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1 Enseigner l’histoire de la communauté juive Guide de soutien aux enseignants au Québec

Enseigner l’histoire de la communauté juive au Québec · 3 Présentation générale 6 8 9 10 Introduction Liens avec les programmes d’Éthique et culture religieuse et d’Histoire

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Enseigner l’histoire de la

communauté juive

Guide de soutien aux enseignants

au Québec

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Table des matièresPrésentation générale3

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Introduction

Liens avec les programmes d’Éthique et culture religieuse et d’Histoire

La structure du guide

L’implantation d’une communauté juive au Québec

24La contribution de la communauté juive à la société québécoise et au vivre ensemble

40 Références bibliographiques

41 Lexique général

45Ouvrages complémentaires pour documenter les thématiques

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Présentation générale

Le programme de formation de l’école québécoise, notamment dans le cadre des programmes disciplinaires d’Histoire et éducation à la citoyenneté et d’Éthique et culture religieuse, fait une place croissante à la diversité ethnique, culturelle et religieuse tant dans les contenus à enseigner que dans l’approche adoptée pour les aborder en classe. On y insiste entre autres sur la pluralité de la société québécoise, sur la contribution de ce pluralisme à sa richesse et sur les enjeux qui l’entourent.

Ce guide de soutien à l’enseignement de l’histoire de la communauté juive du Québec vise à fournir aux enseignants des balises pédagogiques et des repères historiques afin de faciliter l’intégration de

ces contenus dans les cours d’Histoire et éducation à la citoyenneté, Histoire du Québec et du Canada et Éthique et culture religieuse (premier et deuxième cycles du secondaire). Ils pourront inspirer aussi bien des enseignants du primaire que des enseignants du collégial qui voudraient aborder des questions entourant la présence de minorités ethniques, culturelles et religieuses au Québec. En effet, comme les jeunes Québécois n’ont que très peu de contacts directs avec certaines communautés minoritaires (notamment avec la communauté juive) ils ne connaissent que très peu de modèles issus de ces communautés (les célébrités québécoises juives restent rares dans le paysage culturel).

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Est-il possible d’enseigner l’histoire du Québec et de se pencher sur les enjeux contemporains de la société québécoise autrement, en prenant le point de vue de ceux qui, jusqu’à maintenant, ont été relégués au second plan? Ces Québécois juifs, noirs, chinois, grecs, irlandais ont-ils une expérience historique digne d’être racontée? Des chercheurs de toutes les disciplines (historiens, sociologues, psychologues, etc.) ont répondu par l’affirmative à cette question et se sont mis à la tâche pour reconstituer ces expériences historiques et contemporaines. Ils ont publié les résultats de leurs recherches sur les Juifs (Anctil, Ringuette, Robinson, etc.), les Noirs (Bessière, Gay, Williams, Winks, etc.), les divers groupes anglophones (Grace, Little, Rudin, etc.), pour ne nommer que ceux-là. Or, de manière générale, leurs travaux ne se sont pas rendus jusque dans les manuels scolaires. Ils n’ont pas non plus percé l’imaginaire collectif de la majorité (Létourneau et Moisan, 2004 ; Létourneau, 2014).

Ce guide répond à un besoin important et permettra aux élèves du Québec de découvrir la pluralité des points de vue, des mémoires et des expériences de l’ensemble des groupes sociaux ayant contribué à bâtir la société québécoise. Il fournit aux enseignants des outils et des références qui les aideront à traiter de ces « histoires » du Québec dans leurs cours et à emprunter une démarche délibérative avec leurs élèves. Ils pourront ainsi discuter de diverses interprétations possibles des événements historiques composant le passé québécois et de mieux comprendre le pluralisme au sein de cette société.

Des histoires qui offrent un nouveau regard sur le passé du Québec et sur ce qu’il est aujourd’hui

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Par le fait même, enseigner et apprendre l’histoire des minorités

permet aussi :

De comparer l’histoire nationale et l’histoire mondiale, en faisant l’histoire des pays d’où sont venus ces femmes et ces hommes en quête d’une vie meilleure. C’est l’histoire de la Russie et des pogroms contre les Juifs, c’est l’histoire de l’Haïti de Duvalier et des persécutions politiques, c’est l’histoire de l’esclavage et de la révolution américaine, etc.

De faire place à la diversité au sein de la société québécoise et de rendre visible la diversité qui existe au sein même de ces communautés minoritaires, trop souvent considérées comme uniques et unifiées, cachant ainsi leur richesse interne.

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De discuter de questions difficiles liées au racisme et à la discrimination dont a fait preuve la société québécoise, mais aussi de donner la chance aux élèves de s’outiller pour réfléchir à ces questions difficiles.

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De montrer toute la vitalité de ces gens, qui ont parfois été bien accueillis, mais qui ont aussi souvent dû se battre et s’organiser en communauté pour faire valoir leurs droits et obtenir l’égalité. Ce sont des histoires inspirantes d’acteurs et d’actrices de changements qui ont inspiré ou accompagné les Québécois dans leurs luttes sociales et qui ont contribué à faire de la société québécoise une société plus juste et tolérante.

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D’ouvrir des voies encore peu explorées de notre histoire nationale. Ce sont des expériences historiques pertinentes, même si elles sont parfois en dissonance avec le grand récit collectif que la majorité francophone se raconte depuis des décennies.

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De découvrir d’autres interprétations des rapports sociaux, des bouleversements et des grandes réalisations de cette société.

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Nous espérons que ces guides contribueront à construire une vision du passé du Québec qui soit inclusive, en rendant compte de multiples expériences et points de vue. Cette lecture plurielle du passé du Québec est encore à construire. Notre contribution est bien minime mais nous tenons à l’inscrire dans ce grand projet pour la (re)connaissance de l’histoire de tous les Québécois.

De donner une voix à ces communautés et aux acteurs qui racontent leur expérience au sein de celles-ci.

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Introduction

La communauté juive du Québec – son histoire, sa culture et sa religion – est explicitement abordée dans le Programme de formation de l’école québécoise (PFÉQ), notamment dans le programme d’Histoire et éducation à la citoyenneté et dans celui d’Éthique et culture religieuse. Elle est aussi présente dans les manuels rattachés à ces deux programmes. Implantée depuis plus de 250 ans au sein de la société québécoise, cette communauté fait partie de l’histoire du Québec à plusieurs égards. En effet, première minorité religieuse après les protestants et les autochtones, sa forte croissance au tournant du XXe siècle est fortement liée aux bouleversements qui secouent l’Europe à cette époque, mais témoigne aussi des changements sociaux, démographiques, économiques et politiques de la société québécoise de cette époque. Elle a aussi contribué au développement du Québec, grâce à ses instances communautaires ou à l’apport de ses membres à la vie culturelle, sociale et politique (Anctil, 2006). La communauté a aussi été à plusieurs reprises au cœur des tensions sociales. Alors que quelques

manifestations d’antisémitisme ont marqué son histoire, elle a plus récemment été fortement ciblée lors du débat majeur sur « l’accommodement raisonnable » qui a secoué le Québec entre 2006 et 2008 (Mc Andrew, 2011 ; Potvin et Carr, 2008).

Parler de la communauté juive du Québec permet donc d’aborder différents aspects du pluralisme de la société québécoise.

Précisons d’emblée que ce guide n’aborde le conflit israélo-palestinien que dans le rôle qu’il a pu jouer dans l’histoire de la communauté juive du Québec. En effet, il est important de refuser tout amalgame entre l’État d’Israël, fondé en 1948, et la communauté juive québécoise. Par ailleurs, même si celle-ci se déclare officiellement sioniste, ce qui signifie qu’elle soutient le droit de l’État juif d’exister, ses membres peuvent avoir des opinions très diverses sur cette question. D’ailleurs, le Centre consultatif des relations juives et israéliennes qui œuvre au sein de la communauté juive de Montréal ne prétend pas représenter une telle politique unique de la communauté à cet égard.

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Pistes pédagogiques

Quelles sont les principales trajectoires suivies par les Juifs arrivés au Québec (Migration)?

Inviter les élèves à étudier les circons-tances ayant amené les personnes à quitter leur pays, les conditions d’accueil et les liens existant

entre l’histoire nationale et internationale.

Quelles sont les contributions de cette commu-nauté à la culture et au patrimoine de la société

québécoise?

Permettre aux élèves de mesurer l’impact de ces communautés sur leur propre société et les inviter à les considérer comme des bâtisseurs

de la société québécoise.

Pourquoi et comment les Juifs se sont-ils organisés en communauté (organisation)?

Inviter les élèves à comprendre le rôle de la discrimination dans la société québécoise et

son impact sur les nouveaux arrivants et sur les membres des minorités.

Quels enjeux éthiques et religieux l’histoire de cette communauté permet-elle d’explorer?

Permettre aux élèves d’explorer des questions d’actualité grâce à une compréhension accrue

de l’histoire du Québec et de la diversité contemporaine.

Plusieurs méthodes pédagogiques peuvent être utilisées pour exploiter les ressources de ce

guide. Par exemple, il est possible de lancer les élèves dans des enquêtes sur l’une ou l’autre

des thématiques. Les élèves pourront tenter de répondre à l’une des questions suivantes :

Les élèves pourront aussi analyser une période historique en considérant tous les thèmes

développés dans ce guide. Ceci les amènera à développer une compréhension systémique de

l’implantation de ces communautés.

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Dans la réalité sociale « Reconnaissance des liber-tés et des droits civiques », l’histoire juive peut être vue sous l’angle des violations et des luttes pour les droits de la personne.

Les juifs, comme les autres minorités religieuses et notamment, les protestants, n’avaient pas le droit de s’établir en Nouvelle-France, qui était une colonie réservée aux catholiques. Cette interdiction étant levée avec la Conquête, leur histoire québécoise commence à la période 1760-1791 du programme de 3e secondaire. Toutes les périodes subséquentes peuvent présenter leur expérience.

Cours d’Histoire et éducation à la

citoyenneté

1er cycle

Cours d’Histoire du Québec et du Canada

3e et 4e secondaires

L’expérience des Juifs invite à réfléchir aux valeurs qui ont guidé la société québécoise par le passé comme à celles qui la guident à l’heure actuelle. Les enjeux liés à la tolérance (comprendre les droits et libertés, le respect des différences, l’intégration culturelle, etc.), à l’avenir de l’humanité (les relations entre humains, pays et groupes sociaux), à la justice (justice universelle, équité, égalité des chances) et à l’ambivalence de l’être humain (penser aux rôles que nous jouons dans la société) sont nombreux. Les réflexions sur la discrimination et le racisme de même que sur les réactions des membres des com-munautés victimes d’exclusion seront particulière-ment porteuses.

Cours d’Éthique et culture religieuse

2e cycle

De manière générale, aborder la communau-té juive du Québec permet de traiter de la religion juive dans l’environnement relativement proche de l’élève, comme le préconise le programme en ce qui concerne la compétence 2 « Manifester une compré-hension du phénomène religieux ». Plus particuliè-rement, l’étude de l’histoire de la communauté juive permet d’aborder sa contribution au patrimoine re-ligieux québécois et de mieux comprendre la diver-sité ethnique, culturelle et religieuse au Québec ; de comprendre le rôle de la religion dans l’organisation communautaire ; etc. Les thèmes du racisme et de la persécution religieuse pourront notamment être abordés, afin de susciter des réflexions sur :

• la liberté (d’action, de penser, mais aussi des motifs sur lesquels se fondent certains choix ainsi que les droits et les devoirs),

• l’autonomie (les expressions individuelles et collectives du désir d’émancipation, des actions de solidarité, des luttes contre les dépendances),

• l’ordre social (le rôle de l’immigration dans la transformation des valeurs et des normes).

Cours d’Éthique et culture religieuse

1er cycle

Liens avec les programmes d’Éthique et culture religieuse et d’Histoire du Québec et du Canada

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La structure du guide

Enseigner l’histoire d’une communauté dont les membres ont des trajectoires et une culture si dif-férentes n’est pas aisé et nécessite de faire des choix et des simplifications. Afin de rendre compte de cette histoire, nous avons jugé pertinent de di-viser le parcours historique de la communauté à l’étude en deux thématiques  : 1) l’implantation de la communauté juive au Québec, et 2) la contribu-tion de la communauté juive et de ses membres à la société québécoise et au vivre ensemble. Suivre les moments clés de ces deux thématiques permettra de rendre compte de diverses facettes de leur ex-périence et de la complexité de ces histoires, tout en allégeant la densité des contenus et en laissant aussi la parole à la communauté elle-même, et de comprendre la communauté plurielle qui vit au sein de la société québécoise d’aujourd’hui.

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L’implantation d’une communauté juive au Québec

Contexte

Une jeune fille d’origine juive, Esther Brandeau, émigre au Québec déguisée en garçon catholique. Elle est vite repérée par les autorités et renvoyée en France par le roi l’année suivant son arrivée, car en Nouvelle-France, l’immigration est interdite aux non-catholiques. Si des Juifs étaient présents en Nouvelle-France, ce que de nouvelles études avancent (Anctil, 2017), ils ne le laissaient pas savoir publiquement. Ce n’est qu’après la Conquête britannique de 1760 que l’immigration juive est officiellement autorisée.

D’autres éléments à propos de cet événement et ressources suggérées

http://www.editionsboreal.qc.ca/catalogue/livres/les-aventures-etranges-surprenantes-esther-brandeau-2362.html

Pistes de réflexion

• Cette anecdote permet d’aborder les différentes politiques d’immigration qui ont façonné la population du Québec jusqu’à aujourd’hui.

1738L’arrivée d’une

première juive au Québec

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Contexte

Les Juifs qui arrivent à Montréal avec les armées britanniques sont des mar-chands qui s’installent notamment à Montréal (même si certains descendent le fleuve plus loin jusqu’à Trois-Rivières ou à Québec). Une première congré-gation juive, nommée Shearith Israël (le « restant d’Israël »), s’installe alors à Montréal. La communauté inaugure la première synagogue de Montréal, de rite séfarade en 1777, au coin de Notre-Dame et de Saint-Laurent dans le Vieux-Montréal. La communauté ne grandit pas vite et ne compte pas plus que 500 personnes en 1871 (les registres de l’époque ne permettent pas de le confirmer). Cette synagogue reste donc longtemps la seule dans le paysage montréalais, et même au Canada, jusqu’à la fondation d’une deuxième, en 1846, cette fois-ci de rite ashkénaze.

Peu nombreux et, le plus souvent, d’origine britannique, ils s’intègrent facile-ment dans la communauté anglophone en gardant leur vie religieuse privée. Ils contribuent au développement du chemin de fer, du transport urbain, de l’éclairage des rues et de la télégraphie, mais aussi à la fondation des institu-tions financières et du domaine manufacturier. Ils sont néanmoins victimes de quelques manifestations de discrimination, par exemple dans le refus de les accueillir dans les Gentlemen's club britanniques ou dans l’imposition de quotas d’étudiants juifs admis dans les facultés de médecine ou de droit de plusieurs universités canadiennes, dont l’Université McGill.

Aujourd’hui, la communauté juive québécoise compte presque une centaine de synagogues, proposant leurs services à des communautés qui se diffé-rencient autant par leur rite (ashkénaze ou séfarade) que par leur pratique (orthodoxe, conservatrice, libérale).

1768La fondation

de la première congrégation

religieuse juive canadienne

Abraham de Sola (courtoisie des archives de la bibliothèque juive de Montréal)

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D’autres éléments à propos de cet événement et ressources suggérées

En 1847, la communauté a les moyens de faire venir de Londres le premier rabbin de Shearith Israel, Abraham de Sola. De Sola sera à l’origine de maintes organisations philanthropiques et éducatives. Son érudition et sa connais-sance fine des valeurs britanniques lui vaudront d’être invité à enseigner à l’Université McGill, ce qui fera de lui « le premier savant de confession juive à faire carrière dans une université canadienne », comme l’explique Pierre Anctil dans son ouvrage Histoire des Juifs du Québec (Anctil, 2017).

Pistes de réflexion

Parler de la première congrégation juive permet de comprendre non seule-ment les débuts de la communauté juive du Québec, mais aussi la diversité religieuse du Québec, notamment en considérant que :

• Une petite communauté assez nantie semble s’intégrer relativement fa-cilement dans une société. Pourquoi?

• Les Juifs arrivés aux XVIIIe et XIXe siècles parlent la langue et partagent les valeurs de l’Empire britannique. En quoi cela a-t-il facilité leur inté-gration dans la nouvelle société?

La synagogue Shearith Israël (1910-1911) (courtoisie des archives de la bibliothèque juive de Montréal)

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Contexte

La communauté change radicalement au tournant du XXe siècle, alors qu’un grand nombre de Juifs quittent leurs pays d’origine d’Europe de l’Est, où ils sont de plus en plus souvent victimes de pogroms et d’autres mesures antisé-mites, et arrivent à Montréal. Sans ressource et avec un statut d’immigration comparable à celui des réfugiés politiques actuels, ils sont accueillis par les membres de la communauté déjà installés qui se mobilisent pour les intégrer (voir notre deuxième thématique pour plus de détails).

La communauté se transforme alors. D’abord, elle grandit rapidement, pas-sant de 7 600 personnes en 1901 à 30 000 en 1911 et à 60 000 en 1931. Mais les nouveaux arrivants représentent aussi une autre culture : originaires de l’Eu-rope orientale et moins nantis que les premiers Juifs, ils parlent le yiddish et ne sont pas familiers avec les cultures dominantes (française ou britannique). Ils s’installent dans les environs du port et sur le Plateau Mont-Royal, entre le boulevard Saint-Laurent et le parc Jeanne-Mance. Ils travaillent majoritai-rement dans les usines de confection de vêtements et dans les commerces de détail. Souvent influencés par les idées communistes qui occupent une place grandissante dans la politique de leur pays d’origine, ils contribuent à la création de syndicats dans ces usines (l’histoire de Léa Roback, présentée plus loin, en donne un bel exemple), et par leurs revendications, à améliorer les conditions de vie de l’ensemble des ouvriers au Québec.

On parle alors de cette communauté juive et de son yiddish comme la « troisième solitude » à Montréal, à côté des communautés francophone et anglophone.

1904Le début de la grande

migration est-européenne

Arrivée au Canada (courtoisie des archives de la bibliothèque juive de Montréal)

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D’autres éléments à propos de cet événement et ressources suggérées

Pour mieux comprendre les vagues d’immigration qui ont façonné la com-munauté juive du Québec, on peut aussi parler de l’immigration en géné-ral à cette époque. En effet, entre 1896 et 1914, le Canada accueille plus de trois millions d’immigrants (en 1896, presque 17 000 immigrants arrivent au pays, alors qu’en 1913, ils sont plus de 400 000). Les changements démo-graphiques influencent évidemment le paysage urbain et les enjeux écono-miques, culturels et sociaux du pays.

Pour découvrir le monde des immigrants juifs à Montréal à cette époque, voir le court métrage de Pierre-Luc Junet I am machine qui raconte cette expé-rience en s’inspirant du poème de Maurice Rosenfeld.

Vous pouvez aussi faire l’une des visites virtuelles proposées par le Musée du Montréal juif dans les quartiers juifs de l’avant-guerre et décou-vrir la contribution des immigrants juifs à la société québécoise sur le site http://www.juifsdici.ca/en/ de la Fédération CJA. Vous y trouverez les his-toires de personnages comme Sam Steinberg qui, à partir de la petite épi-cerie familiale qu’avait ouvert sa mère en arrivant de la Hongrie, fonda la première grande chaîne québécoise de magasins d’alimentation, les super-marchés Steinberg, ou Sonia Benezra, animatrice née à Montréal de parents immigrants du Maroc et qui s’est taillé une place de choix dans le monde médiatique québécois.

Pistes de réflexion

• Comment l’immigration change-t-elle la société qui l’accueille?

• La résistance à l’immigration s’explique-t-elle par la peur de ces chan-gements?

• Quelle rencontre propose l’usine entre les immigrants de différentes ori-gines et les Canadiens français?

Un manufacturier de Montréal – (courtoisie des archives de la bibliothèque juive de Montréal)

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Contexte

Les années 1930 sont marquées par une crise économique mondiale à laquelle le Canada n’échappe pas. Le succès de différents mouvements politiques fas-cistes en Europe fait écho aussi au Canada et au Québec, où des manifestations d’antisémitisme se multiplient. Et si les élites politiques et cléricales et les mé-dias ne sont pas tous antisémites, leurs liens avec des figures clés de ces mou-vements influencent sans doute leurs diverses décisions.

Le plus connu de ces incidents est probablement la campagne « Achat chez nous », qui était dirigée directement contre les Juifs dans la région des Laurentides et commanditée par l’Action catholique et la Société Saint-Jean Baptiste. Lionel Groulx écrit d’ailleurs pour soutenir le mouvement sous le pseudonyme de Jacques Brassier, expliquant que l’antisémitisme n’est pas « une bonne solution au problème (des Juifs) », mais que restreindre les achats chez eux pourrait être efficace pour les faire partir. Très vite, les hosti-lités s’amplifient (une synagogue à Val-David est incendiée, des maisons sont endommagées) et une affiche à l’entrée du village de Ste-Agathe, devenue notoire, précise « Les Juifs ne sont pas désirés ici, Ste-Agathe est un village canadien-français et nous le garderons ainsi » (voir photo p. 17).

Un deuxième incident concerne plus spécifiquement un jeune médecin qui ne peut pas compléter son stage à Montréal à la suite de la grève qu’entre-prennent les autres stagiaires pour protester contre son emploi, poussant d’ailleurs la communauté à fonder l’Hôpital juif général (voir plus loin dans la section réservée à la fondation de l’hôpital dans ce guide).

Il y a enfin l’histoire du navire SS Saint-Louis, qui a été probablement la plus dramatique : en mai 1939, ce bateau quitte Hambourg transportant 937 pas-sagers juifs à son bord. Les passagers voyagent dans l’espoir de trouver re-fuge en Amérique. Leur périple les amène d’abord à Cuba, puis à New York, mais les portes restent fermées  : les gouvernements de ces deux pays qui peinent encore à sortir de la crise économique qui a éclaté en 1929 ne veulent pas prendre des risques et augmenter les quotas déjà prévus pour l’immigra-tion. Leur dernier espoir est le Canada et les Juifs montréalais s’activent à Ottawa pour convaincre le gouvernement d’accepter d’accueillir ces réfugiés. Mais leurs efforts se heurtent à un refus catégorique lorsque Frederick Blair, haut fonctionnaire responsable des politiques d’immigration dans le gouver-nement fédéral de Mackenzie King, annonce que none is too many — aucun Juif, c’est déjà trop. Il répondait ainsi aux attentes de la population qui était au mieux indifférente et souvent même hostile à la « question juive », mais sui-vait aussi probablement en ceci ses propres convictions plutôt antisémites (Voir Abella et Tropper (1982), ainsi que le journal personnel de Mackenzie King) - hyperlien.

Au cours de l’histoire du Québec, d’autres manifestations d’antisémitisme ont ébranlé la communauté juive du Québec. La tentative d’incendie d’une bi-bliothèque juive à Montréal en 2004 a probablement été l’événement le plus important dans les dernières années.

Les années 1930

Des manifestations antisémites au

Québec

Dépliant antisémite des années 1930 (Archives juives canadiennes Alex Dworkin)

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D’autres éléments à propos de cet événement et ressources suggérées

Le roman historique de Jean-Pierre Charland L’été de 1939 avant l’orage (2006) propose aux lecteurs de découvrir ce moment peu connu de l’histoire du Québec, en l’alimentant par une intrigue policière.

L’analyse des médias de l’époque nous permet de retracer l’ambiance qui régnait, mais aussi de réfléchir au rôle que ceux-ci jouent dans l’histoire d’une société. Voici un lien avec une activité du Musée commémoratif de l’Holocauste à Montréal, Enquête dans les archives, qui permet de travailler différents documents d’archives de l’époque pour comprendre le rôle qu’a pu jouer le Canada dans cet événement historique.

Le livre de Pierre Anctil, À chacun ses Juifs, 60 éditoriaux pour comprendre la position du Devoir à l’égard des Juifs (1910-1947) (2015), propose plusieurs extraits analysés pour mieux comprendre le rôle des médias à cette période.

Par exemple, Anctil explique les éditoriaux concernant la campagne « Achat chez nous » dont certaines variantes « sont positives et tendent à valoriser la qualité et la diversité des biens produits au Québec » (p. 285). Les édito-rialistes du Devoir « proposent toutefois en janvier 1934 et en janvier 1939 une interprétation différente de l’« Achat chez nous ». Le discours contient cette fois une mise en garde contre les marchands d’origine juive qui ont ouvert des commerces dans les milieux montréalais à prédominance cana-dienne-française, […] où s’active une section de la Société Saint-Jean-Bap-tiste. Dans ce cas, il s’agit de pointer du doigt les personnes qui ne sont pas d’origine francophone, et de tenter de les exclure de l’espace public. » (p. 286)

SS Saint-Louis (courtoisie des archives de la bibliothèque juive de Montréal)

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Voici l’extrait de l’éditorial « La maison est à l’envers. Il ne s’agit que d’y mettre un peu d’ordre », Omer Héroux, Le Devoir, 19 janvier 1934 : « Il est des quartiers de la ville, en très grande majorité français, d’où le petit com-merçant canadien-français est en train de disparaître devant la poussée du commerçant étranger – particulièrement du commerçant juif. C’est un état de choses qui est, on en conviendra, et cela saute aux yeux, anormal. D’où vient ce renversement des choses? De maintes causes, dont l’une, de toute évi-dence, est le fait que les Canadiens français ne suivent point dans l’ordinaire de la vie l’exemple de leurs concitoyens d’origine non française – à commen-cer par les Juifs – qui, et personne ne songera à les en blâmer, pratiquent habituellement, et sans même y penser la plupart du temps, l’entr’aide [sic] économique. » (p. 293-294)

Adrien Arcand, que l’on surnommait le führer canadien, fut journaliste, puis chef du Parti National Social Chrétien (PNSC). Ses articles ont sérieusement attaqué les écoles juives. Son idéologie politique était tout autant antisémite. Il tenait un discours radicalement haineux à l’endroit des Juifs.

Dans sa biographie, Adrien Arcand, le führer canadien (Nadeau, 2010), l’auteur Jean-François Nadeau raconte la vie personnelle, professionnelle et politique d’Arcand, et met en lumière l’influence qu’il a eue sur l’élite intellectuelle et politique québécoise de l’époque.

Pistes de réflexion

• Comment les médias influencent-ils notre regard sur les enjeux sociaux qui nous préoccupent?

• Analyser de manière critique les archives de l’époque permettra aussi de porter un regard critique sur les documents de notre époque.

• Les manifestations de racisme en général, et d’antisémitisme en parti-culier, ne sont pas toujours clairement affichées ou dénoncées. Comment les reconnaître et comment agir?

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1941L’arrivée des premiers

Juifs hassidiques

Contexte

Dans les années 1940, la diversité de la communauté juive s’accroît avec l’arrivée des hassidim, qui signifie « pieux » en hébreu. Ce sont des Juifs ultra-orthodoxes qui s’attachent davantage à l’expérience spirituelle de la pratique religieuse qu’aux textes qui fondent celle-ci. Très ancrés dans leurs communautés, ils sont forcés de quitter leurs villages d’origine, notamment en Galicie (une région d’Europe de l’Est qui s’étend sur une vaste partie de la Pologne, de la Hongrie et de l’Ukraine d’aujourd’hui), pendant et après la Deuxième Guerre mondiale. Les premiers hassidim arrivent à Montréal dès le début de la guerre, mais la majorité d’entre eux sont des survivants de l’Holo-causte qui les rejoignent après la libération.

Aujourd’hui, malgré leur petit nombre au sein de la communauté juive (ils représentent environ 12 % de la communauté, soit environ 10 000 adeptes), ils attirent beaucoup l’attention, notamment par leur visibilité (attribuable à leurs pratiques vestimentaires et à leur mode de vie distinct) et par leur concentration en plein cœur de Montréal.

Nombreux sont ceux pour qui cette communauté est l’emblème de la com-munauté juive.

D’autres éléments à propos de cet événement et ressources suggérées

Différentes ressources proposent de découvrir cette communauté. En voici quelques suggestions :

• Salomé et les hommes en noir (Valérie Amiraux et Francis Desharnais, 2015) est une bande dessinée qui raconte la rencontre entre une jeune fille d’origine française habitant à Outremont et ses voisins hassidiques.

• Le sourire de la petite juive (Abla Farhoud, 2011) est un roman qui décrit la rencontre qui n’a jamais vraiment lieu entre voisins, tous aussi différents les uns que les autres, qui s’observent, à travers le regard de voisines.

• Félix et Meira (film de Maxime Giroux, 2015), raconte l’histoire d’amour impossible entre un homme québécois francophone et une femme juive hassidique, présentant aussi l’univers « interdit » aux regards extérieurs de celle-ci.

En 2013, Mindi Pollack, une jeune femme hassidique âgée de 24 ans, est élue conseillère à la mairie d’arrondissement d’Outremont, à Montréal. Dès 2011, elle s’active dans l’organisme Amis de Hutchison afin de contribuer à une meilleure harmonie et compréhension entre voisins dans ce quartier marqué par le pluralisme religieux et culturel. Elle joint l’équipe de Projet Montréal en 2013 et réussit à se faire élire, contre toute attente.

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Pistes de réflexion

• Les Juifs hassidiques représentent la communauté juive pour un grand nombre des Québécois qui ne voient que cette image dans les médias. Ce traitement médiatique est d’autant plus problématique que les élèves québécois ont généralement peu de contact avec les Juifs du Québec.

• Comment cette image teinte-t-elle les débats sociaux?

Hommes hassidiques préparent la matzah pour Pessa'h (courtoisie des archives de la bibliothèque juive de Montréal)

Des enfants hassidiques accueillent un rebbe en visite de New York (courtoisie des archives de la bibliothèque juive de Montréal)

Enfant hassidique et le rebbe lors d’une célébration (courtoisie des archives de la bibliothèque juive de Montréal)

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1948L’arrivée des premiers

survivants de l’Holocauste

Contexte

Les survivants de l’Holocauste arrivent le plus souvent de Paris, mais aussi d’autres camps de personnes déplacées. Des dizaines de milliers d’entre eux choisissent de s’établir à Montréal. Ils quittent différents pays d’Europe, où leurs communautés et leurs familles ont été anéanties. L’Amérique du Nord devient le premier foyer de la culture juive au monde et Montréal est le troi-sième lieu d’accueil de survivants (après Israël et New York). Ils sont accueil-lis par une communauté soudée et relativement petite, qui peut ainsi leur faire une place assez importante.

En 1976, les survivants fondent un centre commémoratif de l’Holocauste qui s’ouvrira au grand public en 1979 et se donnera ensuite également une mis-sion éducative. Ce film (https://www.youtube.com/watch?v=U6yHuoPO56o) présente leur travail accompli depuis.

En 2001, le Centre est reconnu officiellement comme une institution muséale par le ministère de la Culture et des Communications du Québec et depuis 2007, le Centre développe des outils pédagogiques.

L’Holocauste a marqué tous ceux qui en ont été témoins. D’ailleurs, René Lé-vesque, alors journaliste, a été l’un des premiers Canadiens français à être témoin des camps d’extermination alors qu’il a visité celui de Dachau. Cela a certainement teinté son rapport avec la communauté juive québécoise avec laquelle il cherchera à établir un dialogue constant. En témoigne entre autres la conférence qu’il a fait devant le Cercle juif de langue française en 1960, intitulée « le préjugé racial, la pire des maladies honteuses ».

Des survivants de l’Holcoauste à Montréal (courtoisie du Musée de l’Holocauste à Montréal)

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D’autres éléments à propos de cet événement et ressources suggérées

Pour mieux vous préparer à l’enseignement de ce thème, vous pouvez consulter :

• Ce guide sur l’enseignement de l’Holocauste

• Les outils proposés par le Musée commémoratif de l’Holocauste, et no-tamment l’Enquête dans les archives, Dessine-moi l’histoire… des Juifs aux Pays-Bas, liens vers des témoignages de survivants arrivés à Mon-tréal après l’Holocauste, ressources pour le primaire

• Les ressources de la fondation Azrieli

Henry Morgentaler (1923-2013) – Ce médecin d’origine polonaise arrive au Canada en 1950 et commence à pratiquer la médecine en 1955, une fois sa citoyenneté canadienne obtenue. Dès 1967, il prend position publiquement en faveur de la légalisation de l’avortement. Il pratique ouvertement l’avorte-ment dans sa clinique, malgré les fortes restrictions qui pèsent sur cet acte médical, rendant sa pratique illégale. Il doit d’ailleurs se défendre devant les tribunaux à plusieurs reprises. Il sera finalement acquitté en 1983. Il ouvre aussi des cliniques à Toronto et à Winnipeg et est à nouveau poursuivi en jus-tice. Sa cause se rend cette fois-ci jusqu’à la Cour suprême qui statuera que la section du Code criminel rendant l’avortement illégal entrait en conflit avec la Charte canadienne des droits et libertés. Il se bat ensuite pour la gratuité de l’avortement.

David Azrieli (1922 – 2014) – Juif d’origine polonaise, Azrieli vit en Pales-tine pendant la Seconde Guerre mondiale, ce qui lui épargne le destin qu’ont connu ses parents comme beaucoup d’autres Juifs polonais. Il immigre au Canada en 1954 où il poursuit ses études en architecture. Il devient ensuite concepteur et promoteur immobilier. À partir des années 1970, il met ses richesses au profit de sa fondation qui offre des bourses d’études et promeut l’entrepreneuriat et la recherche, notamment en ce qui a trait à l’éducation en général, et sur l’Holocauste en particulier.

Pistes de réflexion

• L’arrivée des survivants de l’Holocauste à Montréal peut faire réfléchir au rôle qu’a joué le Canada avant et pendant la guerre sur la scène interna-tionale, ainsi qu’au rôle que joue l’histoire de l’Holocauste dans l’histoire du Québec.

• Dans le contexte mondial actuel qui présente un nombre croissant de personnes déplacées à cause des conflits violents ou des conditions éco-logiques (sécheresse, inondations, etc.) qui font ravage dans leur région du monde, que peut-on apprendre de cet épisode de l’histoire et la ma-nière dont le Canada est intervenu à ces différents moments?

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1959L’arrivée des Juifs nord-africains et francophones à

Montréal

Contexte

Après l’indépendance du Maroc en 1956, les Juifs marocains, qui jouaient jusqu’alors le rôle d’intermédiaires entre les colonisateurs français et leurs voisins musulmans, quittent en grand nombre leur pays (plus ou moins vo-lontairement). Ils s’installent en France, en Israël ou à Montréal. Des Juifs venant d’autres pays du Maghreb et du Moyen-Orient arrivent au cours de cette même période. Francophones et francophiles, ils trouvent plus facile-ment leur place parmi les Québécois francophones. En effet, jusqu’alors, les Juifs adoptaient généralement la langue anglaise, notamment parce qu’ils étaient refusés dans les écoles catholiques francophones (voir la rubrique sur les écoles juives plus loin). Aussi, les Juifs séfarades se retrouvent rapide-ment dans le rôle d’intermédiaires entre une majorité francophone de plus en plus soucieuse du statut de sa langue et une minorité anglophone. Ils repré-sentent souvent leur communauté, notamment dans les milieux politiques québécois et canadiens.

D’autres éléments à propos de cet événement et ressources suggérées

Pour mieux connaître la communauté séfarade de Montréal :

• Un article d’un de ses membres : L’identité juive marocaine à Montréal

• Le site de la communauté séfarade unifiée du Québec

• Naïm Kattan, un auteur juif francophone né à Bagdad en 1928 et arrivé à Montréal en 1954, met en scène dans ses livres des personnages qui comme lui, un Arabe, juif et montréalais qui écrit en français, ont des identités complexes. Une entrevue de 1956 sur les ressemblances entre les Juifs et les Québécois et un documentaire qui lui a été consacré sur Radio-Canada permettent de le découvrir.

Moshe Safdie est un architecte né en 1938 à Haïfa, en Israël. Il a fait ses études à l’Université McGill d’où il a obtenu son diplôme en 1961. Sa thèse d’étudiant est également sa contribution la plus reconnue au Québec : le complexe ré-sidentiel Habitat 67. On lui doit aussi le Musée de la civilisation de Québec et le pavillon Jean-Noël Desmarais du Musée des beaux-arts de Montréal. Il a travaillé à différents projets d’envergure au Canada, aux États-Unis, en Israël, en Asie et ailleurs dans le monde. Il a été nommé officier de l’Ordre du Canada en 1986, puis compagnon en 2005.

Pistes de réflexion

• Quelle diversité linguistique et culturelle peut-on voir au sein de la com-munauté juive?

• Quelles idées reçues à l’égard de la communauté juive de Montréal la présence d’une communauté séfarade et francophone permet-elle de dé-construire?

Mimouna – repas de fête typiquement séfarade après Pâques

Le centre d’étude juives contemporaines, Aleph, initiative de la Communauté Sépharade unifiée du Québec, propose des occasions pour apprendre sur la vie juive en général et à Montréal en particulier. Leur magazine LVS propose des courts textes sur ces sujets. Voir l’exemple sur Être sépharade à Montréal : http://csuq.org/wp-content/uploads/2015/09/LVS_Sept_2015_DS.pdf

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Contexte

La communauté juive de Montréal d’aujourd’hui est très diversifiée. Sur le plan linguistique, les anglophones, qui ne représentent désormais qu’une faible majorité parmi ses membres (55 %), côtoient des francophones et des allophones qui, loi 101 oblige, sont scolarisés en français.

Les différentes vagues d’immigration se poursuivent : ce sont principalement des immigrants des États anciennement membres de l’URSS, de l’Amérique latine (notamment l’Argentine) et d’Israël que la communauté accueille de-puis la dernière décennie. Mais la communauté est de moins en moins im-migrante : les deux tiers de ses membres sont de deuxième et même de troi-sième génération et plus au Canada. Ses membres, qui habitent notamment les quartiers de l’Ouest de l’île, représentent 3 % des Montréalais.

Sur le plan religieux, la communauté accueille plusieurs courants : des ul-tra-orthodoxes (dont les hassidim), des orthodoxes modernes, des conserva-teurs et des libéraux. Il y a maintenant une proportion grandissante de Juifs laïcs, qui ne pratiquent pas leur religion en dehors des occasions spéciales telles les grandes fêtes.

La communauté juive montréalaise est aussi la plus dense et la plus dyna-mique des communautés juives en Amérique du Nord, malgré une chute mo-dérée de son nombre après le referendum de 1995, dont la campagne a fait réapparaître des tensions entre les Québécois « de souche », les anglophones et les immigrants. La communauté juive s’est sentie particulièrement visée par les remarques de Jacques Parizeau sur les votes ethniques expliquant la défaite du camp du « Oui ».

La communauté maintient un attachement important à ses institutions so-ciales, culturelles et économiques, ainsi qu’à son réseau d’écoles juives, dans lequel est encore scolarisée une petite majorité de ses jeunes (voir plus d’in-formation dans la section suivante). Ceci contribue probablement au très faible taux de mariages « exogames », c’est à-dire en dehors de la commu-nauté (13 % à Montréal contre 20,1 % au Canada), ce qui assure en même temps la vitalité et la continuité de la communauté. En effet, non seulement les jeunes apprennent-ils l’histoire de leur communauté et ses spécificités, mais en plus ils se fréquentent régulièrement et partagent une vie sociale et culturelle riche.

D’autres éléments à propos de cet événement et ressources suggérées

Pour les faits saillants démographiques de la communauté :

http://www.federationcja.org/fr/la-vie-juive-a-montreal/donnees-demogra-phiques/

Un collage de la diversité de la communauté juive du Québec :

http://inmontreal.com/archives/category/stories-of-interest

Pistes de réflexion

• Quelles sont les diverses caractéristiques de la communauté juive d’au-jourd’hui?

Aujourd’huiune communauté

Juive plurielle

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La contribution de la communauté juive à la société québécoise et au vivre ensemble

Depuis son implantation à Montréal, la communau-té s’est dotée de nombreuses institutions qui per-mettent à ses membres d’avoir accès à des services qui leur étaient parfois refusés ailleurs. Plusieurs de ces institutions servent de nos jours autant les Juifs que les autres Québécois. Les membres de la communauté s’intègrent par ailleurs dans la socié-té qui les entoure, comme en témoigne la longue liste des personnalités marquantes touchant tous les aspects de la vie (sociale, économique, politique, artistique). Cette section propose donc d’examiner des moments clés dans l’histoire de la communauté juive, première minorité religieuse du Québec hor-mis les protestants et les autochtones, qui permet-tront de mieux comprendre aussi bien sa contri-bution à la société québécoise qu’à un meilleur vivre ensemble.

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Contexte

L’affaire Hart commence en 1807, alors qu’Ezekiel Hart, le fils d’un marchand juif installé à Trois-Rivières depuis 1761, est le premier Juif élu au parlement du Bas-Canada, en tant que député indépendant. Il est néanmoins expulsé sous prétexte que sa judéité l’empêche de prêter serment sur la Bible à titre de député. Pour bien comprendre cette affaire, il faut considérer le contexte politique de l’époque : le Parti bureaucrate (aussi appelé tory ou britannique) et le Parti canadien se divisent les votes à l’Assemblée législative du Bas-Ca-nada. Hart, bien qu’indépendant, est perçu par le Parti canadien comme un allié potentiel de son adversaire. Ces tensions politiques conjuguées à une réserve vis-à-vis la judéité du député poussent le Parti canadien, majoritaire en Chambre, à soutenir que la présence de Hart au parlement est illégale, car ce dernier ne peut prêter serment, comme l’exige la loi, sur le Nouveau Testament. Plusieurs préjugés font alors surface, notamment que les Juifs ne sont citoyens à part entière d’aucun pays, car ils ne veulent pas apparte-nir à un pays, mais seulement à leur confession religieuse. On évoque aussi le « problème » du jour de sabbat (le samedi, férié pour les Juifs), qui risque de devenir un obstacle aux travaux de la Chambre. La communauté juive, il faut le dire, est petite et peu organisée à ce moment. Ses membres, proches des Britanniques, voient leurs intérêts défendus le plus souvent par ceux-ci. Aussi, ils préfèrent s’éloigner de l’espace public par crainte d’être rejetés et marqués par leur judéïté.

Lors des élections suivantes à Trois-Rivières, Hart est réélu par la population majoritairement francophone! Il siège même un certain temps et a l’occasion de voter à quelques reprises. Mais il est expulsé à nouveau, accusé d’avoir « profané la religion du serment », la religion chrétienne. Il abandonne alors la vie politique.

Quelques années plus tard (en 1832), Papineau, qui en 1808 avait voté pour l’expulsion de Hart, fait passer une loi émancipatrice accordant aux Juifs tous les droits civils et politiques. Ce changement de mentalité s’explique notam-ment par la loyauté démontrée par les Juifs à l’Empire britannique pendant la Guerre anglo-américaine de 1812, par la contribution importante des Juifs à l’économie montréalaise et par les efforts du frère d’Ezekiel Hart, Benjamin, à faire reconnaître différents droits aux Juifs. C’est ainsi que le Canada re-connaît les droits politiques des minorités religieuses 25 ans avant tout autre pays de l’Empire britannique.

1832Le droit de vote est accordé à toutes les

minorités religieuses à la suite de l’affaire

Ezekiel Hart

Ezekiel Hart (courtoisie des archives de la bibliothèque juive de Montréal)

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Des éléments en lien avec cet épisode

D’autres Juifs sont élus :

• 1912 : Abraham Blumenthal, premier Juif élu au gouvernement municipal de Montréal

• 1914 : S. W. Jacobs, élu au parlement d’Ottawa

• 1916 : Peter Bercovitch (de Montréal) élu à l’As-semblée législative à Québec

• 1970 : Le juge Alan B. Gold fut le premier Juif nommé président de la haute Cour de justice du Québec. En 1983, il est aussi le premier Juif nommé président de la Cour supérieure du Québec.

Victor Goldbloom est, en 1970, le premier Juif à se voir confier un portefeuille ministériel. Il poursuit ses engagements publics après sa démission en 1979, notamment en tant que commissaire aux lan-gues officielles (1991-1999). Décédé en 2016, il s’est aussi impliqué dans diverses initiatives faisant la promotion des relations entre la communauté juive et les autres Québécois, notamment les Québécois francophones.

Le livre Les premiers Juifs d’Amérique (1760-1860) : l’extraordinaire histoire de la famille Hart (2011), de l’historien Denis Vaugeois relate l’histoire de la fa-mille Hart à Trois-Rivières, dont l’épisode marquant de l’élection d’Ezekiel Hart, puis l’alliance de ses fils avec Papineau.

Le site internet http://www.juifsdici.ca/ permet de découvrir de nombreux Juifs québécois qui ont contribué à la vie sociale, culturelle, économique et politique québécoise.

Pistes de réflexion

• Les tensions politiques vives de la première moitié du XIXe siècle et l’antisémitisme semblent avoir joué un rôle de premier ordre dans la saga entourant Ezekiel Hart. A-t-il été victime des luttes politiques ou de son appartenance religieuse?

• La reconnaissance des droits civiques est un atout important pour éviter ce genre de discri-mination. Dans le Québec moderne, les statis-tiques démontrent que les membres des com-munautés culturelles sont sous-représentés en politique. Quelles sont les barrières à l’accession des membres des communautés culturelles aux postes de pouvoir?

Victor Goldbloom (courtoisie des archives de la bibliothèque juive de Montréal)

Le juge Alan B. Gold

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1863La première organisation

philanthropique juive canadienne

Contexte

La communauté juive de Montréal est encore toute petite lorsque le premier organisme philanthropique de la communauté, la Young Men’s Hebrew Bene-volent Society, voit le jour (1863). L’organisme des femmes, la Ladies Hebrew Benevolent Society of Montreal est fondé peu après, en 1877. Ces organismes veulent répondre aux besoins ressentis par une petite communauté bien éta-blie qui accueille, au tournant du XXe siècle, un nombre croissant d’immi-grants, souvent peu nantis. En effet, ces derniers arrivés fuient la pauvreté, la famine et les pogroms, ne parlent ni l’anglais ni le français et n’ont pas d’éco-nomies leur permettant de bien s’installer. Par ailleurs, la société québécoise est alors encore divisée en fonction de l’appartenance religieuse dans bien des domaines et les Juifs ne sont pas admis dans les institutions similaires catholiques ou protestantes.

Guidés par la notion de tzedaka (charité) et tikun olam (réparer le monde), 30 jeunes hommes fondent un organisme pour donner un premier soutien aux immigrants. En 1890, il est renommé Baron de Hirsch Institute, en l’honneur du riche Autrichien qui a contribué une somme de 20 000 $ pour permettre les travaux de l’organisme qui offrait aux immigrants un lieu de rencontre et une école gratuite pour les enfants qui n’avaient pas les moyens financiers de fréquenter l’école.

D’autres organismes philanthropiques sont fondés au fil des ans. Depuis 2008, ils sont tous réunis dans le cadre d’Ometz (courage), un organisme pa-rapluie qui permet à chacun de garder sa spécificité.

Montefiore Hebrew Ophans Home – Ste-Agathe-des-Monts. 1930

(Courtoisie des archives de la bibliothèque juive de Montréal)

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Des éléments en lien avec cet épisode

• Deux orphelinats : 1909 Montreal Hebrew Orphans’ Home et 1918 Montefiore Hebrew Orphans’ Home

• 1917 Federation of Jewish Philanthropies (Montréal) première organisation communautaire unifiée. Appelée aujourd’hui Fédération CJA (Conbined Jewish Appeal), elle représente l’organisme fédérateur de la communauté juive de Montréal.

• 1919 Jewish Immigrant Aid Services (JIAS) – mis en place par le Congrès juif canadien

• 1974 Jewish Family Services Social Service Center (JFSSSC)

Un texte de l’historien Pierre Anctil qui retrace l’historique des organismes philanthropiques de la communauté juive à Montréal peut être consulté ici : http://www.federationcja.org/100/fr/history-of-our-community/

Pistes de réflexion

• La création des YMHBS et LHBS est en partie attribuable au fait que les Juifs n’étaient pas admis dans les institutions similaires catholiques ou protestantes. Encore aujourd’hui, la politique d’immigration et d’accueil au Canada repose largement sur la mobilisation des institutions religieuses, qui parrainent les réfugiés et les aident à s’installer au pays. Quel équilibre faut-il chercher dans ce domaine, entre l’implication des institutions juives (ou autres) et celle du gouvernement?

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Contexte

Les Juifs est-européens arrivés au Québec au XIXe siècle et au début du XXe siècle découvrent pour la première fois une société de droits. Bien que l’an-tisémitisme existe, leur vie n’y est pas menacée et ils n’ont pas à craindre de pogrom. Ce contexte libéral, bien qu’inscrit dans la Grande Noirceur qué-bécoise, encourage plusieurs individus et groupes aux allégeances commu-nistes, les bundistes, à revendiquer l’amélioration des conditions de vie de tous et à promouvoir les droits et les libertés des minorités :

Les Juifs montréalais se sont ainsi longtemps distingués des autres groupes im-migrants arrivés en même temps qu’eux dans la métropole, en ce qu’ils avaient pris pied sur le sol canadien animés d’une ferveur révolutionnaire intense et par le désir inassouvissable d’améliorer la société au sein de laquelle ils aspiraient à prendre une place. (Anctil, 2017, p. 74).

Les activistes militants de toutes sortes (dont, en 1906, les organisateurs de la première manifestation du 1er mai au Québec) contribueront à la constitu-tion d’une conscience ouvrière. Les luttes pour l’amélioration des conditions de vie et les droits ont ainsi contribué au processus de modernisation de la société québécoise.

Plusieurs membres de la communauté juive œuvrent au sein d’organismes qui ne s’adressent pas exclusivement aux membres de la communauté, mais à l’ensemble de la société. C’est le cas de la première initiative de soupe popu-laire qui prend place dès 1907 de façon temporaire dans une petite librairie montréalaise. D’autres initiatives seront lancées à la suite du Krach de 1929.

Des éléments en lien avec cet épisode

Le BUND (Union nationale des travailleurs juifs) est un mouvement ouvrier qui est né en Europe de l’Est. Les idées qu’il défendait reposaient sur le socia-lisme et la préservation de l’autonomie nationale juive dans l’Empire russe. Toutefois, ce mouvement de culture yiddish s’intéressa peu à faire sentir son influence dans la diaspora juive. Plusieurs immigrants ayant mis les pieds au Canada après la Deuxième Guerre mondiale ont fait partie de ce mouvement.

Le combat social de Léa Roback qui a marqué l’histoire du syndicalisme au Québec. Militante communiste, elle organise les manifestations des ouvrières du textile à Montréal (majoritairement des Canadiennes françaises) et contri-bue à la formation d’un syndicat. Elle s’implique aussi politiquement, aux côtés de Thérèse Casgrain et de Madeleine Parent, notamment, pour l’obtention du droit de vote des femmes au Québec. Ses allégeances politiques communistes lui vaudront d’être pourchassée par la police et menacée d’emprisonnement, à l’ère de la Loi du Cadenas imposée par le gouvernement de Duplessis. L’his-toire de Léa Roback, qui a grandi à Québec, est racontée dans la bande dessinée Les aventures de Léa Roback et dans le documentaire Des lumières dans la Grande Noirceur (Bissonnette, 1991).

L’activisme socio-politique au sein

de la communauté

Grève – 1940 – Montréal (courtoisie des archives de la bibliothèque juive de Montréal)

Léa Roback, toujours engagée (1989)

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1914La bibliothèque publique juive

Contexte

La croissance rapide de la communauté juive montréalaise alimente régu-lièrement le conflit permanent entre les plus nantis parmi ses membres (les uptowners), majoritairement de culture britannique, et les moins nantis (les downtowners), majoritairement originaires d’Europe de l’Est. Différentes ini-tiatives culturelles sont nées afin de transmettre aux futures générations la culture yiddish, à laquelle les nouveaux immigrants sont fortement attachés. La bibliothèque publique juive en est un bon exemple : fondée en 1914, elle a réuni plusieurs petites collections pour permettre à tous les membres de la communauté de rester attachés à leur langue maternelle. Elle a ainsi permis de consolider la place du yiddish à Montréal. Cette langue était d’ailleurs la troisième langue la plus parlée à Montréal (et au Québec) dans la première moitié du XXe siècle, après le français et l’anglais.

Aujourd’hui, la bibliothèque juive propose un lieu de rencontre autour des livres pour les membres de la communauté, mais aussi un centre d’archives sur les 250 ans d’histoire de la communauté juive de Montréal. Ses archives sont la source principale des images du présent guide.

Des éléments en lien avec cet épisode

La communauté juive montréalaise jouit d’une riche production littéraire sur son expérience d’immigration et sur son installation à Montréal. Ces auteurs donnent voix à son expérience unique. Elle connaît même plusieurs célébri-tés culturelles, dont, dans le domaine de la littérature les auteurs Saul Bellow et Mordecai Richler (plusieurs de ses livres, comme Le monde de Barney (2015), ont été adaptés au cinéma), les poètes Irving Layton (1912-2006) dont parle le Programme d’histoire et éducation à la citoyenneté, Jacob-Isaac Segal (1896-1954) qui a écrit en yiddish sur sa ville, Montréal (voir extrait) et Leonard Cohen (1934-2016), chanteur de renommée internationale.

Pistes de réflexion

• Que nous apprennent les mots de ces auteurs que nous ne pouvons pas découvrir autrement?

• Si leur culture les éloigne, l’espace partagé dans la ville montre que les Canadiens français et les Juifs ont plus en commun qu’il n’y paraît au premier abord.

Reuben Brainin, l’un des fondateurs de la bibliothèque publique juive (courtoisie des archives de la bibliothèque juive de Montréal)

Les hommes et les femmes membres du conseil d’administration de la bibliothèque publique juive en 1932 (courtoisie des archives de la bibliothèque juive de Montréal)

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Extrait tiré du livre de Pierre Anctil, Jacob-Isaac Segal (1896-1954), un poète yiddish de Montréal et son milieu (Québec : Presses de l’Université Laval, 2012).

Été tardif à Montréal Notre montagne en fôret, notre Mont-Royal, notre Montréal notre grande cité villageoise, s’adoucit. Les tramways, sur les rails d’acier luisant vont en paix, plus calmes, plus lents . C’est dimanche. Tout un chacun reste chez soi et toutes les fenêtres resplendissent de propreté. Sur les balcons gris et jaunis, la vie s’écoule en douceur. Les radios dans les jolies maisonnées ensoleillées prient comme de minuscules pagodes. Ils transmettent le sèdre et chantonnent prêchent la bonté et la grâce de la piété. Un orgue joue Mendelssohn et les thilim juste derrière, dans un voisinage démuni, contre les portes des résidences sur Saint-Dominique l’inquiétude et la fatigue éternelle sont restées immobiles dans la grisaille. Elles gisent adossées à un mur, désarticulées sommeillent et sommeillent. La brasserie à façade de pierre tient ses hautes portes de métal bien cadenassées. Sauf que dans l’entrée de l’arrière-cour, jaune et triste brûle sans cesse une ampoule électrique, tel un œil perpétuel qui monterait machinalement la garde.

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1919La fondation à

Montréal du Congrès juif canadien

Contexte

Le Congrès juif canadien (CJC) est fondé en 1919 après plusieurs tentatives d’unir tous les Juifs du Canada dans un organe politique qui pourra les repré-senter. La création, en 1918, de l’American Jewish Congress a probablement précipité cette décision, comme la fin de la Première Guerre mondiale et les revendications nationalistes qui en ont émergé.

Après la première convention qui permet de créer le JIAS, un organisme voué à l’accueil d’immigrants, le Congrès ne se réunit pas avant 1934, alors que la montée de l’antisémitisme dans le monde et au Canada inquiète de plus en plus les Juifs. Sous la présidence du président élu du Congrès, Samuel Bronf-man, un homme d’affaires prospère de Montréal, le CJC concentre ses efforts à convaincre le gouvernement canadien d’accueillir les réfugiés fuyant l’Eu-rope avant la Guerre. Mais c’est surtout après la Seconde Guerre mondiale que le CJC, qui travaille sans relâche pour accueillir un grand nombre de rescapés, devient l’organisme politique par excellence de la communauté.

Ce rôle s’est atténué au fil des ans, alors que des membres de la communauté juive, bien installée au Québec, ont intégré les différentes instances gouver-nementales comme membres de divers partis politiques. Des débats impor-tants au sein de la communauté juive du Québec, sur la meilleure manière de servir les intérêts de la communauté, socialement et politiquement, ont remis en question notamment le rôle que cette communauté doit jouer dans les relations canado-israéliennes.

Aujourd’hui, c’est le Centre consultatif des relations juives et israéliennes (CIJA) qui représente les Juifs canadiens dans les relations avec les divers paliers gouvernementaux et différents organismes de la société civile, com-munautaires et culturels, ainsi qu’avec les universités et les médias. Il re-groupe ainsi l’ancien Congrès juif canadien, le Comité Canada-Israël et le Co-mité Québec-Israël.

Congrès juif canadien 1951 (courtoisie des archives de la bibliothèque juive de Montréal)

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Des éléments en lien avec cet épisode

Samuel Bronfman, président du Congrès juif canadien de 1939 à 1962, est issu d’une famille d’immigrants d’origine marocaine, qui s’installe d’abord au Manitoba avant de s’implanter définitivement à Montréal. Durant la prohi-bition américaine, la famille investit sa fortune dans l’industrie de l’alcool. L’entreprise s’étend ensuite mondialement, pour devenir la plus importante en son genre. La Fondation Bronfman qu’il met en place devient rapidement l’une des plus importantes au Canada.

Son œuvre se poursuit avec ses fils. L’aîné, Edgar M. Bronfman (1929 – 2013), diversifie les activités de l’entreprise familiale alors qu’il investit dans les hy-drocarbures et le divertissement (MGM). Il est aussi très impliqué dans la communauté et devient, lui aussi, prédisent du Congrès juif canadien (entre 1981 et 2007). Il s’implique alors dans des causes importantes pour les Juifs mondialement, comme dans les tentatives d’améliorer les conditions de vie des Juifs en URSS ou de restituer les avoirs des survivants de l’Holocauste que renferment les banques suisses.

Le frère cadet d’Edgar, Charles Bronfman, se spécialise plutôt dans le sport. Aussi, à partir de 1968, il est le président de l’équipe de baseball les Expos de Montréal, jusqu’en 1990, alors qu’il vend ses parts à des hommes d’affaires québécois qui, malgré leur engagement, ne gardent par le club à Montréal.

Leur sœur, Phyllis Lambert, est une architecte de renom, fondatrice du Centre canadien d’architecture à Montréal. Elle a réalisé les plans, entre autres, du Centre Segal des arts de la scène, l’Édifice Seagram à New York et la Tour TD à Toronto.

La famille Bronfman continue à soutenir l’éducation juive par l’organisme Bronfman Jewish Education Center (BJEC).

Saul Hayes (1906-1980), diplômé en droit de l’Université McGill devient le di-recteur général du Congrès juif canadien en 1942, poste qu’il occupe jusqu’en 1959. Il milite ainsi avec Bronfman pour modifier les politiques fédérales en matière d’immigration durant la Seconde Guerre mondiale. Leur succès est très modeste au cours de la guerre, ne réussissant à amener au Canada que 130 personnes, mais les portes seront ouvertes plus largement par la suite.

Pistes de réflexion

• Comment l’organisation de la communauté autour des institutions com-munes peut-elle contribuer à la réussite de son implantation au sein de la société d’accueil?

Phyllis Lambert (courtoisie des archives de la bibliothèque juive de Montréal)

René Levesque et le Cercle Juif 1960 (courtoisie des archives de la bibliothèque juive de Montréal)

Saul Hayes (courtoises des Archives juives canadiennes Alex Dworkin)

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Dès 1890L’histoire des écoles

juives

Contexte

Le système scolaire québécois est d’abord conçu en fonction de l’apparte-nance religieuse des deux groupes majoritaires, les catholiques, le plus sou-vent francophones, et les protestants, généralement anglophones. Ne pou-vant fréquenter les écoles catholiques, qui refusent d’accueillir des enfants non catholiques ou non francophones (d’ailleurs, les Irlandais fonderont des écoles catholiques anglophones), les enfants de la communauté juive sont in-tégrés dans les écoles protestantes anglophones. Mais la communauté juive croît rapidement au tournant du XXe siècle et de plus en plus d’enfants doivent intégrer ce système scolaire, ce qui devient source de tensions. Au-delà de la question religieuse et linguistique, c’est l’enjeu du versement des taxes sco-laires des propriétés juives et les droits que ce paiement confère qui divisent les différentes communautés.

C’est dans ce contexte que l’Institut Baron de Hirsch tente pour une première fois de fonder une école juive, en 1890 (voir dans ce guide le rôle que celui-ci a joué au sein de la communauté juive). Cette école propose également une éducation juive, mais est perçue par plusieurs comme n’étant pas assez re-ligieuse. Par ailleurs, les tensions financières rendent son fonctionnement compliqué. La majorité des enfants juifs continuent donc à fréquenter les écoles protestantes, qui ne sont pourtant pas dans l’obligation de les recevoir, alors même que le nombre d’élèves juifs augmente rapidement (il passe de 2 144 en 1903 à 13 954 en 1923). Les bourses pour les moins nantis d’entre eux, de plus en plus nombreux avec l’immigration croissante, sont rares.

Une entente est signée en 1903 entre une délégation juive et les commis-saires protestants : les enfants juifs seront considérés comme protestants aux fins d’éducation, les taxes scolaires de propriétés juives seront donc ver-sées aux commissions scolaires protestantes et les élèves juifs sont exemp-tés de l’enseignement de la religion chrétienne. Cependant, devant la crainte des écoles, la communauté s’engage à ne pas remettre en question le carac-tère religieux des écoles et renonce d’emblée à proposer un enseignement du judaïsme ou du yiddish, la langue maternelle de plusieurs d’entre eux. Des écoles complémentaires, plus ou moins officielles, assurent alors ces volets de leur éducation.

Les tensions au sein de la communauté juive persistent. Certains voient dans la fréquentation des écoles protestantes une garantie d’intégration et craignent la ségrégation par la création des écoles juives. D’autres veulent assurer la transmission des valeurs culturelles et religieuses juives, mais aussi de leur langue maternelle pour se défendre de l’assimilation. De nou-velles écoles juives voient alors le jour (deux écoles yiddish, sionistes de gauche, sont fondées en 1913 et en 1914 et une école orthodoxe est fondée en 1917). Mais après l’échec d’une tentative de mettre en place une commis-sion scolaire juive en 1931, ces écoles continuent d’exister comme des écoles privées, bénéficiant d’une certaine subvention versée par les commissions scolaires protestantes.

Journée « papa avec enfant » à l’école JPPS – 1950 (courtoisie des archives de la bibliothèque juive de Montréal)

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À la suite des réformes qu’a connues le système d’éducation québécois dans les années 1960, amenant graduellement à sa déconfessionnalisation, et plus encore après l’adoption de la Charte de la langue française (Loi 101) en 1977, une nouvelle entente a été négociée avec les écoles juives de langue anglaise. Afin de continuer de bénéficier de la subvention gouvernementale allouée aux écoles privées, celles-ci enseignent désormais le français par immersion et consacrent au minimum 14 heures par semaine à des enseignements en langue française.

Encore aujourd’hui, la plupart des écoles juives sont reconnues et subven-tionnées au même titre que les autres écoles privées confessionnelles au Québec. Elles offrent un enseignement trilingue : certaines matières sont dispensées en français, d’autres en anglais et l’enseignement du judaïsme, en hébreu. Une école offre toujours l’enseignement du yiddish. Cependant, la langue d’usage au sein de la communauté, de plus en plus plurilingue, reste l’anglais.

Des éléments en lien avec cet épisode

Abraham de Sola, ce rabbin, mentionné comme repère culturel dans le pro-gramme d’Éthique et culture religieuse, a contribué à l’histoire des écoles juives en fondant en 1849 une école « du dimanche » pour les enfants juifs. La subvention qu’il a reçue en 1875 pour payer un professeur de judaïsme a été rappelée par les défenseurs de l’option des écoles « séparées ».

Il fut par ailleurs engagé, en 1848, comme professeur de littérature rabbi-nique à McGill. En 1858, cette université lui remet un doctorat honorifique, faisant de lui le premier Juif, tant en Angleterre qu’en Amérique du Nord, à recevoir un doctorat honorifique en droit.

La question des écoles juives illégales revient souvent dans les médias. Ces écoles sont illégales parce qu’elles ne respectent pas les exigences du Programme de formation de l’école québécoise, notamment en matière de langue, de mathématiques et de sciences. Accueillant des enfants des com-munautés ultra orthodoxes, le plus souvent hassidiques, elles offrent plutôt un enseignement en yiddish des matières en lien avec la religion juive et la vie au sein de ces communautés.

Pistes de réflexion

• Le cas des écoles juives à Montréal soulève la question encore épineuse de l’équilibre à trouver entre la préservation des particularismes cultu-rels, que permet la ségrégation scolaire et qui est reconnue dans la Charte des droits, et la socialisation dans un espace commun de dialogue que l’école publique commune permet par ailleurs de créer.

École Nationale Radicale Shule, 1913. (courtoisie des archives de la bibliothèque juive de Montréal)

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1934L’Hôpital général juif

à Montréal

Contexte

L’Hôpital général juif, comme son nom l’indique, a été fondé par la commu-nauté juive de Montréal pour la communauté juive ainsi que pour « les ma-lades de toutes les croyances et de tous les milieux ». C’est une réponse de la communauté juive à une situation d’exclusion qui perdure dans les hôpitaux qui acceptent difficilement les patients juifs (ils sont admis, mais sans res-pect de leurs pratiques religieuses) et pratiquement pas ses médecins.

C’est l’histoire du Dr Samuel Rabinovitch qui en témoigne le mieux. Parmi les premiers de sa classe à l’Université de Montréal, il est admis, en 1934, à faire son stage à l’hôpital Notre-Dame. Or, les autres stagiaires contestent son embauche qui leur semble être la preuve que les Juifs volent les places des Canadiens français. Leur grève de quatre jours s’étend ensuite aux autres hôpitaux montréalais et le Dr Rabinovitch décide de renoncer à sa place et de quitter Montréal pour faire son stage à New York. Mais les conséquences sont plus importantes encore : les hôpitaux préfèrent ensuite éviter d’embaucher des Juifs, et les deux universités montréalaises limitent l’admission des étu-diants juifs en médecine (à l’Université McGill, un quota est clairement établi).

C’est dans ce contexte que la communauté crée cet hôpital, présidé par Alan Bronfman qui a amassé les fonds nécessaires, auxquels s’est ajouté en 1978, la fortune de Mortimer B. Davis. En outre, l’Université McGill reconnaît assez rapidement (1939) l’hôpital comme collaborateur et l’intègre parmi ses institutions d’enseignement.

Aujourd’hui, cet hôpital, qui accueille toujours une population diversifiée, s’engage clairement dans sa mission à respecter « les principes des diverses religions, cultures et communautés ethniques » tout en s’assurant d’offrir un « milieu respectueux des valeurs religieuses, spirituelles et culturelles préco-nisées par la religion juive. » Pendant le débat autour du projet de la loi 60, de la Charte de valeurs affirmant la laïcité québécoise, cet hôpital a d’ailleurs été mentionné à plusieurs reprises dans le contexte des débats sur le port de signes ostentatoires dans ce milieu de travail public.

Des éléments en lien avec cet épisode

Mortimer B. Davis (1866 – 1928) est une figure connue chez les élites montré-alaises, organisant souvent de prestigieuses soirées dans sa demeure située dans le quartier le plus riche de Montréal. Il doit sa fortune à l’entreprise du tabac dont il hérite de son père (arrivé à Montréal vers 1861) et dont il diver-sifie les activités. Sa fortune est léguée à la fondation de l’Hôpital général juif 60 ans après sa mort, puisqu’aucun héritier ne l’a réclamée.

Pistes de réflexion

• Comment l’Hôpital général juif réussit-il à gérer dans un espace public l’appartenance religieuse sans être sectaire et à rester ouvert, même plus que d’autres milieux laïcs, à la diversité religieuse et culturelle de Montréal?

• L’exemple de cet hôpital permet d’examiner d’un autre point de vue le débat autour du port de symboles religieux dans les espaces publics, car l’hôpital a été mentionné à plusieurs reprises dans les médias à cet égard.

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1941 L’incendie de la

synagogue Beth Israel Ohev Shalom

Contexte

La communauté juive du Québec a toujours été plus importante en nombre à Montréal, mais des Juifs s’installent aussi à Québec. La première synagogue de cette communauté est inaugurée déjà en 1852, dans la basse ville. Puisque la majorité de ses membres habitent la haute ville, la communauté décide d’y bâtir une nouvelle synagogue au début des années 1930. En effet, ceux-ci ne veulent plus devoir parcourir à pied les grandes distances pour se rendre à la synagogue, le samedi, dans le quartier St-Roch. Après quelques tentatives, ils achètent un terrain au coin de la rue Crémazie et de la rue Salaberry où ils souhaitent construire leur nouveau lieu de culte.

Mais le projet rencontre diverses oppositions. Les communautés catholiques craignent de perdre leurs avantages géographiques et fiscaux dans la haute ville. Les redevances à cette époque sont distribuées aux églises en fonction de l’oc-cupation du territoire par leurs fidèles, et l’arrivée officielle de la synagogue pri-verait ainsi l’Église catholique de revenus supplémentaires. Le Maire s’y oppose aussi, faisant écho aux inquiétudes de ses citoyens, qui sont fortement influencés par les tensions d’ordre économique et politique qui touchent alors le Québec et le Canada (pour en savoir plus sur cette période, voir la section réservée dans ce guide).

De longs échanges plus ou moins cordiaux entre la ville, les représentants de l’Église et la communauté juive ne découragent pas la communauté, qui pré-voit inaugurer la synagogue le 22 mai 1944. Mais la veille, un incendie criminel anéantit la bâtisse. Ce n’est donc qu’en 1952 que la communauté inaugure enfin la synagogue.

Aujourd’hui, l’édifice abrite le théâtre Périscope : la communauté, qui s’est rétré-cie au fil des ans, a préféré déménager dans un local plus modeste.

Maurice Pollack

(courtoisie des archives de la bibliothèque juive de Montréal)

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Des éléments en lien avec cet épisode

Maurice Pollack immigre au Québec en 1902, alors qu’il a 17 ans. Colporteur au début, il élargit rapidement ses affaires et ouvre un magasin général qui sera très connu dans la ville de Québec. Son magasin subira, lui aussi, le boycott d’« achat chez nous » au cours des années 1930, mais se sort de la crise en offrant des prix compétitifs. Il est l’un des contributeurs importants à la fondation de la nouvelle synagogue de Québec en 1944, mais contribue aussi à d’autres œuvres caritatives, comme l’Université Laval, qui a d’ailleurs un pavillon à son nom.

Le livre Les Juifs de Québec. Quatre cents ans d’histoire, dirigé par Pierre Anctil et Simon Jacobs, fait état de la tentative de retracer l’histoire de cette com-munauté peu connue, célébrée dans le cadre de festivités de 400e de la ville de Québec, en 2008.

Pistes de réflexion

• Quels défis particuliers peuvent vivre les minorités religieuses habitant en dehors de la métropole, où elles accueillent moins de membres mais attirent souvent plus d’attention?

La synagogue Beth Israël Ohev Shalom, Québec (courtoisie des archives de la bibliothèque juive de Montréal)

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Transmettre l’héritage de la

communauté juive

Contexte

En plus de diverses contributions de la communauté juive à la vie sociale, politique, culturelle et artistique du Québec dont ce guide a fait état, plusieurs organismes qui s’adressent à l’ensemble des Québécois ont été fondés par la communauté juive pour faire connaître l’histoire de la communauté et du peuple juif en général.

Le Centre commémoratif de l’Holocauste à Montréal mentionné plus haut, en est un, ainsi que le plus nouveau Musée du Montréal juif qui propose des par-cours virtuels et réels dans les vieux quartiers juifs de Montréal. D’autres orga-nismes, fondés par la communauté, s’inspirent de cette histoire pour proposer un enseignement plus général, comme Ensemble pour le respect de la diversité qui se donne comme mission l’éducation contre la discrimination et l’intimidation.

Plusieurs synagogues, à Montréal et à Québec, acceptent d’accueillir des visites des écoles québécoises qui aimeraient découvrir la pratique du judaïsme au Québec.

Des éléments en lien avec cet épis ode

http://museeholocauste.ca/fr/http://mimj.ca/

Pistes de réflexion

• La communauté juive, fière de son histoire montréalaise veut se faire connaître. Comment le fait de mieux connaître la communauté peut-il influencer le regard que portent les Québécois sur la communauté et sur ses relations avec les autres Québécois?

Magasin de bagels à Montréal (courtoisie des archives de la bibliothèque juive de Montréal)

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Référencesbibliographiques

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Moisan, S. (2016). L’Holocauste et l’histoire nationale du Québec et du Canada : quelles voies emprunter ?. Dans S. Hirsch, G. Audet, M. Mc Andrew, J. Ipgrave (dir.) Judaïsme et éducation : enjeux et défis pédagogiques, p. 77-95. Québec : PUL..

Potvin, M., Carr, P. R., Lainey, C., & Mc Andrew, M. (2008). La « valeur ajoutée » de l’éducation antiraciste : conceptualisation et mise en oeuvre au Québec et en Ontario. Éducation et francophonie, 36(1), 197-216.

Shahar, C. et Karpman, S. (2004). 2001 Census Analysis : The Jewish Community of Montreal. http://www.jewishdatabank.org/Studies/details.cfm?StudyID=414

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Weinfeld, M. (2001). Like everyone else, but different: the paradoxical success of Canadian Jews. Toronto : McClelland & Stewart.

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Ashkénaze

Les Juifs ashkénazes sont les descendants de com-munautés juives du Moyen-Âge de la Rhénanie, « ashkénaze » étant le nom hébreu du Moyen-Âge pour l’Allemagne. Depuis le Moyen-Âge, et jusqu’au milieu du XXe siècle, la langue des Ashkénazes était le yiddish. Ils représentent actuellement 80 % de la population juive mondiale. La plupart des commu-nautés juives ayant un lien historique avec l’Europe sont ashkénazes, à l’exception de celles qui ont fré-quenté la région méditerranéenne. Une proportion importante des Juifs qui émigrèrent de l’Europe vers les autres continents, particulièrement aux États-Unis, durant les deux derniers siècles furent des Ashkénazes de l’est.

Source : Seraia. Lexique de mots bibliques. Document téléaccessible à l’adresse http://www.seraia.com/seraiafr/Seraia.htm (Page consultée le 6 juillet 2015).

Lexique général

Courants religieux du judaïsme

Judaïsme orthdoxe : • Ultra-orthdoxe haredi (Hassidim et Mitnagdim)• Orthodoxe (rabbinique, talmudique, normatif)• Néo-orthodoxe (orthodoxe, moderne, modéré,

centriste)

Judaïsme réformé :

• Massorti (conservateur, traditionnaliste)• Réformé (réformiste, progressiste, progressif)• Reconstructionniste

Judaïsme laïc :• Laïc ou humaniste

Source : Berthelot, M. (2011). Approche des grands courants actuels du judaïsme religieux et laïc en Occident. Dans Juifs de Catalogne : Et autres contributions à l’étude des judaïsmes contemporains. Presses universitaires de Perpignan. Document téléaccessible à l’adresse http://books.openedition.org/pupvd/139 (Page consultée le 9 juillet 2015).

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Halakha

Recueil collectif de lois religieuses juives, incluant la loi biblique (les 613 mitzvot ou « commandements »), et, ultérieurement, les lois

rabbiniques et talmudiques aussi bien que les coutumes et les traditions.

Source : Seraia. Lexique de mots bibliques. Document téléaccessible à l’adresse http://www.seraia.com/seraiafr/Seraia.htm (Page consultée le 9 juillet 2015).

Hassidique

Le judaïsme hassidique est un mouvement religieux orthodoxe juif. Certains l’appellent hassidisme et utilisent donc l’adjectif

hassidique. Ce mouvement est né en Europe de l’Est (Biélorussie et Ukraine) au XVIIIe siècle, à l’époque où le peuple juif était persécuté

et que les Juifs européens se tournèrent vers l’étude du Talmud.

Source : Seraia. Lexique de mots bibliques. Document téléaccessible à l’adresse http://www.seraia.com/seraiafr/Seraia.htm (Page consultée le 6 juillet 2015).

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Ladino

En Israël particulièrement, la langue judéo-espa-gnole est communément appelée le ladino. En tant que langue juive, elle a largement été influencée par l’hébreu et l’araméen, mais aussi par l’arabe, le turc et, de façon moindre, le grec et autres langues par-lées dans les régions où les Juifs séfarades furent exilés à travers le monde, d’abord dans l’Empire Ot-toman. Comme beaucoup d’autres langues juives, le judéo-espagnol est en danger d’extinction. La plupart de ceux qui parlent cette langue sont âgés et beaucoup parmi eux ont émigré en Israël où la langue ne fut pas transmise à leurs enfants ou à leurs petits-enfants.

Source : Seraia. Lexique de mots bibliques. Document téléacces-sible à l’adresse http://www.seraia.com/seraiafr/Seraia.htm (Page consultée le 6 juillet 2015).

Laïc

Les Juifs laïcs ou humanistes reconnaissent la cen-tralité de l’homme et non pas celle de Dieu. Sans être forcément antireligieux, ils ne sont intéressés que par la transmission de l’identité juive, l’éthique juive et l’humanisme en général.

Source : Berthelot, M. (2011). Approche des grands courants actuels du judaïsme religieux et laïc en Occident. Dans Juifs de Catalogne : Et autres contributions à l’étude des judaïsmes contem-porains. Presses universitaires de Perpignan. Document téléac-cessible à l’adresse http://books.openedition.org/pupvd/139 (Page consultée le 9 juillet 2015).

Matzah pour Pessa’h

La matzah est un pain qui ne contient pas de levain. Ce pain est utilisé lors de la Pessa’h (pâque juive), fête qui célèbre la libération des Juifs du peuple égyptien et qui se déroule sur sept jours. Lors de ces sept jours, le levain est proscrit de l’alimentation et le pain sans levain est important lors du dernier souper qui est appelé le Séder.

Source : Seraia. Lexique de mots bibliques. Document téléacces-sible à l’adresse http://www.seraia.com/seraiafr/Seraia.htm (Page consultée le 20 septembre 2017).

Orthodoxe

Ce sont les héritiers du judaïsme talmudique-rab-binique. À cet effet, ils observent la Halakha, qu’ils considèrent de caractère divin et donc immuable, sans changement ni adaptation. Pour eux, l’homme doit s’adapter à la Loi, et non pas le contraire. À la différence des ultra-orthodoxes, ils vivent en im-mersion dans le monde moderne. En Europe, ils re-présentent le courant religieux majoritaire.

Source : Berthelot, M. (2011). Approche des grands courants actuels du judaïsme religieux et laïc en Occident. Dans Juifs de Catalogne : Et autres contributions à l’étude des judaïsmes contem-porains. Presses universitaires de Perpignan. Document téléac-cessible à l’adresse http://books.openedition.org/pupvd/139 (Page consultée le 9 juillet 2015).

Pogrom

Ce terme désigne les attaques violentes à l’endroit des Juifs par la population locale non-juive. Ces at-taques peuvent comprendre du pillage, des viols et même des meurtres. Le terme pogrom serait né à la suite d’émeutes ayant eu lieu en Russie au dé-but du XIXe siècle. C’est d’ailleurs à cette époque que le mouvement hassidique se répand dans cette région. D’autres pogroms surviennent avec la mon-tée de l’antisémitisme entre les deux guerres mon-diales (en Galicie après la Révolution bolchévique, lors de la Nuit de Cristal, etc.). Ces sont les pogroms en Europe de l’Est qui ont fait fuir un grand nombre des Juifs qui immigrent à Montréal au tournant du XXe siècle.

Source : encyclopédie Univresalis

Rebbe ou rabbi

Le terme rebbe est un mot yiddish qui signifie un enseignant, quelqu’un avec beaucoup de connais-sances. Ce n’est pas un rabbin. Il agit plutôt comme un juge, un leader, surtout pour les Juifs hassi-diques. Dès le XVIIIe siècle, l’hassidisme se diversi-fie et les rebbe forment des dynasties qui évoluent héréditairement avec des mentalités et des concep-tions différentes, ce qui entraîne une diversification encore aujourd’hui au cœur de la communauté has-sidique à Montréal. Ces communautés se réclament d’un rebbe et portent souvent le nom de la prove-nance du rebbe ou de sa dynastie, comme les Hassi-dims de Loubavitch.

Source : Gutwirth, Jacques. Hassidim et judaïcité à Montréal, Re-cherches sociographiques, Vol. 14, No 3, 1973, p. 291-325.

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Réformé

Les réformés comprennent : 1) les progressistes-li-béraux et 2) les traditionnalistes-massorti (conser-vateurs). Bien qu’à des degrés différents (plus libé-raux pour les premiers, et plus conservateurs pour les seconds), ces deux courants ne reconnaissent pas un caractère impératif et divin à la Halakha, et considèrent donc qu’elle doit être adaptée à la mo-dernité, aux nouveaux contextes socio-historiques et à l’éthique du temps. Les deux branches œuvrent au libéralisme, au progrès et surtout à la parité et ce, tant sur le plan doctrinaire que dans l’observance religieuse. La praxis religieuse est partielle pour les libéraux, plus codifiée pour les massorti. Ces cou-rants sont majoritaires en Amérique du Nord et mi-noritaires en Europe.

Source : Berthelot, M. (2011). Approche des grands courants actuels du judaïsme religieux et laïc en Occident. In Juifs de Catalogne  : Et autres contributions à l’étude des judaïsmes contemporains. Presses universitaires de Perpignan. Docu-ment téléaccessible à l’adresse http://books.openedition.org/pupvd/139 (Page consultée le 9 juillet 2015).

Séfarade (sépharade)

Les Séfarades sont des Juifs originaires de la pé-ninsule ibérique (Espagne et Portugal), incluant aussi les descendants de ceux qui furent expulsés d’Espagne et du Portugal. Pour des questions reli-gieuses, les Juifs de ces communautés sont consi-dérés comme étant des Sephardim (ou Séfarades), ce qui signifie « Juifs de rite espagnol » et non « Juifs d’Espagne ». Par conséquent, dans la langue de l’Israël moderne, Sephardim est un terme qui couvre tous les Juifs qui ne sont pas des Ashkéna-zes.

Source : Seraia. Lexique de mots bibliques. Document téléacces-sible à l’adresse http://www.seraia.com/seraiafr/Seraia.htm

(Page consultée le 6 juillet 2015).

Ultra-orthodoxe (Hassidim)

La religion et la piété dominent tous les aspects de la vie quotidienne et sont vécues en totale conformité avec la Halakha. Leur mode de vie étant caractérisé par une pratique religieuse totale (stricte observance ou orthopraxis), bien souvent au détriment d’autres pratiques sociales (comme un travail salarié ou encore, en Israël, le service militaire), seule une séparation effective du monde profane permet cet objectif. Ceci explique leur volonté d’auto-marginalisation sociale et géographique moyennant un regroupement dans des quartiers spécifiques dotés d’infrastructures sociales, culturelles, éducatives et économiques propres.

Source : Berthelot, M. (2011). Approche des grands courants actuels du judaïsme religieux et laïc en Occident. Dans Juifs de Catalogne : Et autres contributions à l’étude des judaïsmes contem-porains. Presses universitaires de Perpignan. Document téléac-cessible à l’adresse http://books.openedition.org/pupvd/139 (Page consultée le 9 juillet 2015).

Yiddish

Le yiddish est une langue allemande non territoriale, parlée partout dans le monde et écrite avec l’alphabet hébreu. Elle a pris son origine dans la culture ashkénaze qui s’est développée aux environs du Xe siècle en Europe centrale et en Europe de l’Est, et qui s’est propagée sur tous les autres continents à travers l’émigration. Dans la majeure partie de leur histoire, ce fut la langue principale parlée par les Juifs ashkénazes.

Source : Seraia. Lexique de mots bibliques. Document téléaccessible à l’adresse http://www.seraia.com/seraiafr/Seraia.htm (Page consultée le 6 juillet 2015).

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Ouvrages complémentairespour documenter les thématiques

La liste suivante de neuf différents ouvrages pro-pose des liens avec les nombreuses thématiques. Les thématiques choisies sont celles qui présentent le plus de liens avec les ouvrages auxquels elles se rattachent. Toutefois, les ouvrages peuvent être employés pour approfondir d’autres sujets. Des pro-positions de liens avec le programme de formation sont aussi données pour une meilleure insertion en classe.

1. ANCTIL, Pierre. Histoire des Juifs du Québec, Montréal, Boréal, 2017 498 p.

Cet ouvrage constitue une contribution très impor-tante à la recherche et aux connaissances sur l’his-toire du Québec. Il s’agit d’une synthèse ambitieuse, qui propose de nouvelles interprétations historiques et offre un regard neuf sur le parcours de la société québécoise et de la communauté juive. Il n’y est pas question de l’histoire du judaïsme au Québec, mais plutôt d’une histoire séculière s’arrêtant aux diffé-rents contextes ayant poussé les Juifs européens ou africains à venir s’établir au Québec et aux condi-tions de leur intégration à la société québécoise. Il offre donc une bonne introduction générale à l’en-semble des thématiques abordées dans ce guide pédagogique.

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• ECR - Premier cycle : Patrimoine religieux québécois

• ECR - Deuxième cycle : Des religions au fil du temps

• HÉC - Première année du deuxième cycle : La modernisation de la société québécoise

• HÉC - Deuxième année du deuxième cycle : Population et peuplement, Pouvoir et pouvoirs

• Années 1930 — Des manifestations antisémites au Québec

• 1941— L’arrivée des premiers Juifs hassidiques• Aujourd’hui – Une communauté juive plurielle• La contribution de la communauté juive à la

société québécoise et au vivre ensemble• L’activisme sociopolitique au sein de la

communauté

2. ANCTIL, Pierre et Ira ROBINSON, Les communautés juives de Montréal : Histoire et enjeux contemporains, Québec, Septentrion, 2010, 275 p.

Dans cet ouvrage, Anctil et Robinson s’intéressent à l’identité juive à Montréal selon quatre points de vue différents. Ils abordent les aspects historiques, religieux, sociaux et communautaires depuis le XIXe siècle à Montréal. Les idées principales proposées par les auteurs sont la multitude d’interprétations de l’identité juive et son aspect unique, la diversification interne par les mariages intracommunautaires, l’intégration au Québec par la francisation, les différents niveaux d’apport des Juifs à la société québécoise, l’influence de la communauté hassidim et la méconnaissance générale des Québécois.

Thématiques en lien

Liens avec le programme de

formation

• ÉCR - Premier cycle : L’autonomie, Le patrimoine religieux québécois

• ÉCR - Deuxième cycle : La tolérance, Des religions au fil du temps

• HÉC - Premier cycle : La reconnaissance des libertés et des droits civils

• HÉC - Première année du deuxième cycle : Revendications et luttes dans la colonie britannique (Ezekiel Hart)

• HÉC - Deuxième année du deuxième cycle : Population et peuplement, Économie et déve-loppement, Culture et mouvement de pensée (antisémitisme)

• Années 1930 — Des manifestations antisémites au Québec

• 1948 — L’arrivée des premiers survivants de l’Holocauste

• 1959 — L’arrivée des Juifs nord-africains et fran-cophones à Montréal

• 1832 — Le droit de vote est accordé à toutes les minorités religieuses à la suite de l’affaire Ezekiel Hart

• 1914 – La bibliothèque publique juive• 1934 — L’Hôpital général juif à Montréal

3. KING, Joe. Les Juifs de Montréal : Trois siècles de parcours exceptionnels, Outremont, Carte blanche, 2002, 304 p.

Cette traduction de la monographie de King retrace l’histoire des communautés juives à Montréal, depuis le premier immigrant juif jusqu’à nos jours, en abordant le contexte local et en s’étendant au contexte inter-national. L’ouvrage aborde différentes thématiques. On y décrit l’implantation de la communauté juive au Québec par la politique, la religion, la langue, le commerce et autres. Les aspects discriminatoires ne sont pas évités et on y aborde l’antisémitisme du XXe siècle et les lois sur l’immigration au Canada.

Thématiques en lien

Liens avec le programme de

formation

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• ÉCR - Premier cycle : L’autonomie (des individus et des groupes), Le patrimoine religieux québécois (des fondatrices et fondateurs, des personnages marquants et des institutions)

• HÉC - Deuxième année du deuxième cycle : Population et peuplement, Culture et mouvement de pensée

• ÉCR - Deuxième cycle du primaire : Les relations interpersonnelles dans les groupes (la diversité des relations entre les membres d’un groupe)

• ÉCR - Troisième cycle du primaire : Des personnes membres de la société (Des dif-férences comme source d’enrichissement et de conflit dans la vie en société), Des exigences de la vie en société (la gestion des tensions ou des conflits)

• ÉCR - Deuxième cycle du secondaire : La tolérance, Des religions au fil du temps

• HÉC – Première année du deuxième cycle : La formation de la fédération canadienne (la population)

• HÉC - Deuxième année du deuxième cycle : Population et peuplement, Culture et mouvement de pensée

• 1941— L’arrivée des premiers Juifs hassidiques• 1959 — L’arrivée des Juifs nord-africains et fran-

cophones à Montréal• Aujourd’hui – Une communauté juive plurielle• Dès 1890 – L’histoire des écoles juives

• 1904 — Le début de la grande migration est européenne

• Années 1930 — Des manifestations antisémites au Québec

• 1941— L’arrivée des premiers Juifs hassidiques• 1948 — L’arrivée des premiers survivants de

l’Holocauste• 1934 — L’Hôpital général juif à Montréal• 1941 — L’incendie de la synagogue Beth Israel

Ohev Shalom• Transmettre l’héritage de la communauté juive

4. CORCOS, Arlette. Montréal, les Juifs et l’école, Sillery, Septentrion, 1997, 305 p.

La monographie de Corcos traite de l’éducation des Juifs montréalais dans le système public protestant et dans les écoles privées et tente de voir son évolution depuis la Confédération. Pour bien couvrir ce sujet, une perspective historique établit les bases du sujet. Les différents systèmes sont présentés (orthodoxe, séfarade et hassidim) et les principales thématiques font le survol de la création d’écoles par les différents systèmes juifs, leur choix en termes d’éducation, leur présence dans les écoles protestantes (et les conflits liés), le rôle de la francisation et le recrutement du personnel.

5. MEDRESH, Israël, « Le Montréal juif entre les deux guerres », Sillery, Septentrion, 2001, 232 pages.

Le mémoire de Medresh couvre les principaux événements marquants qui jalonnent majoritairement l’entre-deux guerres de la communauté juive à Montréal. La montée de l’antisémitisme provenant d’Europe au Québec, notamment avec les idées d’Adrien Arcand à la tête du Parti National Social Chrétien. Les com-portements d’exclusion et de tolérance au Québec sont abordés. Puis, l’état de la situation de l’après-guerre propose l’étude d’un questionnement quant à la baisse de la pratique religieuse è Montréal, à savoir s’il y a une rupture avec les racines est-européennes ou une meilleure intégration au sein de la société québécoise.

Thématiques en lien

Thématiques en lien

Liens avec le programme de

formation

Liens avec le programme de

formation

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• ÉCR - Premier cycle du secondaire : Le patrimoine religieux québécois

• ÉCR - Deuxième cycle du secondaire : Des religions au fil du temps

• HÉC – Première année du deuxième cyle : La formation de la fédération canadienne (les transformations sociales)

• HÉC - Deuxième année du deuxième cycle : Population et peuplement (Effet migratoire, di-versité des identités sociales), Culture et mouve-ment de pensée (éducation, religion, identité)

• 1959 — L’arrivée des Juifs nord-africains et fran-cophones à Montréal

• Aujourd’hui – Une communauté juive plurielle• Dès 1890 – L’histoire des écoles juives• Transmettre l’héritage de la communauté juive

6. Croteau, Jean-Philippe. Les écoles privées juives à Montréal (1874-1939) : des instances de reproduction identitaire et de production sociales?, Études d’histoire religieuse, vol. 78, n° 2, 2012, p. 81-101.

L’article de Croteau s’interroge sur les écoles privées juives à Montréal entre les années 1874 et 1939 en ce qui concerne leur apport au point de vue social et identitaire. Le développement de l’identité au sein des écoles juives est une thématique abordée avec une référence aux écoles privées, leur émergence, leur évolution, leur spécificité et leur comparaison avec Toronto. Des sujets plus larges sont intégrés, comme la fonction sociale des écoles privées juives et la diversité idéologique, culturelle et religieuse de la communauté à Montréal.

Thématiques en lien

Liens avec le programme de

formation

• ÉCR - Premier cycle du secondaire : Le patrimoine religieux québécois

• ÉCR- Deuxième cycle du secondaire : Les références religieuses dans les arts et dans la culture

• HÉC Première et deuxième années du deuxième cycle : L’émergence d’une société en Nou-velle-France, Pouvoir et pouvoirs, Population et peuplement

• 1738 – L’arrivée de la première juive au Québec• 1768 — La fondation de la première congréga-

tion religieuse juive canadienne• 1832 — Le droit de vote est accordé à toutes

les minorités religieuses à la suite de l’affaire Ezekiel Hart

• 1914 – La bibliothèque publique juive

7. ANCTIL, Pierre. Trajectoires juives au Québec. Québec, Presses de l’Université Laval, 2010, 231 p.

Cet ouvrage en onze textes présente différentes incarnations du judaïsme au Québec, de la Nouvelle-France au referendum de 1980, en commençant par évaluer la présence juive avant 1850. Des textes s’intéressent à cette communauté de Montréal et à son insertion difficile dans la province. Plusieurs textes abordent le yiddish, son importance pour la communauté et sa présence dans Montréal. L’ouvrage aborde finalement le rapport aux communautés culturelles qu’entretient René Lévesque, et l’importance qu’il accorde aux Juifs par les traits communs qu’il voit entre eux et les Québécois.

Thématiques en lien

Liens avec le programme de

formation

Page 49: Enseigner l’histoire de la communauté juive au Québec · 3 Présentation générale 6 8 9 10 Introduction Liens avec les programmes d’Éthique et culture religieuse et d’Histoire

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• ÉCR - Premier cycle : Le patrimoine religieux québécois

• ÉCR- Deuxième cycle : Les références religieuses dans les arts et dans la culture, la tolérance

• HÉC - Deuxième cycle : Culture et mouvement de pensée, population et peuplement, la modernisation de la société québécoise

• 1914 – La bibliothèque publique juive• Dès 1890 – L’histoire des écoles juives• 1863 — La première organisation philanthro-

pique juive canadienne• L’activisme socio-politique au sein de

la communauté• 1934 — L’Hôpital général juif à Montréal• 1959 — L’arrivée des Juifs nord-africains et fran-

cophones à Montréal

8. WOLOFSKY, Hirsch. Mayn Lebns Rayze : Un demi-siècle de vie yiddish à Montréal 1946. Sillery, Septentrion, 2000, 391 pages.

Cette autobiographie de Wolofsky aborde l’installation à Montréal, entre 1900 et 1949, d’un Juif parlant peu l’anglais et méconnaissant le Canada, et la création du premier journal yiddish qui forgera l’identité juive à Montréal. Différentes thématiques sont abordées dans cet ouvrage, dont les possibilités d’emploi lors de l’im-migration à Montréal, la vie communautaire juive, les écoles juives, la création d’un hôpital juif et les tensions entre Juifs et francophones.

Thématiques en lien

Liens avec le programme de

formation

• ÉCR - Premier cycle : Le patrimoine religieux québécois

• ÉCR- Deuxième cycle : Les références religieuses dans les arts et dans la culture, La tolérance

• HÉC - Deuxième cycle : Le changement d’empire, Revendications et luttes dans la colonie britannique , La formation de la fédération canadienne , Population et peu-plement , Économie et développement, Culture et mouvements de pensée, Pouvoir et pouvoirs

• 1738 – L’arrivée de la première juive au Québec• 1768 — La fondation de la première congréga-

tion religieuse juive canadienne• 1832 — Le droit de vote est accordé à toutes

les minorités religieuses à la suite de l’affaire Ezekiel Hart

• L’activisme socio-politique au sein de la commu-nauté

• 1919 — La fondation à Montréal du Congrès juif canadien

9. VAUGEOIS, Denis. Les Premiers Juifs d’Amérique : 1760-1860 L’extraordinaire histoire de la famille Hart. Sillery, Septentrion, 2011, 378 pages.

Dans cet ouvrage, Vaugeois aborde l’histoire de la famille Hart qui sont parmi les premiers Juifs d’Amérique. Ce portrait inclut l’arrivée d’Aaron Hart en 1760 et de Moses Hart qui est décédé en 1852. Avec cette monogra-phie, l’auteur traite de l’arrivée des premiers Juifs au Canada, de l’histoire d’Ezekiel Hart, le premier député juif, et de son expulsion, et de la loi de 1832 qui reconnaît aux Juifs l’égalité des droits et de privilèges.

Thématiques en lien

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formation

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• ÉCR - Premier cycle : Le patrimoine religieux québécois

• ÉCR- Deuxième cycle : Les références religieuses dans les arts et dans la culture, La tolérance

• HÉC - Deuxième cycle : Culture et mouvement de pensée, Population et peuplement, La modernisation de la société québécoise

• Années 1930 — Des manifestations antisémites au Québec

• 1959 — L’arrivée des Juifs nord-africains et fran-cophones à Montréal

• Aujourd’hui – Une communauté juive plurielle• L’activisme socio-politique au sein de la commu-

nauté• 1914 – La bibliothèque publique juive• Transmettre l’héritage de la communauté juive

10. ANCTIL, Pierre, Ira ROBINSON et Gérard BOUCHARD (dir.). Juifs et Canadiens français dans la société québécoise. Québec, Éditions du Septentrion, 2000, 197 pages.

Ces actes d’un colloque tenu le 25 mars 1999 à Montréal font référence aux rapports entre les Canadiens fran-çais et les Juifs dans la société québécoise et à l’évolution de la communauté juive au point de vue démogra-phique, social et culturel, surtout au XXe siècle au Québec. Pour illustrer ces rapports entre les deux groupes, l’ouvrage aborde les contacts entre ces groupes dans les activités commerciales ainsi que les expressions d’antisémitisme chez les Canadiens français, et l’importance de le reconnaître, et la place des Juifs dans les mouvements ouvriers au Québec. Les actes du colloque traitent aussi de l’aspect culturel en abordant les écrits yiddish qui font référence à des monuments ou à des lieux québécois, comme le Mont-Royal, et aux différences qui existent entre les Juifs anglophones et francophones.

Thématiques en lien

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Conception et rédactionSivane Hirsch (Université du Québec à Trois-Rivières)

Avec la collaboration de Sabrina Moisan (Université de Sherbrooke)

GraphismeFabian Will

© Sivane Hirsch et Sabrina Moisan, 2018

Avec le soutien de la Direction des services d’accueil et d’éducation interculturelle,ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur.