargéde la forêt donne son accord, sur pro-position du préfet de département, àla définition d’un périmètre de pro-tection susceptible d’être classé.

Le préfet soumet le projet de clas-sement à enquête publique enprécisant, dans la notice explicati-ve, les motifs du classement envi-sagé ainsi que la nature des sujé-tions et interdictions susceptiblesd’être entraînées par le régimeforestier spécial.

Trois documents fondamentaux sontannexés au décret de classement :le plan de situation, le tableau par-cellaire et le plan cadastral définis-sant le périmètre définitif de la forêtde protection.

Le régime forestier spécialLe classement crée une servitude natio-nale d’urbanisme qui soumet la forêt àun régime forestier spécial. La jouissan-ce du droit de propriété en forêt de pro-tection est limitée ; tout défrichement yest interdit et toute coupe, toute instal-lation d’infrastructure ou d’équipementainsi que la pratique du pâturage sontsoumises à autorisation préalable dupréfet. Le préfet peut également régle-menter les conditions d’accès dans lesforêts classées : fréquentation et circu-lation du public, interdiction de la circu-lation des véhicules motorisés. Enfin,l’administration forestière peut y exécu-ter des travaux de génie civil ou degénie biologique nécessités par lemaintien des équilibres biologiques etla prévention des risques naturels.L’État veille à la prise en compte parl’Office national des forêts des inscrip-tions relatives à la gestion dans les amé-nagements forestiers établis pour lesforêts domaniales et communales. Lesaménagements existants doivent êtremis en conformité avec les objectifs duclassement. Le propriétaire d’une forêt

classée forêt de protection et ne relevantpas du régime forestier a la faculté defaire approuver par le préfet un règle-ment d’exploitation (R. 412-1 du codeforestier). L’approbation du règlementd’exploitation peut être subordonnée àdes prescriptions spéciales portantnotamment sur le mode de traitementde la forêt, les techniques d’exploitation,le respect de certains peuplements etl’obligation de procéder à des travaux dereconstitution forestière. Le règlementd’exploitation a une durée de 10 à 30ans. Les propriétaires qui désirent procé-der à une coupe non prévue dans unrèglement d’exploitation approuvé, doi-vent demander au préfet une autorisa-tion spéciale (article R. 412 2). Cette dis-position est également applicable en casd’absence de règlement d’exploitation.

Le plan simple de gestion (PSG) d’uneforêt classée comme forêt de protectionne peut être agréé que s’il correspond aurégime forestier spécial. Aucune disposi-tion législative ou réglementaire ne per-met à un PSG agréé de remplacer lerèglement d’exploitation. En conséquen-ce, en l’absence de règlement d’exploi-tation, le titulaire d’un PSG doit deman-der une autorisation de coupe

Indemnisation du propriétaireLe code forestier prévoit une possibi-lité de dédommagement des pro-priétaires s’estimant lésés financière-ment par le classement en forêt deprotection. Si le classement prive lepropriétaire d’au moins la moitié deson revenu initial, il peut exiger l’ac-quisition de sa forêt par l’État. À ce

L'ancrage puissant du pin noir d'Autriche, utilisé dans de nombreuses Forêtsde protection de montagne, permet de lutter contre l'érosion

T. T

ribal

lier,

ON

F

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RDV techniques n° 5 - été 2004 - ONF

jour, il n’existe pas de précédent enla matière : la limitation des pertesde revenus résultant du règlementd’exploitation et la difficulté d’éva-luer objectivement ces pertes expli-quent que les propriétaires n’ontjamais demandé d’indemnisation.

Perspectives d’avenir

Une procédure lourde, longue etrelativement coûteuse

Le classement en forêt de protectionest une démarche de longue haleine etle cas du massif de Fontainebleautémoigne de l’ampleur de la tâche. Ladécision de classer ce massif a étéprise par le gouvernement en 1991 ; lapremière enquête a été lancée en 1998(31 communes, 7 000 propriétaires,30 000 hectares et 48 900 parcelles) etle premier classement n’est intervenuqu’en 2002. La procédure est en coursd’achèvement, un troisième classe-ment ayant été prononcé fin 2003, por-tant à 28 760 ha la surface classée.

Le délai de classement, en général supé-rieur à 10 ans, s’explique par les mul-tiples consultations et concertationsavec l’ensemble des services et acteursconcernés mais aussi par les suspensionsfréquentes de procédures pour cause detravaux d’utilité publique (autoroutes,déviations, tracés de TGV).

Le ministère chargé des forêts prend encharge les frais d’élaboration du dossieret d’enquête publique, directement liés àla surface à classer et au nombre de pro-priétaires concernés.

La nécessaire adaptation de la régle-mentationLes délais de procédure ne sont pas lesseuls freins à l’extension des surfaces clas-sées. L’intérêt économique peut se trou-ver en opposition avec l’intérêt écolo-gique et social de protéger les forêts fran-çaises. Les dispositions de l’article R.412 14 du code forestier limitent stricte-ment les travaux autorisés dans une forêtde protection. Or, les demandes de déro-gation sont nombreuses : équipementstouristiques, passage de canalisation degaz, de lignes électriques, de fibresoptiques et autres ouvrages pouvant jus-tifier de l’intérêt général et d’une déclara-

tion d’utilité publique. Le code forestierne prévoit pas de mesures dérogatoires,même en cas de déclaration d’utilitépublique. Le déclassement des parcellesest nécessaire pour permettre la réalisa-tion des travaux mais l’aboutissementd’une telle procédure est très aléatoire.En effet, le Conseil d’État considère queles décisions de classement sontpérennes par nature et que la procédureperdrait tout crédibilité si elle devait fairel’objet de révisions suivant l’intérêt desuns ou des autres. Les seules demandesde déclassement susceptibles d’aboutirconcernent des travaux dans le cadre deprojets d’intérêt national pour lesquels iln’existe aucune autre alternative, commece fut le cas pour le passage de la ligneTGV Paris-Lille.

L’exploitation des ressources naturellesdu sous-sol des forêts de protection peutégalement engendrer des conflits d’inté-rêt. Dans son avis du 16 mai 1995, leConseil d’État a confirmé l’incompatibili-té du classement en forêt de protectionavec l’ouverture, à la demande du gou-vernement, de nouveaux forages derecherche ou d’exploitation pétrolière enforêt de Fontainebleau.

L’exploitation de la ressource en eau àl’intérieur du périmètre classé est unsujet d’actualité (Dreux, Rambouillet).Les réserves en eau des forêts de pro-tection sont d’une qualité qui permetsouvent leur utilisation pour l’alimen-tation humaine. Certains élus sontpartagés entre la volonté de conserverles espaces boisés dans l’intérêt géné-ral et la crainte de voir ces espaces« sanctuarisés » par le classement enforêt de protection, hypothéquanttoute possibilité d’y exploiter des res-sources en eau. Or, il serait dommagede se priver d’un classement en forêtde protection en s’opposant à l’ex-ploitation des ressources en eau, dèslors qu’elle est motivée par des rai-sons impératives d’intérêt public(santé, sécurité, environnement) etqu’elle ne porte pas préjudice auxpeuplements forestiers.À l’occasion de l’examen du projet deloi sur le développement des terri-toires ruraux, un amendement sénato-rial autorisant l’exploitation de la res-source en eau dans les forêts de pro-tection a été adopté.

Conclusion

Si les motivations du classement en forêtde protection ont sensiblement évoluédepuis la promulgation de la loiChauveau, ce statut reste un outil deprotection efficace au service des pou-voirs publics et de la collectivité. Il s’ins-crit dans une vision à long terme de lapréservation des espaces boisés etconstitue un véritable outil pour l’amé-nagement du territoire. Le classementen forêt de protection, outil juridique leplus contraignant pour la protection desforêts, est réservé aux massifs présen-tant de forts enjeux en matière environ-nementale et sociale. Sa mise en œuvreimplique la forte adhésion des proprié-taires et des collectivités territorialesconcernés à un objectif de préservationpermanente de la forêt.

Patrick FALCONE Josyane ROBLET

MAAPAR – DGFARSous-direction de la forêt et du boisBureau de la forêt et des [email protected]@agriculture.gouv.fr

Bibliographie

Ministère de l’agriculture et de lapêche, Direction de l’espace rural et dela forêt, 1997. Les forêts de protectionen France. Paris : 37 p.

Ministère de l’agriculture, 1979.Circulaire n° SF/SDAF/C79 n° 3021du 26 mars 1979 précisant les condi-tions d’application des articles L-411-1 à L-413-1 du code forestier et dudécret n°78-808 du 1er août 1978relatif aux forêts de protection

DEBLONDE J.F., 1991. Les bois etforêts classés comme forêts de pro-tection. Revue forestière française,vol. 43, n° spécial « Patrimoinesnaturels et forestiers », pp. 139-142

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e parc national desÉcrins se situe entre les

départements de l’Isère et desHautes-Alpes ; 24 % de la zone cen-trale sont constitués de terrainsgérés par l’ONF, bien que seulement4 % concernent des espaces « fores-tiers » effectivement boisés. À tra-vers des dispositions réglementaires,le décret de création du Parc fixe uncadre aux relations entre les deuxétablissements publics ; mais le Parcdéveloppe une politique partenaria-le forte pour soutenir le développe-ment durable sur l’ensemble de sonterritoire. Cela a conduit l’ONF desHautes-Alpes et de l’Isère, et le Parcnational des Écrins à signer en 1999une convention de partenariat.

Les bases juridiques de laréglementation des

activités forestières dans leParc national des Écrins

Le statut des parcs nationaux, ainsique leur organisation administrativeet les grandes missions qui leur sontconfiées découlent de la loi du 22juillet 1960. Mais c’est le décret decréation du Parc, en date du 27 mars1973 pour le Parc des Écrins, qui estle document de référence en matièrede réglementation de l’activité fores-tière sur la zone centrale du parc.

Son article 5 stipule que « …les acti-vités agricoles, pastorales et fores-tières continuent à être librementexercées dès lors qu’elles sontconformes aux dispositions du pré-sent décret… ». Les principales dis-positions spécifiques sont les sui-vantes :

en matière de pastoralisme : surles terrains domaniaux ou soumis aurégime forestier, le Parc, après avisde la chambre d’agriculture, « …peut, afin d’éviter une dégradationdes pelouses, fixer le nombre maxi-mum de bovins, d’ovins et de caprinssusceptibles d’être admis danschaque alpage » (Art. 7).

« Tous les projets concernantl’aménagement, visé aux articles 15et 83 du code forestier, des bois etdes forêts soumis au régime fores-tier, sont adressés pour avis, à l’éta-

Comment différents gestionnaires d’espacesprotégés peuvent-ils collaborer ? Exemple du

Parc national des Écrins avec l’ONF

Le Parc national des Écrins et l’ONF poursuivent un objectif commun de gestion durable

de l’espace forestier. La collaboration technique, indispensable, est croissante. Comment

faire évoluer des relations fondées à l’origine essentiellement sur des dispositions

réglementaires vers de nouvelles approches plus contractuelles, et de fait plus efficaces ?

C’est l’objet de la démarche dans laquelle les deux partenaires se sont engagés depuis

cinq ans.

RDV techniques n° 5 - été 2004 - ONF

LL

RÉPARTITION DES SURFACES GÉRÉES PAR L’ONF DANS LE PARC NATIONAL DES ÉCRINS

Surfaces (ha) Zone centrale Zone périphérique TOTAL

Terrains domaniaux 19 240 16 025 35 265

Forêts des Collectivités 2 636 22 610 25 246

Total terrains gérés par l’ONF 21 876 38 635 60 511

Total parc national des Écrins 91 740 178 600 270 340

Le « parc » est constitué par la zonecentrale (ZC). Mais le décret définitaussi une zone périphérique (ZP), quicomprend d’une part la partie nonclassée des communes concernéespar la ZC (23 communes), et d’autrepart, la totalité du territoire des com-munes d’une liste annexée au décret(38 communes). Toutes les réglemen-tations prévues au décret ne s’appli-quent pas à la ZP, mais il est prévu d’yélaborer des « programmes de réali-sations et d’améliorations d’ordresocial, économique et culturel », enconcertation avec les collectivitéslocales concernées.Dans les années soixante, cet objectifde valorisation et de développementétait mis en œuvre par les « adminis-trations intéressées ». De nos jours, ilse concrétise plutôt par des contratsou conventions de partenariat, pardes contrats de sites, etc.

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RDV techniques n° 5 - été 2004 - ONF

blissement public avant d’êtreapprouvés par le ministre de l’agri-culture » (Art. 10).

« Le directeur du Parc donne sonavis sur les exploitations et travauxforestiers non prévus dans les aména-gements, ou relatifs à des bois, forêtset terrains à boiser soumis au régimeforestier et non encore dotés d’un pland’aménagement » (Art. 10).

« Lorsqu’il s’agit de travauxconnexes à l’exploitation d’une coupemise en vente par adjudication, l’ONFen avise le directeur du Parc trois moisavant la date d’adjudication ; le direc-teur doit faire connaître son avis dansun délai de deux mois » (Art. 10).

Enfin tous les autres travaux, prévusou non dans les aménagements fores-tiers, par exemple travaux d’équipe-ment ou d’infrastructure (pistes,traînes, citerne DFCI, etc.) sont soumisà autorisation du directeur du Parc (Art.26). Ils sont en principe autorisés sousréserve qu’ils ne soient pas « suscep-tibles d’altérer le caractère du Parc ».

Vers une approchepartenariale de la

préservation du patrimoine

Le territoire du parc possède unpatrimoine naturel, paysager etculturel exceptionnelCette richesse est le support direct denombreuses activités socio-écono-miques, mais aussi un cadre de vierecherché. Une des conditions du déve-loppement durable de ce territoire estla permanence de cet atout majeur.

Les territoires gérés par l’ONF pré-sentent une grande diversité. Ilsconcernent pas moins de six régionsforestières. Les peuplements fores-tiers (avec plus de 60 espècesligneuses), et leurs cortèges floris-tiques et faunistiques, sont situésentre Alpes internes (à l’est du parc)et Alpes externes (à l’ouest du parc),sous influence climatique plutôtméditerranéenne au Sud, mais conti-nentale montagnarde au Nord et àl’Est, avec, de surcroît, une forteamplitude altitudinale (de 500 m à

plus de 3000 m). Les zones boisées,bien que rares sur la zone centrale,constituent des zones « refuges »intéressantes, hébergeant diffé-rentes phases de développement dela faune et de la flore du massif desÉcrins, constituant parfois des zonescorridors favorables à leur mobilité.

L’établissement d’une charte en1996Souhaitant associer ses partenaires,collectivités locales ou autres institu-tions, aux objectifs de préservationde la richesse patrimoniale du mas-sif, et aussi fixer les orientations d’undéveloppement s’appuyant sur cesrichesses, le Parc national des Écrins,précurseur en la matière, a établi dès1996 une « charte d’environnementet de développement durable ».

Cette charte a trouvé une déclinaisondans la convention de partenariatentre l’ONF et le Parc, signée depuismaintenant cinq ans, par laquelle lesdeux établissements ont souhaitécollaborer dans les domaines sui-vants : connaissance et gestion desmilieux naturels, accueil du public,développement local et emploi.La convention définit les grands prin-cipes de collaboration ; un program-

me d’actions annuel, signé par les troisparties, concrétise leur mise en œuvre.

Les volets concernant l’accueil dupublic et le développement local sontà développer. On peut toutefois citerquelques collaborations, telles la co-signature par l’ONF de quelques pan-neaux d’information implantés dans lecadre du programme de création de« portes d’entrées », sur près de50 itinéraires d’accès à la zone centra-le. Une exposition a aussi été crééepar le Parc, pour le hameau deMolines en Champsaur, ancien villagedevenu domanial. Le Parc et l’ONFcollaborent pour l’entretien du réseaude sentiers d’accès à la zone centrale,quelques 600 km d’itinéraires définispar convention entre le Parc, l’ONF etles communes concernées.

La mise en œuvre dupartenariat dans la

connaissance et la gestiondes milieux naturels

Des inventaires menés en communDepuis 2000, le Parc et l’ONF réali-sent en commun des études ouinventaires concernant la faune, laflore et les milieux naturels. Les opé-

Sabot de Vénus

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RDV techniques n° 5 - été 2004 - ONF

rations sont organisées à l’initiativede l’ONF ou du Parc, et certains pro-tocoles sont déjà harmonisés.

Pour la flore, par exemple, l’inven-taire des stations de sabot de Vénus,est effectué en commun dans leValbonnais et dans la forêt deBoscodon, dans l’Embrunais, enzones centrale ou périphérique,depuis déjà quatre ans. Les prospec-tions sont réalisées par parcelleforestière : chaque parcelle est par-courue en plein par une équipe ;chaque station est localisée (au1/10000e) ; les tiges dénombrées etles données sur le peuplement et lastation sont relevées sur une fichetype. Près de 500 ha ont été parcou-rus : sur 33 parcelles inventoriées,170 stations ont été localisées, etprès de 10 000 pieds dénombrés. Cetinventaire servira à la mise en placed’un échantillon, selon des modalitésrestant encore à définir, qui sera suivien liaison avec les modes de gestionsylvicole appliqués.

Pour la faune, le Parc suit les popu-lations d’ongulés (chamois, bouque-tins) ou de grands rapaces (aiglesroyaux) sur de grandes unités appe-lées « unités de gestion ». Descomptages périodiques y sont réali-sés, associant l’ONF ainsi qued’autres partenaires, commel’ONCFS (Office national de la chas-se et de la faune sauvage), les fédé-rations de chasseurs… Pour 2005, ilest également prévu de renforcernotre collaboration sur les rapacesnocturnes forestiers (chouette deTengmalm, chevêchette…), selon unprotocole d’écoutes le long d’itiné-raires fixes, ainsi que sur le fauconpèlerin, avec établissement d’unecartographie commune des sitesprospectés.

D’autres actions concernent les chiro-ptères (avec opérations de capturesorganisées en commun) et un protoco-le de « veille pathologique » a été misen place avec le laboratoire départe-mental des services vétérinaires.Ainsi, par ces inventaires, prospec-tions ou veilles de certaines espèces

« phares », l’ONF et le Parc nationaldes Écrins, développent ensemble laconnaissance patrimoniale desespaces sur lesquels ils interviennent.

Les échanges de donnéesLes données d’observations alimen-tent les bases de données des SIG(systèmes d’informations géogra-phiques) de chaque organisme. Àdéfaut d’avoir accès à une véritable« plate-forme » commune (qui verrapeut-être le jour à l’avenir grâce auxnouveaux systèmes de partage del’information, en constante évolu-tion), une convention spécifiqued’échange de données a été formali-sée et signée début 2004. Elle per-met de systématiser l’envoi de cer-taines données (données de gestion,comme les limites administratives,

les réseaux de sentiers…, ou don-nées environnementales) et de défi-nir les formats d’échange.

Une meilleure connaissance enamont des projets d’aménagementforestiersL’intérêt de ces collaborations, quifonctionnement déjà depuis plu-sieurs années, est bien de pouvoir« porter à connaissance » des amé-nagistes le maximum d’informationsenvironnementales, le plus en amontpossible, pour une meilleure prise encompte des enjeux identifiés. Le Parcsouhaite donc s’impliquer, y comprispar des échanges plus informelsentre les personnels de terrain (àdévelopper encore), dans les phasesde diagnostic des révisions des plansd’aménagements forestiers.

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Exploitation forestière par câble en forêt communale du Périer

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Un exemple de collaborationfructueuse : la révision du

plan d’aménagement forestierde la FC du Périer (Isère)

L’originalité de la démarche est liée à laréalisation d’une étude globale préa-lable dite « étude de mobilisation desbois », que le Parc, suite à son refusd’un projet d’ouverture d’une routeforestière sur un canton situé en zonecentrale, a encouragée et soutenuefinancièrement, aux côtés du conseilgénéral de l’Isère. L’ONF, prestataire del’étude pour la commune, a proposéune méthode novatrice, tant dans sadémarche participative associant l’en-semble des acteurs concernés quedans les choix et techniques d’exploita-tion proposés dans un espace protégé.La méthode a permis de définir desentités d’exploitation, d’en lister etconfronter tous les enjeux et effets (liésà la multifonctionnalité de la forêt) :intérêt économique, difficultés tech-niques, risques naturels, impacts paysa-gers, enjeux environnementaux… Unexercice de quantification de cesenjeux, réalisé en groupe de travail, etdifférentes simulations par « analysesmulticritères » ont permis de retenir lesoptions d’intervention (ou non interven-

tion !) et donc les zonages qui ont étéproposés au plan d’aménagementforestier.

Toutes les techniques d’exploitationont été étudiées de près, au regarddes différents enjeux, débardage parpistes ou par câbles de longue portéeou câbles mobiles, voire hélicoptèrepour les zones les plus difficiles.

L’approche économique permetd’estimer les aides financières néces-saires pour poursuivre certainesexploitations en zones difficiles. Ladémarche concertée donne desarguments forts pour la mobilisationde co-financements auprès des col-lectivités locales ou de l’État.

Dans la série d’intérêt écologiqueparticulier, des actions de veille sur lepatrimoine naturel sont préconisées.La série d’intérêt écologique généralrassemble une surface importantequi, au vu des différents critères etenjeux analysés, ne fera pas l’objetd’exploitations ou de travaux, et quideviendra ainsi de fait une forêt sub-naturelle. Elle répond ainsi à l’unedes demandes formulées par lesexperts de l’Europe dans leur rap-

port consécutif à l’octroi au Parcnational des Écrins du diplôme duConseil de l’Europe (rapport renduau moment du renouvellement dudiplôme en 2000).

Il serait souhaitable de renouveler lamise en œuvre d’une telle approcheglobale selon cette démarche inno-vante à d’autres forêts de montagneen situation difficile. Cependant ellenécessite des moyens financiers supé-rieurs à ce qui est alloué habituelle-ment pour la révision d’un aménage-ment forestier classique. Le Parc estprêt à accompagner de telles étudessupplémentaires, aux côtés d’autrespartenaires à mobiliser vers cetteprise de conscience des multiplesenjeux des forêts de montagne.

L’avenir ? Faire vivre etaméliorer encore ce

partenariat…

Il conviendra d’affiner encore lastructuration des données informati-sées et les requêtes possibles, afinde pouvoir répondre facilement etsuffisamment en amont, auxdemandes concernant différents pro-jets : aménagements de pistes outraînes, de sites, créations de sentier,etc. Les données environnementalesdevront pouvoir trouver une formede restitution par parcelle, qui restel’unité de gestion à la base de touteréflexion du gestionnaire forestier ;la connaissance patrimoniale doit eneffet être prise en compte et valori-sée de façon optimale dans touteopération de gestion, au delà desseules obligations réglementaires.Mais sur ces bases mises en place,seuls les hommes et femmes concer-nés peuvent et pourront faire vivreefficacement ce partenariat, par leurforte volonté de collaborer.

Matthieu VILLETARDchargé de mission forêtJean-Michel DECOUD

directeur – adjointParc national des Écrins

[email protected]@espaces-naturels.fr

Mobilisation des bois en forêt communale du Périer : une entité d’exploitation(extrait de l’étude ONF)

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’est à la fin des années 60,alors que la priorité était à

l’industrialisation, à l’urbanisation et à lamodernisation de la France, que les parcsnaturels régionaux ont été créés sousl’impulsion de la DATAR (délégation àl’aménagement du territoire et à l’actionrégionale). Ils venaient compléter la poli-tique des parcs nationaux instauréequelques années plus tôt et dont lenombre ne pouvait être que limité surnotre territoire. Il s’agissait de protégerdans de vastes territoires ruraux un patri-moine remarquable mais fragile, parceque menacé par l’urbanisation et lesinfrastructures, l’évolution de pratiquesagricoles intensives ou au contraire ladésertification. Tout en contribuant aunécessaire développement économiqueet social de leurs territoires, ils devaientfavoriser l’accueil des citadins et leur don-ner les moyens de comprendre les enjeuxde la protection de l’environnement.Qu’en est-il aujourd’hui ?

Une mission qui associeétroitement protection du

patrimoine et développementlocal

L’existence d’un parc naturel régionalrepose avant tout sur la volonté des col-lectivités locales : dans un territoire àforte identité, reconnu pour sa valeurpatrimoniale et paysagère,, elles doiventse mobiliser pour un projet d’aménage-ment prenant en compte le respect del’environnement et le développementéconomique. En tenant compte des spé-cificités de leur territoire, les parcs natu-rels régionaux inscrivent leur missiondans une logique commune :

protéger et restaurer leur patrimoinenaturel et culturel par une gestion adap-tée des milieux et des ressources natu-rels, du patrimoine bâti et des paysages,

contribuer à l’aménagement du terri-toire aux côtés des partenaires concer-nés, en participant à la définition et

l’orientation des projets d’aménagementmaîtrisés,

contribuer à un développement éco-nomique, social et culturel répondant àdes objectifs de performance environne-mentale et d’intégration paysagère desactivités des entreprises, d’économie desressources naturelles et de qualité de vie,

promouvoir un accueil de qualité,l’éducation et l’information du public etles démarches participatives de leurshabitants,

réaliser des expérimentations et desactions innovantes dans ces domaines eten assurer le transfert, contribuer à desprogrammes de recherche et de coopé-ration internationale.

Un projet local contractuel quibénéficie d’un classement par

l’ÉtatSi l’initiative de la création d’un parc natu-rel régional est de la compétence du

Les parcs naturels régionaux : un puissantoutil de concertation au service

d’un développement respectueux de l’environnement

RDV techniques n° 5 - été 2004 - ONF

Bois et forêts couvrent 37 % des territoires des parcs naturels régionaux (Vallée du Fossat, Monts du Forez, parc Livradois-Forez)

CC

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conseil régional, son projet est élaborédans la plus large concertation entretoutes les forces vives du territoire.L’accord qui se dégage entre les collecti-vités territoriales et les différents parte-naires, est mis en forme dans un contrat :la charte du parc, qui est soumise àenquête publique (voir encadré).Après adhésion volontaire de tous lespartenaires à la charte, les régions l’ap-prouvent et sollicitent le classement duterritoire en « parc naturel régional »auprès du ministère chargé de l’environ-nement. Au vu du contenu de la charte etaprès avis du Conseil national de la pro-tection de la nature (CNPN), de laFédération des parcs naturels régionauxde France et des autres ministèresconcernés, le classement du parc est pro-noncé par décret du Premier ministre.Les actions du parc naturel régional sontarrêtées et mises en œuvre par son orga-nisme de gestion, en règle générale unsyndicat mixte regroupant les collectivitésconcernées. Il se dote d’un conseil scien-tifique et associe des représentants desassociations, des partenaires socio-éco-nomiques et des organismes publics à la

mise en œuvre des programmes d’ac-tions définis dans la charte.Les parcs naturels régionaux françaiss’appuient sur un réseau animé par laFédération des parcs naturels régionauxde France, qui regroupe les organismesde gestion des 44 parcs, les régions, et lesorganismes nationaux partenaires desparcs. La Fédération est l’interlocutricedes administrations nationales, desassemblées parlementaires et de l’Unioneuropéenne pour l’élaboration des texteset politiques concernant les parcs natu-rels régionaux. À l’international, elleappuie la mise en œuvre de la démarchedes parcs naturels régionaux et des prin-cipes qui en sont les fondements (protec-tion de la nature, développement écono-mique et démocratie participative).

Une politique innovante etdynamique, adaptée à la réalité

de chaque territoireProtéger ses richesses naturelles et sespaysagesSans disposer d’une réglementation par-

ticulière, les parcs cherchent à préserverleurs milieux naturels par la mise enœuvre de mesures adaptées de protec-tion de la faune, de la flore et des pay-sages. Ils apportent leurs conseils auxcommunes pour l’organisation de l’urba-nisme, l’aménagement des villages etl’amélioration du cadre de vie, le main-tien de l’équilibre entre espaces agri-coles et forestiers, l’implantation d’équi-pements nouveaux ou l’intégration deszones d’activités..., mais aussi aux parti-culiers pour l’insertion du bâti dans lepaysage. De plus, pour certains espacesnaturels particulièrement fragiles etreprésentant un intérêt scientifique, ilspeuvent demander un classement enréserves naturelles (ou en réserve biolo-gique dans les forêts publiques).

Mettre en valeur et animer son patri-moine culturelLes parcs mènent des actions spécifiquespour valoriser et animer ce patrimoine(expositions et animations telles que lesFêtes du parc, création d’écomusées oude maisons à thème, organisation d’acti-

La charte du parc, un documentd’objectifs à 10 ans

Le parc naturel régional s’appuie surl’engagement des collectivitésterritoriales qui le constituent, enparticulier les communes, dans leprojet de territoire matérialisé par lacharte du parc. Élaborée enconcertation, elle comporte :

le plan du territoire, qui détermineles vocations de ses diverses zones,

le projet de protection, dedéveloppement et de mise en valeurde ce territoire et les mesures qui luisont applicables,

les statuts de l’organisme degestion du parc,

son programme d’actions précis etchiffré (sur 3 ans minimum),

la convention d’application de lacharte par l’État.À l’échéance de la mise enapplication de ce projet de territoire,elle fait l’objet d’une évaluation etune nouvelle charte est élaborée.C’est au vu de son contenu que leparc naturel régional bénéficie d’unnouveau classement.

Les parcs naturels régionaux en chiffres

44 parcs naturels régionaux sont créés à ce jour. Ils couvrent 7 078 800 ha soit prèsde 13 % du territoire national (11,8 % du territoire métropolitain, auxquels s’ajoutentles territoires des parcs de Guyane et de Martinique). Ils concernent 23 régions, 68 départements et 3 685 communes où vivent plus de 3 millions d’habitants.Les territoires des parcs représentent une mosaïque de paysages etd’écosystèmes. Leur superficie est également variable, car si le plus petit (HauteVallée de Chevreuse) couvre 24 000 ha, les plus grands peuvent dépasser les300 000 ha (Volcans d’Auvergne, Ballons des Vosges, Corse, Guyane...)

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vités ou de circuits de découverte...),mais aussi pour restaurer et mettre envaleur leurs richesses architecturales,qu’elles soient monumentales (châteaux,églises) ou modestes (maisons rurales,lavoirs, fontaines...). Les parcs, en fonc-tion des besoins locaux, encouragent ledéveloppement des activités culturellesen soutenant et aidant à la mise enréseau des acteurs culturels locaux(réseaux de bibliothèques, de spec-tacles, de cinémas itinérants...), en favori-sant l’accès des jeunes aux pratiquesartistiques (musique, danse ou théâtre),en appuyant les créations culturelles liéesà leur territoire.

Soutenir et valoriser des activités éco-nomiques respectueuses de l’environ-nementLes parcs naturels régionaux étant desespaces habités, la sauvegarde d’un envi-ronnement de qualité ne peut se conce-voir sans le maintien d’un tissu ruralvivant, d’une activité humaine équilibrée.C’est pourquoi ils apportent leur soutienet valorisent une économie locale respec-tueuse de l’environnement. Ils appuientles agriculteurs, les forestiers ou les arti-sans engagés dans une démarche dedéveloppement durable, s’efforcent derechercher des débouchés et de nou-veaux circuits de commercialisation pourleurs produits, apportent leur concours àla promotion de certains produits, ser-vices et savoir-faire répondant aux critèresde leur marque « parc naturel régional »,agissent en faveur des entreprises qui ontchoisi de concilier production écono-mique et protection de l’environnement,et aident aussi au maintien des services etdu commerce en milieu rural.

Développer un tourisme de qualitéLes parcs naturels régionaux sont desdestinations de loisirs et de vacances deplus en plus prisées. Mais l’équilibre entrele développement touristique et la pré-servation de leur environnement consti-tue un enjeu prioritaire. Soucieux de cettecohérence et des attentes des visiteurs,les parcs aident les populations rurales àdévelopper des activités d’accueil etd’encadrement de loisirs respectueusesde l’environnement et reposant sur lavalorisation de leur territoire (circuits dedécouverte, randonnées accompagnées,

écomusées...), dans un objectif de touris-me durable. À l’échelle nationale, desgammes de produits touristiques,comme les « hôtels au naturel » ou lesgîtes Panda, sont destinées à faireconnaître et à valoriser, par des presta-tions de qualité, les territoires des parcset à sensibiliser les visiteurs au respectdes richesses qu’ils offrent.

Sensibiliser et éduquer à l’environne-mentL’éducation à l’environnement est le pre-

mier vecteur de l’action d’un parc. Il esten effet important de bien faire connaîtrele territoire et la fragilité de ses milieux,de bien expliquer le rôle que chacun doitjouer dans leur préservation, de per-mettre autant aux habitants qu’aux visi-teurs d’adopter un comportement pluscitoyen envers l’environnement. C’estainsi que pour sensibiliser les enfants etles adultes, les parcs mettent en place,avec les associations locales et les centresd’hébergement du territoire, des équipe-ments et des outils pédagogiques à par-tir desquels sont organisés divers typesd’activités (animations à la journée,séjours de vacances, classes d’environne-ment, stages de formation pour les ensei-gnants et les animateurs, ou encore desjournées de formation pour les profes-sionnels et les élus.)

Et l’avenir

Le succès de la formule « Parc naturelrégional » ne se dément pas. Cinq pro-jets sont en effet à l’étude par lesrégions, et l’opportunité de lancementd’une étude se pose pour cinq autres ter-ritoires. Dans ce contexte, les effortsconjoints du ministère de l’écologie etdu développement durable et de lafédération des parcs visent à maintenirune exigence de qualité des territoires etde leurs projets pour justifier l’attributionde la marque « Parc naturel régional ».Dans le même temps, les parcs et leurfédération font l’objet d’une demandecroissante de coopération de la part d’É-tats, de collectivités locales ou de struc-tures gestionnaires de territoires rurauxde l’étranger : plus de 30 d’entre euxsont impliqués dans la coopération inter-nationale avec des pays de l’Union euro-péenne bien sûr, mais aussi du Maghreb,d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie. Àtravers ces nombreux échanges, il s’agitpour eux de contribuer, encore mieux, àla mise en œuvre d’un développementdurable de la planète.

Annie L’HORSET-MOYAFédération des parcs naturels régionaux

de [email protected]

Site internet : www.parcs-naturels-regio-naux.tm.fr

L’ONF partenaire des parcs natu-rels régionaux

Les massifs forestiers des parcsconstituent un élément essentiel deleur patrimoine. Le parc y encourageune gestion durable des écosys-tèmes qui soit à la fois respectueusede la biodiversité naturelle, des pay-sages et du dynamisme économiquede la filière bois. Les forêts publiques,gérées par l’ONF, sont nombreusessur les territoires des parcs. C’estpourquoi une convention cadre departenariat a été signée le 23 juin2000 entre la Fédération des parcs etl’ONF.L’objet de cette convention est d’af-firmer et de mettre en œuvre la voca-tion qu’a l’ONF dans la gestion desforêts publiques sur les territoires desparcs naturels régionaux, et de contri-buer, chacun sur son domaine d’inter-vention, à l’application de ses objec-tifs. C’est ainsi que, dans un souci decomplémentarité et de synergie,ONF et parcs doivent s’informermutuellement sur les inventaires etétudes qu’ils mènent respectivementsur ces milieux ; l’ONF associe leparc à la définition des grands objec-tifs de gestion et à l’élaboration desaménagements forestiers des forêtspubliques. Ils coopèrent pour pro-mouvoir des mesures de protectionet de gestion adaptées, et mettre enœuvre des mesures d’accueil, de sen-sibilisation et d’information du public.Cette convention cadre nationale sedécline par des conventions qui peu-vent être passées entre chacun desparcs et les échelons correspondantsde l’ONF.

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Les différents types deréserves : bases

conceptuelles et juridiques

Les réserves naturelles (1)Anciennement créées en applicationde la loi du 2 mai 1930 sur la protec-tion des monuments naturels et dessites, les réserves naturelles ont vuleur cadre juridique redéfini par la loidu 10 juillet 1976 sur la protection dela nature. Les textes applicables ontété incorporés au code rural avant del’être depuis 2000 au code de l’envi-ronnement. Ils ont été complétés parplusieurs circulaires ministérielles,concernant notamment les plans degestion des réserves ainsi que ladésignation et les missions des orga-nismes gestionnaires.

Avant les lois du 22 janvier 2002 et du27 février 2002 relatives à la Corse età la démocratie de proximité lesréserves naturelles étaient de deuxtypes : les réserves naturelles strictosensu et les réserves naturellesvolontaires. Les premières se retrou-vent dans la nouvelle catégorie desréserves naturelles nationale (RNN),

les secondes, pour la plupart, dans lestatut de réserve naturelle régionale(RNR). En Corse, au statut de RN sesubstitue dorénavant celui de réser-ve naturelle de Corse, très proche decelui de RNR.

Les réserves naturelles (nationales) (2)Le statut de RN(N) se distingue -notamment par rapport à celui deRB- par deux propriétés essentielles :le fait de pouvoir être appliqué àtous types de propriétés, et aubesoin contre l’avis de propriétairesen cas d’enjeux majeurs.Ces caractéristiques font la force etl’intérêt du statut de RN(N) pour desprojets ambitieux et complexes. Maisen contrepartie, la procédure decréation est longue, avec une enquê-te publique (sauf accord de tous lespropriétaires ou titulaires de droitsréels). Il faut compter en moyenneentre cinq et dix ans entre l’initiationet l’aboutissement d’un projet. Laprocédure de création d’une RN(N)comporte trois étapes :

constitution d’un dossier de priseen considération soumis à l’avis duConseil national de la protection de

la nature (CNPN), centré sur l’intérêtscientifique du projet. Il n’abordeque de façon synthétique les implica-tions socio-économiques du projet. Ilcomporte néanmoins des proposi-tions de réglementation, accompa-gnées d’une note relative aux princi-paux objectifs et moyens de gestionde la réserve.

Consultation (sous l’autorité dupréfet) des propriétaires privés, desadministrations déconcentrées, descollectivités territoriales, d’orga-nismes concernés dont l’ONF (si desforêts relevant du régime forestiersont dans le périmètre), des associa-tions, des usagers.

Consultation des administrationsau niveau national et examen enséance plénière du CNPN.

Une fois créée par décret, la RN(N)est notifiée aux propriétaires concer-nés et constitue une servitude d’utili-té publique. La décision de classe-ment et la délimitation sont repor-tées au cadastre, au bureau deshypothèques, mais aussi dans lesaménagements forestiers. Toute acti-vité susceptible d’altérer le caractère

Les réserves naturelles et réservesbiologiques : des statuts variés et

complémentaires

Aux côtés des parcs nationaux, consacrés à de plus vastes espaces, les réserves sont par

excellence destinées à la protection et la gestion conservatoire durable de milieux et

d’espèces remarquables. Différents statuts juridiques se retrouvent derrière cette image

consacrée de protection forte. Davantage complémentaires que redondants, en dépit

d’un abord complexe pour le profane, ils peuvent aussi influer de façon très variable sur

la gestion forestière des espaces concernés.

(1) la publication de ce dossier intervenant à un moment crucial de réorganisation des statuts de RN, un prochain article apportera un complément d'informations aprèspublication du décret attendu pour le second semestre 2004.

(2) le terme de réserve naturelle nationale est gardé entre parenthèse dans l'attente du décret à venir, les caractéristiques présentées ici ne correspondent en touterigueur qu'au statut antérieur de réserve naturelle.

RDV techniques n° 5 - été 2004 - ONF

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de la réserve - y compris les activitésforestières- peut être réglementéeou interdite, disposition qui peutaussi être appliquée à un périmètrede protection autour de la réserve.L’acte de classement, qui doitrecueillir l’accord du ministre chargédes forêts quand le projet intéresseune forêt relevant du régime fores-tier, tient néanmoins compte de l’in-térêt du maintien des « activités tra-ditionnelles existantes » si elles sontcompatibles avec les intérêts ayantmotivé la création de la RN. Les ser-vitudes découlant du classementpeuvent donner lieu à indemnisationdes propriétaires, des titulaires etayant droit, en cas de préjudicedirect matériel et certain. Toutemodification de la réserve est soumi-se à autorisation ministérielle aprèsdemande au préfet et avis du CNPN. Par voie de convention, la gestionest confiée par le préfet à un orga-nisme gestionnaire (association, col-lectivité territoriale, établissementpublic (3)...). Un plan de gestion doitêtre élaboré, dans un délai de troisans après la création, pour une duréed’application de 5 ans. Ce premierplan est validé par le CNPN.

Les RN régionales. Les RN de laCollectivité territoriale de CorsePour l’ancien statut de RN volontaire,l’agrément (par arrêté préfectoralpour une durée de 6 ans renouve-lable) faisait suite à une demande dupropriétaire. Dorénavant, en plusd’une possibilité de démarche volon-taire, le conseil régional peut classerde sa propre initiative une propriétéen réserve naturelle régionale. Ladécision de classement intervientaprès avis du Conseil scientifiquerégional du patrimoine naturel(CSRPN) et consultation des collecti-vités locales intéressées. Elle estprise par délibération du conseilrégional (qui pourra aussi décider dudéclassement), après accord despropriétaires sur le périmètre et laréglementation. À défaut d’accord,le classement intervient par décreten Conseil d’État après avis du

représentant de l’État. La délibéra-tion précise la durée du classement,les mesures de protection appli-cables ainsi que les modalités degestion et de contrôle des prescrip-tions de l’acte de classement. Ledomaine privé de l’État (dont la forêtdomaniale) peut être classé en RNR.

En Corse, la décision de classementdes réserves naturelles est pronon-cée par délibération de l’Assembléede Corse, selon les même principeset après avis du représentant de l’État. L’État peut demander à la CTCde procéder au classement d’uneréserve afin d’assurer la mise enœuvre d’une réglementation com-munautaire ou d’une obligationrésultant d’une convention interna-tionale. S’il n’est pas fait droit à cettedemande, l’État procède au classe-ment selon les modalités définies pardécret en Conseil d’État. Les modali-tés de gestion de la réserve ainsi quede contrôle sont définies parl’Assemblée de Corse, après accordde l’État lorsque la décision de clas-sement a été prise par celui-ci ou àsa demande.

Les réserves biologiquesDifférence notable avec les RN, lesRB ne font l’objet d’aucun texte spé-cifique dans le code de l’environne-ment ni dans le code forestier. Mais

c’est précisément parce que, pardéfinition, elles ne peuvent êtreconstituées que dans les forêts rele-vant du régime forestier, avec tout ceque ceci implique de fondement juri-dique global.

Un article du code forestier doit êtrecité en particulier, le R 133-5, portantsur la réglementation des activitéssusceptibles de compromettre laréalisation des objectifs de l’aména-gement. Cette disposition importan-te, introduite en 1991, peut êtreconsidérée comme le fondementjuridique des RB (4), mais elle esttout autant applicable au cas plusgénéral de l’aménagement forestier.À la différence de celui de RN(N), lestatut de RB ne constitue pas uneservitude opposable aux tiers, maiscette faiblesse apparente est com-pensée par l’application du statut deRB à des contextes déjà largement« sécurisés » par le régime forestier.Rappelons aussi que, pour les mas-sifs soumis à des pressions majeures,y compris par des projets d’intérêtpublic, là où donc le régime forestierpeut ne plus offrir d’opposabilité suf-fisante, le législateur a prévu de pal-lier cette insuffisance par le classe-ment en forêt de protection. Celui-cia pour fonction première de garantirle maintien de l’état boisé, tout enrestant potentiellement complémen-

(3) L'ONF est (co-)gestionnaire d'une quinzaine de RNN ou RNR

(4) J. Liagre, op. cit., p. 300

RN nationale du Val d'Allier (03) : statut foncier complexe et site prestigieux, la RNN dans toute son utilité. Co-gestion LPO-ONF

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taire des statuts de réserves pour lesparties les plus remarquables d’unmassif au sein duquel les enjeuxpatrimoniaux seraient variables.C’est ainsi que le classement en forêtde protection du massif deFontainebleau n’a pas remis encause les RBI et RBD existantes dansla forêt domaniale ni les projets decréation de nouvelles RB.

Le concept de réserve biologiquerepose sur deux conventions passéesentre l’État (ministères chargés de laprotection de la nature et de l’agri-culture) et l’ONF : la convention du3 février 1981 concernant la forêtdomaniale, et celle du 14 mai 1986pour les autres forêts relevant durégime forestier. L’une et l’autre pré-sentent le statut de RB comme outilde protection privilégié des espacesles plus remarquables des forêtspubliques, l’État désignant en outrel’ONF comme gestionnaire légitimedes espaces protégés au sein desforêts domaniales.Ces deux conventions n’ayant posé

que les principes généraux concer-nant l’objet des RB et leurs modalitésde création et de gestion, elles ontété complétées par les deux textesde référence beaucoup plus détaillésque sont l’instruction de 1995 sur lesRBD et celle de 1998 sur les RBI.Documents internes à l’ONF, ces ins-tructions ont la particularité d’avoirété spécifiquement approuvées parles ministères chargés de l’environne-ment et de l’agriculture et, pour cellesur les RBI, d’avoir été élaborée avecle concours de scientifiques et d’as-sociations naturalistes réunis au seinde la Commission nationale des RBI.

L’instruction de 95 introduit le princi-pe du dossier de création à partentière (distinct de l’aménagementde la forêt et conforme à un plan-type détaillé néanmoins inspiré decelui de l’aménagement), soumis àl’avis du CNPN (avis théoriquementfacultatif mais devenu systématique),et sanctionné par un arrêté intermi-nistériel (environnement + agricultu-re) spécifique et pris pour une duréeillimitée. Des commissions consulta-tives régionales des RB sont en outreinstaurées.

Quant à l’instruction de 98, elle insti-tue le principe de la constitutiond’un réseau national de RBI repré-sentatif de la diversité des typesd’habitats forestiers existant enFrance, s’appliquant dans la mesuredu possible à des peuplements sub-naturels (5), avec des surfaces mini-males de 50 ha en plaine et 100 haen montagne (en application despréconisations du Conseil del’Europe).

La création d’une RB est une procé-dure relativement simple et rapide.C’est l’ONF (ou ses tutelles) qui est àl’initiative du dossier. Il est chargé del’instruction, qui peut aussi bienintervenir à la faveur d’une révisiond’aménagement qu’en cours d’appli-cation ; elle doit dans ce cas s’ac-compagner d’un modificatif voired’une révision anticipée selon l’inci-

dence de la création de la RB sur lagestion de la forêt. Une fois le dos-sier rédigé et contrôlé, les avis desDIREN et DRAF puis celui du CNPNdoivent être recueillis. Les avis desmaires et préfets concernés sontégalement requis en cas de mesuresréglementaires, lesquelles peuventêtre intégrées à l’arrêté de créationou faire ultérieurement l’objet d’unarrêté complémentaire. Dans le casd’une forêt non domaniale, il faudraen plus une approbation du dossierde création par le propriétaire (déli-bération de conseil municipal, p.ex.). Enfin, il est très souhaitable quela conduite du projet soit faite dansun esprit de consultation des scienti-fiques et naturalistes (souvent forcede proposition pour la création deRB), des élus et usagers, qui serontd’ailleurs susceptibles de faire ensui-te partie du comité consultatif degestion de la RB. Notons enfin que, àla différence des RN, le dossier decréation d’une RB tient égalementlieu de premier plan de gestion de laréserve.

Réserves et gestionforestière : importance del’identification des enjeux

et de la concertation

Des réserves forestières, pour quoifaire ?… et comment ?On n’abordera pas ici le détail desaspects pratiques de la gestion maisles principes généraux devant régirla prise en compte des réserves dansla gestion forestière, aussi bien quela prise en compte des activitésforestières dans la création et la ges-tion des réserves :

Comment la gestion forestière,sous sa forme préexistante ou sousune forme modifiée, peut-elle êtrecompatible avec les objectifs d’uneréserve ? Quelles erreurs le forestierne doit-il pas commettre ?

Mais aussi : quelle cohérence éta-blir entre la réalité des enjeux deconservation, les objectifs, le type de

(5) voir l'instruction 98 T 37 pour la définition des critères de subnaturalité ; de tels peuplements ne se trouvent quasiment qu'en montagne

Du bon usage du R 133-5

Instrument réglementaire puis-sant, cet article du code forestierreste souvent méconnu. Placédevant un enjeu de protectionplus ou moins urgent mais sou-vent trop modeste pour motiverun classement en réserve (p. ex. :interdiction de l’escalade, limita-tion de la fréquentation de laforêt en période sensible pourcertaines espèces…), le forestiera en effet tendance à penserd’abord à l’« outil » arrêté pré-fectoral de protection de bioto-pe, alors que le code forestieroffre un moyen de protection aumoins aussi solide et d’une miseen œuvre pouvant être très rapi-de (avec arrêté ministériel enforêt domaniale, arrêté préfecto-ral pour les forêts de collectivi-tés, sous la forme d’un simplemodificatif d’aménagement).

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statut opportun -réserve dirigée ?intégrale ? pas de réserve ?- et lescontraintes éventuelles vis-à-vis de lagestion forestière et de ses autresfonctions.

Le cas des réserves biologiquesC’est pour les RB que les implicationsdu classement pour le travail du ges-tionnaire de l’ONF sont les plus évi-dentes :

un premier facteur facilitant forcé-ment la gestion, à la différence d’uncas fréquent pour les RN (voir plusloin), est l’unicité du gestionnaire.

Un classement en RB, faisant l’ob-jet d’une décision ministérielle parti-culière, vient en continuité d’unedémarche consistant à classer lemême site en série d’intérêt écolo-gique particulier dans le cadre del’aménagement. Ainsi la RB est-elleplus familière à l’aménagiste et augestionnaire de terrain que toutautre statut d’espace protégé.

Surtout, chaque réserve biolo-gique -à la différence de la plupartdes RN- se voit systématiquementattribuer un qualificatif de dirigée ouintégrale, qui limite les risques d’am-biguïtés sur les règles et contraintesde gestion à appliquer au site.

Les réserves biologiques dirigéesDeux conditions doivent être réuniespour justifier qu’un site soit érigé enRB dirigée, afin que ce statut n’y soitpas qu’un « label » vide decontenu :

la présence d’éléments (habitats,espèces) remarquables,

le besoin d’une gestion conserva-toire active et allant nettement au-delà de ce que peut assurer la ges-tion multifonctionnelle courante.

Ceci a plusieurs conséquences :avec l’instauration des principes

de prise en compte de la biodiversitédans une gestion multifonctionnel-le (6), les exigences du statut de RBdirigée se sont renforcées par rap-port à une époque antérieure où uninfléchissement modeste de la ges-tion pouvait suffire à justifier la créa-

tion d’une RBD. A fortiori, il fautencore davantage pour qu’une RBDdont la création serait envisagée àl’intérieur d’un futur site Natura 2000apporte bel et bien un « plus » justi-fiant l’emboîtement des deux statuts.

Le statut de RBD a principalementvocation à s’appliquer à des habitatsnon forestiers (mais menacés par ladynamique : pelouses, landes…)plutôt qu’à des habitats forestiersmême remarquables. En effet, mêmeun habitat (fût-il prioritaire au titre dela directive habitats) comme de laforêt de ravin n’a objectivement« rien à gagner » à un classement enRB dirigée : il n’a pas besoin d’unegestion conservatoire particulière (ladynamique naturelle y pourvoyant) etsa protection, si tant est qu’il en aitbesoin (quasiment aucune menacene pesant habituellement sur ce typede forêt largement délaissé par l’ex-ploitation) pourra être assurée dansle cadre de la gestion courante. Si leclassement d’un tel habitat en RBpeut avoir un sens, c’est en réserveintégrale mais avec par conséquentdes objectifs différents de ceux d’uneRBD et plus cohérents avec la réalitédes enjeux. L’époque où des habitats

forestiers avaient pu être classés enRB dirigée parce que le gestionnairehésitait à « franchir le pas » de la RBIest révolue.

Il existe quelques situations où unclassement d’habitats forestiers enRB dirigée peut trouver une justifica-tion : impératifs de lutte contre desespèces invasives (forêts de l’île de laRéunion, ripisylves), gestion particu-lière d’un habitat forestier en tantqu’habitat d’espèce (grand tétras…),période de restauration préalable àun classement en RBI (renaturationd’anciennes plantations de pins enmontagne…).

Conséquence particulière de cesévolutions conceptuelles : il peutexister des RB dirigées anciennes àmilieux principalement forestiers, quine satisfassent plus aux critères dedéfinition de ce type de réserve. Larévision de leur statut et de leur péri-mètre, avec la conversion éventuelleen RBI plus cohérente avec la réalitédes enjeux, est un chantier qui a déjàcommencé. Plus largement, la réali-sation ou l’actualisation de plans degestion conformes au modèle actuelreste à accomplir pour un certain

(6) cf. instruction ONF 93 T 23, traduction de la circulaire DERF/SDF n° 3002 du 28/01/1993

N. D

rap

ier,

ON

F

RB domaniale intégrale du Bois des Roncés, FD d'Auberive (52) :RBI « post-tempête ». Habitats forestiers communs,

objectif de suivi dynamique à long terme

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nombre de RB antérieures à 1995,pour lesquelles la justification de lacréation, la définition d’objectifs degestion et de programmes d’actions,avaient été faits de façon moinsméthodique (au sein des aménage-ments) que dans les modernes dos-siers de création de RB.

Les réserves biologiques inté-gralesParadoxalement, le cas des RBI estfondamentalement plus simple quecelui des RBD, au niveau de l’appré-ciation de l’opportunité de créationcomme de l’incidence du statut sur lagestion forestière.

L’opportunité de la création d’uneRBI est principalement déterminéepar la contribution des habitats dusite à la constitution du réseau natio-nal représentatif (les types d’habitatsforestiers présents sur le site sont-ilsou non déjà « couverts » pard’autres RBI ? ) et par l’intérêt parti-culier que peuvent présenter lespeuplements en place (des critèressupplémentaires peuvent concernerpar exemple un intérêt entomolo-gique exceptionnel). En comparai-

son, un avant-projet de RB dirigéepasse par une phase plus délicated’évaluation patrimoniale devantconduire à décider si le site « méri-te » un tel statut ou si son patrimoinepeut être conservé dans le cadre dela gestion courante.Une fois la RBI créée, les implicationsdu statut pour la gestion forestièresont simples et claires, avec en pre-mier lieu l’arrêt de toute sylviculture.La question se pose donc beaucoupmoins, de ce qui peut ou doit encoreêtre fait ou limité dans le cadre de lagestion forestière de la réserve.

Le cas des réserves naturellesL’expérience de quelques décenniesmontre que la gestion des espacesforestiers au sein des RN est plussouvent problématique que la ges-tion des RB. Pourquoi une telle situa-tion ? et surtout, comment, de façonconstructive, dépasser ces problèmes ?

La première cause de difficultés tient,quand l’ONF n’est pas co-gestionnai-re de la RN, à la superposition sur unmême espace de deux statuts et dedeux gestionnaires. Objectivementsource potentielle de complicationspour la gestion, cet état de fait peutse compliquer de difficultés relation-nelles liées à divers préjugés (sou-vent réciproques). De fait, il arriveencore que des services forestierspuissent avoir à déplorer d’êtreinsuffisamment impliqués dans lagestion d’une RN, tenus à l’écart desaspects les plus « nobles » de lagestion de l’espace protégé… demême qu’il arrive encore que desassociations de protection de lanature puissent se plaindre de ne pasêtre suffisamment associées à la gestion des RB via leurs instancesconsultatives locales ou régionales !Heureusement, il existe de plus enplus d’exemples de bonnes relations-c’est à dire durablement fondées surun bénéfice réciproque- entre ser-vices de l’ONF et gestionnaires deRN.À cet aspect humain des difficultésde conciliation entre gestion fores-tière et RN s’ajoute un second pro-blème touchant davantage au fond

des statuts. À la différence des RB,les RN ont assez rarement précisédans leurs décrets de création ladésignation éventuelle d’une zonede protection intégrale ou du moins« renforcée »… peut-être en parti-culier parce qu’une idée plus oumoins précise de « mise souscloche » de la forêt pouvait sembler,pour les initiateurs, implicite au sta-tut fort de RN. Du coup, l’apparitionde ce genre de revendication aprèscréation de la réserve, au moment dela réalisation du plan de gestion ouultérieurement, risque de créer desconflits entre gestionnaire de réserveet propriétaires ou gestionnairesforestiers voyant se profiler descontraintes inattendues. C’est ainsique naissent des conflits ouverts oularvés, que les solutions de compro-mis recherchées peuvent avoir dumal à satisfaire tant la logique d’es-pace protégé que l’« activité tradi-tionnelle existante » qu’est la sylvi-culture.

Ce genre de problème peut concer-ner bien d’autres aspects de la ges-tion des ressources naturelles au seindes réserves (pastoralisme, chas-se…), mais il revêt une acuité parti-culière dans le domaine forestier,pour deux raisons étroitement liées :

le fait que bien souvent, la forêtapparaisse par excellence commemilieu naturel et à conserver en tantque tel ; appréciation à la fois trèssouvent erronée (même en mon-tagne, le poids de l’anthropisationdes forêts reste fort, jusque dans dessites aussi proches d’un état naturelqu’il est possible en France métropo-litaine), et légitime, la forêt mêmeplus ou moins anthropisée restanttrès souvent « ce qui se fait demieux » comme milieux semi-natu-rels.

L’émergence d’un courant de pen-sée de plus en plus fort, au sein de lacommunauté des gestionnaires deRN, en faveur de la naturalité fores-tière. Avec pour conséquence desexigences croissantes envers les pro-priétaires et gestionnaires forestiers,par rapport à l’époque de créationde la réserve où rien ne laissait entre-

Réserves intégrales et parcsnationaux

Il existe une possibilité de créationde « réserves intégrales »,instituées par décret, dans le cadrede la législation sur les parcsnationaux. Il n’y a pas de cadrageparticulier de ce statut, puisquec’est le décret qui fixe les sujétionséventuelles et que ce type deréserve est établi en « tenantcompte de l’occupation humaine etde ses caractères ». Actuellement,seuls deux sites sont concernés, leLauvitel dans le PN des Écrins (avecen l’occurrence une réglementationtrès restrictive) et un ensembled’îlots du PN de Port-Cros.

L’existence de cet outilréglementaire n’est pas exclusivede la création de RBI à l’intérieur deparcs nationaux. Ainsi, plusieurs RBIont été créées dans le PN desCévennes (FD de l’Aigoual).

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voir que le statut puisse prétendredevenir aussi contraignant.

Une illustration typique de ces pro-blèmes peut être donnée par laquestion de l’exploitation des cha-blis dans une RN de montagne, etdes conflits qui peuvent naître desdifférences d’objectifs (et de culture)du gestionnaire de RN et du gestion-naire forestier. Là où le premier auracommunément un objectif prioritairevoire exclusif de naturalité, le secondcontinuera d’avoir une diversitéd’objectifs incluant la production debois et l’équilibre économique, dèslors que l’acte de création de laréserve ne le contraint pas claire-mentà abandonner une partie de cesobjectifs.

À ce genre de difficultés, qu’on auraittort de négliger (conflits contre-pro-ductifs, enjeux économiques pouvantêtre significatifs) un seul remède :identifier de concert les problèmespotentiels et préciser le maximumd’éléments concrets de la gestion(élaborer par exemple des critèresprécis de non-exploitabilité de cha-blis). Et surtout, procéder à l’amont,si possible dès le stade de la créationde la réserve, pour identifier sousquelles conditions un statut de réser-ve peut être véritablement utile pourles espaces forestiers qu’il est envisa-gé d’y inclure, et mettre d’emblée enbalance ces conditions avec tous lesautres enjeux de la gestion forestière.

Dans le cas d’une nouvelle RN, c’estdès l’émergence du projet que cetteréflexion doit être faite. Reste le casde toutes les RN existantes… laconciliation des revendications denaturalité des uns et des préoccupa-tions différentes des propriétaires etgestionnaires pour qui le classementen réserve n’avait à l’origine rien lais-sé entrevoir de pareilles évolutions,va peut-être devenir un chantierdevant requérir un arbitrage deniveau national.

Un aspect pratique essentiel desrelations entre RN et gestion fores-

tière concerne la mise en cohérencedes documents de gestion (plan degestion de la RN, aménagementforestier ou PSG). Les dispositionsprises lors d’une création par décrets’imposent à l’aménagement, et doi-vent être transposées par révision oumodificatif. Dans l’intervalle, onveillera à appliquer à la gestion desprocédures visant à éviter touteaction contraire aux prescriptions dudécret. Se pose ensuite le problèmede l’harmonisation des aménage-ments avec le plan de gestion de laRN, ainsi que la gestion de la pério-de transitoire. Dans cette périoded’incertitudes plus ou moins longue,il importe que s’établissent des rela-tions entre gestionnaires forestiers etde la RN, tant pour l’implication desforestiers dans l’élaboration du plande gestion de la réserve que pourl’information et la consultation dugestionnaire de la RN sur des révi-sions d’aménagements en cours.

La loi d’orientation sur la forêt de2001 a introduit une précision impor-tante (7) pour les relations entredocuments de gestion forestière(aménagements, PSG, règlementstypes de gestion, codes de bonnes

pratiques sylvicoles) et réserves natu-relles (ou autres espaces protégés).Quand des dispositions relatives àces statuts de protection sont inté-grées aux directives ou schémasrégionaux d’aménagement et res-pectés par les documents de gestiondes forêts, leurs programmes d’ac-tions peuvent être exécutés sansautres formalités. À défaut de dispo-sitions particulières dans ces docu-ments régionaux, l’accord explicitede l’autorité compétente pour lesespaces protégés assure les mêmeseffets.

La période d’instruction du dossierde création d’une RN est aussipotentiellement délicate. Le préfetpeut décider qu’aucune modificationne puisse être apportée à l’état deslieux pendant une durée de 15 mois(renouvelable une fois) suivant lanotification de l’intention de créa-tion, sauf autorisation spéciale.Même si les aménagements fores-tiers approuvés par les autoritéscompétentes échappent à cettecontrainte, il importe de ne pas com-mettre d’impair par une applicationignorant l’évolution particulière ducontexte.

Future RB domaniale dirigée de la Mailloueyre, FD de Mimizan (40) (en coursd'instruction) : dunes et zones humides, pestes végétales, fréquentation :habitats remarquables, forte logique interventionniste et de protection

N. D

rap

ier,

ON

F

(7) dans le code forestier (art. L. 11), et non (à ce jour) dans celui de l'environnement

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RN et RB :complémentarité des

statuts

La question des relations entre les sta-tuts de RN et de RB -allant jusqu’àfaire s’interroger sur l’opportunité deconserver un « si grand nombre » destatuts- a été longtemps entachée parun historique conflictuel. À uneépoque où l’ONF tardait à intégrer lespréoccupations environnementales àsa gestion, l’outil RN a plus d’une foisété utilisé « contre » les forestiers. Lestatut de RB, dont l’origine remontaitpourtant aux années 1950, a dès lorspu être employé comme riposte per-mettant aux forestiers de rester ges-tionnaires d’espaces convoités, maisen pratiquant une gestion pas tou-jours cohérente avec les enjeux niaussi participative qu’il aurait été sou-haitable, compte tenu du passif ini-tial… Utiles à rappeler pour la com-préhension de l’évolution du contex-te, ces péripéties n'en doivent pasmoins appartenir au passé.

La réputation des RN n’est plus à faire,la multiplicité et la qualité des travauxet études qui y sont réalisées en attes-tent (8). Les RB, bien que méconnuesen dehors d’un cercle encore réduitde naturalistes et de scientifiques(auxquelles elles sont pourtant mises àdisposition comme terrain d’études),ont elles aussi acquis au fil desannées, des évolutions conceptuelleset des réalisations, une légitimitéreconnue par le CNPN et par l’UICN.Les RBI sont à la pointe du progrèsméthodologique sur les études depeuplements en réserves intégrales.Pour le gestionnaire, la RB s’emboîtede façon logique et rôdée avec l’autreoutil qu’est l’aménagement forestier,dont elle constitue une sorte de cou-ronnement. Grâce aux textes de réfé-rence précis que sont les instructions,une stratégie nationale cohérente apu se mettre en place. Familières auxforestiers, les RB sont donc aussi unmoteur essentiel de leur implicationdans la protection de la nature. Ellesne peuvent que contribuer à la réalisa-tion des objectifs d’une politiquenationale d’espaces protégés.

La question de la complémentaritéentre les RB et les RN a été abordée etclarifiée dès la convention État-ONFde 1981 sur les RB domaniales (etd'une manière susceptible d'êtretransposée à d'autres forêts relevantdu régime forestier). La conventionprésente la RB comme statut de pro-tection applicable aux espaces lesplus remarquables des forêts doma-niales. Mais elle prévoit aussi que« par dérogation », des terrains doma-niaux puissent être inclus dans une RNlorsqu’ils ne couvrent qu’une partiedes milieux à protéger.

C’est cette logique qui a été appli-quée à la recherche de sites de RNNdans le cadre de la mise en œuvre ducontrat État-ONF 2001-2006. Afin detirer parti des possibilités particulièresoffertes par la « puissance » du statutde RNN, la recherche s’est orientéevers des situations de supérioritéobjective de ce statut par rapport àcelui de RB, à savoir des sites où la RNdevrait permettre de déborder dunoyau domanial pour enrichir le patri-moine de la réserve (à l’instar de laréserve du Frankenthal-Missheimle(68) qui concerne d’importantes sur-faces de forêt publique mais doit austatut de RNN de pouvoir englober untransect complet jusqu’au sommet dela crête vosgienne). L’option est plusambitieuse qu’un « repli » sur la seuleforêt domaniale, elle « expose »davantage l’ONF à n’être à terme« que » co-gestionnaire de ces futuresRNN, mais elle trouve un supplémentde cohérence avec une évolution ten-dant au niveau national à limiter lacréation de RNN à des situations parti-culièrement remarquables.

Conclusion

En dépit d’une apparente complexitéde l’éventail de statuts, les différentstypes de réserves ont toujours été etdevraient rester, quelles que soientles évolutions en cours, des outils per-formants, complémentaires, et quipeuvent s’enrichir mutuellement. Lesévolutions réglementaires et les diffi-cultés matérielles croissantes peuventdonner l’impression que les réserves

sont à la croisée des chemins…Certes, leur situation peut être parfoispréoccupante, mais elles ont fait leurspreuves comme outils majeurs de laprotection de la nature et l’on est endroit d’espérer que cette considéra-tion essentielle garantira leur avenir.

Nicolas DRAPIERONF, direction technique, départe-

ment aménagement, sylvicultures,espaces naturels

[email protected]

Remerciements à D. LAVAUX (DNP)pour sa relecture et ses commentaires.

Bibliographie

Code de l’environnement commenté.édition 2002. Paris : Dalloz. 2754 p.

http://www.legifrance.gouv.fr

LÉVY-BRUHL V., COQUILLART H.,1998. La gestion et la protection del’espace en 36 fiches juridiques. Paris :Documentation française. 81 p.

LIAGRE J., 1997. La forêt et le droit.La Baule : Éditions La Baule. 746 p.

ONF, 1995. Réserves BiologiquesDirigées et séries d’intérêt écolo-gique particulier dans les forêts rele-vant du régime forestier (instructionn° 95-T-32 du 10 mai 1995). 20 p.

ONF, 1998. Réserves BiologiquesIntégrales dans les forêts relevant durégime forestier (instruction n° 98-T-37du 30 décembre 1998). 36 p.

ONF, 1999. Réserves Biologiques,Réserves Naturelles et séries d’intérêtécologique particulier dans les forêtsrelevant du régime forestier – Sériesd’aménagement (instruction n° 99-T-39du 4 mai 1999, complétant les instruc-tions 95-T-32 et 98-T-37). 3 p.

Réserves naturelles de France, 1998.Guide méthodologiques des plansde gestion des réserves naturelles.Montpellier : ATEN. 96 p.

(8) voir notamment les publications de l'association de gestionnaires Réserves Naturelles de France (RNF) éditées par l'ATEN

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e tous temps, l’homme amodifié l’environnement,

utilisant les ressources biologiquespour se nourrir, se vêtir, se chauffer, sesoigner. Au XXe siècle, la croissancedémographique rapide de la popula-tion, sa répartition inégale, l’industriali-sation, l’intensification des pratiquesagricoles, la mondialisation de l’écono-mie et des échanges commerciaux ontentraîné une utilisation croissante, par-fois incontrôlée, des ressources éner-gétiques et naturelles. Les consé-quences sont graves, tant pour la bio-diversité que pour les populations :érosion des sols, pollutions de l’eau etde l’air, déprise rurale, urbanisationgalopante, dégradation d’écosys-tèmes, disparition d’espèces et chan-gement climatique. Bien que très diffi-cile à mesurer, la perte de biodiversitémondiale est estimée par certains spé-cialistes à 27000 espèces par an.

Ces problèmes concernent l’ensembledes régions du monde, même si leszones côtières, où se concentrent 80 %de la population mondiale, cumulentles conflits d’intérêt (développementurbain, industriel et touristique audétriment des espaces naturels), alorsqu’elles rendent pourtant de nom-breux « services » aux hommes (pro-tection des littoraux contre l’érosion,

site de reproduction de nombreuxorganismes, espaces de loisirs).

Les pays ne peuvent donc agir isolé-ment. En 1968, l’Unesco organise lapremière conférence intergouverne-mentale posant le problème de laconservation et de l’utilisation ration-nelle des ressources de la biosphère.Le programme scientifique sur« l’Homme et la biosphère » (MAB :Man and Biosphere) fait suite à cetteréflexion. Lancé en 1971 par l’Unesco,son but est de mieux comprendre lesrelations entre l’Homme et son envi-ronnement, et de concilier des objec-tifs apparemment contradictoires :conserver la biodiversité et assurer undéveloppement économique et socialaux populations. Ces idées, alors nova-trices, ont été largement reprisesdepuis, notamment par la Conférencedes Nations Unies sur l’environnementet le développement qui s’est tenue àRio en 1992. Celle-ci a abouti, en 1993,à la Convention internationale sur ladiversité biologique, ratifiée par denombreux états.

Concilier la conservation de la biodi-versité et le développement aujour-d’hui qualifié de durable est un pari dif-ficile à l’échelle de la planète. Il est trèsvite apparu nécessaire, au sein du pro-

gramme MAB, d’établir dans diffé-rentes situations géographiques, éco-logiques et humaines, des sites dedémonstration, d’application localed’un développement humain respec-tueux des ressources naturelles, ous’appuyant sur des ressources préser-vées. Ainsi sont nées dès 1974 lesréserves de biosphère, territoires d’ex-périmentation du développementdurable.

Un cadre de travail relevantde l’Unesco

Les réserves de biosphère travaillentdans le cadre de documents approuvéspar les états membres de l’Unesco : lastratégie de Séville et le cadre statutai-re du réseau mondial des réserves debiosphère, adoptés en 1996, qui défi-nissent les principes de fonctionne-ment des réserves de biosphère. Ellesdemeurent toutefois sous la juridictiondu pays dans lequel elles se trouvent ets’appuient en partie sur des espaceslégalement protégés, comme desparcs ou des réserves.La reconnaissance d’un territoirecomme réserve de biosphère estl’aboutissement d’une procédurerigoureuse. Un dossier doit être consti-tué, répondant à un ensemble de cri-tères : présenter des espèces et des

Les réserves de biosphère : territoiresd’expérimentation du développement

durable pour l’homme et la nature

Les réserves de biosphère ont été créées il y a 30 ans pour aider l’homme à affronter l’un

des plus grands défis qui se pose à lui à l’aube du nouveau millénaire : comment

répondre aux aspirations et aux besoins de développement d’une population mondiale

croissante tout en conservant la diversité des espèces animales et végétales, des

écosystèmes et des paysages ?

DD

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tion continue de l’environnement, à laformation et l’éducation des jeunes etdes moins jeunes, car elles fournissentun réel appui pour envisager de façonplus éclairée l’avenir du territoire et deses habitants.

Ainsi, chaque réserve de biosphèreprésente trois types de zones interdé-pendantes :

une aire centrale bénéficiant d’unstatut légal (dans la loi nationale), assu-re à long terme la protection des pay-sages, des écosystèmes et des espècesqu’elle comporte. Celle-ci peut êtresubdivisée en plusieurs unités.Suffisamment vaste pour assurer laconservation de ces éléments, cer-taines peuvent être des réserves inté-grales où les écosystèmes évoluentsans action de l’homme. Les autres neconnaissent qu’une activité humaineréduite : recherche, éducation, ouencore certaines pratiques tradition-nelles qui concourent à la conservation

de la biodiversité comme le pâturage.Une zone tampon entourant ou

jouxtant l’aire centrale, renforce safonction de protection. Les activitésdans cette zone sont peu perturba-trices. Il peut s’agir de recherchesvisant à mettre au point des pratiquesd’utilisation des ressources naturellesrespectueuse de la biodiversité ou por-tant sur la gestion ou la réhabilitationdes écosystèmes.

L’aire de transition (ou de coopéra-tion) comprend les activités humaines,villes et villages. C’est le siège des acti-vités économiques et sociales, qui doi-vent s’orienter vers un développementdurable, au bénéfice de la populationlocale.La superficie des réserves de biosphè-re doit être suffisante pour remplir cesfonctions. Ces territoires sont de sur-faces variables, allant de quelques mil-liers à plus de trente millions d’hec-tares comme pour celle de la MatàAtlantica au Brésil.

paysages méritant d’être protégés,regrouper des types d’interventionshumaines variées, disposer d’unestructure de coordination adaptée, deprogrammes scientifiques, et enfind’un assentiment officiel des représen-tants de la population locale. Ce dos-sier est examiné par les instances duMAB à l’Unesco. Une fois établies, lesréserves de biosphère sont réviséestous les 10 ans.

Conservation,développement, recherche :des objectifs combinés dans

trois zones emboîtées

Les réserves de biosphère doiventcombiner trois fonctions complémen-taires :

la conservation des écosystèmes,des paysages, des espèces et de leurspatrimoines génétiques doit y êtreassurée, aussi bien dans les zonesnaturelles que dans celles qui sontexploitées par l’agriculture, la sylvicul-ture, la pêche, la chasse, le tourismeou toute autre activité. Des pratiquesrespectueuses de l’environnement ysont privilégiées.

Les réserves jouent aussi un rôledans une forme de développementéconomique et social cherchant àpérenniser la qualité et la richesse dela nature et de la culture locales. Ceciimplique que la population y prenneune part active et soit intéressée auxprises de décision.

Enfin, plus qu’ailleurs, une impor-tance particulière est accordée à larecherche et aux études, à l’observa-

En 2004, il y avait 440 réserves debiosphère dans 97 paysdifférents. Présentes dans lesprincipaux écosystèmes de laplanète (terrestres, côtiers etinsulaires, de plaine et demontagne), elles se rencontrentdes toundras et taïgas du grandnord aux forêts tropicales etéquatoriales, du pourtourméditerranéen aux savanesafricaines.

Le coordinateur de la réserve :un rôle essentiel

La responsabilité des réserves de bio-sphère peut être confiée à une struc-ture publique, qui s’entoure générale-ment d’un comité de gestion. Ce der-nier regroupe les acteurs de larégion : élus, administrations, struc-tures professionnelles, associations. Ilest assisté par un comité scientifiqueet technique. La structure chargée de

la réserve de biosphère a un rôle d’in-formation, de négociation et de coor-dination des différents acteurs locaux.En effet, ils sont nombreux à interve-nir sur le territoire : agriculteurs,forestiers, chasseurs, pêcheurs, ser-vices de l’équipement, communes,associations, visiteurs, et leurs intérêtssont parfois divergents. Le coordina-teur de la réserve joue un rôle essen-tiel de pivot pour un développementharmonieux du territoire.

Organisation d’une réserve de biosphère

Zone centrale

Zone tampon

Zone de transition

Établissement humain

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Les réserves de biosphère sont deprécieux sites de démonstration dudéveloppement durable et deconservation de la biodiversité. Cesont aussi des lieux de recherche etde suivi à long terme, où des don-nées sur l’état de la planète sontenregistrées.

En France, dix réserves debiosphère couvrent unetrès grande variété de

situations

La France compte actuellement dixréserves de biosphère, d’une trèsgrande variété géographique, écolo-gique et humaine. En plaine et enmontagne, en métropole et outremer, continentales, insulaires,côtières, elles présentent une grandediversité d’habitats plus ou moinsutilisés par l’homme : forêts, zoneshumides, landes, zones agricoles…Les populations vivent dans desconditions également très variées :certaines réserves présentent dessociétés rurales qui, dans certainscas, sont presque totalement isolées(comme aux Tuamotu en Polynésiefrançaise) ; d’autres comprennent

une population assez importante etdes villes moyennes (le Luberon, lesVosges du Nord). Enfin, les réservesde biosphère de Guadeloupe, deCamargue et du Pays deFontainebleau, se situent dans l’aired’influence de grandes métropoles(Pointe à Pitre, Marseille etMontpellier, Paris).

Les enjeux de conservation de lanature et de développement durablede ces réserves de biosphère sontdonc très variés, à l’image de leurformidable diversité. Certainesréserves sont soumises à la dépriserurale et à son cortège de consé-quences : abandon des terres, enfri-chement, vieillissement de la popula-tion, disparition des commerces etdes services… D’autres, plus peu-plées, doivent, face au développe-ment d’activités économiques (PME,commerces, agriculture ou pêcheintensive…), éviter une banalisationdes paysages et des villages et main-tenir un patrimoine naturel et archi-tectural de qualité, lui-même porteurde développement, notamment tou-ristique. Enfin, celles qui sont sou-mises à d’importants flux de visi-teurs, doivent apprendre à les gérer,

en évitant les nuisances et en s’assu-rant que les bénéfices reviennentbien à la population.

Échanges d’idées et desavoir-faire : la force d’un

réseau

Les dix réserves de biosphère fran-çaises forment un réseau. Riches deleurs différences, travaillant dans descontextes humains et institutionnelsdivers, elles sont pourtant confron-tées à des problèmes comparables.Elles recherchent ensemble des solu-tions, en définissant des démarcheset des programmes de recherchecommuns. Le réseau est animé par lecomité MAB France, créé en 1972dans le cadre de la Commission fran-çaise pour l’Unesco, avec l’appui desministères chargés de l’environne-ment et des affaires étrangères.

Le réseau favorise les échangesd’idées et de savoir-faire. L’animationdu réseau comprend l’organisationde rencontres entre les coordina-teurs des réserves, et la diffusionrégulière d’une lettre de liaison, laLettre de la biosphère, qui relate les

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PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DES RÉSERVES DE BIOSPHÈRE FRANÇAISES

Réserve Date de création Surface totale Nombre Taux de % forêt Coordinateur(en ha) d’habitants boisement (%) publique

Camargue 1977 13000 0 0 0 SNPN

Tuamotu (Polynésie) 1977 En cours d’extension 0 0

Vallée du Fango (Corse) 1977 23400 400 24 89 PNR de Corse

Cévennes 1985 323000 50000 67 24 PN Cévennes

Mer d’Iroise 1988 20600 1200 0 0 PNR d’Armorique

Vosges du Nord 1989 122000 76000 59 79 PNR Vosges du Nord

Mont Ventoux 1990 84000 26000 61 45 Syndicat mixte

Guadeloupe 1992 69000 124000 environ 50 100 PN Guadeloupe

Lubéron 1997 179600 150000 51 28 PNR du Lubéron

Fontainebleau 1998 70000 60000 54 59 Conseil général 77

Les réserves de biosphère forestières sont indiquées en italiques.

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expériences de chacun, assure lapromotion d’expériences réussies etpropose des articles de réflexion surdes thèmes variés. Des bases dedonnées sur le patrimoine natureldes réserves de biosphère sont encours d’élaboration, permettant demieux le connaître et de suivre sonévolution dans le temps. Des docu-ments techniques qui précisent cer-taines actions des réserves de bio-sphère sont également publiés. Eneffet, fournir un appui aux acteurslocaux pour organiser le développe-ment durable sur leur territoirenécessite de la méthode. En outre,un guide d’aide à la gestion a étépublié par le réseau des réserves debiosphère françaises, qui sert ausside référence au niveau européen.

Le MAB France contribue aux rela-tions internationales du réseau, enfacilitant la coopération entreréserves de biosphère, en participantaux activités du réseau européen etnord américain (EUROMAB), et enpréparant la contribution nationaleaux instances de l’Unesco.

Le MAB France formalise égalementau niveau national des relations avecdes organismes de recherche ou degestion des ressources naturelles :ainsi un protocole d’accord sur lagestion forestière dans les réservesde biosphère a été signé avecl’Office national des forêts. En com-plément, un groupe de travail sur laforêt offre aux gestionnaires fores-tiers publics et aux personnels desréserves de biosphère un lieu de ren-contre.

L’ONF, gestionnaire de vastesespaces naturels, est concerné entant que gestionnaire de forêt doma-niale ou de collectivités mais aussi entant que partenaire de l’organismeresponsable de la réserve (parc natu-rel régional, syndicat mixte ou parcnational) par 7 des 10 réserves debiosphère françaises.C’est pour préciser les relations avecles coordinateurs de ces réservesqu’un accord-cadre a été signé le30 novembre 1999 puis renouvelé en

2002. Des échanges d’information,un appui à la formation, des pro-grammes d’études, une communica-tion sur des thèmes communs sontprévus. Un groupe « forêt » s’estconstitué associant les représentantsde la structure ONF concernée et lecoordinateur de chaque réserve. Il seréunit au moins une fois par an. Àcôté des actions réalisées au niveaude chaque réserve, il faut signaler lepilotage d’études sur le suivi de labiodiversité après les tempêtes dedécembre 1999 financées par leministère chargé del’environnementde 2000 à 2002, une étude réaliséeen 2002 visant à définir des principes,critères puis des indicateurs devantservir à suivre et évaluer la gestionforestière durable dans les réservesde biosphère. Actuellement, chaqueréserve définit ses indicateurs. Dansun contexte budgétaire difficile, larecherche de données déjà utiliséespour le bilan patrimonial de la forêtdomaniale ou pour l’écocertificationa été recommandée ; la réunion2004 du groupe « forêt » aura lieudans les Cévennes.

Les tendances d’aujourd’huiet de demain : un intérêt

croissant pour lesproblématiques urbaines

De plus en plus, les réserves de bio-sphère s’intéressent aux questionsurbaines. Dans la plupart des pays, ladistribution géographique de lapopulation est déséquilibrée. Partoutla population mondiale a tendance àse concentrer dans des villes dont lacroissance est rapide et souvent nonmaîtrisée. Parallèlement, certaineszones défavorisées connaissent undéclin et sont presque désertées. Cesimportants déséquilibres sont à l’ori-gine de nombreux problèmes écono-miques, écologiques et sociaux. Desenjeux de conservation et de déve-loppement d’une nouvelle nature seprésentent donc au MAB. Ceux-cirelèvent notamment de l’aménage-ment du territoire et doivent être trai-tés à une plus grande échelle géo-graphique.

Ainsi, plusieurs réserves de biosphè-re récentes sont proches de grandescités : les ceintures vertes de Rio etde Sao Paulo au Brésil, le Pays deFontainebleau, à 70 km du centre deParis. Poumons de ces cités, cesréserves sont confrontées à la ges-tion de flux très importants de visi-teurs. Afin d’éviter un grignotagedes espaces naturels, elles doiventaussi maîtriser l’urbanisme, gérer lesquestions de transports. L’inclusionmême de villes dans le réseau mon-dial des réserves est très discutée :la ville de Rome, où des programmesd’écologie urbaine sont conduitsdepuis de nombreuses années, seraitcandidate si l’idée de réserves debiosphère urbaines était retenue.

Par conséquent, les personnes impli-quées dans les réserves sont beau-coup plus diversifiées : élus et res-ponsables d’associations côtoient lesscientifiques et les représentantsd’administrations. Les thématiquesabordées, autrefois scientifiques etnaturalistes, se sont élargies à l’archi-tecture, à l’élaboration de marquespour les produits locaux, à la média-tion…

Catherine CIBIENsecrétaire scientifique du comité

MAB-France

Jean-Marc BRÉZARDONF, direction [email protected]

Bibliographie

MAB France, 2000. Les réserves deBiosphère, Octavius, Gallimard jeunesse

Adresses Internetwww2.unesco.org/mabwww.mab-France.org/frwww.biosphere-vosges-pfaelzerwald.orgwww.bib.ensmp.fr/fontainebleau

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Pouvez-vous nous présenter suc-cinctement le dispositif Natura2000, et ses objectifs ?Natura 2000 est d’abord une contri-bution à l’enjeu de conservation dela biodiversité. Ce projet européen,qui s’appuie sur deux directives : ladirective Oiseaux de 1979 d’une part,et la directive Habitats, faune, florede 1992 d’autre part, répond auxengagements pris dans le cadre de laconvention internationale pour ladiversité biologique de Rio en 1992.

Les États membres ont ainsi décidéde constituer un vaste réseau euro-péen de sites, dont l’ambition est demaintenir en bon état de conserva-tion des espèces et des habitatsnaturels d’intérêt communautaire,par une utilisation durable des terri-toires. Nous avons donc là un objec-tif de résultat, qui prend clairementen compte les activités écono-miques, sociales et culturelles dansla gestion des sites.

C’est aussi, en France, une démarcheinnovante pour la gestion d’espacesde grande qualité patrimoniale, parle choix d’une approche négociée etcontractuelle. Elle repose sur lamobilisation de tous les acteurs, auplus près du terrain, sur l’engage-ment volontaire à travers un disposi-tif contractuel mais aussi sur l’inté-gration de Natura 2000 dans les poli-tiques sectorielles : agricoles, fores-tières, de transport…

Natura 2000 doit contribuer ainsi audéveloppement durable des terri-toires, en favorisant l’appropriationdes enjeux de préservation de la bio-diversité par les propriétaires et lesgestionnaires concernés.

Où en est la France actuellement ?Comment se situe-t-elle par rapportaux autres pays d’Europe ?À l’échelle européenne, l’établisse-ment du réseau Natura 2000 touche àsa fin et couvre aujourd’hui 18 % de lazone terrestre de l’Union (des quinze). Ilest désormais nécessaire de seconcentrer sur la gestion active dessites, dont la responsabilité incombeaux États.Si la France accuse un sérieux retardpour la désignation des sites - il estcertes en voie de rattrapage ! - elle aen revanche initié un ambitieux dispo-sitif de gestion contractuelle, prenantde l’avance sur de nombreux autresÉtats membres de l’Union européennedans le processus de gestion duréseau.

Achever rapidement la constitution duréseau est une nécessité. La France estdoublement condamnée par la Courde justice européenne pour insuffisan-ce de désignation de sites au titre desdeux directives : elle est tenue de com-pléter son réseau d’ici début 2006 auplus tard, sous peine de paiement delourdes astreintes journalières. Au titrede la directive Habitats, les insuffi-sances du réseau concernent plusieursdizaines d’habitats et d’espèces, princi-palement pour les régions biogéogra-phiques atlantique et continentale, cequi représente une centaine de sites.Mais les efforts les plus importants àconsentir portent sur la désignation denouvelles ZPS : la France fait figure delanterne rouge... alors que la diversitéde son patrimoine naturel lui confèreune responsabilité importante enEurope : 85 % des espèces d’oiseauxvisées par la directive y sont représen-tées. L’évaluation du réseau actuel deZPS confiée au Muséum montre l’im-

portance des lacunes, principalementsur un grand nombre d’espèces denicheurs. Nombre d’espèces fores-tières sont visées. Aussi, dès cetautomne, le ministère annoncera unplan de relance pour la désignationdes sites complémentaires nécessaire àl’achèvement du réseau.

Le passage à la gestion est une priori-té. La France a fondé son dispositif surla réalisation, pour chaque site, d’undocument d’objectif qui permet auxacteurs locaux d’identifier et de choisirensemble les règles d’encadrement etde soutien aux activités pour la gestionde ces espaces. Mais pour réussir lagestion, les propriétaires et les ges-tionnaires doivent être impliqués indi-

Natura 2000 : questions à François Bland,directeur de projet Natura 2000 au ministère

de l’écologie et du développement durable

Natura 2000 en quelqueschiffres

Le réseau comprend actuellement1 216 sites proposés à la Commissionau titre de la directive habitats. Cespropositions de sites (pSIC) sontréparties sur 4 grandes zones bio-géographiques continentale, atlan-tique, méditerranéenne et alpine.L’ensemble couvre environ4 200 000 ha, soit 7,6 % du territoirenational. Parmi ces 1216 pSIC, 130« sites d’intérêt communautaire » ontété publiés par la Commission sur laliste communautaire « alpine ». LaCommission annonce la publicationde la liste « atlantique » en fin d’été2004, et les autres listes d’ici la fin2004.Au titre de la directive oiseaux, cesont 160 sites, ou ZPS, qui représen-tent 1 200 000 ha, soit 2,2 % du terri-toire national.

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viduellement : pour ce faire, ils peuventbénéficier de contrats Natura 2000 pourdes prestations qui visent à maintenir enbon état de conservation les espèces ouhabitats, au-delà des bonnes pratiquesde gestion habituelles.Actuellement, plus de 800 documentsd’objectifs ont été engagés dont 280sont opérationnels, c’est à dire qu’ilspermettent d’ores et déjà de passer à lagestion contractuelle de ces sites.La France s’est donc impliquée tôt dansla mise en œuvre contractuelle deNatura 2000. Elle s’est appuyée sur sessavoir-faire dans la gestion patrimonialedes espaces naturels, en particulierforestiers, avec l’expérience des plansde gestion. Pour le financement desactions, la France a aussi anticipé l’inté-gration de Natura 2000 dans la mise enœuvre du Règlement de développe-ment rural, en l’inscrivant dès 2000 dansle PDRN, notamment pour les actionsforestières. Ces orientations devraientêtre confirmées au plan communautaire,notamment pour l’avenir de la politiquede développement rural.

Autre préoccupation au cœur de la viedu réseau Natura 2000 : l’évaluation del’état de conservation des espèces ethabitats naturels. L’approfondissementde cette question a été confié auMuséum national d’histoire naturelle,qui mobilise divers experts scienti-

fiques mais aussi des gestionnaires. Ils’agit en effet d’aboutir à unedémarche pragmatique sur un tel sujetcomplexe et novateur, qui sera abordéà l’échelle du réseau, et non de chaquesite. Ce travail contribuera à préparerl’évaluation globale et périodique deNatura 2000, dont la prochaineéchéance tombe fin 2006.

Notre objectif est donc de passer rapi-dement au concret et de stabiliser leréseau. Pour réussir, il nous faut pour-suivre une dynamique de confianceavec les acteurs locaux. Les collectivi-tés locales ont un rôle capital à jouerdans l’implication, le dialogue et laconcertation autour de Natura 2000 surle terrain.

Que signifie l’intégration à un siteNatura 2000 pour le propriétaire oule gestionnaire forestier ?Ce doit être, pour les forestiers, lareconnaissance d’une gestion patrimo-niale, souvent pratiquée de longuedate, qui a permis de préserver desespèces et leurs habitats naturels !

Mais c’est aussi une exigence pour queles forestiers maintiennent en bon étatcette biodiversité, notamment dansleur plan de gestion et lors de leursinterventions sur les milieux forestiers.À cet égard, l’aménagement forestier,

document guide de gestion, devraintégrer les prescriptions du documentd’objectifs afin de garantir l’adéqua-tion entre la protection des habitats etdes espèces et la gestion forestière.Mais les gestionnaires auront aussi, surle terrain, à porter leurs efforts sur lesméthodes d’interventions les plus adé-quates pour atteindre les objectifs dupropriétaire dans le cadre de Natura2000. Rappelons que les mesures degestion préconisées dans le documentd’objectifs résultent d’un travailconcerté avec toutes les partiesconcernées.

Natura 2000, c’est aussi un soutien auxefforts à faire en faveur de la biodiver-sité. Le dispositif des contrats Natura2000 prévoit des aides publiques encontrepartie de prestations fourniespour maintenir le bon état de conser-vation d’un habitat. Puisque lesmesures de gestion au titre de Natura2000 sont contractuelles, elles ne peu-vent être mises en œuvre qu’avec l’ac-cord du propriétaire ou de son ges-tionnaire.

Finalement, la création d’un site Natura2000 n’entraîne pas en soi de contrain-te particulière pour les propriétaires oules exploitants, si ce n’est – développe-ment durable oblige – l’obligation desoumettre à une évaluation appropriéecertains projets (plutôt rares en forêt !)qui sont déjà soumis à autorisation etqui, le plus souvent, sont déjà soumis àune forme d’évaluation environnemen-tale.

Comment la forêt publique est-elleprise en compte dans le processusNatura 2000 ?Sur l’ensemble du territoire, la forêtpublique, du fait de ses objectifs et deses modalités de gestion, doit présen-ter de réelles garanties de gestiondurable. Ceci lui confère naturellementune position particulière dans le réseauNatura 2000.

Les milieux forestiers couvrent un tiersdu réseau Natura 2000, soit environ1 200 000 ha. La forêt publique y occu-pe une place relativement forte, prèsde 50 % : 300 000 ha de forêts des

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Site Natura 2000 en FD Orléans : le marais Boivin abrite en mosaïque deshabitats d'eau libre et des zones de boulaies sur sphaignes résiduelles

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collectivités et 250 000 ha de forêtsdomaniales. Signe assurément de laqualité patrimoniale des forêtspubliques, mais aussi responsabilitéimportante des communes forestières,de l’État propriétaire et de l’ONF pourla conservation de la biodiversité fores-tière. Ainsi, la gestion pratiquée parl’ONF doit contribuer à assurer lemaintien et le développement d’unediversité biologique dans des forêtsdéjà riches au niveau écologique.

En outre, il faut signaler que l’ONF estchargé de l’élaboration de quelque150 documents d’objectifs, ce qui enfait le premier opérateur, avec 20 % desDOCOB engagés. Il a aussi été choisicomme structure animatrice sur unetrentaine de sites. Cela démontre quel’établissement est déjà positionnécomme un acteur principal dans lamise en œuvre du réseau Natura 2000,fort de son expérience de gestionnaired’espaces naturels ; il gagnera aussi às’enrichir dans l’animation de ces pro-jets de territoire.

La valorisation d’expériences concrètesen forêt publique peut démontrer lacapacité effective de mieux intégrerNatura 2000 dans les préoccupationslocales de développement durable.

Où en sont les contrats de gestion ?Quels sont les moyens pour Natura2000 ?Rappelons que les contrats Natura2000 rémunèrent des gestionnaires oudes propriétaires pour des actions, ins-crites dans le document d’objectifs, quiconcourent à garantir un bon état deconservation des seuls habitats oud’espèces d’intérêt communautaire.Ces contrats n’ont donc pas pour objetde rémunérer l’ensemble des fonctionsenvironnementales de la forêt. Lesmesures forestières pertinentes au titrede Natura 2000 ont fait l’objet d’uneréflexion associant les représentantsdes propriétaires et des gestionnairesaussi bien de la forêt privée que de laforêt publique. La circulaire « gestiondes sites Natura 2000 », conjointe auxministères de l’écologie et de l’agricul-ture, sera actualisée cet automne avecune fiche technique sur les contrats

Natura 2000 en forêt accompagnée dela liste d’une douzaine de mesuresforestières identifiées comme finan-çables par l’État.

En 2004, le budget affecté aux premierscontrats Natura 2000 cofinancés par leministère de l’écologie autorise un enga-gement de plus de 4 millions d’euros,pour des actions en milieux naturels nonagricoles, dont la forêt. Pour les milieuxagricoles, le contrat Natura 2000 prend laforme du contrat d’agriculture durable,cofinancé par le ministère de l’agriculture.Les autres moyens consacrés à Natura2000, quelque 12 millions d’euros, sontaffectés de façon prioritaire à l’achève-ment des documents d’objectifs quiont été engagés et à l’animation dessites dotés d’un document d’objectifsopérationnel. Deux études de référen-tiels technico-économiques ont étélancées cette année pour mieux cadrerle dispositif contractuel de gestion, surles milieux humides, d’une part, et surles milieux ouverts, d’autre part.

Natura 2000 suffira-t-il à répondre àl’objectif de stopper la perte de bio-diversité en Europe et plus particu-lièrement en France ?La contribution du réseau Natura 2000à cet objectif est certes forte, mais cen’est pas le seul outil ! L’ensemble duterritoire mais aussi la diversité ordinai-

re sont concernées par la perte de bio-diversité, en raison notamment de lafragmentation et de l’altération deshabitats naturels, mais aussi de l’intro-duction d’espèces allogènes. C’est ence sens qu’un plan d’actions priori-taires est en cours d’élaboration par lesdifférents ministères dans le cadre de larécente stratégie nationale pour la bio-diversité, adoptée que le gouverne-ment en 2004.

Cela dit, le réseau Natura 2000 a mani-festement ouvert la voie d’un change-ment d’échelle en matière de protec-tion de la nature, en consacrant lesdémarches contractuelles et l’intégra-tion de la biodiversité dans les poli-tiques sectorielles. Cette nouvelleapproche se développe sur près de10 % du territoire national et concerneterritorialement plus de 10 000 com-munes !

Cela ouvre un champ extrêmementlarge, qui permet d’intégrer l’enjeu dela biodiversité à une échelle importan-te sur le territoire et finalement à unniveau d’exigence assez élevé. De cepoint de vue, c’est une étape impor-tante qui fera date au niveau mondialpuisque cette initiative de l’Union euro-péenne, de créer un réseau écologiqueà une échelle continentale, est une pre-mière mondiale.

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Le Barangeon, proposé au titre des sites de forêt alluviale riveraine (FD Vouzeron)

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ne partie du domaine gérépar l’ONF longe le littoral

(ONF, 1996). Sur la côte atlantique, de laBretagne au sud des Landes, ce sont prin-cipalement des milieux dunaires, dont lesforêts littorales résultent des travaux defixation du XIXe siècle. Sur la côte médi-terranéenne ce sont plutôt des côtesrocheuses, situées en grande partie dansle Var et les Bouches du Rhône. Ce litto-ral forestier ou assimilé, est concerné parles nombreux statuts juridiques et régle-mentaires qui ont cours sur l’ensemble duterritoire. Nous n’aborderons ici que lesoutils de protection spécifiques au littoral,et qui ne sont pas traités par ailleurs dansce dossier. Une approche rapide auniveau européen précèdera l’étude de lasituation en France.

Des recommandationseuropéennes pour une

gestion intégrée des zonescôtières (GIZC)

Les côtes de l’Union européenne repré-sentent un enjeu majeur. Pourtant, lescarences constatées par la Commission,à la suite d’un programme s’appuyantsur des projets locaux de démonstrationde gestion intégrée des zones côtières,sont importantes : détérioration de l’en-vironnement et des conditions de vie,déclin des secteurs traditionnels« durables » au profit d’activités nondurables, érosion côtière et lutte inadap-tée, absence de réseaux adaptés decommunication et de transport.

Face à ce constat (Commission euro-péenne 1999), la Commission a cherché àélaborer une stratégie européenne degestion du littoral. Des principes clés debonne gestion ont été proposés aux étatsmembres, qui déterminent la stratégie degestion intégrée des zones côtières enEurope (recommandation du Parlementeuropéen et du Conseil du 30 mai 2002,JOCE du 6 juin 2002) :

une approche très large pour

prendre en compte la complexité dessystèmes fonctionnels, institutionnelset socio-économiques,

une prise en compte des conditionslocales,

une synergie avec les processusnaturels,

des décisions qui ne ferment aucuneporte pour l’avenir,

le recours à une planification partici-pative.Il s’agit, sur le long terme, de trouver lejuste équilibre entre le développementéconomique et l’utilisation des zonescôtières par l’homme, la protection, lasauvegarde et la régénération de ceszones, enfin le libre accès et la jouis-sance de ces zones, le tout dans leslimites fixées par la dynamique et lacapacité du milieu naturel.

La Commission aidera l’application decette politique grâce notamment auxfonds structurels, aux programmesINTERREG et LIFE. Par ailleurs, l’UEveillera à ce que ses autres politiquessoient compatibles avec le programmed’aménagement intégré des zonescôtières (pêche, pollution, mesuresagri-environnementales, cabotage…).L’agence européenne pour l’environne-ment prépare des indicateurs de sur-veillance des zones côtières.

En vertu du principe de subsidiarité,c’est chaque pays qui adapte cesrecommandations à son contexte parti-culier. La France a décidé de mettre enapplication la recommandation du par-lement européen lors du comité inter-ministériel de la mer du 29 avril 2003.

Un programme « Eurosion » (livingwith coastal erosion in Europe) s’ap-puyant sur diverses études de cas (dontl’Aquitaine) se conclut en 2004 pardiverses recommandations :

laisser place aux processus côtiersnaturels,

« internaliser » le coût de l’érosiondans les aménagements,

renforcer la connaissance des proces-sus et diffuser les bonnes pratiques...

La forêt n’est pas explicitement traitéedans ces diverses recommandationseuropéennes, cependant, l’érosion mari-ne restant une question cruciale, les côtessableuses et leurs systèmes dunairesassociés sont au premier rang des préoc-cupations. Animateur de deux projetsLife-Environnement, l’ONF, qui est certai-nement l’un des plus importants gestion-naires directs de dunes littorales, a appor-té sa contribution à l’élaboration de prin-cipes de gestion durable des côtesmeubles (Favennec, 2002).

La protection du littoral : vers une gestion intégrée ?

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La dune littorale non boisée protège l’intérieur du pays, c’est aussi uneriche mosaïque d’habitats originaux de grande valeur patrimoniale

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En France, une lentematuration mène

à la loi « littoral »

Deux jalons clés de cette évolution juri-dique et réglementaire (voir encadréRepères) sont la création duConservatoire du littoral en 1975 et la loi« littoral » de 1986.

Le Conservatoire du littoralC’est un établissement public administra-tif, créé pour assurer la protection défini-tive des espaces naturels remarquablessitués en bord de mer et sur les rives deslacs de plus de 1000 ha. La loi du27 février 2002, modifiant le code de l’en-vironnement, a autorisé l’intervention duConservatoire sur le domaine publicmaritime (entre le trait de côte et la lignedes 12 milles –22 km–, limite de la merterritoriale), ce qui permettra dans un pre-mier temps de mettre en cohérence lagestion des domaines terrestre et marinau droit des propriétés actuelles.

Le Conservatoire procède à l’achatdes terrains à conserver, à l’amiable,par préemption, et plus rarement parexpropriation. En concertation avecles Conseils de Rivages, leConservatoire associe les collectivitéslocales à la définition des programmesd’acquisition. L’objectif à long termeest d’assurer la maîtrise foncière du« tiers naturel » des côtes françaises.Début 2004, le Conservatoire a acquis810 km de rivage.

Les sites du Conservatoire du littoralsont ouverts au public, dans la limitecompatible avec la préservation dumilieu. Leur gestion est déléguée parconvention aux collectivités locales,aux départements, à l’ONF pour lessites boisés. L’association « Rivagesde France » regroupe les gestion-naires des terrains du Conservatoire(l’ONF est membre du Conseil d’ad-ministration).

Conservatoire du littoral et ONF :réflexion commune pour une charte

Le Conservatoire du littoral et l’ONF,confrontés sur le littoral à des pro-blèmes souvent identiques, sur desterrains en outre parfois voisins, sesont rapprochés pour élaborer unecharte de partenariat. Celle-ci auranotamment pour objectif de conforterla coopération des deux établisse-ments publics, plus particulièrementdans les domaines suivants :

consultations réciproques etréflexion relative à une philosophiecommune de la gestion des espaceslittoraux publics en France,

modalités d’application du régimeforestier (plans de gestion, program-mation et bilans de gestion…),

modalités d’intervention des deuxétablissements publics l’un pourl’autre, ou conjointement pour lecompte de tiers,

échanges de compétences.Cette charte, prévue pour concerneraussi les départements d’outre-mer,devrait voir le jour d’ici la fin de l’an-née 2004.

J.P. GRILLET

Délégué du C.E.R.L. pour la Corse

O.SOULERES

Directeur de l’agence ONF de Bordeaux

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Quelques jalons de l’histoire récente

1962 Création de la DATAR, instrument de l’État pour l’aménagement du territoire

1970 Premier Ministère de l’Environnement, prise de conscience environnementale

1973 Rapport Piquard (première réflexion de gestion intégrée). Il oriente la poli-tique ultérieure : aménagement en profondeur, coopération intercommuna-le, et prévoit la création du Conservatoire du littoral

1975 Création du Conservatoire du littoral : politique foncière de sauvegarde

1979 Directive du 25 août (dite d’Ornano) : la protection du littoral est un « impé-ratif national » auquel « doit satisfaire toute décision d’aménagement »

1986 Loi « littoral » du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et lamise en valeur du littoral

1989 Décret d’application de la loi « littoral » (20 sept 89)

1995 Loi du 2 février 1995 (dite loi « Barnier »). Respect de la protection de l’envi-ronnement. Traite notamment du principe de précaution, du principe pol-lueur-payeur, et des risques naturels majeurs

1995 Institution des DTA (Directives territoriales d’aménagement) par la loi du4 février 1995 dite loi « Pasqua » (L.111-1-1 du code de l’urbanisme) : fixationdes principaux objectifs de l’État en matière de grands équipements et depréservation des espaces naturels. Les DTA peuvent préciser les modalitésd’application des lois montagne et littoral. Adoptées par décret en Conseild’État, les DTA ont une forte valeur juridique. Leur élaboration est complexe ;sur le littoral une seule DTA est aboutie (Côte d’azur), une autre est en cours(estuaire de la Loire)

2000 Loi « SRU » (Solidarité et renouvellement urbain) du 13 décembre 2000. Labande des 100 m de la loi littoral peut être élargie

2002 Loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité qui renforce le rôledes Conseils de rivage et permet l’intervention du Conservatoire du littoral surle domaine public maritime

2003 Le comité interministériel de la mer du 29 avril décide de mettre en applica-tion la recommandation européenne 2002/413/CE (Parlement européen etConseil, du 30 mai 2002) qui prévoit une gestion intégrée des zones côtières

2003 Loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiquesnaturels et à la réparation des dommages (NS de l’ONF : 03-T-216 du14 octobre 2003). Les art. 75 et 76 concernent l’ONF, la loi consacre la com-mande de l’État pour les travaux de fixation des dunes (nouvel article L431.4 du code forestier)

2004 Création par les ministères de l’écologie et de l’équipement, et par la DATAR,d’un « observatoire du littoral », l’IFEN étant chargé de la conduite techniquede cet outil

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La loi « littoral »Elle détermine les conditions d’utili-sation et de mise en valeur desespaces terrestres, maritimes etlacustres. C’est une loi d’aménage-ment et d’urbanisme qui a pour but :

la protection des équilibres biolo-giques et écologiques, la préserva-tion des sites, des paysages et dupatrimoine culturel et naturel du litto-ral, afin de rétablir un équilibre par-fois compromis au seul profit d’activi-tés spéculatives, et de mieux maîtriserl’urbanisation,

la préservation et le développe-ment des activités économiques liéesà la proximité de l’eau,

la mise en œuvre d’un effort derecherche et d’innovation portant surles particularités et les ressources dulittoral.

L’article 2 définit les espaces concer-nés : communes riveraines des mers,des océans et des plans d’eau deplus de 1000 ha, des estuaires etdeltas (un décret du 29 mars 2004fixe la limite des communes rive-raines des estuaires).

Les principales implications pratiquesde la loi « littoral » sur notre gestiondes forêts publiques émanent dutitre I (Aménagement et protection dulittoral) dont le chapitre I (adaptationde certaines dispositions d’urbanis-me) prévoit l’ajout d’un chapitre VI autitre IV du code de l’urbanisme : dis-

positions particulières au littoral(Art. L.146-1 à L.146-9). Ils donnent àla loi « littoral » une forte valeur juri-dique (valeur de loi d’aménagementet d’urbanisme) s’imposant aux plansd’urbanisme.Article L.146-1 : les directions terri-toriales d’aménagement (DTA) peu-vent préciser les conditions d’utilisa-tion des espaces terrestres, mari-times et lacustres.Article L.146-2 : les documents d’ur-banisme doivent tenir compte de lapréservation des espaces et milieuxmentionnés à l’article L.146-6.Article L.146-4 : traite des extensionsd’urbanisation (soit en continuité avecl’existant, soit en hameaux nouveauxintégrés à l’environnement). Horszones urbanisées, construction interdi-te sur une bande de 100 m.

Article L.146-5 : concerne les terrainsde camping.Article L.146-6 : les documents relatifsà la vocation et à l’utilisation des solspréservent les espaces terrestres etmarins, sites et paysages remarquablesou caractéristiques du patrimoine natu-rel et culturel du littoral, et des milieuxnécessaires au maintien des équilibresbiologiques. Un décret du 26 sep-tembre 1989 (article R.146-1 du codede l’Urbanisme, précise la nature deces espaces et les aménagements quel’on peut y réaliser).Article L.146-7 : traite des nouvellesroutes (routes de transit à au moins2000 m du rivage).

Implication du L.146-6 dans la ges-tion littorale de l’ONFL’ensemble de la loi a un impact surnotre gestion, mais c’est l’article L.146-6du code de l’urbanisme qui est le plusmarquant : un décret de 1989 fixe la listedes sites ou paysages remarquables oucaractéristiques qui sont à préserver(R.146-1 du code de l’urbanisme) et leséquipements réalisables dans cesespaces (R.146-2). L’ONF a participé à ladétermination de ces espaces classés,guidé par la note de service 90-G-282, du27 juillet 1990, qui précise que les espacesnaturels gérés par l’ONF ont vocation àfaire partie des milieux à protéger au titrede la loi « littoral ».

Sur les côtes sableuses non urbaniséesde la côte atlantique, une bande ter-restre de 500 m à 1 km de large est engénéral classée « L.146-6 ». Elle corres-

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La loi « littoral » évitera, dans l’avenir, ce type de construction en zone àrisque, trop proche de milieux littoraux par nature mobiles

RDV techniques n° 5 - été 2004 - ONF

La mer et le vent tendent à remettre les dunes en mouvement. Les travauxde contrôle souple limitent l’érosion éolienne et maintiennent le sable au

plus près de sa source, ce qui modère l’érosion marine

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pond aux séries de protection de nosaménagements forestiers, comprenantla dune non boisée (dune blanche etdune grise), la lisière forestière déforméepar le vent chargé de sable et de sel, etune bande forestière de protection.

La délimitation du périmètre « L.146 6 »a posé des difficultés de plusieursordres : sur quels critères distinguer lessites remarquables et nécessaires auxéquilibres biologiques ? Ce classementne risque-t-il pas d’entraver certainesactivités qui jusqu’alors étaient consi-dérées comme « durables » ? Dans lessecteurs très touristiques, forts répan-dus sur le littoral, diverses démarchesd’intégration concertée du tourismepréexistaient à la loi « littoral », c’estnotamment le cas des « plans-plage »d’Aquitaine fondés sur le triptyque« accueil-sécurité-environnement ».Plusieurs approches des contours duL.146-6 se sont présentées : classer

large ou « détourer » les secteurs« plans-plage » existants et poten-tiels ? Dans l’esprit de la loi (équilibre,protection/développement), considé-rant ces aménagements d’accueilcomme de bonnes réponses de com-

promis, ce sont souvent de vasteszones L.146-6 qui ont été proposées.Très vite, certains aménagements, telsque les pistes cyclables ont été contes-tés. Les collectivités ont dénoncé uneinsécurité juridique, entrave au déve-loppement. Dans certains départe-ments, les services de l’État se sontorganisés pour clarifier l’application dela loi « littoral », c’est le cas de la mis-sion interservices pour l’Aménagementdes Landes (MISA, voir encadré).

Le décret 2004-310 du 29 mars 2004a un peu assoupli le R.146-2 du codede l’urbanisme. Les aménagementslégers suivants sont possibles :

les « cheminements » cyclables (maisni cimentés, ni bitumés),

les aires de stationnement indispen-sables à la maîtrise de la fréquentationsans qu’il en résulte un accroissementdes capacités effectives de stationne-ment (aires ni cimentées, ni bitumées),

l’extension limitée de bâtimentsnécessaires à l’activité économique.Ce décret permettra de débloquerquelques situations, mais il laisseraencore beaucoup de place à la juris-prudence. Par ailleurs, il induira un foi-sonnement d’alternatives techniquesau mal aimé bitume.La loi « littoral » prévoit la possibili-té de Schémas interrégionaux du lit-toral, ce sont en effet les démarchesde planification à grande échelle(Chartes régionales, DTA) qui aide-ront à clarifier le terrain juridique. Ilest probable que la seule réponse

Décret d’application de la loi « littoral » (Décret 89-694 du 20 septembre 1989)

Article R.146-1En application du premier alinéa de l’article L.146-6, sont préservés, dès lors qu’ilsconstituent un site ou un paysage remarquable ou caractéristique du patrimoine natu-rel et culturel du littoral, sont nécessaires au maintien des équilibres biologiques ou pré-sentent un intérêt écologique :a) Les dunes, les landes côtières, les plages et les lidos, les estrans, les falaises et lesabords de celles-ci ;b) Les forêts et zones boisées proches du rivage de la mer et des plans d’eau intérieursd’une superficie supérieure à 1000 hectares ;c) Les îlots inhabités ;d) Les parties naturelles des estuaires, des rias ou abers et des caps ;e) Les marais, les vasières, les tourbières, les plans d’eau, les zones humides et milieuxtemporairement immergés ;f) Les milieux abritant des concentrations naturelles d’espèces animales ou végétalestelles que les herbiers, les frayères, les nourrisseries et les gisements naturels decoquillages vivants ; les espaces délimités pour conserver les espèces en applicationde l’article 4 de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 et les zones de repos, de nidificationet de gagnage de l’avifaune désignée par la directive européenne n°79-409 du2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages ;g) Les parties naturelles des sites inscrits ou classés en application de la loi du2 mai 1930 modifiée et des parcs nationaux créés en application de la loi n° 60-708du 22 juillet 1960, ainsi que les réserves naturelles instituées en application de la loin° 76-629 du 10 juillet 1976 ;h) Les formations géologiques telles que les gisements de minéraux ou de fossiles, lesstratotypes, les grottes ou les accidents géologiques remarquables ;i) Les récifs coralliens, les lagons et les mangroves dans les départements d’outre-mer.

Article R.146-2Les aménagements légers suivants sont possibles :- chemins piétonniers et objet mobilier d’accueil ou du public,- aménagements nécessaires aux activités agricoles, de pêche ou forestières.

RDV techniques n° 5 - été 2004 - ONF

Les « plans plage » d’Aquitaine permettent de concilier accueil du publicet conservation des dunes littorales

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« durable » associera démarches glo-bale et locale en inscrivant les schémasrégionaux dans les principes de la loi.

Un confortement du sentier du littoralLe « sentier du douanier » est tombé endésuétude au début du XXe siècle. La loidu 31 décembre 1976 qui institue uneservitude de passage de 3 m de large lelong du littoral relance ces sentiers. Encréant une servitude d’accès transversalau rivage (Article 5 de la loi : articleL.160-6-1 du code de l’urbanisme), la loi« littoral » conforte le sentier quidevient un fort atout touristique. Dansplusieurs régions (Vendée, Var), l’ONFtravaille à la mise en place et à la gestionde ce sentier littoral, en collaborationavec les collectivités locales.

Conclusion

La prise en compte efficace des usagesmultiples des milieux côtiers, à moyen etlong terme, nécessite une approchesupra-nationale. Une réflexion de fond,menée au niveau européen, a produit desolides recommandations de gestionintégrée des zones côtières. Cependant,leur mise en pratique est souvent balbu-tiante, pour des raisons complexes

alliant culture « terrienne » dominante,coupure juridique entre terre et mer,superposition de responsabilités.

En France, grâce notamment aux deuxoutils forts que constituent leConservatoire du littoral et la loi « litto-ral », et aussi au rôle plus ancien joué parles forêts publiques littorales gérées parl’ONF, les côtes sont relativement bienprotégées. Mais la pression urbaine estconstante et, même s’il est certain que laloi « littoral » représente un changementfondamental d’approche du développe-ment côtier capable d’aider à arbitrer lesconflits d’usages de façon équilibrée, lavigilance s’impose.

Le statut de forêt domaniale n’est pas engénéral considéré comme un statut deprotection, cependant, la domanialité afortement contribué à limiter l’urbanisa-tion du littoral atlantique. Cette protec-tion foncière, qui commence à être priseen compte (Dauvin, 2002), mérite d’êtreassociée aux autres statuts. En Francemétropolitaine, ce sont plus de 1000 kmde côtes (sur un total de 5500 km) quisont protégées par deux établissementspublics, le Conservatoire du littoral etl’ONF. Un renforcement du dialogue et

de la collaboration entre les deux établis-sements se met en place. En plus d’unemeilleure lisibilité pour le public non aver-ti, ce rapprochement d’organismes àrôles et culture complémentaires est unedes voies de traduction concrète duconcept de gestion intégrée.

En effet, au-delà des lois et règlements,ce sont les modes de pensée qui doi-vent évoluer, c’est dans cet esprit quel’ONF participe à l’animation d’unréseau littoral, en lien avec Eucc-France,la branche française d’une associationeuropéennne (European Union ofCoastal Conservation) qui contribue àl’élaboration et la diffusion de connais-sances pour une conservation et unusage raisonné des littoraux.

Jean FAVENNECONF, direction technique

[email protected]

Bibliographie

Commission Européenne, 1999. Lesenseignements du programme dedémonstration de la CommissionEuropéenne sur l’aménagement inté-gré des zones côtières (AIZC). 98 p.

Commission européenne, 1999. Vers unestratégie européenne d’aménagementintégré des zones côtières : principesgénéraux et options politiques. 32 p.

DAUVIN J.C. (coord.), 2002. Gestionintégrée des zones côtières : outils etperspectives pour la préservation dupatrimoine naturel. Coll. “Patrimoinesnaturels”, n° 57. Paris : MuséumNational d’Histoire Naturelle. 346 p.

FAVENNEC J. (coord.), 2002.Connaissance et gestion durable desdunes de la côte atlantique. Coll. “Lesdossiers forestiers”, n° 11. Paris : ONFDirection technique. 394 p.

ONF, 1996. L’ONF et l’espace littoral.Paris : ONF Direction technique. 59 p.

RDV techniques n° 5 - été 2004 - ONF

La MISA des Landes : une valorisation du travail interministériel

Depuis 1991, un groupe de travail animé par la DDE et constitué de plusieurs servicesde l’État (DDAF, SDAP, DIREN, préfecture ) et de l’ONF (gestionnaire de milieux litto-raux) a travaillé à la mise en place d’une doctrine commune pour la mise en œuvre dela loi littoral dans le département des Landes. Ainsi est né le « schéma de cohérencepour l’application de la loi littoral » qui synthétise l’ensemble des contraintes d’aména-gement résultant de la loi littoral et constitue le point de vue de l’État, transmis aux éluset aux associations de protection de l’environnement dès 1993. En 1996, le préfet, dansle cadre de l’amélioration du travail interministériel, a proposé la constitution d’un pôleaménagement de l’espace qui intégrerait le groupe de travail loi littoral. Ce mêmegroupe, excepté l’ONF, constitue le noyau dur de la MISA.

La MISA se réunit une fois par mois. Son objectif est de proposer des orientationset des positions communes des services de l’État afin d’améliorer la cohérence etl’efficacité de l’action administrative dans les domaines de l’urbanisme, l’environne-ment, la loi littoral et la connaissance des territoires. Deux types d’actions sontmenés : l’instruction de dossiers à enjeu sensible, et plus récemment de dossiers deplanification territoriale, permettant d’élaborer des positions communes, et desréflexions portant sur des éléments de doctrine (littoral, risques, loi paysage…), oud’organisation pour une meilleure connaissance des territoires.

La MISA s’affirme donc en tant qu’instance de détermination des enjeux partagéspar les services locaux de l’État dans le cadre du partenariat que nécessitent lesthèmes d’études proposés.

J.L. FARGUESDDE des Landes

Page 56: en bref - ONF

es dispositions de protec-tion du patrimoine culturel

et du paysage, contenues dans de nom-breux codes (forestier, urbanisme, envi-ronnement, patrimoine, ...), sont parfoiscomplexes et font pour certaines appelà des procédures de concertation.

Les gestionnaires de la forêt publiqueont non seulement l’obligation légalede prendre en compte le patrimoineculturel et paysager dans l’élaborationde l’aménagement forestier et dans samise en œuvre au quotidien, mais aussiune obligation morale de préserver etde mettre en valeur le paysage dont ilsont la charge, même s’il n’est pas expli-citement doté d’un statut de protec-tion (cf. note de service 03-G-1115 du17 juin 2003 relatif au cadrage pourl’aménagement forestier).

Ces obligations se sont encore affirméesavec l’entrée en application depuis le1er mars 2004 de la Convention euro-péenne du paysage, document juri-dique qui concerne l’ensemble des pay-sages (dont les paysages forestiers). Ence qui concerne les aménagementsforestiers, les dispositifs prévus par lesinstructions 95-T-26 du 8 février 1995 et97-T-97 du 17 septembre 1997 complé-tées par la note de service 03-G-1115 du17 juin 2003, garantissent largement lerespect des obligations découlant decette convention, aussi bien en matièred’analyses paysagères préalables et desynthèses (zonage – objectifs) qu’enmatière de programmes d’action.

Il apparaît alors utile pour le gestionnai-re de la forêt publique de faire le pointsur les aspects suivants :

Comment le paysage et le patrimoineculturel sont-ils pris en compte notam-ment par le statut de protection parmiles plus exigeants en matière de paysa-ge, à savoir le site classé ?

Quelles sont les implications de cestatut sur la gestion forestière ?

Quelles sont les démarches à suivrepar le gestionnaire ?

Quelles sont les marges de manœuvredont dispose le gestionnaire ?

Les deux articles qui suivent font lepoint sur ces questions plus particuliè-rement à travers l’approche des sitesclassés et inscrits au titre de la loi du 2mai 1930 (articles L.341.1 et suivants ducode de l’environnement) et des opé-rations « grand site » qui concernentavant tout des sites classés au caractè-re de patrimoine emblématique maisdégradé.

Les monuments historiques et le patri-moine culturel au sens large (cf. code dupatrimoine dont la partie législative estinstaurée par l’ordonnance n°2004-178du 20 février 2004) comprenant lesrichesses archéologiques, feront l’objetde recommandations ultérieures, unecollaboration entre l’ONF et le ministèrede la culture et de la communicationétant à l’étude sur cette thématique.Préalablement à toute action forestièrepouvant avoir une incidence fonction-nelle, écologique ou visuelle sur unmonument historique ou des vestigesculturels, il est indispensable de prendrel’avis de la direction régionale desaffaires culturelles (DRAC) ou de ses ser-vices spécialisés afin de convenir, d’uncommun accord, des mesures en faveurdu paysage répondant en même tempsaux objectifs fixés à la forêt.

De plus, ainsi qu’il est stipulé auxarticles L.642-1 et 2 du code du patri-moine, des zones de protection dupatrimoine architectural, urbain et pay-sager (ZPPAUP) peuvent être instituéesautour des monuments historiques. Legestionnaire forestier doit être attentifaux obligations qui peuvent découlerdes « règlements » de la zone, bienqu’en principe ceux-ci ne concernentpas l’entretien courant de l’espaceboisé. Enfin, la ZPPAUP ne peut com-

porter d’obligations en matière de réa-lisations (par exemple : ... ouvrir unevue perspective sur ....)

Les espaces classés boisés (ECB) autitre d’un plan local d’urbanisme (PLU),lorsqu’ils sont inclus dans une forêtrelevant du régime forestier dotée d’unaménagement forestier approuvé, nenécessitent pas de demande d’autori-sation ou d’avis des autorités compé-tentes lorsque les travaux envisagéss’inscrivent dans la gestion courante dela forêt.

Enfin, il faut rappeler la nécessité pourle gestionnaire de prendre aussi enconsidération la protection et la miseen valeur de ce qui est appelé abusive-ment le petit patrimoine, qui n’est sou-vent protégé par aucun dispositif légal.À cet égard il faut attirer l’attention surl’article L.143-2 du code du patrimoine,qui stipule que « la Fondation du patri-moine a pour but de promouvoir laconnaissance, la conservation et lamise en valeur du patrimoine national.Elle s’attache à l’identification, à la pré-servation et à la mise en valeur dupatrimoine non protégé. Elle contribueà la sauvegarde des monuments, édi-fices, ensembles mobiliers ou élémentsremarquables des espaces naturels oupaysagers menacés de dégradation,de disparition ou de dispersion. (...) Elleapporte son concours à des personnespubliques ou privées, notamment parsubvention, pour l’acquisition, l’entre-tien, la gestion et la présentation aupublic de ces biens, qu’ils aient ou nonfait l’objet de mesures de protectionprévues par le présent code. »

Peter BREMANONF, direction technique,

département aménagement, sylvicultures et espaces naturels

[email protected]

Quelles protections du paysage et dupatrimoine culturel en forêt ?

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RDV techniques n° 5 - été 2004 - ONF

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u vu des difficultés ren-contrées par bon

nombre de gestionnaires de la forêtpublique, il s’avère utile de rappelerles obligations en matière de sitesinscrits et classés au titre de la loi du2 mai 1930 (article 341.1 et suivantsdu code de l’environnement), et derechercher une simplification desdémarches. Les questions concer-nent surtout les aspects légaux aux-quels le présent article se proposed’apporter des éléments de réponse.

Qu’est-ce que la loi entendpar site inscrit et site classé ?

L’article 341.1 précise qu’il existe« dans chaque département, uneliste des monuments naturels et dessites sont la conservation ou la pré-servation présente, au point de vueartistique, historique, scientifique,légendaire ou pittoresque, un intérêtgénéral ». Certains monuments natu-rels et sites sont inscrits sur cetteliste (environ 5100), d’autres sontclassés (environ 2700). L’ensemble

concerne plus de 770 000 ha du terri-toire national.

Les obligations ne serapportent qu’à l’état etl’aspect des sites classés

Aux termes de la loi du 2 mai 1930 surles sites naturels, toute modification oudestruction des sites classés « dans leurétat ou dans leur aspect » est interditesauf autorisation spéciale délivrée,dans le cas de travaux forestiers, par leministre chargé des sites (art. L.341.10du CE et art. 4 du décret du 15décembre 1988 modifiant la loi de1930). On notera dès à présent que lesdispositions de la loi du 2 mai 1930 nefont pas référence à la notion de tra-vaux d’exploitation courante pour lessites classés, ce critère n’apparaissantqu’en matière de sites inscrits (pourlesquels une simple obligation dedéclaration préalable des travauxquatre mois à l’avance est requise - art.L 341.1 du CE) et pendant l’instance declassement des sites (exemption d’au-torisation - art. L 341.7 du CE).

En l’absence de définition jurispruden-tielle plus précise, l’état du site se rap-porte à la destination des terrainsconcernés (terrains à vocation agricole,forestière…) alors que l’aspect concernel’apparence extérieure du site, notam-ment sur le plan visuel (et esthétique).

Les travaux affectant l’état ou l’aspect dusite classé nécessitent des autorisations.En conséquence, conformément à laloi, tous les travaux forestiers suscep-tibles de modifier l’état ou l’aspect dusite classé doivent faire l’objet d’uneautorisation délivrée par le ministrechargé des sites après avis de la com-mission départementale des sites et, sile ministre le juge utile, de la commis-sion supérieure des sites (art. 4 dudécret du 15 décembre 1988 précité).

Par exemple, si la construction d’uneroute forestière ne porte pas atteinte àl’état du site (les terrains conservent eneffet leur destination forestière, laroute participant à l’exploitation et à lagestion des fonds), elle peut constitueren revanche une modification de l’as-pect du site.

La prise en compte du paysage dans les sites inscrits et classés :

autorisations ponctuelles ou globale pourrépondre aux obligations légales ?

La gestion des peuplements proches de monuments – grands ou petits – nécessite des objectifs et une mise en œuvreclairement définis. Le souci légitime de protection doit intégrer aussi les données de la dynamique végétale.

(Château de Lichtenberg, Bas Rhin)

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De même, la transformation d’un peu-plement feuillu en peuplement rési-neux ou inversement, ainsi qu’unecoupe rase (ou une coupe définitive)modifient l’aspect du site mais pas sonétat. Dans ces deux cas, des autorisa-tions préalables de travaux sont indis-pensables.

Aménagement forestier : unedémarche particulière en

forêt publique

L’instruction n° 95-T-26 du 8 février1995 sur l’aménagement forestier desforêts relevant du régime forestier faitmention d’une obligation particulière.En effet elle stipule que l’avis de la

commission départementale des sites,perspectives et paysages doit êtrerecueilli lorsque la forêt inclut un siteclassé, avant que l’aménagement soitsoumis à approbation du ministre char-gé des forêts pour les forêts doma-niales et du préfet de région pour lesforêts non domaniales.

Compte tenu de ce qui précède, il estévident que l’avis de la commissiondépartementale portera notammentsur les éventuelles modifications del’aspect des sites, donc sur l’aspectpaysager des opérations forestières,puisqu’il n’y a pas généralement modi-fication de l’état des sites.

Même si l’avis de la commission à cestade ne correspond pas à une obliga-tion légale, un avis favorable sur ledocument prévisionnel qu’est l’aména-gement forestier, peut considérable-ment faciliter les relations entre l’ONFet le ministère chargé de l’environne-ment en la matière.

Vers un accord global parconvention ?

Si le gestionnaire du site souhaiteobtenir un avis favorable pour unensemble d’opérations à réaliserdurant une période bien définie (géné-ralement la durée d’application d’unaménagement forestier), il faut toutd’abord que ces opérations soientdécrites avec précision. Lorsqu’uneforêt inclut un site, une telle descrip-tion fine pourrait être réalisée dans unaménagement forestier ou dans undocument annexé et portant plus parti-culièrement sur le site classé en ques-tion. Une concertation préalable avecla DIREN concernée est indispensable.À ce titre, il faut noter avec satisfactionle nombre croissant d’accords de prin-cipe des DIREN visant une autorisationglobale des travaux au lieu des autori-sations au coup par coup.

En effet, une autorisation globale,matérialisée par une convention entreles parties concernées, aura l’incontes-table avantage de mettre en évidencela cohérence des opérations et le main-

tien de l’esprit global des lieux. Lesdemandes fractionnées sont beaucoupplus difficile à apprécier dans leurcontexte, notamment à court terme.

Une telle convention se bâtiraautour du projet paysager intégrédans les aménagements forestiersportant sur le site classé. Elle doitaussi apporter des précisions le caséchéant, en attendant une simplifi-cation administrative plus large, surles autorisations pour chaque opé-ration individuelle prévue par la loi,afin que celles-ci puissent être obte-nues sans justification complémen-taire et dans des délais compatiblesavec la planification normale destravaux forestiers.

En conclusion

L’absence d’une autorisation globalede travaux oblige le gestionnaire à réa-liser des études paysagères préalablesau coup par coup. Ces études, sanslien entre elles, sont en outre plus oné-reuses par la multiplicité des concerta-tions qu’elles nécessitent

Il faut donc insister sur l’intérêt desautorisations globales de travaux.Celles-ci seront cependant logique-ment soumises à la réalisation d’uneapproche paysagère à hauteur desenjeux, mettant en évidence l’évolu-tion de l’impact, notamment visuel,des travaux à réaliser dans le paysa-ge forestier. L’aménagiste peut alorsfaire appel à des compétences pay-sagères internes (y compris en matiè-re de simulation visuelle en 3D), ou,le cas échéant, associer des per-sonnes compétentes extérieures àl’Office à la réflexion.

Peter BREMANONF, direction technique

département aménagement, sylvi-cultures et espaces naturels

[email protected]

Claude JAILLETONF, département juridique

[email protected]

La création d’ouvertures dans le manteauforestier pour valoriser des éléments

minéraux emblématiques, comme desrochers en forêt de Fontainebleau, passepar une approche paysagère spécifique,

notamment quant au choix d’arbres àenlever, à la superficie à traiter et aux

techniques de gestion dans le temps àmettre en œuvre (FD de Fontainebleau)

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ne OGS est une démarchepragmatique d'aménage-

ment du territoire proposée par le minis-tère de l’écologie et du développementdurable en réponse au problème dedégradation d’un site majeur sur le plannational et, à ce titre, classé (L.341-1 etsuivants du code de l'environnement,ancienne loi de 1930). En partenariatavec les collectivités territoriales, l’Étatapporte son concours financier à saremise en état. La réalisation d’une OGSrépond à un triple objectif :

restaurer la qualité paysagère du site,déterminer une structure pérenne res-

ponsable de la mise en oeuvre desactions de réhabilitation et de la gestionfuture du site (1),

permettre que les mesures adoptéesbénéficient au développement local.L'ensemble forme un projet de dévelop-pement durable pour le site.

Pour pouvoir bénéficier d’une telledémarche, un site doit réunir les condi-tions préalables indispensables sui-vantes :1 - être un site classé sur une partie deson espace,2 - être un espace d’intérêt national,c’est à dire être un paysage remar-quable, symbolique ou d’une portée cul-turelle largement reconnue,3 - connaître des périodes ou des zonesde fréquentation excessive au point deperdre les qualités esthétiques, natu-

relles ou culturelles qui sont à l’originede sa renommée,4 - faire l’objet d’une volonté de réhabi-litation soutenue par un large consensuslocal (2).Le cadre méthodologique d’une OGScomporte deux phases distinctes, lesétudes préalables à la définition du pro-jet, phase importante de concertationentre les partenaires, puis, après contrac-tualisation, les travaux, avec pour chaquephase une intervention financièreconjointe des instances publiques,locales ou communautaires et de l’Etat.

PHASE I : les études et leprojet

Ces études reposent sur un triple étatdes lieux :1 - une analyse-diagnostic portant unregard critique sur les dysfonctionne-ments liés au site (3)2 - une enquête fine de fréquentationdu site (4) 3 - une analyse du site dans toutes sescomposantes : paysage (5), relationséconomiques, etc.Sous l’autorité du préfet, un comité depilotage associant les élus, les différentsservices déconcentrés et les partenaireslocaux (6) établit un programme généralde réhabilitation et de mise en valeur dusite, définit un schéma global de fonc-tionnement, et propose un plan de finan-cement détaillé.

Le préfet formalise par la signatured’une convention d'actions et de finan-cements les engagements entre les col-lectivités territoriales impliquées, lesautres partenaires financiers et l’Etat,après accord du ministre sur le projetglobal.

PHASE II : les travaux

Pour mettre en œuvre le projet, le maîtred’ouvrage sollicite du ministre chargé del’environnement l’autorisation de réali-ser les travaux de réhabilitation définisdans le programme général. Cette auto-risation ministérielle est un préalable à lamise en place des financements accor-dés par l’État (7).Depuis la relance de cette politique en1989, l’État a co-financé, au titre des OGS,une trentaine d’opérations (8). Sa partici-pation financière se situant autour de1 m en moyenne par opération.

Après la réhabilitation, le label GRANDSITE DE FRANCE®, mis en œuvre en2003, peut être décerné au gestionnairedu site dans les conditions prévues parle règlement d'usage.

Anne-Françoise PILLIAS Ministère de l’écologie

et du développement durableDirection de la nature et des paysages

Sous-direction des sites et paysages

La politique des opérations « grand site »(OGS)

(1) l’ONF peut être chargé de cette responsabilité soit seul, soit en partenariat à travers un syndicat mixte. En présence d’une forêt publique, cela peut impliquer ledéveloppement important d’une approche paysagère dans le cadre de l’aménagement forestier – notamment dans les titres 2, 4 et 5).

(2) il faut noter qu’actuellement 8 OGS sont terminées, 13 en cours de travaux et 24 en cours d’études).

(3) pour les milieux boisés, cette phase concerne aussi bien l’état et la richesse des peuplements que l’état et les potentialités des sols. Le nombre, la nature et l’usa-ge des accès et des éléments liés à l’accueil du public sont, comme les éventuels conflits d’usage, examinés à ce stade).

(4) dans le cas des forêts publiques, c’est ici que s’inscrit l’élaboration de la carte des paysages remarquables et des sensibilités paysagères prévue au Titre 2 de l’amé-nagement forestier).

(5) le cas échéant une typologie des unités du paysage forestier – intégrant bien entendu les dimensions sociales et culturelles - complétant la carte des paysagesremarquables et des sensibilités paysagères peut s’avérer utile)

(6) dont l’ONF si le site concerne la forêts publiques)

(7) le cas échéant l’aménagement forestier doit être en conformité avec ce programme général. Dans ce cas il est, comme pour les sites classés – cf. article précédent– fortement souhaitable qu’une autorisation globale soit accordée au vu de la prise en compte du paysage dans l’aménagement forestier pour toute sa durée d’ap-plication, par une convention particulière entre les parties concernées. Cette convention ne doit pas être confondue avec celle mentionnée précédemment concernantles actions et le financement dont la portée est plus générale).

(8) site du Pont du Gard, site du Canigou,...)

UU

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La région et son milieu

Une vaste région, très forestièreL’extrémité Nord-Est de la France estoccupée par un immense massif forestiercompact, l’un des plus vastes de l’Europemoyenne, la forêt des Vosges du Nord,partie septentrionale du Massif vosgien,prolongée par delà la frontière franco-allemande quasi invisible sur le terrain,par le Pfälzerwald ou forêt palatine. Cetterégion est préservée de l’urbanisation etde l’industrialisation. Du côté français,comme du côté allemand, les forêtspubliques et notamment domaniales,sont largement dominantes. C’est dansce contexte qu’a été mise sur pied depuisl’année 2000, une réserve forestière trans-frontalière de 401 ha, la réserve biolo-gique intégrale de Lutzelhardt -Adelsberg, du nom des deux lieux ditsconcernés.

La région est sous l’influence d’un climatsemi-continental médioeuropéen (tem-pérature annuelle moyenne de 8,7 °C,précipitations de 880 mm dont 43 % enpériode de végétation). Le substrat géo-

logique de l’ensemble de la réserve estun massif gréseux orienté SW-NE entre leplateau lorrain et le fossé rhénan, qui adonné naissance à des sols acides (pH 3à 5) souvent profonds et filtrants. Mais lapluviométrie assez élevée compensepour partie la pauvreté du substrat. Lerelief bien que faible sur la réserve (250 à400 m) est mouvementé par une succes-sion de collines et vallons parcourus depetits ruisseaux ; l’exposition côté françaisest dominante ouest et sud, alors quecôté allemand, les versants nord sontmajoritaires. Le sommet des reliefs estsouvent occupé de bancs de conglomé-rat gréseux dont la forme ruiniforme estcaractéristique du paysage local.

Des débats d’experts phytosocio-logues et ornithologuesLes habitats naturels selon la nomenclatu-re CORINE Biotopes concernent leLuzulo-Fagetum. Mais les interprétationsfrançaises et allemandes de la dynamiquenaturelle diffèrent. Les Allemands pen-sent que l’évolution tend vers la hêtraiepure, et que les chênes sessiles présentsn’ont perduré que grâce à l’action humai-ne qui les a favorisés. Côté français, onpense être dans une sous association, leFago-Quercetum, car certaines stationssont favorables au chêne sessile (terrainssecs et pauvres) et certaines données his-toriques issues de l’abbaye deSturzelbronn tendent à prouver l’existen-ce, voire l’abondance, ancienne de l’es-sence. Dans tous les cas, on est en pré-sence d’un habitat représentatif et éten-du de la région naturelle (la hêtraie colli-néenne à luzule), classé d’intérêt commu-nautaire au titre de la directive habitats

(code Corinne Biotope 41. 11, N 20009110). Luzule blanchâtre, canche flexueu-se, myrtille, lichens et mousses (Dicranumet Polytrichum) dominent largement laflore herbacée locale.

En matière de cartographie des sta-tions, les approches françaises et alle-mandes sont très différentes ; la pre-mière est basée sur la phytosociologieet discrimine dix types avec une largedominance de la pineraie-chênaie ses-siliflore hyperacidiphile ; la secondeprivilégie la pédologie et accorde surle territoire concerné la prédominanceaux sols sableux assez frais à frais.

Des peuplements vieillis à base d’es-sences localesLes peuplements forestiers en présencesont à base de pin sylvestre, chêne ses-sile et hêtre qui constituent les troisessences principales de la région. Côtéfrançais, le pin domine (57 %), et il estissu pour partie de semis artificiel aprèsl’appauvrissement des sols résultant dupâturage en forêt et de la surexploita-tion du hêtre pour la fabrication du char-bon à bois. Côté allemand, le chênesessile est dominant (48 %). Le hêtrearrive en troisième position des deuxcôtés de la frontière avec 11 % de repré-sentativité dans l’étage dominant. Autitre des allochtones, il faut citer l’épicéa(6 %) essentiellement en Allemagne, etle douglas des deux côtés de la frontiè-re, surtout représenté dans les peuple-ments jeunes.Les peuplements se présentent enfutaies régulières avec pour classed’âge largement dominante celle de

Si la problématique de protection dépasse bien souvent les limites imposées par les frontières,

les réalisations concrètes qui prennent cette dimension en compte sont rares. La réserve

transfrontalière franco-allemande établie en 2000, très novatrice sur le plan de l’organisation,

ouvre en outre des perspectives de collaborations scientifiques très importantes.

La réserve biologique intégraletransfrontalière franco-allemande de

Lützelhardt – Adelsberg

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120 à 150 ans (52 % de la surface).Cette forte proportion de bois âgésconstitue un atout favorable dans laréserve intégrale, puisqu’un desobjectifs essentiels est l’observationde la dynamique naturelle de régé-nération des peuplements. Le capitalmoyen de bois sur pied est élevé etatteint les valeurs de 332 m3 par hapour 299 tiges. La qualité technolo-gique des bois est bonne (335 ml degrumes de qualité B par hectare).Sur le plan faunistique, aucune parti-cularité n’est à signaler. En ce quiconcerne le gibier, chevreuils et san-gliers sont abondants et permanents ;le cerf est rare. Les petits carnivoressemblent abondants, notamment lesrenards, chats sauvages et blaireaux.L’avifaune est abondante et diversi-fiée.

Le contexte humain etpolitique : démarche de

mise en place et objectifsde la réserve

Dans l’unique réserve mondialetransfrontalière de biosphèreCôté français, deux régions adminis-tratives sont concernées, la Lorraineavec le « pays de Bitche » qui partici-pe pour 99 ha, et l’Alsace avec les« basses Vosges gréseuses » quiapporte 110 ha. Côté allemand, onse situe exclusivement dans le landdu Palatinat et la contribution portesur 192 ha. La partie française de laréserve se situe dans le Massif vos-gien (décret du 20 septembre 1985),dans le parc naturel régional desVosges du Nord, et dans une réservemondiale de biosphère, label acquisen 1989. En Allemagne, la situationest identique avec la présence d’unparc naturel régional (le Pfälzerwald),et d’une réserve de biosphère.Depuis 1998 d’ailleurs, les deuxréserves mondiales de biosphère ontacquis le statut d’unique réserve debiosphère transfrontalière reconnuepar l’Unesco.

En Allemagne, il existait déjà surl’Adelsberg, une réserve forestièreintégrale de 2,5 ha (chênaie-tillaie)

depuis 1976, qui a été élargie à 76 haen 1995.

La frontière est matérialisée sur le ter-rain en application d’un traité datantde 1925 par un layon dégagé sur unelargeur de 2 m. Elle comporte desbornes historiques datées de 1605. Lesecteur est faiblement peuplé avec laproximité de quatre petits villages,Petersbächel et Ludwigswinkel enAllemagne, Obersteinbach etSturzelbronn en France. Des richessesculturelles existent sur le site : lesruines de la Lutzelhardt, monumenthistorique classé depuis le 6 décembre1898, château troglodytique du13e siècle détruit pendant la guerre de30 ans, les rochers du Lutzelhardt et duJudenhütl, et les peuplements detilleul de l’Adelsberg.

Une genèse longue ; des instructionsadaptées à chaque paysLa demande de constitution d’uneréserve intégrale transfrontalière a étéformulée en 1996 par l’administrationforestière allemande du Palatinatauprès de la direction générale del’ONF ; elle est issue d’une initiative duDr Eder du ministère de l’environne-ment de Rhénanie Palatinat, soutenuepar les deux parcs naturels. Cettedémarche faisait suite au classementen réserve de biosphère qui, enAllemagne, implique la création denoyaux de réserves intégrales. L’accordde la direction générale de l’ONF n’apas été difficile à obtenir ; la créationde la réserve s’inscrivait bien dans laconvention de collaboration renforcéeque notre établissement venait designer avec le programme MAB del’Unesco. Par ailleurs, le projet était ori-ginal et pilote ; il pouvait constituer uneoccasion concrète de confronter audelà d’une frontière, les politiques etles pratiques en matière de création etde fonctionnement des réserves biolo-giques forestières, ainsi que de compa-rer les méthodes scientifiques d’éva-luation des milieux.

Cinq années de démarches depuisl’idée, et une année de consultation etconcertation, ont néanmoins éténécessaires avant d’aboutir à la créa-

tion officielle de la réserve le7 juin 2000 en Allemagne, et le12 décembre 2000 en France. EnAllemagne, les décisions administra-tives s’imposent assez facilement àtous les acteurs, et notamment auxgestionnaires forestiers. En France, enrevanche, la concertation est nécessai-re, tant en direction des administra-tions et des élus locaux, que des repré-sentants des usagers de la forêt. EnAllemagne, c’est le service derecherche forestière du Land qui traiteseul les aspects techniques de ce typede dossier ; il possède d’ailleurs uneunité spécialisée dans ces probléma-tiques. En France, les services locauxde l’ONF sont toujours sollicités, etnotamment quand il est nécessaire deréaliser des études de terrain.

Le site a été choisi parmi trois poten-tiels dans le secteur ; il a été retenupour sa fréquentation touristiqueréduite, la présence de peuplementsâgés et pour partie subnaturels, sonhomogénéité et sa représentativitéstationnelle, et l’existence d’unnoyau de réserve en Allemagne.L’ensemble est compact, cohérent etcomporte des limites naturelles(fonds de vallons et crêtes) ou artifi-cielles (routes) pérennes.

Des partenariats variés et fructueuxDes partenariats multiples se sontdéveloppés et amplifiés autour de lacréation de la réserve : forestiers fran-çais et allemands, alsaciens et lor-rains, gestionnaires et chercheurs,mais aussi avec les autorités et lesservices des deux parcs de la réservemondiale de biosphère et les munici-palités des communes de situation.Les chasseurs et les randonneurs duClub vosgien ont également étéassociés d’emblée à la démarche deconsultation.

Les discussions préalables à la créa-tion ont concerné l’opportunitéscientifique et technique, la surface,la prise en compte du tourisme, l’op-portunité de la chasse, les risquessanitaires et d’incendies. Les diffé-rentes autorités administratives ontété consultées selon les règles juri-

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diques en vigueur dans chaque pays.Pour la France, les directions régio-nales de l’agriculture et les directionsrégionales de l’environnement alsa-ciennes et lorraines ont donné leuraval avant la prise de l’arrêté conjointdes ministères de tutelle de l’ONF.En Allemagne, pays fédéral, l’instruc-tion est passée par le ministère del’environnement et de la forêt deRhénanie-Palatinat à Mainz. Pour laFrance, il s’agit d’une des plusgrandes réserves du Nord-Est, dontla partie intégrale est à l’égal decelles du Frankenthal et du Ventron.C’est également la plus grande réser-ve intégrale de Rhénanie Palatinat.

Des objectifs ambitieuxLes objectifs scientifiques de la réservede Lutzelhardt – Adelsberg sont nom-breux, car la problématique desréserves intégrales est encore récente.Il s’agit d’apporter une pièce complé-mentaire au référentiel de naturalitéforestière européen, de protéger labiodiversité notamment celle liée auxgros et vieux arbres, et d’étudier la res-tauration de la sylvigenèse naturelle envue de comprendre le fonctionnementde la hêtraie naturelle (Luzulo –Fagetum ou Fago – Quercetum). Cesecteur à présent emblématique desVosges du Nord et de la forêt palatinedeviendra un laboratoire vivant pour larecherche et l’enseignement.

D’autres objectifs, moins techniques,mais tout aussi importants sont visés. Ilen va du renforcement de la construc-tion européenne et de la coopérationpartenariale approfondie, concrète etsur le long terme, avec les parcs et lecomité MAB France, comme avec lesforestiers allemands. Pour ce quiconcerne les foresteries allemandes etfrançaises, il s’agit ni plus ni moins deconfronter et rapprocher les approchestechniques et scientifiques ainsi que lespratiques, cynégétiques notamment.

Des problèmes potentiels à gérerDès avant la création de la réserve, àl’occasion de la phase de consulta-tion, des questions ont été soule-vées, comme celles de l’équilibrefaune-flore et de la nécessité de la

chasse, celle de la maîtrise de lapression touristique, et celle desrisques d’incendie et phytosanitairesliés à la non-gestion. C’est au comitéconsultatif scientifique qu’il appar-tiendra de se prononcer sur ces pro-blèmes, puis aux gestionnaires demettre en œuvre. Ce comité sera ori-ginal ; il sera unique et, comme laréserve, transfrontalier. Les questionsdélicates des pratiques de chasseprohibées ou autorisées, celle dessentiers ou itinéraires à dévier seronttranchées en intégrant et harmoni-sant les deux sensibilités et expé-riences, allemandes et françaises.Nos voisins allemands ont accepté

l’idée d’un tel comité consultatif, quin’existe pour aucune réserve fores-tière de Rhénanie-Palatinat. Ils sontdisposés à innover et à jouer le jeude la discussion ouverte et externe,alors que rien ne les obligeait à unetelle démarche.

Le projet d’état des lieux etde suivi

Comme les oiseaux constituent d’ex-cellents bio-indicateurs, il a été déci-dé dès 2001 de réaliser des étudesornithologiques. L’objectif était deconnaître les espèces aviennes pré-sentes et leur densité, ainsi que la

Un rocher ruiniforme dans la chênaie L.

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population des couples nicheurs. Aumoment de débuter l’expertise, et àl’instar des domaines phytosociolo-gique et stationnel, les méthodesd’inventaire habituelles se sont révé-lées différentes entre les deux pays.L’expert ornithologue français a sou-haité utiliser la technique des IPA(indices ponctuels d’abondance),alors que son homologue allemandprivilégiait une approche surfacique.Tous deux se sont entendus toute-fois, pour travailler sur la totalité dela surface. La comparaison des résul-tats des deux études ornithologiquesest rassurante ; elle n’a pas livré dedivergence significative : 50 espècesd’oiseaux ont été inventoriées desdeux cotés de la frontière, avec desniveaux d’abondance très compa-rables, à l’exception des espèces lesplus représentatives.

Un protocole européen de descrip-tion de l’état initialLa réserve étant globale et le classementet la collaboration s’inscrivant dans ladurée, les deux services forestiers ontsouhaité que l’état des lieux initial enmatière floristique et de peuplementsforestiers, se fasse sur la base d’uneméthodologie unique et partagée. Unprotocole européen, le COST E4, existeet a déjà été utilisé dans cinq autresréserves depuis 1999. La réserve trans-frontalière de Lutzelhardt Adelsbergreprésentait une nouvelle et excellenteoccasion de mise en œuvre de cetteméthode d’inventaire, et sa vocation àrejoindre le réseau européen de référen-ce se trouvait ainsi confortée.

Un financement européen sur le pro-gramme InterregUn projet de financement européen aété instruit dès l’automne 2003 en vuede permettre la réalisation des étudesde l’état initial, et aussi de communi-quer autour de la réserve. C’est l’instru-ment INTERREG IIIA qui a été privilégiénaturellement, par suite du caractèretransfrontalier du dossier. Le montant duprojet s’élève à 450 000 € dont la moitiésera apportée par la Commission euro-péenne. Le dossier a été retenu par l’au-torité de gestion des moyens euro-péens à l’occasion du comité du 7 mai

2004. Le caractère novateur du projet etnotamment la coopération à long termeentre forestiers, scientifiques, adminis-trations et collectivités des deux côtésde la frontière qu’il initialise ont été desatouts essentiels dans sa sélection. Desbases de travail communes serontjetées qui nécessiteront un suivi dans ladurée. La constitution d’un comitéconsultatif unique et transfrontalier aégalement été relevée. Il s’agit là d’uneinstance nouvelle et originale. Enfin, lesétudes menées et leur répétition dans letemps apporteront une contribution

fondamentale à l’étude de la dyna-mique naturelle des forêts ; elles per-mettront d’illustrer la notion de « forêtvierge secondaire »

L’obtention du financement euro-péen a été l’occasion de développerun aspect parfois négligé dans lacréation de réserves, faute demoyens, celui de la communication.Celle ci se fera toujours en deuxlangues, ce qui est nécessaire, maisconstitue aussi une charge importan-te de traduction et mise en cohéren-ce. Les actions suivantes sont pré-vues : organisation d’un séminairescientifique de restitution des résul-tats de l’étude COST E4, publicationd’un article scientifique, créationd’un site internet, installation depanneaux d’information, élaborationde posters et plaquettes, inaugura-tion officielle de la réserve, informa-tion scolaire.

En conclusion

L’existence de la réserve aura desrépercussions locales positives sur l’at-tractivité touristique de la région,comme sur la compréhension et le res-pect de la forêt par la population loca-le. Autant l’ONF que les Parcs feront dela réserve un symbole, une vitrine, et unsupport d’explication de la dynamiquenaturelle des forêts. Le site seradémonstratif sur le plan pédagogique,et restera néanmoins potentiellementrécréatif.Sur le plan scientifique, l’intérêt de laréserve ira croissant. L’âge déjà avancéde nombreux peuplements favorise uneévolution rapide et une observationconcomitante des processus naturels.Enfin, au travers du comité consultatifpluri-partenarial et transfrontalier, maisaussi de l’inscription dans le réseaueuropéen de référence, la concertationet le suivi s’inscrivent véritablementdans le long terme. De nouveaux pro-grammes de recherche pourront êtreinitiés dans le futur…

Pierre GELDREICHONF, DT Alsace

[email protected]

Le protocole européen de réfé-rence COST E4 a été créé dans lecadre du programme du mêmenom, qui avait pour objet le déve-loppement de la recherche sur lesréserves forestières et qui a ras-semblé entre 1995 et 1999,27 pays européens. Il donne desrecommandations pour la collec-te de données relatives essentiel-lement aux peuplements et à larégénération. Il comporte deuxphases : la description généraledes peuplements sur la based’une grille d’inventaire systéma-tique, puis l’analyse plus pousséede « zones noyaux » (core areas)en vue d’une étude diachroniqueapprofondie. À l’occasion de lapremière phase d’implantationde placettes permanentes à rai-son d’une par ha de surface uni-taire 5 à 10 ares, on recueille desdonnées sur le milieu physique,des mesures dendrométriques surla strate arborescente et la nécro-masse ainsi que la descriptiondes strates arbustives, herbacéeset de la régénération. Pour lescore areas de la seconde phase,on inventorie les zones les plusintéressantes au vu des résultatsde la phase 1, au moyen de pla-cettes plus grandes (25 à100 ares) et l’on recueille en plusde la projection des houppiers, lerepérage géographique desarbres en vue d’un suivi individueldans le temps. La répétition deslevés est prévue au pas de 15 à20 ans. Les données résultantessont intégrées dans une base dedonnées européenne, et la surfa-ce inscrite dans un réseau deréserves de référence.

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vant toute intervention ausein d’un peuplement, il est

souvent utile de bien en connaître les prin-cipales caractéristiques dendrométriques.Hauteur dominante, diamètre moyen, sur-face terrière, densité à l’hectare, espace-ment des tiges… : la connaissance de cesdonnées à l’échelle du peuplement estprécieuse pour le sylviculteur ; elle permetde mieux décider la nature de la coupeou des travaux qu’il souhaite entre-prendre.

Le peuplement est-il en retardd’éclaircie ?

Quelle intensité de prélèvementdois-je réaliser ?

Quelles essences dois-je privilégier ?Existe-t-il une population d’arbres

d’élite de qualité à favoriser ?Des travaux de désignation et d’éla-

gage sont-ils envisageables ?Autant de questions pour lesquelles lediagnostic sylvicole apporte une aide à la

décision. Bien entendu, l’aménagementet le guide de sylviculture fixent les objec-tifs et les principales recommandations àmettre en œuvre.Cette démarche a d’abord été imaginéepour le cas des perchis : au départ,c’est en effet dans ce type de peuple-ment qu’il est apparu indispensable debien connaître les caractéristiques pourréaliser l’intervention la plus pertinente.Tout retard d’éclaircie pris à ce stadeest souvent difficile à rattraper.Aujourd’hui, cette démarche a étéétendue à tous les types de peuple-ments réguliers, dans le cadre d’unedynamisation de la sylviculture généra-lisée par les guides de sylviculture.

Un inventaire succint

Pour effectuer rapidement cettedémarche, un inventaire statistique sim-

plifié a été mis au point :statistique parce que la précision des

données est maîtrisée, et que le gain detemps sur le terrain est appréciable,

simplifié, parce que l’échelle de tra-vail est celle du peuplement (on ne réa-lise pas de stratification) et que seulsles éléments utiles à la décision àprendre sont collectés,

rapide parce que cette phase de tra-vail ne doit pas dépasser 2 à 4 heurespour sa réalisation pour une surfaced’environ 4 à 15 ha.

En complément des données de base(nombre de tiges par essence, diamètre à1,30 m, hauteur dominante), l’utilisateurpeut ajouter des éléments de descriptionde son peuplement plus détaillés : quali-té des arbres, dégâts de gibier, état sani-taire… Il définit alors lui-même lesvariables qu’il souhaite ajouter au proto-cole de base.

Comment réaliser le diagnostic sylvicole d’unpeuplement régulier ?

AA

Guide de sylviculture

référence sylvicole deconduite optimale d’un

peuplement

Aménagement forestier

objectifs assignés au peuplement

Diagnostic sylvicole

état actuel du peuplementmélange, hauteur élagage,densité, stabilité, espace-ment, matériel sur pied...

Décisions d’intervention

Faut-il intervenir ?Comment intervenir ?

A quelle intensité ?Suivant quel dispositif

PEUPLEMENT FORESTIER

Que faire ?

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Les placettes sont circulaires ou rectangu-laires : elles sont implantées très rapide-ment sur le terrain grâce à un télémètreou à un ruban décamétrique.

Implantation d’une placette circulaire

Diagnostic assisté parordinateur…

Un logiciel a été conçu pour saisir ettraiter les données recueillies, déclinéen deux versions : SYLVIE-Feuillus etSYLVIE-Résineux. Les modules debase sont identiques : cependant, lesrecommandations sylvicoles (retrans-crites à partir des guides de sylvicultu-re existants localement) sont adap-tées pour chacune de ces deux ver-sions. Dans les deux cas, le mélangedes essences est pris en compte.

Après saisie, les données sont trai-tées par l’ordinateur et restituées demanière très simple à l’utilisateur. Lesprincipales grandeurs dendromé-triques qui caractérisent un peuple-ment régulier sont calculées automa-tiquement :Ho, hauteur dominanteDo, diamètre dominantDg, diamètre moyenN, densité des tiges par haG, surface terrièreV, volume (facultatif)s %, espacement moyen des tigesHo/Dg, élancement (indicateur de stabilité)

Les variables supplémentaires détermi-nées par l’observateur sont égalementtraitées et restituées.

Élément important : les erreurs sta-tistiques concernant la surface terriè-re et le nombre de tiges sont

connues. Ces informations sont pré-cieuses, car elles permettent d’ap-précier la précision des résultats, etleur domaine de validité.

… pour une décision prise parle sylviculteur

L’état des lieux réalisé (c’est au senspropre le diagnostic) le gestionnairepeut mieux décider de l’interventionà conduire en forêt, sur la base dedonnées objectives et fiables :

une coupe ou des travaux sont-ilsnécessaires aujourd’hui ?

quel type d’intervention ?

pour quelle intensité ? (nombrede tiges, surface terrière, mise enlumière d’arbres-objectif)

nature des produits récoltables ?prise en compte des techniques

d’exploitation (cloisonnement)

Pour mener à bien cette partie de ladémarche, les logiciels SYLVIE fontréférence aux principales tables deproduction actuellement existantes.Le peuplement diagnostiqué est posi-tionné sur les courbes proposées parles tables (courbes densité/hauteur) :les écarts sont alors très facilementidentifiés et interprétés en fonctionde leur importance.

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arbre incluscentre

placette

rayon à

mesurer

arbre exclus

COMBIEN DE PLACETTES ?

De manière générale, 6 à 12 placettes sont généralement suffisantes dans le casde peuplements réguliers (d'une surface comprise entre 2 et 10 ha (voire 15 hadans certains cas) : les résultats sont alors obtenus avec une précision statistiquesouvent inférieure à 20 %.

Dans le cas de peuplements hétérogènes (au sens de la structure et non pas dela composition en essences), un nombre de placettes supérieur est générale-ment nécessaire, nombre d'autant plus important que cette hétérogénéité aug-mente. De manière habituelle, pour en limiter le coût, le diagnostic sylvicole estlimité à environ une vingtaine de placettes.

Par contre, cette méthode ne convient généralement pas pour les peuplementsirréguliers, par nature très hétérogènes : d’autres techniques doivent alors êtremises en œuvre.,

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Il reste à affiner le scénario sylvicolequi sera à mener concrètement, quisera à la base des consignes de mar-telage. L’utilisation du guide de sylvi-culture devient alors déterminante :il constitue la référence technique,donnant toutes recommandationsutiles pour réaliser l’intervention.Lorsque plusieurs scénarios sontenvisageables, le logiciel permet deles simuler pour mieux décider decelui à retenir.

L’ensemble de cette démarche estcelle d’un expert, le gestionnaireforestier, qui utilise :

les caractéristiques dendromé-triques à sa disposition ; SYLVIE leslui fournit, avec pour certaines leniveau de confiance qui leur est atta-ché ;

le guide de sylviculture, cadre deréférence technique.Mais nombre d’autres paramètrespeuvent influer sur l’opération àmener (marché local du bois, deman-de du propriétaire, organisation destravaux et des coupes dans l’espace,qualité paysagère des travaux,aspects environnementaux…). Ladécision finale d’intervention sera,fort logiquement, une synthèse éta-

blie sur la base de ces nombreux cri-tères.

Le protocole de diagnostic sylvicoleSYLVIE (logiciel sous Visual Basic +notice explicative) est disponibleauprès du Département Rechercheet Développement de L’ONF àFontainebleau.

Xavier GAUQUELINONF, mission gestion durable

DT Rhô[email protected]

Valeurs moyennessur le peuplement

Erreur statistiqueAu delà de 20 % lerésultat est considérécomme peu fiable

Résultats de descrip-tions complémentaires

Résultats de l'inven-taire par essenceset par classes dediamètres

Un exemple de restitution : écran “Diagnostic” (synthèse de 10 placettes dans cet exemple)

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à suivren° 6 - automne 2004

Prochain dossier : équilibre faune-flore : données de la rechercheparution : novembre 2004

Ce dossier est l’occasion de faire le point des éléments acquis par la recherche sur les relations entre les cervidés et les forêts. Différentes approches sont développées, qui cherchent à mieux comprendre, mieux caractériser, et mieux suivre ce difficile équilibre.

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