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Gustave Courbet : 1819-1877Gustave Courbet : 1819-1877
Charles Baudelaire : 1821-1867 Charles Baudelaire : 1821-1867 Édouard Manet : 1832 - 1883Édouard Manet : 1832 - 1883Paul Cézanne : 1839-1906Paul Cézanne : 1839-1906
Émile Zola : 1840-1902Émile Zola : 1840-1902Claude Monet : 1840 - 1926Claude Monet : 1840 - 1926
Mes haines, causeries littéraires et artistique, A. Faure, Paris, 1866. Mon Salon, Librairie centrale, Paris, 1866.Édouard Manet, étude biographique et critique, E. Dentu, Paris, 1867.Le Roman expérimental, Charpentier, Paris, 1880; nouvelle édition commentée, GF-Flammarion, 2006. Nos auteurs dramatiques, Charpentier, Paris, 1881. Les Romanciers naturalistes, Charpentier, Paris, 1881. Le Naturalisme au théâtre, les théories et les exemple, Charpentier, Paris, 1881. Documents littéraires, Charpentier, Paris, 1881. Une campagne (1880-1881), Charpentier, Paris, 1882. Nouvelle campagne (1896), Fasquelle, Paris, 1897.
Références 3Références 3
Zola, le moment naturaliste, et Zola, le moment naturaliste, et son dépassementson dépassement
Version Travail : toute suggestion pour compléter ou amender cette présentation sont bienvenues. Certaines diapositives ont un texte complémentaire. Il suffit de quitter l’affichage diaporama et de passer en affichage/page de commentaire. [email protected]
64 dia.
1 / le réalisme avant l’étiquette du réalisme1 / le réalisme avant l’étiquette du réalisme
2 / l’Académisme comme repoussoir2 / l’Académisme comme repoussoir
3 / le choix de Courbet comme chef de file du 3 / le choix de Courbet comme chef de file du réalismeréalismeLes artistes engagés face à la caricatureLes artistes engagés face à la caricature
4 / l’admiration pour Manet : les trois scandales 4 / l’admiration pour Manet : les trois scandales face au bon goût face au bon goût
5 / Les déceptions de Zola. On ne peut être 5 / Les déceptions de Zola. On ne peut être sensible à l’impressionnisme si l’on maintient sensible à l’impressionnisme si l’on maintient l’esthétique réaliste ou naturaliste l’esthétique réaliste ou naturaliste
6 / Le droit au rêve : Gauguin et l’ouverture 6 / Le droit au rêve : Gauguin et l’ouverture symbolistesymboliste
Cent fois j'ai été tenté de dire aux jeunes élèves que je trouvais sur le chemin du Louvre, avec leur portefeuille sous le bras : " Mes amis, combien y a-t-il que vous dessinez là ? Deux ans. Eh bien ! C’est plus qu'il ne faut. Laissez-moi cette boutique de manièremanière. Allez-vous-en aux Chartreux ; et vous y verrez la véritable attitude de la piété et de la componction. C'est aujourd'hui veille de grande fête : allez à la paroisse, rôdez autour des confessionnaux, et vous y verrez la véritable attitude du recueillement et du repentir. Demain, allez à la guinguette, et vous verrez l'action vraie de l'homme en colère. Cherchez les scènes publiques ; soyez observateurs dans les rues, dans les jardins, dans les marchés, dans les maisons, et vous y prendrez des idées justes du vrai mouvement dans les actions de la vie. Tenez, regardez vos deux camarades qui disputent ; voyez comme c'est la dispute même qui dispose à leur insu de la position de leurs membres. Examinez-les bien, et vous aurez pitié de la leçon de votre insipide professeur et de l'imitation de votre insipide modèle. Que je vous plains, mes amis, s' il faut qu'un jour vous mettiez à la place de toutes les faussetés que vous avez apprises, la simplicité et la vérité de Le Sueur ! Et il le faudra bien, si vous voulez être quelque chose. DIDEROT, Essais sur La peinture
Quitter les chemins du Louvre pour revenir à Quitter les chemins du Louvre pour revenir à l’observation de la vie : la vérité en peinture l’observation de la vie : la vérité en peinture selon Diderotselon Diderot
Eustache LE SUEUR (Paris, 1616-Paris, 1655)
Un Chartreux dans sa cellule, dit aussi Saint Bruno en prière C. 1650
Réunion d’amis, vers 1640, Louvre
El Greco L'adoration des bergers 1613, Museo del Prado, Madrid
Le « Maniérisme » de l'italien maniera qui signifie style est un mouvement artistique apparu dans les milieux florentins vers 1520, que l’on qualifie également de « Renaissance tardive » et qui fait la transition avec le mouvement baroque. Il s’étend jusqu’à la fin du XVIème siècle.Le maniérisme cherche avant tout à se distancer de la réalité pure en attachant une importance marquée aux sentiments de l’artiste lui-même.
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2 / l’Académisme comme repoussoir2 / l’Académisme comme repoussoir
+ Noble
Peinture allégorique
Peinture d’histoire
Portrait
Scène de genre
Peinture animalière
Nature morte gibiers poissons
Nature morte fruits fleurs coquillages
Marine
Paysage
- Noble
Hiérarchie des genres codifiée en 1667 Hiérarchie des genres codifiée en 1667
« Celui qui fait parfaitement des païsages est au-dessus d'un autre qui ne fait que des fruits, des fleurs ou des coquilles. Celui qui peint des animaux vivans est plus estimable que ceux qui ne représentent que des choses mortes & sans mouvement ; & comme la figure de l'homme est le plus parfait ouvrage de Dieu sur la Terre, il est certain aussi que celui qui se rend l'imitateur de Dieu en peignant des figures humaines, est beaucoup plus excellent que tous les autres ... un Peintre qui ne fait que des portraits, n'a pas encore cette haute perfection de l'Art, & ne peut prétendre à l'honneur que reçoivent les plus sçavans. Il faut pour cela passer d'une seule figure à la représentation de plusieurs ensemble ; il faut traiter l'histoire & la fable ; il faut représenter de grandes actions comme les historiens, ou des sujets agréables comme les Poëtes ; & montant encore plus haut, il faut par des compositions allégoriques, sçavoir couvrir sous le voile de la fable les vertus des grands hommes, & les mystères les plus relevez. »
André Félibien 1619-1695 : préface des Conférences de l'Académie (orthographe d'époque !)
Prenez une Vénus antique, un corps de femme quelconque dessiné d'après les règles sacrées, et, légèrement, avec une houppe, maquillez ce corps de fard et de poudre de riz ; vous aurez l'idéal de monsieur Cabanel. […] Voyez au Champ-de-Mars la Naissance de Vénus. La déesse noyée dans un fleuve de lait, a l'air d'une délicieuse lorette, non pas en chair et en os, - ce serait indécent, - mais en une sorte de pâte d'amande blanche et rose. Il y a des gens qui trouvent cette adorable poupée bien dessinée, bien modelée, et qui la déclarent fille plus ou moins bâtarde de la Vénus de Milo : voilà le jugement des personnes graves. Il y a des gens qui s'émerveillent sur le sourire de la poupée, sur ses membres délicats, sur son attitude voluptueuse : voilà le jugement des personnes légères. Et tout est pour le mieux dans le meilleur des tableaux du monde.
Emile Zola, nos peintres au Champ-de-Mars, 1867
Cabanel par Zola : « Et tout est pour le mieux dans le meilleur des tableaux possible ! »
L’art « Pompier » l’AcadémismeL’art « Pompier » l’Académisme
William Bouguereau appartient à la peinture académique française qui a eu droit à tous les triomphes officiels comme au mépris et à l'oubli des historiens de l'art moderne
… dans le goût classique, les toiles de M. Cabanel et de M. Bouguereau, le triomphe de la propreté en peinture, des tableaux unis comme une glace, dans lesquels les dames peuvent se coiffer.
Emile Zola, le salon de 1875
William Bouguereau : premier baiser
Pompier ?
allusion aux personnages casqués de certaines compositions.Une peinture officielle, conventionnelle et solennelle produites sous l'influence des Académies.
Utilisation des thèmes historiques ou mythologiques, avec tonalité moraliste.l' Académisme a été étroitement associé à L'Art Néoclassique.Adolphe William Bouguereau, Cabanel, Jean-Léon Gérôme résument ce modèle.
De concert avec M. Cabanel [M Bougereau] a inventé la peinture gazeuse, la pièce soufflée. Ce n'
est même plus de la porcelaine, c' est du léché flasque ; c'est je ne sais quoi, quelque chose
comme de la chair molle de poulpe. La naissance de Vénus, étalée sur la cimaise d' une salle, est une
pauvreté qui n'a pas de nom. La composition est celle de tout le monde. Une femme nue sur une
coquille, au centre. Tout autour d'autres femmes s'ébattant dans des poses connues. Les têtes sont
banales, ce sont ces sydonies qu'on voit tourner dans la devanture des coiffeurs ; mais ce qui est
plus affligeant encore, ce sont les bustes et les jambes. Prenez la Vénus de la tête aux pieds, c'est
une baudruche mal gonflée. Ni muscles, ni nerfs, ni sang. Les genoux godent, manquent d'attaches;
c'est par un miracle d' équilibre que cette malheureuse tient debout. Un coup d'épingle dans ce torse et le tout tomberait. La couleur est vile, et
vil est le dessin. C'est exécuté comme pour des chromos de boîtes à dragées ; la main a marché
seule, faisant l'ondulation du corps machinalement. C'est à hurler de rage quand on songe que ce
peintre qui, dans la hiérarchie du médiocre, est maître, est chef d'école, et que cette école, si l'on
n'y prend garde, deviendra tout simplement la négation la plus absolue de l'art !
Huysmans Salon de 1879 paru dans l'Art moderne
William Bouguereau (1825-1905)
La naissance de Vénus : 1879 M Orsay
Les danses : 1850
Une âme emportée au ciel : 1878
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Le chant des anges : 1881Bougueraud : la Charité 1878
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3 / le choix de Courbet comme chef de file du 3 / le choix de Courbet comme chef de file du réalismeréalisme
Les artistes engagés face à la caricatureLes artistes engagés face à la caricature
Bouguerreau : Nymphes et Satyre : 1873
Courbet selon Zola : « voulait peindre en pleine viande… » !
il se sentait entraîné par toute sa chair — par toute sa chair, entendez-vous? —vers le monde matériel qui l'entourait, les femmes grasses, les hommes puissants, les campagnes plantureuses et largement fécondes. Trapu et vigoureux, il avait l'âpre désir de serrer entre ses bras la nature vraie; il voulait peindre en pleine viande et en plein terreau;Zola Mon Salon Courbet : Baigneuses,1853, Musee Fabre, Montpellier
Les provocations, les propos tenus à la brasserie Andler, lieu de réunion du cénacle expliquent une célébrité tapageuse.
Courbet est sacré par la critique comme le chef des réaliste aux côtés de Courbet est sacré par la critique comme le chef des réaliste aux côtés de ChampfleuryChampfleury.
Etienne Carjat Etienne Carjat Gustave Gustave Courbet, entre Courbet, entre 1857 et 1865 1857 et 1865
L’appellation est-t-elle contrôlé par le peintre ?Lorsque Courbet, à l'Exposition internationale de 1855, décide d'organiser une présentation séparée de ses oeuvres, il s'explique dans son catalogue : « Le titre de réaliste m'a été imposé comme on a imposé aux hommes de 1830 le titre de romantiques. [...] Être a même de traduire les moeurs, les idées, l'aspect de mon époque, selon mon appréciation, [...] en un mot faire de l'art vivant, tel est mon but. »Peinture socialistesocialiste selon Proudhon son ami lorsqu’il voit Les casseurs de pierres (Salon de 1850-51). Courbet avoue « C'est sans le vouloir, simplement en peignant ce que j'ai vu, que j'ai soulevé ce qu'ils appellent la question sociale. »
Bonnat, Jalabert, Jules Breton, Philippe Rousseau, Meissonnier, Gustave Boulanger, Courbet.Dessin de Alfred Le Petit, "On n'entre pas", Le Grelot n° 55, 28/4/1872.
Courbet est un Républicain convaincu. La guerre de 1870, et les événements de la Commune bouleversent le cours de sa vie.
Il est Président de la commission nommée par les artistes pour veiller à la conservation des musées et richesses d'art et joue le rôle d'un directeur des beaux-arts.
Il se signale dans une pétition du 14 septembre 1870 demandant le déboulonnage de la colonne Vendôme, « monument dénué de toute valeur artistique, tendant à perpétuer par son expression les idées de guerre et de conquêtes que réprouve le sentiment d'une nation républicaine ».
il est présent lorsqu'on abat la Colonne le 16 mai 1871.
Quand la commune est noyée dans le sang, Courbet le « révolutionnaire » est arrêté, traduit en conseil de guerre, condamné à six mois de prison qu’il purge à Sainte-Pélagie. Là, le peintre donne certains de ses tableaux les plus savoureux de texture, en particulier une série de natures mortes aux fruits, ou peint de mémoire marines et paysages avec un dépouillement et un amour qui émeuvent.
La légende Courbet va naître beaucoup plus tard lors de la Commune de Paris en La légende Courbet va naître beaucoup plus tard lors de la Commune de Paris en 18701870
Dessin de Stick, 1871. Au grand maître la Patrie reconnaissante, Courbet fait le vieux et le neuf, Peintures en tous genres
Dessin de Bertall, « Le citoyen Dessin de Bertall, « Le citoyen Courbet », Le Grelot n° 4, 30/4/1871. Courbet », Le Grelot n° 4, 30/4/1871.
Dessin de Cham, Courbet Dessin de Cham, Courbet craignant qu’on ne lui fasse payer craignant qu’on ne lui fasse payer la revue, voyant les troupes se la revue, voyant les troupes se former en colonne » Le Charivari, former en colonne » Le Charivari, 10/7/1873. 10/7/1873.
« Souvenirs de la Commune » « Souvenirs de la Commune » n° 21, sd. n° 21, sd.
Dessin de Eugène Cottin, « Une Dessin de Eugène Cottin, « Une échéance », échéance », La TimbaleLa Timbale n° 25, n° 25, 4/10/1873. 4/10/1873.
Dessin de Louis Legrand, Dessin de Louis Legrand, « Naturalisme », « Naturalisme », Le Courrier Le Courrier françaisfrançais n° 13, 30/3/1890. n° 13, 30/3/1890.
Dessin de Albert Robida, « Le Dessin de Albert Robida, « Le triomphe du naturalisme », triomphe du naturalisme », La La CaricatureCaricature, 7/2/1880., 7/2/1880.
Dessin de Lenepeveu, sans titre, Dessin de Lenepeveu, sans titre, Le Le Musée des horreursMusée des horreurs, 11/1899. , 11/1899.
La critique des caricaturistes ne ménage pas Zola La critique des caricaturistes ne ménage pas Zola
Dessin de Gyp, « La vérité en marche », Le Rire, 21/5/1898.
"N°1 Une odalisque en garni ou comme on fait son lit on se couche (scène d'intérieur)""N°2 Les fruits de la réflexion, tombés avant leur maturité pour avoir passé 6 mois à l'ombre. 17 000 francs le tas !" La Chronique illustrée, 6/5/1872.
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4 / l’admiration pour Manet : les trois scandales 4 / l’admiration pour Manet : les trois scandales face au bon goût face au bon goût
Edouard Manet en 1874 Edouard Manet en 1874 photographié par Nadarphotographié par Nadar
Edouard ManetEdouard Manet Autoportrait à la Palette, 1879 Autoportrait à la Palette, 1879
Edouard ManetEdouard Manet1832-1883 1832-1883
Le Salon des Refusés est créé en 1863 pour apaiser le ressentiment des nombreux peintres rejetés par le Salon officiel. Manet y expose "Le Déjeuner sur l'Herbe", tableau qui est jugé indécent et fait scandale car il représente une jeune femme nue assise entre deux hommes en costume, en pleine nature.
ManetManetLe Déjeuner sur l'Herbe Le Déjeuner sur l'Herbe la toile scandalela toile scandale1862
Le tableau, d'abord intitulé Le Bain, puis La Partie carrée, provoque un scandale lorsqu'il a été proposé au Salon de Paris.
Le Déjeuner sur l'herbe est la plus grande toile d'Edouard Manet, celle où il a réalisé le rêve que font tous les peintres: mettre
des figures de grandeur naturelle dans un paysage. […] Cette femme nue a scandalisé
le public, qui n'a vu qu'elle dans la toile. Bon Dieu! quelle indécence: une femme
sans le moindre voile entre deux hommes habillés! Cela ne s'était jamais vu. Et cette
croyance était une grossière erreur, car il y a au musée du Louvre plus de cinquante
tableaux dans lesquels se trouvent mêlés des personnages habillés et des
personnages nus. Mais personne ne va chercher à se scandaliser au musée du
Louvre. La foule […] a cru que l'artiste avait mis une intention obscène et tapageuse
dans la disposition du sujet, lorsque l'artiste avait simplement cherché à obtenir
des oppositions vives et des masses franches.
Emile Zola, Edouard Manet 1867 Manet : portrait d'Emile Zola
1868Musée d'Orsay
Le Titien (Tiziano en italien vers 1490-1576 : Concert champêtre ou Pastorale (1508-1509)
L’œuvre d’art ou le choc de l’inattenduL’œuvre d’art ou le choc de l’inattendu
La situation en elle-même ne choque pas, c’est même un classique, lorsqu’elle est rapportée à la mythologie… la moralité est sauve ! Dans cette allégorie de Poésie, on voit deux femmes nues (Calliope et Polymnie, Muses de la poésie épique et lyrique) en compagnie de deux jeunes hommes bien habillés, l'un d'eux jouant du luth. La scène se situe dans un paysage arcadien. Manet a repris ce thème mais les personnages sont modernes, et il s’agit d’un « picnic en forêt ». Si le Déjeuner est devenu de fait un manifeste c’est qu’il a choqué l’horizon d’attente du public, ses habitudes de pensée. Bel exemple de ce que l’on appellera l’esthétique de la réception. Pour faire bref : la découverte que le sens, la force, l’émotion que dégage une œuvre dépend tout autant de l’attente, de la culture de son public, de son goût que de l’œuvre elle-même.
« horizon d’attente » : système de normes et de conventions définissant une génération historique. Concept central de l’esthétique de la réception : «Une analyse de l'expérience esthétique du lecteur ou d'une collectivité de lecteurs, présente ou passée, doit considérer les deux éléments constitutifs de la concrétisation du sens c l'effet produit par l'œuvre, qui est en fonction de l'œuvre elle-même, et la réception, qui est déterminée par le destinataire de l'œuvre ». , [H.R. Jauss, Esthétique de la réception, trad. Française 1978]
Il vous fallait une femme nue, et vous avez choisi Olympia, la première venue; il vous fallait des taches claires et lumineuses, et vous avez mis un bouquet; il vous fallait des taches noires, et vous avez placé dans un coin une négresses et un chat. Qu'est-ce que tout cela veut dire ? vous ne le savez guère, ni moi non plus. Mais je sais, moi, que vous avez admirablement réussiEmile Zola, Edouard Manet 1867
Le scandale se renouvelle avec
"Olympia", oeuvre qui est acceptée cette fois au Salon officiel. Cette
"Olympia" avait à nouveau soulevé la
protestation de la critique et du public, très choqués par le réalisme de la nudité représentée
dans cette nouvelle toile.
Faut-il qu’un tableau nous dise quelque chose ?
Olympia inspirée d'une toile italienne célèbre du Titien, la "Vénus d'Urbino"
La question de la citationLa question de la citation dans les tableaux de Manet, pose celle de la citation en peinture pour les modernes. La référence est vidé de sa signification littéraire. Le modèle n’est plus qu’un simple schèmes formel, une structure préexistante.L’histoire de l’art n’est plus un domaine sacré et intouchable, modèle suprême à imiter, mais elledevient un matériau disponible pour des jeux d’assemblages et de détournements inédits
Copie par Manet de la Vénus d’Urbino
Edouard Manet : Le Balcon 1868, Musée d'Orsay
Nullement découragé, il tente de revenir au salon en 1869 pour
présenter son "Déjeuner à l'Atelier" et le "Balcon" où est représentée Berthe
Morisot rencontrée quelque temps auparavant dans les galeries du
Louvre. Ces toiles sont une nouvelle fois très mal accueillies, car on considère que ses personnages sont privés de tout
contenu émotif et que ce sont en quelques sortes des natures mortes,
car ils sont présentés sans perspective.
Sous l'influence de Berthe Morisot mais aussi de Eva Gonzales qu'il
rencontre cette année là, il décide alors de réaliser des toiles de "plein air".
Baudelaire, Baudelaire, Lettre à Manet du 11 mai 1865Lettre à Manet du 11 mai 1865
Il faut donc que je vous parle encore de vous. Il faut que je m’applique à vous démontrez ce que vous valez. C’est vraiment bête ce que vous exigez. On se moque de vous ; les plaisanteries vous agacent ; on ne sait pas vous rendre justice, etc., etc. Croyez-vous que vous soyez le premier homme dans ce cas ? Avez-vous plus de génie que Chateaubriand et que Wagner ? On s’est bien moqué d’eux cependant ? Ils n’en sont pas morts. Et pour ne pas vous inspirer trop d’orgueil, je vous dirai que ces hommes sont des modèles, chacun dans son genre, et dans un monde très riche et que vous, vous n’êtes que le premier dans la décrépitude de votre art.
Baudelaire à Mme Paul Meurice, le 24 mai 1865Baudelaire à Mme Paul Meurice, le 24 mai 1865Quand vous verrez Manet, dites-lui ce que je vous dis, que la petite ou la grande foutaise, que la raillerie, que l’insulte, que l’injustice sont des choses excellentes, et qu’il serait ingrat, s’il ne remerciait l’injustice. Je sais bien qu’il aura quelque peine à comprendre ma théorie : les peintres veulent toujours des succès immédiats ; mais vraiment, Manet a des facultés si brillantes et si légères qu’il serait malheureux qu’il se décourageât. Jamais il ne comblera les lacunes de son tempérament. Mais il a un tempérament, c’est l’important ; et il n’a pas l’air de se douter que plus l’injustice augmente, plus sa situation s’améliore, - à condition qu’il ne perde pas la tête (vous saurez dire tout cela gaiement, et sans le blesser…)
Manet à BaudelaireManet à Baudelaire : Je voudrais bien vous avoir ici mon cher Baudelaire, les injures pleuvent sur moi comme grêle, je ne m’étais pas encore trouvé à pareille fête… J’aurais voulu avoir votre jugement sain sur mes tableaux car tous ces cris agacent, et il est évident qu’il y a quelqu’un qui se trompe. (mai 1865)
L’artiste et ses doutesLe public est seul juge… soit mais quel public ?
Voici comment je m'explique la naissance de tout véritable artiste, celle d'Edouard
Manet, par exemple. Sentant qu'il n'arrivait à rien en copiant les maîtres, en peignant la
nature vue à travers des individualités différentes de la sienne, il aura compris,
tout naïvement, un beau matin, qu'il lui restait à voir la nature telle qu'elle est, sans
la regarder dans les œuvres et dans les opinions des autres. Dès que cette idée fut venue, il prit un objet quelconque, un être
ou une chose, le plaça au fond de son atelier, et se mit à le reproduire sur une toile, selon ses facultés de vision ou de
compréhension. Il fit effort pour oublier tout ce qu'il avait
étudié dans les musées; il tâcha de ne plus se rappeler les conseils qu'il avait reçus,
les œuvres peintes qu'il avait regardées. Il n'y eut plus là qu'une intelligence
particulière servie par des organes doués d'une certaine façon, mise en face de la
nature et la traduisant à sa manière.Emile Zola, Extrait de Edouard Manet, Etude biographique et critique. 1867
Manet vu par Zola : le retour à l’observation directe et l’oubli des écolesManet vu par Zola : le retour à l’observation directe et l’oubli des écoles
Edouard Manet : le citron, 1880 , Musée d'Orsay
" Non, me répondait-il, je ne puis rien faire sans la nature. Je ne sais pas inventer. Tant que j'ai voulu peindre d'après des leçons apprises, je n'ai produit rien qui vaille. Si je vaux quelque chose aujourd'hui, c'est à l'interprétation exacte, à l'analyse fidèle que je le dois. "
Là est tout son talent. Il est avant tout un naturaliste. Emile Zola, l'Evènement illustré, 10 mai 1868
Manet : oublier toutes les leçons Manet : oublier toutes les leçons apprisesapprises
L'évasion de Rochefort, 1881, Zürich, Kunsthaus
Chaque grand artiste est venu nous donner une traduction nouvelle et personnelle de la
nature. La réalité est ici l’élément fixe, et les divers tempéraments sont les éléments
créateurs qui ont donné aux œuvres des caractères différents.
C’est dans ces caractères différents, dans ces aspects toujours nouveaux, que consiste
pour moi l’intérêt puissamment humain des œuvres d’art. Je voudrais que les toiles de tous
les peintres du monde fussent réunies dans une immense salle, où nous pourrions aller lire
page par page l’épopée de la création humaine.
Et le thème serait toujours la même nature, la même réalité, et les variations seraient les
façons particulières et originales, à l’aide desquelles les artistes auraient rendu la grande
création de Dieu. C’est au milieu de cette immense salle que la foule doit se placer pour
juger sainement les œuvres d’art ; le beau n’est plus ici une chose absolue, une commune
mesure ridicule ; le beau devient la vie humaine elle-même, l’élément humain se mêlant à
l’élément fixe de la réalité et mettant au jour une création qui appartient à l’humanité.
C’est dans nous que vit la beauté, et non en dehors de nous. Que m’importe une abstraction
philosophique, que m’importe une perfection rêvée par un petit groupe d’hommes. Ce qui
m’intéresse, moi homme, c’est l’humanité, ma grand-mère ; ce qui me touche, ce qui me
ravit, dans les créations humaines, dans les œuvres d’art, c’est de retrouver au fond de
chacune d’elles un artiste, un frère, qui me représente la nature sous une face nouvelle, avec
toute la puissance ou toute la douceur de sa personnalité.
[Zola, Edouard Manet, étude biographique et critique, 1867]
Le Beau n’est plus un absolu il varie selon les tempéramentsLe Beau n’est plus un absolu il varie selon les tempéraments
Le dogme naturalisteLe dogme naturaliste
Henri Fantin-Latour Henri Fantin-Latour Un atelier aux Batignolles Un atelier aux Batignolles en 1870 en 1870
Les Batignolles étaient le quartier où vivaient Manet et un certain nombre des futurs impressionnistes. Fantin-Latour rassemble autour de Manet, consacré chef d'école, de jeunes artistes aux idées novatrices. De gauche à droite, Otto Schölderer, Manet, assis devant son chevalet ; Auguste Renoir, coiffé d'un chapeau ; Zacharie Astruc, sculpteur et journaliste ; Emile Zola, porte-parole du renouveau de la peinture ; Edmond Maître, fonctionnaire à l'Hôtel de Ville ; Frédéric Bazille, qui sera fauché quelques mois plus tard, à l'âge de vingt-six ans, pendant la guerre de 1870 ; enfin, Claude Monet.
Zola dit de Manet : "Autour du peintre vilipendé par le public s’est créé un front commun de peintres et d’écrivains le revendiquant comme un maître". Edmond de Goncourt n’est pas tendre pour Zola, ce « distributeur de gloire aux génies de brasserie », dit-il dans son journal !
Manet, Manet, Lola de Valence Lola de Valence (1862)(1862)
LOLA DE VALENCE
Entre tant de beautés que partout on peut voir,Je comprends bien, amis, que le désir balance ;Mais on voit scintiller en Lola de ValenceLe charme inattendu d’un bijou rose et noir.Baudelaire
Il est parfaitement vrai que Lola de Valence est un bijou rose et noir ; le peintre ne procède déjà plus que par taches, et son Espagnole est peinte largement, par vives oppositions ; la toile entière est couverte de deux teintes. Et l’aspect étrange et vrai de cette œuvre a été pour mes yeux un véritable “ charme inattendu ”. Zola, Le bon combat (rééd. Hermann, 1974, p. 86)
La notion de « tache » marque l’autonomie croissante des éléments plastiques par rapport au motif. Le tableau devient progressivement un objet pictural spécifique délaissant l’imitation ou le « récit ».
Ah ! Seigneur, ai-je rompu des lances pour le triomphe de la tache ! J’ai loué
Manet , et je le loue encore, d’avoir simplifié les procédés, en peignant les
objets et les êtres dans l’air où ils baignent, tels qu’ils s’y comportent,
simples taches souvent que mange la lumière.
Mais pouvais-je prévoir l’abus effroyable qu’on se mettrait à faire de la tache,
lorsque la théorie si juste de l’artiste aurait triomphé : au Salon, il n’y a plus
que des taches, un portrait n’est plus qu’une tache, des figures ne sont plus
que des taches, rien que des taches, des arbres, des maisons, des continents et
des mers. Et ici le noir reparaît, la tache est noire, quand elle n’est pas blanche.
On passe sans transition de l’envoi d’un peintre, cinq ou six toiles qui sont
simplement une juxtaposition de taches blanches, à l’envoi d’un autre peintre,
cinq ou six toiles qui sont une juxtaposition de taches noires. Noir sur
noir, blanc sur blanc, et voilà une originalité ! Rien de plus commode. Et ma
consternation augmente.Zola
Manet et le triomphe de la tacheManet et le triomphe de la tache
Stéphane Mallarmé par Manet en 1876 date de la publication de l’Après-midi d’un faune, long poème illustré de gravures de Manet. Leur amitié remonte à 1873 et, pendant presque 10 ans, ils se rencontrent quotidiennement pour discuter peinture, littérature, nouvelle esthétique mais aussi chats et mode féminine. Comme il l'avait fait avec Zola en 1866, Manet remercie Mallarmé pour un article paru dans une revue anglaise. On remarquera l’évolution de Manet dans l’évolution décriée par Zola où la tache prend le dessus sur le dessin…
Un bar aux Folies Bergère 1881-82. Une des dernières œuvres de Manet. Bien que postérieur au portrait de Mallarmé, on voit bien à l’ouvre le procédé des tâches ou la lumière et l’ombre mangent les contours des objets. Peut-on en dire autant de ce portrait de Clemenceau ?Le modèle lui-même ami de Monet et qui avait apporté un appui décisif pour l'entrée de l'Olympia de Manet au Louvre en 1907 disait : « Mon portrait par Manet ? Très mauvais, je ne l'ai pas et cela ne me peine pas. Il est au Louvre, je me demande pourquoi on l'y a mis » !
Manet : Nana 1877 le réel et Manet : Nana 1877 le réel et touttout le réel le réel social social
La toile est refusée au Salon de Paris. Manet y représente sans une courtisane, on disait « créature » entretenue. Le réalisme en peinture c’est aussi de représenter toute la réalité fut-elle triviale.Il de l’actrice Henriette Hauser, il est fort probable que le titre ait été donné par Manet lorsqu’il apprend le titre du futur roman de Zola qui paraît trois ans après le tableau.
Les peintres, surtout Edouard Manet, qui est un peintre analyste, n'ont pas cette préoccupation du
sujet qui tourmente la foule avant tout; le sujet pour eux est un prétexte à peindre tandis que
pour la foule le sujet seul existe. Ainsi, assurément, la femme nue du Déjeuner sur l'herbe
n'est là que pour fournir à l'artiste l'occasion de peindre un peu de chair. Ce qu'il faut voir dans le
tableau, ce n'est pas un déjeuner sur l'herbe, c'est le paysage entier, avec ses vigueurs et ses
finesses, avec ses premiers plans si larges, si solides, et ses fonds d'une délicatesse si légère; c'est cette chair ferme modelée à grands pans de
lumière, ces étoffes souples et fortes, et surtout cette délicieuse silhouette de femme en chemise qui fait dans le fond, une adorable tache blanche
au milieu des feuilles vertes, c'est enfin cet ensemble vaste, plein d'air, ce coin de la nature
rendu avec une simplicité si juste, toute cette page admirable dans laquelle un artiste a mis tous
les éléments particuliers et rares qui étaient en lui.
Zola, Edouard Manet 1867
Le sujet en peinture : un prétexte à peindreLe sujet en peinture : un prétexte à peindre ? ?
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5 / Les déceptions de Zola. On ne peut être 5 / Les déceptions de Zola. On ne peut être sensible à l’impressionnisme si l’on maintient sensible à l’impressionnisme si l’on maintient l’esthétique réaliste ou naturaliste l’esthétique réaliste ou naturaliste
Claude Monet, Autoportrait au Claude Monet, Autoportrait au béret, 1886 béret, 1886
Claude Monet 1840-1926Claude Monet 1840-1926
Edgar Degas, Autoportrait au Edgar Degas, Autoportrait au chapeau mou chapeau mou 1857-58 1857-58
Edgar Degas 1834-1917Edgar Degas 1834-1917 Maurice Denis 1870-1943Maurice Denis 1870-1943
Maurice Denis, Portrait de Maurice Denis, Portrait de l'artiste à l'âge de dix-huit l'artiste à l'âge de dix-huit ans1889 ans1889
Sous l'influence de ses amis, il se consacre donc à des toiles de "plein airplein air", et passe son été 1874 à Genevilliers, auprès de Monet et de Renoir. Il se lie aussi d'amitié avec Stéphane Mallarmé. C'est pour lui une période qui marque sa peinture de notes beaucoup plus claires et le conduit à une peinture proche des impressionnistes . "Argenteuil", "Monet et sa femme sur le bateau-atelier" sont les toiles les plus représentatives de cette période. « Parmi ces peintres [qui aiment leur temps, lessujets modernes], au premier rang, je citeraiClaude Monet. Celui-là a sucé le lait de notre âge,Celui-là a sucé le lait de notre âge,celui-là a grandi et grandira encore danscelui-là a grandi et grandira encore dansl’adoration de ce qui l’entoure. Il aime les horizonsl’adoration de ce qui l’entoure. Il aime les horizonsde nos villes, les taches grises et blanches que fontde nos villes, les taches grises et blanches que fontles maisons sur le ciel clair...les maisons sur le ciel clair... » [Zola, Mes salons 1868]
Edouard Manet, Argenteuil, 1874,Tournai
Edouard Manet : Monet et sa Femme sur le Bateau-Atelier,1874 Pinakothek Munich
avril 1874, exposition dans avril 1874, exposition dans l’atelier de Nadarl’atelier de Nadar
Louis Le Roy, critique au Charivari, ironise sur ces peintres en rupture avec l’académisme.
Il intitule son article «L'exposition les impressionnistes», d'après le titre du tableau de Monet : Impression soleil levant (1872)
«Impression, impression, j'en étais sûr. Je me disais aussi, puisque je suis impressionné, il doit y avoir de l'impression là-dedans».
Le mot d’impressionistes est né.
Monet
Cézanne
Degas
Pissaro
Renoir
Monet : Impression soleil levant -1872
LA RUPTURE : 1879LA RUPTURE : 1879 : “Tous les peintres impressionnistes pèchent par insuffisance technique. [Monet] paraît épuisé par une production hâtive ; il se contente d’à-peu-près ; il n’étudie pas la nature avec la passion des vrais créateurs. Tous ces artistes-là sont trop facilement satisfaits.” 1880 : Le Naturalisme au Salon « M. Monet a trop cédé à sa facilité deproduction. Bien des ébauches sont sorties de son atelier dans des heures difficiles, et cela ne vaut rien, cela pousse un peintre sur la pente de la pacotille. »
Lucien Métviet (1863-1930) In Le Rire, no. 40 1895, Une caricature de Monnet peintre de plein air.
Vers 1920
Claude MONET 1840 – 1926
Meules,
milieu du jour 18901890
« Je pioche beaucoup, je m'entête à une série d'effets différents (des meules), mais à cette époque le soleil décline si vite que je ne peux le suivre . . .Je deviens d'une lenteur à travailler qui me désespère, mais plus je vais, plus je vois qu'il faut beaucoup travailler pour arriver à rendre ce que je cherche: "I'instantanéité", surtout l'enveloppe, la même lumière répandue partout, et plus que jamais les choses faciles venues d'un jet me dégoûtent. Enfin, je suis de plus en plus enragé du besoin de rendre ce que j'éprouve et fais des voeux pour vivre encore pas trop impotent, parce qu'il me semble que je ferai des progrès ». Monet, lettre à Gustave Geffroy : 7 Octobre 1890
« Meules, fin de l'été, effet du matin » 1890
« Les Meules, effet de gelée blanche » 1888-1889
« Meule, soleil couchant »
1890-1891
Ici c'est une rousse, boulotte et farcie, courbant l'échine, faisant poindre l'os du
sacrum sur les rondeurs tendues des fesses ; elle se rompt, à vouloir ramener le bras
derrière l'épaule afin de presser l'éponge qui dégouline sur le rachis et clapote le long des reins ; […] Telles sont, brièvement citées, les
impitoyables poses que cet iconoclaste assigne à l'être que d'inanes galanteries
encensent. Il y a, dans ces pastels, du moignon d'estropié, de la gorge de sabouleuse, du
dandinement de cul-de-jatte, toute une série d'attitudes inhérentes à la femme même jeune
et jolie, adorable couchée ou debout, grenouillarde et simiesque, alors qu'elle doit,
comme celle-ci, se baisser afin de masquer ses déchets par ses pansages.
Huysmans, Certains, Degas
Huismans : Les « impitoyables poses » de Huismans : Les « impitoyables poses » de DegasDegas
Fille se séchant, 1885,Paste, N.G.A,. Washington
Femme se peignant, pastel, c. 1886,Hermitage
Miss Lola, au Cirque Fernando, 1879, National Gallery, London
Chanteuse au gant, c. 1878, CambridgeChanteuse au gant, c. 1878, Cambridge L'étoile OR La danseuse sur la scèneL'étoile OR La danseuse sur la scène1878, Musee d'Orsay1878, Musee d'Orsay
Degas : La classe de danse, 1874 Degas : La classe de danse, 1874
Classe de danse, c.1874Classe de danse, c.1874
Degas, Place de la Concorde,1875, Hermitage
Blanchisserie, (Silhouette), c. 1874New York
Se rappeler qu'un tableau — avant d'être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote — est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées.
Maurice Denis
Degas : Blanchisseuses menant des draps à la ville, c.1876-78Coll. privée
Il est indispensable que la grande peinture puisse trouver des sujets dans la vie contemporaine. Je ne sais pas qui sera le peintre génial qui saura extraire l’art de notre civilisation et je ne sais comment il s’y prendra. Mais il est incontestable que l’art ne dépend ni des draperies ni du nu antique ; il prend racine dans l’humanité elle-même et par conséquent chaque société doit avoir sa conception individuelle de la beauté
Ce n’est pas après avoir vécu pendant
plusieurs années avec les morts qu’on peut
peindre les vivants. Il faut que nos jeunes artistes sucent dès
l’enfance le sein âpre de la réalité. Alors
seulement, ils verront la vie et sauront en
interpréter les grandeurs vraies.
Zola
Degas : L'absinthe, 1876, Musée d'Orsay
Le naturalisme des bas fond…Le naturalisme des bas fond…
Degas est un peintre de la ville. Il aime peindre les lieux clos des spectacles, des loisirs et des plaisirs.
Dans un café, un homme une femme assis côte à côte mai muré dans une solitude silencieuse, regard vide, traits défaits, air accablé. S’agit-il d’une dénonciation des fléaux de l'absinthe, en voie d’interdiction ?
On rapproche la toile du roman de Zola, L'Assommoir, écrit quelques années plus tard. Zola avoue à Degas : « J'ai tout bonnement décrit, en plus d'un endroit dans mes pages, quelques-uns de vos tableaux ».
La dimension réaliste et documentaire est attestée : il s'agit de "La Nouvelle Athènes", place Pigalle, lieu de réunion des artistes modernes et de la bohème. Le cadrage décentré donne le sentiment d'un instantané photographique, pris par un témoin assis à une table voisine. Impression trompeuse car l'effet de réel est le d’un minutieux travail d’élaboration, exécuté en atelier. Il est tellement réussi que la comédienne Ellen André et Marcellin Desboutin peintre-graveur, qui ont servi de modèle porteront plainte obligeant Degas à préciser publiquement qu'ils ne sont pas alcooliques !
Représentation d’une belle chose ou belle représentation d’une chose ? La question kantienne pour distinguer le beau naturel et le beau artistique
1866-1896Trente ans après le Salon des refusés de 1886 Zola va au Salon de 1896.Déception.Ce qui était novateur trente ans auparavant est devenu travail d’Ecole.Il s’en éloignera quand ces derniers se préoccuperont plus spécifiquement de valeurs picturales. Pourtant, il ne faut pas oublier que Zola, dans sa jeunesse comme à la fin de sa vie, avait un penchant pour l’idéalisme un peu mièvre de Greuze ou d’Ary Scheffer. Ils emportèrent leur boîte de
couleurs dans les champs et dans les prés, dans les bois où
murmurent les ruisseaux, et tout bêtement, sans apprêt, ils se
mirent à peindre ce qu’ils voyaient de leurs yeux autour d’eux : les arbres au feuillage tremblant, le ciel où voguent
librement les nuages. La nature devint la souveraine toute-
puissante, et l’artiste ne se permit plus d’estomper une seule ligne
sous prétexte de l’ennoblirl’ennoblir
Zola a ceci de commun avec Balzac qu’il ne comprend pas grand-chose à la peinture( ! ) Van Gogh
Hier, je battais encore avec Cézanne le rude pavé de Paris, dans la fièvre de le conquérir.
Hier, j’étais allé à ce Salon de 1866, avec Manet, avec Monet et avec Pissarro dont on avait rudement refusé les tableaux. Et voilà,
après une longue nuit, que je m’éveille et que je me rends aux Salons du Champ-de-Mars et
du palais de l’Industrie.[…] Autrefois, lorsqu’on accrochait une toile de ceux-ci dans une salle, elle faisait un trou de lumière parmi les autres toiles, cuisinées
avec les tons recuits de l’École. C’était la fenêtre ouverte sur la nature, le fameux Plein air qui entrait. Et voilà qu’aujourd’hui il n’y a
plus que du plein air, tous se sont mis à la queue de mes amis, après les avoir injuriés et m’avoir injurié moi-même. Allons, tant mieux !
Les conversions font toujours plaisir.Même ce qui redouble mon étonnement, c’est
la ferveur des convertis, l’abus de la note claire qui fait de certaines œuvres des linges
décolorés par de longues lessives. Les religions nouvelles, quand la mode s’y met, ont ceci de terrible qu’elles dépassent tout
bon sens.
L’abus de la note claire…L’abus de la note claire…
Claude Monnet : La pie 1868 - 1869 musée d'Orsay
Mais où ma surprise tourne à la colère, c’est lorsque je constate la
démence à laquelle a pu conduire, en trente ans, la théorie des reflets.
Encore une des victoires gagnées par nous, les précurseurs ! Très
justement, nous soutenions que l’éclairage des objets et des figures
n’est point simple. Que sous des arbres, par exemple, les chairs nues
verdissent, qu’il y a ainsi un continuel échange de reflets dont il faut tenir
compte, si l’on veut donner à une œuvre la vie réelle de la lumière. Sans
elle, celle-ci se décompose, se brise et s’éparpille. Si l’on ne s’en tient pas
aux académies peintes sous le jour factice de l’atelier, si l’on aborde la nature immense et changeante, la lumière devient l’âme de l’œuvre,
éternellement diverse.
S’il y a des reflets dans la nature, S’il y a des reflets dans la nature, trop de reflets tuent la nature…trop de reflets tuent la nature…
Monnet, Nymphéas bleus, ca.1916 et 1919. Zola n’a pu voir cette toile postérieur à sa mort en 1906. Elle est représentative de l’évolution amorcée de son vivant par certains impressionnistes vers ce qui s’achèvera par les paysagistes abstraits ou les abstraits lyriques… Cette tendance ne peut être considérée que comme une dérive pour le naturalisme strict de Zola… qui ne suit plus la logique de radicalisation et de recherche d’un Monnet.
Seulement, rien n’est plus délicat à saisir et à rendre que cette décomposition et ces reflets,
ces jeux du soleil où, sans être déformées, baignent les créatures et les choses. Aussi, dès
qu’on insiste, dès que le raisonnement s’en mêle en arrive-t-on vite à la caricature. Et ce
sont vraiment des œuvres déconcertantes, ces femmes multicolores, ces paysages violets et
ces chevaux orange qu’on nous donne, en nous expliquant scientifiquement qu’ils sont
tels par suite de tels reflets ou de telle décomposition du spectre solaire. Oh ! les
dames qui ont une joue bleue, sous la lune, et l’autre joue vermillon, sous un abat-jour de
lampe ! Oh ! les horizons où les arbres sont bleus, les eaux rouges et les cieux verts ! C’est affreux, affreux, affreux ! Monet et Pissarro, les
premiers, je crois, ont délicieusement étudié ces reflets et cette décomposition de la lumière. Mais que de finesse et que d’art ils y mettaient !
L’engouement est venu, et je frissonne d’épouvante !
Dès que le raisonnement s’en mêle, « on en Dès que le raisonnement s’en mêle, « on en arrive à la caricature…arrive à la caricature…
Maurice Denis, Taches de soleil sur la terrasse, 1890
Oh ! de grâce pas de peinture d’âmes ! Rien n’est fâcheux comme la peinture d’idées. Qu’un artiste
mette une pensée dans un crâne, oui ! mais que le crâne y soit et solidement peint, et d’une construction
telle qu’il brave les siècles. La vie seule parle de la vie, il ne se dégage de la
beauté et de la vérité que de la nature vivante. Dans un art, matériel comme la peinture surtout, je défie
bien qu’on laisse une figure immortelle, si elle n’est pas dessinée et peinte humainement, aussi simplifiée
qu’on voudra, gardant pourtant la logique de son anatomie et la proportion saine de ses formes. Et à
quel effroyable défilé nous assistons depuis quelque temps, ces vierges insexuées qui n’ont ni seins ni
hanches, ces filles qui sont presque des garçons, ces garçons qui sont presque des filles, ces larves de
créatures sortant des limbes, volant par des espaces blêmes s’agitant dans de confuses contrées d’aubes
grises et de crépuscules couleur de suie ! Ah ! le vilain monde, cela tourne au dégoût et au
vomissement !
Rien n’est fâcheux comme la peinture Rien n’est fâcheux comme la peinture d’idée… Simplifier soit…mais garder la d’idée… Simplifier soit…mais garder la
logique de l’anatomielogique de l’anatomie
L'explosion des couleurs et de la lumière : Elle passe avant le contour ou même la forme; elle déborde, elle explose. Les taches de couleur sont d'une taille supérieure à celle des objets réels qui les portent; c'est bien l'impression qui est peinte………La lumière s'introduit partout, elle brouille les formes et les réduit en taches de couleur.La troisième dimension : Le peintre impressionniste travaille l'épaisseur plus qu'il ne travaille le contour. Il est à contre-courant de la peinture classique, plate et précise.Reflets et taches : Le reflet dans l'eau est souvent utilisé, il permet de s'affranchir encore plus de la forme; alors les taches de couleur se juxtaposent en symphonie.
Les germes que j’ai vu jeter en terre ont poussé, ont fructifié d’une façon monstrueuse. Je recule d’effroi. Jamais je n’ai mieux senti le danger des formules, la fin pitoyable des écoles, quand les initiateurs ont fait leur œuvre et que les maîtres sont partis. Tout mouvement s’exagère, tourne au procédé et au mensonge, dès que la mode s’en empare. Il n’est pas de vérité, juste et bonne au début, pour laquelle on donnerait héroïquement son sang, qui ne devienne, par l’imitation, la pire des erreurs, l’ivraie envahissante qu’il faut impitoyablement faucher.
Le danger des Écoles : formules et Le danger des Écoles : formules et procédésprocédés
Ces toiles claires, ces fenêtres ouvertes de l’impressionnisme, mais je les connais, ce
sont des Manet, pour lesquels, dans ma jeunesse, j’ai failli me faire assommer ! Ces
études de reflets, ces chairs où passent des tons verts de feuilles, ces eaux où dansent toutes les couleurs du prisme, mais je les
connais, ce sont des Monet, que j’ai défendus et qui m’ont fait traiter de fou ! Ces
décompositions de la lumière, ces horizons où les arbres deviennent bleus, tandis que le ciel devient vert, mais je les connais, ce sont
des Pissarro, qui m’ont autrefois fermé les journaux, parce que j’osais dire que de tels
effets se rencontraient dans la nature ! Et ce sont là les toiles que jadis on refusait
violemment à chaque Salon, exagérées aujourd’hui, devenues affreuses et
innombrables !
L’art condamné au renouvellementL’art condamné au renouvellement
L’ennui du connuL’ennui du connu
Ce que j’ai défendu, je le défendrais encore, car c’était l’audace du moment, le drapeau qu’il s’agissait de planter sur les terres ennemies. Nous avions raison, parce que nous étions l’enthousiasme et la foi. Si peu que nous ayons fait de vérité, elle est aujourd’hui acquise. Et, si la voie ouverte est devenue banale, c’est que nous l’avons élargie, pour que l’art d’un moment puisse y passer.Et puis, les maîtres restent. D’autres viendront dans des voies nouvelles; mais tous ceux qui ont déterminé l’évolution d’une époque demeurent, sur les ruines de leurs écoles. Et il n’y a décidément que les créateurs qui triomphent, les faiseurs d’hommes, le génie qui enfante, qui fait de la vie et de la vérité !Zola 1896
Seuls les maîtres restentSeuls les maîtres restentLe génie créateur enfante de la vie et de Le génie créateur enfante de la vie et de la véritéla vérité
Je crains bien que tous les tableaux des anciens maîtres et représentant
des choses en plein air n'aient été faits de chic, car cela ne me semble
pas avoir l'aspect vrai et surtout original que fournit la nature.
à Zola 1866 p 99
...Pour l'heure présente, je continue à chercher l'expression de ces sensations confuses que nous
apportons en naissant.A Joachim Gasquet 1896 p 227
Mais après avoir vu les grands maîtres qui y reposent (au Louvre ), il faut se hâter d'en sortir et vivifier en soi, au contact de la nature, les instincts, les sensations d'art qui
résident en nous.A Charles Camoin 1903 p 255
Cézanne : du Musée à la Cézanne : du Musée à la naturenature
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6 / Le droit au rêve : Gauguin et l’ouverture symboliste6 / Le droit au rêve : Gauguin et l’ouverture symboliste
Autoportrait à l’auréole, Autoportrait à l’auréole, 1889 1889
Autoportrait 1888Autoportrait 1888Autoportrait 1894Autoportrait 1894
Le Christ jaune, 1889
Ce que nous demandions à Cézanne, à Gauguin et à Van Gogh, ils le trouvaient chez Verlaine, chez Mallarmé, chez Laforgue : « De toute part, disait Albert Aurier dans l'article manifeste de la revue Encyclopédique 1892, on revendique le droit au rêvele droit au rêve, , le droit aux pâturages de l'azur, le droit à le droit aux pâturages de l'azur, le droit à l'envolement vers les étoiles niées de l'absolue véritél'envolement vers les étoiles niées de l'absolue vérité. La copie myope des anecdotes sociales, l'imitation imbécile des verrues de la nature, la plate observation, le trompe l'œil, la gloire d'être aussi fidèlement, aussi banalement exact que le daguerréotype ne contente plus aucun peintre, aucun sculpteur digne de ce nom »
De l’impressionnisme au symbolismeDe l’impressionnisme au symbolisme
Gauguin : D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? 1897. Boston
L'art pour eux (Gauguin et Van Gogh) comme pour
leurs prédécesseurs, c'est le rendu d'une sensation,
c'est l'exaltation de la sensibilité individuelle.
Tous les éléments d'excès et de désordre provenant de l'impressionnisme, ils
les exaspèrent d'abord, et ce n'est que peu à peu
qu'ils prennent conscience de leur rôle
novateur, et qu'ils s'aperçoivent que leur
synthétisme et leur symbolisme est
précisément l'antithèse de l'impressionnisme.
Gauguin : L’esprit de la mort veillant.1892Albright-Knox Art Gallery, Buffalo,
Un conseil, ne peignez pas trop d'après nature. L'art est une abstraction, tirez-la de la nature en rêvant devant et pensez plus à
la création qui résultera p 40
Je m'éloignerai autant que possible de ce qui donne l'illusion d'une chose et, l'ombre étant le trompe-l’œil du soleil, je suis porté
à la supprimer.45
D'ailleurs, qu'il y ait ou non des ombres bleues, peu importe : si un peintre voulait
demain voir les ombres roses ou violettes, on n'aurait pas à lui en demander compte, pourvu que son œuvre fût harmonique et
qu'elle donnât à penser. 138
Dessiner franchement, ce n'est point affirmer une chose vraie de la nature mais
se servir de locutions picturales qui ne déguisent pas la pensée.
163
Gauguin, Oviri Écrits d'un sauvage. Rééd. folio essais Paris 1989.
Paul Gauguin, Cheval Blanc
L'art est une abstraction, tirez-la de la nature en L'art est une abstraction, tirez-la de la nature en rêvantrêvant
Présentation conçue et réalisée par C. MerlantToutes les suggestions seront les bienvenues pour compléter ou améliorer la présentation.Usage strictement pédagogique
Version 05/08
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