Hoang Anh Nguyen Trinh

Une électricité soutenable pour le Vietnam :une transition vers une économie à bas carbone

Thèse d’économie sous la direction de Yorgos RIZOPOULOS (LADYSS/Université Paris Diderot) et Minh HA-DUONG (CIRED/CNRS) soutenue le 30 novembre 2015.

Mots clés : modélisation de l’énergie – développement à faible émission carbone – énergies renouvelables – efficacité énergétique – captage et stockage du CO2 – coûts externes – changement institutionnel – Vietnam

Le changement climatique se révèle être un des plus grands problèmes environnementaux du monde, en particulier pour les pays en voie de développement, qui sont vulnérables. Le Vietnam a déjà connu ses impacts négatifs au cours des dernières décennies. Le système énergétique du Vietnam représente une part dominante des émissions totales de GES. Par conséquent, l’effort pour lutter contre le changement climatique est devenu l’un des principaux moteurs de la politique énergétique dans le pays.

Au cours des vingt dernières années, le Vietnam a mis en œuvre des processus d’industrialisation et d’urbanisation rapides avec des taux élevés de croissance économique, de 5 à 8 pour cent par an. Cette stratégie englobe une augmentation rapide de la demande nationale d’énergie en général et de la puissance électrique en particulier. Le taux annuel moyen de croissance de la demande pour les services d’électricité au Vietnam pendant la période de 15 ans (de 1998 à 2013) était d’environ 14 pour cent. Entre 1998 et 2013, la production d’électricité, y compris à la fois la production intérieure et l’électricité importée, est passée de 22 TWh à 126 TWh, et la capacité de 5 GW à 29 GW : la capacité de puissance du charbon allait dominer le secteur. Les faits actuels indiquent que le Vietnam ne se tourne pas vers un mode de faibles émissions de CO2.

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Par conséquent, il est nécessaire de prendre des mesures décisives rapidement pour installer le Vietnam dans l’effort mondial qui consiste à lutter contre le changement climatique et à réaliser le développement durable ainsi que la croissance verte. Cette action est un chemin vers le développement faible en carbone pour le pays.

Cette thèse est fondée sur le message central suivant : « Au cours des trois prochaines décennies, le secteur de l’électricité du Vietnam pourrait se développer avec une faible émission de carbone et jouer un rôle important dans l’économie sobre en carbone du Vietnam ». Pour expliquer le message, cette thèse est conçue de façon à atteindre les objectifs suivants :

(1) Analyser le développement de la bio-électricité au Vietnam et son aide à la réduction des émissions pour le secteur de l’énergie.(2) Évaluer le potentiel à long terme et à court terme des implications des technologies de CSC dans le secteur de la production d’électricité.(3) Simuler et évaluer l’avenir potentiel des systèmes d’alimentation au Vietnam pour la période 2010-2040, en vertu de politiques énergétiques actuelles.(4) Proposer et simuler des scénarios écologiques du système d’électricité, avec une efficacité énergétique plus élevée, y compris la part des sources d’énergie renouvelables, et les coûts externes inclus.(5) Examiner la structure du marché de l’électricité, évaluer les changements institutionnels nécessaires dans le secteur et déployer des technologies de plus faibles consommations d’énergie de carbone au Vietnam.

Pour explorer le potentiel du système électrique faible en carbone, une attention particulière à la conception du système a été accordée à la combustion de la biomasse pour produire l’électricité, au captage et au stockage du carbone, aux coûts externes, et au changement institutionnel dans le secteur de l’énergie. Ces aspects joueraient des rôles importants dans une électricité à faible carbone au Vietnam, mais jusqu’à présent, les études concernant ces angles de recherche dans le pays sont insuffisantes.

Les principales questions de recherche auxquelles cette thèse vise à répondre sont les suivantes :

- Quelles sont les principales contraintes et possibilités pour un développement sobre en carbone du secteur de l’électricité du Vietnam ?- Comment tirer parti des options disponibles et appropriées qui pourraient contribuer de manière significative au développement sobre en carbone ?

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Parmi les nombreuses questions qui doivent être traitées pour construire une voie de transition, la thèse a choisi cinq options clés pour étudier seules ou ensemble, les options choisies qui pourraient réduire soit la consommation de combustibles fossiles soit les émissions de CO2 du secteur de l’énergie du Vietnam. L’auteur vise à introduire des options de faible teneur en carbone pour le développement du secteur de l’électricité au Vietnam, dans lequel les énergies renouvelables et les technologies à faible intensité carbonique joueraient un rôle plus important dans le système de production d’électricité. Pour décrire les différentes r-évolutions possibles du secteur électrique, cette étude applique des méthodes de la science de la durabilité qui interagissent entre les systèmes mondiaux et sociaux. Ces méthodes font voir aussi les mécanismes complexes qui fournissent les données quantitatives et qualitatives, empiriques, nécessaires pour guider la maîtrise de la durabilité. Les scénarios de développement sont construits et simulés par une modélisation énergétique de l’équilibre comptable à long terme des énergies alternatives de planification – LEAP. Malgré un certain nombre de défis liés à son développement, la production d’électricité à partir de biomasse serait une option pour atténuer des émissions possibles de CO2 au cours des décennies à venir. Nos résultats de simulation des scénarios basés en bio-électricité suggèrent que le plein développement de la biomasse pour la production d’électricité pourrait aider le Vietnam en réduisant d’environ 3 pour cent les émissions totales de CO2 du secteur durant la période de 2015 à 2040. L’option de co-combustion de la biomasse avec le charbon, dans les centrales électriques au charbon, ne serait pas seulement de réduire les émissions de CO2 du secteur de l’énergie mais aussi de réduire les coûts totaux pour le secteur, par rapport aux scénarios basés en bio sans option de la co-combustion.

Les technologies CSC sont bien reconnues comme une solution efficace pour réduire les émissions de CO2 des centrales au charbon dans les décennies à venir, sur la base des entretiens avec des experts que nous avons effectués à la fin de 2013. Les résultats des entrevues montrent que les incitations financières et la politique climatique sont les facteurs les plus importants pour le déploiement des technologies de CSC au Vietnam. Les incitations financières comprennent des subventions directes du gouvernement, telles que des exonérations fiscales pour les revenus annuels, l’utilisation des terres et l’importation de matériel relatif au CSC. En outre, tous les experts conviennent que les soutiens financiers internationaux, tels que le Mécanisme de Développement Propre (MDP), ou l’investissement direct, sont importants pour lancer

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un déploiement à grande échelle des technologies de CSC, en mettant en œuvre des projets pilotes. Ces projets pourraient prouver l’efficacité du travail de la CSC. Les régimes fiscaux de carbone appropriés et la tarification de l’électricité transparente pourraient aussi encourager les centrales à intégrer la technologie de captage de CO2. En outre, l’examen des aspects économiques de nouvelles centrales au charbon avec et sans l’option de captage du carbone disponible (CR), nous permet le constat suivant : si une nouvelle centrale à charbon construite à partir de 2016 intègre les systèmes CR dès le début de son fonctionnement, elle peut obtenir des avantages économiques pendant sa durée de vie entière plus qu’un système sans CR. Pour examiner les options de l’efficacité énergétique et les coûts des externalités, deux scénarios sont développés dans cette étude : (1) un scénario fondé sur les tendances actuelles (BAU) ; (2) une alternative plus écologique avec plus d’énergie renouvelable et plus d’efficacité énergétique (ALT). Nous estimons que les coûts externes du CO2, de NOx, de SO2 et de PM10 dans le secteur de l’énergie au Vietnam sont de 7-20, 1328, 2047 et 1460 $US par tonne, respectivement. L’auteur constate que le scénario ALT est plus durable que le scénario BAU dans tous les aspects. Dans le scénario ALT, le prix de l’électricité et l’équilibre du commerce intérieur sont moins sensibles aux fluctuations des prix internationaux du charbon que le scénario BAU : les montants de carburant importé comptent seulement pour 39 pour cent de la capacité totale de production en 2040, et 60 pour cent dans le scénario de la politique actuelle. Les coûts totaux accumulés entre 2010 et 2040 seraient plus faibles dans l’alternative plus écologique : 632 milliards de dollars par rapport à 974 milliards $US. Cette différence résulte de plusieurs facteurs : la baisse des investissements dans de nouvelles capacités (226 milliards comparé à 306 milliards $US) ; baisse des coûts locaux de pollution (73 comparativement à 137 milliards $US) ; baisse des émissions de CO2 ; baisse des dépenses sur les carburants importés (57 comparativement à 115 milliards $US). Les résultats du scénario de ALT sont en accord avec les objectifs fixés pour le secteur de l’alimentation dans la plus récente stratégie de croissance verte du Vietnam (GGSV).

En ce qui concerne l’aspect institutionnel, nous affirmons que la volonté politique est une condition nécessaire mais insuffisante pour une telle transition énergétique. En effet, le processus de transition dépend de décisions organisationnelles interdépendantes et implique une transformation fondamentale des positions et des relations entre les parties prenantes. En particulier, il nécessite l’existence d’une masse critique pour les acteurs qui perçoivent les avantages à investir dans les

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énergies renouvelables. Ils jouent aussi l’effet de levier pour redéfinir les règles du jeu, donc la modification du cadre institutionnel et ils permettent la constitution de nouvelles interdépendances structurelles à l’intérieur du système électrique. Dans cette perspective, nous identifions les principaux acteurs, et soulignons les caractéristiques du marché de l’électricité qui peuvent entraver le recours aux ressources renouvelables. Au cours de la période actuelle, la structure et le fonctionnement du marché de gros apparaissent comme un facteur déterminant en ce qui concerne le rythme de la transition vers le carbone faible. Ensuite, nous proposons une grille d’analyse pour appréhender la voie du changement en suivant la tendance dans certaines variables focales, comme les tarifs fixés et les subventions à l’acheteur unique, qui indiquent l’équilibre du pouvoir entre les principales parties prenantes et qui reflètent les étapes du processus de transition.

En conclusion, nous confirmons qu’il existe un développement non durable du système d’alimentation au Vietnam, en ce qui concerne les deux aspects de la sécurité énergétique et de l’environnement, si le secteur s’accorde avec les voies de la politique actuelle. Avec des options de faibles émissions de carbone et de scénarios écologiques proposés dans l’étude, l’évolution du secteur de l’énergie au Vietnam irait vers un avenir faible en carbone dans les décennies à venir. Plus particulièrement, pour réduire les émissions de CO2 du secteur de l’énergie, nous proposons plusieurs plans d’action appropriés, tels que (1) l’augmentation de l’efficacité énergétique, (2) la production accrue d’électricité à partir de combustibles non-fossiles, comme la bioénergie, (3) la promotion de technologies sobres en carbone comme les technologies de CSC, (4) le changement institutionnel et (5) l’internalisation des coûts externes dans le secteur de l’énergie.

À l’heure actuelle, il existe deux plans de développement d’énergie électrique au Vietnam : le 7e plan de développement de l’électricité (Institute of Energy, 2011a) qui vise à assurer la sécurité énergétique du pays avec trois niveaux de la demande d’électricité jusqu’à l’année 2030, et le Master Plan for Renewable Energy (Institute of Energy, 2011b) qui vise à exploiter plus le potentiel des ressources énergétiques renouvelables pour le secteur de la production d’électricité. En outre, le Vietnam a mis en œuvre divers instruments pour promouvoir les énergies renouvelables pour le secteur de l’énergie, des incitations économiques directes et indirectes, telles que l’alimentation en tarif pour l’énergie éolienne et de la biomasse de l’électricité, les exonérations fiscales et de prêts à faible intérêt pour les énergies renouvelables et les projets Clean Development Mechanism

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(CDM), les coûts évités pour les petits projets hydroélectriques (Do and Sharma, 2011 ; Pham et al., 2011 ; The Government of Vietnam, 2012 ; The Prime Minister of Vietnam, 2007). Parallèlement à ces plans et politiques de développement de puissance officielle pour le secteur, les scénarios pour le développement du secteur de l’énergie au Vietnam dans les décennies à venir ont été examinés et utilisés par les chercheurs et les organisations nationales et internationales (ADB, 2012a ; APEC, 2010 ; IEA, 2010a ; KVN and BRGM, 2009 ; Nguyen and Hawkins, 2011 ; Nguyen-Trinh, 2010 ; Q.Nguyen, 2008 ; T.Nguyen, 2010 ; World Bank, 2010a). Cependant, il y a un manque d’études sur les scénarios de développement de puissance du Vietnam avec un accent particulier sur la bio-électricité, les technologies de CSC, l’efficacité énergétique et les coûts externes, ce qui pourrait avoir des répercussions importantes sur le développement de faibles émissions de carbone du secteur dans un avenir proche. En outre, cette thèse a ouvert de nouveaux angles de recherche sur la nécessité d’un changement institutionnel, ainsi que sur la science de la durabilité pour le développement à bas carbone de l’électricité au Vietnam. Étant donné que le Vietnam est l’un des rares pays d’Asie du Sud qui possèdent un potentiel considérable pour développer l’électricité renouvelable ainsi que les technologies de la capture et du stockage du carbone (CSC) (IEA, 2010a ; World Bank, 2010a), cette étude est l’une des premières études scientifiques qui développent une telle analyse pour le secteur de l’électricité au Vietnam.

En outre, cette thèse est développée pour concrétiser la stratégie de croissance verte du Vietnam (GGSV) (The Government of Vietnam, 2012) et Intended Nationally Determined Contributions of Vietnam (INDCs) (MONRE, 2015) dans le secteur de l’électricité. Le GGSV a été délivré à la fin de 2012, avec des lignes directrices générales pour la croissance verte de l’ensemble de l’économie. Pourtant, le GGSV n’a pas défini de voies de croissance verte spécifiques pour le secteur de l’énergie autre que le plan publié en 2011. Avec les scénarios proposés, cette thèse présente des options pour le secteur de l’énergie qui seraient en accord avec les objectifs de la GGSV, mais également utiles pour les décideurs.

Avec l’étude actuelle et ses étapes antérieures au cours des dernières années (Nguyen-Trinh, 2013, 2012a, 2012b, 2012c, 2010 ; Nguyen-Trinh and Ha-Duong, 2015 ; Nguyen-Trinh and Le, 2012 ; Nguyen-Trinh and Rizopoulos, 2015), l’auteur est l’un des premiers chercheurs au Vietnam souhaitant appliquer la science de la durabilité, examiner les questions de changement institutionnel, et introduire les coûts externes dans le secteur de l’énergie du Vietnam. Les premiers

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résultats de ces recherches ont contribué, dans une certaine mesure, à la prise de conscience des parties prenantes dans le secteur de l’énergie du Vietnam sur l’avenir faible en carbone du secteur.