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Institut international de planification de l’éducation Publié dans la série : Principes de la planification de l’éducation - 64 La décentralisation dans l’éducation : pourquoi, quand, quoi et comment ? N. McGinn et T. Welsh Pour obtenir une copie de cet ouvrage, s’adresser à : [email protected] Le catalogue des publications et documents peut être consulté sur le site Web de l’IIPE : http://www .unesco.org/iiep Co-operation Agency (Sida) has provided financial assistance for the publication of this bookle L’Agence suédoise d’aide au développement international (Asdi) a fourni une aide financière pour la publication de cette brochure.i Publié par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture 7 place de Fontenoy, F 75352 Paris 07 SP ISBN 92-803-2193-5 © UNESCO 1999

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Institut international de planification de l’éducation

Publié dans la série :Principes de la planification de l’éducation - 64

La décentralisationdans l’éducation : pourquoi, quand,

quoi et comment ?

N. McGinn et T. Welsh

Pour obtenir une copie de cet ouvrage, s’adresser à :[email protected]

Le catalogue des publications et documents peut être consultésur le site Web de l’IIPE : http://www.unesco.org/iiep

Co-operation Agency (Sida) has provided financial assistance for the publicationof this bookle

L’Agence suédoise d’aide au développement international (Asdi) a fourni une aidefinancière pour la publication de cette brochure.i

Publié parl’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture

7 place de Fontenoy, F 75352 Paris 07 SPISBN 92-803-2193-5

© UNESCO 1999

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Dans cette collection* :1. Qu’est-ce que la planification de l’éducation ? P.H. Coombs2. Les plans de développement de l’éducation et la planification économique et sociale, R. Poignant3. Planification de l’éducation et développement des ressources humaines, F. Harbison4. L’administrateur de l’éducation face à la planification, C.E. Beeby5. Le contexte social de la planification de l’éducation, C.A. Anderson6. La planification de l’enseignement : évaluation des coûts, J. Vaizey, J.D. Chesswas7. Les problèmes de l’enseignement en milieu rural, V.L. Griffiths8. Le rôle du conseiller en planification de l’enseignement, A. Curle9. Les aspects démographiques de la planification de l’enseignement, Ta Ngoc Châu10. Coûts et dépenses en éducation, J. Hallak11. L’identité professionnelle du planificateur de l’éducation, A. Curle12. Planification de l’éducation : les conditions de réussite, G.C. Ruscoe13. L’analyse coût-bénéfice dans la planification de l’éducation, M. Woodhall14. Planification de l’éducation et chômage des jeunes, A. Callaway16. Planification de l’éducation pour une société pluraliste, Chai Hon-chan17. La planification des programmes d’enseignement primaire dans les pays en voie de développement,

H.W.R. Hawes18. Planification de l’aide à l’éducation pour la deuxième décennie du développement, H.M. Phillips19. Les études à l’étranger et le développement de l’enseignement, W.D. Carter20. Pour une conception réaliste de la planification de l’éducation, K.R. McKinnon21. La planification de l’éducation en relation avec le développement rural, G.M. Coverdale22. La planification de l’éducation : options et décisions, J.D. Montgomery23. La planification du programme scolaire, A. Lewy24. Les facteurs de coûts dans la planification des systèmes de technologies éducatives, D.T. Jamison25. Le planificateur et l’éducation permanente, P. Furter26. L’éducation et l’emploi : une étude critique, M. Carnoy27. Planification de l’offre et de la demande d’enseignants, P. Williams28. Planification de l’éducation préscolaire dans les pays en développement, A. Heron29. Moyens de communication de masse et éducation dans les pays à faible revenu : répercussions sur

la planification, E.G. McAnany, J.K. Mayo30. La planification de l’éducation non formelle, D.R. Evans31. Education, formation et secteur traditionnel, J. Hallak et F. Caillods32. Enseignement supérieur et emploi : l’expérience de l’IIPE dans cinq pays en développement, G.

Psacharopoulos et B.C. Sanyal33. La planification de l’éducation comme processus social, T. Malan34. Enseignement supérieur et stratification sociale : une comparaison internationale, T. Husén35. Un cadre conceptuel pour le développement de l’éducation permanente en URSS, A. Vladislavlev36. Education et austérité : quelles options pour le planificateur ? K.M. Lewin37. La planification de l’éducation en Asie, R. Roy-Singh38. Les projets d’éducation : préparation, financement et gestion, A. Magnen39. Accroître l’efficacité des enseignants, L. Anderson40. L’élaboration des programmes scolaires à l’échelon central et à l’échelon des écoles, A. Lewy41. Planification des ressources humaines : méthodes, expériences, pratiques, O. Bertrand42. Redéfinition de l’éducation de base en Amérique latine : les enseignements de l’Ecole Nouvelle

colombienne, E. Schiefelbein43. La gestion des systèmes d’enseignement à distance, G. Rumble44. Stratégies éducatives pour les petits Etats insulaires, D. Atchoarena45. Evaluation de la recherche en éducation fondée sur l’expérimentation et sur les enquêtes, R.M. Wolf46. Droit et planification de l’éducation, I. Birch47. Utilisation de l’analyse sectorielle de l’éducation et des ressources humaines, F. Kemmerer48. Analyse du coût de l’insertion scolaire des populations marginalisées, Mun C. Tsang49. Un système d’information pour la gestion fondé sur l’efficience, Walter W. McMahon50. Examens nationaux : conception, procédures et diffusion des résultats, John P. Keeves51. Le processus de planification et de formulation des politiques d’éducation : théorie et pratiques,

W.D. Haddad, assisté par T. Demsky52. A la recherche d’un enseignement adapté : l’orientation vers le travail dans l’éducation, W. Hoppers53. Planifier pour l’innovation en matière d’éducation, Dan E. Inbar54. Analyse fonctionnelle de l’organisation des ministères d’éducation, R. Sack et M. Saïdi55. Réduire les redoublements : problèmes et stratégies, T. Eisemon56. Faire davantage participer les filles et les femmes à l’éducation, N. P. Stromquist57. Installations et bâtiments éducatifs : ce que les planificateurs doivent savoir, J. Beynon58. La planification de programmes d’alphabétisation des adultes centrés sur les élèves, S.E. Malone et

R.F. Arnove59. Former les enseignants à travailler dans des établissements et/ou des classes réputés difficiles,

J.-L. Auduc60. L’évaluation de l’enseignement supérieur, Jeanne Lamoure Rontopoulou61. A l’ombre du système éducatif. Le développement des cours particuliers : conséquences pour la

planification de l’éducation, Mark Bray62. Une gestion plus autonome des écoles, Ibtisam Abu-Duhou63. Mondialisation et réforme de l’éducation : ce que les planificateurs doivent savoir, Martin Carnoy

* Série publiée également en anglais. Autres titres à paraître.

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La décentralisation dans l’éducation :pourquoi, quand, quoi et comment ?

Thomas Welsh et Noel F. McGinn

Paris 1999UNESCO : Institut international de planification de l’éducation

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L’Agence suédoise d’aide au développement international (Asdi) afourni une aide financière pour la publication de cette brochure.

Publié en 1999 par l’Organisation des Nations Uniespour l’éducation, la science et la culture7, place de Fontenoy, 75007 Paris

Maquette de couverture : Pierre FinotComposition : Linéale ProductionImprimé en France par SAGIMISBN 92-803-2193-5

© UNESCO 1999

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Principes de la planification de l’éducation

Les brochures de cette collection sont destinées principalement à deuxcatégories de lecteurs : ceux qui occupent déjà des fonctions dansl’administration et la planification de l’éducation, dans les pays endéveloppement comme dans les pays industrialisés ; et d’autres, moinsspécialisés – hauts fonctionnaires et hommes politiques, par exemple –qui cherchent à connaître de façon plus générale le mécanisme de laplanification de l’éducation et les liens qui la rattachent audéveloppement national dans son ensemble. Ces brochures sont, dece fait, destinées soit à l’étude individuelle, soit à des cours de formation.

Depuis le lancement de cette collection en 1967, les pratiques etles concepts de la planification de l’éducation ont subi d’importantschangements. Plusieurs des hypothèses qui étaient sous-jacentes auxtentatives antérieures de rationaliser le processus du développementde l’éducation ont été critiquées ou abandonnées. Toutefois, si laplanification centralisée, rigide et obligatoire, s’est manifestementrévélée inadéquate, toutes les formes de planification n’ont pas étéabandonnées. La nécessité de rassembler des données, d’évaluerl’efficacité des programmes en vigueur, d’entreprendre des étudessectorielles et thématiques, d’explorer l’avenir et de favoriser un largedébat sur ces bases s’avère au contraire plus vive que jamais pourorienter la prise de décision et l’élaboration des politiques éducatives.

La planification de l’éducation a pris une envergure nouvelle.Outre les formes institutionnelles de l’éducation, elle porte à présentsur toutes les autres prestations éducatives importantes, dispenséeshors de l’école. L’intérêt consacré à l’expansion et au développementdes systèmes éducatifs est complété, voire parfois remplacé, par lesouci croissant d’améliorer la qualité du processus éducatif dans sonensemble et d’évaluer les résultats obtenus. Enfin, planificateurs etadministrateurs sont de plus en plus conscients de l’importance desstratégies de mise en œuvre et du rôle joué à cet égard par les divers

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Principes de la planification de l’éducation

mécanismes de régulation : choix des méthodes de financement,d’examen et de délivrance des certificats et diplômes, ou d’autresstructures de régulation et d’incitation. La démarche des planificateursrépond à une double préoccupation : mieux comprendre la valeur et lerôle de l’éducation par l’observation empirique des dimensionsparticulières qui sont les siennes, et contribuer à définir des stratégiespropres à amener le changement.

Ces brochures ont pour objet de refléter l’évolution et leschangements des politiques éducatives et de mesurer leurs effets surla planification de l’éducation ; de mettre en lumière les questions quise posent actuellement en la matière et de les analyser dans leur contextehistorique et social ; et de diffuser des méthodes de planificationpouvant s’appliquer aussi bien aux pays en développement qu’auxpays industrialisés.

Afin d’aider l’Institut à bien identifier les préoccupations actuellesdans les domaines de la planification et de l’élaboration des politiquesde l’éducation dans diverses parties du monde, un Comité de rédactiona été mis en place. Il comprend deux rédacteurs en chef et desrédacteurs associés, venus de différentes régions, tous éminentsspécialistes dans leurs domaines respectifs. Lors de la première réunionde ce nouveau Comité de rédaction en janvier 1990, ses membres ontdéfini les sujets les plus importants à traiter dans les numéros ultérieurssous les rubriques suivantes :

1. L’éducation et le développement.2. L’équité.3. La qualité de l’éducation.4. Structure, administration et gestion de l’éducation.5. Les programmes d’enseignement.6. Coût et financement de l’éducation.7. Techniques et approches de la planification.8. Systèmes d’information, suivi et évaluation.

Chaque rubrique est confiée à un ou deux rédacteurs.

La collection correspond à un plan d’ensemble soigneusementétabli, mais aucune tentative n’a été faite pour éliminer les divergences,voire les contradictions, entre les points de vue exposés par les auteurs.L’Institut, pour sa part, ne souhaite imposer aucune doctrine officielle.

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Principes de la planification de l’éducation

S’il reste entendu que les auteurs sont responsables des opinions qu’ilsexpriment – et qui ne sont pas nécessairement partagées par l’UNESCOet l’IIPE – elles n’en sont pas moins dignes de faire l’objet d’un vastedébat d’idées. Cette collection s’est d’ailleurs fixé comme objectif derefléter la diversité des expériences et des opinions en donnant à desauteurs venus d’horizons et de disciplines très variés la possibilitéd’exprimer leurs idées sur l’évolution des aspects théoriques et pratiquesde la planification de l’éducation.

La décentralisation est, sans doute, l’un des phénomènes les plusimportants qui ait figuré à l’ordre du jour de la planification del’éducation ces 15 dernières années. Nombre de décideurs s’interrogentsur les raisons pour lesquelles un pays devrait décentraliser sonprocessus décisionnel en matière d’éducation et sur les types dedécisions susceptibles d’en bénéficier. Le présent ouvrage vise à doterles planificateurs de l’éducation et les décideurs d’outils conceptuelsutiles pour aborder la question de la décentralisation.

Cet ouvrage examine les idées et objectifs centraux des politiquesde décentralisation et analyse les motifs qui incitent de nombreuxpays à s’orienter vers l’une ou l’autre de ces politiques. L’ouvragepose la question de l’autorité de tutelle sous laquelle devrait être placéel’éducation au regard des compétences professionnelles, de la légitimitépolitique et de l’efficacité des mécanismes du marché. Il suggère enoutre des moyens efficaces pour évaluer les différents contextes et lespossibilités qu’ils offrent de mener à bien une stratégie dedécentralisation.

Thomas Welsh, ancien membre de l’Institut de développementinternational de Harvard, et Noel McGinn, Professeur émérite à laGraduate School of Education de l’Université de Harvard, contribuent,par cet ouvrage d’une valeur inestimable, à élargir le champ actueldes connaissances en la matière. Ils se livrent à une étude approfondiedes concepts et des raisonnements qui étayent les différentes approchesdu sujet. L’IIPE leur est profondément reconnaissant de l’aide précieuseainsi apportée dans le cadre de la planification de l’éducation et dudébat sur la décentralisation.

Jacques HallakSous-Directeur général, UNESCO

Directeur, IIPE

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Composition du Comité de rédaction

Président : Jacques HallakSous-Directeur général de l’UNESCODirecteur, IIPE

Rédacteurs en chef : Françoise CaillodsIIPE

T. Neville Postlethwaite (Professeur Emeritus)Université de HambourgAllemagne

Rédacteurs associés : Jean-Claude EicherUniversité de BourgogneFrance

Claudio de Moura CastroBanque interaméricaine de développementEtats-Unis d’Amérique

Kenneth N. RossIIPEFrance

Richard SackSecrétaire exécutifAssociation pour le développementde l’éducation en Afrique (ADEA)France

Sibry TapsobaCentre de recherches pourle développement international (CRDI)Sénégal

Rosa Maria TorresFondation Kellogg/IIPE-BuenosAiresArgentine

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Préface

La décentralisation est l’un des phénomènes les plus importants quiaient marqué la planification de l’éducation au cours des 15 dernièresannées. Qui devrait prendre des décisions en matière de scolaritépublique ? Qui devrait en assumer la charge financière ? Ces questionsfont l’objet de débats passionnés. Dans le contexte actuel d’incitationà la réduction des dépenses publiques et à l’amélioration du rendementd’utilisation des ressources, la décentralisation est devenue une réalitédans de nombreux pays, même dans les pays considérés commefortement centralisés.

Les raisons de la décentralisation sont multiples. Dans certainscas, l’objectif est d’accroître l’efficacité des méthodes de direction etde gestion. Face à la lourdeur et aux lenteurs de la bureaucratie étatique,à l’incapacité de cette dernière à gérer les problèmes d’affectation desenseignants, les salaires des enseignants, l’achat et la répartition deséquipements et matériels ou l’entretien des bâtiments, la décentralisationest, semble-t-il, la solution idéale : elle peut permettre une identificationplus rapide des problèmes et faciliter la recherche de solutions plusappropriées. Bien souvent, aussi, la décentralisation est l’aboutissementd’un processus de démocratisation politique : l’opinion publiquemanifeste sa volonté d’être consultée et associée à l’élaboration desdécisions qui la concernent directement. La décentralisation contribueen outre à une définition claire et précise de la responsabilité. D’autresraisons se cachent parfois derrière ces efforts de réforme administrative,parmi lesquelles le désir de certains gouvernements de limiter le pouvoirdes syndicats d’enseignants. Mais, dans plusieurs pays endéveloppement, le principal moteur de la décentralisation a sans douteété la quête de nouvelles ressources. Des administrations centralesdélèguent le pouvoir de gestion des écoles qu’elles ne peuvent plusfinancer. La décentralisation permet, par le bais de taxes spéciales oud’une participation des collectivités, de mobiliser des ressources àl’échelon local qui, à défaut, ne seraient pas disponibles. Même sil’État continue de financer largement l’éducation en octroyant desfonds à des autorités régionales, on peut supposer que l’utilisation

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Préface

des fonds publics, de par leur rareté, relèvera de décisions plusréfléchies.

La mobilisation des ressources est néanmoins un argument à doubletranchant au plan de la décentralisation. Les ressources humaines etfinancières dont disposent les provinces et les communautés sontextrêmement inégales. Si l’État ne compense pas ces inégalités enfournissant les ressources et l’assistance technique nécessaires, il està craindre que la décentralisation ne crée de profondes disparités.

Ce débat, marqué par des considérations idéologiques etphilosophiques, se poursuit depuis plusieurs années. Force est dereconnaître, toutefois, qu’aucun pays n’est totalement centralisé nitotalement décentralisé. La véritable question qui se pose concerne,en réalité, les décisions qui devraient faire l’objet d’une décentralisation,l’autorité à laquelle les écoles devraient rendre compte et le rôle detutelle qu’exercera l’État. La décentralisation de l’éducation est devenule terme générique pour désigner tout transfert de pouvoir d’une autoritéd’un échelon hiérarchiquement supérieur à une autorité d’un échelonhiérarchiquement inférieur. Mais ce transfert peut recouvrir plusieursformes et le problème est complexe. Si cet échelon hiérarchiquementinférieur est un autre échelon administratif au sein du ministère del’Éducation, comme une administration de province ou une école parexemple, on appelle ce processus une déconcentration. S’il s’agitd’une autorité, régionale ou locale, élue, on parle alors dedécentralisation de pouvoirs, stricto sensu. La décentralisation peutaussi désigner un transfert d’autorité à une entreprise privée ou à unindividu : ce processus s’apparente plus précisément à uneprivatisation. Selon le cas, on obtient donc des résultats différents.

Un précédent ouvrage de cette collection contenait une analysedétaillée de la gestion à l’échelon scolaire, c’est-à-dire d’un processusde décentralisation au profit d’un organisme spécialisé, en l’occurrencel’école. Tout en analysant les différents modèles de décentralisation,Thomas Welsh et Noel McGinn, auteurs du présent ouvrage, admettentquant à eux leur préférence pour une décentralisation au bénéfice dereprésentants de collectivités locales, à laquelle ils donnent le nom destratégie de légitimité politique. Leur étude porte également sur les

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Préface

types de décisions qui ont fait l’objet d’une redistribution dans différentscontextes.

Par ailleurs, les décideurs s’intéressent aux conditions à remplirpour mener à bonne fin une réforme de décentralisation. De mêmes’interrogent-ils sur le contexte politique qui se prête le mieux à telleou telle forme de décentralisation et sur les mesures à prendre pour enassurer le succès ?

Dans le présent ouvrage, Thomas Welsh et Noel McGinnanalysent un grand nombre de publications sur ce thème et contribuentainsi à la qualité de cette collection. Plus qu’un bilan des dernièresnouveautés en la matière, leur ouvrage est un apport capital pourl’approfondissement et l’élargissement des connaissances qui entourentle débat sur la décentralisation.

L’Institut a pour but de promouvoir ce débat en créant un vastecadre d’étude et d’échange de vue. Au-delà des multiples avantagesd’un débat public, les processus d’élaboration des décisions impliquenten effet d’apprécier un grand nombre de facteurs et de typesd’information variés. L’Institut espère que ces ouvrages, par lesdifférents éclairages qu’ils projettent sur les thèmes abordés, fournirontaux planificateurs de l’éducation une aide utile pour répondre à ladiversité de leurs besoins.

Françoise CaillodsCorédacteur en chef

Le soutien scolaire privé – les cours particuliers, les cours de vacances,et autre cours privé de soutien – n’est pas un phénomène nouveau : ilest pratiqué depuis de nombreuses années dans les pays développéscomme dans les pays en développement. En fait, le soutien scolaireprivé est devenu partie intégrante de l’environnement éducatif, à telpoint que nul ne remet réellement son existence en question.L’importance de ce type d’activités varie largement d’un pays à l’autre,mais elle est souvent sous-estimée. Dans certains pays, les courssupplémentaires privés, qu’ils soient dispensés sur une base individuelleou dans des institutions spécialisées, sont devenus une énormeentreprise, qui mobilise des ressources considérables et assure un grandnombre d’emplois. Mark Bray signale qu’en République de Corée –probablement un cas extrême –, les parents consacrent au soutien

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Remerciements

Jacquie L. Kay de WPI, Inc., Cambridge, MA, États-Unis, a fait deprécieuses suggestions pour la préparation de cet ouvrage.

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Table des matières

Préface 9

Introduction 15

I. Définitions et concepts de base 17Complexité de la décentralisation 18Images de la décentralisation 19

II. Pourquoi décentraliser ? 22Pourquoi l’éducation a-t-elle été centralisée ? 23Raisons du mouvement de décentralisation 28Liste des objectifs de la décentralisation 29Qui doit contrôler l’éducation ? 31

III. Quelles décisions transférer ? 55Variations des sites décisionnels 55Catégories de décisions en matière d’éducation 64

IV. Préparation à la décentralisation : conditions à remplir 82Participation des acteurs aux projets dedécentralisation 82Compétences requises pour une décentralisationefficace 89Analyse des polarités 92

Polarité constitutionnelle 92Polarité légale ou institutionnelle 93Polarité du personnel 95Polarité civile 98

V. Recommandations 101

Bibliographie 104

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Introduction

Cette monographie résume ce que ses auteurs ont appris à traversl’expérience d’autrui sur le transfert d’attributions dans l’enseignementpublic. Les conclusions se fondent sur les résultats de toute unegamme d’expériences menées dans un certain nombre de pays. Onpeut désormais spécifier les conditions à remplir pour qu’une telleréforme atteigne les objectifs qui lui ont été fixés. Il existe plusieursformes de décentralisation qui correspondent à diverses stratégiesd’application. La plupart d’entre elles consistent à délocaliser unnombre restreint de décisions. Dans certains cas, la décentralisationn’est absolument pas souhaitable, ni même envisageable. Chacunede ces questions sera abordée dans le présent ouvrage.

Le propos de cette monographie est de décrire une stratégiegénérique de décentralisation dans un système éducatif. Le chapitre Ianalyse quelques définitions conceptuelles à cet égard. Les chapitres IIà V sont consacrés aux principales questions relatives aux politiquesde transfert d’attribution dans l’éducation, à savoir :

Chapitre II. Pourquoi opérer une décentralisation ?

Cette question a trait à la poursuite et à la réalisation ou non desobjectifs des diverses réformes de l’éducation. Comme nous allons levoir, elle porte non seulement sur des décisions et des résultatsspécifiques, mais aussi sur les personnes à qui il incombe de prendreces décisions et celles qui en bénéficient. Le chapitre II passe enrevue un certain nombre de réformes en la matière.

Chapitre III. Quelles sortes de décisions particulières faut-ildélocaliser ?

L’éducation est une activité complexe qui englobe plusieurs typesde décisions. Le chapitre III définit ces décisions, ainsi que les motifset les conditions d’exercice du pouvoir dont elles relèvent.Il commencepar décrire les différents modes de transfert d’attributions selon les

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La décentralisation dans l’éducation :pourquoi, quand, quoi et comment ?

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pays, puis catalogue les décisions spécifiques les plus importantespour le processus éducatif.

Chapitre IV. Quel est le moment le plus opportun pourentreprendre une telle réforme ?

Cette question porte sur les conditions requises pour mener àbien une réforme et atteindre les objectifs de ce transfert. Lechapitre IV propose un modèle d’identification des principaux agentssociaux et des positions qu’ils sont susceptibles d’adopter en matièrede transfert d’attributions ; il décrit également les capacités et lesmoyens dont doit disposer le système éducatif pour que le transfertréponde aux objectifs souhaités.

Une restructuration se fait rarement sans détour, de même quel’analyse développée dans cette monographie doit présenter quelquesdigressions par rapport à la suite logique des trois questions qui viennentd’être posées. Plusieurs études de cas permettent d’illustrer la tactiqueou les aspects singuliers d’une stratégie. Même si la réussite (ou l’échec)dans un contexte donné ne justifie pas (ou contre-indique) le transfertdans un autre contexte, la description du processus peut néanmoinsêtre utile pour comprendre la manière d’élaborer une stratégiepersonnalisée.

L’accent porte sur la notion de « stratégie » en tant que processusd’adaptation et de réforme des politiques éducatives pour répondre àl’évolution des besoins tout en améliorant l’information et lacompréhension. Il n’existe aucune recette simple pour mener à bienun transfert d’attribution de l’éducation. Il y a plusieurs issues possibles,parfois contradictoires. Les systèmes ne sont pas monolithiques ; onpeut délocaliser simultanément quelques éléments et en regrouperd’autres au centre. Certaines politiques reportent toute l’autorité versd’autres instances, tandis que d’autres préconisent le partage du pouvoir.Les processus qui permettent d’opérer ce transfert sont complexes etvarient selon la conjoncture nationale.

Le chapitre V conclut cette monographie en formulant desrecommandations sur les principes généraux à observer en matière detransfert de compétences. Ces principes sont, par définition, personnelset ne peuvent se justifier par référence à un fait empirique.

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I. Définitions et concepts de base

Toute organisation publique ou privée est « régie », autrementdit elle se conforme aux décisions relatives à l’objet, à la structure, aupersonnel, à la clientèle et aux ressources. Le terme « organisation »recouvre des groupements aussi divers que les pouvoirs publics, lesministères de l’Éducation, les conseils des écoles, les associations deparents d’élèves et d’enseignants et les municipalités. Ces organisationssont définies comme des acteurs au sens collectif, bien que ce soientles individus qui, dans la plupart des cas, sont les véritables acteurs ausein de chaque organisation. Dans une organisation autocratique, parexemple, les décisions sont prises par une seule personne ou par unpetit nombre d’individus. Là où cela paraît essentiel, une distinctionest établie entre organisation autocratique et organisation démocratique.Sinon, le terme « organisation » est employé pour désigner un largeéventail de groupements susceptibles d’être investis d’un pouvoir dedécision en matière d’éducation.

Les décisions en question sont celles qui sont censées affecter lecomportement des membres de l’organisation. La Constitution, lalégislation, les décrets et la réglementation désignent qui sont lesresponsables attachés à une fonction (par exemple, un inspecteurd’académie) ou les organes de gouvernement collectifs (par exemple,un Conseil général) qui disposent du pouvoir de décision. Ces décisionspeuvent être qualifiées de « structurelles » dans la mesure où ellesencadrent et forgent les décisions et les comportements des membresde l’organisation (OCDE, Centre pour la recherche et l’innovationdans l’enseignement, 1995). L’analyse exclut toutes les autres décisionsque prennent chaque jour dans leur travail les enseignants, les chefsd’établissement, les inspecteurs, les hauts responsables des ministèreset autres.

La décentralisation vise à délocaliser les responsabilités,à transférer le pouvoir de décision des individus qui sont dansun lieu ou à un niveau donné par rapport aux instances

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éducatives vers ceux qui opèrent à un autre niveau. Le lieu dupouvoir s’exprime en fonction de la localisation du poste ou de l’organede gouvernement (par exemple, au niveau local). Quatre lieux depouvoir sont envisagés dans cette monographie : legouvernement central ; les instances de gouvernement desÉtats fédérés, des provinces ou des régions ; la municipalité,les comtés ou les districts ; l’école.

Complexité de la décentralisation

On définit souvent la décentralisation relative à l’éducation à traversquatre degrés de transfert d’attributions : la déconcentration, ladélégation, la décentralisation et la privatisation (Rondinelli et al., 1984).En dépit des variations considérables dans la pratique, ces définitionsconstituent un bon point de départ pour notre analyse. Comme nousl’avons déjà laissé entendre, les mouvements de déconcentrationpermettent d’étendre le pouvoir central sans le transférer à d’autresinstances. Si un gouvernement national crée, par exemple, des servicesadministratifs chargés des examens dans les capitales régionales, ilréduit la concentration de l’autorité dans la capitale. Les mouvementsde déconcentration déplacent l’autorité pour ce qui est de l’applicationdes règlements mais non pour leur élaboration.

Certains pays délèguent la charge de l’enseignement public auxreprésentants du Ministre dans chaque capitale régionale. Cettedémarche aura marqué la première étape de la réforme de l’éducationentreprise au Mexique en 1979. Les délégués nommés par le Ministredans chaque État sont investis d’un pouvoir couvrant les aspectsessentiels de l’éducation. Ils s’entretiennent avec les responsables dugouvernement central, comme le gouverneur, mais sont responsablesdevant le Ministre.

Le mot « décentralisation » implique qu’une charge est rendueà une organisation d’où elle a été détachée. Ce terme est souventemployé par ceux qui réclament un transfert de l’autorité au bénéficed’un plus grand nombre d’instances locales du gouvernement àl’échelon régional ou municipal.

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Définitions et concepts de base

La variété des étiquettes et des stratégies explique pourquoi lebilan des politiques de « décentralisation » donne des résultats aussicontradictoires. Les acteurs vont peut-être adopter une même politiquedans plusieurs pays, mais diversifier leurs objectifs, ne pas s’en tenirà une stricte application des règles et les frelater. Il n’existe pas dedimension unique ou de stratégie idéale applicable dans tous les cas.

La plupart des mouvements de décentralisation, dit-on, neparviennent pas à atteindre les objectifs qui leur ont été fixés parceque les réformateurs estiment que les autres ont la mêmecompréhension du transfert et partagent les mêmes objectifs. Pouréviter pareille erreur, nous commencerons par examiner différentesconceptions à propos de la décentralisation.

Images de la décentralisation

Le mot « décentralisation » implique la dispersion d’un élémentaccumulé ou concentré en un seul point. Une métaphore courammentemployée pour décrire cette dispersion est celle de la pyramide. Laplupart des organismes publics et privés comptent sur des « leaders »ou des personnes spécialement désignées pour prendre des décisionspour le reste des membres de l’organisation. Que ce soit dans le secteurpublic ou privé, les grandes organisations ont tendance à avoir unestructure hiérarchique, autrement dit de multiples niveaux deresponsabilité. Les décisions prises au « sommet » affectent un plusgrand nombre d’individus, tandis que celles qui sont prises à la « base »en affectent moins. Le graphique classique représentant la structurede l’organisation renvoie cette image. Une seule fonction, celle deministre, occupe le haut de la pyramide. Le ministre a sous ses ordresau moins deux directeurs généraux auxquels sont soumis au moinsdeux directeurs qui supervisent chacun au moins deux spécialistes del’éducation. La décentralisation déplace l’autorité du haut vers le basde la pyramide.

Une autre image de cette forme d’organisation est celle de lapieuvre avec son gros corps central portant des bras ou des tentacules.Les tentacules sont vitaux pour la pieuvre ; ils lui permettent de saisirles aliments, d’éloigner le danger et de lutter contre les prédateurs. Le

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travail est accompli par les « tentacules » du système éducatif – parles professeurs en classe, par exemple – mais c’est le « corps central »qui prend toutes les décisions.

Le graphique 1 donne une image différente de la décentralisation.Le contour de chaque cercle en définit l’autonomie, mais son identitécomplète est partagée avec les autres cercles. Ils peuvent avoir lemême centre, c’est-à-dire s’organiser de manière concentrique(schéma A) ou se chevaucher (schéma B). Ces images illustrent lesdifférentes conceptions de la centralisation/décentralisation en matièred’éducation.

Dans chaque métaphore, il y a un thème commun. Ladécentralisation implique une dispersion, un « espace » accru entreles parties prenantes et peut-être un ensemble de relations affaibli. Ladispersion et l’espace favorisent le développement de l’individualitéou la diversité. La décentralisation en soi rend le système moinshomogène et ses composantes moins uniformes, ce qui augmente lesdifficultés de communication et d’intégration. Les quatre autres sectionsde la monographie proposent de résoudre ces questions.

Graphique 1. Deux images de la décentralisation

District

Central

Intermédiaire Local

A B

Les organisations publiques et privées varient entre elles selon lapart d’autorité exercée au centre ou au sommet de la hiérarchie.

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Définitions et concepts de base

Certaines grandes entreprises prennent toutes les décisions au siège ;d’autres confient des responsabilités en matière de gestion à leursdirecteurs d’agence. Dans le clergé catholique, par exemple, les prêtressont responsables devant leurs évêques, eux-mêmes responsablesdevant le pape. Les ministres baptistes, d’un autre côté, sont recrutéset renvoyés par l’assemblée des fidèles. Les catholiques, plus que lesbaptistes, partagent les mêmes pratiques et convictions. L’Églisecatholique est donc plus fortement centralisée que l’Église baptisteaméricaine.

Les pays varient aussi considérablement dans le degré deconcentration du pouvoir en un seul lieu. Dans certains pays, c’est leministère qui prend toutes les décisions fondamentales en matièred’éducation ; dans d’autres pays, la plupart des décisions sont prisesau niveau de la région et du district. En théorie du moins, les écolesdes pays où la gestion est centralisée sont plus comparables dans leurenseignement que celles des pays où l’autorité est plus dispersée.

Cette complexité résulte des actions de différentes catégoriesd’acteurs sociaux qui cherchent à contrôler l’éducation pour servirleurs seuls objectifs. La décentralisation modifie les rapports entre cesgroupes et peut transformer l’éducation.

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II. Pourquoi décentraliser ?

La plupart des projets de « décentralisation » visent à transformer ouà redistribuer les produits ou les bénéfices provenant de l’éducation.Ces derniers sont nombreux et de nature très diverse. « L’éducation »,en tant qu’exploitation d’un système éducatif, fait plus qu’apprendreaux enfants à lire et à écrire, à avoir une conduite morale, à devenirde bons citoyens et à participer activement à la vie économique.D’aucuns pensent que la formation des jeunes est sans nul doutel’objet principal de l’éducation, mais l’exploitation du système a aussid’autres effets louables. Les programmes scolaires officiels et lecontenu de l’enseignement participent à la définition publique de cequ’une personne « instruite » doit savoir et du langage qu’elle doittenir. Les résultats scolaires constituent un indicateur important dansl’attribution du rang social et contribuent à maintenir les distinctionsde classe et de culture au sein d’une société ou entre des sociétés.Le système éducatif est généralement la plus grande « industrie »nationale génératrice d’emplois et mobilisant une part importante dubudget annuel de l’État. L’emploi et les dépenses (pour la constructionde locaux scolaires, par exemple) représentent une source importantede soutien politique.

Ces objectifs de l’éducation ne datent pas d’hier et existaientdéjà lorsque le processus de centralisation de l’éducation a étéenclenché. La « centralisation » de l’éducation consistait la plupartdu temps à faire un effort conscient pour donner davantage d’instructionau plus grand nombre et améliorer la qualité de l’enseignement.L’examen de la logique qui a présidé à la mise en place du contrôlecentralisé de l’éducation et l’analyse de ses conséquences permettrontde comprendre l’enthousiasme que suscite aujourd’hui ladécentralisation et en quoi cet enthousiasme est en grande partie réaliste.

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Pourquoi décentraliser ?

Pourquoi l’éducation a-t-elle été centralisée ?

Les toutes premières offres d’éducation se dispensaient sousforme d’un apprentissage ou d’un modèle de formation par l’exemple,sous le contrôle d’un professeur particulier. Au fil du temps, lescommunautés ont pris le contrôle de l’éducation, chacune d’entreelles poursuivant ses propres objectifs. À l’origine, l’enseignementétait dispensé par les membres d’une caste enseignante ou des personneschoisies par des instances religieuses ou civiles pour leurs convictionsou leur niveau d’instruction. Ces gens n’étaient pas les professeursqualifiés que nous connaissons aujourd’hui. Et pourtant, le systèmeéducatif savait efficacement inculquer les connaissances de base. C’estainsi que dans les villes-États, qui composaient l’actuelle Italie, uneforte proportion de la population savait lire et écrire. D’un autre côté,le corps enseignant forgeait rarement un ensemble commun de valeurset de faits, même à l’intérieur d’une même cité.

L’essor de l’éducation à travers le monde aux XIXe et XXe sièclesest allé de pair avec la présence de gouvernements forts qui ont cherchéà normaliser le contenu et les processus de la scolarité. Certes, il yavait des différences relatives au lieu de gestion de l’éducation. Dansune poignée de pays, cette gestion était confiée à l’origine à descollectivités restreintes ou aux municipalités. Ailleurs, elle s’opérait auniveau des États fédérés, des provinces ou de la nation. La plupart dutemps, le gouvernement central gérait lui-même les écoles, alors que,dans quelques pays, il ne faisait que superviser des écoles administréespar des instances non gouvernementales ou par des particuliers. Mais,dans tous les cas, le gouvernement a assumé le contrôle de l’éducation,autrefois exercé par des unités diverses non gouvernementales. End’autres termes, le contrôle de l’éducation a fini par être plus centraliséqu’avant.

L’impact de l’urbanisation

La centralisation de la gestion de l’éducation a progressé aumême rythme que la croissance démographique et l’urbanisation.L’essor des villes a permis la construction de vastes groupes scolairescapables d’offrir un large éventail de disciplines. L’élargissement dumarché et le perfectionnement de l’imprimerie ont fait baisser le coût

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des livres pour les matières générales. Les progrès techniques dansla fabrication et dans d’autres secteurs ont exigé un savoir et descompétences enseignés à l’école et ont réduit les opportunités d’emploides jeunes sans qualification. Le nationalisme et la concurrenceéconomique entre États ont accru l’importance accordée à l’éducationcivique. Tous ces développements ont favorisé la centralisation ducontrôle de l’éducation.

En outre, le poids du financement de l’expansion de l’éducationétait assumé ou pris en charge par les pouvoirs publics. Tantôt legouvernement (central, régional, local) utilisait les impôts pour financerles écoles publiques, tantôt (et parfois à l’intérieur d’un même pays),les recettes fiscales servaient à acheter des services éducatifs à desfournisseurs privés (mais sous le contrôle de l’État). Dans quelquespays, le gouvernement créait une forte demande d’éducation (enexigeant, par exemple, la présentation d’un diplôme pour obtenir unemploi dans la fonction publique) et les citoyens finançaient« volontairement » les écoles publiques et privées. Les pays dont lesgouvernements ne dépensaient pas davantage pour l’éducation voyaientleurs effectifs scolaires progresser plus lentement.

L’amélioration de la qualité de l’éducation a été uneconséquence directe de la normalisation du contenu et desméthodes d’enseignement. La normalisation s’est faite à travers lesspécifications gouvernementales sur les objectifs à atteindre dans lesétablissements scolaires, ce que l’on pouvait y enseigner, à qui dispensercet enseignement, qui pouvait enseigner, où se faisait l’enseignementet comment financer l’école. Dans la plupart des pays, le gouvernementa engagé des « inspecteurs » ou des « contrôleurs » pour veiller à labonne application de la réglementation centrale. Les pays incapablesd’exercer un contrôle efficace enregistraient des taux d’inscriptioninférieurs et une moindre qualité d’éducation. La centralisation dupouvoir a réduit les cas de corruption à l’échelon local.

Parfois, les nouvelles écoles « communales », « publiques » ou« semi-privées », subventionnées par les recettes fiscales, ont supplantéun petit nombre d’établissements privés, souvent de meilleure qualité.Les recettes publiques et les ressources financières contrôlées par

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Pourquoi décentraliser ?

l’État ont, cependant, permis d’offrir une éducation de qualitéraisonnable à un plus grand nombre d’enfants. Dans les pays où legouvernement avait investi massivement dans l’enseignement public,la qualité s’est améliorée pour atteindre un niveau que seules offraientauparavant les écoles privées, seulement accessibles à une petite partiede la population.

L’impact du raisonnement scientifique

Les lois qui régissent l’exploitation des systèmes d’enseignementpublic étaient le plus souvent justifiées au nom de la science. Danscertains cas, la recherche expérimentale a défini les meilleurs contenuset pratiques ; dans d’autres, « le raisonnement scientifique » a été àl’origine de la réglementation de l’éducation. La science qui a joué unrôle prépondérant dans la création des systèmes d’éducation nationalecherchait à asseoir des connaissances et des lois universelles. La sciencepromettait de découvrir les principes de base qui, une fois appliquésen bonne et due forme, allaient donner à coup sûr les mêmes résultatspositifs.

La science a non seulement étendu de manière considérable lechamp de connaissances à professer, mais elle a aussi développé lesconnaissances sur les modes d’apprentissage et d’organisation desécoles pour améliorer l’enseignement. Les chercheurs ont fait desétudes comparatives sur les écoles à l’intérieur d’un pays et entre lespays pour savoir comment obtenir l’éducation la plus efficace. Lesméthodes appliquées se sont largement inspirées de la recherche surd’autres types d’organisations. À partir des années 1920, l’éducationa été soumise aux mêmes principes de « gestion scientifique » que lesgrandes entreprises. Les règles de normalisation qui ont permis lesréalisations de la révolution industrielle ont été appliquées à l’éducation.La science a légitimé les « meilleures pratiques » que devaient adoptertous les établissements scolaires.

La normalisation et la bureaucratisation ont formé lastructure administrative des organisations éducatives

La normalisation, pensait-on, ne pouvait s’opérer que dans unsystème doté d’un seul organe de décision, autrement dit sous un

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régime de gestion centralisée. La plupart des systèmes éducatifs, enquête d’une meilleure qualité et d’une plus grande efficacité grâce àla normalisation, se sont centralisés. De plus en plus de décisions,dans des domaines d’éducation toujours plus variés, ont été prisespar des organes de décision de moins en moins nombreux. Ainsi, auxÉtats-Unis d’Amérique, le nombre de circonscriptions scolairesautonomes a chuté de 200 000 avant 1850 à 30 000 en 1930. EnAmérique latine, les gouvernements nationaux, avides de développerl’éducation, en ont retiré la charge aux municipalités.

Dans bon nombre de pays, l’organisation et la gestion del’éducation ont été confiés à une administration centrale, souvent auministère de l’Éducation. Ce dernier, comme tout service public ettoute entreprise moderne, était organisé en « bureaucratie ». Ce terme,aujourd’hui employé de manière péjorative pour dénoncer tous lesdysfonctionnements de nos appareils gouvernementaux, qualifiait àl’origine les résultats remarquables des entreprises industrielles à lapointe du progrès. Ces réalisations étaient attribuées aux élémentssuivants :

• regroupement de l’équipement et de la main-d’œuvre en un lieuunique pour faciliter le contrôle et l’intégration ;

• division du travail dans l’organisation par « postes » comprenantchacun un nombre relativement limité de tâches ou d’activités,ce qui réduisait la dépendance d’une main-d’œuvre très qualifiée ;

• description, par écrit et en termes objectifs, des tâches incombantà la personne qui occupe ledit poste – chaque description deposte pouvait être rédigée dans des termes facilitant le recrutementdes candidats ayant les capacités requises ;

• formation des nouvelles recrues à un niveau de compétencerelativement élevé dans leur fonction – la formation était facilitéepar la description concrète des tâches à exécuter ;

• inspection et recyclage du personnel pour veiller au maintiend’un niveau de performance relativement élevé – la spécificationdes normes a facilité le travail d’inspection ;

• contrôle de la qualité finale des produits, correction de la divisiondu travail et spécification des tâches au besoin pour maintenir unhaut niveau de qualité.

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Pourquoi décentraliser ?

Pour l’éducation, cela voulait dire :

• la construction de sites spécialement consacrés à l’apprentissage ;• la division des objectifs pédagogiques en années de scolarité

correspondant à un âge chronologique ;• la définition du contenu spécifique de l’enseignement et des

méthodes pédagogiques adaptées à chaque niveau scolaire ;• la formation institutionnalisée des maîtres au contenu et aux

méthodes ;• le contrôle des performances des maîtres et des élèves ;• les examens à la fin du cycle d’études afin de déterminer les

niveaux de connaissances.

La chaîne de montage qui produisait des biens d’une assez hautequalité, à un coût relativement faible, a aussi donné la possibilitéd’instruire un grand nombre d’enfants.

Dans l’éducation comme dans l’industrie, les déviations del’adhésion aux principes fondamentaux d’une organisationbureaucratique se traduisent par une moindre efficacité et une qualitéinférieure du produit. Lorsque les enfants n’ont ni de bonnes écoles nide bons matériels, que les enseignants ne sont pas bien formés et quela supervision ne suffit pas à combler les lacunes de la formation, lesperformances scolaires en pâtissent. Si l’on impose des normes, il y amoins d’élèves qui terminent le cycle (beaucoup ne savent pas lire,sont en situation d’échec et abandonnent même l’école). Si l’onn’impose pas de normes, le niveau de connaissances des diplôméss’en trouve affecté. Dans une situation de précarité, le manqued’efficacité signifie que l’on ne peut pas offrir à tous les enfants unniveau d’éducation de qualité acceptable.

Cette histoire bien connue sert à nous rappeler que ce que nousavons accompli à ce jour revient à une vaste normalisation renduepossible grâce à une centralisation de la gestion de l’éducation. Si ceque nous avons réalisé provient de la normalisation, comment expliquerla progression mondiale de la décentralisation ?

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Raisons du mouvement de décentralisation

Trois facteurs principaux expliquent l’intérêt croissant pour letransfert de compétences dans le secteur de l’éducation à partir de1970.

Tout d’abord, les débats politico-économiques des années 1970et 1980 ont fait voler en éclats le « consensus keynésien » occidentalqui prônait un type de gouvernement centralisé et fort. Unrepositionnement analogue s’est opéré en Russie et en Europe del’Est. Cela a eu pour conséquence de redéfinir et de restreindre le rôledu gouvernement central tout en développant le marché.

La mondialisation économique et financière a continué à affaiblirle pouvoir central. D’une part, les organisations supranationales ontréduit la souveraineté nationale. D’autre part, l’évolution en faveurd’un processus de décision soumis à la loi du marché a consolidé lesgroupements locaux. Il est d’autant plus difficile pour l’État de consacrerdes fonds à des programmes sociaux. Les partisans de ladécentralisation prennent en compte le rôle de la privatisation etl’encouragement des organisations non gouvernementales (ONG). Ensomme, un nouveau modèle politico-économique est apparu.

Entre-temps, les systèmes éducatifs à travers le monde ont vudoubler, voire tripler, leurs effectifs. L’accroissement du nombred’enseignants et d’élèves a mis à rude épreuve la capacité desbureaucraties centralisées à maintenir la qualité de l’enseignement. Lemécontentement croissant de l’opinion publique a fait pression pourtransférer le pouvoir de décision vers les instances locales.

Enfin, l’émergence des nouvelles technologies de l’informationet de la communication a permis d’intensifier le contrôle des systèmeséducatifs, avec une gestion décentralisée. Un nouveau mode degestion mettant davantage l’accent sur les résultats que sur les moyensa donné une importance accrue au renforcement des capacités localesen matière de prise de décisions.

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Pourquoi décentraliser ?

Ces raisons et d’autres encore qui expliquent la progression dela décentralisation sont exprimées à travers la liste d’objectifs quisuit.

Liste des objectifs de la décentralisation

Les « objectifs » énumérés ci-dessous s’appuient sur l’examend’un certain nombre de réformes. La décentralisation a été proposéepour :

• Améliorer directement l’éducation en tant que telle, par exemple :

■ en augmentant la quantité de moyens dans la scolarité ;■ en y améliorant la qualité des moyens ;■ en améliorant la pertinence des programmes ou en

harmonisant leur contenu en fonction des intérêts locaux ;■ en développant les innovations dans les programmes ;■ en augmentant la gamme des options proposées aux élèves ;■ en réduisant les inégalités d’accès à une éducation de qualité ;■ en améliorant les performances des élèves.

• Améliorer le fonctionnement du système éducatif, par exemple :

■ en augmentant l’efficacité de l’affectation des crédits ;■ en augmentant l’efficacité de l’exploitation des ressources ;■ en harmonisant les programmes scolaires avec les exigences

des employeurs ;■ en développant l’usage de l’information sur les questions,

les problèmes ou les innovations (ce qui améliore d’autantl’efficacité).

• Diversifier les sources de financement et augmenter les créditsaccordés à l’éducation, par exemple :

■ en augmentant la part du budget global consacrée àl’éducation ;

■ en déplaçant les sources de financement d’un groupe socialà l’autre (autrement qu’au sein d’un gouvernement).

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• Profiter essentiellement au gouvernement central :

■ en le soulageant des problèmes de politique extérieure ;■ en le soulageant des problèmes de bureaucratie interne ;■ en le soulageant du poids financier (y compris les politiques

visant à transférer la formation de revenu vers les autoritéslocales) ;

■ en augmentant sa légitimité démocratique ;■ en réduisant la corruption au niveau national.

• Profiter essentiellement aux autorités locales :

■ en augmentant les crédits à l’éducation dont peut disposer legouvernement local ;

■ en augmentant la capacité du gouvernement local ;■ en améliorant la capacité de réaction du gouvernement central

face aux exigences du gouvernement local ;■ en redistribuant le pouvoir politique en affaiblissant les acteurs

placés au centre au profit de ceux qui sont en dehors ducentre.

Ces objectifs pourraient être classés autrement. On établit souventla distinction suivante entre :

(a) les motifs politiques – dans la plupart des régions du monde déferleune vague d’enthousiasme pour augmenter la participation auprocessus décisionnel des groupes qui en ont été ou qui prétendenten avoir été exclus dans le passé ;

(b) le niveau des motifs financiers – le gouvernement central ne veutpas ou ne peut pas octroyer des fonds pour répondre à la demanded’éducation ;

(c) les motifs d’efficience – induits de l’idée qu’un plus grand pouvoirde décision local fera baisser le coût de production d’une unitéd’output.

Un tel projet de réforme peut aussi avoir pour but de détournerl’attention par rapport à d’autres objectifs : une réforme entreprisedans la gestion de l’éducation ne suscite en effet aucune attente d’unchangement immédiat.

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Pourquoi décentraliser ?

La plupart des opérations de décentralisation conjuguent plus oumoins tous ces objectifs. Cette complexité accroît l’importance duraisonnement à travers la stratégie à adopter, car la même tactique neconvient pas nécessairement à tous les objectifs. Les différents moyensd’accroître l’efficacité, par exemple, n’empiètent pas complètementsur les différents moyens d’accroître la compétence des autoritéslocales. Un ministère aura peut-être la volonté de sacrifier une partd’efficacité à court terme s’il estime, en définitive, qu’un gouvernementlocal plus habilité est plus efficace. Une réforme visant à maximiserdeux objectifs par ailleurs contradictoires exigera des mesuresparticulières pour surmonter les difficultés normales que cela suppose.

Les projets de décentralisation menacent en général les individuset les groupes qui bénéficient du système de gouvernement en place.La menace peut être réelle ou seulement pressentie, mais si le projetse heurte à une forte opposition, ses chances d’aboutir sont d’autantplus réduites. On peut élaborer une stratégie qui réponde à l’objectifd’un ministère sans compromettre les autres. L’attention portée auxmotifs des autres peut déboucher sur un échange fructueuxd’informations pouvant aboutir à des stratégies auparavant inconnues.

Qui doit contrôler l’éducation ?

Les plaintes relatives à une centralisation excessive duprocessus décisionnel dans l’éducation renferment une critique àl’encontre de ceux qui prennent à ce moment les décisions. Ladécentralisation se traduit par le transfert de compétences decertains décideurs vers d’autres décideurs. Tous les projets dedécentralisation peuvent être classés selon trois critères sur lesquelson se fonde pour déterminer qui est le mieux qualifié pour prendre lesdécisions. Ces trois critères peuvent être catalogués ainsi :

1. légitimité démocratique ;2. professionnalisme ;3. efficacité du marché.

La différence fondamentale entre ces orientations se situe auniveau de la justification du pouvoir de décision qui est idéologique

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car elle se fonde sur des valeurs et des convictions qui ne sont pasappuyées par les faits. Étant donné leur charge idéologique, les débatspublics sur la décentralisation font rarement référence à ces critères.La discussion porte au contraire sur des décisions techniques isolées.Par voie de conséquence, les réformes contiennent parfois deséléments contradictoires et donnent des résultats contraires aux intérêtsde leurs instigateurs. Les réformes qui correspondent aux troisjustifications qui viennent d’être mentionnées varient quant au degréet à la nature de la performance.

L’analyse suivante définit chacun de ces trois critères selon legroupe d’agents sociaux qui se voit attribuer un pouvoir de décisionen matière d’éducation ; elle compare chacun d’eux avec les deuxautres, examine le niveau du système où peut se situer l’autorité,examine les modalités de gestion et mesure l’impact sur la participationcollective au processus décisionnel.

1. Légitimité démocratique

Selon ce critère, il apparaît légitime que la gestion de l’éducationsoit confiée à des représentants politiques, démocratiquement élus enfonction des attentes des différents groupes sociaux. Le processus desélection est souvent conflictuel. Les personnes sélectionnées n’ontbesoin d’être « expertes » ni en éducation ni en gestion. Le pouvoirest inhérent à la fonction et non aux compétences propres à celui oucelle qui occupe le poste. Les mesures sont justes ou correctes parcequ’elles sont prises par les responsables et non parce qu’elles sontconformes aux connaissances scientifiques en la matière.

Les projets de décentralisation défendus dans un souci de légitimitédémocratique sont généralement liés à des revendications pour plusde démocratie, comme dans le cas des écoles ou des systèmes éducatifsdirectement administrés par les collectivités (locales, régionales,nationales) ou leurs élus. C’est ainsi qu’a commencé l’éducation auxÉtats-Unis, et c’est le but des réformes récemment entreprises enAustralie et en Nouvelle-Zélande. Dans ce type de système, ce sontles membres de la société civile qui décident en dernier ressort de tousles aspects de l’éducation, y compris des programmes scolaires (àl’exception des méthodes pédagogiques). Les enseignants qualifiés sont

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recrutés et renvoyés par les membres de la société politiquementnommés. D’autres pays, comme la Colombie, le Salvador et leRoyaume-Uni, ont opté pour un contrôle collectif limité en réservant,par exemple, la supervision des programmes scolaires à des spécialistes.

Légitimité démocratique et compétence professionnelle

Pour faire la différence entre le critère démocratique et celui dela compétence professionnelle, il ne s’agit pas de savoir si legouvernement est démocratique ou non, mais si la gouvernance estlégitimée politiquement ou professionnellement. Certains pays,par ailleurs profondément démocratiques avec une forte participationlocale à la vie politique (pays scandinaves), confient le contrôle desétablissements scolaires à des éducateurs professionnels qui jouissentd’une très grande autonomie (OCDE, Centre pour la recherche etl’innovation dans l’enseignement, 1995). Dans d’autres pays (commedans certains États et villes des États-Unis), les réformes ont eutendance à réduire le contrôle des éducateurs professionnels enconférant l’autorité aux collectivités locales (Lewis et Nakagawa, 1995).

Toutes les formes de décentralisation ne font pas pour autantprogresser la démocratie politique. Le déplacement du lieu de contrôledu ministère vers le district ou même l’école peut favoriser laparticipation des chefs d’établissement ou des enseignants aux prisesde décision sans accroître la participation des citoyens. Au Royaume-Uni, par exemple, la réforme « Thatcher » a transféré le contrôle desautorités éducatives locales élues vers les écoles, où les chefsd’établissement avaient tendance à dominer (Whitty et Seddon, 1994).

Les projets qui remplacent le contrôle professionnel par uncontrôle politique de l’éducation traduisent une perte de confiancede l’opinion publique dans le professionnalisme. Sachant que peude pays ont une expérience préalable d’une gestion non professionnellede l’éducation, il s’agit d’une évolution qui cherche plutôt à s’éloignerde ce qui a échoué qu’à se diriger vers ce qui a déjà réussi.

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Niveau auquel est transféré le pouvoir

En Amérique latine, les réformes fondées sur la légitimitédémocratique ont transféré la responsabilité de la gestion vers lesgouvernements étatiques et municipaux. Les services ministériels sesont vu confier le contrôle de l’enseignement primaire et secondaireen Argentine et au Mexique. Le Brésil et la Colombie partagent lecontrôle de l’éducation entre les élus du gouvernement central et lesélus municipaux. En Colombie, les enseignants sont recrutés et rétribuéspar l’État, les autorités municipales commandant tous les autres aspectsde la gestion scolaire. Les maires qui sont élus et les conseils qu’ilsforment exercent un contrôle. Au Ghana, les assemblées de districtélues supervisent les décisions des responsables de l’éducation auniveau du district. L’Australie et Israël ont créé des conseils élus auniveau du district.

Impact sur la gestion

Un certain nombre de réformes fondées sur la légitimitédémocratique ont accompagné la création d’unités de gestion au niveaude l’école. Les parents d’élèves et les habitants de Chicago(450 000 élèves) exercent leur autorité sur le personnel de l’école locale.Chaque établissement est administré par un conseil composé de10 membres élus par leurs pairs : six parents d’élèves, deux enseignants,deux membres de la société civile et le principal. Le conseil peut recruteret licencier le principal et les professeurs, choisir le programme scolaire,punir les élèves et fixer l’emploi du temps. Les écoles reçoivent uneenveloppe budgétaire en proportion de leurs effectifs et ont toute latitudepour dépenser leurs crédits comme elles l’entendent.

En Nouvelle-Zélande, chaque établissement est géré par un conseild’administration élu où prédominent les membres de la société civile.Le conseil recrute et renvoie le personnel, mais les grilles de salairessont fixées à l’échelon national. Le conseil choisit ou développe lesprogrammes scolaires (dans le cadre des objectifs nationaux), déterminela langue d’enseignement, choisit ou définit le matériel pédagogique etles textes, et gère les crédits octroyés par le gouvernement central. Leministère de l’Éducation nationale évalue les performances scolairesau moyen de tests d’évaluation. Il établit des chartes pour chaque

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établissement. Les conseils d’administration jouissent d’une parfaiteautonomie de gestion, mais le ministère se réserve le droit d’intervenirsi les performances scolaires ne sont pas à la hauteur des critèresénoncés dans la charte (Perris, 1998).

Le Nicaragua a créé en 1991 des conseils de gestion dans toutesles écoles publiques. Ils se composent du chef d’établissement,d’enseignants, de parents et d’élèves. Le nombre des membres varieen fonction de la taille de l’établissement. Le conseil d’une école demoins de cinq cents élèves compte neuf membres : le principal, unprofesseur choisi par le conseil des professeurs, cinq parents et deuxélèves (l’un étant élu par ses pairs, l’autre choisi par les parents). Leministère a gardé le contrôle des programmes et la certification desenseignants, mais les écoles sont autonomes pour décider durecrutement et du renvoi des principaux et des directeurs, des emploisdu temps, du choix des méthodes d’enseignement, du choix des manuelsscolaires, du versement de frais de scolarité volontaires, de l’élaborationet de la gestion du budget scolaire.

Certaines réformes se fondent également sur la compétenceprofessionnelle et sur la légitimité démocratique. Ainsi, dans l’Étataméricain du Kentucky, les conseils scolaires élus se composent detrois professeurs, du principal, de deux parents élus parmi lacommunauté. Dans la majorité des cas, le point de vue des enseignantsprévaut pour les grandes décisions. Mais là où il y a un partage dupouvoir, les parents prennent part aux décisions relatives au budget etaux questions d’ordre pédagogique.

Le succès de la gestion autonome des écoles établie en fonctionde la légitimité démocratique dépend de l’aptitude des administrateurs(au niveau de l’école et du district) à maintenir la participation collectiveaux prises de décisions. De nombreuses communautés sonthétérogènes. Si un groupe s’impose au sein d’un conseil scolaire enexcluant les autres groupes, l’expérience perd de son caractèredémocratique. L’arbitrage entre des groupes rivaux devient une tâcheprioritaire de l’administrateur (Rugh et Bossert, 1998). Le chefd’établissement change de rôle : il n’est plus considéré commeun professeur principal ou comme celui qui fait le lien avecl’administration centrale, il devient un animateur de la sociétécivile.

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La participation collective dans un système contrôlé par lespolitiques

Toutes ces réformes partent du principe que despersonnes qui ne sont pas spécialistes de l’éducation peuventgérer efficacement une école. Dans la pratique, toutes lesréformes avancent avec précaution en donnant peu à peu desresponsabilités aux collectivités à mesure qu’elles acquièrent etdémontrent leurs compétences en gestion. Certaines sont conçuescomme un moyen pour les collectivités de s’initier à la gestion. EnNouvelle-Zélande, par exemple, « D’un seul coup, 20 000 personnes(surtout des parents) apprennent à mener une politique pour administrerles biens, le personnel, les finances et les programmes scolaires… »et à… « créer de véritables milieux d’apprentissage dans les jardinsd’enfants, dans les écoles et dans l’enseignement supérieur »(O’Rourke, dans Perris, 1998).

La participation communautaire va de la prise collective dedécisions au sujet desquelles les professionnels de l’éducation ont desconnaissances limitées jusqu’aux activités pour lesquelles ils sontpleinement qualifiés. De multiples réformes fondées sur la légitimitédémocratique (exemple en Colombie) commencent avec le transfertde l’autorité et de la responsabilité des locaux. L’étape suivante consistesouvent à gérer le budget (sur lequel les professionnels locauxn’exercent en général aucune autorité).

Vient ensuite le transfert du pouvoir pour l’établissement dubudget, qui est lié aux décisions concernant le nombre et le type depersonnel à recruter, puis le pouvoir d’engager et de licencier lepersonnel. Au Salvador, les associations de parents d’élèves des écolesdu programme EDUCO sont autorisées à recruter des professeurs(figurant sur une liste de candidats qualifiés établie par le gouvernementcentral) et peuvent s’opposer au renouvellement de leur contrat à lafin de l’année scolaire. L’un des objectifs de cette mesure est derenforcer la présence des enseignants (Banque mondiale, 1994).

Le dernier échelon de la gestion communautaire est la prise dedécisions concernant les programmes scolaires. Jusqu’à maintenant,presque tous les États qui ont réalisé une décentralisation sur le principe

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de la légitimité démocratique continuent à superviser le contenu desprogrammes ; tous donnent une définition précise des objectifspédagogiques que doivent se fixer les unités locales. Leur souci estque l’éducation continue de contribuer à l’intégration et à l’identiténationale. Mais sur ce point, la pratique va à l’encontre de la théorie.Aucun des systèmes de responsabilité proposés par les pouvoirs publicsne permet d’affirmer que l’école forme de bons citoyens ou favorisel’intégration.

Le corps enseignant a d’autres préoccupations que celles duministère pour ce qui est des réformes fondées sur la légitimitédémocratique. Au niveau local, les enseignants s’opposent à laparticipation collective aux décisions de recrutement et de renvoi dupersonnel. Ils craignent que les parents et les politiques fassent pressionà titre individuel sur les enseignants. Les syndicats d’enseignants sontle plus souvent hostiles au contrôle de la communauté sur le budget etles salaires. Au niveau ministériel, les éducateurs s’opposent au contrôledes programmes et des matériels pédagogiques par des non-professionnels.

Résumé

Les réformes fondées sur la légitimité démocratique sontapplicables dans des États « forts », autrement dit dans dessociétés où le partage du pouvoir avec les collectivités localesne risque pas d’aboutir à la déstabilisation du gouvernementcentral. Ces sociétés ont déjà atteint un haut niveau d’équitésociale entre les régions, les classes, les groupes ethniqueset religieux. Celles qui sont déjà bien intégrées, qui ontinstauré des formes de dialogue politique et social, peuventtolérer des degrés de diversité supérieurs. Le pouvoir centraln’est pas menacé lorsque la société civile met en place unsystème éducatif dont le fond et la forme diffèrent de ce quechoisiraient des professionnels. Le plus important (à tous leséchelons du gouvernement), c’est qu’elle continue à user demoyens pacifiques pour atténuer les différences avec d’autresgroupes. Pour les membres qui la composent, l’ambition à longterme est de forger ensemble un système intégré dans lerespect des différences.

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2. Compétence professionnelle

Selon cette idée de la gouvernance, le pouvoir de décision estconfié à des techniciens chevronnés à qui l’on demande ce qu’il fautfaire pour gérer au mieux le système éducatif. Les compétences lesplus appréciées sont liées à ce qu’il faut faire et à la façon de le faireplutôt qu’à la définition de l’objectif à atteindre. Elles sont positives etsûres ; il y a la meilleure réponse à chaque question, la meilleuresolution à chaque problème. Les spécialistes acquièrent leur savoirpar la science. Une formation ou un enseignement spécialisé en faitdes professionnels, des experts.

Certes, le pouvoir des experts est toujours placé en définitivesous le contrôle politique, surtout dans une démocratie. Mais, dans denombreux pays, une fois que les experts sont nommés à leur poste, ilsjouissent d’une autonomie considérable. Cette autonomie est plusimportante dans les pays dotés d’une fonction publique ou d’un servicepublic permanent (comme en Inde, en France ou aux États-Unis).Les personnes qui entrent dans la fonction publique sont presquetotalement libres de toute ingérence politique. Mais même dans lespays dépourvus d’une fonction publique permanente, l’exercice dupouvoir peut être essentiellement justifié par l’expertise de la personnequi détient le poste. À titre d’exemple, les ministères de l’Éducationrécemment créés dans les provinces argentines sont dotés d’unpersonnel choisi avant tout pour ses qualifications professionnelles, etnon parce qu’il représente une quelconque organisation politique.

Le critère de la compétence professionnelle est le plus courammentdéfendu à propos de la gouvernance. L’éducation est considéréepresque partout comme une activité qu’il vaut mieux laisser aux mainsde spécialistes, à des personnes ayant acquis une formation, descompétences et des connaissances spécifiques. Celles qui n’ont aucunespécialité peuvent à l’occasion être consultées, mais le but de cetteconsultation est le plus souvent de légitimer l’exploitation continue dusystème par des professionnels. Ceux qui soutiennent cette idéeavancent que l’éducation doit être « apolitique » et que les décisionsdoivent se fonder sur la recherche et l’analyse des politiques publiques.L’essentiel de la gestion est de veiller à l’adoption des mesures et

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des règlements définis à travers l’application des connaissances desexperts.

Cette forme de gestion est si répandue qu’il est tentant de penserque c’est la seule manière d’exploiter efficacement le système éducatif.À vrai dire, c’est la seule forme connue de l’enseignement publicdans de nombreux pays. L’éducation est devenue synonyme deministère de l’Éducation, d’éducateurs, de superviseurs oud’inspecteurs d’académie, de chefs d’établissement et d’enseignantsformés dans des institutions spécialisées. Bien que la gestion exclusivede l’éducation par les éducateurs soit controversée, surtout par leséconomistes, il s’agit de savoir quel est le groupe le plus qualifié etnon de dire si la gestion de l’éducation doit être confiée à desprofessionnels ou non.

Niveau auquel est transféré le pouvoir

Les réformes de décentralisation fondées sur l’expertise varientselon le niveau du système éducatif auquel est transféré le pouvoir.Dans de nombreux pays, le stade initial de la réforme transfère lepouvoir des professionnels du gouvernement central vers ceux dugouvernement de l’État ou de la province. Le transfert d’attributionsen Argentine, par exemple, a amené la création de ministères del’Éducation dans les vingt-quatre provinces de la nation. Chacun deces ministères exerce les mêmes fonctions que celles dont avait étéinvesti à l’origine le ministère de l’Éducation nationale. Il s’agit, eneffet, d’une décentralisation territoriale ; l’autorité est répartie sur unezone géographique.

Dans certains pays le pouvoir a été transféré vers les plus petitesunités du système que sont les écoles. Ce type de réforme est connusous le nom de gestion autonome des écoles. La gestion au niveau del’école apparaît aussi dans les réformes où les écoles se disputent lesressources et les élèves. Des exemples de cette stratégie figurent dansla section sur l’efficacité du marché.

Dans l’optique du critère de la compétence professionnelle, lesréformes se distinguent selon que l’autorité est conférée uniquementaux chefs d’établissement (contrôle administratif), ou qu’elle inclut le

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corps enseignant (contrôle professionnel, Murphy et Beck, 1995) etselon le degré de participation collective.

Les réactions des maîtres face aux projets de gestion autonomedes écoles dépendent de la manière dont cela va affecter leurparticipation aux prises de décisions. S’ils estiment que la réformerisque de renforcer le pouvoir des chefs d’établissement au détrimentdu corps enseignant, ils peuvent combattre (comme en France) laréforme. Dans d’autres pays, les enseignants (et leurs syndicats)envisagent la gestion autonome des écoles comme un moyen d’assurerleur participation au processus de décision au sein de l’école.

L’exemple du Unified School District de Los Angeles, aux États-Unis (700 000 élèves) montre que le syndicat d’enseignants a réussi àinscrire la gestion autonome des écoles dans le cadre des négociationsde son contrat avec le conseil scolaire. Les écoles élisent désormaisleur propre conseil d’administration, chargé du développement desressources humaines, des règles de discipline, de l’emploi du temps etde la gestion de certains fonds budgétaires locaux. Les parents d’élèvesforment les membres du conseil, sous la présidence du chefd’établissement et des délégués du syndicat d’enseignants de l’école.Un modèle de gestion autonome des écoles a reçu l’appui des deuxsyndicats nationaux d’enseignants dans toutes les grandes villes desÉtats-Unis.

Certaines réformes de gestion autonome des écoles entendentredistribuer le pouvoir entre les membres de la société civile (parents,employeurs, syndicats, organisations politiques et religieuses), maisfinissent par laisser les experts prendre toutes les décisions importantes.Les responsabilités sont le plus souvent assumées par les chefsd’établissement, comme c’est le cas au Sri Lanka (Govinda, 1997).

Le pouvoir des chefs d’établissement se trouve souvent renforcéà double titre. D’une part, les systèmes qui pratiquent depuis unmoment la gestion autonome finissent par montrer que les enseignantsont de plus en plus de mal à supporter la surcharge de travail qu’imposela participation aux prises de décisions. Dans certains cas, comme enEspagne, les professeurs sont tellement démotivés qu’ils refusent lapossibilité d’être élus principal par leurs collègues, même s’ils se

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félicitent de siéger au conseil (Hanson, 1995). D’autre part, les agentsextérieurs (notamment dans les échelons supérieurs de la hiérarchie)cherchent une seule et unique personne (le principal) à qui confiercette responsabilité. Le gouvernement central reprend parfois lecontrôle aux enseignants pour le donner aux principaux, comme dansl’État du Victoria, en Australie (Pascoe et Pascoe, 1998).

Impact sur la gestion

L’impact de ce type de réforme sur la gestion dépend avant toutdes incitations offertes aux écoles pour améliorer leurs performances.Celles-ci dépendent à leur tour de la capacité d’une agence extérieurequelconque à évaluer les performances de l’école et à l’en tenirresponsable. Certains pays utilisent les examens extérieurs pour prévenirles services d’inspection de la médiocrité des résultats scolaires. C’estainsi qu’en Thaïlande, bon nombre de directeurs quittent leur poste,honteux de voir leur école épinglée par le ministère pour ses« mauvais » résultats aux examens. Ceux qui sont restés ont suivi uneformation plus poussée en gestion (Wheeler et al., 1989).

La réussite de la gestion autonome des écoles confiée à desprofessionnels dépend avant tout de trois séries de mesures :

• l’évaluation objective des performances de l’école d’après lesindicateurs de résultats scolaires, la satisfaction des parents et ducorps social, et l’accès aux ressources ;

• l’instauration d’un système de récompenses pour les bons résultatsobtenus, surtout pour les enseignants ;

• la formation plus poussée de ceux qui prennent part aux décisions.Les parents et les membres de la société civile peuvent, parexemple, intervenir à ce niveau s’ils suivent une formation quifera d’eux des « experts ».

La participation collective dans un système géré par desprofessionnels

La plupart des éducateurs professionnels s’accordent à penserque la participation locale, surtout parentale, représente une importantecontribution à leur travail. Toutefois, le type d’intervention généralement

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souhaité ne se situe pas au niveau du pouvoir de décision ni de lagestion des écoles (et encore moins de la gestion d’unités pluscentralisées). Ce que l’on recherche, c’est le soutien collectif de cequ’essaie de faire « l’école », c’est-à-dire les enseignants et les chefsd’établissement. Ce soutien peut prendre la forme d’une offre de main-d’œuvre et de matériel pour construire ou entretenir des locaux, veillerà ce que les élèves fassent leurs devoirs, prendre part à leurs activitésscolaires et collecter des fonds. Les éducateurs professionnels peuvent,par exemple, encourager la formation d’associations de parents/enseignants, mais uniquement pour soutenir les décisions prises parles experts.

On constate l’efficacité de cette méthode – contrôle des décisionssur le fond par des professionnels, intervention parentale et collectivepour le traitement des questions secondaires – à travers la réussite duBangladesh Rural Advancement Committee (BRAC). Les enseignants,qui sont choisis au sein de leur communauté dans le cadre de ceprogramme, sont formés et supervisés par le personnel du BRAC quiopère au centre. Quelque 32 000 enseignants sont placés sous la tutellede 6 directeurs régionaux, 40 directeurs locaux, 205 équipes deresponsables, 417 chefs de projet (CP) et 1 138 assistants. Tous lesaspects de leur travail sont soigneusement établis. Les CP se rendent,par exemple, deux fois par mois dans les écoles, munis d’une liste de50 indicateurs de performance. Ils inspectent les plans de cours desprofesseurs et les carnets de présence. La responsabilité parentale selimite au nettoyage, à l’entretien, à la sécurité, à la mise en place del’emploi du temps, aux contrôles de régularité des élèves et de présencedes enseignants (Rugh et Bossert, 1998). Le BRAC, qui a été lancépar une ONG, est détaché du ministère de l’Éducation avec qui iltravaille néanmoins en coordination. Bien qu’il s’agisse d’une initiativeprivée, elle illustre ce qu’est une réforme de décentralisation placéesous le contrôle d’experts.

Les restrictions à la participation des parents s’expliquent de lafaçon suivante. Le temps passé au travail est un facteur déterminantdu volume d’apprentissage. Les enseignants contrôlent le temps quepassent les élèves à apprendre en classe ; les parents sont responsablesdu temps que passent les enfants à étudier chez eux. Les résultats

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scolaires des élèves sont plus liés au temps que passent les parents surles devoirs avec les enfants qu’à l’importance de la participationparentale aux activités scolaires. Le soutien des parents à l’école peutaussi faire une énorme différence quant aux moyens permettant definancer le matériel didactique et les enseignants. En d’autres termes,les experts sont les mieux qualifiés pour organiser les processusd’enseignement et d’apprentissage.

Dans certains cas, le faible degré de participation collective estimputé à l’incapacité de la société civile à apprécier la valeur del’éducation. Les éducateurs professionnels peuvent choisir decompenser une faible participation en intensifiant leurs actions pourmaintenir le temps d’apprentissage des élèves. Ou bien ils peuventessayer de relancer la participation collective (et parentale) en travaillant,par exemple, à des activités de développement collectif avec lesmembres de la société civile.

À la longue, cette application singulière des connaissancesd’experts pourrait aboutir, en définitive, à une forme de légitimitédémocratique. Dans le projet de Lok Jumbish en Inde, par exemple,les experts des ONG se sont employés à impliquer dans les prises dedécisions sur l’éducation les membres de la société (surtout lesfemmes) auparavant évincés par les chefs de village qui étaient enliaison avec les plus hautes autorités (Govinda, 1999). Au bout d’uncertain temps, cela a modifié l’équilibre du pouvoir au niveau du villageen créant une forme de prise de décisions politiques pour l’éducation.Mais dans bien d’autres cas, l’intervention croissante « d’experts »extérieurs, moins délicats à l’égard de la communauté locale, crée unedépendance et un sentiment d’impuissance parmi cette population.

Résumé

La logique de la perspective de l’expertise appliquée à lagestion de l’éducation part de l’hypothèse qu’il existe un petitensemble de « meilleures pratiques » qui, si elles sont mises enœuvre, conduisent dans tous les cas à un haut niveau deperformance. La décentralisation n’a donc de sens que si lespersonnes qui prennent les décisions à la base savent et sontcapables d’appliquer les meilleures pratiques. De par leur

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formation, les experts sont toujours les mieux placés pour prendredes décisions, mais il est possible de former des individus auniveau local pour leur donner les compétences requises. Celaconcerne aussi bien les directeurs d’école que le corps enseignant,les parents d’élèves et les autres membres de la société civile.

Si la population locale parvient à acquérir les compétencessuffisantes, alors les décisions prises selon un processus politiqueseront les mêmes que celles prises par des experts. Dans cetteoptique, le « transfert démocratique de compétence » s’opère plusfacilement dans les pays dont la population est extrêmementhomogène, avec des niveaux d’éducation et de formation élevésou équitablement répartis.

3. Efficacité du marché

Le concept d’efficacité du marché fait une distinction entre lagestion de la production de l’éducation et la gestion de saconsommation. À l’heure actuelle, la plupart des pays attribuent àl’État le contrôle monopolistique de la production de l’éducation etexigent que tous les enfants soient éduqués dans des écoles superviséesou approuvées par l’État. Mais dans une économie de marché, lesindividus ont toute liberté pour décider de la production de l’éducationet du choix de l’école pour leurs enfants (Patrinos et Ariasingham,1997).

Les adeptes de l’idéologie de marché affirment que lesprofessionnels n’ont pas et ne pourront jamais avoir lesconnaissances requises pour satisfaire aux désirs et aux besoinsde ceux que l’éducation est censée servir. Il n’y a rien dans laformation des éducateurs, ni dans celle des économistes, qui leurpermette de comprendre ce que veut le public. Le fait d’imposerune solution « professionnelle » prive certains consommateurs del’enseignement qui leur conviendrait le mieux. Le pouvoir livré auxprofessionnels est nécessairement une forme de tyrannie qui obligeles uns à consommer ce que les autres leur recommandent. C’estévidemment le même argument qui est avancé dans la critique ducollectivisme, de l’économie dirigée et de la planification centralisée.

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L’idéologie du marché conteste également le fait que le processuspolitique soit un moyen de satisfaire les désirs et les ambitions légitimesdes membres d’une société. La politique est nécessairement inefficaceet corrompue. En persistant à imposer un régime majoritaire, ladémocratie restreint la liberté des minorités. En d’autres termes, « … ladémocratie est par nature coercitive. Les gagnants en viennent à userde l’autorité de l’État pour imposer leur politique aux perdants. Lessyndicats d’enseignants pourraient, par exemple, prévaloir sur lesadministrateurs ou les parents qui s’opposent à eux sur certains points.Dans d’autres domaines, les groupes d’affaires pourraient réussir àimposer des réformes rejetées par les syndicats. » (Chubb et Moe,1990, p. 28).

L’argument va jusqu’à affirmer que les systèmes démocratiquessont plus idéologiques que rationnels. Il est difficile de se défaire d’unepolitique d’inspiration démocratique, même quand elle se révèleinefficace et inopérante. Le marché, dit-on, est le meilleur moyend’exploiter l’information à propos de ce que veut la clientèle etde ce qui la satisfait. Si le financement des écoles dépendait davantagede la satisfaction des consommateurs que des professionnels ou despouvoirs publics, il n’y aurait pas d’argent pour les mauvaises écoles.On estime par hypothèse que la concurrence entre écoles pour lesoutien des consommateurs permettra d’innover, d’améliorer la qualitéde l’éducation et d’éliminer les mauvaises écoles.

Les parents d’élèves forment un groupe de consommateursnon négligeable. En fin de compte, disent les partisans de la doctrinelibérale, ce sont les parents qui paient l’éducation de leurs enfants, entant que membres d’une collectivité qui alimente les caisses de l’État.Les parents ont des intérêts dans l’éducation de leur enfant. Chaqueparent a des informations détaillées sur les centres d’intérêt et lescapacités de l’enfant. Chaque parent est mieux placé que n’importequel professeur pour dire si une méthode pédagogique ou unprogramme ne donne pas les résultats recherchés. Les maîtres sontdistraits par les demandes des nombreux élèves dans leur classe ; lesparents s’occupent d’un plus petit nombre. Les consommateurs n’ontpas besoin d’être des spécialistes de la production pour savoir si unproduit est bien, autrement dit s’il répond à leurs aspirations.

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On peut avancer le même argument pour l’intervention directedes employeurs dans les prises de décisions sur l’éducation. Ilscomprennent, mieux que les éducateurs et autres économistes patentés,les besoins de leurs entreprises en ressources humaines. Ils ont bienplus d’informations sur les conséquences des formes particulières descolarité que ceux qui les leur procurent. Et en définitive, dans toutesociété, ce sont les employeurs qui paient pour l’éducation à traversles impôts.

La commercialisation n’impose pas la privatisation

Il y a souvent confusion entre les notions de commercialisation etde privatisation de l’enseignement. Ce malentendu nous induit en erreur.Le contrôle privé de la production de l’éducation n’est pas unecondition indispensable ni suffisante à l’existence d’un marchéde l’éducation. Lorsqu’une collectivité locale (ville ou village) se voitattribuer une autonomie au niveau de la conception et de la gestion deson système scolaire, celui-ci n’en demeure pas moins un servicepublic. Il existe un marché si plusieurs écoles autonomes offrentdifférents types d’enseignement et si les membres de la société civilepeuvent choisir celui qui leur convient.

Niveau auquel est transféré le pouvoir

On peut dire qu’un marché existe s’il répond à ces troisconditions :

••••• la diversité dans la qualité et le contenu de l’enseignementest réelle ;

••••• les consommateurs sont informés des options ; et••••• les consommateurs sont capables de choisir parmi ces options.

Selon cette définition, il n’y a pas de marché si toutes les écolespubliques sont les mêmes et si les écoles privées suivent le programmescolaire national et ont les mêmes enseignants que les écoles publiques.Il n’y a pas de marché si les seules écoles restantes sont trop chèresou trop éloignées.

Dans l’optique du marché, le « consommateur » n’est pasuniquement l’élève ou les parents/tuteurs, mais peut être une collectivité

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locale, voire une instance départementale ou régionale, ou encore uneentreprise privée qui fait un choix parmi des producteurs d’éducation.Autrement dit, on peut créer un mécanisme de marché dans le cadrede l’enseignement public, créer des choix possibles et accessibles àtous les consommateurs, que ce soient les particuliers, les entreprisesou les gouvernements.

Le choix a été proposé de trois façons :

• par des mécanismes qui permettent aux consommateurs d’inscrireleurs enfants dans l’école de leur choix ;

• par le financement public d’un enseignement alternatif ;• grâce au financement de l’enseignement alternatif par les ONG.

La première méthode a plus de sens dans un système éducatifdéjà caractérisé par un enseignement diversifié (variation desprogrammes scolaires, des méthodes d’enseignement, qualité desenseignants). Si les écoles privées disposent déjà d’une très grandeliberté, elles peuvent fort bien avoir conçu des méthodes et desprogrammes différents de ceux des écoles publiques. S’il y a déjà euune importante décentralisation dans l’enseignement public, desvariations ont pu se produire entre collectivités ou circonscriptions. Ilreste à tenir les parents informés des variantes dans la qualité et lecontenu de l’enseignement et à leur permettre de choisir la scolaritéde leurs enfants. Dans certains pays, cela passe par la suppression desrestrictions géographiques qui déterminent les établissements scolairesoù les parents peuvent envoyer leurs enfants.

Une fois cette question résolue, le choix de l’école se heurte àl’obstacle majeur de l’accessibilité. Le problème ne se pose peut-êtrepas en ville, où les écoles publiques sont proches les unes des autres,mais dans les zones rurales où les parents ont de gros frais de transport.En Jamaïque, par exemple, les élèves des zones rurales habitent parfoisà plus de 20 kilomètres de l’école de leur choix. Pour mettre en placesa réforme, la Nouvelle-Zélande a jugé nécessaire d’agrandir lesétablissements scolaires de 20 % et de développer les autocars deramassage. La plupart des projets concernant le choix des écolesn’abordent pas la question du transport.

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La possibilité de choisir son école est le plus couramment offertesous la forme d’un chèque remis aux parents, équivalant aux fraisannuels de scolarité par enfant dans une école publique (Cohn, 1997).Ce chèque-éducation est valable pour tous les établissements. EnColombie, il sert à scolariser les enfants issus de foyers à faible revenudans des zones où il ne reste de la place que dans les écoles privées.

Écoles à charte

Le financement public des écoles alternatives se fait le plussouvent en engageant ou en passant un contrat avec un groupe chargéde l’éducation. Dans certains pays, les chartes ou les contrats sontsignés avant tout avec des groupes privés, alors que dans d’autrespays, les écoles à charte sont gérées par des groupes publiquementélus. Les écoles peuvent aussi être organisées en coopératives dontles propriétaires sont les enseignants sur place (comme au Chili) ou enentreprises qui sont la propriété des parents d’élèves ou autres.

Le financement public de l’enseignement privé n’est pas unenouveauté en soi, même si le concept d’école à charte est assez récent.Un certain nombre de pays européens subventionnent depuis un certaintemps les écoles privées. En Belgique, par exemple, les fonds publicscontribuent à financer les écoles dirigées par différents ordres religieux.Bon nombre d’entre elles étaient à l’origine des institutions privéesqui ont ensuite été reconnues et soutenues par l’État, soucieux degarantir l’accès de l’éducation à toutes les couches sociales. Elles sontgérées comme des associations à but non lucratif.

Parmi les écoles privées à charte créées dans les pays endéveloppement, on cite souvent l’exemple du Chili qui a lancé cetteréforme en 1974. Les principaux aspects de la gestion de l’enseignementprimaire et secondaire ont été confiés aux municipalités qui ont, enparticulier, le pouvoir de signer des contrats d’enseignement avec desorganismes privés. Le ministère chilien de l’Éducation nationalecontinue à superviser les programmes scolaires, tandis que les écolescommunales et à charte contrôlent la répartition de l’enveloppebudgétaire en fonction de leurs effectifs et sont habilitées à recruter età licencier les enseignants. Les écoles privées à charte sont autoriséesà compléter les subventions de l’État, mais ne peuvent pas exiger de

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frais de scolarité (Malpica Faustor, 1994). Bien que le nombre totald’inscriptions n’ait pas progressé, les écoles privées (gratuites ou non)ont vu passer leurs effectifs de 23 à 40 % du nombre totald’inscriptions.

D’autre part, la quasi-totalité des 900 écoles à charte ouvertesces dernières années aux États-Unis sont des écoles publiques, c’est-à-dire qu’elles sont placées sous le contrôle d’un conseil élu. Ledéveloppement des écoles à charte aux États-Unis est une réponseaux parents d’élèves et aux groupes communautaires qui déploraientla dégradation de l’enseignement public. Les écoles à charte diffèrentdes simples écoles publiques dans la mesure où elles n’ont pas à seconformer aux réglementations locales et de l’État (notamment pourle recrutement des personnels et les programmes scolaires), mais ontune obligation de résultat. Cette approche est identique à celle de laNouvelle-Zélande où toutes les écoles publiques sont désormais desécoles à charte.

Contribution des ONG

Le troisième mode de développement de l’enseignementalternatif s’est opéré grâce au financement et à l’assistance techniquedes ONG. En Afrique, la fondation Save The Children, en partiefinancée par l’Agence des États-Unis pour le développementinternational (USAID), avec la permission du gouvernement central,incite les petites collectivités locales à créer et à financer leurs propresécoles. Ces dernières suivent des programmes conçus à l’échelon localet emploient un personnel enseignant local formé par la Fondation.On dénombre actuellement plus de 600 écoles de ce type au Mali,ainsi qu’au Burkina Faso, au Ghana, en Guinée et au Malawi(DeStefano, 1996). Bon nombre d’entre elles ont été créées dans desvillages qui en étaient auparavant dépourvus ; d’autres remplacent lesécoles publiques existantes. On demande à chaque communautéd’assumer à brève échéance l’ensemble des frais d’exploitation deson établissement. Cela est possible du fait que les coûts unitairesreprésentent le dixième du coût des écoles publiques. Le ratio coûts-avantages de ces écoles n’a pas encore été fixé.

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Bien que l’intention déclarée des organismes qui financent cesprojets soit de donner aux parents le choix de l’éducation pour leursenfants, les conditions d’un vrai marché sont rarement réunies. AuMali, par exemple, les écoles communales ont disparu des villages oùont été implantées des écoles privées alternatives. Dans les zones àfaible densité de population, la décentralisation organisée selon unelogique du marché (face à la privatisation absolue) n’est envisageablequ’en aidant les écoles, trop petites pour être performantes.

Impact sur la gestion

Si l’on emploie le terme de « gestion autonome des écoles » pourfaire référence au contrôle local exercé par les experts, on dira alorsde celles qui sont contrôlées par le marché qu’elles sont « autogérées »(Caldwell et Spinks, 1992). Les deux formules doivent obéir à desméthodes de gestion différentes. La gestion autonome met l’accentsur l’application des connaissances d’experts dans un contexte local.En revanche, dans un système de marché, la première tâche desgestionnaires est d’offrir le type d’enseignement qui correspond à laplus forte demande (autrement dit, qui assure le meilleur bénéficebrut) et représente le plus faible coût de production. L’obtention decet équilibre assure la survie et la croissance de l’organisation. Sil’école veut s’autofinancer, « la forme d’éducation la plus souhaitable »est définie par le type d’éducation que les consommateurs ont le désird’acheter. Cela veut dire que le marketing, c’est-à-dire l’identificationet la stimulation de la demande parentale qui peut être fournie le plusefficacement par l’organisation, devient une tâche prioritaire dugestionnaire.

La plupart des réformes sur le choix de l’école ou l’émission dechèques-éducation augmentent les responsabilités des chefsd’établissement. C’est ce que montre clairement l’exemple duRoyaume-Uni où la loi sur l’éducation de 1988 a attribué aux écolesle contrôle de leur budget et de leurs personnels (dont la gestion étaitassurée auparavant par les autorités éducatives locales élues) et asupprimé le zonage (autrement dit, a laissé le choix de l’école auxparents). Plus le chef d’établissement assume des responsabilités etexerce son autorité, moins les enseignants participent aux prises de

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décisions. Contrairement aux responsables des régimes centralisés quipassent leur temps à interpréter les directives ministérielles, ceux-làs’attachent avant tout à développer un niveau de revenu constant et àmaintenir de faibles coûts. En Australie, les directeurs d’école ontpour tâches la définition des objectifs, l’identification des besoins,l’établissement des priorités, l’élaboration d’une politique générale, laplanification, la budgétisation, l’application et l’évaluation avecl’ensemble de la société civile.

Il existe des modèles mixtes de gestion experts-marché. À titred’exemple, un inspecteur new-yorkais a incité les enseignants d’unquartier pauvre de la ville à scinder leur école secondaire en plusieurspetites unités ayant chacune son programme et son style de gestion.Les parents sont invités à choisir une école pour leurs enfants. Lagestion de ces unités est en grande partie assurée par les enseignants(Tyack, 1992). Cette organisation a quasiment créé une situation demarché, bien que ce soient les enseignants qui prennent la plupart desdécisions d’exploitation. Cette réforme a bien marché pendant unedizaine d’années : la fréquentation a augmenté et les abandons scolairesont baissé ; le taux moyen de réussite a progressé, faisant passer leDistrict de la 25e à la 10e place sur 32. Mais à la longue, les professeursse sont lassés de la charge de travail que représentait la gestion despetites unités et les performances ont chuté.

Participation collective et efficacité du marché

La séparation entre l’offre d’enseignement et la consommationde l’éducation change le type de participation collective escompté. Lemécanisme du marché fonctionne mieux quand les consommateurss’informent sur les choix possibles et suivent leurs préférences. Laconcurrence entre les producteurs est censée contribuer àl’amélioration de l’enseignement, du fait que ceux qui ont moins desuccès perdent des parts de marché et finissent par être éliminés.Toutefois, les choix des consommateurs affectent seulement la pérennitéd’une offre déjà existante et non pas ce que les producteurs décidentde lancer sur le marché. Les producteurs créent souvent une demandepour des produits dont les consommateurs n’ont pas envie au départ.C’est ce que l’on appelle le « marketing ». En ce sens, la

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décentralisation du marché rejoint la perspective de la décentralisationprofessionnelle : mieux vaut tenir la société à distance.

L’efficacité n’est pas toujours le souci de l’enseignement privé

Là où la clientèle n’est pas la source principale de financement,l’efficacité n’est sans doute pas le premier souci de l’école privée.Dans ce cas, la participation parentale et collective peut revêtir uneimportance considérable. L’ONG Fe y Alegría dirige des écoles gratuitesdans 12 pays d’Amérique latine, sous le contrôle des jésuites de l’Églisecatholique. Ces écoles sont financées grâce aux subventions duministère de l’Éducation de chacun de ces pays (salaires des enseignantset des chefs d’établissement), de fondations, d’agences d’aideinternationale et de dons provenant des collectivités locales. Des écolessont ouvertes dès lors qu’une collectivité en fait la demande à Fe yAlegría. Elles sont construites par des membres de la société civile, etune association de parents d’élèves est mise en place pour travailleravec le principal (choisi par Fe y Alegría et souvent rémunéré par leministère). On exhorte les parents à s’intéresser aux études de leursenfants et à s’engager activement dans les programmes scolaires. Laplupart des écoles font office de centres communautaires oùs’organisent des projets de développement et des activités culturelles.Un grand nombre d’écoles cultivent des fruits et des légumes. Leprogramme officiel est complété par des matériels conçus à l’échelonlocal (Rugh et Bossert, 1998).

La privatisation comme mode de décentralisation

Il y a trois grands modes de gestion des écoles « privées », selonun degré croissant de « décentralisation » :

• les écoles subventionnées que possède et gère le secteur privé,qui se conforment aux directives gouvernementales et neperçoivent aucun frais de scolarité ;

• les écoles subventionnées que possède et gère le secteur privé,qui jouissent d’une relative autonomie et sont payantes ; et

• les écoles financées par le secteur privé, qui ne sont pas soumisesau contrôle de l’État.

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Presque tous les pays ont une forme d’enseignement privé. Dansun nombre infime de pays, cependant, le deuxième et le troisièmetype d’école privée, représentent ensemble plus de 10 % des effectifsdu primaire et du secondaire. Dans certains pays, on compte jusqu’àla moitié du total des effectifs dans le premier type d’école privée.Presque tous les projets actuels de financement public del’enseignement privé font appel à cette première forme de gestionscolaire.

Dans certains pays, la demande d’enseignement privé dépassel’offre en raison des restrictions gouvernementales appliquées à lacréation et au développement des écoles privées. Ces restrictionspeuvent revêtir plusieurs formes :

• interdiction absolue de construire des locaux ou d’augmenter leseffectifs ;

• détermination d’un plafond pour le montant des frais de scolaritédemandés, ce qui rend toute expansion financièrement impossible ;ou

• obligation d’intégrer un certain pourcentage d’élèves quin’appartiennent pas au groupe dominant de l’école, ce qui réduitl’attractivité de l’école.

L’essor de l’enseignement privé ne peut faire augmenter l’ensembledes effectifs scolaires qu’à certaines conditions. L’expansion des écolesprivées payantes fait progresser le nombre total d’inscriptions si l’offredes écoles privées gratuites et financées par l’État et celle des écolespubliques ne suffisent pas pour répondre à la demande. L’augmentationdu nombre d’écoles privées gratuites ne fait croître l’ensemble deseffectifs que si l’offre des écoles publiques est inférieure à la demande.Au Viet Nam, par exemple, le gouvernement a autorisé ledéveloppement de l’enseignement privé plutôt que l’expansion rapidedes écoles publiques. Les pays qui n’ont pas déjà investi dansl’enseignement public verront progresser les effectifs s’ils augmententle budget de l’éducation, que les crédits soient affectés aux écolespubliques ou privées.

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Résumé

Le choix se présente sous deux formes, le secteur public et lesecteur privé. Le secteur public permet d’offrir à la collectivité lechoix du type d’éducation que vont recevoir ses enfants. Si laréforme prévoit aussi une participation aux décisions importantes(comme en Nouvelle-Zélande), alors choisir le secteur publicéquivaut à adopter le critère de la légitimité démocratique. Lechoix du secteur privé accorde plus de liberté aux parents maisest rarement organisé de manière à développer la capacité de lacommunauté à mener une action collective. Le rôle des dirigeantsest plus astreignant dans les deux cas. Ils doivent être aptes àconcevoir et à structurer de nouvelles formes d’enseignement et,dans le cas du secteur public, ils doivent le faire avec les enseignantset peut-être avec les membres de la collectivité. Dans le mêmetemps, ils doivent constamment surveiller les dépenses et chercherdes revenus.

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III. Quelles décisions transférer ?

La première partie de ce chapitre présente les sites décisionnels dansun certain nombre de pays. Le plus intéressant est de savoir quellessont ces décisions et à quel niveau elles sont prises : local, régional,national. La seconde partie du chapitre présente un plan d’analysedu lieu où se prennent toutes les grandes décisions.

Variations des sites décisionnels

La présence de conditions favorables à la décentralisation engendredes différences entre les pays. Associées à différents types d’évolutionet différents objectifs de décentralisation, ces conditions ont amenéplusieurs modes de gestion de l’éducation. La pertinence des solutionschoisies ne doit pas être établie par comparaison avec d’autres pays,d’autres conditions préalables, d’autres contextes et objectifs. Ce quiparaît être une solution « inefficace » selon des critères courants, apeut-être été, en réalité, la seule solution envisageable pour tel groupede décideurs.

Le propos de cette section est de montrer que les pays ont distribuéle pouvoir de décision de manière très différente. Les étudescomparatives montrent clairement que la « décentralisation » ne doitpas être considérée comme un phénomène unitaire et qu’il peut yavoir plusieurs manières de structurer avec succès la gouvernancedans le domaine de l’éducation.

Étude comparative des sites décisionnels dans les paysindustrialisés et en développement

La première source de données provient des systèmesd’éducation nationale de 10 pays industrialisés et en développement,dont certains viennent d’accéder à l’indépendance. La sélection deces pays n’entend pas constituer un échantillon représentatif,autrement dit on ne peut pas généraliser au vu de ces résultats. Les

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évaluations des lieux de décisions ont été faites par un seul groupe derecherche sur la base de documents, d’articles, de manuscrits et destatistiques officielles. Les catégories et les décisions qu’ellesrenferment ont été établies a priori et appliquées à l’étude de cas(Rideout et Ural, 1993).

Le tableau 1 indique le site décisionnel dans les 10 payssélectionnés. Les décisions sont répertoriées par catégories : Gestion ;Organisation scolaire ; Finances ; Formation du personnel ; Curriculumet enseignement ; Contrôle et évaluation ; et Recherche. Dans certainspays, elles sont prises à plusieurs niveaux, ce qui sous-entend unpartage du pouvoir. Dans ce groupe de pays, la plupart des décisionssont prises le plus souvent à l’échelon ministériel, mais quelques-unesd’entre elles (par exemple, l’évaluation des élèves et la discipline, lasurveillance des examens) sont plus souvent prises à d’autres niveaux.

Tableau 1. Sites décisionnels par catégorie de décision(Pourcentage de pays faisant état de décisions prises àce niveau)

Catégorie Central Régional District Local

Gouvernance :Politique 90 40 10 10

Planification 90 40 10 30

Mise en œuvre 90 30 50 40

Organisation scolaire :Structure 90 10 10 0

Besoins minimaux 90 10 0 0

Finances : Fonctionnement 80 50 30 50

Développement 90 40 30 60

Formation :En cours d’emploi 80 50 20 30

Avant emploi 70 50 10 0

Gestion 60 40 60 50

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Quelles décisions transférer ?

Curriculum : Matières 90 30 0 0

Contenu 90 20 10 20

Livres scolaires 80 20 10 30

Fourniture de livres scolaires 70 30 20 40

Politique linguistique 100 20 10 0

Méthodes d’enseignement 70 30 20 20

Évaluation des enseignants 60 50 60 70

Contrôle : Accréditation 70 30 0 20

Examens 70 30 30 90

Promotion des élèves 70 0 30 70

Discipline 10 10 30 90

Systèmes de données 60 50 50 60

Évaluation scolaire 90 40 40 30

Recherche : Besoins 90 30 10 20

Conduite 80 50 20 20

Mise en œuvre 60 20 30 10

N.B. : Les rangées additionnées dépassent les 100 % parce que les décisions sont prisesà deux niveaux ou plus.

Source : Rideout et Ural, 1993.

Le tableau 2 montre le pourcentage par pays de toutes les décisionsprises à chacun des quatre niveaux. Le classement des décisions prisesau niveau central est présenté en ordre décroissant. Les résultatsmontrent que le partage du pouvoir de décision peut prendre différentesformes. Dans cinq de ces pays (Zimbabwe, Sénégal, Malaisie, France,Namibie), ce sont les instances centrales et locales (ou du district) quiprennent la plupart des décisions concernant l’éducation. Dans troispays, le pouvoir est surtout partagé entre les unités régionales (dechaque État) et centrales (Mexique, Nigéria, Inde). Au Royaume-Uni, les décisions relatives aux programmes scolaires sont prises par

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le gouvernement central, alors qu’aux États-Unis, elles sont répartiesentre les instances des districts et des États.

Tableau 2. Sites décisionnels dans divers pays(Pourcentage de toutes les décisions par niveau)

Pays Central Régional District Local

Zimbabwe 81 0 3 16

Sénégal 76 3 0 21

Malaisie 63 10 10 17

France 59 10 22 10

Namibie 57 5 14 25

Mexique 45 25 13 17

Nigéria 42 40 0 18

Inde 38 38 10 14

Royaume-Uni 36 7 25 32

États-Unis d’Amérique 6 36 33 24

N.B. : Le niveau « régional » fait référence aux États ou aux provinces. En France, le« district » correspond aux 26 académies. Au Nigeria, les districts sont associés auniveau local.Source : Rideout et Ural, 1993.

Étude comparative des sites décisionnels dans les paysindustrialisés

Une deuxième étude permet de déterminer quels sont les sitesdécisionnels dans 14 pays (industrialisés) de l’OCDE. Les conclusionsdes deux études ne sont pas tout à fait comparables. Seuls trois despays de l’étude de l’OCDE figurent dans la première étude1. L’objet

1. Les pays concernés sont : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Danemark,l’Espagne, les États-Unis, la Finlande, la France, l’Irlande, la Nouvelle-Zélande,la Norvège, le Portugal, la Suède et la Suisse.

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Quelles décisions transférer ?

de la deuxième étude étant d’évaluer le degré d’autonomie des écoles,l’attention a seulement été accordée aux décisions qui auraient pu êtreprises par une école dans un système totalement décentralisé. Les34 décisions inventoriées ne recoupent que partiellement la premièreétude. Ne figurent pas, par exemple, les décisions sur le temps descolarité obligatoire, la formation des maîtres et des administrateurs etl’aide financière apportée aux élèves. Les lieux de décisions ne sontmentionnés que pour de larges catégories et non pour des décisionsparticulières.

Le tableau 3 indique le pourcentage des décisions prises à chacundes quatre niveaux de gouvernement pour les écoles publiques des14 pays. Les écoles prennent la majorité des décisions, puisque 65 %d’entre elles sont concernées par l’organisation des cours. Les unitésdu niveau moyen inférieur s’intéressent surtout aux questionsd’allocation des ressources et le gouvernement central à l’organisationdes cours.

Tableau 3. Niveau où sont prises quatre catégories dedécisions dans 14 pays de l’OCDE(Pourcentage des décisions par catégories à chaqueniveau)

Catégories de décisions Gouvernement Niveau Niveau Établissementcentral intermédiaire intermédiaire

supérieur inférieur

Organisation pédagogique 28 2 5 65

Planification et structures 23 27 22 28

Gestion du personnel 15 20 29 36

Allocation des ressources 5 10 38 47

N.B. : Le niveau local correspond à l’école ; le niveau intermédiaire inférieur est un lieude décision situé près de l’établissement scolaire : le district, ou la commune ; le niveauintermédiaire supérieur fait référence au gouvernement régional élu (État, province) ouà un service déconcentré du gouvernement central.Source : OCDE, Centre pour la recherche et l’innovation dans l’enseignement, 1995.

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Comme dans la première analyse, ces chiffres révèlentd’énormes variations d’un pays à l’autre. Par ailleurs, à l’intérieur dechaque pays, les décisions se prennent à plusieurs niveaux. C’est ceque reflète le tableau 4 qui indique le site décisionnel pour chaquepays. En Autriche, par exemple, certaines décisions sont prises à chacundes quatre niveaux. Dans aucun pays on ne trouve un seul niveau quiconcentre le pouvoir de décision. Rappelons que l’étude porteseulement sur les décisions que peuvent prendre les écoles entièrementdécentralisées. Même dans les pays à forte décentralisation, commel’Irlande et la Nouvelle-Zélande, bon nombre de décisions sont prisesà d’autres niveaux que celui de l’école : certaines sont prises par lepouvoir central. De même, aux États-Unis, où la décentralisation esttrès répandue, on constate que la majorité d’entre elles sont prises auniveau intermédiaire inférieur (district), ce qui confère une certaineautorité aux écoles individuelles. En Espagne, où les écoles jouissentaussi d’une très grande autonomie (elles élisent, par exemple, leurdirecteur ou leur principal), le pouvoir central prend encore denombreuses décisions.

Ces 14 pays présentent de grande différences dans la distributiondes pouvoirs et compétences. Comme l’illustre le tableau 4, l’Irlandeet la Nouvelle-Zélande ont des écoles très autonomes. La Belgique etles États-Unis ont des districts ou des collectivités autonomes. L’écoleet le district (la circonscription) se partagent le pouvoir en Allemagne,au Danemark, en Finlande, en Norvège et en Suède. La Suisse établitle partage des décisions entre les collectivités et les autorités régionales.Dans certains pays – Autriche, Espagne, France et Portugal – lesdécisions sont prises à trois niveaux.

Cette évaluation est encore plus complexe si la distribution despouvoirs est analysée séparément pour les cycles de l’enseignementprimaire et secondaire. Dans certains cas, il y a relativement plus dedécisions prises dans les deux cycles du second degré (de la cinquièmeà la douzième année de scolarité) que dans le primaire (de la premièreà la quatrième année de scolarité). Dans un petit nombre de pays,davantage de décisions sont prises au niveau des écoles primaires quedes écoles secondaires du second cycle. Et dans quelques cas, on neconstate aucune différence entre les niveaux de compétence.

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Tableau 4. Sites décisionnels dans 14 pays(Pourcentage de toutes les décisions par niveau)

Pays Gouvernement Niveau Niveau Établissementcentral intermédiaire intermédiaire

supérieur inférieur

Allemagne 7 18 42 33

Autriche 28 26 8 38

Belgique 25 50 25

Danemark 15 44 41

Espagne 33 13 26 28

Finlande 13 47 40

France 33 36 31

Irlande 19 8 73

Norvège 23 45 32

Nouvelle-Zélande 29 71

Portugal 57 3 40

Suède 4 48 48

Suisse 50 40 10

États-Unis 3 71 26

N.B. : Les cellules vides traduisent l’absence d’unité gouvernementale compétente à ceniveau pour les types de décisions concernés.Source : Id., Ibid.

La complexité du concept de « décentralisation » se révèle aussiau vu des différentes définitions du concept de « pouvoir de décision ».L’étude de l’OCDE définit trois modes de décision : l’autonomiecomplète, la prise de décisions après consultation d’une autre autoritéà un niveau proche et la prise de décisions conforme aux directivesétablies par une autre autorité, en général au niveau supérieur. Lamajorité des décisions ont été qualifiées d’autonomes, mais environ

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un tiers répond, semble-t-il, à des directives assez strictes établies parle gouvernement central.

Les modèles varient sensiblement selon les pays. En Finlande,par exemple, les décisions prises à l’école s’appuient presque toutessur des directives. Aux États-Unis, peu de décisions sont ditesautonomes : on constate une égale répartition entre celles qui sontissues de directives et celles qui sont prises en consultation. Les modèlesvarient aussi selon les catégories de décisions et le degré d’enseignement(primaire, premier et second cycles du second degré). En d’autrestermes, le niveau de décision est propre à chaque pays et à l’intérieurde chaque pays, le niveau de « décentralisation » varie souvent selonle degré d’enseignement primaire ou secondaire.

Ces études comparatives permettent de tirer plusieurs conclusions.Les recherches sur la décentralisation donnent des résultatscontradictoires parce que l’unité d’analyse est trop rudimentaire.Prenons, par exemple, l’évaluation de l’impact de la décentralisationen matière de recrutement des enseignants, qui incombe aux conseilsscolaires locaux. L’autorité responsable du recrutement va sans doutevarier considérablement en fonction des districts et certaines desdécisions qui s’y rapportent risquent d’avoir une plus grande incidencesur les indicateurs du succès de la réforme. Les analystes finissent partrouver des similitudes entre des districts qui bénéficient d’un degréde décentralisation très différent.

Mieux vaut une approche stratégique qu’une approche des« meilleurs procédés ». La répartition du pouvoir de décision peuts’effectuer selon diverses combinaisons ; il y a de multiples façonsd’améliorer l’éducation. C’est pourquoi les décideurs et lesresponsables ne doivent pas garder continuellement la mêmeapproche, mais au contraire faire en sorte que les sites décisionnelsvarient en fonction de la situation de l’organisation. L’approchestratégique définit les principes qui orientent les choix selon lessituations au lieu de spécifier des réformes structurelles fixes àentreprendre.

On estime, enfin, que plusieurs pays sont dotés de systèmeséducatifs performants. Cela signifie qu’il y a plusieurs manièresd’assurer une bonne gestion. Cela confirme également que l’on

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peut promouvoir les avantages de la décentralisation sansdiminuer pour autant la qualité de l’enseignement public.

Sites décisionnels pour le financement de l’éducation

On peut faire une dernière analyse de la centralisation/décentralisation en voyant jusqu’où l’enseignement est « privé », c’est-à-dire non soumis au contrôle de l’État à quelque niveau que ce soit.Le mot « contrôle » est relatif : aucun gouvernement, par exemple,n’autoriserait une école à enseigner la subversion et l’insurrection.Tous les pays imposent des règles, même aux écoles privées les plusautonomes. Il est néanmoins raisonnable de penser que les écoles« privées » sont plus autonomes que les écoles publiques. Si l’onprésume qu’elles appartiennent à des particuliers, alors leur nombrecroissant entraîne une plus forte dispersion de l’autorité. Le tableau 5décrit les sources de financement de l’éducation dans 127 pays.

Tableau 5. Nombre de pays par type de propriété et source definancement, 1975

Source de financement

Gouvernement central Gouvernement centralseulement et local

Propriété École École École École privée Totalnon privée privée non privée subventionnéeou privée subventionnée ou privée

réglementée réglementée

Non privée 15 7 22

Privée minimale 14 3 6 23

Privée surtoutdans le secondaire 16 10 8 4 38

Privée surtoutdans le primaire 4 5 1 10

Privée dans lesdeux degrés 9 7 4 4 24

Surtout privée 2 7 1 10

Total 60 32 20 15 127

Source : Cummings et Riddell, 1994.

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Dans certains pays (comme la Belgique), il y a beaucoup d’écoles« privées ». D’autre part, ces écoles sont largement financées par desfonds publics, autrement dit par le gouvernement. Ces établissementsprivés, subventionnés par l’État, augmentent la participation auprocessus de décision en matière d’éducation sans accroître lesdisparités sociales. Le facteur primordial n’est pas tant l’aide publiqueconsentie aux écoles « privées » que les structures du pouvoir dedécision en faveur de l’égalité sociale.

Sur les 127 pays répertoriés dans le tableau 5, 47 payssubventionnent l’enseignement privé et 10 pays comptent une majoritéd’écoles privées. On trouve surtout des écoles privées dans le seconddegré, mais il y a un peu plus de gouvernements disposés àsubventionner le primaire plutôt que le secondaire. L’octroi desubventions est plus courant dans les pays où les gouvernements centralet local se partagent le financement de l’éducation.

Résumé

Pour reformuler l’argumentation qui précède, cela n’a guère desens de qualifier la « décentralisation » de processus ou dephénomène unitaire. Les comparaisons établies entre des paysou des systèmes éducatifs plus ou moins décentralisés dissimulentd’importantes fluctuations à l’intérieur de ces pays. Pourcomprendre le processus de « décentralisation » du système, ilest important de focaliser l’analyse sur certains domaines decompétences spécifiques qui sont transférés d’un niveau à unautre. L’objectif est de déterminer quelles décisions spécifiques(ou plus probablement quelles catégories de décisions) doiventêtre prises et à quel niveau de l’administration. Pour ce faire, ilfaut préciser qui a le pouvoir de prendre des décisions, lesquelles et àquel niveau de l’organisation. C’est ce que nous allons examiner.

Catégories de décisions en matière d’éducation

On peut classer les décisions sujettes au transfert d’autoritéen cinq catégories : Mission, Opérations, Personnel, Clientèle,Finances2. Ces catégories ne sont pas entièrement satisfaisantes, mais

2. Cette section est en grande partie fondée sur les travaux de Davies (1994).

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elles servent avant tout à orienter le débat. Elles sont utilisées à doubletitre : aider à comprendre quel pouvoir peut être transféré et attirerl’attention sur l’ensemble de questions complexes que renfermentles projets de décentralisation.

La netteté des catégories masque une immense complexité,comme on a pu le constater dans l’analyse précédente sur la portéede la décentralisation. Les décisions ne s’excluent pasmutuellement ; une seule décision peut avoir une incidence surplusieurs aspects de l’organisation. À titre d’exemple, une instancequi se voit attribuer une part d’autorité peut décider de changer samission en passant de la formation des ressources humaines au servicede l’économie nationale au développement de la collectivité locale.Ce changement peut aussi affecter la clientèle du système éducatif.

Deuxièmement, les décisions à l’intérieur et entre les catégoriessont interdépendantes. Par exemple, dans la catégorie « Opérations »,une décision visant à évaluer les performances des enseignants entermes d’apprentissage exige les décisions suivantes : quels domainesd’apprentissage faut-il évaluer, quelles méthodes d’évaluation adopter,qui fera l’évaluation, quelle sera la fréquence de l’évaluation, quellesseront les sanctions en cas de mauvais résultats, et ainsi de suite.L’application de ces décisions entraîne à son tour d’autres décisionsde procédure, à savoir comment organiser et noter les examens, etc.La « décision » initiale est très souvent formée d’un ensemble imbriquéde décisions prises à différents niveaux. Ainsi, le conseil scolaire localpeut décider d’évaluer les performances des enseignants au moyend’un test d’apprentissage des élèves conçu par un organisme national.C’est pourquoi les systèmes d’éducation nationale, souvent qualifiésde « centralisés », varient énormément dans leurs lieux de décisions.

1. Décisions relatives à la mission de l’organisation

(a) Qui détermine la mission de l’organisation et qui peut laréformer ?

Le terme « mission » fait référence aux objectifs ou à la finalitéd’une organisation. La Constitution nationale annonce souvent devastes programmes, telle l’éducation pour tous les citoyens. Des

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objectifs plus concrets font parfois allusion à la nature et aux qualitésde l’enseignement à pourvoir. Le ministère égyptien de l’Éducation aainsi proclamé sa double mission de formation d’une communauté« scientifique » et de « mise en valeur du monde égyptien ». Certainsacteurs souhaitent orienter la mission de l’éducation vers une« préparation à l’esprit de compétition mondiale ».

Même les instances locales ont une mission qui leur est assignéeou qu’elles définissent elles-mêmes. Par exemple, la mission d’undistrict peut être de dispenser le meilleur enseignement possible auplus grand nombre d’enfants ayant droit à l’éducation. L’examen et lerenouvellement périodiques des objectifs d’une mission contribuentaux efforts de mobilisation des membres de l’organisation en faveurde ses objectifs. Les objectifs mal définis ne facilitent pas l’évaluationde ses performances et incitent les membres à poursuivre leurs propresobjectifs.

La définition de la mission doit être une activité politique.Un nombre d’acteurs aussi divers que possible doit être impliquédans le processus pour assurer la participation de la société civileaux activités de l’organisation. Les objectifs de la mission sont plusfaciles à changer s’ils apparaissent dans des décrets ou des lois plutôtque dans la Constitution et s’ils se présentent isolément au lieu d’êtrerattachés à des spécifications juridiques sur tous les aspects del’éducation. La réforme d’une « loi organique de l’éducation » peutêtre particulièrement délicate, sachant que les révisions proposées vontprovoquer la réaction des « distributeurs », mais aussi des« producteurs » et des « usagers ».

Dans les organisations où la compétence professionnelle est larègle, les producteurs ont tendance à faire prévaloir leur point de vuedans la définition de la mission. D’autre part, dans les systèmes quiprivilégient le critère démocratique, les usagers risquent d’être plusvisibles en définissant la mission. Dans l’optique de la légitimitédémocratique, si les usagers redéfinissent la mission, les producteurss’y opposent. L’opposition est la réaction face à une perte de pouvoirréelle ou ressentie pour contrôler la définition des principes et desobjectifs de l’éducation de base. Des tensions se créent entre lestenants de la participation populaire à la définition de la mission de

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l’éducation et les experts qui affirment que seules les personnes aptesà connaître les besoins de la société doivent nourrir le débat. Uneparticipation plus démocratique renforce le rôle de l’État en le faisantreposer sur une base plus représentative, dans la mesure où les usagersconstituent une large catégorie de citoyens.

Selon les perspectives de la légitimité démocratique et del’efficacité du marché, tous les citoyens sont aujourd’hui aptes àintervenir dans les décisions concernant la mission de l’éducation.Dans l’optique du professionnalisme, le débat sur la mission del’éducation doit être dirigé par ceux qui sont le mieux informés des« besoins » de la société.

(b) Qui décrète que l’organisation poursuit la mission qui luia été confiée ?

Les décisions ayant trait au respect de la mission relèvent dudomaine juridique. Si les objectifs de la mission sont clairs, il estpossible de mesurer la performance de l’organisation. Selon le typede mission, on peut mesurer le taux de couverture, l’efficacité interne,la qualité et les résultats scolaires, la réussite des diplômés sur le marchédu travail ou dans la société en général. Ces évaluations peuvent êtreutiles pour les autorités qui veulent défendre leur administration. Onpeut taxer les organisations dépourvues d’objectifs de performanceprédéfinis de ne pas faire ce qu’elles n’ont peut-être pas cherché àfaire. Dans les organisations structurées en fonction de la légitimitédémocratique, la définition de l’accomplissement de la mission peutêtre « qualitative » et « subjective », autrement dit fondée sur lesenseignements que les usagers tirent de leurs expériences. Dans lesorganisations contrôlées par des experts, « l’objectivité » et laquantification excluent toute participation de profanes à l’évaluation.Ces deux types d’indicateurs peuvent être utilisés pour évaluer lesorganisations où le pouvoir de décision est attribué en fonction del’efficacité du marché.

Au nom de la normalisation et de l’équité, l’administrationcentrale entend généralement contrôler les critères d’évaluation desrésultats de la mission, même dans des systèmes aussi fortementdécentralisés qu’en Nouvelle-Zélande et aux États-Unis.

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L’introduction de dispositifs d’évaluation externe, actuellementrecommandés par la Banque mondiale et d’autres institutionsinternationales, ont pour effet de centraliser le pouvoir de décisionconcernant la mission de l’éducation et de l’attribuer non plus selondes critères démocratiques mais en fonction de la compétenceprofessionnelle.

Il est plus difficile d’évaluer la performance du système éducatifque celles des autres agences gouvernementales ou du secteur privé.L’éducation est au service de multiples acteurs et poursuit de multiplesobjectifs, souvent contradictoires. Il n’y a aucun « facteur essentiel »,aucune mesure de « pertes et profits » qui indique à première vue lebon ou le mauvais fonctionnement de l’organisation. L’évaluation peutmesurer la couverture, l’efficacité, le résultat, l’intérêt pour lacollectivité, la pertinence pour le secteur de la production et l’égalitésociale. Les réformes décentralisant les compétences professionnellessont particulièrement contraintes par cette multiplicité. Lesprofessionnels sur le terrain sont peut-être qualifiés pour évaluer lesrésultats scolaires et présenter des statistiques sur les effectifs, maisils n’ont aucune compétence pour juger de la qualité de la préparationde l’école au monde du travail.

Une approche inclusive, qui met en jeu plusieurs niveaux deresponsables politiques (collectivités locales, départements, État), ade meilleures chances de produire une évaluation qui répondéquitablement et de manière exhaustive à tous les acteurs.

(c) Qui peut décider de la fermeture de l’organisation ?

Le gouvernement central (autrement dit le ministère de l’Éducation)peut décider de la mission de l’éducation tout en transférant le pouvoirde décision en matière de fermeture des écoles locales à une autoritéintermédiaire ou locale. La décision d’intervenir dans une école ou defermer l’établissement peut être indépendante du contrôle financier.Ainsi, aux États-Unis, les écoles sont financées par les districts, maisle gouvernement fédéral et celui de chaque État peuvent intervenirpour dire si elles se conforment à la mission officielle. Les autoritéslocales ou régionales peuvent décréter la fermeture d’une école quin’a pas les moyens suffisants ou qui ne respecte pas sa mission.

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La fermeture d’une école est une décision qui exige parfois desconnaissances spécialisées (par exemple, sur les mouvements depopulation), mais aussi des interventions politiques, car elle touche ungrand nombre d’acteurs sociaux.

Ce type de décisions relève du domaine administratif (dans unsystème structuré par la compétence professionnelle) ou du domainecivil (dans un système de légitimité démocratique).

(d) Qui est responsable ? Qui assume le risque d’échouerdans la mission ?

Le risque d’échec est très souvent assumé par les responsablesdirects de l’exécution. C’est ainsi que la direction d’une école reçoitune sanction dès lors que son organisation échoue dans la missionétablie par l’autorité supérieure. À l’heure actuelle, dans bon nombrede pays, les enseignants et autres professionnels de l’éducation sontaccusés de faire échouer leur organisation parce que le critèreprofessionnel détermine en grande partie leur gestion.

Quelques exemples font exception, lorsque le transfert decompétences répond de la légitimité démocratique. Dans ce cas, l’échecest imputé aux instances non professionnelles – tels les conseils scolairesnon professionnels à Chicago, dans l’État du Kentucky ou encoredans les zones rurales du Mali – ainsi qu’aux maires des villescolombiennes.

Le fait de ne pas spécifier le domaine dont relèvent ces décisionsrisque de provoquer des luttes entre acteurs pour s’approprier lecontrôle, ce qui prendra beaucoup de temps et d’énergie.

2. Décisions sur la manière de structurer et de gérerl’organisation de l’éducation

(a) Qui décide du mode de fonctionnement del’organisation ?

Une décentralisation effectuée en fonction de la compétenceprofessionnelle pose la question de savoir quelles décisions seront

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transférées vers le bas et quelles autres resteront prises en amont.Dans certains pays, hormis celles concernant les diplômes, toutesces décisions se prennent à l’école ; dans d’autres pays, elles sonttoutes prises au niveau intermédiaire ou supérieur. La différence reflèteprobablement le degré d’instruction et de formation des personnelsadministratifs et enseignants. Ce qui est clair, c’est que le contrôlecentral de l’organisation et de la gestion scolaires révèle de nombreusescarences. Les emplois du temps ne répondent pas aux besoins locaux,les bâtiments sont inadaptés au climat, le personnel est pléthorique,insuffisant ou inadéquat et l’évaluation sert uniquement à sélectionnerles bons éléments au lieu de favoriser le processus d’enseignement-apprentissage. Dans de nombreux pays, les autorités locales ou dudistrict sont plus compétentes que les services ministériels pour prendredes décisions en matière d’organisation et d’exploitation du système.

Les professionnels sont plus qualifiés que les autres membres dela collectivité pour prendre des décisions directement liées à lapédagogie, mais ils ne sont sans doute pas plus compétents pour déciderde la gestion du temps et de l’espace. Aujourd’hui, ils décidentd’organiser les emplois du temps à leur convenance, parfois audétriment des parents et des élèves.

Dans les écoles gérées dans une logique de marché, il arrive queles parents n’interviennent absolument pas dans les décisions d’ordrestructurel et opérationnel. En résumé, les décisions de ce genre tombent,pour la plupart, dans le domaine administratif même lorsque lesprofessionnels ne prennent pas d’autres décisions. Dans une réformede décentralisation respectant la légitimité démocratique, les activitésliminaires sont du domaine civil puisque les citoyens déterminent lapart d’autorité qui sera transférée ou dévolue aux professionnels etcelle qui restera confiée aux élus.

Les décisions structurelles portent sur :

1. le temps : longueur du cycle (nombre d’années de scolarité dansle primaire, par exemple), nombre de jours dans une année scolaire,nombre d’heures de cours par jour ;

2. les installations : caractéristiques des locaux, surface des bâtiments(nombre de salles de classe, etc.), équipement et mobilier,

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emplacement du site ;3. le curriculum : choix de disciplines, temps de cours par matière,

contenu de chaque discipline ;4. le matériel pédagogique : liste de matériel approuvée (manuels

scolaires) ;5. le personnel : nombre de postes (en général selon le type

d’établissement, les disciplines, le nombre d’élèves), ratio élèves/professeurs ;

6. l’évaluation : structure et contenu des examens d’entrée et de finde cycle ;

7. les qualifications : modalités requises et types de diplômes.

Les décisions opérationnelles portent sur :

1. le temps : emploi du temps, répartition des cours dans la semaine ;2. les installations : entretien ;3. le curriculum : séquence des disciplines, répartition des élèves

dans les classes, méthodes d’enseignement ;4. le matériel pédagogique : sélection des manuels scolaires ;5. le personnel : méthodes d’enseignement ;6. l’évaluation : contenu et fréquences des interrogations (dans le

cadre des examens) ;7. les qualifications : remise des diplômes.

Les décisions de cet ordre doivent se prendre « au plus proche »pour exploiter au mieux l’information. La gestion à distance entraîneà coup sûr l’inefficacité. D’un autre côté, à moins d’avoir localementles compétences en gestion, il n’y a aucun avantage à prendre desdécisions sur le lieu de l’action. Le principe de subsidiarité justifienon seulement le transfert du pouvoir de décision sur le lieu del’action, mais aussi l’acquisition par les autorités locales descompétences nécessaires.

Donner à la décentralisation un maximum d’efficacité ne signifiepas donner la compétence permettant d’exécuter les décisions prisesdans d’autres instances. Les responsables locaux doivent être capablesde prendre des décisions lorsqu’un problème se pose, lorsqu’il y a desrègles à appliquer, mais aussi lorsqu’il est nécessaire de changer lesrègles.

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(b) Qui décide si les différentes parties fonctionnent bienensemble et qui peut moduler les apports de main-d’œuvreet de capital pour améliorer le fonctionnement ?

Ces décisions sont essentiellement de nature technique et doiventse distinguer des décisions politiques que prennent les membres de lacommunauté. C’est aux responsables locaux qu’il appartient de déciderdu mode de fonctionnement. Une formation est nécessaire pour évaluercomment une modification dans les processus et les méthodes peutinfluer sur les résultats. Il est aussi nécessaire de donner, en tempsvoulu, des informations à cet égard aux gestionnaires. Ces derniersdoivent apprendre non seulement à exécuter les ordres de leurssupérieurs, mais aussi à exploiter les informations produites à l’échelonlocal afin d’adapter les ordres selon les besoins pour améliorer laperformance.

La rigidité introduite par la logique de la normalisation décourageles gestionnaires locaux d’utiliser l’information locale et est considéréecomme la principale cause des dysfonctionnements qui affectent lesécoles de nombreux pays. Il faut une formation, ou peut-être une« ré-éducation » à divers niveaux des ministères de l’Éducation pourlibérer les systèmes « d’inspection » qui inhibent la gestion locale.Cette formation est une activité qui relève du domaine administratif.

La demande d’écoles à charte représente une tentative d’évictiondes pesanteurs bureaucratiques dont l’emprise est fatale. Lesgestionnaires des écoles à charte sont exempts de ces contrôles etpeuvent prendre des décisions pertinentes selon la situation, à conditionde disposer d’un système d’information adéquat. Comme nous l’avonsconstaté, les écoles à charte peuvent bénéficier d’une décentralisationorganisée selon les compétences professionnelles. En fait, lesgestionnaires doivent être des « professionnels » et ne pas êtrerecrutés en fonction de leur degré de responsabilité politique.Cela peut se faire dans le cadre d’une réforme où prédominentles objectifs de légitimité démocratique. Les conseils scolairesélus peuvent engager et superviser des gestionnairesprofessionnels.

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Beaucoup de systèmes éducatifs n’offrent à leurs personnelsadministratifs qu’une formation élémentaire en gestion. Celle-ci portedavantage sur la mise en œuvre de programmes conçus par les servicesministériels qu’elle n’apporte une réponse novatrice aux possibilités etaux contraintes locales. Malgré les progrès considérables accomplisdans le monde de l’entreprise sur la théorie et la pratique de la gestion,il n’y a guère eu d’évolution dans le mode de formation et derecrutement des gestionnaires des écoles. Quelle que soit l’approcheadoptée pour la décentralisation, le succès de la réforme dépenden grande partie de la formation professionnelle qui est offerte auxgestionnaires des écoles.

(c) Qui peut intégrer le client dans le processus defonctionnement ?

Cette question, qui se pose seulement dans les systèmes régis parle principe de l’expertise, trouve une réponse dans le domaineadministratif. Dans certains systèmes éducatifs, les gestionnairesd’unités locales sont censés s’attacher la participation des parents etdes autres membres de la collectivité ; dans d’autres systèmes, la loiimpose une telle participation. Cela va de l’aide financière àl’intervention dans les décisions relatives au fonctionnement del’organisation et à l’évaluation de ses performances. Dans certainspays, ce type de participation ne se rencontre qu’au niveau de l’écolealors que, dans d’autres, elle se pratique au niveau du district.

3. Décisions concernant le personnel de l’organisation

(a) Qui définit les qualifications des personnels del’éducation ?

Ces décisions peuvent être prises au niveau local à conditionque l’autorité supérieure mette en place une sorte de système deresponsabilité en matière de performance. Ce peut être un dispositifd’évaluation externe, comme en Nouvelle-Zélande, ou un systèmelié à la demande du marché (comme c’est le cas pour les écoles àcharte dans d’autres pays). L’importance du lieu de ces prises dedécisions est liée aux décisions concernant les programmes scolaireset la pédagogie. Si le pouvoir central décide d’un programme

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extrêmement spécifique, accompagné de directives ou de mandatsafférents à des méthodes d’enseignement, les services ministérielssont tenus de maintenir une sorte de contrôle ou de vérification (bilande conformité) du personnel engagé pour mettre les programmes enapplication.

Ce type de centralisation pose des problèmes dans les payscaractérisés par de grandes variations régionales de l’offre d’enseignantsqualifiés. Certains pays, par exemple, ont du mal à recruter desenseignants qualifiés pour des petites villes et des zones rurales. Leprogramme officiel ne peut pas être appliqué faute de personnel qualifié.

D’autre part, les décisions en matière de qualification ne peuventêtre prises localement que si les responsables locaux font leur propreprogramme scolaire ou se spécialisent dans la sélection desprogrammes. Le transfert de pouvoir concernant les décisions surles qualifications des personnels ne doit donc se faire qu’à partir dumoment où les responsables locaux ont acquis une compétence enmatière de programme scolaire.

Ces décisions, de toute évidence, peuvent effectivement être prisespar des instances non professionnelles. Dans ce cas, ce sont desactivités du domaine civil. Dans d’autres pays, elles sont confiées auxprofessionnels et relèvent du domaine administratif.

(b) Qui s’occupe en réalité du recrutement et dulicenciement ?

De nombreux pays autorisent désormais le recrutement desenseignants par les autorités locales, dans certains cas, le district(comme aux États-Unis), dans d’autres cas, l’école (comme dans lespays dotés d’écoles à charte). Ces unités peuvent avoir une légitimitéprofessionnelle ou démocratique.

La question principale semble être la corruption du processus desélection. Les enseignants sont (parfois) recrutés (et licenciés) selondes critères qui n’ont rien à voir avec leur aptitude à mettre en œuvrele programme. Ni les structures administratives orientées vers leprofessionnalisme, ni celles qui privilégient la légitimité démocratique

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ne sont à l’abri de la corruption. Les partisans de la décentralisationfondée sur la légitimité démocratique avancent que la corruption peutêtre contrôlée (même sans disparaître totalement) et que les avantagesde la participation politique (des citoyens ou des élus) priment largementsur les coûts.

Les problèmes de corruption sont une préoccupation majeurepour les enseignants et leurs syndicats et doivent être pris encompte dans toute tentative de transfert de compétences enmatière de recrutement vers les autorités locales. Les procéduresdoivent être transparentes et les mécanismes de responsabilitépuissants et efficaces.

(c) Qui est habilité à muter les enseignants ?

La mutation des enseignants est un problème à répétition qui sepose pour bon nombre de systèmes éducatifs, surtout ceux quiconcentrent tout le pouvoir entre les mains du ministère de l’Éducation.Plusieurs journées d’enseignement sont perdues lorsque les enseignantsdoivent se déplacer jusqu’à la capitale pour accélérer le processus detransfert.

Par ailleurs, il y a deux raisons au moins pour lesquelles lesmutations ne doivent pas se décider uniquement au niveau de l’école.Premièrement, aucun établissement scolaire ne veut se sentir obligéd’accepter volontairement ou non un professeur venant d’une autreinstitution. Deuxièmement, les écoles à titre individuel n’obtiennentpas toujours les renseignements opportuns sur l’offre des enseignantsqui cherchent un poste à pourvoir. Seules les écoles dont l’implantationou la réputation attire de nombreux candidats sont aptes à choisir lesenseignants qui répondent à leurs besoins. Les écoles isolées (en milieurural ou en centre-ville) ne trouvent personne pour remplir les postesvacants. Les problèmes de mutation sont mieux traités au niveauimmédiatement supérieur à celui des écoles.

(d) Qui établit la grille des salaires ?

Dans certaines réformes de décentralisation, l’établissement dela grille des salaires est confié à des instances plus locales (à l’échelon

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régional, départemental ou municipal). Cela a pour effet d’introduiredes disparités entre les différentes unités. Ces disparités sont d’autantplus préoccupantes pour le corps enseignant qu’elles affectent soninstrument de travail et entravent la solidarité au sein de la profession.Dans certains pays, il y a pléthore de candidats à des postesd’enseignants qui répondent aux critères en vigueur. Le contrôle localdu taux salarial crée un marché du travail pour les enseignants qui, àla longue, va précipiter les salaires à la baisse3. Au fil du temps, labaisse des taux de salaires fait baisser la qualité des nouveauxenseignants et porte ainsi préjudice à la qualité professionnelle. Certainspays ont des grilles de salaires nationales pour les enseignants, bienque leur sélection s’effectue au niveau de l’école ou du district.

La grille des salaires peut être considérée comme une questionpolitique qui relève, par conséquent, du domaine politique. De leurcôté, les professionnels entendent traiter ce dossier dans le cadre del’administration.

(e) Qui établit les augmentations de salaires et lespromotions ?

Les organisations enseignantes préfèrent que ces décisionsdeviennent automatiques, par exemple, en fonction du nombred’années de service, du nombre de personnes à charge ou de lasupériorité des qualifications. Elles préfèrent sans doute la gestionlocale des mécanismes de paiement si on leur prouve quel’administration locale est plus fiable que l’administration centrale.

Les organisations enseignantes s’opposent généralement aucalcul des salaires sur la base des performances, car cela crée desinégalités et nuit à la solidarité de la profession. Les enseignants

3. Cette affirmation des organisations enseignantes manque de preuves suffisantes.Les attaques les plus sévères à l’encontre des salaires des enseignants ont étélancées ces dernières années dans des pays où les syndicats d’enseignants etles systèmes éducatifs étaient fortement centralisés. En Amérique latine, parexemple, les salaires des enseignants en valeur constante ont baissé de 35 %par rapport à il y a 10 ans, lorsque les gouvernements ont réagi aux pressions duFMI en réduisant les dépenses du secteur social.

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Quelles décisions transférer ?

redoutent surtout la gestion locale de l’état des salaires fondés sur laperformance, en arguant que cette pratique s’expose à la corruption.

Dans la plupart des pays, ces décisions s’inscrivent dans ledomaine politique, ce qui montre l’immense intérêt qu’elles suscitentchez les acteurs concernés. Certains experts affirment être capablesde spécifier les échelles et les taux de salaires qui maximisent l’efficacitéet le produit, mais les preuves à l’appui de ces affirmations sontextrêmement limitées.

4. Décisions à propos des clients à servir

Il est utile de faire une distinction entre les individus et les groupesdirectement servis par le système éducatif et ceux qui en profitentindirectement. Les uns sont les clients, les autres les partenaires. Enprincipe, l’éducation s’adresse à tous les enfants. De nombreux paysexcluent cependant les enfants gravement handicapés. Tous lessystèmes promettent uniquement un niveau d’instruction élémentaireà tous les enfants (qui y ont droit) ; des restrictions s’appliquent àceux qui sont admissibles dans l’enseignement supérieur. Par exemple,il n’y a pas un pays où l’entrée à l’université soit accordée à tous.

Tous les pays définissent un niveau minimal d’éducation pourchaque enfant, en général sous la forme d’un document national. Lesunités locales ou régionales autonomes peuvent, néanmoins, différencierles règles qui régissent l’accès à l’enseignement supérieur.

De nombreux acteurs prennent part à ce genre de décisions quidoivent s’inscrire dans le domaine politique. Mais dans la plupart dessystèmes dominés par le professionnalisme, elles se situent dans ledomaine administratif.

(a) Qui détermine le nombre de clients potentiels à servir ?

Dans certains pays, cette décision n’est heureusement plus unsujet de discussion pour l’enseignement primaire puisqu’il y aaujourd’hui de la place pour tous les enfants. Mais dans d’autrespays, des enfants sont refusés une fois que le nombre d’élèvesmaximal a été atteint dans les classes. Dans bien des cas, les écoles

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secondaires ne peuvent pas admettre tous les enfants, de mêmequ’aucun pays ne répond à toutes les demandes d’entrée dansl’enseignement supérieur. Les décisions concernant le nombred’inscriptions (ou parfois le pourcentage de candidats) sont souventliées à des considérations financières. Cela porte à croire que ladécision est prise au même niveau que la source principale definancement, en général plus proche du pouvoir central. Toutefois, sil’organisation locale gère d’une manière autonome les facteurs ayantune incidence sur le coût par élève (dimension de la classe, salairesdes enseignants, utilisation de technologies alternatives dansl’enseignement), alors les décisions relatives au nombre d’admissionspeuvent être prises par les instances locales. Les écoles privées etsubventionnées, par exemple, reçoivent des fonds du gouvernementcentral, mais ont leur autonomie pour la dotation en personnel etpeuvent donc admettre plus d’élèves que les écoles publiques.

(b) Qui fixe les critères et les procédures d’admission ?

L’accès à chaque niveau et type d’enseignement est déterminépar un certain nombre de critères. Même les écoles primaires imposentun âge de scolarité minimal. Les critères les plus courants sont lesnotes d’examen, mais leur usage est souvent contesté, surtout par lesacteurs qui ont l’impression que les examens défavorisent leur groupe.Un groupe linguistique minoritaire peut ainsi estimer que l’usage de lalangue dominante est une discrimination envers ses enfants. Ladélocalisation de ces décisions permet aux instances locales dediversifier les critères d’admission. Une unité locale peut décider, parexemple, d’inscrire les élèves selon un quota (pour assurer unerépartition plus équitable par sexe, groupe ethnique et lieu de résidence).

(c) Qui définit ce que doit recevoir le client ?

Cet ensemble de décisions s’attache à adapter le curriculum auxélèves. Dans un régime très centralisé, l’affectation est automatique –tous les élèves admis dans une filière (par exemple, le programme desciences du second degré) ont des cours qui suivent ceux du programmescolaire. Dans beaucoup de pays, cependant, la décision d’admission estsuivie d’une autre décision qui affecte l’élève dans une section ou unevoie particulière dans le cadre du programme (dans une école donnée).

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Quelles décisions transférer ?

(d) Qui établit le prix payé par le client ?

De nombreux pays font maintenant payer d’une manière ou d’uneautre des frais de scolarité, même dans les écoles publiques dites« gratuites ». On demande la plupart du temps aux élèves d’acheterleurs livres de cours, leurs fournitures et leur uniforme. Dans certainspays, les parents versent une cotisation « volontaire » dont le montantest estimé au préalable pour couvrir les dépenses de l’école et duministère. Ces sources de revenu apportent la plupart du temps unemince contribution au financement global des écoles, bien qu’ellesreprésentent parfois une grosse somme pour les ménages. Les décisionsqui s’y rapportent sont mentionnées dans cette section parce qu’ellesont un lien avec la clientèle (et sont souvent prises au niveau pluslocal).

5. Décisions sur les catégories et le montant des ressources

Le récent débat sur la décentralisation porte largement sur lefinancement de l’éducation. Ce débat s’inscrit dans le domaine politique.Les ministères de l’Éducation restent remarquablement silencieux àcet égard. Les questions de financement sont ignorées depuis desannées ; nombreux sont ceux, à l’intérieur du système, qui ne sonthabilités à décider ni des moyens nécessaires ni de leur affectation, etencore moins à trouver de nouvelles sources de financement.

Le débat sur le financement de l’éducation fait ressortir aujourd’huideux éléments. Le premier indique qu’en raison de la dette et del’intervention du FMI qui s’est ensuivie, bon nombre de pays ontréduit les dépenses publiques. La plupart d’entre eux ont décidé deréduire la part du budget de l’État consacrée à l’éducation. Cesrestrictions ont favorisé la recherche de nouvelles sources definancement, souvent encouragée par le gouvernement central. Cela aentraîné un mouvement de décentralisation de l’autorité supérieure.La majorité des projets s’inscrivent dans la perspective de l’expertise.

Le second élément est que l’élan qui pousse avant tout àrechercher de nouveaux moyens financiers est dû au déclin constatéde la compétence de l’enseignement public. Face à un ministère del’Éducation qui ne réagit pas, les groupes locaux publics et privés sont

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en quête de nouveaux moyens pour créer leurs propres systèmes.C’est là une pression de la base en faveur de la décentralisation.

L’origine de telles propositions varie selon la prédominance desgroupes d’acteurs. Dans les pays et les régions où les entreprisesprivées sont politiquement actives, des propositions en faveur d’unedécentralisation régie par le marché existent. Les réformes fondéessur la légitimité démocratique sont surtout entreprises là où les syndicatsd’enseignants et les mouvements politiques locaux sont actifs.

(a) Qui décide des sources de financement ?

Cette catégorie regroupe les décisions du type : qui peut choisir,qui va payer et combien. Dans bon nombre de pays, l’enseignementpublic est financé par les recettes générales perçues par l’État. Certainspays utilisent les recettes budgétaires du gouvernement central et deses échelons plus locaux. L’État utilise un éventail de moyens fiscaux,comme les droits de douanes, l’impôt sur le revenu, les taxes surl’essence, l’alcool et les cigarettes, etc. L’attention a été portée cesdernières années sur l’imposition d’une « redevance », c’est-à-dired’un prix à payer directement par la clientèle de l’enseignement public.Certains pays ont tenté de prélever une part importante des créditsnécessaires au second degré à partir de cette tarification des usagers.

(b) Qui décide du montant du revenu ?

Dans de nombreux pays, les organes politiques (par exemple lecorps législatif) prennent des décisions relatives aux sources definancement, mais les décisions concernant le montant du revenuconsacré à l’administration de l’éducation sont prises par une instancegouvernementale non élue. Ce peut être le ministère des Financesdans un régime centralisé ou la commission des finances à l’échelonmunicipal dans un régime décentralisé.

(c) Qui décide de l’allocation ou de la budgétisationdu revenu ?

Cette série de décisions donne le pouvoir de transférer des fondsd’un type d’organisation à l’autre. Par exemple, au Chili, les autorités

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municipales peuvent affecter une partie des fonds qu’elles reçoivent àdes écoles privées. Dans certains pays, les établissements dotés d’uncertain pouvoir budgétaire peuvent allouer des crédits à leur gré, parexemple, pour des technologies alternatives, voire des activités nonéducatives. Dans les autres cas, c’est l’autorité supérieure qui spécifieles catégories auxquelles doivent être consacrés les fonds.

(d) Qui décide des dépenses ?

Dans tous les cas ou presque, ce sont les gestionnaires quiprennent les décisions concernant les dépenses à l’intérieur descatégories spécifiées dans un budget approuvé à un niveau hiérarchiqueéquivalent ou immédiatement supérieur. Ils disposent parfois d’unecertaine latitude pour modifier les sommes relatives dépensées entreles diverses catégories. Par exemple, une organisation plus centralepeut préciser que le directeur de l’unité a 10 % de « fongibilité »,autrement dit que le total des dépenses peut varier jusqu’à 10 % dutotal du budget.

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IV. Préparation à la décentralisation :conditions à remplir

Deux sortes de conditions doivent présider à la mise en œuvre detoute réforme, y compris de décentralisation : il faut, d’une part, unappui politique en faveur des changements proposés et, d’autre part,il faut que les acteurs de la réforme soient capables de la mener àbien. La plupart des réformes de décentralisation n’ont pas atteintles objectifs qui leur avaient été fixés, car elles ne remplissaient pasl’une des conditions ou les deux de manière satisfaisante. Denombreuses réformes échouent parce qu’elles suscitent trop peud’enthousiasme de la part des acteurs concernés ou des partiesprenantes. Comme nous l’avons déjà fait observer, bon nombre d’entreelles sont contrecarrées avec succès par des enseignants quidemeurent sceptiques sur les avantages de la décentralisation.D’autres échouent parce que ceux qui sont investis du pouvoir dedécision ne sont pas capables de l’exercer à bon escient. Les réformesdans lesquelles sont impliquées les collectivités locales, par exemple,échouent si les membres de la communauté manquent d’expérienceet de compétence dans la prise de décisions collectives et la gestion.

Ce chapitre aborde quelques points qui sont utiles pour savoir sile système est « prêt » au changement. La première partie est consacréeaux différents acteurs qui sont ou peuvent être impliqués dans desprocessus de décision en éducation. La seconde partie définit quelques-unes des capacités primordiales dont doivent faire preuve ces acteurs.

Participation des acteurs aux projetsde décentralisation

Les acteurs sont des individus ou des groupements qui manifestentun intérêt commun à l’égard d’une mesure particulière et de sesrépercussions, et qui en sont affectés (Welsh et McGinn, 1998). Tousles acteurs situés dans un cadre institutionnel sont des acteurs potentiels

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Préparation à la décentralisation : conditions à remplir

ou passifs. Dans l’éducation, cet ensemble renferme des groupes aussidivers que :

• les associations de parents d’élèves ;• les universités et les instituts de formation des maîtres ;• les associations de contribuables ;• les syndicats d’enseignants ;• les entreprises publiques ;• les organisations patronales ;• les maisons d’édition ;• les associations professionnelles ;• les partis politiques et autres.

L’intérêt de toutes ces catégories est en jeu lorsqu’il s’agit dedéterminer le site décisionnel des projets éducatifs ainsi que les organesqui interviennent dans le processus d’enseignement. Tous sont desacteurs potentiels.

Dans le processus de discussion d’un projet de décentralisation,certains acteurs se transforment d’acteurs potentiels en acteurscinétiques ou actifs. Les acteurs cinétiques défendent, en général,leurs intérêts dans le cadre d’une organisation particulière au sein del’établissement. Dans ce contexte, ils se concentrent sur les pointsprécis qui touchent directement à leurs intérêts. C’est là où le rythmes’accélère et où l’on trouve des partenaires pour entrer dans la danse,car les acteurs forment des coalitions. Le processus peut avoir deseffets transformationnels dans la mesure où les coalitions perçoiventdes intérêts et des conséquences possibles jusqu’alors inconnus. Lestransformations amènent à leur tour des bouleversements dans le cadreorganisationnel.

La réelle participation des acteurs à la planification de l’organisationet au processus de décision renforce l’éventualité d’une actionconstructive.

Le processus décisionnel peut se trouver amélioré par de plusamples informations sur les préoccupations, les objectifs et lesengagements des prétendus bénéficiaires des programmes et sur lesmoyens parallèles mis en œuvre pour atteindre les objectifs et répondre

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à ces préoccupations tout en maintenant l’engagement. Ainsi,l’intervention des parents d’élèves dans la conception d’une nouvelleunité de programme permettra d’alerter les planificateurs sur les sujetssensibles à éviter. Les enseignants peuvent proposer des alternativespour organiser l’unité.

La participation des groupes intéressés au déroulement et aurésultat des programmes leur permet de mieux saisir les objectifs etles contraintes, renforce la légitimité du type de politique adopté etcontribue à mobiliser le soutien accordé à sa mise en œuvre.

La décentralisation est une méthode essentielle pour renforcer laparticipation des acteurs, mais tous les acteurs ne participent pas toutle temps avec la même intensité. Par exemple, un projet d’attributiondu contrôle des écoles primaires va intéresser un groupe d’acteurs quine sera pas le même que celui qui s’intéressera à une propositionvisant à rendre autonomes les écoles secondaires qui préparent àl’université. Peut-être que tous les enfants sont scolarisés dans leprimaire ; un pourcentage beaucoup plus faible issu de milieux plusaisés se prépare à entrer à l’université. Les syndicats d’enseignants sesentent beaucoup moins concernés par les décisions qui ont trait auproblème des livres scolaires que par celles qui affectent les salaires etles mutations. Dans les pays dont la population est ethniquementhomogène, l’État se sent moins menacé par les projets de contrôlelocal des écoles que dans les pays où la population est diverse ethétérogène. D’autre part, les propositions de décentralisation sont plusrépandues dans les pays où les groupes ethniques, linguistiques oureligieux se sont forgés une solide identité.

Comment les différents groupes d’acteurs réagissent-ilsà la décentralisation ?

L’intérêt que manifestent les acteurs à l’égard du site décisionnelrevêt trois formes différentes et correspond à trois catégories.

Les producteurs

Une catégorie d’acteurs s’intéresse aux décisions relatives à laconception et à l’élaboration du processus éducatif, à la formation du

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Préparation à la décentralisation : conditions à remplir

personnel impliqué et à la production des installations et des matérielsqui seront utilisés. L’objectif visé est la construction ou la productionde la capacité à éduquer. Ces acteurs, que l’on qualifie de« producteurs », sont :

• des entreprises du bâtiment ;• des entreprises de production de matériels didactiques, tels les

livres de cours ;• les vendeurs d’uniformes, de produits alimentaires et autres

produits de consommation ;• les compagnies d’assurances ;• les auteurs de programmes et de manuels scolaires ;• les institutions de formation des maîtres, dont les universités ;• les universités et les sociétés de consultants qui proposent des

services d’assistance technique ;• les entreprises qui produisent et appliquent des tests ;• les agences nationales et internationales dont la prospérité dépend

de la bonne santé ou de l’état de dégradation du système éducatif.

Leur principal souci est la fabrication ou la production des intrantsdans le processus éducatif. Du fait des économies d’échelle, cesproducteurs sont, pour la plupart, des organismes nationaux, mêmedans les pays à forte décentralisation. Aux Etats-Unis, où les districtspeuvent utiliser les manuels scolaires de leur choix, la majorité d’entreeux achètent des jeux d’ouvrages complets couvrant tous les niveauxd’enseignement chez une des cinq maisons d’édition nationales.

Les distributeurs

La deuxième préoccupation est celle du site décisionnel pour ladistribution du « produit » qui est disponible. Ce type de décisionsporte sur l’accès à l’éducation et le processus pédagogique (y comprisl’évaluation de l’apprentissage dans le cadre de l’enseignement). Lesdécisions sur la localisation des écoles impliquent une plus grandediversité d’acteurs que la décision de construire ou non une école.Des décisions sont prises pour savoir qui doit être admis et qui seramaintenu dans le système. Le processus pédagogique exige en soi deprendre des décisions, surtout de la part des enseignants, sous lecontrôle indirect – à des degrés divers – des administrateurs, des

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inspecteurs et autres. La deuxième grande catégorie d’acteurs estreprésentée par les « distributeurs ». Elle recouvre les associations deparents d’élèves, les délégués de l’enseignement (syndicats), les chefsd’établissement et les conseils d’administration quand ils se limitent àprendre des décisions ayant trait à l’application des programmesscolaires officiels4.

Les usagers

Une troisième catégorie d’acteurs s’intéresse à l’usage que l’onpeut faire des résultats scolaires. L’éducation transforme une personneen lui inculquant des connaissances, des compétences et des valeursnouvelles. Cette transformation peut non seulement profiter auxindividus ainsi transformés, mais aussi à ceux qui bénéficient de cetapport de connaissances, de compétences et de valeurs. Les élèves etleurs parents peuvent exploiter le savoir et les diplômes pour augmenterleurs chances dans la vie (tout en améliorant leur qualité de vie). Lesemployeurs ont l’espoir que les salariés instruits soient plus productifs,autrement dit qu’ils accroissent les bénéfices de l’entreprise. Les Églisescomptent sur l’éducation pour soutenir l’éthique et les valeurs morales.Les associations professionnelles profitent du nombre croissant deleurs adhérents et de leur savoir.

Ces acteurs sont appelés « usagers » car ils s’intéressent avanttout à la valeur d’usage de l’éducation. Ils ont beaucoup à dire sur lecontenu de l’enseignement et son financement. Ils se préoccupentavant tout de savoir si l’éducation répond à leurs objectifs et ne prêtentpas attention à ses aspects techniques. Les producteurs qui utilisent,par exemple, des critères tels que la qualité de la production ou l’aisancelinguistique vont sélectionner certains manuels scolaires, tandis queles usagers seront plus enclins à appliquer des critères liés à un contenuspécifique. Les employeurs seront moins intéressés par le fait deconnaître le nombre d’heures passées à étudier une matière que desavoir si les diplômés ont de bonnes habitudes de travail.

4. La distinction entre production et distribution de l’éducation est utile dans lespays où les écoles « privées » ont une autonomie totale en ce qui concerne lesdécisions d’ordre pédagogique, mais sont obligées de suivre les programmesscolaires établis par le gouvernement.

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Tout individu ou groupe de personnes peut appartenir à une ouplusieurs catégories d’acteurs. Ainsi, une personne peut être à la foisparent d’élève (usager) et fonctionnaire au ministère de l’Éducation(producteur et distributeur). Le propriétaire d’une entreprise dubâtiment est un producteur et peut aussi être un usager soucieux de laqualité des diplômés qu’il emploie. L’intérêt que suscitent toutes cesquestions se manifeste à un moment ou à un autre, selon le cycle oule processus de décision.

Le rôle des acteurs dans la décentralisation varieselon les tâches

L’intérêt général de l’acteur peut être classé suivant les tâches del’organisation qui sont affectées par la politique en question. Lesservices de l’éducation sont conçus pour exécuter quatre catégoriesde tâches, que l’on peut caractériser par les rubriques suivantes :l’accès, la lutte contre l’abandon scolaire, la classification et leplacement. Les services de l’éducation :

• recrutent, sélectionnent et admettent les élèves ;• essaient de les garder dans le système suffisamment longtemps

pour parvenir à un effet de transformation ;• les répartissent en différentes filières et niveaux ;• attestent de leurs capacités et leur donnent une place dans (les

institutions de) la société.

Les intérêts différenciés des acteurs prennent une forme spécifiqueselon le genre de tâche dont il est question. Chaque tâche est affectéepar des projets de décentralisation.

Certains acteurs sont partisans de la décentralisation pourdévelopper l’accès à l’éducation. Les producteurs tirent les avantagesdirects de l’expansion de l’éducation et défendent probablement cetype de projets. Ils peuvent se mobiliser pour soutenir le développementde l’accès à l’éducation. Les producteurs ont aussi intérêt à défendreune politique de décentralisation qui a un impact sur le maintien desélèves dans le système, étant entendu que maintenir les élèves à courtterme a pour effet d’augmenter leur nombre dans le système.

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Ceux qui interviennent dans la distribution s’intéressent davantageà ce qui se rapporte aux activités associées aux politiques de luttecontre l’abandon et à celles de classification à l’intérieur du système.Les enseignants, par exemple, se préoccupent avant tout des aspectsqui touchent à la manière dont ils « distribuent » leur enseignement,autrement dit le travail avec les élèves. Ces préoccupations sontsouvent définies en termes de qualité, mais ont surtout une incidencesur le travail qui est attendu de la part des enseignants. La plupart dessyndicats entendent non seulement offrir des conditions de travailjugées convenables et des primes aux enseignants, mais aussi protégerleur emploi. Les gestionnaires de l’éducation peuvent aussi êtresoucieux du respect de la qualité mais, là encore, ils sont axés sur lamanière dont se fait le travail de l’éducation, c’est-à-dire sur leprocessus de distribution.

Certains groupes qui semblent s’intéresser à la distribution, àl’instar de ceux qui préconisent une efficacité accrue de l’éducation,se préoccupent en fait essentiellement du processus de production.Malgré l’assentiment donné à l’amélioration de la qualité, ils ont presquetoujours tendance à soutenir des initiatives qui consistent à faire lamême chose avec moins au lieu d’en faire plus avec la même chose.Par ailleurs, les enseignants peuvent être mobilisés pour faire plusavec la même chose, comme l’illustre la propension des politiques degestion autonome des écoles à augmenter la charge de travail desprofesseurs et l’apprentissage des élèves sans augmenter pour autantles salaires des enseignants. En fin de compte, c’est que ces derniersont désormais leur mot à dire dans la production de l’éducation et pasuniquement dans sa distribution.

Bien que les parents soient des usagers de l’éducation, lesavantages de la décentralisation ne sont pas uniformes. Dans un payspauvre, où l’éducation universelle n’est toujours pas une réalité, lepremier objectif d’une association de parents ayant un faible revenusera de définir l’accès à l’éducation sous toutes ses formes. Il risquede s’opposer aux projets de décentralisation qui n’augmentent pas lesdépenses consacrées à la construction d’établissements scolaires ni aurecrutement des maîtres. En revanche, une association de parentsayant des revenus moyens ou supérieurs sera sans doute favorable à

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Préparation à la décentralisation : conditions à remplir

une telle politique qui développe l’accès à une éducation de meilleurequalité sans augmenter l’offre globale des écoles.

Les employeurs, eux aussi, ne forment pas un groupe homogèneet n’ont pas un avis constant sur la valeur de l’éducation. Lesemployeurs des secteurs à faible technologie ont tendance à promouvoirles politiques qui produisent de nombreux diplômés ayant lesqualifications élémentaires. Lorsqu’il y a un fort taux de chômage, ilssont généralement enclins à réduire les dépenses d’éducation. Ilsrisquent davantage de soutenir une politique de décentralisation quisoulage l’État (et par conséquent eux-mêmes en tant que contribuables)du poids des dépenses. Les employeurs des secteurs à haute technologieont tendance à favoriser les plans de décentralisation qui promettentd’élever le niveau de connaissances et de compétences, même si celasignifie qu’il n’y a pas plus de diplômés pour autant. Ils risquent enmême temps de favoriser l’intervention de l’État dans l’évaluation etl’imposition de normes.

L’efficacité est ce qui préoccupe avant tout ceux qui entendentcontenir ou réduire les dépenses du système éducatif dans son ensembleou celles du niveau d’enseignement qui les concerne. Les groupesd’usagers qui prônent les réformes de décentralisation au nom d’uneefficacité accrue cherchent peut-être à déplacer les ressources d’unniveau à un autre ou d’un secteur de l’éducation vers un autre.

Compétences requises pour une décentralisationefficace

Les capacités et les potentialités requises pour rendre ladécentralisation efficace sont illustrées par le graphique 2 ci-après,dont la structure repose sur quatre polarités : la Constitution ou loifondamentale, les règlements, le personnel et le civisme. Ces polaritésapparaissent dans les encadrés en couleur. Les interactions entre lespolarités s’enchevêtrent pour former un « champ magnétique » àl’intérieur duquel la gouvernance et la décentralisation peuvent opérer.Les interactions qui sont représentées par des encadrés numérotéssont les suivantes :

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1. Domaine juridique – Interaction entre la Constitution et lesrèglements.

2. Domaine administratif – Interaction entre les règlements et lepersonnel.

3. Domaine civique – Interaction entre le personnel et le citoyen.4. Domaine politique – Interaction entre le citoyen et la Constitution.

Imaginons quatre aimants avec de la limaille de fer posée à égaledistance de chacun d’eux. Lorsqu’on modifie la force d’un des aimantsou qu’on le retire, la limaille va, elle aussi, changer de position. Demême, le défaut ou l’absence de l’une des polarités amène destransformations dans les structures et les pratiques administratives etréduit les chances d’opérer une décentralisation positive et durable oude mettre en œuvre toute autre politique.

Cette configuration des polarités dans le graphique 2 n’est traitéede manière ni hiérarchique ni séquentielle. L’action peut être lancéedans n’importe quelle polarité à tout moment, mais les instigateursdoivent être conscients des conséquences pour les autres polarités.Par exemple, l’introduction d’un nouveau barème de salaires aura desrépercussions sur les règlements, le personnel et, par voie deconséquence, sur le domaine civique à travers l’impôt.

Graphique 2. Contexte de la décentralisation – Domainesinteractifs

Constitution

Producteurs Distributeurs Usagers

Décentralisation

4

1 3

Citoyen

Règlements Personnel2

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Préparation à la décentralisation : conditions à remplir

L’analyse des polarités qu’illustre le graphique 2 permet demesurer la préparation du système éducatif au transfert de l’autoritéet jette les fondements de la planification et de l’application. À chaquefois que l’on utilise ce format analytique, il convient de l’adapter enfonction de la conjoncture locale. L’analyse doit servir avant tout àapprendre aux intervenants à imaginer les conséquences prévues etimprévues. Les recommandations et les plans d’action issus de l’analyseseront aussi les éléments de cette interactivité. Cela représente unprojet très ambitieux et stimulant dont l’objectif est d’opérer un transfertdurable du processus de décision dans le système éducatif.

Acteurs et interactions

Les acteurs mentionnés précédemment créent une interaction entreles polarités – producteurs, distributeurs et usagers du produit del’éducation. Ils ont différents avis sur la manière dont il convient derelier et de gérer les polarités. Et chacun d’eux entend maximiser sesprofits tout en limitant les restrictions qui lui sont imposées. Lesenseignants (distributeurs) veulent des lois qui défendent et étendentleurs intérêts. Ces lois sont combattues ou soutenues par lesproducteurs (gouvernements, entrepreneurs et éditeurs) qui agissent àleur tour pour défendre leurs intérêts. Enfin, les usagers (patronat,universités) veulent des lois et des règles qui protègent et avancentleurs intérêts en ce qui concerne le contrôle de la qualité et le contenudu processus éducatif. Les acteurs sont les générateurs de ce système ;la recherche de leurs intérêts et de leurs intentions active le système.Ils répondent à l’émergence d’occasions et d’enjeux qui émanent deleurs décisions et de leurs alliances antérieures. Ces interactionsrécurrentes et permanentes engendrent un système qui estcontinuellement dans un état de déséquilibre et d’apprentissage. Tellessont les conditions préalables dont il a besoin pour pouvoir envisager,apprendre, adapter et atteindre de hauts niveaux de décentralisation.

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Analyse des polarités

Polarité constitutionnelle

Il s’agit des dispositions, de la portée et des procéduresd’application de la Constitution ou des lois fondamentales qui défendentles droits et les pouvoirs sur lesquels repose durablement ladécentralisation. Le traitement de la polarité constitutionnelle peuts’effectuer de la manière suivante :

1. Assembler le matériel :

• exemplaire de la Constitution nationale ;• commentaires sur la Constitution ;• commentaires sur le processus de la réforme constitutionnelle

(le cas échéant) ;• recueil des décisions constitutionnelles afférentes à

l’éducation.

2. Exploiter le matériel : état des dispositions constitutionnelles surla décentralisation pouvant être analysées.

3. Analyser les dispositions constitutionnelles pour connaître leurimpact sur la gouvernance et l’éducation :

• décentralisation – définitions ;• gouvernement central – pouvoir, autorité et responsabilité ;• gouvernement local – pouvoir, autorité et responsabilité ;• application aux différents secteurs – éducation, santé ;• ministères – autorités et pouvoirs institutionnels et organisa-

tionnels ;• associations civiles – autorités et pouvoirs institutionnels et

organisationnels ;• liberté d’association ;• accès à l’information ;• droits de l’homme.

4. Exploiter le matériel : réaliser un rapport sur la portée et lesprocédures d’application institutionnelles et organisationnelles

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Préparation à la décentralisation : conditions à remplir

autorisées constitutionnellement par niveau de compétence, paroptions d’application et en fonction des associations civiles.

Répertorier les domaines où l’application constitutionnelle estimminente et les conséquences pour la mise en œuvre.

5. Résultat : les directives de la Constitution qui autorisent etapprouvent la décentralisation dans l’éducation.

Polarité légale ou institutionnelle

Le Parlement est le garant des lois, règlements, règles, procédureset pratiques qui guident le travail de ceux qui sont chargés de faireappliquer les dispositions constitutionnelles et législatives. La capacitéet les procédures d’application pour décentraliser sont compromiseslorsque les autorisations ne déterminent pas précisément le contenu etles sites décisionnels, là où elles sont contradictoires ou s’excluentmutuellement.

Ces « règles » doivent être rédigées et approuvées par des instancesinstitutionnelles qui donnent la possibilité et le moyen de les appliquer.

Domaine interactif [1]

Le domaine juridique est l’interaction entre la Constitution et lalégislation qu’ont établies les acteurs. Les politiques et lesprogrammes de décentralisation doivent refléter un engagementpermanent entre le Parlement, l’Administration et la Justice. Lerythme de la décentralisation doit aussi être dicté par la répartitiondu pouvoir à l’intérieur de ce domaine. Il est difficile de penserque l’existence de dispositions constitutionnelles garantisse entemps voulu l’adoption de la législation nécessaire et la formulationde règlements et de principes institutionnels. Les parlementaires,comme les administrateurs, n’ont ni les mêmes perceptions ni lemême empressement pour traiter des questions telles que ladécentralisation.

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Cela est très important pour contrecarrer le développement de lacorruption. On fait ici référence à toutes les pratiques qui détournentl’organisation de sa mission et de ses objectifs, à quelque niveau quece soit, et qui profitent à des individus et d’autres organisations.

1. Assembler le matériel :

• règles de droit promulguées par ou sous l’autorité duParlement, comme le prévoit la Constitution ;

• tout règlement et directive dictés par toute personne ouautorité au titre d’un pouvoir conféré par la Constitution etla législation ;

• la loi en vigueur ;• le droit écrit et les règles coutumières.

2. Utiliser le matériel : recueil exhaustif de toutes les « règles » serapportant à la gouvernance et à l’enseignement.

3. Analyser en quoi les « règles » appliquées à la gestion del’éducation et à l’enseignement ont un impact sur ladécentralisation – habilitation, obstruction ou neutralité :

• définir et démontrer le lien direct entre les « règles » et lesdispositions constitutionnelles qui les sous-tendent ;

• identifier et analyser les « règles » selon leur compétence etleur capacité à soutenir une décentralisation durable de lagestion du système éducatif ;

• signaler toutes les « carences » à l’égard des « règles » etrecommander des « mesures correctives ».

4. Exploiter le matériel, réaliser :

• un rapport sur les capacités et les compétences dont bénéficientles pouvoirs et les autorités, dressé et étayé par le code des« règles » à chaque niveau de la hiérarchie ;

• un rapport sur les lacunes du code des « règles » dans ladétermination des capacités et des compétences, dans ladéfinition des pouvoirs et des autorités, lacunes qui entraventla décentralisation dans l’éducation.

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Préparation à la décentralisation : conditions à remplir

5. Résultat : élaborer un programme qui détermine les capacités etles compétences institutionnelles du ministère de l’Éducation etqui crée des organismes associés pour appliquer les dispositionsconstitutionnelles de la décentralisation.

Polarité du personnel

Cette polarité a trait aux capacités et aux compétences du« personnel » : connaissances, compétences, aptitudes et expériencesse rapportant à la mise en œuvre du programme de décentralisation(Sack et Saidi, 1997). La « profondeur » et la « densité » des capacitéset des compétences organisationnelles doivent décider du degré dedécentralisation à partir du centre. Comme pour la « règle », lescapacités et les potentialités du « personnel » doivent être mises en

Domaine interactif [2]

Le domaine administratif relie l’institutionnel à l’organisationnel,les règles et les personnes qui les appliquent. C’est dans cedomaine que s’inscrivent les décisions sur la nature et le rythmede la décentralisation pour les raisons suivantes :• Premièrement, la réforme des rapports hiérarchiques et des

sites décisionnels révélés par les fonctions définies par la loiet les règlements doit être négociée entre les partis politiques,les parlementaires, la fonction publique, les ministèresconcernés, les syndicats et les associations professionnelles.Cela nécessitera, par exemple, une restructuration de lafonction publique qui remettra en question toutes sortesd’intérêts particuliers. La complexité des réformes négociéesreprésente le plus grand défi « politique » de ladécentralisation.

• Deuxièmement, les relations au sein des ministères en casde transfert du pouvoir de décision d’un niveau à l’autre,d’une division à l’autre et d’un service à l’autre reflètenttoute la complexité du problème déjà évoqué.

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place et soutenues par les autorités et les pouvoirs institutionnels quiveillent à leur application. Cette disposition est capitale si l’on entendréellement lutter contre la corruption.

1. Capacités et compétences requises :

Les structures et les fonctions officielles et professionnellesnécessaires au soutien d’un ministère de l’Éducation efficace et efficientsont bien analysées dans l’ouvrage de Sack et Saidi (1997). L’attentionest portée sur quelques-unes des capacités et des compétencessupplémentaires qui sont essentielles au succès de la décentralisation :

• un service public qui s’engage pour la gestion et laperformance et non pour l’administration et le contrôle, etqui recherche la diversité des réactions et des actions plutôtque l’homogénéité et la conformité ;

• un service public tolérant et ouvert aux opinions de tous surl’application et les résultats de la décentralisation et del’organisation « professionnelle », ainsi que des citoyens etdes associations civiles que l’on encourage à participer à lagouvernance éducative et à l’enseignement ;

• un service public qui accepte totalement les systèmes deresponsabilité publique. Seront créés des systèmes de comptesrendus transparents, des structures permettant leur applicationet des formations pour apprendre aux professionnels et auxcitoyens à utiliser ces systèmes.

2. Assembler le matériel :

• les lois régissant la structure de la fonction publique ;• la législation du gouvernement local régissant les conditions

d’emploi des fonctionnaires ;• les « règles » – structure, descriptions de postes du ministère

de l’Éducation ;• inventaire des personnels – évaluation du ministère ;• évaluation des besoins de connaissances, qualifications,

aptitudes et expérience pour soutenir les opérations dedécentralisation (Sack et Saidi, 1997).

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Préparation à la décentralisation : conditions à remplir

3. Exploiter le matériel, réaliser la description détaillée des capacitéset compétences du ministère en matière de ressources humaines :

• gestion ;• développement ;• suivi et évaluation.

4. Analyser les capacités et les compétences des ressources humainesà soutenir la décentralisation :

• évaluer les besoins en connaissances, qualifications, aptitudeset expérience pour mettre en œuvre la décentralisation àchaque niveau de gouvernance ;

• évaluer les capacités et les compétences structurelles duministère à appliquer la décentralisation à chaque niveau degouvernance.

5. Exploiter le matériel, réaliser un plan de promotion du personnelaux différents niveaux, comprenant la formation à long et à courtterme.

Domaine interactif [3]

Le domaine civil relie l’administratif-organisationnel à l’actioncivile. Il s’agit des efforts réalisés pour garantir un partage dupouvoir entre l’administration et les citoyens et leurs associations.Cela exige en retour que l’on donne au personnel et aux citoyensles moyens pour pouvoir participer. C’est surtout et avant tout unchangement d’attitude pour les deux parties. Ainsi, la créationdes capacités et des aptitudes doit aussi aborder les valeurs et lesquestions d’évaluation. Chacun doit être convaincu de l’importancede sa participation pour mettre en œuvre et maintenir lesprogrammes de décentralisation. Cela peut être interprété commeun défi pour les pouvoirs et les structures politiques existants pourpermettre d’anticiper la résistance voire le sabotage.

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6. Résultat escompté : un programme d’investissement et dedéveloppement des ressources humaines pour soutenir la mise enœuvre de la décentralisation parmi le personnel professionnel etles associations civiles.

Polarité civile

La capacité citoyenne : cette polarité représente les capacités etles compétences civiles auxquelles il convient d’ajouter les associationsciviles et leur rôle dans la décentralisation. La capacité citoyenne estdémontrée par le degré de participation de la société civile àl’administration, tant à l’échelon local que national, la participationélectorale et la densité, le nombre, l’intégration et la coopération desassociations civiles soutenues par des instances non gouvernementales.

1. Capacités et compétences requises :

La société civile et ses associations doivent contrôler lesconnaissances, les compétences, l’expérience, les aptitudes et lesstructures nécessaires à l’accomplissement des tâches. Chaque citoyendésireux de participer activement doit avoir les compétences suivantes :

• savoir lire, écrire et compter ;• avoir quelques notions élémentaires en gestion et organisation

au sein de la communauté ;• savoir communiquer en s’aidant des moyens de

communication indispensables – routes, téléphone, radio ettélévision ;

• tolérance et respect du droit d’autrui à participer,indépendamment de la classe sociale, des convictions et dusexe, et à exprimer son point de vue sur les méthodesd’enseignement, reflétés dans le fait d’accepter la diversitédes réactions et des actions plutôt que d’insister surl’homogénéité et la conformité ;

• tolérance envers le droit d’autrui à participer,indépendamment de la classe sociale, des convictions et dusexe, et à exprimer son point de vue sur les performances del’organisation civile ;

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Préparation à la décentralisation : conditions à remplir

• acceptation des systèmes de responsabilité publique appliquésaux associations. Seront créés des systèmes de comptes rendustransparents, des structures permettant leur application etdes formations pour apprendre aux citoyens à utiliser cessystèmes.

2. Assembler le matériel suivant :

• inventaire des associations et organismes statutaires autorisésà dispenser l’enseignement à chaque niveau de gouvernance ;

• inventaire des associations et des organisations civilesbénévoles qui participent activement à l’enseignement àchaque niveau de gouvernance ;

• inventaire des associations et des organisations civilesbénévoles autorisées et participant activement àl’enseignement à chaque niveau de gouvernance ;

• inventaire des organismes statutaires et bénévoles quiinterviennent dans l’enseignement et apprennent aux citoyensà connaître leurs droits et leurs devoirs en tant que citoyensactifs.

3. Exploiter le matériel, réaliser une analyse descriptive des capacitéset des compétences citoyennes à soutenir une décentralisationdurable.

4. Analyser : faire l’évaluation qualitative et quantitative de la capacitéet des potentialités citoyennes par niveaux de gouvernance, région,district et localité.

5. Exploiter le matériel, réaliser :

• un plan d’investissement civique à court, moyen et long termepour permettre aux citoyens et à leurs associations d’exercerleurs droits et leurs devoirs dans la mise en œuvre de ladécentralisation.

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6. Résultat :

Des citoyens et des citoyennes qui participent à la vie de la sociétéet qui ont les connaissances, les qualifications, les expériences, lesvaleurs et les aptitudes requises pour soutenir la décentralisation etjouer leur rôle à part entière.

Leurs connaissances, leurs qualifications, leurs aptitudes et leurexpérience leur permettront de seconder et de promouvoir lesassociations civiles pour contribuer à décentraliser la gestion del’éducation. Plus le réseau d’associations civiles sera complexe etintégré, plus les tentatives de décentralisation seront durables.

Domaine interactif [4]

Le domaine politique relie la capacité citoyenne aux dispositionsconstitutionnelles. Là où il y a des dispositions constitutionnelleset des structures civiques qui étayent un processus démocratiqueouvert lié à un riche tissu d’associations civiles qui communiquententre elles, on peut envisager une décentralisation. Là où lescitoyens ne sont pas habilités à exercer leurs droits et leurs devoirs,comme nous l’avons déjà souligné, là où les associations civilessont peu nombreuses et isolées, là où règnent la dictature etl’oligarchie économique, le domaine politique n’a pas les moyensde soutenir une décentralisation.

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V. Recommandations

Le point de vue des auteurs sur les réformes de décentralisationassocie un principe universel à une extrême lucidité sur les énormesdisparités de culture, de moyens et de capacités entre les différentscontextes dans lesquels sont gérées les écoles. Cette combinaisond’éléments, ajoutée à leur connaissance empirique des résultats de ladécentralisation dans bien des pays, les amène à proposer quelquesstratégies qui peuvent être directement mises en œuvre par lesresponsables et les planificateurs de l’éducation.

Le principe directeur de la subsidiarité

Ce principe universel découle des recherches de plus en plusnombreuses sur la performance des organisations (mars 1999), quidémontrent qu’une organisation est mieux gérée lorsque l’autoritédisposant du pouvoir de décision se trouve aussi près que possible dulieu de l’action. La logique de ce principe s’explique par le caractèrecentral des ressources dans le travail. Le défi que doit relever toutesociété est la mobilisation et l’exploitation de ressources suffisantespour répondre aux ambitions de la population. Les ressources sontmaigres et doivent être employées efficacement. Il faut les renouvelerconstamment, à mesure que les anciennes structures sont dépassées.Et de nouvelles ambitions surgissent, exigeant des moyenssupplémentaires. L’offre matérielle de ressources est finie, mais lessociétés humaines ont appris à développer sans cesse leurs capacitésen créant des formes d’organisation de plus en plus complexes et enfaisant meilleur usage des capacités de leurs membres.

La condition préalable « aussi près que possible » traduitl’opinion des auteurs sur l’influence des variables culturelles, desressources et des capacités sur l’exercice du pouvoir. Si ungroupement local ne veut pas, n’est pas prêt ou n’a pas les moyensnécessaires, la décentralisation ne parviendra pas à atteindre lesobjectifs qui lui ont été fixés. Disons plus simplement que la plupart

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des systèmes éducatifs peuvent profiter du transfert de compétencesuniquement si de bonnes conditions sont réunies. En outre, certainesformes de décentralisation conviennent mieux à certains objectifsque d’autres.

En général, dans des conditions adéquates, une décentralisationfondée sur la légitimité démocratique est préconisée parce qu’elle estfondamentalement inclusive, alors que les autres approches sontexclusives, restreignant le pouvoir à un petit nombre. Les organisationsdémocratiques sont les mieux placées pour utiliser pleinement lescapacités de leurs membres, maintenir un degré élevé de motivationet pour soutenir des formes organisationnelles plus complexes.

Toutefois, il y a des cas où le critère de la compétenceprofessionnelle est plus appropriée. La décentralisation des expertsest probablement la meilleure stratégie à adopter si le but est deréduire les disparités qualitatives tout en optimisant lesperformances scolaires. La plupart des écoles continueront d’êtreadministrées dans le cadre des vastes orientations fixées par le pouvoircentral si elles sont dirigées par des chefs d’établissement qui partagentles mêmes valeurs et ont la même compréhension de l’éducation. Àlongue échéance, le contrôle local des écoles par les enseignants faitapparaître des variations dans le type et la qualité de l’éducation offerte.

Si le but est d’optimiser la participation collective auprocessus de décision, la décentralisation politique est lameilleure stratégie à suivre. Cette participation ne produit sansdoute pas plus de variété dans les types d’éducation offerts etaugmente les variations dans la qualité de l’enseignement. D’autrepart, les institutions et la capacité démocratiques s’en trouventrenforcées5.

La stratégie de marché est la plus indiquée si le but est decréer des centres d’excellence. À l’instar de la décentralisationpolitique, cette stratégie désamorce provisoirement les critiques du

5. C’est vrai, même si, comme Maclure (1993) l’a noté, la plupart des communautésne sont pas homogènes et peuvent ne pas partager une même perspective surl’éducation souhaitée.

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Recommandations

gouvernement et réduit la part du budget de l’État consacrée àl’éducation.

Le type d’approche à adopter dépend du contexte. La décisionsur le choix de l’approche est donc stratégique, fondée sur le principede la subsidiarité.

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Publications et documents de l’IIPE

Plus de 1 200 ouvrages sur la planification de l’éducation ont été publiéspar l’Institut international de planification de l’éducation. Un cataloguedétaillé est disponible ; il présente les sujets suivants :

Planification de l’éducationGénéralité – contexte du développement

Administration et gestion de l’éducationDécentralisation – participation – enseignement à distance – carte scolaire –enseignants

Économie de l’éducationCoûts et financement – emploi – coopération internationale

Qualité de l’éducationÉvaluation – innovations – inspection

Différents niveaux d’éducation formelleDe l’enseignement primaire au supérieur

Stratégies alternatives pour l’éducationÉducation permanente – éducation non formelle – groupes défavorisés –éducation des filles

Pour obtenir le catalogue, s’adresser à :IIPE, Diffusion des publications ([email protected]).Les titres et les résumés des nouvelles publications peuvent être

consultés sur le site web de l’IIPE, à l’adresse suivante :http:www.unesco.org/iiep/

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L’Institut international de planification de l’éducation

L’Institut international de planification de l’éducation (IIPE) est un centre international, créépar l’UNESCO en 1963, pour la formation et la recherche dans le domaine de la planification del’éducation. Le financement de l’Institut est assuré par l’UNESCO et les contributionsvolontaires des États membres. Au cours des dernières années, l’Institut a reçu descontributions volontaires des États membres suivants : Allemagne, Danemark, Inde, Irlande,Islande, Norvège, Suède et Suisse.

L’Institut a pour but de contribuer au développement de l’éducation à travers le monde parl’accroissement aussi bien des connaissances que du nombre d’experts compétents en matièrede planification de l’éducation. Pour atteindre ce but, l’Institut apporte sa collaboration auxorganisations dans les États membres qui s’intéressent à cet aspect de la formation et de larecherche. Le Conseil d’administration de l’IIPE, qui donne son accord au programme et aubudget de l’Institut, se compose d’un maximum de huit membres élus et de quatre membresdésignés par l’Organisation des Nations Unies et par certains de ses institutions et institutsspécialisés.

Président :Lennart Wohlgemuth (Suède)

Directeur, Institut nordique d’Afrique, Uppsala, Suède.

Membres désignés :David de Ferranti

Directeur, Département de développement humain (DDH), Banque mondiale, WashingtonD.C., Etats-Unis d’Amérique.

Carlos FortinSecrétaire-général adjoint, Conférence des Nations Unies sur le commerce et le

développement (CNUCED), Genève, Suisse.Miriam J. Hirschfeld

Directeur, Division du développement des ressources humaines et du renforcementdes capacités, Organisation mondiale de la santé (OMS), Genève, Suisse.

Jeggan C. SenghorDirecteur, Institut africain de développement économique et de planification économiquedes Nations Unies (IDEP), Dakar, Sénégal.

Membres élus :Dato’Asiah bt. Abu Samah (Malaisie)

Conseiller d’entreprise, Lang Education, Land and General Berhad, Kuala Lumpur,Malaisie.

Klaus Hufner (Allemagne)Professeur, Université Libre de Berlin, Berlin, Allemagne.

Faïza Kefi (Tunisie)Ministre de l’Environnement, Tunis, Tunisie.

Tamas Kozma (Hongrie)Directeur général, Institut hongrois pour la recherche en éducation, Budapest, Hongrie.

Teboho Moja (Afrique du Sud)Conseiller spécial du Ministre de l’Education, Pretoria, Afrique du Sud.

Yolanda M. Rojas (Costa Rica)Professeur, Université de Costa Rica, San José, Costa Rica.

Michel Vernières (France)Professeur, Université de Paris I, Panthéon-Sorbonne, Paris, France.

Pour obtenir des renseignements sur l’Institut, s’adresser au :Secrétariat du Directeur, Institut international de planification de l’éducation,

7-9, rue Eugène-Delacroix, 75116 Paris, France.