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Espace mathématique francophone 2018
22-26 oct. 2018Gennevilliers
France
GT7 : Technologies pourl’enseignement et la formation
2
Table des matières
GT7 : Technologies pour l’enseignement et la formation 2
UNMODÈLE D’APPRENTISSAGE POURUN ENSEIGNEMENT INNOVANT, AchtaichNaceur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
NUMERIQUE ET DEVELOPPEMENT DE L’AUTONOMIE DES ÉLÈVES ENMATHEMATIQUES : UN OUTIL POUR L’ANALYSE DE RESSOURCES, GueudetGhislaine [et al.] . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
UN CAS D’ETUDE AVEC SCRATCH A L’ECOLE PRIMAIRE : DISTANCEET REPERES, Haspekian Mariam . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
DÉVELOPPEMENT DES USAGES DU NUMÉRIQUE ÉDUCATIF DANS LECONTEXTE DE L’ENSEIGNEMENT DES MATHÉMATIQUES AU CONGO– BRAZZAVILLE : CAS DE LA PLATEFORME WIMS, Malonga MoungabioFernand . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
EXEMPLES DE RESSOURCES POUR LE TRAVAIL D’ÉLÈVES EN SEC-ONDE, Mesquita Ana [et al.] . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
INTEGRATION DES TICE DANS LAMODELISATION ET L’EXPERIMENTATIONDES PROBLEMES INTERDISCIPLINAIRES, Riouch My Lhassan . . . . . . . 31
ENJEUX SÉMIOTIQUES DANS LA CONCEPTION D’UNE AIDE À LA RÉ-SOLUTION DE PROBLÈME DE PREUVE, Venant Fabienne [et al.] . . . . . . 33
SEQUENCE DE TÂCHES MATHÉMATIQUES AVEC LA GÉOMÉTRIE DY-NAMIQUE, Zhu Fangchun . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
1
1
UN MODÈLE D'APPRENTISSAGE POUR UN ENSEIGNEMENT
INNOVANT
ACHTAICH* Naceur – DIYER
* Okacha – NAJIB
** Khalid
Résumé
Dans ce travail, nous proposons d'étendre le modèle d’apprentissage de M. Marcel Lebrun à un autre plus
adéquat pour un développement évolutif. Ensuite nous mettons en valeur l'impact des moyens technologique
à travers ce nouveau modèle. Nous nous intéressons à la contribution de l’enseignant au niveau de chacune
de ses composantes. Nous présentons comme application un exemple en mathématiques, concernant
l'introduction de la notion de limite d'une suite numérique, aux élèves des terminales Sciences
mathématiques.
Mots-clefs : Pédagogie; Méthodes d'Enseignement; Technologies; Innovation; Modèles d'Apprentissage.
Abstract
In this work, we propose to extend Marcel Lebrun's learning model to a more suitable one, for evolutionary
development. Then we highlight the impact of technological means through this new model, and we focus on
the teacher's contribution at the level of each of its components. We present as application an example of
mathematics, concerning the introduction of the limit of a numerical sequence, to the students of the terminal
mathematical sciences.
Keywords: Pedagogy; Teaching Methods; Technology; Innovation; Learning Models.
I. DES DISPOSITIFS POUR APPRENDRE
Concernant « les effets de l’accompagnement techno pédagogique des enseignants sur
leurs options pédagogiques, leurs pratiques et leur développement professionnel », Marcel
Lebrun et al. ont proposé en 2016 trois outils qui permettent aux enseignants d'accomplir leur
devoir en toute assurance : le dispositif d'enseignement (savoir et contenu, apprentissage), les
usages des technologies, selon le modèle SAMR1 de Ruben Puentedura et les compétences
déployées selon le modèle de Lemke et Coughlin (1998) : Entrée, Adaptation et
Transformation.
Marcel Lebrun a proposé, en 2005, un modèle d'apprentissage dénommé IMAIP, pour
permettre aux apprenants les acquisitions des savoirs, à travers cinq dimensions :
Informations - Activités - Productions - Motivation - Interaction. Les moteurs de
l'engagement des trois premières composantes sont assurés par les deux dernières.
II. NOUVEAU MODELE D'APPRENTISSAGE IMAIPVE
Nous avons jugé que l’intégration d’une composante "Evaluations" dans le modèle IMAIP
suite à la "Visualisation" de la "Productions" (dernière dimension du modèle de Lebrun)
permettrait d’améliorer davantage le processus d’apprentissage. Par cette extension, nous
proposons un nouveau modèle d’apprentissage, que nous baptiserons IMAIPVE, basé sur les
composantes « Informations-Motivation-Activités-Interaction-Productions-Visualisation-
Evaluations» interconnectées comme le montre la Figure 1. Dans l’analyse de notre modèle,
nous interprétons les relations pédagogiques mutuelles entre ses différentes composantes, et
nous mettons en évidence l'aspect évolutif de l'apprentissage à travers ce modèle.
* LAMS, Faculté des Sciences Ben M'Sik, Université Hassan II de Casablanca – Maroc – [email protected]
* LAMS, Faculté des Sciences Ben M'Sik, Université Hassan II de Casablanca – Maroc – [email protected]
** Ecole Nationale Supérieure des Mines de Rabat – Maroc – [email protected]
1 SAMR (Substitution, Augmentation, Modification, Redéfinition), c'est une approche très importante pour toute
tentative d'introduction d’une pédagogie via les technologies numériques.
2 sciencesconf.org:emf2018:222447
EMF2018 – GTX ou SPEY 2
Figure 1 – Modèle IMAIPVE
III. LE MODELE IMAIPVE A TRAVERS DES MOYENS TECHNOLOGIQUES
Nous avons formulé le modèle IMAIPVE, à travers des moyens technologiques, pour
mettre en évidence un enseignement motivant, attractif et efficace. Nous avons mis l'accent
sur l'importance d'introduire des moyens et des procédures technologiques dans les éléments
pédagogiques qui constituent chaque composante du modèle IMAIPVE.
IV. LA CONTRIBUTION DE L'ENSEIGNANT A TRAVERS LE MODELE IMAIPVE
ET LES MOYENS TECHNOLOGIQUES
Souvent l'évaluation des enseignants est focalisée sur l'appréciation des compétences liées aux
savoirs, savoir-faire et savoir-être. Ce jugement ne tient pas compte de l'évaluation des outils,
de la méthodologie ni des moyens exploités. Cette perception de l’évaluation au goût
inachevé nous a incité à proposer une contribution évolutive de l'enseignant suivant le
modèle IMAIPVE. A travers des moyens technologiques d'apprentissage appropriés, la
contribution de l'enseignant mène à la réalisation d'un apprentissage innovant et de qualité.
V. LE CONCEPT "LIMITE D'UNE SUITE NUMERIQUE" ET LE MODELE IMAIPVE
Nous offrons les capacités attendues pour chaque composante du modèle IMAIPVE afin
de présenter la notion de limite d'une suite numérique à travers des moyens technologique.
Ensuite, nous mettons en valeur la dimension "Evaluations" pour chaque composante du
modèle et prévoir les interventions de l'enseignant au fur et à mesure du déroulement de la
séance.
Activités: Exemples introductifs suivant une démarche progressive bien adaptée à travers les
TICE, analyser les résultats des exemples qui sont proposés et conjecturer la définition en
symboles mathématiques. Par la suite, d'autres exemples sont donnés, afin de permettre une
généralisation et un ancrage de la définition.
REFERENCES
Lemke. C, Coughlin. E.C. (1998) Technology in American Schools. Seven dimensions for
gauging progress. Santa Monica, CA: Milken Exchange Commission on Educational
Technology. Repéré à https://eric.ed.gov/?id=ED460677
Lebrun M. (2005) Quand les technologies propulsent la pédagogie de l'apprentissage et la
formation pédagogique des enseignants, Repéré à http://citeseerx.ist.psu.edu/viewdoc/
download?doi=10.1.1.548.9732 & rep=rep1, LILLE .
Informations Activités Productions Evaluations
Motivation Interaction Visualisation
3 sciencesconf.org:emf2018:222447
3
Lebrun M., Lison C. et Batier C. (2016) Les effets de l’accompagnement techno pédagogique
des enseignants sur leurs options pédagogiques, leurs pratiques et leur développement
professionnel. Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur, 32-1.
4 sciencesconf.org:emf2018:222447
NUMERIQUE ET DEVELOPPEMENT DE L’AUTONOMIE DES ÉLÈVES
EN MATHEMATIQUES : UN OUTIL POUR L’ANALYSE DE
RESSOURCES
GUEUDET* Ghislaine – LEBAUD
** Marie-Pierre
Résumé – De nombreuses ressources de type scénario de classe sont disponibles pour les enseignants sur
Internet ; certaines proposent des usages en classe d’outils informatiques. Nous nous intéressons ici à
l’analyse de telles ressources, du point de vue de leur potentiel pour le développement de l’autonomie des
élèves. En appui sur des recherches en didactique portant notamment sur l’autonomie, nous avons élaboré
une grille d’analyse. Nous présentons ici sa conception et illustrons son emploi.
Mots-clefs : analyse de ressources, autonomie, pratiques des enseignants, ressources en ligne, usages du
numérique
Abstract – A profusion of digital resources proposing lesson plans are available for teachers on the
Internet; some of them propose classroom uses of digital technologies. The work presented here concerns
the analysis of such resources, with a focus on their potential for the development of students’ autonomy.
Drawing on research in mathematics education concerning in particular autonomy, we have designed an
analysis grid. We present here its design and illustrate its use.
Keywords: analysis of resources, autonomy, teachers’ practices, online resources, use of digital
technologies
I. INTRODUCTION
La volonté institutionnelle, en France, de soutenir l’intégration du numérique dans les
pratiques des enseignants a conduit récemment à un appui sur la recherche en éducation par
des appels à projet ciblés. Le projet Interactions Digitales pour l’Enseignement et l’Education
(IDEE1) dont est issu le travail présenté ici a été retenu dans ce cadre. Le volet du projet dans
lequel nous travaillons vise à étudier à quelles conditions des usages du numérique permettent
de soutenir le développement de l’autonomie des élèves à l’école primaire et au collège dans
trois disciplines : anglais, mathématiques et sciences physiques. Il s’agira ensuite de
concevoir des ressources et des formations pour aller vers de tels usages.
Le travail présenté ici correspond au début du projet. Nous considérons que les interactions
entre professeurs et ressources sont susceptibles de conduire à des évolutions de pratiques en
classe. C’est pourquoi nous nous intéressons à l’analyse de ressources de type scénarios de
classe, intégrant le numérique, en termes de potentiel pour le développement de l’autonomie
des élèves. En appui sur des recherches en didactique et des travaux sur l’analyse de
ressources en ligne, nous avons conçu une grille d’analyse adaptée à ce projet. Après avoir
introduit les travaux auxquels nous nous référons, nous présentons ici cette grille, son
processus de conception, et donnons un exemple de son application.
* CREAD, ESPE de Bretagne, Université de Bretagne Occidentale – France – ghislaine.gueudet@espe-
bretagne.fr
** CREAD, UFR mathématiques, Université de Rennes 1 – France – [email protected]
1 Opération soutenue par l’État dans le cadre du volet e-FRAN du Programme d’investissement d’avenir,
opéré par la Caisse des Dépôts
5 sciencesconf.org:emf2018:221993
EMF2018 – GT7
2
II. PERSPECTIVE THEORIQUE ET TRAVAUX LIÉS
1. Perspective théorique et question de recherche
Nous nous plaçons de manière générale dans la perspective de l’approche documentaire du
didactique (Gueudet & Trouche 2008). Nous considérons que lors des interactions des
professeurs avec des ressources prennent place deux processus associés d’instrumentation et
d’instrumentalisation. L’instrumentation traduit une forme d’influence des caractéristiques
des ressources sur les pratiques des professeurs. L’instrumentalisation traduit un mouvement
inverse : le professeur choisit et modifie les ressources en fonction de ses connaissances et de
ses pratiques habituelles.
Dans cette perspective, l’intérêt porté dans le projet IDEE aux évolutions des pratiques des
professeurs allant vers des usages du numérique favorisant l’autonomie des élèves nous
amène à nous intéresser aux ressources de type scénario de classe (c’est-à-dire proposant des
situations mathématiques et leur mise en œuvre) disponibles pour les professeurs et
susceptibles, à travers des processus d’instrumentation, d’amener de telles évolutions de
pratiques. Quelles doivent être les caractéristiques de ces ressources ? Ainsi la question de
recherche que nous étudions ici peut être formulée comme suit :
Quelles sont les caractéristiques à prendre en compte, pour analyser le potentiel d’une
ressource de type scénario de classe en termes d’usage du numérique favorisant
l’autonomie des élèves ?
Cette question nous amène à considérer en particulier deux types de recherches en
didactique des mathématiques, reliées à un tel questionnement : premièrement des travaux
concernant l’analyse de ressources ; deuxièmement des travaux concernant l’autonomie des
élèves.
2. Analyser des ressources de type scénario de classe
Pour l’analyse d’une ressource de type scénario de classe, nous nous référons
principalement aux travaux effectués dans le cadre du projet Intergeo (en particulier à
Trgalová, Soury-Lavergne, & Jahn 2011 et Trgalová & Jahn 2013). Ces travaux ont effectué
une étude approfondie des modalités pertinentes pour l’évaluation de la qualité d’une
ressource pédagogique, qualité considérée comme dépendant aussi bien des caractéristiques
intrinsèques de la ressource que de son contexte d’usage. Ils ont amené à l’élaboration d’un
questionnaire destiné aux utilisateurs de ressources sur la plate-forme Intergeo2. Les rubriques
retenues pour ce questionnaire sont particulièrement pertinentes pour notre travail, puisqu’il
s’agit bien de ressources de type scénario de classe, qui de plus ont recours à la géométrie
dynamique et donc au numérique. Les rubriques (9 au total) retenues dans ce questionnaire
recouvrent plusieurs dimensions : l’ergonomie de la ressource, sa clarté, sa complétude ; la
facilité de prise en main par un utilisateur ; la qualité du point de vue des contenus
mathématiques ; la pertinence de l’utilisation de la géométrie dynamique.
Ces dimensions font partie des caractéristiques à prendre en compte dans notre travail
également (en élargissant au numérique au-delà de la géométrie dynamique). Cependant elles
ne recouvrent pas l’aspect d’autonomie, essentiel dans notre questionnement et qui nécessite
une étude spécifique.
2 http://i2geo.net
6 sciencesconf.org:emf2018:221993
3
3. L’autonomie vue par les recherches en didactique des mathématiques
Dans le contexte institutionnel en France, l’autonomie a été introduite comme compétence
transversale dans le socle commun en 2006 (MEN, 2006). Les travaux se référant
explicitement à l’autonomie en didactique des mathématiques et proposant une définition de
ce concept ne sont pas très nombreux. En revanche l’idée d’autonomie est implicitement
présente dans beaucoup de recherches, qu’il s’agisse d’étudier si des élèves sont autonomes,
ou de proposer des moyens de développer l’autonomie (ces deux aspects n’étant pas
distingués par les auteurs).
Yackel & Cobb (1996) distinguent les élèves autonomes en mathématiques, qui utilisent
leurs « capacités intellectuelles lorsqu’ils doivent prendre des décisions mathématiques »
(p.473) et les élèves hétéronomes qui se fient aux affirmations d’une autorité extérieure. Cette
définition amène à s’interroger sur les caractéristiques d’un enseignement amenant l’élève à
ne pas rechercher une validation extérieure. Elle évoque ainsi de nombreux travaux dans
lesquels l’autonomie n’est pas explicitée comme telle : notamment ceux qui se réfèrent au
contrat didactique (Brousseau 1998), en termes de responsabilité de l’élève vis-à-vis du
savoir. Nous avons ainsi étudié précédemment (Gueudet & Lebaud 2015) les conséquences
possibles du numérique en termes de contrat didactique, dans le cadre d’une étude sur les
démarches d’investigation, qui peuvent aussi être vues comme une modalité d’enseignement
visant à développer une forme d’autonomie des élèves.
Ben Zvi & Sfard (2007) proposent de considérer les mathématiques comme un discours, et
leur apprentissage comme entrée dans le discours d’une communauté. Ils distinguent alors
l’apprentissage au niveau objet, extension de discours connus, pour lequel l’autonomie peut se
manifester par une mobilisation individuelle par l’élève de ses connaissances. En revanche
l’apprentissage au niveau méta désigne l’entrée dans un discours nouveau. Dans ce contexte
l’autonomie n’est pas une caractéristique individuelle ; elle est liée au travail d’un collectif,
qui peut inclure d’autres élèves ou le professeur. Ce travail nous a amenées à distinguer
l’autonomie pour la mobilisation de connaissances déjà là, et celle liée à la découverte de
savoirs nouveaux. Nous avons également intégré dans les caractéristiques retenues un recours
judicieux au travail collectif des élèves.
Nous souhaitons souligner le fait que l’autonomie n’est pas une caractéristique stable d’un
élève, mais plutôt un processus dépendant du contexte et d’interactions avec divers collectifs.
Elaborer une définition de l’autonomie fait partie du travail mené dans le projet IDEE. A cette
étape elle pourrait se formuler comme « processus qui permet à l’élève, dans un contexte
donné et au sein d’un système d’interactions, d’organiser son travail et de mobiliser des
ressources (internes ou externes) pour accomplir une tâche donnée en développant
éventuellement des moyens nouveaux ».
III. CONTEXTE ET METHODE
La méthode suivie pour l’élaboration de la grille d’analyse est également celle retenue dans
Intergeo (Trgalová & Jahn 2013) : une élaboration initiale, puis un processus cyclique de tests
et d’améliorations. Cette méthode est complétée en outre dans notre projet IDEE par la
confrontation entre grilles des trois disciplines : mathématiques, anglais et sciences physiques.
Pour l’élaboration de la version initiale, nous avons repris les dimensions retenues dans le
projet Intergeo, en adaptant dans un premier temps les critères liés à l'emploi de la géométrie
dynamique à celui du numérique en général et en rajoutant une dimension consacrée à
7 sciencesconf.org:emf2018:221993
EMF2018 – GT7
4
l'autonomie de l'élève. Pour cette dimension, les critères retenus sont issus de la revue de
littérature évoquée ci-dessus.
Nous avons testé cette première grille sur des ressources de la plate-forme CARTOUN
(CARTOgraphie des Usages Numériques). Celle-ci a été ouverte fin 2014 par l'académie de
Rennes3 afin d'aider à la mutualisation de pratiques pédagogiques utilisant le numérique.
Chaque ressource (désignée sur CARTOUN par le terme « activité ») est géolocalisée
permettant à chacun.e de savoir où elle a été mise en place ; de plus, l'enseignant.e qui la
soumet accepte d'être joint.e par courriel, voire d'accueillir des collègues dans sa classe pour
qu’ils/elles observent une mise en œuvre de cette activité. L'objectif affiché de CARTOUN
est de créer des dynamiques de proximité et d'échanges de pratiques. En novembre 2017,
CARTOUN contient 890 ressources pour l’académie de Rennes dont 150 en mathématiques.
Une ressource CARTOUN (désignée par le terme « fiche d’activité ») donne, outre des
informations factuelles (niveau, discipline, logiciels utilisés, etc.), un scénario pédagogique
qui doit faire apparaître l'intérêt de l’emploi du numérique. Cette plate-forme nous permet
donc de tester notre grille pour différentes ressources ayant une même structure de
présentation ; nous avons en outre choisi dans le cadre du projet IDEE de nous centrer sur le
cycle 4 (élèves de 12 à 15 ans).
Les cycles de tests (par des chercheurs impliqués dans IDEE ; plusieurs chercheurs
confrontent systématiquement leurs notations sur la même ressource) et d’améliorations de la
grille mise en fonctionnement pour différentes ressources nous ont amenées à des
modifications significatives. En particulier, les critères portant sur l'autonomie des élèves ont
été redistribués sur deux dimensions, alors que nous les avions isolés dans un premier temps.
Nous en reparlons dans la partie suivante.
Nous avons ensuite soumis la version obtenue à deux enseignantes de lycée, expertes dans
l'utilisation du numérique en classe. La grille n’est pas a priori destinée à des enseignant.e.s,
elle est élaborée à des fins de recherche et sera utilisée dans un second temps pour
l’élaboration d’un guide pour la conception de ressources. Cependant il était important de
recueillir les avis de ces collègues sur cette grille : celles-ci peuvent signaler, par exemple,
l’oubli d’un aspect qui pour elles est essentiel dans le choix d’une ressource. Ce n’était pas le
cas ici, les remarques des enseignantes n’ont conduit qu’à des modifications de détails.
Notre grille ainsi construite est maintenant proposée aux enseignant.e.s concepteurs.rices
de ressources du projet IDEE. La mettre en regard avec des activités en cours de construction
et de test dans les classes amènera probablement des évolutions ultérieures, la recherche que
nous présentons ici est en cours.
IV. GRILLE D’ANALYSE DES RESSOURCES
Nous avons finalement retenu cinq dimensions : 1. clarté de la ressource ; 2. facilité de
prise en main et adaptabilité ; 3. richesse du contenu et autonomie mathématique ; 4.
utilisation du numérique ; 5. autonomie transversale. Par souci de concision nous ne
décrivons ici que les trois dernières dimensions qui sont plus spécifiques à notre
questionnement.
3 Depuis 2016, CARTOUN est déployé sur toute la France, les ressources restant
classées par académie.
8 sciencesconf.org:emf2018:221993
5
1. Utilisation du numérique
Les critères retenus dans le projet Intergeo pour l'emploi du numérique sont spécifiques à
l'utilisation d'un logiciel de géométrie dynamique qui doit donc apporter une réelle plus-value
par rapport au papier-crayon : par exemple en permettant au professeur de proposer des
représentations qui ne seraient pas disponibles sinon, ou en permettant à l'élève d'accéder à de
telles représentations. Mais dans le cadre de notre travail, la grille doit également évaluer des
activités qui ne pourraient pas être faites sans le numérique, comme l'apprentissage d'un
logiciel ou certaines activités portant sur l'algorithmique par exemple.
Nous avons donc distingué deux cas dans cette dimension de l'utilisation du numérique :
soit les activités peuvent être faites sans le numérique, soit elles ne le peuvent pas. Dans le
premier cas, nous rajoutons, par rapport au deuxième cas, des critères concernant la valeur
ajoutée du numérique.
Figure 1 - Utilisation du numérique
La possibilité de travail collectif grâce au numérique est considérée comme un bonus : en
effet elle correspond généralement à des types de logiciels particuliers (par exemple écriture
collective) ; l’absence de recours à de tels logiciels ne doit pas être sanctionnée.
2. Contenu mathématique et autonomie
Il est naturellement essentiel dans une telle analyse d’examiner le contenu mathématique
proposé, et le lien entre ce contenu et l’autonomie des élèves. Notre revue de travaux a montré
que certaines caractéristiques de l’autonomie étaient liées au contenu proposé – et nous
parlons alors d’autonomie mathématique – tandis que d’autres (comme la possibilité de
rythmes différents) étaient plus proches de la compétence décrite par l’institution (MEN
2006), que nous nommons autonomie transversale.
Nous avons ainsi identifié la « richesse du contenu » comme étant liée au développement
de l’autonomie mathématique. En référence aux travaux de Ben Zvi & Sfard (2007), nous
avons considéré que l’autonomie de l’élève prenait des formes différentes selon que le savoir
en jeu était nouveau ou non. Nous avons alors, comme dans le cas de l'utilisation du
numérique, séparé deux types d'activités : les situations de recherche (découverte de savoirs
nouveaux) et les situations d’entraînement (mise en fonctionnement de connaissances déjà là).
9 sciencesconf.org:emf2018:221993
EMF2018 – GT7
6
Pour les situations de recherche, nous avons valorisé les activités demandant aux élèves une
prise d'initiative, c’est-à-dire une mise en fonctionnement des connaissances de niveau au
moins mobilisable (Robert, 1998).
Figure 2 – Richesse du contenu et autonomie mathématique
Pour la dimension « Autonomie transversale » (Figure 3), la même référence au travail de
Ben Zvi et Sfard (2007) nous a conduites à prendre en compte le recours possible au travail
collectif. Nous avons de plus intégré en référence à la définition de l’autonomie de Yackel &
Cobb (1996) les critères de validation par l’élève sans recours à l’enseignant.e, mais aussi la
possibilité de s’auto-évaluer. La possibilité offerte à l’élève de prendre en charge son
apprentissage dans un parcours lui proposant l’accès à différentes ressources, sans nécessiter
un recours systématique à l’enseignant, est valorisée dans cette dimension. Le fait que l’élève
puisse de lui-même choisir entre plusieurs parcours possibles est indiqué en bonus.
Figure 3 Autonomie transversale
Nous avons parlé des cinq dimensions retenues et des critères les décrivant, mais nous
souhaitions obtenir une évaluation facilement lisible de la qualité d’une ressource en termes
10 sciencesconf.org:emf2018:221993
7
d’usage du numérique favorisant l’autonomie. Nous allons donc maintenant nous intéresser à
notre construction du profil d’une ressource obtenu au moyen de cette grille.
V. UTILISATION DE LA GRILLE, EXEMPLE
Le fonctionnement général de la grille est le suivant : chaque critère reçoit une note entre 0
(pas du tout) et 3 (tout à fait). Pour chacune des 5 dimensions, on attribue alors à la ressource
une lettre : A, B, C, D en fonction du pourcentage du score total de cette dimension (total
calculé hors critères bonus). A est attribué entre 75 et 100%, B entre 50 et 75%, etc.
Nous donnons ici un exemple synthétique, concernant l’application de la grille à une
ressource CARTOUN intitulée « Équations du premier degré : logiciel et méthodologie »,
destinée au cycle 4 (plus particulièrement aux classes de 4e et de 3
e). Il s’agit de proposer aux
élèves un travail individuel sur la résolution d’équations du premier degré, en s’aidant s'ils le
souhaitent du logiciel gratuit Thot4 qui prend en charge pas à pas les calculs. Les élèves ont à
leur disposition, en plus du logiciel, une fiche d’exercices ; une fiche de rappels de cours ; une
fiche de prise en main du logiciel. L’autonomie fait partie des compétences des élèves
indiquées par l’auteur de la ressource.
Clarté Prise en main Contenu-autonomie
mathématique Utilisation du numérique
Autonomie transversale
C B B A A Figure 4 – Application de la grille à la ressource « Équations du premier degré »
Concernant la richesse du contenu et l’autonomie mathématique, cette ressource
correspond clairement au cas d’un entraînement mobilisant des savoirs déjà connus. La note B
correspond ici à un score de 8 sur 12 (67%) : en effet, si la ressource permet bien de travailler
la compétence calculer, et de renforcer des automatismes, elle amène à travailler dans le seul
registre algébrique (Duval, 1995) ; de plus les prérequis n’étant pas clarifiés, on ne peut rien
dire sur la correspondance entre ces prérequis et le contenu proposé.
Concernant l’utilisation du numérique, cette ressource correspond au cas où l’activité peut
être faite sans le numérique : il est explicitement dit que les élèves ont recours à l’aide du
logiciel seulement s’ils le souhaitent. La note A attribuée correspond au score de 16 sur 18
(89%). L’apport du numérique est clair : le logiciel permet aux élèves de faire des essais pour
la résolution d’équations et d’avoir un retour. Chaque élève peut faire ces essais à son rythme.
Le logiciel permet d’accéder à des représentations dynamiques des équations. Seul le
deuxième critère concernant la possibilité pour le professeur d’accéder au travail des élèves ne
semble pas satisfaite.
Finalement, en ce qui concerne l’autonomie transversale des élèves, la ressource obtient
également la lettre A, qui correspond aussi à un score de 16 sur 18 (94%). En effet, même si
la ressource n’intègre pas de support pour l’auto-évaluation (critère noté 0), et s’il est difficile
pour les élèves de savoir si leur travail est valide sans appeler le professeur (critère noté 1), un
bonus de 3 points est obtenu sur le critère « l’élève peut faire des choix pour personnaliser son
parcours ». En effet le choix de l’emploi du logiciel relève de la responsabilité de l’élève.
On retient ainsi que cette ressource fait une utilisation pertinente du numérique. Elle
favorise l’autonomie transversale des élèves, mais pourrait mieux soutenir leur autonomie
mathématique en mobilisant plusieurs registres de représentation.
4 http://www.emmanuelmorand.net/thot/telechargement.php
11 sciencesconf.org:emf2018:221993
EMF2018 – GT7
8
VI. CONCLUSION
La question de recherche que nous avons étudiée ici était formulée comme : « Quelles sont
les caractéristiques à prendre en compte, pour analyser le potentiel d’une ressource de type
scénario de classe en termes d’usage du numérique favorisant l’autonomie des élèves ? »
Le processus de construction de la grille a mis en évidence plusieurs éléments de réponse à
cette question. (1) Le potentiel d’une ressource, en termes d’usages du numérique en classe,
passe par son appropriation par des professeurs : d’où des dimensions de clarté et de facilité
de prise en main. (2) L’apport du numérique est pris en compte à travers les possibilités
spécifiques qu’il offre pour l’activité mathématique de l’élève. Dans cette dimension nous
n’avons pas explicitement mentionné l’autonomie : elle pourrait être vue comme la possibilité
pour l’élève d’atteindre son objectif, ce point pourra être approfondi dans des travaux
ultérieurs. (3) La richesse du contenu est liée à une forme d’autonomie mathématique des
élèves, qui peut se traduire par des prises d’initiative pour des situations de recherche, ou par
une mobilisation de savoirs connus sans aide extérieure. (4) Pour une autonomie de type
transversal, il s’agit d’observer les possibilités de personnalisation, d’accès à des aides, et
d’auto-évaluation.
La grille construite en intégrant ces critères nous permet de procéder à l’analyse de
ressources existantes. Elle a aussi vocation à intervenir pour la conception de ressources,
éventuellement en suggérant des améliorations de ressources existantes, mais surtout en
guidant la conception de ressources visant le développement de l'autonomie des élèves au
moyen du numérique. L’utilisation de la grille par un groupe de conception de ressources au
sein de notre projet permettra de confronter le potentiel a priori d’une ressource et les
déroulements effectifs en classe. Cette confrontation constituera une étape essentielle pour la
conception de la grille, et conduira probablement à de nouvelles évolutions.
REFERENCES
Ben-Zvi, D. & Sfard, A. (2007). Ariadne's thread, Daedalus' wings and the learner’s
autonomy. Education & Didactique 1(3), 117-134.
Brousseau, G. (1998). La théorie des situations didactiques. Grenoble : La Pensée Sauvage.
Duval, R. (1995). Sémiosis et pensée humaine. Berne : Peter Lang.
Gueudet, G., & Trouche, L. (2008). Du travail documentaire des enseignants : Genèses,
collectifs, communautés. le cas des mathématiques. Education & Didactique, 2(3), 7-33.
Gueudet, G., & Lebaud, M.-P. (2015). Usage des technologies et investigation en
mathématiques : quels contrats didactiques possibles ? Recherches en éducation 21, 81-94.
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12 sciencesconf.org:emf2018:221993
UN CAS D’ETUDE AVEC SCRATCH A L’ECOLE PRIMAIRE : DISTANCE
ET REPERES
HASPEKIAN *
Mariam
Résumé – Dans le prolongement de nos travaux sur le développement professionnel avec les TIC, nous
étudions cette fois l’introduction Scratch en primaire. Cette nouvelle mise à l’épreuve de nos outils
d’analyse vise à en prolonger l’élaboration et, mis en perspective avec nos études précédentes, de discuter
l’idée de repères didactiques, pour modéliser la pratique enseignante en termes de distance et repères.
Mots-clefs – pratiques enseignantes, informatique, Scratch, repères didactiques, distance instrumentale.
Abstract – In continuation of our research on the development of teaching practices with ICT, we study
this time, the case of Scratch integration in primary school. This new testing of our analysis tools allows
extending their elaboration: by putting the results in perspective with our previous studies, we discuss the
idea of didactic “landmarks”, in order to model the teaching practice in terms of distance and landmarks.
Keywords: teaching practices, Scratch, computer science, didactical landmark, instrumental distance.
I. INTRODUCTION ET CONTEXTE DE LA RECHERCHE
Algorithmique, programmation, robots, logiciels tels Scratch, entrent dans les nouveaux
programmes mathématiques français (primaire et secondaire). Il n’est plus seulement mention
de nouvelles technologies, mais d’apprentissage informatique. Cette mutation peut perturber
les pratiques en place pour que de nouvelles se développent. Qu’apprend-on à cette occasion
des pratiques enseignantes avec les technologies ? Nous saisissons ainsi ce contexte chan-
geant comme occasion de comprendre mieux les situations de développement professionnel,
pour progresser dans leur modélisation théorique. Pour cela, nous étudions ici les débuts d’un
enseignant incorporant Scratch en CE2, en mobilisant le cadre de l’approche instrumentale
(Artigue 2002, Guin & Trouche 2004, Lagrange 2000), avec les outils issus de nos travaux
antérieurs : l’idée de double genèse instrumentale et de distance. Ceci permet d’en prolonger
l’élaboration en dégageant l’importance des repères didactiques (Haspekian, 2017), contre-
pied de la distance, et opérant comme références dans les dynamiques en jeu le long de ces
genèses instrumentales.
II. DISTANCE ET DOUBLE GENESE INSTRUMENTALE
Nous présentons ici plus avant l’idée de distance aux pratiques, ainsi que la distinction ge-
nèse instrumentale personnelle-professionnelle, en nous référant au contexte de recherche qui
leur a donné naissance, l’intégration du tableur en mathématiques (Haspekian, 2006).
L’idée de distance instrumentale se veut souligner qualitativement l’impact de
l’introduction de « nouveau » dans des pratiques installées, et mesurer quantitativement le dé-
séquilibre produit par cette introduction en termes d’écart à ces pratiques : en effet, selon
l’approche instrumentale, un nouvel outil technologique ne sera pas neutre, notamment sur les
conceptualisations en jeu. La distance instrumentale identifiée dans le tableur, dans le cas de
l’enseignement de l’algèbre, explique les résistances et difficultés d’intégration dans les pra-
tiques enseignantes, ou encore les tendances des enseignants à évoluer avec le tableur vers des
pratiques réduisant la distance (Haspekian, 2006). Dans nos travaux précédents, un autre cas
de distance provoquée par du « nouveau » dans des pratiques anciennes, a été celui de
l’algorithmique au lycée qui, bien qu’il ne s’agisse pas ici d’un outil TIC mais d’un domaine
entier, montrait des phénomènes analogues à ceux d’une distance instrumentale1, nous menant
à étendre celle-ci à une « distance aux pratiques usuelles en mathematiques » (Haspekian &
Nijimbéré, 2016). Pour la définir (Haspekian, 2017), nous utilisons les 5 composantes de la
* Université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité – France – [email protected]
1 Tensions et resistances, pratiques de juxtaposition (devoirs maison, activités isolées…) minimisant la distance. 13 sciencesconf.org:emf2018:222515
EMF2018 – GT7 2
Double Approche (Robert & Rogalski, 2002), cadre qui modélise les pratiques en étudiant les
contraintes institutionnelles et sociales pesant sur les choix que prend l’enseignant, selon sa
propre personne (histoire, représentation de l’apprentissage, de la discipline), pour organiser
le travail des élèves aux niveaux cognitif (choix de contenus, d’approche…) et médiatifs (ges-
tion du temps, de l’espace…). Les facteurs qui contribuent à créer une distance se déclinent
sur ces composantes. Le tableur en algèbre présente par exemple une distance aux niveaux :
cognitif, personnel, institutionnel.
La genèse instrumentale (Rabardel, 1995) caractérise la relation d’un sujet à un artefact le
long de son activité avec celui-ci. Appliquée au cas d’un sujet enseignant et d’un outil ma-
thématique tel le tableur, deux activités différentes entrent en jeu : l’une personnelle (GIpe)
menant pour l’enseignant (comme pour l’élève), à un tableur-instrument au service du travail
mathématique, l’autre professionnelle (GIpro) s’ajoutant à la personnelle, menant cette fois le
tableur vers un outil au service d’une autre activité, celle d’enseigner les mathématiques
(fig1). Cet instrument didactique, bien que provenant du même artefact tableur, diffère du
personnel. Tous deux existent pour le sujet enseignant. La GIpro consiste à développer des
fonctions didactiques de l’outil, généralement non prédéfinies (encore moins dans le cas
d’outils importés dans le monde éducatif tel le tableur), et les intégrer dans ses pratiques en
cours. Pour illustrer cette différence de nature d’instrument auquel chacune des deux genèses
mène, l'exemple des calculatrices de poche est assez révélateur. Pour devenir instrument di-
dactique, de nombreuses situations, maintenant classiques, dites de « calculatrice contrainte »
(dans l'affichage, l'utilisation…) ont vu le jour dans la littérature professionnelle comme en
recherche (exemple Caron 2007, Del Notaro & Floris 2011) : situations de « touches cas-
sées », calculatrices « défectueuses »... C’est bien l’objectif didactique d’enseignement (ici
des mathématiques) qui produit cette «calculatrice» didactique, bien différente de la calculette
usuelle, qui n’est ordinairement, ni défectueuse, ni avec des touches cassées...
Figure 1 – Differents instruments à partir d’un même artefact via une GIpro pour l’activité didactique du pro-
fesseur et des GIpe (élèves et enseignant) pour l’activité mathématique
Les GIpe et GIpro ne sont pas indépendantes et interfèrent l’une sur l’autre. Elles dépen-
dent aussi de celles des élèves (Haspekian, 2014) : des schèmes doivent se développer pour
organiser et accompagner les GIpe avec le tableur, outil de travail mathématique. Pointant ce
nécessaire accompagnement, Trouche (2004) dégage les orchestrations instrumentales qui
sont les configurations et modes d’exploitation de l’outil définis par l’enseignant. Celles-ci
évoluent au fil d’expériences, le long d’une GIpro où des schèmes de l’activité s’enrichissent
de connaissances sur les GIpe élèves et l’usage possible de l’outil.
Récemment, ces notions ont été appliquées à l’analyse des pratiques de 5 enseignants dé-
couvrant des robots pédagogiques ou Scratch2. Nous reprenons ici l’un des cas observés, René
avec Scratch. L’objet de ce texte est de dégager l’idée de repères didactiques, discutée au §V,
à partir de la mise en perspective de ces analyses avec nos travaux précédents.
III. CHOIX DES DONNEES ET METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
1. Contexte et méthodologie
Les données viennent du projet DALIE3 consacré à l’informatique à l’école primaire. Une
équipe de chercheurs (France et Grèce) ont ainsi observé des enseignants volontaires, mais
sans formation, ni consignes précises, pour utiliser Scratch ou des robots (Bee-bots, Thy-
2 Une présentation plus détaillée du cas de René avec les difficultés des élèves est donnée dans (Haspekian &
Gélis, soumis) 3 Didactique et apprentissage de l'informatique à l'école - ANR-14-CE24-0012
GIpe de l’enseignant
GIpe de l’élève GIpro de l’enseignant
Artefact tableur
14 sciencesconf.org:emf2018:222515
mio…) avec des élèves de 6-9 ans. Nous cherchons à cerner l’activité avec l’outil, les diffi-
cultés rencontrées, la façon dont naissent et se déploient les genèses en jeu, notamment les
liens entre GIpe (professeurs et élèves) et GIpro (enseignant). Notre méthodologie, inspirée de
Drijvers & al. (2013), consiste à analyser les orchestrations en place, leurs évolutions, par :
- l’analyse des tâches données dans l’environnement technologique en termes de tech-
niques, schèmes et savoirs mathématiques et informatiques en jeu,
- les rôles de ceux-ci dans les genèses instrumentales des élèves,
- les éventuelles difficultés possibles et les interactions dans leur gestion par l’enseignant,
- l’articulation avec l’environnement papier-crayon ou les autres instruments déjà en place.
Nous avons alors recueilli plusieurs types de données : vidéos de classe, entretiens pré-post
séances des enseignants, leurs documents préparatoires, et des entretiens avec les élèves.
2. Le logiciel Scratch
Pour les concepteurs4, le logiciel Scratch, profondément influencé et inspiré de Logo, permet
une approche ludique de l’algorithmique. Selon eux, la programmation par déplacements de
blocs est accessible aux plus jeunes, permettant d’apprendre d’importants concepts mathéma-
tiques telle la notion de variable en algèbre (Resnick 2007, p.21). Ainsi, Benton et al. (2017)
utilisent Scratch pour approcher un ensemble conséquent de concepts mathématiques dont ce-
lui d’algorithme. Les programmes français y font aussi régulièrement référence à différents
âges et toujours en lien avec les notions mathématiques. Par exemple, dès 6 ou 7 ans, il est
proposé de « coder des déplacements à l’aide d’un logiciel de programmation adapté »
(MEN 2015, p.86) afin d’amener dès l’âge de 8 ans « à la compréhension, et la production
d’algorithmes simples.» (ibid.). A partir de 9 ans, les programmes de mathématiques men-
tionnent à plusieurs reprises une initiation à la programmation via « les déplacements d’un
robot ou ceux d’un personnage sur un écran », initiation qui se poursuit en mathématiques
sur tout le collège : « Au cycle 4, les élèves s’initient à la programmation, en développant
dans une démarche de projet quelques programmes simples, sans viser une connaissance ex-
perte et exhaustive d’un langage ou d’un logiciel particulier. En créant un programme, ils
développent des méthodes de programmation », afin que les élèves, dès 12 ans, revisitent «les
notions de variables et de fonctions sous une forme différente, et s’entraînent au raisonne-
ment » (ibid., p.378). Il est alors intéressant d’observer quelles exploitations de ces outils dé-
veloppent des enseignants non experts, professeurs de mathématiques ou d’école, tel René ici.
3. René et Scratch
Les données ici (vidéos et entretien à chaud post-séance) se placent au tout début de la GIpro
de René : sa 2e séance Scratch, la 1
e étant une découverte libre par les élèves. Quels objectifs
mathématiques, informatiques et instrumentaux prévoit alors René, avec quelles orchestra-
tions ? Par ailleurs, la séance est répétée sur deux créneaux avec chacun une moitié de classe.
Cette répétition d’une même séance sur deux moitiés de la même classe la rend intéressante
pour notre problématique : nous accédons en direct à un moment de développement de sa GI-
pro, René réinvestissant avec le 2e groupe certains repères pris avec le premier. En quelque
sorte, nous observons la GIpro se dérouler sous nos yeux.
IV. PRINCIPAUX RESULTATS
Nous synthétisons ici les deux principaux résultats : les liens entre GIpe trop peu avancée et
GIpro de René, et l’évolution visible de sa Gipro dès le cours de la séance avec le groupe 1.
1. Une GIpe trop peu avancée : conséquences sur la GIpro
4 http://scratchfr.free.fr/, Scratch a été développé par le MIT Media Lab. 15 sciencesconf.org:emf2018:222515
EMF2018 – GT7 4
Dans la séance prévue par René, les élèves devaient répondre à 2 consignes qui, au stade
de leurs GI avec Scratch et de leurs connaissances mathématiques à ce niveau scolaire, com-
portaient trois points d’achoppement prévisibles5. En effet, les élèves n’ayant pas encore les
connaissances instrumentales suivantes : (a) Existence de coordonnées pour contrôler mini-
malement les positions d’un personnage à l’écran. Ceci est en lien avec des connaissances
mathématiques clairement mentionnées dans les programmes (repérage dans un plan) que les
élèves n’avaient pas encore. (b) Nécessité, selon les commandes utilisées, de définir une posi-
tion initiale (cas de la commande « Aller à… » utilisant des références absolues et non rela-
tives), idem pour l’orientation si le programme la modifie. Cette connaissance instrumentale
ne va pas de soi dans la mesure où un programme incomplet ne se perçoit qu’au 2e lancement
(l’objet est alors immobile). (c) Existence de “scripts parallèles” associés à chaque objet, con-
naissance là encore non intuitive (seule une page de scripts est affichée à la fois) mais néces-
saire pour contrôler 2 objets ou plus.
La consigne visait-elle alors à faire émerger ces connaissances ? Les vidéos et entretiens
montrent que René, n’ayant pas lui-même identifié ces trois points, n’avait pas préparé la
séance dans cette approche. Lors des interactions, il a les mêmes interrogations que les élèves,
découvrant (a), (b) et (c), réalisant plus ou moins leur importance en direct. Mais cette faible
connaissance de Scratch, loin de créer de l’inconfort, est utilisée par René pour montrer aux
élèves l’importance de chercher, tester, ne pas se décourager...
Cette GIpe, encore trop peu avancée, a deux conséquences sur la GIpro de René : dans sa
gestion des GI des élèves, et dans sa définition des objectifs d’apprentissage avec Scratch. En
effet, ses aides face aux difficultés des élèves avec les connaissances (a), (b) et (c) non antici-
pées, ne peuvent efficacement faire avancer les GI des élèves. Divers épisodes, au fil des deux
séances, montrent René cherchant l’origine des problèmes pour lesquels il est sollicité. Il
réussit parfois à les analyser sur le vif, c’est le cas de (b), mais de façon incomplète (les objets
déplacés par translation mais pas par rotation), mais le plus souvent, les problèmes sont soit
mis sur le compte de commandes défaillantes, soit écartés sans plus d’explication, le dysfonc-
tionnement restant ainsi non compris des élèves qui ne peuvent alors développer avec Scratch
les schèmes d’action qui mettent en jeu ces connaissances. Enfin, les objectifs de René avec
Scratch ne visent ni les mathématiques, comme on aurait pu le penser avec le repérage et le
déplacement dans un plan, ni l’informatique, non identifiée à ce stade par René. Par exemple,
son vocabulaire est instable : « coordonnées » devient parfois « codes du personnage » ou en-
core « codes du mouvement ». Néanmoins, René a bien des objectifs d’apprentissage, ceux-ci
se situent pour partie dans une discipline qu’on pourrait qualifier de « substitution », le Fran-
çais (lire et comprendre les commandes, projet d’écriture d’un récit, importance de la chrono-
logie d’une histoire, du séquencement des actions…), ou sont décalés vers des objectifs trans-
versaux aux apprentissages disciplinaires (chercher un problème, essayer et ajuster, dévelop-
per des interactions entre pairs).
2. Prise de repères et évolution de la GIpro
Les premiers stades de la GIpro de René avec Scratch le montrent prendre des repères lors des
premières interactions, et les réinvestir plus tard ou avec le second groupe. Par exemple, si la
connaissance (c), approchée en milieu de séance 1, n’est plus mentionnée ensuite, René évo-
lue clairement sur (a) : les interactions montrent qu’il découvre, en début de séance 1,
1’affichage des coordonnées à l’écran. En fin de session, il les pointe directement (sans pour
autant chercher le système sous-jacent les générant) : « Si tu le vois plus, ça veut dire que les
coordonnées x et y que t’as mises sont en-dehors de la page (…) là, regarde, là t’as les coor-
données de la flèche. Si tu déplaces, les coordonnées changent. ». Avec le groupe 2, il antici-
pe alors et mentionne cette fois (a) dès le début, lors de l’introduction collective : « j’vais ga-
5 Bouger deux lutins simultanément puis successivement avec une seule commande de départ vise à faire dé-
pendre l’action du 2e lutin de celle du 1
er, par exemple en les faisant communiquer par la commande «message». 16 sciencesconf.org:emf2018:222515
gner un peu de temps par rapport au groupe précédent : voyez si on met la flèche ici…. » .
Dans l’entretien post-séances, il nous confirme la découverte pendant la session (1) : « les
coordonnées du pointeur étaient affichées à l’écran ! »; « Regarde, là ici, là, x zéro, y zéro !
J’l’avais pas vu mais en fait quand tu déplaces t’as la position exacte ! ».
De même, bien que plus tard (session 2), René saisit la connaissance (b). Mais une fois ce
repère pris, il identifie aussitôt les difficultés associées à des positions non initialisées. Dans
un échange avec un élève, il exprime clairement le regret de ne pas l’avoir spécifié collecti-
vement comme il l’a fait pour (a) : « y a un p’tit point où tu, euh, où d’ailleurs qu’on n’a pas
précisé en commun… ». Si la question liée à une position initiale dans des programmes avec
déplacements est ainsi identifiée, le besoin similaire d’initialiser une orientation dans des pro-
grammes avec rotations reste non identifié, laissant les élèves concernés bloqués. Le tableau1
synthétise les prises de repères sur (a), (b), (c), qui s’enrichissent le long des 2 séances :
Prise de repères Séance 1er groupe Séance 2e groupe
a : Coordonnées
Repère
Coord : NON au début, prise de conscience dans la séance
Repère : NON
Coord. : OUI et va plus loin, demandant pour ce groupe : « départ et arrivée différents »
Repère : NON
b : Nécessité d’initialiser une position ou orienta-tion de départ
NON NON au départ, mais prise de conscience durant la
séance pour les déplacements. Non pour les orientations.
c Scripts parallèles NON au début, puis OUI OUI et NON
Tableau 1 – Evolution dans le temps des GIpe-pro de René sur les connaissances (a), (b) ou (c)
3. Leviers pour gérer les séances le temps de prendre des repères en parallèle
René a 14 ans d’expérience, ses pratiques sont en bonne partie stabilisées et cohérentes (Ro-
bert & Rogalski, 2002). L’irruption de ce nouvel outil déstabilise ces équilibres pour évoluer
vers une nouvelle stabilité préservant la cohérence dans l’exercice du métier. Quels processus
jouent dans cette évolution ? L’analyse ci-dessus en montre un premier mécanisme : la prise
de repères sur l’usage de Scratch. Nous en décrivons ici un second : la réduction de la distan-
ce portée par Scratch.
L’activité constructive (Samurçay et Rabardel, 2004) se déroulant lors des séances mêmes,
comment René les gère-t-il alors le temps d’une prise de repères ? Il dit lui-même avoir be-
soin de temporiser pour connaître plus. Notre hypothèse est que René a suffisamment de repè-
res par ailleurs (i.e. hors technologies), pour lancer des séances innovantes sans être déstabili-
sé, séances qui donneront elles-mêmes de nouveaux repères. En effet, selon nous, ses choix
d’apprentissage visés avec Scratch (ni mathématiques, ni informatiques, mais transversaux ou
visant le Français) ne sont pas fortuits : ils s’expliquent, à nouveau, en termes de repères ac-
quis par l’enseignant, minimisant la distance que le logiciel introduit à ses pratiques usuelles.
René est en effet très à l’aise dans l’enseignement du Français, où il a l’habitude de mener des
projets, et choisir des visées transdisciplinaires (travail en groupe, socialisation des élèves,
projet de classe) permet de même de retrouver des repères familiers et qui peuvent se transfé-
rer aisément, car exempts de concepts sous-jacents, ou de concepts trop dépendants d’une dis-
cipline donnée.
V. DISCUSSION ET PERSPECTIVES POUR LA RECHERCHE ET LA FORMATION
1. Distance et repères
Les processus mis en œuvre par René, face à la distance générée par Scratch, permettent de
revenir sur la problématique de l’intégration des TIC en prolongeant, par l’idée de repères, le
travail sur la notion de distance évoquée plus haut avec l’intégration du tableur ou de
l’algorithmique. En effet, la réduction de la distance pour retrouver des repères auxquels se
référer, observée ici, est autre phénomène commun avec ces recherches (Tab.2). Les recher-
ches précitées s’analysent ainsi aisément à l’aune de cette notion. Par exemple, le facteur qui
rendait la distance instrumentale du tableur trop grande, freinant son intégration en algèbre, 17 sciencesconf.org:emf2018:222515
EMF2018 – GT7 6
avait été analysé comme étant épistémologique. De fait, le tableur en algèbre fait perdre trop
de repères sur cette dimension-là, ce qui avait mené l’enseignante observée à tourner son in-
tégration du tableur vers les statistiques où la distance est moins grande qu’en algèbre. Les re-
pères didactiques éclairent ainsi l’idée de distance : s’il y a distance (à des pratiques instal-
lées) perturbant l’enseignant, et pas simple nouveauté s’ajoutant, sans vagues, aux pratiques
en cours, c’est parce que des repères sont déjà là. Cette tension distance-repères acquis par
l’enseignant nous semble donc utile pour expliquer des phénomènes relevés dans les situa-
tions d’intégration des TIC : difficultés, résistances, réduction de la distance.
Distance introduite
Impact de la distance sur les objets et connaissances
Pratiques enseignantes Réduction de la distance-Rôle des re-pères
Par le ta-bleur en algèbre
2 mondes algébriques distincts
- Changement : niveau supérieur de classe - Changement : introduction sur des conte-
nus anciens et non nouveaux - Changement de domaine : statistiques
- Niveau : réduit les difficultés d’instrumentalisation
- Contenus anciens : réduit la quantité de nouveau et de repères à acquérir
- Distance ou perte repères moins im-portante en statistiques qu’en algèbre
Algo-rithmique lycée
domaine attaché à program-mation et informatique
- Confiné devoirs-maisons, évitement - Pratiques juxtaposées, séparées du reste
- Resistance par des pratiques préservant les repères des pratiques usuelles
Scratch à l’école primaire
Contenus mathématiques non identifiés
- Déplacement vers la discipline français - Ou vers des objectifs plus transverses (tra-
vail en groupe, explorer, essai-erreurs…)
- Objectifs d’apprentissage détournés pour retrouver, via des contenus bien connus, des repères d’enseignement
Tableau 2 – Phénomènes de réduction de la distance dans les 3 recherches
Parler de « distance à… » suppose ainsi l’existence en amont d’un ensemble de repères
auxquels les pratiques nouvelles se réfèrent. Ces repères préexistants (qui peuvent ainsi être
construits, reconstruits, perturbés, modifiés, recherchés…) permettent à l’enseignant de navi-
guer au quotidien. Notre définition inclue cette idée de guidage de l’activité ultérieure : un re-
père didactique6 est un élément, conscient ou non, de savoir professionnel, acquis par
l’enseignant, et qui le guide dans son action. Cette fonction de guidage est essentielle. Il ne
s’agit pas simplement de connaissances permettant de retrouver un équilibre localement per-
turbé par l’introduction de l’outil. En nommant « repères » ces connaissances construites,
nous souhaitons pointer ce rôle de balises effectives pour l’activité de l’enseignant, toutes les
connaissances n’ayant pas cette fonction-là. Nous cherchons aussi à distinguer la nature des
différents types de repères existants. Pour cela, les facteurs de distance, catégorisés par les
composantes de la Double Approche, fournissent une structuration théorique des repères qui
peuvent ainsi être : institutionnels, cognitifs, médiatifs... Pour que l’intégration d’un nouvel
outil puisse, celui-ci ne doit alors pas créer une trop grande distance aux pratiques sur ces di-
verses composantes où l’enseignant a des repères. Dans chacune d’elle, contrant cette tension
distance-repères qui peut donc s’avérer un frein à l’intégration si trop peu de repères demeu-
rent, on trouve à l’opposé des légitimités (Tab.3), facteurs favorisant potentiellement
l’intégration : légitimités sur les plans socio-institutionnel, didactique (cognitif et médiatif) ou
personnel (notamment épistémologie et représentations du professeur).
Au final, l’intégration (qualitative et quantitative) de nouveau (artefact, domaine, discipli-
ne) résulte pour chaque sujet de cette mise en balance entre les légitimités perçues et les diffé-
rentes tensions distance-repère de ces composantes.
La distance est problématique lorsque les repères sont bousculés sans que de nouveaux ne
soient envisagés. Ceux-ci peuvent se créer soit par la formation, les ressources, soit en les
imaginant soi-même ou en tentant malgré tout l’expérience. Comme pour les schèmes dans
lesquels ces connaissances vont intervenir, un 1er
essai créera de nouveaux repères pouvant
donner une activité bien différente au 2e essai, etc. A plus grande échelle, l’expérience multi-
pliée de nouvelles situations peut doter l’enseignant de repères assez robustes pour agir face à
une situation inédite, pourvu qu’elle ne soit pas trop distante de ce qui a été vécu dans cette
expérience, ou qu’il puisse l’en approcher. Autrement dit, un enseignant expérimenté a non
6 Le terme « didactique » est pris ici au sens courant, pour préciser que les éléments considérés sont ceux qui ont
trait à l’enseignement-apprentissage (y compris gestion de classe par exemple). 18 sciencesconf.org:emf2018:222515
seulement plus de repères, mais est susceptible d’en transposer-adapter d’anciens pour s’en
créer de nouveaux plus rapidement et facilement qu’un novice, ce qui interroge la formation.
Composantes + : Légitimité du « nouveau » - : Tension repères-distance S
oci
o-
inst
itu
tle -Institutionle
-Sociale - Légitimité Institutionnelle : programmes, inspection, examens - Légitimité Sociale : évolutions sociétales, modernité, prégnance
de la technologie
Nécessitent une appropriation : des repères à construire, même si les programmes en donnent.
Did
acti
qu
e
-Cognitive
-Médiative
- Légitimité Cognitive (ex : LDG et figure géométrique, tableurs
et entrée dans l’algèbre…) - Légitimité Médiative (ex : gain de temps dans le tracé des
constructions géométriques, calcul d’un grand nombre de
données, simulation d’expériences aléatoires, calculs automatisés, tracés de courbes, illustration…)
A priori (enseignant ordinaire) :
repères cognitifs à acquérir repères médiatifs à acquérir Des GIpro à développer, en termes
d’orchestration notamment pour gérer les GI des élèves
Per
son
nel
le - Epistémologie et
- Représentation de l’enseignant
- Légitiment ou freinent - (variable suivant les enseignants) - Légitimité Epistémologique : sur les disciplines impactées (épistémologie de la discipline et épistémo de
l’enseignement/ apprentissage de cette discipline). La tension ici est fonction de la distance que
représente le nouveau aux disciplines usuellement enseignées - Légitimité dans les Représentations : non spécifiquement disciplinaires)
Tableau 3 – Légitimités, repères et distance à l’ancien : la distance aux pratiques pose problème si trop peu de
repères demeurent aux niveaux institutionnel, cognitif et mdiatif (facteurs négatifs). Cette perte est compensée
par les légitimités perçues/conférées sur ces composantes ou sur la composante sociale (facteurs positifs), et
éventuellement par la composante personnelle (facteurs positifs ou négatifs selon la personne).
2. Perspectives pour la recherche et la formation
Le cas de René mis en perspective avec d’autres recherches apporte des éléments de compré-
hension des pratiques intéressant tant la recherche que la formation. En situation où le contex-
te éloigne les enseignants de leurs pratiques habituelles (nouvel artefact tel le tableur en
l’algèbre, ou nouveau domaine tel l’algorithmique en mathématiques, ou nouvelle discipline
telle l’informatique à l’école), l’inédit est géré à l’aide de repères soit construits au fil des
séances, soit anciens, via des stratégies de réduction de la distance permettant de revenir en
terrain connu. Repères didactiques et distance sont ainsi en jeu dans ces terrains.
Pour creuser au niveau théorique, il faudrait continuer à investiguer, appuyée de cette mé-
thodologie, ce que recouvrent ces repères et leurs rôles dans les pratiques en observant
d’autres cas, ainsi que les prochaines expériences de ceux déjà observés (de quels types sont
les repères élaborés : repères de gestion de classe? disciplinaires? transdisciplinaires?...) et
analyser l’évolution de leurs GI. En outre, des liens seraient à creuser avec d’autres notions
comme les schèmes (ici professionnels ; en lien avec la théorie de l’Activité), ou les travaux
anglo-saxons sur les connaissances (modèle TPACK7), et ceux sur les beliefs ou croyances
(Fives and Gill, 2015), qui éclairent des processus plus inconscients.
Du point de vue de la formation, si les repères didactiques s’avèrent cruciaux, plusieurs
questions se posent : comment en faciliter l’acquisition ? Certains peuvent-ils plus facilement
s’acquérir en autonomie que d’autres ? Peut-on raisonnablement miser sur l’expérience seule
pour créer des repères didactiques d’enseignement de concepts informatiques ? Les ensei-
gnants ne paraissant pas en difficulté grâce à la mise en place de stratégies de « substitution »,
quelle raison les ferait se tourner vers des savoirs qu’ils n’ont pas même repérés et qu’est-ce
qui pourrait leur donner ces repères ? Ces réflexions indiquent des pistes pour les ressources
et plus généralement pour les formations sur les besoins des enseignants d’élaborer de nou-
veaux repères didactiques, en appui ou non sur des situations antérieures. Les cas étudiés ici
indiquent en effet que ces ressources et formations doivent jouer sur les différentes dimen-
sions des repères, dimensions qu’il ne faudrait pas séparer pour espérer des changements dans
les pratiques : 1) connaissances disciplinaires des domaines, des praxéologies possibles et 2)
connaissances didactiques en lien avec ces domaines (cognitifs, médiatifs, instrumentaux, y
compris de gestion de classe qui rentre dans le médiatif et dans l’instrumental avec les orches-
trations, mais aussi de gestion de classe au sens plus large). Selon nous, si certains repères di-
dactiques peuvent s’acquérir par le développement des GIpro et GIpe de l’enseignant, un ac-
7 Koehler&Mishra (2009) développent le modèle PCK de Shulman (1986), non basé sur la Double Approche 19 sciencesconf.org:emf2018:222515
EMF2018 – GT7 8
compagnement en formation et ressources est nécessaire pour que des repères conceptuels se
mettent en place.
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20 sciencesconf.org:emf2018:222515
DÉVELOPPEMENT DES USAGES DU NUMÉRIQUE ÉDUCATIF DANS
LE CONTEXTE DE L’ENSEIGNEMENT DES MATHÉMATIQUES AU
CONGO – BRAZZAVILLE :
CAS DE LA PLATEFORME WIMS
MALONGA MOUNGABIO* Fernand – TSIKA KIMBATSA
* Paul
MOUYAMA NGOMA *
Milca – DENYS
** Bernadette
Résumé – De plus en plus, de nombreux outils technologiques sont créés pour une diversification des
pratiques pédagogiques. Nous rapportons ici les éléments d’une étude en cours sur une expérimentation
concernant la mise en place, dans un nombre limité d'établissements, de micro-serveurs rendant l'usage de
la plateforme WIMS possible sur un ensemble d'ordinateurs, sans connexion internet. L’étude vise aussi à
examiner les types de tâches, sur WIMS, en vue de développer le raisonnement et l’autonomie des élèves.
Mots-clefs : Numérique éducatif ; WIMS ; Classe virtuelle ; Enseignement ; Mathématiques.
Abstract – An ever-increasing number of technological tools are being created to meet the needs of
diverse teaching practices. We report on the elements of an ongoing study concerning an experiment in
which a micro-servers were set up in a small number of institutions, thereby enabling the use of the
WIMS platform on a group of computers with no need for Internet connections. The study also examines
the types of tasks, on WIMS, which can develop the students' reasoning and autonomy.
Keywords: Digital educational ; WIMS ; Virtual classroom ; Education ; Mathematics.
I. INTRODUCTION
L’informatisation de la vie professionnelle, ainsi que la diffusion des Technologies de
l’Information et de la Communication (TIC) dans la vie quotidienne, permettent la
multiplicité des sources d’informations et de culture qui ne laissent pas insensibles les
responsables du système éducatif de la République du Congo1 : pour ceux-ci, les nouvelles
technologies apparaissent comme un levier pour l’amélioration de la qualité de
l’enseignement (SSE, 2015).
Se pose donc le problème à la fois de révision des curricula et de formation des formateurs
et des enseignants qui doivent participer à l’intégration des nouveaux outils technologiques.
De plus, dans les programmes des enseignements primaire et secondaire, l’utilisation des
Technologies de l’Information et de la Communication dans l’Enseignement (TICE) ne fait
pas encore partie des compétences exigibles.
De plus en plus, des projets de formation et de sensibilisation à l’usage des TICE sont
réalisés. C’est le cas du projet « Production des Ressources Numériques pour l’Enseignement
des Mathématiques en Afrique Centrale (PReNuM-AC) » qui fournit des éléments nécessaires
à la réalisation de notre étude, en particulier en ce qui concerne l’utilisation de la plateforme
WIMS (Web Interactive Multipurpose Server).
* Université Marien Ngouabi, ENS – République du Congo – [email protected]
* Université Marien Ngouabi, ENS – République du Congo – [email protected]
* Université Marien Ngouabi, ENS – République du Congo – [email protected]
** Groupe de Réflexion sur l’Enseignement des Mathématiques en Afrique, Université Paris Diderot – France –
[email protected] 1 République du Congo que nous appelons aussi Congo-Brazzaville.
21 sciencesconf.org:emf2018:221590
EMF2018 – GT7 2
En effet, notre étude s’appuie sur une formation à l’utilisation de la plateforme WIMS par
un groupe d’enseignants évoluant dans des établissements publics dits « lycées
d’excellence2 ».
Avant de présenter nos questions de recherche, nous précisons quelques éléments du
contexte sur l’origine de notre recherche, notamment notre participation au projet.
II. PROJET « PReNuM-AC »
L’étude que nous présentons ici se situe dans le cadre des suites du projet « PReNuM-
AC) ». Ce projet, réalisé de 2012 à 2015, s'est appuyé localement sur l’Ecole Normale
Supérieure (ENS) de Brazzaville (République du Congo) et sur l’Ecole Normale Supérieure
de Yaoundé (République du Cameroun) ainsi que sur les inspecteurs pédagogiques de
mathématiques des deux pays. Les organismes universitaires en France impliqués dans ce
projet sont l'Institut de Recherche sur l’Enseignement des Mathématiques (IREM) et le
Laboratoire de Didactique André Revuz (LDAR) de l’Université Paris Diderot.
Le projet PReNuM-AC a visé le développement des usages des outils en ligne (plate-forme
de formation, base d'exercices et document d'évaluation) pour remédier à l'isolement des
enseignants de mathématiques. Le projet a été centré sur la production et la diffusion de
ressources pour l'enseignement des mathématiques en classe de Terminale Scientifique,
comportant notamment des exercices provenant de la plateforme WIMS.
Le développement de ce projet rejoint les intentions des responsables du système éducatif
du Congo-Brazzaville concernés par les questions d’intégration des outils technologiques
dans l’enseignement.
III. PROBLÉMATIQUE
Notre problématique consiste à examiner les modalités d’intégration de l’utilisation de la
plateforme WIMS dans la pratique des enseignants.
1. Question de recherche
Notre principale question est la suivante :
Comment concevoir une formation d’enseignants à l’utilisation de WIMS, dans le but de
mettre en place des situations d’apprentissage complémentaires3, adaptées aux élèves des
lycées d’excellence ?
Trois questions fondamentales en découlent :
- En quoi la plateforme WIMS peut-elle contribuer à la diversification des
apprentissages ?
- Quels sont les savoirs sur la pratique enseignante, nécessaires pour le développement
des activités d’apprentissage complémentaires ?
- Quels sont les types de situations d’apprentissage à choisir à partir de la plateforme
WIMS ?
2 Les « lycées d’excellence » sont des établissements publics créés dans le souci de promouvoir l’excellence,
relever le niveau du système éducatif, poursuivre la formation d’une élite dans les domaines scientifique,
littéraire et artistique. 3 Par « apprentissage complémentaire », nous entendons l’ensemble des mécanismes visant à acquérir des
savoirs et savoir-faire non explicités par les contenus des programmes scolaires.
22 sciencesconf.org:emf2018:221590
EMF2018 – GT7 3
2. Objectif de l’étude
Notre objectif est de former un groupe d’enseignants intervenant dans des lycées
d’excellence, à l’utilisation de WIMS sur un ensemble d'ordinateurs portables, sans connexion
internet et sans installation particulière.
Aussi, nous nous proposons d’examiner les possibilités de mettre en place une
communauté de pratique au sens de Wenger (1998). Cette communauté de pratique à
l’utilisation de WIMS est formée d’enseignants4 de l’Ecole Normale Supérieure de
Brazzaville, des inspecteurs de mathématiques et des enseignants de mathématiques des
lycées d’excellence. En effet, dans ces établissements, les enseignants ont un accès facile à
l’outil informatique, via les salles multimédias de leurs établissements respectifs.
Cette communauté a pour missions :
- d’analyser les potentialités didactiques offertes par WIMS dans le contexte de
l’apprentissage des mathématiques dans les lycées du Congo-Brazzaville.
- d’élaborer des situations de classe pour participer au développement de l’autonomie des
élèves à travers des tâches de résolution des problèmes.
Ce travail en communauté doit permettre de participer au développement des compétences
techniques et cognitives des enseignants, novices dans l’usage du numérique éducatif.
IV. CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIE
La communauté de pratique à l’utilisation de WIMS que nous entendons mettre en place
est composée d’acteurs non-experts dans le domaine des TICE. Les travaux à mener dans le
groupe devraient conduire l’activité qui sous-tend le processus d’intériorisation des
compétences techniques et cognitives, nous nous appuyons sur l’approche instrumentale de
Rabardel (1995 ; 2005). Cette approche s’appuie sur la distinction artefact outil/instrument et
sur la genèse instrumentale.
Figure 1 – La genèse instrumentale, combinaison de deux processus.
La genèse instrumentale est le processus de construction des instruments.
4 Il s’agit des membres de l’Unité de Recherche sur l’Enseignement des Mathématiques
23 sciencesconf.org:emf2018:221590
EMF2018 – GT7 4
« La construction de l’instrument doit se comprendre dans un double mouvement [voir la figure 1] : un
mouvement d’instrumentalisation dirigé vers l’outil (l’usager met l’outil "à sa main", l’adapte à ses
habitudes de travail) et un mouvement d’instrumentation dirigé vers l’usager (les contraintes de l’outil
contribuent à structurer l’activité de l’usager) ». (Trouche, 2004).
Ce cadre théorique doit nous permettre d’analyser le processus de genèse instrumentale d’un
groupe d’enseignants utilisant des outils offerts par la plateforme WIMS.
V. METHODOLOGIE
1. Choix d’utilisation de l’outil WIMS
WIMS est un outil d’apprentissage en ligne qui, en utilisant un navigateur Internet, permet
d’accéder à une base d’exercices interactifs et de créer des classes virtuelles. La structure de
WIMS est particulièrement intéressante pour les activités d'enseignement des mathématiques,
dans lesquelles le serveur permet d’analyser individuellement le comportement des élèves, et
de proposer des activités adaptées à chacun d'eux selon le niveau de difficultés.
L’accès à Internet nécessaire à l’utilisation de WIMS n’est pas garanti dans nombre de
structures scolaires au Congo-Brazzaville. Nous avons donc eu recours à l’utilisation des
boitiers Gygabyte Brix GB-BXBT-2807. Chacun d’eux joue le rôle de micro-serveur, dans
lequel on y a installé WIMS et un dispositif de connexion à distance (wifi).
Utiliser un micro-serveur Gigabyte pour faire des mathématiques présage des difficultés
tant du point de vue des enseignants5 que des élèves
6. Ainsi nous avons fait le choix de
travailler avec les enseignants évoluant dans les lycées publics dits lycées d’excellence.
2. Mise en place d’une formation d’enseignants à l’usage de WIMS
Le choix de notre cadre théorique nous conduit à faire une analyse du déroulement de la
formation (Artigue, 2002) afin de déceler les différentes genèses instrumentales.
Nous proposons une formation à 20 enseignants et inspecteurs : 12 enseignants évoluant
dans 4 établissements dits d’excellence et 8 inspecteurs de mathématiques.
VI. ANALYSE DE LA FORMATION ET DES SITUATIONS D’APPRENTISSAGE
La formation a pour but de définir des stratégies d’élaboration des situations
d’apprentissage selon des critères de pertinence. Cette formation s’organise en 3 étapes :
- choix de thèmes de formation, laissé à la charge des participants,
- analyse et choix de types de situations d’apprentissage,
- élaboration d’une mise en scène de la situation choisie.
1. Choix de thèmes
Cette étape permet, à partir des échanges entre enseignants et inspecteurs, de recenser les
notions des programmes de lycée dont la mise en œuvre est reconnue complexe ou difficile.
5 Les enseignants doivent intégrer ce nouvel outil dans leurs pratiques de classes et exécuter les contenus
d’enseignement. 6 Les élèves ont la responsabilité de s’inscrire dans des classes virtuelles, résoudre des problèmes interactifs
programmés par leurs enseignants
24 sciencesconf.org:emf2018:221590
EMF2018 – GT7 5
La notion de fonction numérique en classe de première C7, dans son approche qualitative, a
vite retenu l’attention des participants à la formation. Ils constatent que, lors de l’étude des
fonctions, les élèves exécutent des tâches suivant le schéma classique :
fonction fonction dérivée tableau de variations courbe
Figure 2 – Schéma classique de l’étude d’une fonction en première scientifique
Les élèves éprouvent beaucoup de difficultés dans des situations où on part, par exemple,
de la courbe de la fonction dérivée (représentation graphique), si on leur demande d’en
déduire des informations sur la fonction à étudier (monotonie, signe, etc.).
2. Analyse et choix des situations
Cette étape se déroule en deux phases.
Phase 1 : Initiation à l’utilisation du micro-serveur
La première phase est la phase d’initiation à l’utilisation du micro-serveur Gigabyte. La
formation permet de mieux cerner le fonctionnement des boitiers Gigabyte et les différentes
applications qui y sont installées.
Image 1 – Boîtier Gygabyte GB-BXBT-2807
Phase 2 : Utilisation de la plateforme WIMS
Cette deuxième phase consiste à s’approprier les fonctionnalités de la plateforme WIMS,
puis à analyser et sélectionner les exercices destinés aux élèves.
Les participants à la formation sont conduits à se connecter au micro-serveur pour explorer
la plateforme WIMS, notamment la création des classes virtuelles et des feuilles d’exercices.
Une classe virtuelle est un espace privé sur le serveur WIMS, protégé par des mots de
passe. L'enseignant, "auteur" et responsable de la classe, y propose du travail à ses élèves,
essentiellement des exercices avec variables aléatoires et corrections automatiques.
A partir de cette classe virtuelle, l'enseignant peut également dialoguer avec les élèves
(message du jour, forum, cahier de texte, questionnaires...) et suivre leur travail (notes,
statistiques d'activités).
Les exercices et documents sont :
- soit importés dans une classe virtuelle à partir des ressources disponibles dans la base
WIMS,
- soit créés par l’enseignant directement dans sa classe virtuelle.
7 Première scientifique
25 sciencesconf.org:emf2018:221590
EMF2018 – GT7 6
Après cette phase, les participants à la formation sont amenés à explorer sur la plateforme
WIMS, les ressources existantes en rapport avec la notion de fonction. Deux types de
situations d’apprentissage ont été choisis.
Le premier type fait appel à une correspondance entre la courbe d’une fonction f et celle de
la fonction dérivée de f.
Le deuxième type fait appel à une correspondance à établir entre la courbe d’une fonction f
et celles d’autres fonctions associées à f, telles que , , .
3. Élaboration d’une mise en scène de la situation choisie
A cette phase, la charge revient à chaque participant d’élaborer une mise en scène de la
situation. Le travail fournit comporte une classe virtuelle, une feuille d’exercices contenant
des exercices sur les fonctions.
VII. PRESENTATION D’UN EXEMPLE DE SITUATION
1. Exemple d’une mise en scène d’une situation
Nous présentons ci-dessous l’exemple d’une mise en scène d’une situation élaborée par un
enseignant. La feuille d’exercices créée contient deux exercices choisis dans la base
d’exercices de WIMS dont les titres sont respectivement « Détermination d’une fonction » et
« Fonctions graphiques ». Ci-dessous, nous présentons le contenu du premier exercice.
Image 2 – Page de présentation de l’exercice
Cette page permet de choisir le degré de complexité de l’exercice en indiquant le nombre
de séances et le type de variations de fonction.
26 sciencesconf.org:emf2018:221590
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Image 3 – Contenu de la première séance
Cet exercice permet de travailler sur la correspondance entre la courbe d’une fonction f
donnée et des courbes candidates à être celle de la fonction .
2. Analyse de la situation
L’inventaire des savoirs nécessaires à la réalisation de cette situation permet de juger de sa
pertinence. En effet, pour le traitement de cette situation, l’apprenant doit mobiliser ses
connaissances sur la symétrie par rapport à l’axe des abscisses et la symétrie par rapport à
l’axe des ordonnées. Par lecture graphique, on parvient à établir la correspondance entre la
courbe de la fonction f et celle de la fonction . Le choix de cette situation
résulte de son caractère novateur pour les élèves qui sont habitués au schéma classique
(cf. Figure 2 – Schéma classique de l’étude d’une fonction en première scientifique.
Nous reprenons le schéma proposé par Trouche (2004) décrivant la genèse expérimentale.
Figure 3 – schéma de la génèse instrumentale
Des interactions entre la plateforme WIMS (artefact) et le sujet (enseignants/inspecteurs)
permet de constater la création de nombreux instruments. Par exemple, une classe virtuelle
vient d’une action du sujet sur la plateforme. Cette classe devient un outil d’évaluation pour le
créateur de la classe (sujet) qui peut contrôler a posteriori le travail de ses élèves ; en effet, les
la présence de l’enseignant (sujet) n’est plus nécessaire pendant le travail des élèves puisque
WIMS permet une traçabilité des tâches réalisées par l’élève.
VIII. CONCLUSION
Notre étude consiste à expérimenter l’apport d’un dispositif informatique dans la pratique
des enseignants qui doivent travailler pour mettre en place des exercices interactifs visant le
développement de l’autonomie et le raisonnement des élèves du secondaire évoluant dans des
lycées d’excellence au Congo-Brazzaville.
27 sciencesconf.org:emf2018:221590
EMF2018 – GT7 8
La formation mise en place a conduit les enseignants et inspecteurs, novices aux usages de
WIMS, à un développement de la dialectique entre l’artefact, ici la plateforme WIMS, et le
sujet (enseignants/inspecteurs). Ce dernier élabore des instruments au sens de Rabardel sous
forme de classes virtuelles dans lesquelles il peut insérer des feuilles d’exercices interactifs.
L’analyse de la formation nous permet de constater que l’intégration des schèmes
d’utilisation associés à l’artefact ne va pas de soi. En effet, la plupart des participants à la
formation n’ont pas un rapport courant avec les outils informatiques. Cependant, d’une
manière générale, on peut considérer que le processus de genèse instrumentale des
enseignants et inspecteurs formés à l’usage de WIMS se fait sans trop de difficultés en raison
de leur maîtrise des savoirs mathématiques mis en jeu dans le choix des exercices interactifs.
Cette étude montre que le recours à WIMS permet d’aborder autrement l’apprentissage de
la notion de fonction, ce qui enrichit les pratiques des enseignants. Penser à intégrer les TICE
dans le système d’enseignement des mathématiques impose aux enseignants d’envisager des
échanges entre pairs, créant ainsi des conditions de développement des communautés des
pratiques : on ne doute pas de leur rôle important dans le management de la connaissance.
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28 sciencesconf.org:emf2018:221590
EXEMPLES DE RESSOURCES POUR LE TRAVAIL D’ÉLÈVES EN SECONDE
GNANSOUNOU * André – MESQUITA ** Ana L.
Résumé
Dans cette affiche, nous présentons quelques ressources numériques, intégrées dans une classe virtuelle expérimentale de la plate-forme WIMS. Elles ont été prévues pour être utilisées par des élèves de Seconde (élèves de 15-16 ans) et concernent le chapitre Fonctions des programmes français. Deux niveaux de préparation à la résolution peuvent y être proposés aux élèves, ainsi que des corrections de ces ressources. Une analyse didactique de certaines tâches, destinée aux enseignants, y est également incluse.
Mots-clefs : Classe virtuelle, ressources numériques, Fonctions, classe de Seconde, plate-forme WIMS
Abstract
In this poster, we present some digital resources, belonging to an experimental virtual class in WIMS platform. These resources concern mathematical contents about Functions, in the French syllabus for 10th graders. Items for preparing the pupils’ work are included in the resources, as well as feedback comments. For some resources, an analysis of task are also proposed, to teachers using them with their pupils.
Keywords: Virtual class, digital resources, Functions, 10th graders, WIMS platform.
L’affiche que nous nous proposons de présenter au Colloque de l’Espace Mathématique Francophone de 2018 vise, d’une part, à diffuser une ‘classe virtuelle’ expérimentale, que nous préparons actuellement au sein du groupe de travail WIMS&IREM, de l’IREM de Paris, et d’autre part, à accueillir des enseignants intéressés par l’utilisation, dans leurs classes, des ressources de cette classe virtuelle.
Une explicitation du terme ‘classe virtuelle’ est nécessaire. Pour le serveur WIMS (WWW Interactive Multipurpose Server), que nous utilisons - comme pour d’autres plates-formes - une classe virtuelle est un espace, sur la plate-forme d’un serveur, sur lequel sont déposées des ressources, lesquelles peuvent être utilisées en libre-service par des personnes intéressées, dans ce cas par des élèves, inscrits sur cette classe.
Nous avons retenu la plate-forme WIMS, en partie à cause des nombreuses fonctionnalités mises à la disposition des utilisateurs, notamment les possibilités de présentation des énoncés, les aides à la résolution d’exercices, la proposition de solutions et l’inclusion de parties théoriques. Les élèves peuvent répondre à des questions, en général dans un temps limité ; ils peuvent consulter les dispositifs mis à leur disposition et aussi poser des questions à l’enseignant ; suite à la réponse des élèves, des corrections leur sont proposées, et une notation leur est attribuée.
André Gnansounou a utilisé cette plate-forme, à l’intention de ses élèves du Lycée Carcado-Saisseval, un lycée d’enseignement technique privé, à Paris, dans un but de travail de ses élèves, en autonomie, en dehors de la classe. La plupart des ressources incluses dans la classe virtuelle sont issues de son travail, discutées et modifiées dans le groupe WIMS&IREM.
Dans cette phase, nous y inclurons des exercices de Seconde, d’une partie du chapitre Fonctions, des programmes français en vigueur à partir de 2009. Les ‘capacités attendues’ organisant actuellement ces programmes, nous les avons aussi utilisées comme critère de recherche pour cette classe. Par exemple, en ce qui concerne le contenu ‘étude qualitative de
* IREM de Paris de l’Université Paris Diderot – France – [email protected] ** IREM de Paris de l’Université Paris Diderot – France – [email protected]
29 sciencesconf.org:emf2018:222740
EMF2018 – GT7 2
fonctions’ dans notre classe virtuelle, plusieurs ressources existent concernant la capacité attendue ‘Dessiner une représentation graphique compatible avec un tableau de variations’ : il s’agit d’activités sur lesquelles l’élève pourra être évalué et donc interrogé par l’enseignant, soit dans le cadre de l’évaluation par l’enseignant lui-même, soit dans le cadre d’évaluations plus générales, comme des examens.
Ces ressources sont destinées à un travail individuel des élèves, en autonomie, en dehors de la classe, ou à des devoirs à la maison.
En ce qui concerne l’analyse des réponses des élèves, le critère retenu pour la majorité des ressources est actuellement en termes de réponse correcte/incorrecte ; dans certains cas, le critère est associé à une analyse a priori des tâches ; nous pensons utiliser aussi un ensemble de codes à plusieurs dimensions, déterminés par des types de réponses anticipées, en nous inspirant des tests de diagnostic menés par Chenevotot-Quentin et collègues (2015).
Certaines ressources seront présentées avec des versions différentes, l’idée étant de donner aux enseignants utilisateurs des possibilités de choix de formulations d’exercices. Un critère retenu pour les variations d’exercices concerne par exemple l’utilisation d’illustrations accompagnant un énoncé : l’énoncé peut inclure ou non une illustration visuelle de la situation associée (par exemple, l’inclusion (ou non) d’un vélo ou d’une voiture. Aussi, des variations de registres d’expression, au sens de R. Duval (1995) seront également utilisées. Par exemple, certaines versions de ressources utilisent des tableaux de valeurs, tandis que d’autres comportent des graphiques de fonctions, ou encore les deux formes.
Par ailleurs, des analyses didactiques de certaines ressources sont également incluses dans la classe virtuelle.
Suite à l’utilisation expérimentale en classe par des enseignants volontaires, des nouvelles modifications seront apportées à l’ensemble de ces ressources.
Dans l’affiche, nous souhaitons présenter quelques exemples de ressources de la classe virtuelle, ainsi que des activités annexes, comme par exemple des analyses didactiques de la tâche, des corrections et interactions proposées par le serveur.
Pendant le déroulement du colloque, lors de la plage consacrée aux affiches, nous présenterons également, sur ordinateur, quelques ressources de cette classe virtuelle expérimentale, laquelle est ouverte à d’autres enseignants intéressés.
Notre questionnement rejoint celui du groupe GT7, nous semble-t-il, en particulier en ce qui concerne l’articulation des dimensions individuelles et collectives dans les interactions en classe, ainsi que sur des formes d’utilisation de cette classe.
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30 sciencesconf.org:emf2018:222740
INTEGRATION DES TICE DANS LA MODELISATION ET
L’EXPERIMENTATION DES PROBLEMES INTERDISCIPLINAIRES
RIOUCH* My-Lhassan
Résumé – La modélisation mathématique joue un rôle essentiel dans la résolution des problèmes
interdisciplinaires. La démarche expérimentale basée sur l’intégration des TICE permet la simulation des
problèmes. Elle favorise aussi la construction progressive des modèles mathématiques qui expliquent le
phénomène étudié et qui interprètent son comportement. Une telle approche développe des compétences
transversales et améliore la qualité des apprentissages et donne plus de sens aux savoirs enseignés.
Mots-clefs : Interdisciplinarité, démarche expérimentale, intégration des TICE, modélisation
Abstract – Mathematical modeling plays a vital role in solving interdisciplinary problems. The
experimental approach based on the integration of ICT allows the simulation of problems. It also promotes
the gradual construction of mathematical models that explain the phenomenon studied and interpret its
behavior. Such an approach develops transversal skills and improves the quality of learning and gives more
meaning to the knowledge taught.
Keywords: Interdisciplinary, experimental approach, integration of ICT, modelling
I. PRESENTATION
Dans notre contribution, on présente deux exemples de projets interdisciplinaires en relation
avec la modélisation mathématique. Le premier projet est lié à l’économie et consiste à traiter
le crédit bancaire. Le second est lié à l’environnement (déforestation) en relation avec un
évènement international COP 22. Le processus de la modélisation est basé sur une démarche
expérimentale qui permet aux élèves de mobiliser leur acquis mathématiques et leurs
compétences technologiques pour créer la simulation du problème. Cette démarche permet
d’instrumentaliser les artefacts par le processus d’appropriation des outils du tableur et du
logiciel de géométrie dynamique. L’instrumentation est le processus par lequel les contraintes
et les potentialités d’un artefact vont conditionner durablement l’action d’un sujet pour résoudre
un problème réel (Trouche, 2005). La confrontation des outils avec la réalité du problème
permet de donner du sens aux relations mathématiques et de construire des instruments
performants pour mieux comprendre le problème. Le processus de la genèse instrumentale est
lié au vécu de la réalité par l’individu. Il est lié aussi à la façon avec laquelle cet individu
combine et articule plusieurs instruments pour créer un autre instrument performant dans la
résolution du problème. C’est ce qu’on appelle l’orchestration instrumentale (Aldon, 2017). La
simulation du problème joue un rôle primordial pour comprendre le problème dans sa totalité
et pour conjecturer les solutions et les valider.
II. INTERDISCIPLINARITE, MODELISATION, EXPERIMENTATION
1. Conception d’une situation problème dans un projet interdisciplinaire intégrant
les TICE
La modélisation du problème est basée sur l’utilisation d’un tableur ou un logiciel de
géométrie dynamique. La démarche expérimentale permet de tisser des liens entre la réalité du
problème et les représentations des différents registres mathématiques. La première phase
consiste à transformer le langage courant en symboles mathématiques puis en objets
mathématiques qu’on peut manipuler et programmer sur le tableur. C’est-à-dire passer du
registre discursif vers les registres symbolique, algébrique puis graphique (Duval, 1993). Cette
* Académie Fès -Meknès, Ministre de l’éducation nationale Maroc – [email protected]
31 sciencesconf.org:emf2018:222441
EMF2018 – GT7 2
étape joue un rôle primordial sur le processus de modélisation la planification des taches de
l’élève et de l’enseignant doivent être précise pour faire mieux faire comprendre le problème
aux élèves et les engager dans sa résolution et sa modélisation. L’expérimentation permet de
distinguer et de représenter tous les cas (avant et après intervention) et de comparer les résultats.
Elle facilite l’émergence d’un modèle mathématique intermédiaire. La visualisation et le
changement des paramètres liés au problème permettent de comprendre le phénomène dans sa
totalité. La deuxième phase se fait sur papier. Elle consiste à travailler sur le modèle
mathématique pour le finaliser et le généraliser et valider les solutions conjecturées.
2. Analyse de l’activité des élèves et l’apport des TICE
Nous avons fait une analyse a priori des taches à réaliser, du matériel et des ressources à utiliser.
Le travail se fait en groupe en deux phases, une expérimentale et l’autre argumentative. Les
outils proposés sont le tableur et le logiciel de géométrie dynamique pour explorer la situation
proposée et représenter la limite de la suite. Le travail sur papier se fait en parallèle avec le
travail sur écran. Après avoir programmé la suite par sa forme itérative dans le tableur et
transformé les données en graphes, les élèves ont conjecturé sa limite, puis on a proposé aux
élèves d’introduire la suite kUV nn pour démontrer la convergence de la suite nU et déterminer
sa limite l . L’interprétation de la limite par le théorème du point fixe (l vérifie llf )( ) se fait
aussi graphiquement par le logiciel de géométrie dynamique et cette tache se fait seule à la fin.
La technologie facilite le calcul et la visualisation immédiate des données sur le graphe, ce qui
aide les élèves à conjecturer les solutions et à prévoir la limite du comportement. L’approche
expérimentale permet de développer des éléments de contrôle du problème (changement des
contraintes et des paramètres) et d’articuler les différentes représentations des concepts
mathématiques introduits dans la résolution du problème (Hitt, Cotés et Rinfret, 2012).
III. CONCLUSION
La collaboration entre les disciplines donne plus de sens aux savoirs enseignés et facilite leur
intégration dans la résolution des problèmes. Elle favorise aussi le développement des
compétences transversales. Dans les situations mathématiques proposées, on essaye de faire
découvrir aux élèves le rôle des mathématiques dans la modélisation d’un phénomène réel et le
rôle de la technologie dans la création de sa simulation pour mieux comprendre son
comportement et savoir comment agir et prendre des décisions. La technologie favorise la
construction collective et participative des savoirs et leur diffusion. Elle améliore la qualité des
apprentissages en les intégrant dans la résolution des problèmes réels.
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usages des outils de calcul dans l’enseignement des mathématiques. Vision stratégique de la
réforme 2015 -2030 Maroc 38-44.
32 sciencesconf.org:emf2018:222441
ENJEUX SÉMIOTIQUES DANS LA CONCEPTION D’UNE AIDE À LA
RÉSOLUTION DE PROBLÈME DE PREUVE
VENANT Fabienne – RICHARD
Philippe R.
GAGNON
Michel – HENRÍQUEZ RIVAS
Carolina
Résumé – Notre réflexion s’inscrit dans le questionnement sur la conception des technologies éducatives
proposé dans le texte de cadrage du groupe 7. Le développement de QED-Tutrix, système intelligent
d’aide à la démonstration en géométrie a en effet révélé la nécessité d'une collaboration entre didacticiens
et informaticiens Nous proposons ici de montrer comment les questions didactiques et informatiques qui
ont émergé au cours de sa conception interagissent et se complètent.
Mots-clefs : Tuteur intelligent, géométrie, démonstration, travail mathématique, genèse sémiotique
Abstract – Intelligent tutoring system, geometry, proof, mathematical work, semiotic genesis
Keywords: Our reflection fall within the question of the design of educational technologies proposed in
the framing text of group 7. The development of QED-Tutrix, an intelligent system to support
demonstration in geometry, has revealed the need for collaboration between didacticians and computer
scientists. We propose here to show how the didactic and computer issues that have emerged during its
design interact and complement each other.
Notre réflexion s’inscrit dans le questionnement sur la conception des technologies
éducatives proposé dans le texte de cadrage du groupe 7. Nous proposons ici de montrer
comment les questions didactiques et informatiques qui émergent dans la conception d’un
s st me tuteur intelligent pour l’apprentissage de la démonstration s’inter-influencent et se
compl tent L’éla oration du s st me ED-Tutrix a en effet fait apparaitre la nécessité d’une
collaboration entre didacticiens et informaticiens dont nous donnons un aperçu à travers la
question de l’accompagnement et de la validation du travail de démonstration de l’él ve par
le logiciel, dans le respect du contrat didactique de la classe. QED-Tutrix est conçu de façon
à laisser à l’apprenant une li erté totale dans l’exploration du pro l me à résoudre et dans le
choix de la preuve, tout en lui proposant un accompagnement adapté à ses choix, et en
respectant le contrat didactique habituel de la classe (Leduc et al., 2016). Pour cela, le
système doit être capa le de suivre l’activité mathématique de l’él ve en s’appu ant sur ses
propres résolutions des problèmes choisis. Cette phase de l’accompagnement pose aux
informaticiens des défis liés à la représentation et à l’organisation des différents itinéraires de
résolution pour un problème donné. Nous montrons ici comment une réflexion didactique
peut, et doit, accompagner la résolution de ces défis, qui repose sur un processus d’extraction
d’informations et d’appréhension des objets mathématiques à partir de l’énoncé de problème,
que nous appelons genèse sémiotique en référence au modèle théorique des espaces de travail
mathématiques (Kuzniak et Richard, 2014). Cette réflexion peut déboucher sur la question de
l’éla oration de conjectures de validation et d’accepta ilité d’une démonstration en contexte
scolaire.
I. LA DEMONSTRATION : UNE ACTIVITE GEOMETRIQUE
La géométrie, plus particulièrement dans un contexte de démonstration, est souvent abordée
comme une science qui constitue une « partie des mathématiques a ant pour o jet l’étude de
Université du Québec à Montréal – Canada—[email protected]
Université de Montréal – Canada – [email protected]
École Polytechnique de Montréal – Canada – [email protected]
Université de Talca – Chili – [email protected]
33 sciencesconf.org:emf2018:222289
EMF2018 – GT 7 2
l’espace et des figures pouvant l’occuper » au sein de laquelle « les principes sont simples et
absolument vrais sans aucune restriction » (TLFI). Selon cette définition, on pourrait croire
que l’apprentissage de la géométrie s’effectue par adhésion aux concepts ou aux processus
issus du mod le théorique existant sans trop d’égard à la réalité de l’espace et des formes
Cependant l’apprentissage passe par une pratique qui s’ancre dans la réalité, par le fait même
d’exercer une activité concrète. Dans cette perspective, résoudre un problème de preuve est
une activité finalisée qui permet à l’él ve d’effectuer son travail de mathématicien en
développant son sens géométrique L’activité de démonstration favorise en effet la
compréhension de la nécessité épistémique des propriétés (Coutat et al., 2016),
l’implémentation des concepts géométriques et le développement des compétences cognitives
de l’él ve (Richard et al., 2016). Cependant, ainsi que le souligne Brousseau (2011), pour
qu’une notion mathématique soit le fruit d’une activité mathématique « il faut aussi que des
alternatives plausibles lui soient opposables et que son choix soit le résultat d’une anticipation
possible » C’est pourquoi nous voulons que, au sein du système tutoriel l’él ve soit
confronté à des pro l mes complexes Nous considérons qu’un pro l me est complexe quand
il répond aux différentes exigences définies par Richard et al. (2011) : existence de différents
processus de résolution (exigence heuristique) qui mobilisent un réseau de concepts et de
processus mathématiques (exigence cognitive), reposent sur une approche argumentative et
un raisonnement à plusieurs niveaux ou des routines non calculatoires (exigence discursive) et
permettent de développer des compétences qui vont au-delà de la simple reproduction
(exigence de compétence). Nous centrons notre exposé sur l’exigence heuristique, soit
l’existence de différents processus de résolution et la façon de la mettre en œuvre au sein
d’un s st me tuteur Pour pouvoir guider l’él ve dans la résolution d’un pro l me complexe
QED-Tutrix doit anticiper l’ensem le de ces processus puis reconnaitre celui dans lequel
l’él ve s’engage Nous présentons ci-dessous les choix de modélisation informatique qui se
sont imposés dès le début de la conception du système.
II. MODELISATION DES PROCESSUS DE RÉSOLUTION : GRAPHE HPDIC
Lorsqu’un él ve effectue son travail de mathématicien à l’école, le modèle des espaces de
travail mathématique (Kuzniak et Richard 2014) reconnaît spécifiquement l’activation de
trois genèses, entre un plan épistémologique et un plan cognitif (Figure 1). Ces genèses
permettent d’apprécier des questions comme celles de la création du sens de la validation de
propriétés ou de l’usage d’outils techniques en termes de coordination des gen ses Nous
intéressons ici aux genèses sémiotiques et discursives sous-jacentes à l’activité de
démonstration.
Figure 1 – L'Espace de Travail Mathématiques et ses genèses.
34 sciencesconf.org:emf2018:222289
La genèse sémiotique est le processus par lequel les signifiants qu’ils soient textuels ou
figuraux, acquièrent leur statut d'objets mathématiques opérationnels. La genèse discursive est
le processus par lequel les propriétés et les résultats organisés dans le référentiel théorique
sont actionnés afin d'être disponibles pour le raisonnement mathématique et les validations
discursives. Au sein du système tutoriel, ces genèses sont prises en charge par deux processus
d’extraction et de traitement de l’information : extraction des hypothèses et des conclusions à
partir de l’énoncé du pro l me (gen se sémiotique) et organisation de ces derni res en
démonstrations accepta les sous forme d’un graphe d’inférence et d’un texte argumenté
(genèse discursive). Une inférence est une opération logique consistant à conclure la vérité
d’une proposition à partir d’autres propositions prises comme h poth ses et d’une propriété
ou d’une définition prise comme justification.
Considérons le problème suivant : ABCD est un parallélogramme de centre O ; On appelle M
le milieu de [AB] et N le milieu de [DC] ; Démontrer que (OM) est parallèle à (BC).
La figure 2 présente, sous forme de graphe, une inférence à partir de deux hypothèses
présentes dans l’énoncé du pro l me : ABCD est un parallélogramme, O est le centre du
parallélogramme. Or, « le centre de s métrie d’un parallélogramme est le point d’intersection
des diagonales » donc O est l’intersection des diagonales [AC] et [BD].
Figure 2 – Représentation d'une inférence sous forme de graphe.
Une preuve complète peut être représentée par un graphe rendant compte de
l’enchainement des inférences qui la constitue. Deux inférences s’enchainent quand la
conclusion de la première devient une hypothèse pour la suivante. Elle prend alors le statut de
résultat intermédiaire. Nous appelons un tel graphe un graphe HPDIC car il contient des
Hypothèses, des Conclusions, des résultats Intermédiaires et des Conclusions. (Leduc 2016,
Tessier-Baillargeon 2016). Les propriétés et définitions acceptables sont consignées dans un
fichier qui constitue le référentiel théorique du système. La constitution de ce fichier
informatique est le fruit du travail des didacticiens de l’équipe et repose sur des observations
en classe et de manuels scolaires.
III. MODELISER LA GENESE SEMIOTIQUE
La construction du graphe HPDIC constitue la pierre angulaire de l’architecture de ED-
Tutrix. Le défi est de le générer, à partir d’un énoncé de pro l me Il faut pour cela extraire le
résultat à démontrer, mais aussi l’ensem le des h poth ses et résultats intermédiaires qui
vont intervenir dans les démonstrations possibles, et de les structurer en un enchainement
d’inférences dont les justifications sont toutes issues du référentiel théorique. La figure 3
présente un graphe HPDIC1 représentant six preuves possibles pour le problème mentionné
dans la partie II.
1 Une version plus lisi le de ce graphe est disponi le à l’adresse :
https://www.mindomo.com/mindmap/067937c9f30f47269cd3b9e3b7779d30
35 sciencesconf.org:emf2018:222289
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Figure 3 – Exemple de graphe HPDIC
On trouve dans ce graphe plusieurs t pes d’information :
- Les hypothèses explicites, comme ABCD est un parallélogramme. Ce sont les
informations qui sont directement accessibles dans le texte, moyennant une analyse
linguistique.
- Les hypothèses implicites. Ce sont des hypothèses qui ne nécessitent pas un pas
d’inférence, mais dérivent directement des propriétés d’un o jet présent dans une
hypothèse lexicale. Par exemple (AB) est parallèle à (CD) est sous-entendu par ABCD est
un parallélogramme.
- Les hypothèses dérivatives. Ce sont les hypothèses qui posent des objets intermédiaires
que l’on doit considérer ou construire pour avancer dans un pas de démonstration Ces
objets sont potentiellement présents dans une hypothèse lexicale, mais ne sont pas
explicitement décrits. Par exemple ABC est un triangle est porté par ABCD est un
parallélogramme, qui sous-entend implicitement que les points ABCD ne sont pas
alignés.
- Les hypothèses contextuelles. Ce sont les hypothèses qui dérivent implicitement du
contrat didactique. Par exemple, ABC est un triangle est aussi une hypothèse
contextuelle Dans cette h poth se on suppose en effet qu’on ne consid re pas le cas
limite où les points A, B, C et D sont alignés. De même, dans le graphe de la figure 2,
l’h poth se [AD] est parallèle à [BC] est une hypothèse contextuelle. En toute rigueur,
la propriété être parallèle ne s’applique pas à aux segments, mais aux droites qui les
supportent. Cependant, certains enseignants acceptent la proposition [AD] est
perpendiculaire à [BC] car elle découle de l’expression « les côtés opposés sont
parallèles » utilisée dans la définition du parallélogramme plutôt que « les droites
supports des côtés opposés sont parallèles ».
36 sciencesconf.org:emf2018:222289
- Une conclusion explicite : le résultat à démontrer est ici clairement exprimé dans le texte.
D’autres cas de figure sont envisageables, ainsi que le résume la figure 3 ci-dessous.
La génération du graphe HPDIC à partir de l’énoncé du pro l me dé ute par l’extraction
des informations textuelles explicites à partir d’une analyse syntaxique. Il peut aussi s’agir
d’informations graphiques codées directement sur une figure incluse dans l’énoncé. Dans
notre exemple il s’agit :
d’une conclusion explicite indiquant clairement le résultat à démontrer : (OM) est
parallèle à (BC),
de trois hypothèses explicites: ABCD est un parallélogramme, M est le milieu de
[AB] et O est le centre du parallélogramme.
Cette premi re tâche ien que simple en apparence n’est pas du tout triviale. Sur le plan
informatique, elle soulève quelques questions relatives au traitement automatique de la
langue. Le logiciel doit par exemple calculer le sens du verbe appeler qui indique ici une
hypothèse, mais qui pourrait tout aussi bien indiquer une conclusion ou un résultat
intermédiaire dans d’autres énoncés comme celui-ci :« Soit ABC est un triangle. La
perpendiculaire à (AB) passant par C coupe (AB) en K, la perpendiculaire à (AC) passant par
B coupe (AC) en J. Comment appelle-t-on le point d’intersection de (KC) et (BJ) ? Justifie ta
réponse. ». Il faut également reconstruire l’information O est le centre du parallélogramme à
partir de la construction syntaxique de centre O rattachée à parallélogramme, ou repérer le
résultat à démontrer en tant que complément d’o jet du ver e démontrer.
Une fois les informations lexicales extraites, le système doit prendre en charge l’extraction
des hypothèses implicites. Une première étape est le traitement de l’implicite définitoire,
c’est-à-dire le fait que tout objet géométrique en sous-entend d’autres qui constituent ses
caractéristiques. Dans notre exemple, le parallélogramme sous-entend quatre sommets, quatre
côtés consécutifs, quatre angles, deux diagonales (qui sont en fait les caractéristiques du
quadrilatère) ainsi que deux paires de côtés opposés parallèles. À cet implicite définitoire,
s’ajoute souvent un implicite dénominatif, qui permet d’instancier ces caractéristiques
générales dans des o jets géométriques particuliers Dans notre exemple l’expression ABCD
est un parallélogramme permet d’instancier les caractéristiques du parallélogramme : les
quatre sommets sont A, B, C et D, les quatre angles sont DAB, ABC, BCD et CDA, les quatre
côtés consécutifs sont [AB], [BC], [CD] et [DA], les diagonales sont [AC] et [BD], les côtés
opposés et parall les sont d’une part [AB] et [CD], et d’autre part [BC] et [AD] Dans le
même ordre d’idée l’h poth se BCD est un triangle est porteuse implicitement des
informations suivantes : BCD a trois sommets, trois côtés et trois angles, qui sont
respectivement A, B et C, [BC], [CD] et [BD], et ABC, BCA et CAB.
Dans la figure 2, la flèche épaisse à droite, représentant la déduction de la proposition (AD)
et (BC) sont parallèles à partir de la seule proposition ABCD est un parallélogramme
constitue donc un raccourci inférentiel résultant de ces deux implicites. En réalité, le logiciel
devra passer au travers des étapes suivantes :
1. Extraire du texte l’expression ABCD est un parallélogramme en tant qu’h poth se
lexicale.
2. Extraire du référentiel théorique la définition de l’o jet parallélogramme : « un
parallélogramme est un quadrilatère dont les deux côtés opposés sont parallèles ».
3. Extraire du référentiel théorique les caractéristiques du quadrilatère.
4. Reconnaître la dénomination ABCD et réaliser qu’une instanciation de
parallélogramme doit être faite.
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EMF2018 – GT 7 2
5. Instancier les caractéristiques d’un quadrilat re en nommant les côtés opposés, côtés
consécutifs et diagonales.
6. Instancier la deuxième partie de la définition du parallélogramme en gérant l’implicite
contextuel et générer les deux propositions possibles [BC] et [AD] sont parallèles ou
(BC) et (AD) sont parallèles.
Ces considérations informatiques éclairent les considérations didactiques sur la lecture
d’énoncé L’él ve qui résout le pro l me est lui aussi en prise avec l’extraction des o jets
mathématiques et de leurs caractéristiques à partir des informations contenues dans l’énoncé
La question de l’importance du voca ulaire et des pratiques langagi res dans l’appréhension
des objets mathématiques prend ici tout son sens (Venant et al., 2015, Gobert, 2013). La
traduction informatique des propriétés et des hypothèses exige une grande précision dans la
définition des o jets et l’utilisation du voca ulaire alors que le langage courant peut parfois
accepter d’assimiler certains concepts comme côté et segment ou même droite et segment
dans l’expression des propriétés de parallélisme par exemple L’extraction des informations
textuelles, et la gestion des implicites, se concrétisent souvent dans la réalisation d’une figure.
Ainsi qu’une figure accompagne ou pas l’énoncé l’él ve va en tracer une pour lui-même. Le
rôle de la figure peut éventuellement aller plus loin L’él ve peut en effet construire tout ou
partie de son raisonnement de façon instrumentale (Richard et al., à venir). La modélisation
informatique que nous avons réalisée permet de mettre au jour des enjeux didactiques
présents dès les premières phases de la résolution de pro l me incluant l’importance de
l’articulation des registres sémiotiques (Duval, 1991). De plus, la question des raccourcis
inférentiels soulève celle de la validité d’une preuve en lien avec le contrat didactique : Quels
sont les implicites ? Quel est le niveau de rigueur attendu ou que peut-on considérer comme
trivial? Certaines hypothèses dans une inférence peuvent-elles être considérées comme
facultatives ? Quels cas limites traite-t-on ?
Le logiciel, quant à lui, appréhende ces questions en surgénérant des hypothèses, anticipant
au maximum celles qui sont implicites. Une fois extraites, toutes les hypothèses et
conclusions sont mises en instance discursive, mais seules certaines hypothèses seront
retenues dans le graphe complet c’est-à-dire seulement celles qui produisent un effet dans
l’ensem le des démonstrations possi les L’o tention du graphe complet c’est-à-dire l’ajout
de tous les chemins acceptables au sein du graphe, relève de la genèse discursive. Le graphe
HPDIC doit contenir toutes les inférences ou pas de démonstration qu’un didacticien ou un
enseignant jugerait acceptables en fonction du problème à résoudre, du contexte scolaire et de
l’apprentissage visé. Cette exigence d’intégration dans un contexte d’enseignement ou
d’apprentissage n’est pas anale Dans la théorie des situations didactiques en mathématiques
(Brousseau, 1998), et plus particulièrement au regard de la notion de contrat didactique, on
consid re que l’él ve et l’enseignant ont des responsa ilités réciproques par rapport aux
connaissances en jeu. On peut certes parler de règles dans un partage (asymétrique) de
responsabilités, certaines étant bien connues de tous, mais la plupart sont implicites, pouvant
résulter ien plus d’une ha itude de classe que d’une contrainte nécessaire Ainsi sur le plan
du discours et plus précisément dans une logique déductive l’enseignant peut tolérer
plusieurs types de raccourcis inférentiels parce que cela faciliterait la lecture d’une preuve ou
la rendrait pédagogiquement plus efficace De plus l’él ve qui s’initie progressivement au
discours déductif risque de trouver ses propres raccourcis inférentiels, dans un équilibre qui
évolue au fur et à mesure que lui et ses compagnons s’ha ituent au discours déductif en
mathématique. La question de la lisi ilité d’une preuve ou celle de l’accepta ilité d’un
raisonnement sont donc étroitement liées au contrat didactique c’est-à-dire à la géométrie en
tant qu’activité (Font, Richard et Gagnon 2018). Les défis didactiques que soulèvent les
genèses sémiotiques et discursives informatiques sont résumés dans la figure 5.
38 sciencesconf.org:emf2018:222289
Figure 4 – Genèses sémiotiques et discursives dans QED-Tutrix
IV. CONCLUSION
Notre réflexion se situe au carrefour de l’informatique et de la didactique La conception
de DEX prend en compte l’usager tr s tôt dans le processus pour pouvoir le guider au
mieux. Dans cette optique, les genèses sémiotique et discursive informatiques doivent
reprendre les caractéristiques de celles de l’usager et être à la fois complémentaires et tr s
imbriquées, afin de mener à des preuves acceptables et lisibles, mais aussi de permettre la
caractérisation d’un éventuel locage de l’él ve en termes de résultats à démontrer et de
propriétés à utiliser C’est une étape indispensa le pour pouvoir proposer à l’él ve un
problème connexe qui lui permettra de dépasser son blocage. L’idée de répondre à un locage
de l’él ve en lui proposant la résolution opportune de pro l mes constitue une solution
effective à l’une des difficultés majeures de l’enseignement : éviter de donner des réponses en
même temps que les questions lorsque l’él ve est en difficulté En ce sens notre projet
soulage théoriquement un paradoxe de Brousseau (1998) que l’on appelle «paradoxe de la
dévolution» : tout ce que fait l’enseignant pour faire produire par les él ves les
comportements qu’il attend tend à diminuer l’incertitude de l’él ve et par là à priver ce
dernier des conditions nécessaires à la compréhension et à l’apprentissage de la notion visée;
si l’enseignant dit ou signifie ce qu’il veut de la part de l’él ve il ne peut plus l’o tenir que
comme exécution d’un ordre et non par l’exercice de ses connaissances et de son jugement
La notion de dévolution en tant que levier didactique pour l’enseignant et condition
indispensa le pour le développement de l’autonomie de l’él ve gagne en force et reprend ici
l’idée qu’un pro l me connexe appartient à l’espace de travail du pro l me racine et que
l’enseignant cherche à rendre cet espace à l’él ve en lui laissant la responsabilité de la
résolution. Le développement de l’autonomie dans l’apprentissage est un enjeu social majeur
REFERENCES
39 sciencesconf.org:emf2018:222289
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SÉQUENCE DE TACHES MATHEMATIQUES AVEC LA GEOMETRIE
DYNAMIQUE
ZHU* Fangchun
Résumé – Nous étudions les connaissances des enseignants pour utiliser la géométrie dynamique à
travers les tâches qu’ils conçoivent et l’ordre dans lequel ils les proposent à leurs élèves. Nous
considérons, à partir d’exemples français et chinois, que les différents rôles que peut jouer la géométrie
dynamique dans les tâches mathématiques ainsi que les choix d’orchestration révélés par l’ordre de ces
tâches sont des moyens de caractériser la pratique et les connaissances des enseignants.
Mots-clefs : Géométrie dynamique, orchestration instrumentale, tâche, séquence
Abstract – In the study, we analyze teachers’ knowledge in choosing and organizing mathematics tasks
in dynamic geometry environment. We consider the different roles dynamic geometry plays in
mathematics tasks and then I analyze the orchestrations shown in the sequence of these mathematics
tasks. These orchestrations would reflect the characters of teaching practices, which is related to teachers’
knowledge. Two examples from France and China are selected in the study.
Keywords: Dynamic geometry, instrumental orchestration, task, sequence
Avec l’essor des technologies numériques, de nombreuses recherches se sont développées
sur la question de leurs usages et de leurs effets dans l’apprentissage des mathématiques.
Depuis les années 80, l’impact des TICE sur l’apprentissage et l’enseignement des
mathématiques a pris une place majeure dans la littérature. Pour Trouche (2003), il y a trois
raisons à cela : le potentiel des nouveaux outils, l’évolution de l’équipement des étudiants et
les injonctions institutionnelles. Ces raisons sont toujours valides en 2017 et pourtant les
usages et les pratiques ne sont toujours pas majoritaires. Notre étude considère que les
enseignants sont une des clefs de l’introduction des technologies dans les classes (Goos et
Soury-Lavergne 2010) et propose d’étudier les connaissances des enseignants relatives aux
usages et pratiques de la géométrie dynamique
Quelles sont les connaissances nécessaires aux enseignants pour faire un usage de la
géométrie dynamique qui tire parti de son potentiel ?
Nous proposons de traiter cette question à partir d’une étude des tâches conçues ou
choisies par les enseignants. Plus particulièrement nous allons nous intéresser au rôle qu’y
joue la géométrie dynamique et à l’ordre dans lequel les différentes tâches et la technologie
interviennent.
En effet, Laborde (2000) prend l’exemple du rapport entre preuve et utilisation de la
géométrie dynamique pour identifier différents rôles que joue la technologie numérique, en
particulier suivant le moment où elle est sollicitée. Son constat, appuyé sur les travaux de
Hadas, Hershkowitz and Schwarz (2000), est qu’un jeu sur l’ordre des tâches dans une
séquence et le rôle de la géométrie dynamique crée chez les élèves des raisons différentes et
les amènent à constater leurs erreurs quand ils vérifient leurs preuves avec la géométrie
dynamique. Ainsi, l’ordre des tâches proposées, articulé au rôle qu’y joue la géométrie
dynamique, modifie les stratégies et les productions des élèves.
* Institut Français de l’Education ENS de Lyon – France – [email protected]
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I. RÔLES ET ORCHESTRATIONS DE LA GEOMETRIE DYNAMIQUE
Notre analyse s’appuie sur une classification des tâches mathématiques et de leur mise en
œuvre par les enseignants. Elle est réalisée à partir de l’étude des rôles qu’y joue la géométrie
dynamique (Laborde, 2001 ; Soury-Lavergne, 2017) et de la notion d’orchestration
instrumentale (Trouche, 2003 ; Drijvers et al., 2010).
1. Les différents rôles de la géométrie dynamique dans les tâches mathématiques
Laborde (2001) distingue quatre types d’usage de la géométrie dynamique dans une tâche
mathématique, allant d’une transposition directe d’une tâche papier-crayon à celui d’un usage
innovant, non réalisable sans la technologie. Soury-Lavergne (2017) propose de regrouper ces
quatre types en deux catégories mettant l’accent soit sur la façon dont la géométrie dynamique
amplifie les possibilités du travail papier-crayon ou au contraire comment la géométrie
dynamique génère de nouveaux usages de nouveaux problèmes et éventuellement de
nouvelles conceptualisations. Ainsi, nous proposons de distinguer :
La géométrie dynamique comme amplificateur, rendant la tâche plus facile, plus rapide et
produisant plus de cas :
1. L’environnement de géométrie dynamique agit principalement comme facilitateur
des aspects matériels de la tâche, sans la modifier conceptuellement. Comme par
exemple lorsqu’il s’agit de construire un triangle, les milieux de ses côtés et ses
médianes, pour imprimer ou pour projeter la figure (au sens de dessin) obtenue.
2. L’environnement de géométrie dynamique facilite et améliore la tâche qui n’est
cependant pas considérée comme fondamentalement modifiée par rapport à sa
version en papier-crayon. Il est utilisé comme amplificateur visuel, qui augmente la
qualité et la précision des dessins et permet de produire plusieurs états à partir
d’une seule construction. Par exemple, dans la tâche d’identification des propriétés
d’une figure, il est supposé plus facile d’observer que trois droites se coupent en un
seul point, lorsque la propriété est conservée au cours de la déformation de la figure
par rapport à l’observation d’un dessin papier-crayon statique.
La géométrie dynamique comme générateur de nouvelles opportunités, contraintes et
tâches.
3. L’environnement de géométrie dynamique modifie les stratégies de résolution de la
tâche en contrôlant les possibilités d’utilisation des outils de construction
géométrique. Par exemple, la construction d’un parallélogramme sans pouvoir
utiliser l’outil « droites parallèles » amène à considérer d’autres propriétés des
parallélogrammes, comme celles sur les diagonales et à utiliser la transformation
« symétrie » centrale comme un outil de construction de base pour les points (sorte
d’inverse de l’outil milieu).
4. L’environnement de géométrie dynamique permet de concevoir de nouvelles tâches
mathématiques, qui n’auraient pas de « raison d’être » (Laborde, 2001, p 293) sans
la technologie numérique. Par exemple les tâches de type boîte noire (Charrière,
1995), pour lesquelles il s’agit de reproduire une figure dynamique, qu’il est
possible d’explorer mais dont le processus de construction n’est pas connu. La
reproduction concerne non seulement les différents états statiques, mais également
les phénomènes dynamiques produits de façon continue au cours du déplacement
des points.
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Ces différentes façons d’utiliser la géométrie dynamique dans une tâche mathématique font
appel à des genèses instrumentales distinctes qui nécessitent de la part des enseignants une
mise en œuvre particulière avec leurs élèves. La gestion par l’enseignant des genèses
instrumentales des élèves est modélisée par l’orchestration instrumentale (Trouche 2003).
2. Les orchestrations instrumentales associées aux tâches
L’orchestration instrumentale montre un aspect de la complexité de l’intégration des
technologies numériques et permet d’anticiper les difficultés des enseignants et des élèves
dans leur utilisation.
Une orchestration instrumentale est définie par la façon dont les enseignants organisent
leur classe avec les différents artefacts disponibles, pour aider les élèves dans leur
apprentissage (Trouche, 2003 ; Drijvers et al., 2010). Pour notre étude, nous considérons
comme artefact les tâches mathématiques proposées et l’environnement de géométrie
dynamique disponible. Elle est décrite à travers trois éléments différents et leur mise en
relation : la configuration didactique, le mode d’exploitation et la performance didactique. La
configuration didactique correspond aux « agencements des artefacts dans l’environnement à
chaque phase de la situation » (Trouche 2003, p. 39). Le mode d’exploitation décrit le
scénario de la mise en œuvre, les régulations et les articulations entre les interventions de
l’enseignant et des élèves, les interactions collectives et individuelles et le recours aux
différents artefacts. L’idée de performance didactique a été introduite (Drijvers et al., 2010)
pour tenir compte des adaptations nécessaires des configurations et exploitation au cours du
déroulement effectif de la classe, en ce qui concerne l’accompagnement des genèses
instrumentales des élèves.
Cette contribution étudie les deux premiers éléments : la configuration didactique qui
décrit les choix de l’enseignant pour l’utilisation des tâches mathématiques avec la géométrie
dynamique et leur configuration et mise en œuvre en classe ; le mode d’exploitation qui
permet de prendre en compte la séquence de tâche conçue et proposée aux élèves, avec le rôle
qu’y joue l’environnement de géométrie dynamique.
II. DEUX EXEMPLES CHINOIS ET FRANÇAIS ET ANALYSE
Pour répondre à notre question sur les connaissances des enseignants, nous avons choisi
d’analyser deux exemples de tâches mathématiques scolaires, utilisant la géométrie
dynamique, à l’aide du cadre présenté ci-dessus. Nous avons choisi une série de tâches venant
de Chine, présentées dans une courte vidéo affichée sur un réseau social officieux
d’enseignants (weechat group, réseau social très populaire en Chine). Cette vidéo montre une
situation de résolution de problème de lieu géométrique, avec le logiciel Geometer Sketchpad.
La vidéo en ligne ne s’adresse pas directement aux étudiants, donc rend difficile son analyse
du point de vue des orchestrations instrumentales. Nous avons également analysé une série de
tâches de construction de triangle avec GeoGebra, présentée dans une fiche adressée à des
élèves de 5e en France, fiche communiquée par un enseignant de collège.
Une partie de la méthodologie prévue inclut l’analyse des tâches, l’observation du
déroulement de la classe et deux interviews de l’enseignant avant et après la classe. En
particulier, nous souhaitons l’interviewer avant la classe pour recueillir ses intentions quant à
l’ordre des tâches proposées et ses objectifs. Lors de l’interview après la classe, nous
souhaitons recueillir son avis à propos d’autres types de tâches, notamment en effectuant un
croisement entre la Chine et la France, et les possibilités qu’il aurait de les utiliser ou pas, en
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les modifiant éventuellement. Nous ne présentons ici que l’analyse préalable d’exemples de
séries de tâches, pour valider la faisabilité et l’intérêt d’une telle analyse.
1. Les séquences de tâches
L’exemple chinois (figures 1, 2) présente un problème de lieu à partir de deux triangles
donnés, un triangle rectangle ABC et un triangle équilatéral DBE, avec AB=BC. Le point D
bouge entre les points A et C. La question posée est de trouver le lieu du point E et sa
longueur. Les tâches successives sont constituées du même problème avec une variation des
propriétés du triangle BDE. Au cours de la vidéo, l’enseignant décrit la figure, pose la
question puis déplace le point D sur la figure dynamique de façon à faire apparaître la
trajectoire de E. La construction du lieu de E n’est pas montrée à l’écran.
Figure 1 – Images de la vidéo chinoise sur la résolution d’un problème de lieu avec Geometer Sketchpad
Figure 2 – Les autres quatre tâches dans la vidéo chinoise de lieu avec Geometer Sketchpad
L’exemple français est constitué d’une fiche élève qui liste les instructions pour construire
un triangle avec GeoGebra (figure 3). Une première partie guide la première tâche en
indiquant pas à pas les instructions pour construire un triangle à partir de la donnée des
mesures des longueurs de ses trois côtés. Une deuxième partie contient la même tâche, sans le
guidage pas à pas. Le déplacement des sommets des triangles construits n’est pas sollicité
dans la fiche.
Figure 3 – Fiche élève niveau 5e pour la construction d’un triangle avec GeoGebra
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2. Analyse des deux exemples
La tâche chinoise relève d’une utilisation de la géométrie dynamique pour générer des
nouveaux usages. En effet, l’observation directe de la génération d’un lieu géométrique n’est
pas possible sans la technologie. Sans la technologie, ces tâches ne sont pas résolues de la
même manière. Chacune des quatre tâches est une déclinaison du même problème, sans
changement du rôle que joue la géométrie dynamique. L’existence de la vidéo permet de
prévoir qu’une façon possible d’utiliser ces tâches est de présenter le problème et sa
résolution comme dans la vidéo. D’après cette vidéo, la façon dont l’enseignant utilise la
technologie est traditionnelle, avec une centration du côté de l’enseignant.
Dans l’activité décrite par la fiche française, les tâches font un usage de la géométrie
dynamique pour amplifier le papier-crayon. La précision des instructions pas à pas montre
que l’enseignant anticipe le fait que la résolution n’est pas une simple transposition de la
procédure papier-crayon. Cependant l’enjeu est bien uniquement de produire une figure de
triangle, sans que le choix des outils de construction soit problématisé pour l’élève. Pour un
même type de construction, d’autres séquences de tâches avec la géométrie dynamique
permettent de donner un autre rôle à la technologie, comme dans l’exemple des constructions
de triangle par Voltolini (2014). L’usage de la technologie reste le même dans les deux
tâches, qui ne varient que par le détails des instructions de construction, la seconde étant
considérée comme l’application à l’identique de la procédure décrite pour la première tâche.
Ces tâches sont orientées sur la technologie, mais contrairement à l’exemple chinois, il est
bien prévu que les élèves manipulent directement l’environnement de géométrie dynamique.
III. UN USAGE DES TECHNOLOGIES NUMERIQUES ENCORE LIMITE EN
MATHEMATIQUE
Du point de vue de la recherche, la géométrie dynamique est encore utilisée de façon
limitée dans les classes. Deux rôles importants de la géométrie dynamique dans les tâches
mathématiques ont été identifiés : rôle d’amplificateur et rôle de générateur.
Dans l’exemple chinois, la technologie de géométrie dynamique est utilisée pour générer
de nouvelles façons de résoudre un problème, mais est accompagnée d’une orchestration
basée sur une organisation de classe centrée sur l’enseignant, qui seul manipule la technologie
et contrôle l’avancée de la résolution du problème. Le rôle joué par la géométrie dynamique
dans les tâches de l’exemple français est plus celui d’un amplificateur d’une activité qui
pourrait être réalisée en papier-crayon. Elle favorise une orchestration basée sur une
organisation de classe plus centrée sur l’élève. Ces deux exemples permettent d’envisager les
analyses à conduire à partir des données que nous soumettrons aux enseignants participant à
notre recherche.
Les développements à prévoir concernent l’élaboration d’un modèle d’analyse qui mette en
relation plus directement le rôle de la géométrie dynamique dans les tâches et la complexité
que cela représente du point de vue des enseignants, avec les différentes orchestrations et le
contrôle charrière ou moins fort de l’enseignant. En effet, dans l’exemple chinois, la tâche
dans laquelle la géométrie dynamique joue un rôle de générateur de nouvelles stratégies de
résolution s’accompagne d’un contrôle renforcé par l’enseignant, alors que dans l’activité
française, la tâche peu problématique, très technique, s’accompagne d’une autonomie plus
importante laissée aux élèves. Les enseignants ne peuvent-ils faire un usage avancé de la
géométrie dynamique qu’au prix d’une moindre autonomie des élèves ?
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REFERENCES
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reunion.fr/GeomJava/abraCAda/M_abra.html
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Soury-Lavergne, S. (2017). Duos d’artefacts tangibles et numériques et objets connect és
pour apprendre et faire apprendre les mathématiques (HDR dissertation, Ecole Normale
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Trouche, L. (2003). Construction et conduite des instruments dans les apprentissages
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Voltolini, A. (2014). Un duo d'artefacts virtuel et matériel pour apprendre à construire un
triangle à la règle et au compas. Grand N, 94, 25–46.
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