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Gestion Des Risques

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Bernard

Philippe

BARTHLEMY

COURRGES

Gestion des risquesM T HODE D OP T I M I SAT I ON GL OBALE2 e dition

la fois vulnrable et dangereuse, lentreprise est aussi responsable-

Un systme de management pour ne prendre que les risques bien rmunrs Une mthode gnrale de mesure et de rduction conomique des risques Des applications aux risques les plus importants Un guide dautodiagnostic Des claircissements sur la protection de lenvironnement dans le cadre de la responsabilit de lentreprise Un guide pour conduire des valuations de la facilit dusage des produits, systmes techniques et services.Bernard Barthlemy a couvert, au cours de son cursus, la plupart des fonctions de lentreprise : ingnieur de lcole Centrale, Master of Sciences, il a t ingnieur de recherches, diplomate, directeur de socits industrielles et de services ou encore directeur dusine. Philippe Courrges, de formation universitaire en environnement et scurit industrielle, a t responsable dactivit dans un organisme de contrle avant de devenir directeur du dpartement environnement, scurit et sant dans une socit de conseil. Il travaille aujourdhui au sein dune direction scurit et sant dun groupe industriel international.

Productrice de richesses et source de bien-tre, lentreprise est aussi devenue une menace. La prise en compte de lensemble des risques quelle court et quelle fait courir par et pour lentreprise ellemme, ses salaris ou la collectivit est devenue indispensable et indissociable des instruments de gestion traditionnels. Mieux percevoir ces risques, puis rduire conomiquement leurs impacts potentiels constituent un vritable systme de management tant lart de grer une entreprise est celui de savoir ne prendre que les risques qui en valent la peine ! Cet ouvrage sadresse donc en premier lieu aux dirigeants qui souhaitent, par une prise en compte prcoce et dynamique de leurs risques, amliorer leurs performances, rduire leurs responsabilits civiles et pnales et accrotre la valeur de leur entreprise. Sans faire deux des experts, il leur montrera que les risques dentreprise ne sont pas une fatalit, mais peuvent, grce une mthodologie gnrale, tre identis et rduits conomiquement. Ils utiliseront avec plus defcacit les diffrents instruments de la prvention, de la protection et du transfert nancier, en calculant le retour sur investissement des diverses solutions envisages. Ce livre permettra aussi aux spcialistes de la prvention des risques dinscrire leur mission dans le processus de gestion globale de lentreprise, en particulier grce la rconciliation de la scurit et du prot. Cette deuxime dition, augmente, donnera aussi au citoyen des claircissements bien utiles sur les sujets tant galvauds que sont la protection de lenvironnement ou le dveloppement durable et sensibilisera les tudiants des thmes trop rarement abords lors des formations initiales.

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Code diteur : G53041 SBN : 2-7081-3041-2

GESTION DES RISQUES Mthode doptimisation globale

ditions dOrganisation 1, rue Thnard 75240 Paris Cedex 05 www.editions-organisation.com

Le code de la proprit intellectuelle du 1er juillet 1992 interdit en effet expressment la photocopie usage collectif sans autorisation des ayants droit. Or, cette pratique sest gnralise notamment dans lenseignement, provoquant une baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilit mme pour les auteurs de crer des uvres nouvelles et de les faire diter correctement est aujourdhui menace. En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intgralement ou partiellement le prsent ouvrage, sur quelque support que ce soit, sans autorisation de lditeur ou du Centre Franais dExploitation du Droit de copie, 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris. ditions dOrganisation, 2000, 2004 ISBN : 2-7081-3041-2

Bernard Barthlemy et Philippe Courrges

GESTION DES RISQUES Mthode doptimisation globale

Deuxime dition augmente

Les auteurs Le cursus de Bernard Barthlemy couvre la plupart des fonctions de lentreprise. Ingnieur de lEcole Centrale, Master of Sciences, il a t ingnieur de recherches, diplomate, directeur de socits industrielles et de services, ou encore directeur dusine. Auteur de plusieurs ouvrages, il a en particulier publi aux Editions dOrganisation un ouvrage sur la Gestion des Risques en Entreprise. De formation universitaire en environnement et scurit industrielle, Philippe Courrges a t responsable dactivit dans un organisme de contrle avant dtre directeur de dpartement environnement, scurit et sant dans une socit de conseil. Il travaille aujourdhui au sein dune direction scurit et sant dun groupe industriel international.

One of the most fruitful insights of psychology is prospect theory, wich predicts that people are more hurt by losses than they are uplifted by gains of a corresponding size The Economist, March 4th 2000

SOMMAIRESOMMAIRE

Introduction1. 2. 3. 4. 5.

..................................................... 1 1 2 4 5 8

Un monde meilleur : droit du citoyen ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Un monde meilleur : enjeu des entreprises ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Un monde meilleur : un nouvel art de grer lentreprise ? . . . . . . . . . . . . . Scurit et management . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Risques dentreprise et scurit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Premire partie

De la fatalit la gestion

.................................. 9

Chapitre 1 Risques : ralit et perception . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111. De quoi parle-t-on ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 2. Une petite histoire du risque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 3. Panorama des risques aujourdhui . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

Chapitre 2 Risques : le facteur humain . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171. Lhomme, acteur central du risque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 2. Un facteur complexe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 3. Contrler le comportement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27

Chapitre 3 La gestion des risques : pourquoi, comment ? . . . . 331. Le champ dapplication de la gestion des risques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2. Une relle ncessit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.1. Comptitivit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2. Prennit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3. Image . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3. Une source de profit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4. Une mthodologie en 3 tapes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.1. Identification et quantification des risques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.2. Rduction, prvention et protection . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.3. Financement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 34 34 35 36 36 46 47 49 53V

ditions dOrganisation

Gestion des risques

5. Les changements, source de risques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .58 5.1. La prise de dcision . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .59 5.2. Les risques du projet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .60

Deuxime partie

Les risques dans lentreprise et lindustrie1. 2. 3. 4.

. . . . . . .69

Chapitre 4 Les atteintes aux actifs matriels . . . . . . . . . . . . . . . . . . .71Les sources de risque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .71 Lidentification et la mesure des dommages potentiels . . . . . . . . . . . . . .72 La prvention des actifs matriels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .78 La protection des actifs matriels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .78 4.1. Les dispositifs techniques de protection . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .79 4.2. Le plan de survie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .85 4.3. Intrusion, fraude et malveillance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .87

Chapitre 5 Les risques de lactivit professionnelle . . . . . . . . . . . .911. 2. 3. 4. Trs bref historique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .91 Les risques du travail, de laccident la maladie professionnelle . . . . .91 Les enjeux pour la socit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .94 Les enjeux pour les entreprises . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .98 4.1. Quand la prvention devient conomique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .98 4.2. Quand la non prvention devient pnalement rprime . . . . . . . . . . . . . .99 5. Une ncessit : lanalyse des risques de la vie professionnelle . . . . . .110 5.1. Identification des dangers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .110 5.2. Evaluation des risques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .112 5.3. Quelques risques ne jamais oublier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .115 5.4. La construction dun accident . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .172 5.5. quoi sert lvaluation des risques ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .173 6. Comment contrler les risques professionnels ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . .175 6.1. Objectifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .175 6.2. Moyens daction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .177 6.3. Les systmes de gestion de la scurit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .178 6.4. Audits . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .209 ditions dOrganisation

Chapitre 6 Les risques industriels majeurs : une menace qui nous concerne tous . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .2151. De quoi parle-t-on ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .215 2. Le cadre juridique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .218 2.1. La directive SEVESO II . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .218 2.2. Transposition de la directive SEVESO II en droit franais . . . . . . . . . . . . .220 2.3. La rglementation ICPE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .224VI

SOMMAIRE

3. Comment matriser les risques industriels ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.1. Ltude dimpact . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.2. Ltude de dangers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.3. La notice Hygine et Scurit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.4. POI / PPI . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.5. Evolution de la rglementation ICPE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.6. Les transports dangereux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4. La matrise de lurbanisation autour des sites risques . . . . . . . . . . . . 5. Le droit linformation sur les risques majeurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

225 227 232 262 262 265 267 268 271

Troisime partie

Entreprise, environnement et socit

. . . . . . . . . . . . . 273

Chapitre 7 Entreprise et socit : quelles responsabilits ? 2751. La responsabilit environnementale : une composante du management de lentreprise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.1. Les enjeux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.2. Lorganisation de la protection de lenvironnement . . . . . . . . . . . . . . . . 1.3. Les principaux textes rglementaires en matire denvironnement . . . 1.4. Le traitement technique de la pollution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2. Le dveloppement durable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.1. Enjeux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2. Normes, lois et critres de notation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3. Etat prsent et tendances . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.4. La communication et les rapports de dveloppement durable . . . . . . . 2.5. Actions pratiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 275 275 280 281 287 295 299 301 304 306 307 309 309 311 319 328 331 335 337 340 348 350

Chapitre 8 Catastrophes naturelles : un risque croissant ?1. Les catastrophes naturelles : tous concerns . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.1. Les sismes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.2. Les avalanches . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.3. Les inondations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.4. Les mouvements de terrain . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.5. Les volcans . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.6. Les feux de fort . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.7. Les temptes et les cyclones . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.8. Les effets du rchauffement climatique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2. Lindemnisation : qui paye ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

ditions dOrganisation

Chapitre 9 Alimentation et sant : des risques nouveaux ? . . 3531. Quand salimenter devient un risque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 353VII

Gestion des risques

2. Les enjeux de la scurit alimentaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .358 2.1. Les intoxications alimentaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .359 2.2. Mthodes de contrle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .361 3. Quand se soigner devient un risque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .362 4. Les risques biotechnologiques : vrai ou faux problme ? . . . . . . . . . . . .363 4.1. Applications des biotechnologies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .365 4.2. Risques lis aux biotechnologies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .375 4.3. La prvention des risques lis aux biotechnologies . . . . . . . . . . . . . . . . .380

Chapitre 10 Comment grer les crises ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3831. Le plan de gestion des crises . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .383 2. La veille de crise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .384 3. Lorganisation de crise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .385 3.1. Le manuel de gestion des crises . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .385 3.2. Lautorit de gestion de la crise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .386 3.3. Les quipes de gestion de crise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .387 3.4. Le PC de gestion de crise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .387 4. Le personnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .387 4.1. Information pralable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .387 4.2. Alarmes et vacuation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .388 5. Les moyens pour limiter les dgts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .388 6. Les ressources financires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .388 7. La communication . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .388 8. Nouveaux paysages de la crise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .389

Chapitre 11 Scurit et responsabilit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3931. Evolution de la responsabilit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .393 2. Responsabilit civile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .393 3. Responsabilit civile du fait des produits . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .395

Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .399

Annexes

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .401 ditions dOrganisation

Impact de la sinistralit sur les flux de trsorerie . . . . . . . . . . . . . . .403 Etude de cas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .407Prsentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .407 Analyse des risques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .409

VIII

Introduction

Introduction

1. Un monde meilleur : droit du citoyen ?Le monde est dsormais entr dans le Troisime ge de la Responsabilit . Avant lre chrtienne, les malheurs de lhumanit taient causs par les dieux. Ceux-ci gouvernaient implicitement les vnements de la vie quotidienne. De leurs humeurs dpendaient la fcondit, les bonnes rcoltes ou les orages. Il ne sagissait alors que de sassurer leurs bonnes faveurs en leur rendant hommage par le sacrifice de quelques agneaux ou de quelques vierges. Ils ntaient ni bons ni mauvais. Leurs colres navaient pas pour objet de punir lhomme. Elles ne faisaient quexprimer le caractre trs humain que nos aeux leur prtaient. Le sentiment de culpabilit collective tait faible. Puis vint le Dieu unique. Infiniment bon, celui-ci ne manifestait sa colre que pour chtier lhomme de ses fautes. La peste ne sabattait plus au gr de lhumeur divine, mais punissait un comportement humain contraire aux prceptes divins. Vint alors le temps des repentances collectives, des pnitents et des processions. Bien sr, on brlait encore quelques sorcires ou quelques hrtiques, mais la collectivit endossait la responsabilit de ses fautes. Il fallut attendre le XVIIIe sicle pour que la connaissance se libre de la tutelle religieuse. Le Sicle des Lumires fit exploser le savoir. La nature livrait ses1

ditions dOrganisation

Gestion des risques

secrets. Lhomme commenait comprendre. Bientt il saurait agir. Lindustrie naissait, et avec elle une grande esprance dun monde meilleur totalement aux mains de lhomme. Dieu se cantonnerait au secours des mes. Le bonheur terrestre apparaissait possible. Bientt il deviendrait un droit. Deux sicles et deux conflits mondiaux plus tard, loptimisme nest plus de mise. Ce savoir qui devait conduire lhumanit au bonheur la conduit dans une impasse. Lindustrie source de bien-tre est devenue une menace. Elle est dangereuse. Elle pollue. Ses produits ne sont pas srs. Enfin elle est machiavlique. Son objet se rduit au profit de ses actionnaires. Ses salaris sont mpriss. La prcarit de lemploi alimente la mfiance. La consommation est ainsi doublement remise en question. Mais Dieu nest plus responsable. Lhomme est duqu. Il sait quil est seul responsable de ses malheurs. Il ne peut plus implorer la clmence divine. Mais ce fardeau est trop lourd pour la collectivit. Il faut trouver des boucs missaires. Les animaux sont malades de la peste. Les industries hier encore porteuses de rves apparaissent soudain cyniques et dangereuses. Exploitant la vindicte populaire, les lobbies les montrent du doigt, soutenus par les gouvernements trop heureux de cette cible alternative, les systmes politiques tant de plus en plus ttaniss face des risques mergents sur lesquels la culture bureaucratique est impuissante. Cest ainsi que nous sommes aujourdhui entrs dans le Troisime ge de la Responsabilit , o paradoxalement le risque individuel et choisi est port aux nues alors que le risque collectif subi est intolrable. Lhomme recherche le frisson des sports extrmes mais sindigne quun yoghourt industriel puisse le rendre malade ou que le four micro-ondes ne puisse scher son chien ! Les entreprises sont ainsi devenues, face aux dissensions des politiques (cf. Sommets de Kyoto et de la Haye) et sous la pression populaire organise par les lobbies et les mdias, les garantes et les responsables du monde sr et sain quelles nous avaient htivement laiss entrevoir il y a deux sicles. La justice suit le mouvement. Son enjeu nest plus de punir mais dindemniser un prjudice. La loi et la jurisprudence largissent le champ des responsables possibles afin dy trouver le payeur qui saura indemniser (principe de la Deep Pocket ).

2. Un monde meilleur : enjeu des entreprises ?Les entreprises ragissent. Elles nont plus le choix. Hier encore uniquement soucieuses de qualit et de productivit, elles intgrent dsormais les contraintes socitales dans leurs systmes de management.2

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INTRODUCTION

Quon ne se mprenne pas ! Il ne sagit pas l de la rsurrection de lentreprise citoyenne . Cette ide, ne il y a une dizaine dannes, a du mal simposer dans une conomie librale o lentreprise na fondamentalement pas de vocation sociale. Son objectif est le profit et la cration de valeur. Mais la recherche du profit se fait dans un contexte daspiration sociale et thique, de dveloppement durable, traditionnellement traduit par un cadre lgal dans lequel lentreprise doit inscrire son objectif de profit. Ce qui change aujourdhui, cest que le cadre lgal ne reflte plus les aspirations du consommateur et du citoyen. Les lgislateurs sessoufflent derrire le progrs. Les revendications directes du citoyen, amplifies, voire dformes par la caisse de rsonance des mdias, crent de nouvelles contraintes auxquelles les entreprises doivent se soumettre, de peur de perdre la confiance de leurs partenaires, clients ou actionnaires. Cest ainsi que des entreprises, totalement conformes aux lois en vigueur, se trouvent accuses responsables mais non coupables et doivent assumer les consquences de navoir pas suffisamment pris en compte le droit la scurit et la sant de ceux que lon nomme les parties prenantes , cest--dire les individus concerns directement ou non par les activits de lentreprise. Le respect de lenvironnement, le dveloppement durable, les droits de lhomme, la sant et la scurit, lthique voire mme le politique deviennent ainsi des objectifs conomiques. A ce titre, ils prennent leur place dans les proccupations des dirigeants, et sinsrent dans les systmes de gestion et de communication de lentreprise. Cette volution force plus que volontaire, nest pas sans contraindre lentreprise un grand cart entre le savoir-faire et le faire savoir. Quimporte-t-il en effet ? Faut-il tre bon ou seulement faire croire quon lest ? Sur le court terme, pour des risques frquence faible, il peut tre tentant de faire du window dressing , surtout lorsque lon pense quun bon plan de communication de crise permettra de circonscrire les effets du sinistre. Bien mis en uvre, cet cran de fume peut faire illusion. Une charte signe du prsident, un budget raisonnablement important affect des actions mdiatises, de belles photos de fleurs ou denfants sur le site Internet, une fondation but humanitaire, de bonnes relations avec les mdias, les lobbies et les politiques influents, quelques procdures habilement organises pour ressembler un systme de management, voire une certification...et le tour est jou ! Attention cependant, car si le citoyen est crdule, il est revanchard. Un accident majeur balayera demain ce chteau de cartes. Une entreprise au-dessus de tout soupon, barde de diplmes et de certificats, sera juge responsable dune atteinte impardonnable la scurit de lhomme et de son environnement.3

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Gestion des risques

Lopprobre sabattra alors sur toutes les entreprises, les bonnes comme les mauvaises. Un tanker coule, et les ptroliers sont tous de cyniques profiteurs. La salmonellose contamine un plat cuisin, et cest toute la filire alimentaire qui est bannie. Face au risque, les multinationales sont des colosses aux pieds dargile : leur force nest que celle de leur maillon le plus faible, lequel est souvent celui dont la contribution conomique est la plus faible. Le court terme est suicidaire. Une vision prospective, imposant comme objectif une matrise raisonnable et transparente des risques, doit aujourdhui simposer. Entendons-nous bien : le risque nul nexiste pas. La scurit absolue est une utopie technique et conomique. Ce qui est en jeu, cest datteindre un niveau de risque accept, as low as reasonably acceptable , ce qui impose une totale transparence sur les actions engages. Les matres mots de lintgration prospective des risques de socit dans les systmes de gestion de lentreprise sont donc : Volont, car rien ne se fait si on ne le veut pas vraiment ; Connaissance, car on nagit que sur ce que lon connat ; Mesure, car le traitement dpend de la gravit ; Concertation, car seul le risque jug acceptable peut tre accept ; Transparence, car la dissimulation est pire que limperfection. Nous voil bien loin des chartes dontologiques et de ces prtendues panaces que sont les normes de management. Car les problmes traiter sont complexes, et peu de dirigeants y sont prpars. Rien voir avec le dterminisme au moins apparent de la problmatique technico-conomique de lentreprise. La matrise des enjeux de socit, avec ses dimensions humaines, sociales, politiques, sort du domaine traditionnel de lingnieur ou du gestionnaire. Mais nest-ce pas l une bonne occasion de dfinir le manager du dbut du XXIe sicle ? Le problme est donc pos : il faut le rsoudre avec bonne volont, transparence et humanit. Les dividendes seront au rendez-vous, car la fortune sourit ceux qui satisfont les besoins rels. Or les aspirations ont chang. Trente ans aprs les hippies et le Flower Power , on redcouvre que quitude, tranquillit, scurit, sant pour nous et nos enfants valent mieux quun nouveau rfrigrateur !

3. Un monde meilleur : un nouvel art de grer lentreprise ?Alors comment faire ? Il ne sagit pas de coller un peu dcologie ou dthique sur un management traditionnel. La fleur ne pousse pas sur le bton ! Il faut que les objectifs socitaux4

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INTRODUCTION

soient ce point intgrs la vie de lentreprise que plus rien ne les distingue. Lentreprise humaine est celle qui cesse de clamer quelle lest ! Difficile ? Non ! Il faut pour cela mettre en uvre les cinq mots cls noncs ciavant : volont, connaissance, mesure, concertation et transparence. Il importe aussi que le pilote de lentreprise accueille de nouveaux instruments de navigation les cadrans des risques et se forme ce nouvel art de pilotage quest le doute constructif , puisque par essence les facteurs du risque sont incertains. Ainsi, dans son processus de gestion comme dans celui de dcision, le chef dentreprise sera-t-il naturellement amen mesurer ses rsultats laune de la scurit en sus de celle de lconomie. Ses choix intgreront simultanment lensemble de ces objectifs. Un systme de management, fond sur le principe de la Roue de Deming (Planifier, Faire, Contrler, Ragir) est une bonne base, sous rserve que ce systme soit adopt par lensemble de la hirarchie. Il nest cependant pas suffisant, car il repose sur une vision dterministe de lentreprise : lutilisation contrle dun outil scuris. Dans cette vision, lhomme nest quun mal ncessaire. Il nest pas fiable. Il faut donc rduire son espace de libert. Loprateur nest quune ressource humaine . Acceptable, sinon humainement justifiable en ce qui concerne le dictat conomique, cette vision rductrice ne tient plus lorsque lon vise des objectifs socitaux, car lhomme y est la fois source de risque (producteur), cible potentielle (consommateur), et juge du risque acceptable (citoyen). Le systme de management global se doit donc dintgrer lhomme dans ces trois dimensions. Il nest plus la ressource imprvisible que lon rve de robotiser, mais lacteur responsable et le juge des objectifs socitaux de lentreprise.

4. Scurit et management ditions dOrganisation

Voyons comment intgrer nos cinq mots cls (volont, connaissance, mesure, concertation et transparence) dans le systme de management de lentreprise. La volont doit se traduire dans une politique, signe au plus haut niveau de lentreprise, dans laquelle se trouvent affirms ses objectifs de matrise des risques socitaux. Il sagit l dun engagement ferme, dont les rsultats mesureront le respect. Les objectifs doivent donc tre ralistes. Le risque nul nexistant pas, afficher un objectif de scurit absolue est une utopie ou un mensonge.

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Gestion des risques

La politique fixant des objectifs de matrise des risques, la connaissance de ces derniers est un prliminaire incontournable. Lentreprise devra donc se donner les moyens didentifier, puis de mesurer et hirarchiser ses risques dans toutes ses fonctions (conception, achats, installation, production, maintenance, expdition, etc.) et pour tous ses produits. Elle devra pour ce faire utiliser des mthodes participatives fiables et sappuyer sur le retour dexprience (incidents, accidents). La concertation de tous les acteurs internes et externes est ncessaire, la fois pour la pertinence et lexhaustivit de la dmarche, et pour lacceptation commune du niveau de risque rsiduel. Lanalyse des risques doit permettre de passer de lutopie de la scurit absolue une culture commune du risque au sein de lentreprise, et plus gnralement envers ceux qui sont concerns (clients, riverains, autorits). Une communication transparente est indispensable. Les rsultats de lanalyse des risques complts par la connaissance des exigences fixes par la loi permettent de btir un plan daction qui transforme les objectifs de la politique en cibles concrtes court terme. Cest dans llaboration et la mise en uvre de ce plan daction que la volont de la direction doit se manifester. Des responsables doivent tre nomms, des moyens doivent tre allous, des hommes doivent tre forms, des techniques doivent tre amliores, des machines doivent tre modifies. Le risque nul nexistant pas, lentreprise doit intgrer dans son plan daction les mesures et les moyens requis dans les situations durgence. La mise en uvre du plan daction sera ensuite contrle et les performances seront mesures. Toute dviation sera immdiatement corrige. Enfin, la direction examinera les rsultats obtenus, communiquera en toute transparence sur ceux-ci, et dcidera dun nouveau plan daction. Le nouveau plan daction prendra en compte les rsultats dj obtenus, les progrs faire, ainsi que de nouveaux objectifs court terme dcoulant des analyses de risques dj conduites ou devant tre conduites compte tenu des changements de lentreprise. Cette dmarche rcurrente (roue de Deming) permet dinscrire la scurit au cur du management de lentreprise. Largement connue des qualiticiens elle sous-tend les normes ISO 9000 elle sapplique gnralement lensemble des risques de lentreprise. Dj la base de la norme environnementale ISO 14001, elle structure les standards gnraux (tel que lOHSAS 18001) en matire de scurit et sant au travail. Dautres standards en gestation, couvrant des domaines plus vastes tels que le Dveloppement Durable (SA 8000) reposent sur le mme principe.6

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INTRODUCTION

Analyse des risques Revue par la direction Exigences lgales Objectifs (court terme) Plan daction Audits Traitement des anomalies Suivi et mesures Moyens et responsabilits Communication et formation Mise en uvre Documentation associe

La dmarche illustre par la Roue de Deming est sduisante. En effet, elle repose sur une dmarche logique : on analyse ce que lon doit faire et on dcide ce que lon veut faire ; on se donne les moyens de le faire ; on contrle les rsultats ; on modie en consquence son plan daction. Elle est aussi sduisante car elle transforme le problme minemment complexe de la scurit et la sant en un systme documentaire beaucoup plus facile constituer et mettre en application. On peut cependant se demander si cette transformation naltre pas le problme original. La qualit absolue est-elle obtenue par le respect des normes ISO 9000 ? Cesse-t-on de polluer ou dtre potentiellement pollueur si on a une certification ISO 14001 ? Les objectifs fondamentaux en matire de scurit et de sant (tendre vers le zro accident et le zro maladie professionnelle) seront-ils atteints via un systme de management conforme un rfrentiel ? En fait, tous les spcialistes des systmes de management savent que ces derniers ne sont pas une garantie totale, car il ny a pas quivalence entre le problme original et sa modlisation organisationnelle. Des facteurs non dterministes, et en particulier le comportement humain, ont disparu dans cette simplification. ditions dOrganisation

Cette diffrence pose deux questions majeures : Comment rintgrer ces facteurs pour tenter de rduire le risque quils gnrent ? Comment faire comprendre aprs un accident en particulier aux mdias et lopinion publique quun risque rsiduel perdurait malgr un certicat de conformit une norme de management ?7

Gestion des risques

Il est malheureusement trop tard pour rpondre la seconde question. Les systmes de management et leur sanction par un certificat de conformit, ont t largement prsents comme la panace par les entreprises qui les possdent, malgr la prudence des organismes certificateurs dans le libell de ces certificats et dans la restriction des champs couverts. Limiter leur porte conduirait dgrader leur image, au risque de dtruire tout le systme. Il nest cependant pas trop tard pour des risques pour lesquels ce systme ne sest pas encore impos, en particulier la scurit et la sant. Il importe donc de tenter de rpondre la premire question. Il en va de la crdibilit des entreprises certifies et des organismes normatifs et certificateurs.

5. Risques dentreprise et scuritLa socit impose lentreprise de mieux contrler les risques quelle lui fait subir. Les sources de ces risques sont des dysfonctionnements techniques, organisationnels et humains dont les impacts sur les ressources de lentreprise (objets de risques) peuvent aussi altrer la profitabilit de lentreprise.

Impacts sur la scurit Sources de risques Objets de risques Impacts sur la profitabilit

La pression de la socit est ainsi une formidable opportunit didentification systmatique des risques. Non seulement ceux qui peuvent atteindre lhomme et lenvironnement, mais aussi ceux qui peuvent nuire la profitabilit de lentreprise, voire mettre son existence en pril. La contrainte socitale devient une opportunit, dautant plus intressante que lentreprise daujourdhui est trs vulnrable, souvent sur des marchs troits et volatils, la merci de fournisseurs instables et de clients capricieux, dans un contexte conomique et lgal voluant trs rapidement. La rcession survient en pleine croissance. Des empires seffondrent du jour au lendemain. La gestion des risques socitaux ouvre donc la porte une nouvelle faon de grer lentreprise, par lidentification systmatique de tous les risques et la seule acceptation des risques les mieux rmunrs. Cest la gestion par les risques, et non plus seulement la gestion des risques se superposant une gestion dterministe traditionnelle. Cest la reconnaissance de lincertitude de tous les facteurs sur lesquels le dirigeant fonde ses dcisions. Cest le doute constructif.8 ditions dOrganisation

Premire partie

De la fatalit la gestion

Risques : ralit et perception1

De quoi parle-t-on ?Le risque est un concept bien mal dfini et encore plus galvaud ! On utilise et ce nest pas le seul fait des mdias ce mme mot pour dsigner une situation dommageable, tout ou partie des causes de cette situation, ses consquences, voire la victime potentielle.

Petit Larousse : Danger, inconvnient possible . Robert : Danger ventuel, plus ou moins prvisible ou Le fait de sexposer un danger, dans lespoir dobtenir un avantage . Littr : Pril dans lequel entre lide de hasard .

On dira ainsi : Il y a un risque dorage (situation) ; La machine risque une surcharge lectrique (cause) ; Je risque la perte de mon investissement (consquence) ; Cette usine est un risque majeur pour ses assureurs (victime). Il importe donc dadopter une dfinition prcise, qui se dmarque des diffrentes acceptions du langage courant. Nous dirons quun risque est une situation (ensemble dvnements simultans ou conscutifs) dont loccurrence est incertaine et dont la ralisation affecte les objectifs de lentit (individu, famille, entreprise, collectivit) qui le subit. Certains risques pourront avoir des effets positifs. Ce sont ceux que lon recherche, et que lon appelle chance ou opportunits . Dautres auront assurment des effets ngatifs. Ce sont ceux que lon craint. Nos activits gnrent directement certains risques. On les qualifiera dendognes. Dautres naissent dans notre environnement et nous affectent par contrecoup. On les appellera exognes. Un risque se caractrise donc par deux grandeurs : Sa probabilit doccurrence, ou frquence f. Ses effets, ou gravit G. Un risque se mesure par le produit de ces deux grandeurs, sa criticit C :C=fxG

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La connaissance dune seule de ces deux grandeurs est videmment insuffisante pour compltement caractriser un risque. Cette vidence est cependant peu11

Cha p itr e

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Gestion des risques

partage, y compris dans la rglementation qui adopte souvent une approche dterministe. Lexistence dun danger, quelle que soit sa probabilit, suffit dclencher des exigences de prvention parfois disproportionnes. Lapplication en France de la directive SEVESO II de prvention des risques daccidents majeurs est une illustration de cette approche, qui repose sur le refus total du risque rsiduel. Comprhensible bien que discutable dans le cas des risques de catastrophes, lignorance de la probabilit est videmment absurde dans le cas de risques moins importants, et conduit prendre des mesures dont le cot est excessif par rapport au risque quelles prtendent rduire. Dautres pays europens ont adopt depuis longtemps une approche probabiliste, permettant de dfinir partir de quel moment des exigences supplmentaires en matire de prvention deviennent superftatoires, voire dangereuses. Il est toutefois clair quune telle approche prsuppose une plus grande maturit dans la communication sur le risque en direction des populations. Nous verrons plus loin que la Gestion des Risques se dfinit justement comme lart de prendre en compte rationnellement les deux composantes du risque, frquence f et gravit G.

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Une petite histoire du risqueDire que le risque est inhrent la vie est une vidence. Ceci dit, la perception du risque a longtemps t celle dune fatalit attribuable aux dieux, sans la moindre notion de mesure. Les anciens ne savaient pas parler de chances, au sens moderne du terme, cest--dire celui des probabilits. Noublions pas que ce nest quau milieu du XVIIe sicle que Fermat et Pascal ont jet les premires bases de la prdiction mathmatique du hasard en rsolvant le problme pos deux sicles auparavant par le moine italien Luca Paccioli1. Ce nest que dans la premire moiti du XVIIIe sicle que Bernoulli dcouvrit la loi des grands nombres et formula sa thorie de la dcision, introduisant le premier la notion de criticit (frquence x gravit). Enfin la fameuse loi de Gauss na mme pas 150 ans, un instant en regard de notre histoire ! Ce nest donc qu partir du XVIIIe sicle que le risque a commenc de remplacer la notion mystique de fatalit, non seulement grce aux nouveaux outils mathmatiques, mais aussi sous la pression de lindustrie naissante, et de la complexit croissante des modes de production et des relations commerciales. Les accidents devenaient alors plus complexes que ceux auxquels le monde rural avait faire face, et donc plus difficiles rparer. Ils impliquaient en chane plu1. Il sagit du problme des points , o comment diviser les gains entre deux joueurs alors que la partie est interrompue avant sa n.

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RISQUES : RALIT ET PERCEPTION

sieurs acteurs conomiques, et leurs consquences devenaient plus lourdes supporter, voire dramatiques. La conscience que le risque nest pas une fatalit, mais la rsultante dune combinaison dvnements fut aussi le moteur de la notion dentreprise, tant il est vrai quentreprendre est savoir prendre des risques, ce qui ne pouvait que favoriser le dveloppement industriel, domaine privilgi de la prise de risque volontaire et rationnelle. Le XIXe sicle verra ces facteurs se conjuguer dans la spirale de notre monde moderne : la conscience de la logique dterministe du risque, qui justifie quon tente sa chance au travers du systme industriel capitaliste, la complexit du risque cr par ce mme systme, enfin les modles mathmatiques permettant la prdiction sur la base des observations, fondements de lassurance. Les entrepreneurs, soutenus par la prise de risque du capital, dveloppent grce aux scientifiques la machine industrielle sous la protection de lassurance qui garantit que seul restera le risque de gagner ! La synergie entre lesprit daventure, qui projette dans lavenir, et la peur de lchec, qui impose anticipation et assurance, permettront le formidable dveloppement du monde moderne. On voit bien quau moment o ils comprenaient quun vnement est le rsultat dune chane dvnements antrieurs, complexe mais dterministe, nos pres ont intuitivement spar les chances de gagner, quils ont jug tre le fruit de lesprit dentreprise, de celles de perdre, quils ont confies aux assureurs. Cette dichotomie, pour ne pas parler de schizophrnie, persiste encore aujourdhui : lentrepreneur se juge matre des risques quil veut prendre, et nhsite pas btir des arbres des causes complexes pour atteindre ses objectifs, mais refuse de faire la mme analyse pour les risques ngatifs, car ce sont pour lui des checs quil refuse denvisager, mais aussi parce que lassurance en fait son affaire...ou tout au moins le lui laisse croire ! Ainsi sexplique que la Gestion des Risques ait autant de mal merger, alors que jamais elle na t aussi ncessaire quaujourdhui, les risques croissants pour lentreprise comme pour la socit, et lassurance rduisant chaque jour la rponse quelle peut y apporter.

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Panorama des risques aujourdhuiLes risques sont une composante incontournable de la vie. Sans risque, il ny a pas de vie. Cependant, la vie moderne fait peser sur le citoyen des risques quil ne matrise pas, qui lui font peur, et quen rgle gnrale il refuse en fonction de lanalyse intuitive quil fait entre risque et bnfice, analyse qui dpend statistiquement de nombreux facteurs, tels que lge, le sexe, le niveau dducation, etc.13

Gestion des risques

Il a conserv rminiscence de son cerveau reptilien la peur ancestrale des catastrophes naturelles (temptes, incendies, inondations, tremblements de terre...), dautant plus quil sait que lhomme en est parfois partiellement responsable, mais il craint aussi les catastrophes industrielles. Il craint aussi les effets secondaires nfastes du progrs : pollutions, bruit, intoxications, rayonnements lectromagntiques, stress, trou de la couche dozone, rchauffement de la plante ... Il veut que les produits et services que le monde moderne met sa disposition soient sans risque ou effets secondaires : pour autant, les affections nosocomiales, les risques thrapeutiques, les intoxications alimentaires, la lgionellose, lencphalite spongiforme bovine (ESB ou maladie de la vache folle ), le sang contamin, etc... viennent contredire cette volont. Il ne supporte pas non plus que sa vie professionnelle lui fasse courir des risques daccidents ou de maladie. En ce sens, le vieil adage syndical ne pas perdre sa vie la gagner prend tout son sens. Enfin, il a peur des guerres et du terrorisme... En bref, lhomme moderne est schizophrne : il veut la fois progrs et qualit de vie si possible en travaillant le moins possible et refuse les risques inhrents linnovation. Il veut avoir le niveau de vie le plus lev, mais refuse linstabilit politique mondiale (fracture Nord/Sud) qui en est partiellement la consquence. Cette schizophrnie est dailleurs double : lhomme accepte le risque quil prend lui-mme (le tabac en est le meilleur exemple), mais refuse celui que dautres lui font subir, oubliant quil est lui-mme cet autre quil met en accusation. Ainsi en est-on aujourdhui arriv au fameux principe de prcaution , issu du Vorsorge allemand de la fin des annes 60. Il sagissait lpoque de rduire la pollution atmosphrique et plus prcisment le phnomne des pluies acides.Les mots cls du principe de prcaution : Prcocit : labsence de certitudes ne doit pas retarder ladoption de mesures Efcacit : les mesures ne doivent pas seulement rassurer Proportionnalit : il faut agir en proportion de la gravit des dommages anticips Cohrence : il ne faut pas faire pour un risque potentiel, plus que pour un risque avr de mme gravit Rvisabilit : les mesures prises sont provisoires et doivent pouvoir tre rvises en fonction des progrs de la recherche

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Le principe de prcaution inscrit dans le trait de Maastricht constitutif de lUnion Europenne est une rgle de dcision politique en labsence de certitudes scientifiquement tablies sur les consquences dune action nouvelle. Selon ce principe, des actions de prvention sont lgitimes et doivent tre prises sans dlai lorsquil parait justifi de limiter, encadrer ou empcher certaines actions potentiellement dangereuses, sans attendre que leur

RISQUES : RALIT ET PERCEPTION

danger ventuel soit scientifiquement tabli de faon certaine. Il ne sagit donc pas comme certains le prtendent de bloquer toute action, mais de prendre des actions prventives proportionnes lincertitude et aux risques que cette dernire peut gnrer. Il sagit, en mettant en place les concertations ncessaires, de juger si le risque peut tre assum collectivement compte tenu des connaissances du moment et des bnfices attendus de laction considre. Il est cependant craindre que la peur du risque, la dmission des politiques, et lactivit pas toujours aussi objective et dsintresse quelle parat de prime abord des ONG et autres groupes de pression, ne conduisent une application stricte du principe de prcaution qui conduit soit limmobilisme, soit au rejet de la faute sur celui qui aura pris le risque. Ainsi que nous lavons vu en introduction, rien ne fait plus peur aujourdhui que de devoir prendre une dcision ou assumer collectivement un risque : il nous faut toujours un coupable, ou tout au moins un responsable que lon pourra accuser de tous nos maux et condamner indemniser les victimes. Le refus de la responsabilit collective et la dmission du politique saccompagnent en outre de la faillite du systme dassurances : les risques sont trop importants (ou jugs tels), et trop spcifiques pour que les trois principes de lassurance (risque alatoire, quantifiable, mutualisable) sappliquent encore. Ainsi les risques datteinte lenvironnement, ou la responsabilit civile professionnelle ne sont-ils plus que trs difficilement assurables. On constate donc quaprs stre opposs la gestion technique des risques, les assureurs et surtout les courtiers encouragent dsormais leurs clients identifier et traiter leurs risques afin de mieux connatre et rduire la part qui leur est transfre. La justice est elle-mme victime de ces volutions de nos socits : sappuyant sur une valuation a posteriori et donc forcment ngative de lvnement pass, elle recherche de plus en plus la mutualisation des responsabilits. Lapplication du principe de prcaution est donc inluctable. Elle est la consquence logique du Troisime ge de la responsabilit voqu en introduction. Les cataclysmes ne sont pas entirement naturels par leur cause et lhomme est le principal auteur des maux qui laffectent. Il faut cependant esprer que le politique nadopte pas une application restrictive et frileuse de ce principe consistant sabstenir de toute action lorsque le mal est apparemment plus important que le bien. ditions dOrganisation

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Risques : le facteur humain1

Lhomme, acteur central du risque

Toute tche qui peut tre accomplie dune manire incorrecte, peu importe que la possibilit en soit faible, sera un jour accomplie de cette manire. (Loi de Murphy)

La qualit et la scurit dune opration, quelle soit ou non industrielle, et donc de ses produits, repose sur trois lments :Technique Technique Organisation Organisation

Scurit

Des quipements pertinents, ables et srs ; Des modes opratoires efcaces et srs ; Des oprateurs comptents, motivs et ables.

Comportement Comportement

De grands progrs ont t faits dans le premier domaine, celui des ingnieurs, par lequel la matrise des risques a dmarr la fin du XIXe sicle, en plein machinisme industriel. A cette poque, on matrisait mal les risques gnrs par les nouveaux modes de production. Les causes directes de nombreux accidents taient alors facilement attribuables des procds techniques peu fiables, des machines sans protections, des techniques mal matrises. Les tudes de sret de fonctionnement, les asservissements des outils, et les contrles qualit ont considrablement amlior la fiabilit des quipements et la qualit des produits finis. Des normes de rfrence toujours plus prcises et complexes sont rgulirement publies, notamment en ce qui concerne la fiabilit et la scurit des quipements lectroniques (norme CEI 61508 par exemple). Dans le domaine pourtant souvent dcri de lagroalimentaire (plus de 3 franais sur 4 pensent que les produits alimentaires industriels sont trafiqus ) les progrs ont t spectaculaires et la majorit des toxi-infections rsulte de la consommation de produits artisanaux ou familiaux (conserves et salaisons non striles) et non pas de produits industriels. Ces progrs sexpliquent notamment par la gnralisation de lutilisation de mthodes spcifiques danalyse des risques (mthode HACCP : Hazardous Analysis and Critical Check Points). Ces mthodes ont permis didentifier les endroits o une contamination tait possible et donc de dfinir les mesures de prvention correspondantes.17

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Gestion des risques

La scurit des travailleurs a elle aussi t considrablement amliore grce aux progrs de la conception et de la maintenance des outils industriels. L encore, aucun anglisme : le but initialement recherch visait essentiellement lamlioration de la disponibilit des outils industriels et laugmentation de la productivit. Lamlioration de la scurit qui en a rsult, sest impose comme un but en soi, au fur et mesure que lexigence de scurit devenait celle de notre socit dans son ensemble. Cette volution technologique a conduit lautomatisation et linformatisation, mais aussi la prminence des tches de contrle, de surveillance, de maintenance. Par ailleurs, la complexit des systmes sest accrue, soit par laugmentation du nombre dinteractions, soit par laugmentation du degr de dpendance dun lment par rapport lautre. Paradoxalement, les systmes de scurit eux-mmes (cest--dire les systmes destins avoir un rle de protecteur contre les dfaillances connues), sont devenus les points faibles des systmes complexes. Cette surenchre des barrires dfensives rend ces systmes non seulement fragiles, mais aussi, de plus en plus difficiles comprendre, et donc difficilement matrisables. En priode normale , le systme peut dans le meilleur des cas, tre gr de faon automatise. Mais certains dysfonctionnements, et surtout sils sont rares, vont trouver un oprateur ayant perdu son expertise, un oprateur peu inform sur les droulements antrieurs, et qui doit, de plus, prendre une dcision dans lincertitude et sous contrainte temporelle : toutes les conditions sont alors runies pour augmenter lapparition dune erreur humaine . La matrise purement technique de la scurit conduit une impasse. Le second domaine de contrle des risques, apparu dans les annes 50, est celui des managers . Ne avec le besoin de contrler la qualit, lorganisation rationnelle du travail a elle aussi considrablement fait progresser la scurit, dabord pour les travailleurs, puis pour les consommateurs ou utilisateurs de produits finis. Lautomobile et laronautique en sont les exemples les plus frappants. Reste le troisime domaine, qui est aussi le plus complexe, celui du comportement humain. La ressource humaine possde une caractristique unique : elle sautodtermine. Sauf dans les ouvrages de science-fiction, o lon voit lhomme perdre sa capacit de jugement et daction individuelle, celui-ci est tout moment capable dagir selon son propre chef, quelles quen soient les consquences. Instable, distrait, colrique, malveillant, courageux, lhomme est dangereux, volontairement ou non. La concentration requise pour percevoir et analyser les informations parfois mal transmises, peu claires, trop fugitives, est parfois surhumaine, et ne tolre aucun relchement.18

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RISQUES : LE FACTEUR HUMAIN

Loprateur doit souvent dcoder linformation : elle ne lui est pas fournie sous une forme immdiatement traduisible en terme daction (voir ci-aprs les tches routinires non rptitives). Linformation, peut-tre dj mal comprise, est souvent aussi mal transmise, ce qui est d au transmetteur, mais aussi au receveur, voire parfois au canal de transmission lui-mme. Lhabitude, la sous-estimation des risques (il ne sest jamais rien produit, a ne doit donc pas tre dangereux) conduisent au laxisme et au non-respect des consignes. Parfois aussi, le risque est trop difficile imaginer (scnario improbable), ou encore les impacts de changements sont-ils ignors. Les erreurs humaines (relchement, comprhension insuffisante, mauvaise transmission et enfin raction tardive ou non adquate) contribuent donc largement aux risques, en particulier aux risques de gravit dont les frquences sont faibles mais dont les consquences sont normes.. Cette caractristique rend les donnes pertinentes (heureusement) rares. Leur exploitation statistique est donc quasi impossible. En outre, on peut sinterroger sur la validit du retour dexprience, du fait que la vitesse du progrs technologique (en particulier informatique) dpasse largement la capacit dadaptation humaine et que par consquent se creuse entre lhomme et la technique un foss dincomprhension source de multiples erreurs. Il est cet gard symptomatique que les premires tudes conduites sur ce thme laient t dans une logique de fiabilit humaine, cest--dire ltude des critres prendre en compte pour que lhomme lment dun systme complexe, nen soit pas uniquement le maillon le plus faible. Avec toujours le mme corollaire : si lhomme nest pas intrinsquement fiable, pourquoi ne pas tenter de le supprimer compltement pour le pilotage des systmes complexes ? La situation est paradoxale. Les domaines les plus tudis sont aujourdhui les moins importants en terme de scurit. La fiabilit et la scurit des quipements fait lobjet dtudes importantes et sophistiques. Les ingnieurs rivalisent de comptence et dingniosit pour traquer le moindre risque de dfaillance. On met en uvre des modes opratoires, des techniques dinspection et de maintenance trs labors. Mais on ne fait presque rien pour tenir compte du comportement humain. Et pourtant toutes les analyses daccident mettent en exergue une dfaillance de loprateur, et lorsquelles sont conduites avec suffisamment de tnacit et de transparence, une insuffisance du management. Enfin, dans la plupart des entreprises occidentales, il parat difficile damliorer un cot raisonnable la scurit technique, ou de scuriser davantage les modes opratoires. Lamlioration des rsultats passera donc ncessairement par lintroduction du facteur humain.19

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Gestion des risques

Taux de frquence des accidents35 30 25 20 15 10 Zone chaotique (facteur humain) 5 0 Amlioration organisationnelle Amlioration technique

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Un facteur complexeMais alors pourquoi le facteur humain est-il si peu pris en compte, alors que son importance relative ne peut que crotre avec la sophistication des systmes ? Il faut dire que le problme est complexe, et chappe la science de lingnieur ou la pratique du management, lequel dailleurs a souvent tendance totalement oublier que ses dcisions seront mises en uvre par des hommes ! Nous sommes l dans le domaine des sciences molles , domaine dans lequel le scientifique et le gestionnaire sont peu forms, voire domaine que leur culture les amne parfois mpriser. Lidentification a priori des risques de dfaillance humaine tant difficile et fastidieuse, on a tent de rduire son rle dans la chane du risque, en rduisant son espace cognitif entre des machines fiables et automatises et des mthodes de travail rigoureuses et dtailles. On a ainsi obtenu des systmes fool proof techniquement et conomiquement utopiques. Plus grave, le comportement machinal que lon attend de loprateur sur ces systmes ne lui permet plus de ragir sainement aux signaux de dysfonctionnement ventuels. Il est comme les habitants de la caverne de Platon : le comportement de sa machine ne lui apparaissant quau travers dune instrumentation symbolique, il ne peut croire la ralit des signaux inhabituels de son dysfonctionnement. Voici donc le dilemme : soit concevoir des systmes pour lesquels une opration machinale est suffisante, mais alors ces systmes doivent tre infaillibles car lutilisateur ne saura pas ragir au dysfonctionnement, soit laisser une large marge son comportement cognitif, mais alors risquer sa dfaillance ! Comme toujours, la vrit se situe entre ces extrmes : des modes opratoires doivent permettre lopration dun systme raisonnablement scuris, mais lhomme doit ditions dOrganisation

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RISQUES : LE FACTEUR HUMAIN

comprendre le systme quil utilise et donc tre capable danalyser des situations exceptionnelles et dinventer des ractions durgence non prvues. Le plus grand enjeu en matire de prvention tout au moins dans les entreprises les plus avances dans ce domaine demeure la matrise de ce que lon appelle la prise de risque dans le travail. Dans certains secteurs dactivit, cette prise de risque peut tmoigner dun dni du risque. Mais dans la majorit des cas, il convient de se rappeler que la prise de risque est trs souvent valorisante, quand elle nest pas tout simplement valorise (mme de manire involontaire) au sein dune entreprise. Il sagit dune vidence pour les fonctions dentrepreneur au sens tymologique du terme, mais galement pour dautres fonctions : recherche, vente... La maintenance constitue un autre exemple frappant en illustrant toute lambigut qui pse sur ce thme au sein des entreprises : une chane de production commence montrer des signes de dysfonctionnement. Quel peut tre alors le comportement de loprateur de maintenance ? Soit il consigne linstallation, rpare ou rgle avec lensemble des nergies coupes pour ensuite redmarrer linstallation en ayant perdu disons deux heures de production. Soit il intervient installation en fonctionnement, en nayant quasiment pas de perte de production. A votre avis, quelle est la solution prfre au sein de la majorit des entreprises ? Noublions pas non plus que sil ny a pas daccident lors de telles phases, loprateur de maintenance sera considr comme ayant effectu correctement la tche pour laquelle il est pay. En revanche, sil y a accident, il y a fort parier que des voix vont slever pour dnoncer une fois de plus le non respect par le personnel des consignes dfinies. Il sagit donc en fait de positiver la prise de risque. En effet, cette dernire nest pas que lcart suppos dangereux entre le comportement effectif et le comportement idal spcifi par les modes opratoires ; cest aussi la ractivit positive face une situation de danger. On ne parle jamais que des dfaillances humaines ayant conduit des accidents parfois dramatiques. On oublie que bien souvent, des ractions humaines rapides et adaptes ont permis dviter des catastrophes. Il est donc dangereux de laisser les ingnieurs imaginer des dispositifs techniques ne laissant aucune marge cognitive lhomme. Au contraire, cette marge doit tre maintenue, sous rserve que lutilisateur ait la capacit danalyse lui permettant de lutiliser bon escient et au contraire ne puisse en faire volontairement ou non un usage dangereux pour lui-mme, la communaut ou lenvironnement. On ajoutera enfin que cette marge de manuvre est aussi signe dune reconnaissance du salari, propice exciter son intrt au travail. Toutefois, cette mme marge doit tre value en tenant compte de la pression du temps sur les actions de chacun au sein dune organisation. Autant un top manager peut disposer de plusieurs mois plusieurs semaines pour prendre une21

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Gestion des risques

dcision, un agent de matrise de plusieurs minutes plusieurs heures, autant un oprateur naura souvent que quelques secondes pour ragir. On passe donc le plus souvent dune logique de rflexion une logique du rflexe. Le bon sens commun identifie bien l toute la difficult : quest ce qui spare le bon du mauvais rflexe ? Bien souvent seule la russite de laction permettra de classer le rflexe dans lune ou lautre des catgories. Plutt que de bloquer les systmes pour viter les erreurs, il faut en concevoir qui rappellent loprateur lordre, mais ne lempchent pas dagir en contradiction avec les procdures si les circonstances lexigent. La fonction est ainsi valorise et la procdure mieux respecte puisquelle nest plus impose mais soumise lapprobation de loprateur. Paralllement, loprateur doit pouvoir analyser la situation, ce qui bien souvent implique de lui donner des informations et une formation adaptes, et de maintenir ses comptences. Reste le problme du management. Le retournement de la plate forme dexploration ptrolire Alexander Kielland et lexplosion de la plate forme Piper Alpha en Mer du Nord, le naufrage de la P 36 au Brsil, mais aussi la plupart des accidents ferroviaires ou encore lexplosion de la navette Challenger ou le naufrage du Herald of Free Enterprise sont autant dexemples pour lesquels une dfaillance du management a t identifie comme cause premire du dsastre. Il y a fort parier que dans bien dautres cas peut tre moins mdiatiss la conclusion aurait t la mme si le management avait bien voulu laisser les investigations se poursuivre ! Il est souvent plus facile de blmer le lampiste que daccepter que la direction se soit montre incomptente, ou pour le moins tmraire. Non seulement ce refus dendosser la responsabilit est-il souvent injuste, mais encore prive-t-il la communaut du retour dexprience qui lui serait bien utile pour mieux comprendre puis prdire limpact humain sur la scurit. Il est en effet dmontr (Rasmussen) que dans ces catastrophes, chaque acteur (de la conception lopration) a cherch optimiser son rapport cot/efficacit, sans avoir de vision globale du systme, en supposant que des barrires existent entre les sous-systmes tudis. Un des problmes est que, lorsque ces dfenses sont construites, la violation localement dune de ces dfenses na pas toujours deffet immdiat et visible. Dans cette situation, les limites dun comportement sr dun acteur particulier dpend des violations possibles des autres acteurs. Cest ce qui peut expliquer que dans ce cas les dfenses ellesmmes dgnrent, drivent avec le temps, en particulier quand existe la pression du management visant augmenter lefficacit et diminuer le cot. Rsumons nous : le comportement professionnel dun individu est influenc par de multiples facteurs prcurseurs, que lon peut regrouper en quatre familles : 1. La personnalit, qui regroupe les lments intrinsques relativement stables (sexe, aptitudes physiques et intellectuelles, motivit, comptences,22

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formations...) et les lments conjoncturels affects par lenvironnement social et familial (famille, nances, vie prive...), 2. Lenvironnement de travail, compos des facteurs physico-chimiques tels que bruit, ventilation, humidit, temprature, vibrations, clairage, poussires, adquation des outils, agents toxiques, rayonnements, et plus gnralement ergonomie du poste de travail, 3. La nature de la tche accomplir, dnie par sa complexit, sa rptitivit, sa monotonie, son intrt, sa dure, sa difcult physique (excs ou insufsance), sa vitesse dexcution, son dcalage par rapport aux rythmes naturels, etc. 4. Le management du travail, qui regroupe la fois lorganisation directe (modes opratoires, moyens de communication, reconnaissance, rle et statut dans lquipe), et limpact des dcisions de direction (politique, priorits, contraintes). Lenvironnement de travail est en gnral le facteur prcurseur le mieux contrl, car il est exclusivement du domaine de la technique ou dune partie de lergonomie. De plus, il est dans une grande mesure encadr par la rglementation. Par exemple en ce qui concerne la ventilation et lclairage :Dbit minimal d'air neuf par occupant (en mtres cubes par heure) 25 30 45 60

Dsignation des locaux Bureaux, locaux sans travail physique Locaux de restauration, locaux de vente, locaux de runion Ateliers et locaux avec travail physique lger Autres ateliers et locaux

Locaux affects au travail et leurs dpendances Voies de circulation intrieure Escaliers et entrepts Locaux de travail, vestiaires, sanitaires ditions dOrganisation

Valeurs minimales d'clairement 40 lux. 60 lux. 120 lux. 200 lux. Valeurs minimales d'clairement 10 lux. 40 lux.

Locaux aveugles affects un travail permanent Espaces extrieurs Zones et voies de circulation extrieure Espaces extrieurs o sont effectus des travaux caractre permanent

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Gestion des risques

Dans son aspect stable et professionnel, la personnalit est assez bien cerne. Par contre, ses aspects personnels et volutifs sont trs mal apprcis, car ils touchent la vie prive. Il est cependant vident que le niveau de bien-tre de cette dernire a un impact positif ou ngatif, mais souvent dcisif, sur la faon dont loprateur excutera sa tche. La propension dune quipe voir son comportement affect par la personnalit des individus qui la composent ne peut se mesurer que par lobservation statistique des faits gnrateurs, car il est bien entendu exclu de mesurer la personnalit elle-mme. Cest ainsi que lon pourra utilement observer par exemple : La pyramide des ges, La distance du domicile, La situation maritale, La proprit du domicile, La participation des activits extra-professionnelles, Les formations reues, Les offres demploi du secteur dactivit ou de la rgion, Le turn-over, La moyenne salariale par rapport au bassin demploi, Labsentisme, Etc. Tous ces lments sont en effet susceptibles de crer la stabilit desprit ou au contraire les soucis qui auront un impact sur la concentration et lassiduit, cet impact tant diffrent en fonction de la tche affecte. En ce qui concerne cette dernire, on distingue : Les tches routinires rptitives : loprateur doit respecter une procdure stricte sans dviations possibles. Les erreurs observes sont alors dues linattention ou la sur-attention. On verra ainsi loprateur oublier une tape, ou au contraire la rpter. On observera aussi une confusion entre des procdures voisines ayant des tches communes. Loprateur est souvent rticent changer sa faon de travailler. Notre vie quotidienne nous donne des exemples de ces erreurs : aller au supermarch le samedi et prendre la route du bureau, ou encore oublier le courrier en allant au bureau de poste !4050 30

Non

2010

6070

0

0

Normal

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Dan ger

Oui

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0

Les tches routinires non rptitives : loprateur doit choisir une procdure existante en fonction des signaux lui indiquant la tche accomplir. Lerreur flagrante est ici de ne pas appliquer la bonne procdure, par habitude ou par mauvaise interprtation des signaux. Dans ce dernier cas, les signaux sont souvent pour loprateur (et pas pour celui qui les a conus) trop complexes, peu lisibles voire contradictoires.

le Faib

RISQUES : LE FACTEUR HUMAIN

Les tches cognitives : sous ce vocable sont regroupes les missions de cration (bureau dtudes, mthodes) ou de raction durgence. Aucune procdure nexiste, et lon attend de lindividu quil analyse les objectifs ou signaux reus et labore la procdure la plus adapte. Les erreurs sont alors de deux principaux types : manque de comptence, ou mauvaise interprtation des signaux, souvent cause dune ide prconue qui pousse ngliger les signaux qui ne la confortent pas. Reste le quatrime facteur prcurseur : le management. Celui-ci est souvent ignor, car il drange. Comme nous lavons vu, le management est impliqu dans la plupart des accidents industriels, non pas directement, car ce nest pas le patron ou le chef dquipe qui ont fait le mauvais geste, mais indirectement par le biais dune mauvaise stratgie, ou dun management inappropri. La pression sur les quipes, un management distant et nexprimant pas son souci pour le travail bien fait et la scurit, des carts tolrs voire encourags au nom de la productivit, lignorance voire le mpris des remarques des salaris sont autant de facteurs qui contribuent une ambiance de travail propice aux accidents. La prise de risque dans le travail ou dans la vie quotidienne est donc lie un jeu de cache-cache entre faire et ne pas faire, entre avantages et inconvnients supposs, perus ou fantasms, et entre lobjectif et le subjectif. De nombreuses recherches en psycho-dynamique du travail se prononcent pour lexistence de certaines tendances innes prendre des risques. Ainsi du cas des poly-accidents, sortes de Gaston Lagaffe dans les entreprises qui ont plus que les autres tendance se blesser, glisser l o tout le monde passe sans problme En les qualifiant ainsi, en les rendant responsables de leurs maladresses on vite de sinterroger sur la cohrence entre leurs capacits et la tche quon leur demande daccomplir. Ces mmes tudes ont montr que les sujets les plus frquemment accidents, quelle que soit leur vitesse dexcution dans les tches excution libre (sans contrainte temporelle), taient nettement dfavoriss dans toutes les tches o il existe soit une cadence impose (mme si celle-ci est notoirement infrieure la rapidit dont ils seraient librement capables) soit une limite de temps pour agir. Dautres tudes ont montr que ces mmes individus ont tendance agir plus vite quils ne peroivent, cest--dire prendre une dcision daction avant davoir une vision complte de la situation laquelle ils sont confronts. On peut aussi citer lincapacit analyser clairement une situation, conduisant une non conscience du risque. Ces lments sont intgrer dans laffectation de ce type de personnel sur un certain nombre de postes.25

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De manire plus gnrale, il faut bien avoir lesprit que dans nos socits postindustrielles, ladquation entre les caractristiques physiques et intellectuelles du personnel et les postes occups constitue un enjeu rendu incontournable par le vieillissement de la population active. Il existe enfin vraisemblablement une prdisposition gntique la prise de risque, qui a beaucoup t tudie chez les joueurs pathologiques ou non. Il existe galement des facteurs de prises de risques qui sont lis au rapport individu /situation de travail. Labsence de formation et dinformation suffisantes constitue indubitablement un facteur primordial (premier facteur). Mais dautres facteurs peuvent galement tre considrs : le second concerne ce que les psychologues dfinissent comme le rapport moi-lautre, cest--dire la prise de risque pour faire comme les autres, pour faire partie intgrante du groupe. Le troisime concerne les pressions organisationnelles qui sont lies pour partie au rapport moi-lautre. Dans ce facteur, les normes implicites du groupe deviennent les normes explicites... que lon apprendra le cas chant aux nouveaux embauchs : ne porte pas tes protections individuelles, a ne sert rien, et puis nous les anciens, on ne les a jamais mises et on na pas plus daccident pour autant. Il suffit de faire attention... . Il ny a pas si longtemps, dans certains secteurs dactivit, le professionnalisme des oprateurs svaluait en fonction du nombre de phalanges qui leur manquait... Le quatrime facteur est laccoutumance au danger et lapprentissage de la prise de risque dautant plus perverse que la dviance par rapport aux consignes de scurit est renforce soit par labsence de sanctions (cas de la circulation routire encore rcemment) soit par la non-ralisation de lvnement redout. Dans ce dernier cas, on se bornera rappeler que statistiquement, plus le dernier accident date et plus le prochain se rapproche... Le cinquime facteur est constitu par ce que lon peut paradoxalement qualifier de scurit excessive, cest--dire celle qui parat illogique ou bien encore trop contraignante. Elle gnre une contre raction souvent violente, ou toute rgle devient alors une contrainte insupportable, que lon sempressera de transgresser. ditions dOrganisation

Un autre facteur est bien entendu ltat psychologique de lindividu plac face une situation donne alors que ces proccupations profondes ne le disposent pas momentanment ou de manire durable affronter cette mme situation. Un septime facteur est le refoulement du risque, voire son dni. Un tel refoulement peut avoir deux origines : dune part le risque est peru comme trop important ou horrible en terme de consquence pour que lon puisse y faire face ou dautre part, les consquences de ce risque, sil se matrialise, ne me concerne26

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ront pas moi, mais les autres, rduits une indiffrenciation rassurante. La violence routire trouve pour partie une origine dans ce sentiment. On voit bien que ces facteurs sont complexes et interdpendants. Nanmoins, ils sont prendre en compte dans le cadre dune dmarche ambitieuse de matrise des risques professionnels.

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Contrler le comportementDe multiples mthodes de contrle du facteur humain ont t dveloppes et mises en place au cours des dernires annes, en particulier dans les industries dites risque, et plus particulirement lindustrie nuclaire et ptrochimique. Paradoxalement, car ces mthodes tentent dagir sur le comportement sans vritablement en explorer les causes. Les oprateurs sont ainsi pousss excuter des gestes srs nonobstant leur propension prendre des risques, faire des erreurs, ou oprer dans des conditions difficiles. Ces mthodes ont bien entendu des effets, au moins sur le court terme, mais sapparentent plus du dressage qu de lducation ! Par ailleurs, toutes ces mthodes supposent une erreur de loprateur, et ngligent les effets du systme de management, voire de la conception mme des systmes. Elles visent obtenir du personnel un comportement attendu, que ce soit de manire gnrale ou plus spcifiquement en matire de respect des consignes de scurit qui ont t dfinies. Il convient de noter quil existe a priori une infinit de manires pour obtenir dautrui un comportement attendu, allant de linjonction la coercition, en passant par limploration, la ruse ou la manipulation. Dans le champ dintervention de lentreprise, les manires utilisables sont plus rduites ; en dautres termes, les processus dinfluence sont plus limits et peuvent se dfinir en quatre grandes catgories (selon M. MONTEAU - INRS) :

Intentionnalit explicite

La rgle ditions dOrganisation

L'information

Contrainte

Persuasion

Le contrle idologique

La promotion de la prventionIntentionnalit implicite

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Gestion des risques

Ce dcoupage permet de fixer les ides ; il est bien entendu souvent caricatural, dans la mesure o les actions conduites peuvent relever simultanment de plusieurs catgories ou, en fonction du temps, passer de lun lautre. De plus, il convient de rappeler quun processus dinfluence dpend du contexte historique, social et technique dans lequel il est dploy. Toute lintelligence consiste alors identifier le processus dinfluence le plus pertinent compte tenu des spcificits du contexte. La rgle Elle est par dfinition dapplication obligatoire, et nul au sein de lentreprise ne saurait y droger. Les rgles pour les entreprises figurent a minima dans le rglement intrieur, lequel doit prvoir une chelle de sanctions en cas de nonrespect des rgles dfinies, notamment en matire de scurit et de sant au travail. Si elles sont indispensables en matire de scurit, les rgles ne sont pas pour autant suffisantes. En effet, et cest bien le problme actuel du lgislateur face des volutions techniques et organisationnelles de plus en plus rapides, les rgles ne peuvent pas tout prvoir et donc tout rgenter. On retiendra donc selon J. PIERRE dans Libert surveille de lacteur et jeux de pouvoir que si les rgles permettent de canaliser les comportements des acteurs, elles ne dictent nullement laction . Linformation On dsigne par information llaboration et la communication de connaissances utiles la prvention. Le mode dinformation le plus souvent utilis dans les entreprises en matire de prvention est la campagne dinformations ou campagne de sensibilisation. Elles comprennent le plus souvent la dfinition dun ou plusieurs thmes, lesquels sont ensuite relays par voie daffichage et de dpliants. Quelle est lefficacit de ce type dactions en matire de modifications des comportements ? Tous ceux qui lont pratiqu, mme avec des moyens importants et une foi inbranlable, saccordent y trouver un certain nombre de limites : Il y a un cart considrable entre ce que lon pense et ce que lon fait rellement ; toutes les personnes interroges sont forcment daccord sur une campagne de prvention, par exemple si elle concerne la scurit routire. Pour autant, elles ne modient pas en consquence leur comportement, sinon le nombre de tus sur les routes aurait dj d diminuer de manire spectaculaire la suite des campagnes tlvises sur le sujet,28

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RISQUES : LE FACTEUR HUMAIN

Les relations entre danger, risque et accident sont par dnition abstraites. Chacun les dnit selon ses propres critres, et une campagne dinformation passive ne peut avoir une inuence durable sur ces mmes critres, Les messages doivent tre frquemment renouvels pour viter la lassitude, ce qui conduit rapidement des redites. La promotion de la prvention Selon la typologie retenue, la promotion de la prvention peut comprendre : Des slogans, Des dmonstrations pratiques, des expositions et des stands, Des causeries scurit, des runions, des discussions, Des lms, Des concours, ... Il est l encore difficile de corrler la promotion de la prvention avec une amlioration des performances scurit, par exemple au travers dune diminution du nombre et de la gravit des accidents. Toutefois, il nest pas contestable que ces actions ont le mrite doccuper le terrain et de tmoigner dune relle prise en compte de la prvention, au-del du seul discours. On ne reviendra pas ici sur les effets pervers lis certains concours (voir paragraphe sur le choix des indicateurs dans la mise en place de systmes de management de la scurit et de la sant au travail). De plus, elles permettent dans un certain nombre de cas dtablir ce que les sociologues appellent des rituels, qui permettent terme la construction dune vritable culture de la scurit au sein des entreprises. Le contrle idologique Par ce terme, dont la violence implique lutilisation de guillemets, il convient dentendre la recherche de ladhsion certaines valeurs, au travers le cas chant dune fusion entre lindividu et lentreprise laquelle il appartient. Il sagit damener lindividu respecter certaines valeurs et certaines rgles (dans le cas prsent la scurit), non plus au travers dun simple respect de la loi (1er quadrant du schma) mais dune vritable foi. On voit immdiatement toutes les drives possibles et les limites dune telle approche, que daucuns assimileront un comportement sectaire : Lindividu ainsi embrigad ne risque-t-il pas de perdre une partie de son libre arbitre ? Dun point de vue collectif, le contrle idologique amne une homognit de pense et une peur du changement peu compatibles avec les contraintes de ractivit imposes aujourdhui aux entreprises ;29 ditions dOrganisation

Gestion des risques

Dans la mesure o les valeurs et rgles imposes conduisent exercer des pressions sur le personnel, les risques de culpabilisation du personnel et ce faisant de dissimulation deviennent extrmement importants. Mais jusquo une entreprise peut-elle aller pour imposer une adhsion ses vues, notamment en matire de scurit ? Mais si cette imposition est justifie en matire de scurit, pourquoi ne le serait-elle pas pour dautres domaines ? Il est clair que les rponses ces questions varient selon les contextes idologiques, culturels et sociologiques dans lesquels on se les pose. Quels que soient les processus dinfluence ou leur conjonction mis en uvre, quelles sont les logiques daction des individus ? Quels sont les lments qui vont leur faire adopter tel ou tel comportement ? Ces logiques dactions, toujours tires des travaux de M. MONTREAU INRS, figurent dans le tableau suivant :Logiques daction Crainte dune sanction Caractristiques principales Peur dtre bless, crainte dune pnalit morale ou nancire, crainte dun contrle ou dune rprimande (peur du gendarme). Recherche dune satisfaction, dun plaisir, dun avantage moral ou nancier : approbation, distinction, flicitation, rcompense, prime... (on retrouve ici les lments de la pyramide de Maslow). Volont de ne pas droger aux pratiques habituelles (signe dappartenance), dsir dtre reconnu et intgr par le groupe. Toutefois, le conformisme social nentrane pas forcment le comportement socialement responsable (valorisation de la prise de risque par le groupe par exemple). Soumission la rgle et lautorit qui lincarne ( je fais comme a car mon chef me la dit ). Peu compatible avec une approche participative et une possibilit de progression par remise en cause des pratiques habituelles. Engagement rciproque de lindividu et de lentreprise au travers dun contrat (de travail ou plus moral ). Ce type de contrat implique la dnition prcise de la fonction de chacun et des moyens dont il dispose pour atteindre les objectifs qui lui sont xs. Le formalisme correspondant risque alors dtre sclrosant. Application du comportement requis car celui-ci est la consquence dun principe (zro risque) qui sous-tend toute action. Comme pour lapplication stricte du principe de prcaution, lapplication de ce mme principe devient compltement bloquant.

Recherche dune rcompense (ou dune valorisation) Conformisme social

Lgalisme

Respect du contrat

Intriorisation de la scurit comme valeur

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RISQUES : LE FACTEUR HUMAIN

En conclusion, toute entreprise souhaitant se lancer dans une dmarche de modifications des comportements doit : Dune part identier si ce quelle considre comme les bases de son problme de scurit ( savoir le comportement) lest rellement, Dautre part dnir les logiques daction des populations quelle souhaite toucher an dutiliser les processus dinuence les plus pertinents.

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La gestion des risques : pourquoi, comment ?

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Le champ dapplication de la gestion des risquesUn risque se caractrise par sa probabilit doccurrence, ou frquence f, et par ses effets, ou gravit G. On distingue cinq zones de risques sur le diagramme f x G, dont les limites assez floues dpendent de lapprciation subjective de chacun du risque tolrable. 1. La zone des risques de frquence assez leve et de gravit relativement faible, appels risques de frquence. La prvention sapplique ces risques, dont les exemples ne manquent pas (risques domestique, scurit routire, chutes, etc). 2. La zone des risques de gravit forte et probabilit doccurrence faible, appels risques de gravit. Ce sont l les risques de catastrophe, pour lesquels lassurance joue plein son rle.

Frquence

Risques de frquence

Risques intolrables

Risques ngligeables

Risques de gravit

Gravit

3. La zone des risques de frquence et de gravit faibles, dits risques ngligeables. Ce sont les petits risques de la vie courante, avec lesquels il nous faut apprendre vivre. 4. La zone des risques de frquence et de gravit leves, dits risques inacceptables. Les situations gnrant ces risques sont videmment viter ! Enfin la zone des risques frquence et gravit moyennes qui constituent le vaste champ dapplication de la Gestion des Risques. Cest dans cette zone que les stratgies radicales dacceptation, dvitement ou de fatalisme assur ne sappliquent plus. Cest ici que lart du gestionnaire de risque sexerce : par quels moyens, et quel cot peut-on rendre ces risques acceptables ? Jusquo peuton aller en terme de dpenses de prvention ? Quelles sont les techniques les plus adaptes, la fois en termes techniques (baisse de la criticit du risque), mais aussi en termes financiers ? Cest lart de peser lincertitude, de la rendre tolrable, en fait de ne prendre que les risques qui en valent la peine.33

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Cha p itr e

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Gestion des risques

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Une relle ncessitLa Gestion des Risques apparat souvent sous son aspect dfensif : rduire les risques. Cest oublier que la rduction des risques augmente la disponibilit des ressources corporelles ou incorporelles, et donc leur contribution au compte dexploitation de lentreprise. Ce sont ces aspects positifs de la Gestion des Risques qui sont prsents ci-aprs.

2.1. ComptitivitLa gestion des risques permet de remplacer une perception diffuse des vulnrabilits par une connaissance rationnelle. Elle permet doptimiser le traitement des risques grce un programme global et cohrent, mettant en uvre une palette doutils, en particulier des outils de financement et de rduction des risques non matriels. Ainsi peut-on non seulement mieux juguler les risques lis la situation prsente caractrise par des ressources, des clients, des fournisseurs, et un environnement mais encore mieux matriser les projets de lentreprise (investissements industriels, nouveaux clients, nouveaux marchs, nouveaux produits). Des risques mieux grs, cest aussi un cot du risque plus faible. Le cot du risque est gnralement de lordre de 0,5 % 2,5 % du chiffre daffaires. Il atteint 3 5 % dans les entreprises risques, en particulier dans les secteurs chimiques et ptrochimiques. Il comprend : Les amortissements des investissements des mesures de rduction des risques, Le cot de fonctionnement du service de gestion des risques, et des systmes de rduction des risques, Le cot des formations internes la scurit, Le cot prvisionnel de la rtention du risque (franchises dassurance, risques non garantis, consquences conomiques et commerciales non assures), Le cot du nancement externe des consquences directes et indirectes des risques (assurances et autres techniques de transfert pour nancement). Tout gain sur ce poste souvent sous estim est un profit net pour lentreprise. A linverse, noublions pas que pour compenser une perte P, lentreprise doit gnrer un chiffre daffaires supplmentaire gal au ratio de la perte par sa marge nette moyenne : ainsi, une perte mme faible de 50.000 ne sera compense que par un chiffre daffaires supplmentaire de plus de un million , avec une marge moyenne de 4 5 % ! Or lexprience dmontre que lentreprise34 ditions dOrganisation

LA GESTION DES