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Geoffrey MASUYER Décembre 2004 Master 2 Pro Expression Génique et Protéines Recombinantes PROTEASOME Inhibition de la dégradation de p53 par le Protéasome Interaction MDM2-p53 Résumé La croissance et le métabolisme normaux des cellules sont dépendants non seulement de la présence et de l’activation de protéines critiques, mais également de leur dégradation en temps voulu, permettant le bon déroulement du cycle cellulaire. Un acteur clé dans la dégradation des protéines de la cellule est le protéasome 26S. La majorité des dégradations de protéines cellulaires sont réalisées par la voie ubiquitine-protéasome. Le suppresseur de tumeur p53 est l’un des principaux médiateurs de l’arrêt du cycle cellulaire et initiateur de l’apoptose en réponse à des dommages cellulaires. Ainsi le contrôle de la stabilité de p53 et de son activation représente une approche intéressante en vue d’une thérapie anti-cancéreuse. La régulation de p53 dans la cellule repose essentiellement sur son régulateur négatif MDM2 avec lequel p53 interagit. Un moyen d’empêcher la dégradation de p53 par le protéasome est de cibler l’interaction p53-MDM2 par des antagonistes de MDM2. Mots clés : protéasome, inhibition du protéasome, interaction p53-MDM2, Nutlin

Inhibition de la dégradation de p53 par le Protéasome Interaction … archives/06... · 2015. 10. 16. · 3 Figure 1: Ubiquitination des protéines ciblées pour le protéasome

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Geoffrey MASUYER Décembre 2004

Master 2 Pro Expression Génique et Protéines Recombinantes

PROTEASOME

Inhibition de la dégradation de p53 par leProtéasome

– Interaction MDM2-p53

Résumé

La croissance et le métabolisme normaux des cellules sont dépendants non

seulement de la présence et de l’activation de protéines critiques, mais également de

leur dégradation en temps voulu, permettant le bon déroulement du cycle cellulaire.

Un acteur clé dans la dégradation des protéines de la cellule est le protéasome 26S.

La majorité des dégradations de protéines cellulaires sont réalisées par la voie

ubiquitine-protéasome. Le suppresseur de tumeur p53 est l’un des principaux

médiateurs de l’arrêt du cycle cellulaire et initiateur de l’apoptose en réponse à des

dommages cellulaires. Ainsi le contrôle de la stabilité de p53 et de son activation

représente une approche intéressante en vue d’une thérapie anti-cancéreuse. La

régulation de p53 dans la cellule repose essentiellement sur son régulateur négatif

MDM2 avec lequel p53 interagit. Un moyen d’empêcher la dégradation de p53 par le

protéasome est de cibler l’interaction p53-MDM2 par des antagonistes de MDM2.

Mots clés : protéasome, inhibition du protéasome, interaction p53-MDM2, Nutlin

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Introduction

L’homéostasie des protéines est critique pour les processus biologiques qui

sont fondamentaux pour la survie des cellules cancéreuses. Ainsi, l’un des principaux

points d’intérêts de la recherche contre le cancer est de cibler la régulation de la

production et la destruction des protéines. En particulier les facteurs qui favorisent la

prolifération et autres caractéristiques particulières des cellules malignes.

Récemment, il est devenu largement admis que la destruction ordonnée des

protéines responsables de la régulation du cycle cellulaire est cruciale pour le

contrôle des phénomènes cellulaires associés au cancer. La voie ubiquitine-

protéasome qui intervient dans 80% de la dégradation de toutes les protéines

cellulaires est le principal mécanisme de dégradation des protéines, incluant celles

jouant un rôle dans le cycle cellulaire [1•]. En conséquence, le protéasome apparaît

comme une cible attractive pour la thérapie cancéreuse. Cette étude introduit tout

d’abord les caractéristiques principales du protéasome ainsi que son rôle dans la

cellule. Ensuite l’intérêt de l’inhibition du protéasome et plus particulièrement la

responsabilité de p53 et son interaction avec MDM2 seront discutés.

Le protéasome

Le protéasome 26S est un complexe enzymatique multicatalytique exprimé

dans le noyau et le cytoplasme de toutes les cellules eucaryotes. Sa fonction

première est de dégrader les protéines, ses substrats incluent entre autres les

suppresseurs de tumeurs, les régulateurs du cycle cellulaire, les facteurs de

transcription et les protéines anti-apoptotiques [2]. Quand la dégradation de ces

protéines est interrompue, les effets sont potentiellement vastes, particulièrement

dans les cellules cancéreuses se développant rapidement et nécessitant des

protéines favorisant la croissance pour soutenir la mitose incontrôlée, caractéristique

du développement des tumeurs.

La voie ubiquitine-protéasome

Pour qu’une protéine soit reconnue par le protéasome, un petit peptide,

l’ubiquitine, doit d’abord être attaché à la protéine cible. Ce processus intervient

3

Figure 1: Ubiquitination des protéines ciblées pour le protéasome. [3•]Une enzyme activatrice de l’ubiquitine (E1) se lie à l’ubiquitine, qui est alors transféré àune enzyme conjugatrice de l’ubiquitine (E2); une ubiquitine-ligase (E3) aide le transfertde l’ubiquitine à la cible substrat. Plusieurs molécules d’ubiquitine sont attachées auxprotéines avant leur reconnaissance et dégradation par le protéasome 26S; avant ladégradation, la chaîne d’ubiquitine est détachée, permettant à l’ubiquitine libre d’êtrerecyclée.

Figure 2: Représentation schématique du protéasome 26S [2]

4

grâce à une cascade d’enzymes (E1, E2, et E3) (figure 1, [3•]) qui active l’ubiquitine

libre et la dirige vers la protéine cible. E1 active et transfère l’ubiquitine sur la

protéine porteuse E2. E2 présente l’ubiquitine à E3. E3 se lie à la protéine cible et

interagit avec E2 pour attacher l’ubiquitine à la protéine cible de façon covalente. Ce

processus est répété plusieurs fois, créant une chaîne poly-ubiquitine qui va pouvoir

être reconnue pour la destruction par le protéasome. Actuellement une seule

protéine E1 est connue, alors qu’il existe une vingtaine d’enzymes E2 et encore un

plus large nombre de ligases E3. Cette hiérarchie permet des interactions très

spécifiques qui sont essentielles à la forte coordination que nécessite la dégradation

des protéines cellulaires. Cette voie par laquelle les protéines sont ubiquitinées et

dégradées par le protéasome est critique à la fois pour la cellule mais également

pour la réponse inflammatoire et la présentation des antigènes.

Structure

Le complexe multiprotéique du protéasome consiste d’un corps principal 20S

qui est associé avec une ou deux particules régulatrices 19S (figure 2, [2]). Chaque

sous-unité 19S est capable de se lier à la chaîne poly-ubiquitine et de la détacher de

la protéine substrat. Ce substrat est alors dénaturé et introduit dans le cœur

protéolytique. La particule 20S est un cylindre composé de quatre anneaux empilés,

elle possède une faible activité catalytique dans son milieu cellulaire [3•]. Les deux

anneaux extérieurs (appelés « α ») se complexent avec les particules régulatrices

19S, formant un canal étroit à travers lequel seules les protéines dénaturées peuvent

passer. La chambre catalytique est formée par les deux anneaux β internes, chacun

contenant trois sites actifs. Ces sites diffèrent dans leur spécificité et activité et sont

nommés d’après les enzymes qui présentent des activités protéolytiques similaires.

Ces sites sont ainsi dénommés chymotrypsique, trypsique, et PGPH pour post-

glutamyl peptide hydrolase-like. Les protéines sont dégradées par le cœur

protéolytique d’une façon progressive, générant des peptides de 3 à 25 acides

aminés de long qui peuvent servir à la présentation des antigènes.

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Classe de protéines Protéine Fonction protéique

Cyclines et protéines associées Cyclines A, B, D, E Progression du cycle cellulaireCycline-dépendante kinase inhibiteurs Régulation de l'activité cycline

Suppresseur de tumeur p53 Facteur de transcriptionOncogènes c-fos/c-jun Facteur de transcription

c-myc Facteur de transcriptionN-myc Facteur de transcription

Protéines inhibitrices IκB Inhibiteur de NF-κBp130 Inhibiteur de E2F-1

Enzymes cdc 25 phosphatase CDK1/cycline B phosphataseTyrosine amino transferase (TAT) Métabolisme de la tyrosineTopoisomérase I DNA supercoilingTopoisomérase IIα DNA supercoiling

Table 1: Fonction des protéines relatives au cycle cellulaire dégradées par le protéasome [1•]

6

Inhibition du protéasome

Le protéasome 26S est donc responsable de la dégradation des protéines chez

les eucaryotes et parmi elles plusieurs protéines responsables du cycle cellulaire

(Table 1, [1•]).

Une indication du rôle important que joue le protéasome dans ce processus est

que l’arrêt des fonctions du protéasome stoppe la division cellulaire. Aussi les

cellules tumorales apparaissent plus sensitives à la perte d’activité du protéasome et

des études montrent que ces cellules sont plus sensibles à l’apoptose [1•]. Le

premier inhibiteur du protéasome à être entré en phase clinique est le Bortezomib [2],

de la famille des peptides analogues au boronate, et qui permet l’inhibition de

l’activité chymotrypsine du protéasome en se liant au site correspondant. La capacité

thérapeutique de l’inhibition du protéasome repose dans la possibilité de stabiliser

les protéines qui inhibent la survie cellulaire et la progression du cycle cellulaire [16].

Une telle protéine, p53, à été mise en évidence par MacLaren et al [11••].

Interaction p53-MDM2

Une autre approche allant dans ce sens est d’inhiber la dégradation d’une cible

importante du cycle cellulaire en amont de sa dégradation par le protéasome. Depuis

la découverte de ses puissantes activités, suppression de la croissance et apoptose,

le suppresseur de tumeur p53 a été largement étudié. D’autant plus qu’il est

majoritairement contrôlé par un seul régulateur, MDM2 (pour mouse double minute

2) qui s’y attache et contrôle négativement son activité et sa stabilité [8•]. Ainsi, des

antagonistes de MDM2 capables de séparer les deux protéines sont supposés

stabiliser et activer le suppresseur de tumeur, induisant l’arrêt du cycle cellulaire et la

mort programmée des cellules cancéreuses.

Le suppresseur de tumeur p53 joue un rôle clé dans la protection contre le

développement de cancer du à diverses formes de stress cellulaire [14•]. Ce stress

engendre des modifications post-traductionnelles, c’est à dire la phosphorylation des

sérines 15 et 20 de p53. Ceci entraîne la dissociation de MDM2 et permet donc la

tétramérisation de p53 qui va pouvoir réguler la transcription. p53 est un facteur de

transcription efficace qui régule de multiples gènes impliqués dans le contrôle du

cycle cellulaire, l’apoptose et l’antiangiogénèse.

7

MDM2

Ub

p53

MDM2

p53

MDM2

26S

CytoplasmeNoyau

dégradation

p53

apoptose

p53

MDM2

stresscellulaire p53

MDM2

Figure 3: Schématisation du rôle de MDM2 dans la voie de p53

Figure 4: Représentation de l’interaction p53-MDM2, structure cristallographiqueréalisée par Kussie et al (Science 1996) [10]En vert, MDM2, et en jaune le domaine de transactivation de p53. En évidence les3 acides aminés critiques F19, L26 et W23.

8

La concentration en p53 dans la cellule est soumise à un contrôle fort par

MDM2. En effet, MDM2 est une phosphoprotéine qui joue le rôle d’ubiquitine ligase

pour p53, elle permet entre autre l’exportation de p53 du noyau vers le cytoplasme et

son ubiquitinilation, favorisant ainsi sa dégradation par le protéasome 26S [14•].

(Figure 3, 4). De plus il existe une boucle de régulation entre p53 et MDM2,

puisqu’une forte concentration en p53 favorise la transcription de MDM2.

Inhibition du protéasome et importance de p53

MacLaren et al [11••] ont étudié l’apoptose p-53-dépendante induite par

l’inhibition du protéasome chez des cellules épithéliales mammaires. Pour cela

l’inhibition du protéasome par un peptide aldéhyde inhibiteur spécifique (MG132) est

observée sur une lignée cellulaire murine (KIM-2). Cette lignée cellulaire représente

un bon model in vitro pour étudier le développement des cellules épithéliales

mammaires car elle possède les marqueurs de différentiation spécifiques à ce type

de cellules. La figure 5 représente les résultats obtenus pour l’examen du traitement

de ces cellules par MG132 pendant 24 heures. L’apoptose est analysée par le test à

l’annexin V. Les résultats montrent que des cellules apoptotiques apparaissent après

4h de traitement. Le niveau d’apoptose augmente jusqu’à 18-20 h où il atteint un

maximum de 20%. Ceci corrèle avec le temps de division cellulaire qui est de 24h

dans cette lignée. Par ailleurs, d’autres inhibiteurs du protéasome 26 S sont testés et

présentent le même type de résultats, permettant de conclure que l’initiation de

l’apoptose est due au blocage de la dégradation des protéines par le protéasome

26S.

De plus il est reconnu que p53 est impliquée dans les signaux d’induction de

l’apoptose [14•]. Son importance dans ce phénomène au niveau de l’inhibition du

protéasome est donc étudiée. Des cellules ES contenant p53 sauvage et d’autres

étant nulles pour p53 ont été obtenues et traitées avec MG132, inhibiteur du

protéasome (plus particulièrement au niveau de l’activité chymotrypsique). Ces

cellules sont ensuite analysées comme précédemment. Les résultats de la figure 6

montrent que l’apoptose est très fortement augmentée dans les cellules exprimant

p53 sauvage comparées aux p53 nulles. De plus le même test a été réalisé dans une

lignée cellulaire exprimant une p53 mutée, montrant un faible de taux d’apoptose

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ES wt p53 ES p53 nulle

Figure 5: Mesure de l’Annexin V au cours du temps sur les cellules KIM-2. Les cellulessont traitées avec MG132 pendant 24h. Les échantillons sont récoltés et soumis à uneanalyse à l’Annexin V. Les résultats montrés sont la moyenne de trois expériences, etsont exprimés comme pourcentage des cellules positives à l’Annexin V. [11]

Figure 6: Dépendance à p53 de l’apoptose induite par l’inhibition du protéasome.Des cellules ES contenant p53 sauvage ou non (nulle) sont traitées au MG132 àdifférentes concentrations. Une analyse par Annexin V est ensuite réalisée. [11]

10

dans ces cellules. Ces résultats confirment l’importance de p53 sauvage dans

l’induction de l’apoptose, et donc l’intérêt d’inhiber sa dégradation par le protéasome.

Ciblage de l’interaction p53-MDM2

Les différentes approches

La découverte que la liaison p53-MDM2 implique une interaction de 3 résidus

acides aminés critiques de p53 avec une poche hydrophobe bien définie à la surface

de MDM2 (figure 4) a donné l’espoir de pouvoir identifier des inhibiteurs

pharmacologiques de cette interaction [13••]. Différentes approches ont été utilisées

pour valider l’interaction p53-MDM2 comme cible médicamenteuse. Celles-ci incluent

la micro-injection d’anticorps monoclonaux dirigés contre le site de liaison de p53 sur

MDM2 [4,5], l’inhibition de l’expression de MDM2 par des oligonucléotides antisens

[7,17•], ou encore la micro-injection ou expression intracellulaire de petites protéines

de fusion [15]. Toutes ces études ont démontré que le blocage de la liaison p53-

MDM2 peut perturber la boucle de régulation de p53, provoquant l’accumulation et

l’activation de la voie de p53. Cependant, ces expériences ont principalement utilisé

des outils protéiques (peptides ou protéines), qui ont donc des applications limitées,

particulièrement pour le besoin d’études en cellules vivantes ou des modèles

animaux de cancer.

L’une des exceptions est cependant l’approche utilisant les oligonucléotides

antisens. Les études utilisant cette technique ont montré que des oligonucléotides à

phosphorothioate (OPT) dirigés contre MDM2 peuvent supprimer efficacement

l’expression de MDM2, permettant ainsi l’accumulation et l’activation de p53. Les

conséquences de cette activation ont été examinées dans plusieurs souris

xenogreffes modèles de cancer humain [17•]. Les observations ont confirmé une

suppression de la croissance des tumeurs, améliorée par la combinaison avec des

médicaments génotoxiques reconnus. De plus, d’une façon surprenante, toutes les

études impliquant l’utilisation d’oligonucléotides antisens ont démontré des effets de

suppression de la croissance des tumeurs, c’est à dire aussi bien chez les cellules

cancéreuses exprimant p53 sauvage que mutée. Ces observations compliquent

l’interprétation des résultats mais laissent penser qu’il existe une voie indépendante

de p53 liant à l’apoptose et activée par MDM2.

11

Figure 7: Structure et mode de liaison des inhibiteurs de MDM2. [13]A gauche, la structure cristallographique de MDM2 avec l’inhibiteur Nutlin-2A droite, recouvrement de la Nutlin-2 (Carbone en blanc, Azote en bleu, Oxygène en enrouge, et Bromine en marron) avec la chaîne peptidique Phe19, Trp23 et Leu26.

Figure 8: Analyse de l’inhibition de la liaison p53-MDM2 par Biacore. [13]

12

Un aspect important afin de valider l’interaction p53-MDM2 comme cible du cancer

est d’évaluer les conséquences de l’activation de p53 dans les tissus normaux

proliférant. Il a été montré que l’activation de la voie de p53 peut induire une forte

toxicité dans les tissus à fort taux de prolifération. Cette toxicité peut être causée par

les deux fonctions principales de p53 [14•], c’est à dire l’arrêt du cycle cellulaire et

l’apoptose, et peut ainsi limiter toute fenêtre thérapeutique impliquant l’activation de

p53.

Inhibiteurs pharmacologiques de l’interaction p53-MDM2

De nombreux efforts sont dirigés sur le développement d’antagonistes de

MDM2 pouvant se diriger directement sur la liaison protéine-protéine. Les premières

molécules chimiques ayant démontré une activité anti-tumorale, les « chalcones »,

peuvent se lier à la poche hydrophobique de MDM2 et activent la voie de p53 mais

causent également de nombreux effets indésirables, limitant leurs applications [9].

Des dérivés de ces molécules sont également a l’étude.

Plus récemment, des molécules chimiques, les « Nutlins », antagonistes de

l’interaction p53-MDM2 ont été identifiées par criblage d’une banque de molécules

synthétiques [13••]. Ce sont des dérivés de cis-imidazoline qui peuvent se lier

étroitement dans la poche p53 de MDM2 grâce a une forte similitude avec

l’interaction entre MDM2 et les 3 acides aminés critiques de p53 (figure 7).

La capacité de liaison de ces composés est analysée par résonance

plasmonique de surface, grâce à l’équipement Biacore, dans un format de

compétition en solution (figure 8). Chaque composé est incubé, à une gamme de

concentrations différentes, avec une MDM2 humaine recombinante (exprimée dans

E.coli) puis injecté à la surface d’une puce où est fixée p53. p53 est obtenue par

expression dans E.coli et immobilisée grâce à un tag histidine. La liaison est

mesurée à l’équilibre et calculée par rapport au pourcentage maximum de liaison,

déterminé lui par l’interaction p53-MDM2 sans inhibiteur. Les résultats montrent que

ces composés délogent p53 de MDM2 pour une moyenne de concentration variant

de 100 à 300 nM. Ces imidazolines sont synthétisées en mélange racémique à partir

duquel les énantiomères peuvent être séparés par colonne chirale. Ceci a permis de

démontrer qu’il existe une différence d’activité entre les énantiomères de Nutlin, plus

13

Figure 9: Inhibition de l’interaction p53-MDM2 par la Nutlin. [13]Analyse par western-blotting des niveaux de p53, MDM2 et p21 dans des cellulesexprimant une p53 mutante (SW430) ou sauvage (HCT116) traitées à la Nutlin-1

Figure 10: Inhibition de l’interaction p53-MDM2 par la Nutlin. [13]Analyse par PCR en temps réel du niveau de transcription des gène de p53 (bleu), et p21(rouge) dans des lignées cellulaires exprimant une p53 sauvage (HCT116, RKO, H460)traitées à la Nutlin-1.Les RNA totaux sont extraits puis convertis en cDNA en utilisant le Taqman RT reagentskit. Les quantités de transcrits sont déterminées par Taqman en utilisant des sondes etamorces spécifiques.

mutant wt

14

particulièrement pour la Nutlin-3 (figure 8c) où une différence de 150 peut être

observée entre ses deux formes.

Afin de déterminer si l’inhibition de l’interaction p53-MDM2 par ces analogues

d’imidazoline se traduit par l’activation de la voie cellulaire de p53, des cellules

cancéreuses exprimant p53 sauvage sont étudiées [13••] (HCT116 et RKO). Par

ailleurs, des lignées cellulaires exprimant une p53 mutante sont utilisées comme

contrôle négatif (SW480, MDA-MB-435, PC3). Tout d’abord les effets des inhibiteurs

de MDM2 sur les niveaux cellulaires de p53, MDM2 et p21 sont examinés (figure 9).

Il faut préciser que p21 est une cible de transcription majeure de p53 activée. Les

deux différentes lignées cellulaires, exprimant p53 mutée ou sauvage, sont incubées

pendant 8h avec de la Nutlin-1. Les lysats cellulaires sont ensuite analysés par

western-blotting en utilisant des anticorps spécifiques pour p53, MDM2 et p21. Les

résultats montrent que le traitement à la Nutlin-1 a généré une augmentation des

concentrations des trois protéines, dépendante de la concentration en inhibiteur chez

les cellules exprimant p53 sauvage. A l’opposé, les cellules exprimant p53 mutée ne

montrent aucun changement dans les concentrations en protéines, si ce n’est une

plus forte quantité initiale de p53. Les mêmes observations sont faites dans des

autres lignées cellulaires, en liaison avec le statut de p53. Ainsi, ces résultats

confirment que p53 sauvage s’accumule dans la cellule après un traitement à la

Nutlin-1 et provoque une augmentation des taux de MDM2 et p21, conformément au

cycle d’activation de la voie p53.

Afin de confirmer que l’accumulation de p53 est due à une inhibition de la

dégradation de la protéine plutôt qu’à une augmentation du niveau d’expression du

gène p53, l’expression des gènes p53 et p21 est mesurée par PCR en temps réel

(Taqman), dans 3 lignées cellulaires exprimant p53 sauvage et traitées à la Nutlin-1

(figure 10). Les résultats montrent que la transcription de p21 augmente de manière

dépendante de la concentration en inhibiteur et en accord avec l’augmentation de la

concentration en p53, son activateur. Par contre, la transcription du gène p53 n’est

pas affectée par le traitement à la Nutlin-1. Ces données indiquent que les Nutlins

régulent p53 par un mécanisme post-traductionnel. Il peut être remarqué qu’aucun

témoin négatif n’est utilisé pour cette expérience. Ceci peut s’expliquer par le fait que

la p53 mutée est inactive, et ne permettrait donc pas l’activation de la transcription de

p21, essentielle à l’expérience. Aussi p53 garderait elle-même sa concentration de

base et ne subirait pas de changement au niveau transcriptionnel.

15

Figure 11: Inhibition de l’interaction p53-MDM2 par la Nutlin. [13]Analyse de l’activité antiproliférative et cytotoxique de la Nutlin-1 mesurée par le test MTTdans des lignées cellulaires cancéreuses exprimant une p53 sauvage (bleu: HCT116,RKO, SJSA-1) ou mutante (jaune: MDA-MB-435, SW480). Les cellules sont traitéespendant 5 jours à différentes concentrations.

Figure 12: Activité antitumorale in vivo des inhibiteurs de MDM2. [13]Des souris nues (10 animaux par groupe de dose) portant des xénogreffes sous-cutanées de cancer humain (SJSA-1) d’un volume moyen de 185 mm3 reçoivent 200mg/kg d’une dose orale de Nutlin-3, 2 fois/jour ou une 10 mg/kg de doxorubicine enintraveineuse une fois par semaine pendant 3 semaines. Le volume des tumeurs estmesuré périodiquement pendant la durée du traitement.En carré noir: Nutlin-3 et carré blanc: contrôleEn rond noir: Doxorubicin et rond blanc: contrôle

16

Ensuite, l’effet de l’inhibiteur de MDM2 sur la croissance et la viabilité des cellules

cancéreuses est observé (figure 11). Cinq lignées cellulaires différentes, exprimant

p53 mutée ou sauvage, sont incubées avec de la Nutlin-1 pendant 5 jours. La

viabilité des cellules est mesurée avec le MTT assay. Cette méthode utilise une

coloration au 3-(4,5-dimethylthiazol-2-yl)-2,5-diphenyltetrazolium bromide, et peut

être mesurée par spectrophotométrie. Les résultats montrent une activité

antiproliférative et cytotoxique concentration-dépendante, et en corrélation avec le

statut de p53 dans les différentes lignées cellulaires. La valeur IC50 des cellules avec

p53 sauvage (1,4 à 1,8 µM) est sensiblement plus faible que celle des autres cellules

avec p53 mutante (13 à 21 µM), démontrant que la voie de p53 ne peut être activée

que dans les cellules exprimant la p53 sauvage.

Finalement, la capacité de ces inhibiteurs de l’interaction p53-MDM2 à

supprimer la croissance de tumeur xénogreffe établie dans des souris est étudiée

(figure 12). Pour cette expérience, la Nutlin-3 est utilisée ainsi que la lignée cellulaire

SJSA-1 d’osteosarcoma humain. La Nutlin-3 est bien tolérée par administration orale

à 200 mg/kg, deux fois par jour pendant 20 jours, permettant d’atteindre des

concentrations dans le plasma au-dessus de son IC90 déterminé dans la lignée

cellulaire correspondante (3,5 µM). Le traitement à la Nutlin-3 chez les souris portant

des tumeurs de 100 à 300 mm3 résulte dans 90% des cas à l’inhibition de la

croissance des tumeurs, en fonction du mode d’administration. De plus, les souris ne

présentent pas de perte de poids ou autre anormalité après la fin du traitement

[13••].

Conclusion

L’interaction entre le suppresseur de tumeur clé p53 et son régulateur négatif

MDM2 est un point d’intérêt dans la recherche de médicament contre le cancer

depuis une dizaine d’années. De nombreuses études ont prouvé le concept que la

disruption de cette interaction protéine-protéine peut activer la voie de p53 dans les

cellules cancéreuses. L’identification de molécules chimiques de synthèse

antagonistes de MDM2, a permis de réaliser des études in vivo et de renforcer la

notion de l’interaction p53-MDM2 comme une stratégie potentiellement viable pour

traiter le cancer. Cependant de nombreuses questions subsistent concernant le vrai

17

mécanisme de ces molécules pour la thérapie contre le cancer. Aussi, bien qu’au

moins 50% des tumeurs humaines retiennent leur p53 sauvage, et de ce fait doivent

être sensibles à une thérapie d’activation de p53, le taux de réponse peut être limité

par des problèmes intervenant à d’autres niveaux de la voie de p53. Actuellement, il

est reconnu que les tumeurs qui répondent le mieux à une thérapie par des

antagonistes de MDM2 sont celles possédant p53 et une amplification du gène

MDM2. Dans ces cellules, la surexpression de MDM2 est la seule aberration et donc

la restauration de la fonction de p53 doit permettre une forte réponse apoptotique.

Des études pré cliniques en cours se concentrent sur le rôle du statut de MDM2 et la

nature génétique des autres membres de la voie de p53 en réponse à l’activation de

p53.

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Références

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