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www.pcof.net Mensuel n° Prochaine parution : 2 e “Prolétaires de tous les pays unissez-vous !” Organe central du Parti Communiste des Ouvriers de France mardi 10 mars 2015 559 Exigeons un moratoire de la dette grecque Loi Macron : les raisons de dire “non” Les leçons du 11 janvier : répondre aux urgences sociales La place Omonia, à Athènes, le soir des élections qui ont donné la victoire à Syriza

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Mensuel n° Prochaine parution : 2 e

“Prolétaires de tous les pays unissez-vous !”

Organe central du Parti Communiste des Ouvriers de France

mardi 10 mars 2015559

Exigeons un moratoire de la dette grecque

Loi Macron : les raisons de dire “non”Les leçons du 11 janvier : répondre aux urgences sociales

La place Omonia, à Athènes, le soir des élections qui ont donné la victoire à Syriza

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EditorialFévrier 2015

Il y a un mois, les assassinats des journalistes au siège de Charlie Hebdo, de policiers chargés de les protéger, puis ceux perpétrés dans le magasin Hyper casher, ont provo-

qué un choc. Hollande a enfilé les habits de chef de l’Etat pour appeler à « l’union nationale et internationale contre le terro-risme », défilant à la tête de la manifestation parisienne, aux côtés de plusieurs dirigeants parmi les plus réactionnaires de la planète.S’il a gagné plusieurs points dans les sondages, s’il continue à se réclamer de « l’esprit du 11 janvier », il n’a pas aban-donné sa politique qui creuse les inégalités, plonge de plus en plus de gens dans la misère, dans le chômage et la précarité. Ses maîtres mots sont aujourd’hui le « brassage social », l’enseignement des « valeurs républicaines » et la poursuite et le renforcement de la « guerre contre le terrorisme », aussi bien sur le front « extérieur » qu’à l’intérieur du pays. Ce sont des questions sur lesquelles la droite et l’extrême droite sont à l’aise, en matière de propositions, de suren-chères. Les uns font campagne pour le retour au service mili-taire obligatoire pour les jeunes, pour leur inculquer la disci-pline, le respect de l’ordre, du drapeau… qui constituent pour eux le summum de l’esprit républicain. L’extrême droite y ajoute le combat contre l’islam, assimilé à une religion qui pousserait ses adeptes à la radicalisation, antichambre du djihadisme armé. Cette conception est en train de gagner du terrain : on parle de plus en plus de jeunes en voie de radica-lisation, qu’il s’agit de détecter et d’isoler pour qu’ils ne contaminent pas leur environnement. De nombreux éduca-teurs, de travailleurs sociaux, s’inquiètent à juste titre de ce discours et des pratiques qu’il entraîne, notamment dans les prisons.D’autre part, de nombreux habitants des quartiers populaires très défavorisés, sont victimes d’injures, de provocations à caractère raciste. L’islamophobie devient un problème réel qui n’est pas combattu avec fermeté par les autorités qui n’ont que le mot d’unité, d’égalité, de fraternité à la bouche.

Une situation internationale pleine de dangers Hollande qui ne cesse de parler de « guerre contre le terro-risme » participe à la montée des tensions en Europe.La situation en Ukraine est préoccupante. Plusieurs dirigeants US veulent que des armes soient fournies à l’armée ukrai-nienne, pour contrer les forces « pro-russes ». Une telle déci-sion signifierait une quasi déclaration de guerre à la Russie

de Poutine. Les dirigeants des Etats baltes, de Pologne, qui ont fait entrer leurs pays dans l’Otan, joignent leur voix aux partisans de la confrontation directe avec la Russie. Ils bran-dissent le « chiffon rouge » de l’intégration de l’Ukraine à la fois dans l’UE et dans l’Otan, une provocation à l’encontre des dirigeants de Russie qui ne peuvent l’interpréter que comme une volonté de renforcer l’encerclement militaire de leur pays.

il est irresponsable et dangereux de poursuivre dans cette voie.Tous les peuples d’Europe, Russie comprise, sont concernés et menacés par cette montée des tensions qui traduisent l’aigui-sement des contradictions entre toutes les puissances impéria-listes présentes sur le terrain : la Russie, les puissances impérialistes qui dominent l’UE, notamment l‘impérialisme allemand et français, sans oublier l‘impérialisme US, présent à travers l’Otan et ses alliés.

Le peuple grec a ouvert une brèche qu’il faut élargirLa victoire électorale de Syriza en Grèce a provoqué la colère de l’oligarchie et a ouvert des perspectives aux travailleurs et aux peuples qui se battent contre les politiques néolibérales, les politiques d’austérité, qui leur font payer la crise du sys-tème capitaliste. Pour la première fois, c’est une force de la gauche radicale qui est parvenue à capitaliser la colère et la résistance des travailleurs et du peuple qui l’ont portée au pouvoir pour mener une politique qui apporte des réponses concrètes à leurs exigences. Mais l’oligarchie ne veut pas céder et elle est prête à faire plier le gouvernement grec et, à travers lui, le peuple grec. La question qui nous est posée, est celle de créer un rapport de force qui aide le peuple grec, en faisant pression sur le gouvernement français pour qu’il desserre l’étau de la dette grecque détenue par l’Etat et qu’il respecte la volonté du peuple grec d’en finir avec le diktat de la troïka.Cela signifie pour nous se battre sur deux terrains ; celui de la résistance à la politique de Hollande-Valls-Macron, au ser-vice du patronat, au service de l’oligarchie et celui de la solidarité concrète avec les travailleurs et le peuple de Grèce et leurs organisations de lutte.La victoire électorale a ouvert une brèche : pour l’élargir, en Grèce et pour en ouvrir une chez nous, il faut développer le combat de classe ouvrière et de l’ensemble des masses popu-laires de la ville et de la campagne frappées par la politique d’austérité.

Contre la politique de guerre et de misère, unité ouvrière et populaire pour nos exigences sociales

SOMMAIRE

Politique- Retour sur la séquence

“unité nationale” ....3

- L’Après Charlie dans l’éducation nationale 5

- Oui, la France est en guerre contre les peuples .................6

Mouvement ouvrier et syndical- CGT, une nouvelle direc-

tion confédérale .....7

- Grève pour les salaires des ouvriers de Michelin et des chauffeurs routiers 8

- Loi Macron : les raisons de dire Non ...........9

Formation théorique- La République a un

contenu de classe . 10

Jeunesse- 3 bonnes raisons de dire

non merci à “l’unité nationale” ........... 11

Europe- Grèce, une victoire de la

dignité ................ 12

- Bras de fer avec l’UE et la BCE .........13-14

- International- Turquie ............... 15

- Palestine ............. 15

- Burkina Faso ........ 16

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Seuls les tarifs des plis fermés augmentent et cela principalement en raison de l’augmentation très importante des tarifs postaux.L’édition des suppléments au journal étant irrégulière, nous avons décidé de l’inclure dans l’abonnement. Nous espérons que nos lecteurs seront sensibles à l’effort que nous faisons pour maintenir le prix de l’abonnement. L’abonnement est important pour soutenir financière-ment notre journal ; il est aussi l’assurance de recevoir tout au long de l’année l’analyse de notre parti sur la situation, son évolution et les orientations que nous défendons.

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La Forge 3Politique Février 2015

L’ unité nationale voulue, orchestrée et mise en scène par Hollande, Valls, Cazeneuve… n’aura guère duré, mais elle marque une étape sur laquelle il convient de revenir pour en

mesurer les enjeux et les conséquences. Notre journal de janvier, finalisé le week-end du 11 janvier, est inter-venu sur les raisons pour lesquelles nous avons décidé de ne pas nous y associer, et donc de ne pas appeler aux marches pilotées par l’Elysée. Nous avons eu de nombreux témoignages de soutien à notre posi-tion, notamment de la part de militants syndicalistes, de militants anti-impérialistes, de révolutionnaires, d’hommes et de femmes qui n’ont pas voulu s’associer à cette “unité nationale” qui a pris une dimension internationale.La photo de la tête de la manifestation parisienne a fait le tour de la terre. Des organisations, en France, en Europe et en Afrique, ont dénoncé cette “sainte alliance contre le terrorisme” mise en scène, avec des dirigeants qui mènent les guerres en Afrique, au Moyen-Orient.Les deux grandes leçons que tirent les dirigeants du pays, c’est l’in-tensification de la guerre contre le terrorisme à l’extérieur et à l’inté-rieur du pays avec, comme slogan, “la défense des valeurs de la République et de la laïcité”. C’est autour de ces thèmes que Hollande veut poursuivre son travail de rassemblement, sans remettre en cause le cours néolibéral de sa politique.

Le temps est à la mise en place de mesures de surveillance, de mili-tarisation de l’espace public, et à la mobilisation des enseignants, des aumôniers, notamment des imams des prisons, pour repérer les jeunes susceptibles de se “radicaliser”. Par delà les discours sur l’égalité, la fraternité… il est clair que ce climat alimente la stigmatisation des habitants, des jeunes, qui vivent dans les cités populaires et qui ont le tort de se réclamer de la religion musulmane. C’est ce climat d’islamophobie qui constitue un danger de division. D’ailleurs, les actes contre les lieux de culte, et les injures, provocations et comportements agressifs contre des personnes identifiées comme “musulmanes” sont en hausse.L’unité tant vantée autour du 11 janvier et des marches doit être relativisée, du fait notamment qu’une grande partie des milieux populaires n’y a pas participé. Personne ne peut le nier.D’autre part, la poursuite de la politique néolibérale qui détruit les services publics, notamment ceux, comme l’école, appelés aujourd’hui à la rescousse, ne fait que creuser les inégalités et les discrimina-tions. Comme après les émeutes des banlieues de 2005, la question sociale revient en force dans le débat politique. A cela s’ajoute celle de la politique de l’impérialisme français, avec notamment la guerre qu’il mène, en première ligne en Afrique. Aujourd’hui, cette question ne peut plus être éludée.★

Retour sur la séquence “unité nationale”

Dans les discussions qui ont suivi la marche du 11 janvier, une idée est revenue très souvent, à

savoir qu’il y aurait eu deux moments de nature différente, celui des marches du samedi en province et celle de la marche du dimanche à Paris.Les manifestations du samedi, orga-nisées en province, n’auraient rien à voir avec l’instrumentalisation de la marche du dimanche par Hollande. Une instrumentalisation qui s’est notamment concrétisée par le fait qu’elle était ouverte par les chefs d’état et de gouvernements dont plusieurs sont considérés et dénon-cés comme responsables des guerres réactionnaires qui sèment la misère et alimentent le terrorisme, (comme, par exemple, le représentant de l’Otan), de la répression contre les journalistes et des forces démocra-tiques dans leur propre pays (comme le représentant du gouvernement turc, hongrois, égyptien, marocain ...), de criminels de guerre (comme

Netanyahou et les autres dirigeants israéliens), des autocrates notoires (Bongo, Boni Yayi…).

La séquence englobe les manifestations du samedi et celle de ParisIl est vrai que dans plusieurs villes, l’initiative d’appeler à une manifes-tation le samedi est venue de forces politiques et sociales de gauche où les forces de droite sont venues faire une OPA et se faire photographier en tête de manifestation. Cela était dif-férent dans des villes où la droite est majoritaire, où elle a mobilisé sa base sociale et électorale, comme par exemple à Lyon. Mais tout cela ne peut et ne doit pas masquer le fait que l’impulsion avait été donnée par l’Elysée et Matignon qui sont arrivés à imposer le carac-tère qui sera donné à toutes les manifestations : des manifestations

sans slogans, silencieuses, sans ban-deroles, ouvertes à toutes les forces et courants derrière le thème de la défense de la république menacée par le terrorisme qui se revendique de l’islam. C’est ainsi que des courants de pen-sée, des courants politiques opposés se sont retrouvés dans ces marches, privées de paroles, de repères. Et ce ne sont pas les quelques pan-cartes qui ont pu modifier ce carac-tère. Ces pancartes étaient des “cris“ individuels, quelquefois des tenta-tives de se démarquer de l’esprit d’unité nationale, mais qui ne pou-vaient qu’être noyés dans la masse.Qu’ils le veuillent ou non, qu’ils en aient été conscients ou pas, les manifestants ont été enrôlés dans la manœuvre d’unité nationale organi-sée par Hollande et Valls, avec l’aide massive des médias. Le chiffre de 6 millions brandi et martelé n’a d’autre but que d’imposer cette idée d’un peuple uni derrière ses dirigeants engagés dans la “guerre contre le

terrorisme” et dans la défense de la République. Et ce chiffre est bien l’addition de toutes les manifestations, celles du samedi et celles du dimanche. Peu importe qu’il soit exact ou non et la polémique ne porte pas sur le nombre, mais sur le message poli-tique donné par les véritables initia-teurs de cette séquence, à savoir les autorités de l’état. L’exécutif en est incontestablement sorti “renforcé”. Hollande a revêtu les habits de prési-dent de la Ve République, construite autour du rôle du chef de l’état, “clé de voûte des institutions”. Une répu-blique présidentialiste, que pratique-ment toutes les forces de gauche ne cessent de dénoncer comme profon-dément anti-démocratique. Comme nous le développons dans l’article que nous lui consacrons dans ce journal, la république n’est pas au-dessus des classes, et en système capitaliste, elle est une forme de la domination de la bourgeoisie, une forme historique, qui évolue.

Il est né en 2014, en Saxe, à Dresde. Ses premières cibles étaient les camps de réfugiés installés dans dif-férentes villes, qui accueillent des réfugiés d’Irak, de Syrie…Le gouvernement Merkel a fait construire ces camps, dans des régions touchées par le chômage, notamment des régions de l’ex-RDA, où l’extrême droite est implantée.

Les instigateurs de ce mouvement islamophobe et raciste ont commen-cé par appeler à des rassemblements chaque semaine. La dernière mani-festation a réuni quelque 15 000 personnes. Des mobilisations plus importantes réunissent des opposants à Pegida, qui s’inquiètent de cette montée de l’extrême droite et de la montée du

racisme, qui cible surtout les immi-grés supposés être de religion musul-mane.Si l’extrême droite a toujours déve-loppé ces thèmes pourris, un diri-geant du SPD, Thilo Sarrazin, auteur d’un livre sur le péril musulman en Allemagne, a banalisé cette thèse. Le parti Alternative pour l’Allemagne (AfD) développe des positions qui

vont dans le sens de Pegida, en ciblant notamment la politique “laxiste” de l’UE en matière d’immi-gration.

Le dirigeant de Pegida a été obligé de démissionner de son poste, après avoir mis sur internet une photo de lui grimé en Hitler ! ★

Allemagne Pegida, un mouvement ouvertement islamophobe

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Pour l’analyse des objectifs de ces attentats, notamment celui qui a touché la rédaction de Charlie

Hebdo, il faut se placer dans le contexte de guerre contre le terro-risme dans lequel l’impérialisme français joue un rôle important (cf. article sur cette question).Cet aspect a été reconnu par les res-ponsables du renseignement mili-taire qui avaient déclaré, il y a déjà plusieurs mois, que la question n’était pas de savoir s’il y aurait ou non un attentat, mais quand et où, faisant un lien direct avec les opéra-tions militaires en cours. Les “failles” des services de rensei-gnement ont été mises en évidence par ces attentats. Fait à noter, ce sont les services US qui ont fourni des informations permettant d’iden-tifier les terroristes.

Ces failles sont venues alimenter le discours de ceux qui disent qu’en fin de compte, il s’agit d’un attentat organisé par les services secrets fran-çais, ou israéliens, voire US. C’est la

thèse avancée par Le Pen père, mais elle est reprise sur Internet par d’autres, et elle a de l’influence dans certains milieux, notamment dans la jeunesse. Parmi ceux qui reprennent cette thèse, certains le font car ils n’ont aucune confiance dans les versions officielles et parce qu’ils sont légiti-mement inquiets de voir que ces attentats servent à justifier la pour-suite et le renforcement de la guerre contre le terrorisme.Nous nous opposons à cette thèse “du complot”, qui avait été très répandue au moment des attentats du 11 septembre. Les attentats sont un coup porté à l’impérialisme français, de la même façon que ceux du 11 septembre avaient été un coup porté à la superpuissance US.Un coup avant tout politique, plus que militaire, un coup qui montre aussi que les groupes djihadistes armés ont des capacités techniques réelles, acquises en particulier dans les guerres au Proche-Orient

(notamment pour ce qui est du mode opératoire en milieu urbain).Le mode opératoire, le choix de tuer les journalistes et caricaturistes de Charlie Hebdo montrent qu’il ne s’agit pas d’un attentat “aveugle”.

Le “message” qu’ont voulu donner les terroristes et ceux qui les ont dirigés est un message qui s’adresse à la “communauté musulmane” et plus particulièrement à la jeunesse des quartiers.Les émeutes de 2005 avaient été un signal fort, à la fois de l’état d’aban-don social des quartiers populaires et du degré d’exaspération, de révolte, qui existait dans une partie de la jeunesse qui y vit et qui subit les discriminations anciennes et profondes qui touchent les popula-tions issues des immigrations, notamment des pays du Maghreb.Il ne manque pas d’études pour expliquer comment ces ghettos ont été ravagés par le chômage et com-ment les associations caritatives musulmanes se sont développées

pour répondre à la crise sociale, suite aussi à la disparition sur le terrain des forces politiques et sociales de gauche. Les discours sur les “valeurs républicaines”, sur l’in-tégration… non seulement ne veulent rien dire pour un grand nombre des habitants de ces cités, mais peuvent même alimenter le rejet de ces mêmes “valeurs républi-caines”.

Ces éléments expliquent la montée en puissance de l’influence de la religion musulmane et des diffé-rents courants radicaux qui se sont développés en parallèle, notamment parmi les jeunes.En tuant les caricaturistes de Charlie Hebdo, condamnés depuis des années par de nombreuses autorités reli-gieuses musulmanes dans la quasi-majorité des pays où la religion musulmane domine, les frères Kouachi ont voulu “venger l’islam” et s’adres-ser à cette jeunesse désemparée, sans perspective, discriminée et condam-née à vivre dans des ghettos.★

Les attentats s’inscrivent dans la guerre contre le terrorisme

PolitiqueFévrier2015

Valls n’est pas à une déclaration provocatrice près. Les quartiers populaires sont des zones

d’apartheid territorial, social, eth-nique : la solution, la “mixité sociale”, une politique de “peuple-ment”. Hollande n’a pas voulu reprendre ces termes, mais il n’a pas désavoué son premier ministre sur le fond. Il y a ajouté le volet “service civique”, censé permettre le brassage social et l’intégration des jeunes dans la répu-blique.Certes, ils ne parlent pas de passer les quartiers en déshérence “au Kärcher”, comme l’avait dit Sarkozy. Mais en est-on vraiment tellement éloigné, quand on entend le député

PS, M. Boutih, qui voudrait les mettre sous la tutelle de l’Etat, pour y faire régner l’ordre, “chasser les voyous”, éradiquer le “communauta-risme”. Comme si les politiques néolibérales qui liquident les services publics, qui font exploser le chômage, qui déve-loppent la précarité … n’avaient rien à voir avec la misère qui règne dans certaines cités populaires, le déses-poir et l’absence de perspectives de leurs habitants, à commencer par les jeunes.

Depuis que Hollande est aux manettes, le logement social a conti-nué à s’effondrer et le chômage a explosé.

Depuis les émeutes de 2005, la ques-tion des quartiers populaires est sur la table. Combien d’études, d’en-quêtes, de rapports, décrivent en détail la dégradation constante des conditions de vie de leurs habitants ?Dans son dernier rapport, “l’Observa-toire national des zones urbaines sensibles” dresse un tableau sans appel : le chômage y est 2,5 fois plus élevé que la moyenne, une famille sur 5 est en grande pauvreté, 39 % des habitants n’ont aucun diplôme, 40 % des enfants ne maîtrisent pas les compétences de base, 45 % des 15-29 ans sont au chômage…Lors de sa dernière conférence de presse, Hollande n’a pas eu un seul mot sur la question du chômage,

mais il a été intarissable sur les ver-tus du brassage social.

Pourtant, on sait ce qu’il faudrait développer en urgence : une poli-tique en faveur du logement social, une école avec des moyens humains et matériels, pour que tous les enfants aient accès à une éducation publique de qualité, adaptée, une politique en faveur de l’emploi, d’emploi stable, utile socialement et valorisant, une politique sociale qui donne la priorité à l’accès aux soins et à la prévention pour tous…C’est l’inverse de la politique néoli-bérale qu’appliquent Hollande et son gouvernement, et qu’ils veulent continuer à nous imposer. ★

Les quartiers populaires stigmatisés

Aucune “autre voix” ne pouvait se faire entendre dans ce cadre.C’est pour ces différentes raisons que notre parti a pris la décision de ne pas appeler à ces marches.D’autres partis et organisations ont pris une position similaire.

A propos du FNIl faut s’interroger sur le fait que le FN ait été présenté comme le seul parti à s’être “exclu” des marches. Cela permet, entre autres, de passer sous silence les oppositions des autres organisations et partis. C’est une

manière “commode” de présenter le parti d’extrême droite comme le seul “opposant” dans la plupart des ques-tions politiques et de société.Pourtant, Hollande a invité le FN à l’Elysée, en tant que parti représenté au Parlement. Et pendant quelques heures, il était même question de sa participation à la manifestation pari-sienne. Valls avait donné des garan-ties dans ce sens.Cela a provoqué des réactions au sein même du PS, au plus haut niveau, pour écarter le FN.Du coup, cela a provoqué un début de polémique à droite, certains res-ponsables regrettant ce “manque

d’ouverture”, le “sectarisme” du PS…Nous n’excluons pas que tout cela ne soit qu’une manœuvre de Hollande pour mettre en fin de compte la droite en difficulté et pour creuser le sillon de “l’unité des républicains et des forces républicaines” et essayer de semer la zizanie au sein même du FN.En effet, des divisions sont rapide-ment apparues entre ses respon-sables. Le Pen Père est allé jusqu’à dire que tout cela n’était qu’un com-plot ourdi par les services secrets français, nord-américains, pour pro-voquer un choc d’union autour de

l’UMPS…D’autres ont tout de suite repris un des thèmes structurants du FN, celui de la dénonciation de l’immigration, synonyme de terreau des groupes islamistes pour s’en prendre à l’Occi-dent chrétien.C’est une thèse qui est reprise par différents courants d’extrême droite, au niveau européen, dont le mouve-ment Pegida, en Allemagne, est une expression (voir encart).En fin de compte, Marine Le Pen a décidé de manifester “avec les siens” dans une ville dont le maire est FN, où ses partisans ont hurlé leur haine des étrangers (“on est chez nous”). ★

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La Forge 5Politique Février 2015

L’Après Charlie Hebdo dans l’éducation nationaleAprès les attentats, l’éducation

nationale s’est retrouvée rapi-dement en première ligne. Ce

qui a été mis en cause, ce sont “les incidents” lors de la fameuse minute de silence. Tout le monde devait “être Charlie”. Au nom des valeurs républicaines, on a sommé les élèves et les enseignants de se fondre dans l’union nationale. Mais d’après les directives officielles, les enseignants devaient en même temps “favoriser l’expression” des élèves.

Des injonctions contradictoires Sauf que les choses se sont avérées beaucoup plus compliquées, dans certains établissements où de nom-breux élèves ont dit qu’ils “n’étaient pas Charlie” et ont refusé de faire la minute de silence ou l’ont perturbée.On a vu alors une pression énorme s’exercer sur les personnels, les élèves : appels à la délation, demande de l’institution de “l’informer préci-sément des incidents qui se sont produits”.On a vu aussi des enfants convoqués avec leurs parents aux commissa-riats, et des enseignants suspendus, l’un pour avoir évoqué les attentats en montrant des caricatures, ce qui a provoqué des incidents dans la classe, l’autre pour avoir dialogué avec ses élèves au moment de la minute. Les deux enseignants sont soutenus largement par leurs collègues. Pour le premier, en Alsace, le rectorat a dû reculer à la suite d’une journée de

grève appelée dans une grande unité syndicale.C’est une énorme pression qui s’exerce sur les enseignants avec l’injonction d’une mission de forma-tage des esprits. La ministre a été même jusqu’à tenir les propos sui-vants : “Même là où il n’y a pas eu d’incidents, il y a eu de trop nom-breux questionnements de la part des élèves. Et nous avons tous entendu les “Oui je soutiens Charlie, mais”, les “deux poids, deux mesures”, les “pourquoi défendre la liberté d’ex-pression ici et pas là ?” Ces questions nous sont insupportables, surtout lorsqu’on les entend à l’école, qui est chargée de transmettre des valeurs.” Ces propos sont très choquants et aux antipodes de la pédagogie et de l’éducation. Dans une réalité com-plexe, quelle part faire aux provoca-tions de l’adolescence, aux discours de jeunes qui se cherchent, à l’igno-rance ? Par ailleurs, éduquer n’est -e pas d’abord interroger, écouter, expliquer pour convaincre ? Si on fait taire les élèves, ou si on les stig-matise, on risque fort d’aboutir au résultat inverse. L’éducation à l’es-prit critique, à la tolérance, à la laï-cité, ne peuvent être des concepts assénés, ils ne peuvent se développer que si on favorise le débat. L’école est ainsi sommée de faire adhérer aux “valeurs républicaines” et à l’union nationale. C’est aussi dans ce sens qu’il est prévu la mise en place d’un enseignement moral et civique. Pense-t-on vraiment qu’il suffira de faire apprendre “la Marseillaise” et d’asséner quelques concepts pour réconcilier les enfants

des cités populaires avec la République et la Nation ? C’est là une réponse bien réductrice et bien éloi-gnée de la réalité que vivent ces élèves ! Quand on ghettoïse des populations, quand l’islamophobie, les propos racistes deviennent mon-naie courante, quand l’avenir profes-sionnel d’une grande partie d’entre eux se réduit à la perspective du chômage et de la précarité, quel sens prennent les mots d’égalité et de justice ? Le discours actuel occulte aussi la réalité et le travail concret, quoti-dien mené par les enseignants et l’ensemble du personnel dans les écoles et les établissements scolaires pour former au “vivre ensemble” et éduquer à la citoyenneté, et cela dans des conditions qui ne s’amé-liorent pas, en particulier pour l’édu-cation prioritaire, comme l’ont rap-pelé les récentes mobilisations. Les réactions sont encore peu nom-breuses : les syndicats Sud éduca-tion et CGT Educ’action ont néan-moins tous deux dénoncé la répres-sion et la volonté d’instrumentalisa-tion. Dans les salles des profs, le sentiment qui domine c’est que les enseignants sont toujours en pre-mière ligne, qu’on leur en demande toujours plus, et que l’école est toujours montrée du doigt quand la société va mal.

Certes, l’école peut contribuer au “vivre ensemble”, mais elle ne résou-dra pas à elle seule tous les maux de la société, elle n’y parviendra certai-nement pas en muselant la parole et en tentant de formater les esprits. ★

A propos des consignes du ministère (Extraits des directives)

“La ministre de l’éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a demandé, dès le 8 janvier 2015, aux rectorats de faire remonter les incidents directement liés à cette minute de silence dans les écoles, collèges et lycées. À ce jour, les services académiques ont porté à notre connaissance une centaine d’incidents directe-ment liés à cette minute de silence.(...) Ces données sont déclaratives et ne concernent que les incidents qui n’ont pu être réglés par les enseignants dans le cadre de la classe. Ils ne constituent donc pas un recen-sement exhaustif de l’ensemble des difficultés qu’ont pu rencon-trer les équipes éducatives. Conformément aux instructions de fermeté données par la ministre, toutes les difficultés rencontrées ont été traitées localement, de manière propor-tionnée à la gravité des faits, par les équipes éducatives et pédagogiques, entre dialogue éducatif et sanctions discipli-naires, allant du rappel à l’ordre en présence de l’élève et de ses parents à la convocation de conseil de discipline. Une qua-rantaine de situations ont été transmises aux services de police, de gendarmerie ou aux parquets.”

C’est la guerre sur le plan interna-tional, comme nous l’évoquons dans l’article sur les interven-

tions militaires. Mais c’est aussi sur le “front intérieur” que le gouverne-ment entend développer la “guerre contre le terrorisme”. Après avoir affirmé qu’il n’y aurait pas de “patriot act” à la française, Valls, Cazeneuve, Le Drian et Taubira mettent en place des mesures de surveillance, de contrôle des populations “à risques”, d’encadrement des jeunes suscep-tibles de “se radicaliser”. Le Drian rêve d’une “quatrième armée”, pour la guerre sur Internet. Donc, pas de “patriot act” à la Bush, qui permet aux services secrets, à la police, de fouiller partout, d’appré-hender quiconque est soupçonné de pouvoir aider des terroristes, de mener des actions contre la sécurité nationale… Cela a donné les pri-

sons secrètes hors des USA, où les agents de la CIA torturent, y com-pris dans des pays de l’UE, l’enfer de Guantanamo qu’Obama n’a jamais fermé, la surveillance généralisée des réseaux téléphoniques, d’Inter-net… Sans Snowden, sans Wikileaks, tout cela serait resté secret pour le grand public, mais pas pour les services de renseigne-ments des alliés de l’Otan. On se rappelle que, quand il a été impos-sible de cacher plus longtemps l’espionnage US à l’échelle interna-tionale et que des entreprises fran-çaises y avaient participé, volon-tairement ou non, les autorités françaises ont été parmi celles qui ont été les plus tolérantes, esti-mant que cela faisait partie des méthodes de la guerre contre le terrorisme. Ces mêmes autorités qui ne cessent de vanter l’excel-

lence de la coopération entre les services US et français, sur les ter-rains d’opérations, en Afrique notamment.Pas de “patriot act”, trop difficile à faire accepter, même dans le climat d’unité nationale. Sans oublier que la dernière loi “antiterroriste” ne date que de la fin 2014 et qu’elle alourdit les peines de façon substantielle.En attendant, les dispositifs de sur-veillance, notamment sur Internet, sont renforcés. A ceux qui font remar-quer qu’il existe déjà un arsenal de moyens à travers la loi LOPSI 2, de 2011, on répond que c’est encore trop lent, que les autorisations pour s’in-troduire dans les ordinateurs sont trop compliquées à obtenir…Valls a annoncé que 736 millions supplémentaires seront consacrés, sur trois ans, au renseignement et à la surveillance. Les passagers des

compagnies aériennes seront “suivis” et le gouvernement français veut pousser à la mise en place d’un sys-tème de ce type au niveau européen. Une vieille exigence des services US. Pour assurer les missions intérieures et extérieures, Hollande a décidé de revoir le plan de réduction des effectifs des armées, plan qui s’ins-crivait dans les réductions de tous les budgets de l’état. Non seulement il s’est engagé à maintenir le budget à 31,4 milliards par an, mais il pré-voit de l’augmenter de 500 millions à partir de 2016. Et comme l’a dit Hollande à Davos, tout le monde doit s’engager dans cette guerre : les états, l’UE et mêmes les entreprises, notamment celles qui développent les nouvelles technologies de l’internet.C’est un pas supplémentaire dans la militarisation de l’économie. ★

Surveillance accrue

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Politique

“L a France est en guerre”. Une fois n’est pas coutume, Hollande, Valls, Le Drian et

les autres disent vrai. La dramatisa-tion de la situation, alors que le pays s’enfonce dans la crise et que les rivalités internationales s’exacerbent, rappelle le bourrage de crâne qui a accompagné les préparatifs de la guerre de repartage impérialiste de 14-18.Les aventures militaires sont mieux acceptées si elles sont maquillées en “guerres justes”, au nom des valeurs universelles de la République. Hollande n’a pas failli à la règle. Surfant sur l’émotion et l’indignation provoquées par les attentats odieux du 7 janvier, il a cherché à capitali-ser les manifestations massives que le gouvernement français a organi-sées, en collaboration avec la réac-tion européenne et internationale, pour faire avaliser la politique belli-ciste que l’impérialisme français pré-tend mener au nom de la guerre contre le terrorisme. Si les habitants des quartiers populaires étaient peu présents, en revanche les dirigeants des principaux partis politiques ont marché dans cette instrumentalisa-tion. Les premiers fruits empoison-nés de cette union sacrée n’ont pas tardé à tomber.

Dans un pays miné par le chômage, les bas salaires, alors que l’austérité est imposée dans tous les ministères, le budget de la Défense est revu à la hausse. Il est question aujourd’hui de nouveaux recrutements pour pou-voir lutter sur les terrains extérieurs et en métropole contre l’ennemi intérieur.Dès le lendemain de la mobilisation du 11 janvier, Hollande a annoncé l’envoi du porte-avions, le Charles de Gaulle, pour participer, dans le cadre de l’OTAN, aux bombardements contre l’Etat islamique en Irak et en Syrie. Que des années de guerre en Afghanistan et en Irak contre les Talibans n’aient en rien libéré les peuples des forces obscurantistes, qu’elles aient fabriqué plus de djiha-distes qu’elles n’en ont supprimés, peu importe à nos dirigeants. Ce qui compte dans ces pays qui regorgent de pétrole et de pétrodollars, c’est de montrer le drapeau et l’arsenal le plus moderne et le plus performant pour le plus grand profit des mar-chands de canons. Les ventes de matériels militaires à l’Arabie Saoudite, aux émirats Arabes Unis, au Qatar, explosent alors que dans

ces pays on trouve les principaux instigateurs et les financiers du ter-rorisme islamique. Malgré cela, deux jours après la manifestation du 11 janvier, les députés ont massivement voté pour la prolongation des frappes fran-çaises en Irak par 488 voix contre 1.

A l’exception du Front de gauche qui s’est abstenu, tous les groupes ont parlé d’une seule voix, avant d’en-tonner la Marseillaise, ce qui n’était plus arrivé dans l’hémicycle depuis 1918 !

Renforcement des opérations militaires en Afrique Sur le continent africain, l’opération Barkhane ne cesse de se renforcer et de s’étendre. Le ministre de la Défense organise toutes sortes de réunions avec ses partenaires afri-cains avec pour thème unique la sécurité et la lutte contre le terro-risme. Même les réunions de la fran-

cophonie sont traversées par cette obsession. Le vocabulaire utilisé est éloquent : la “ligne de front” s‘étend sur toute la zone sahélienne depuis le Sénégal jusqu’au Tchad, jalonnée de “bases militaires permanentes”, dont Gao au Mali et N’Djamena au Tchad. Au nord, l’armée a réactivé au

Sahara de vieux forts datant de l’époque coloniale, les “bases avan-cées” de Madama au Niger et de Fort-Largeaud au Tchad. Au sud de la ligne de front, Abidjan et Dakar abritent les “bases de l’arrière”. De plus, des “bases spécialisées” sont édifiées, à Niamey, au Niger, pour les drones et une base au Burkina Faso pour le renseignement. Ce dispositif montre que l’impérialisme français se prépare à toutes les éventualités et en particulier à jouer un rôle de pre-mier plan en cas d’extension de la zone de guerre en direction de la Libye et contre la secte criminelle de Boko Haram au Nigeria, où l’armée tchadienne a commencé à intervenir avec l’appui logistique de la France.

Préparer l’opinion publiqueL’instrumentalisation de l’émotion par l’appel à “l’unité nationale” à l’intérieur et à la “guerre mondiale

contre le terrorisme” à l’extérieur répond à la préparation de l’opinion publique à de nouvelles guerres. Elle vise à légitimer celles-ci aux yeux du peuple français et des peuples du monde. En 2015, comme en 1914, l’union nationale a le goût amer de la guerre. Comme nous l’avons écrit dans La Forge de janvier : “Il est des moments où il faut savoir dire NON”.

Non à l’union nationale avec la réaction ! Oui à la solidarité inter-nationale avec les peuples !★

Oui, la France est en guerre contre les peuples

En Février 2014, nous avions publié dans le cadre d’un recueil d’articles de La Forge sur la Françafrique, une carte indi-quant les différentes opérations militaires dans lesquelles la France était engagées. Ces interventions se poursuivent et les dispositifs militaires se sont considérablement étoffés, de nouvelles bases militaires ont été implantées, notamment au Sahel.

La Forge6Février2015

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La Forge 7

CGT : une nouvelle direction confédérale

En avant contre la politique néolibérale du gouvernement et du Medef !

Mouvement ouvrier et syndical Février 2015

Adoubé à la quasi-unanimité du Comité confédéral national (CCN) de la CGT en novembre 2012 pour succé-der à Bernard Thibaud en tant que secrétaire général, confirmé à cette place par le 50e congrès confédéral de Mars 2013, Thierry Lepaon a donc été obligé de quitter son poste à un an du 51e congrès confédéral.Jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à la veille du CCN du 13 janvier 2015, il aura essayé de se maintenir à son poste malgré un rapport accablant de la Commission financière de contrôle sur la réalité de son train de vie et sur son intervention directe dans ce qu’il faut bien appeler les “affaires”. Obligé malgré tout de démissionner, il avait quand même réussi à garder un temps la main sur la composition du futur nouveau bureau confédéral.

C’est ce que le CCN du 13 janvier a clairement rejeté : la proposition Le Paon d’un nouveau bureau confédé-ral n’a pas atteint la majorité des deux tiers.

Pourquoi une telle obstination ?Il ne s’agit pas là que de l’obstination d’un homme. Même si, empêtré dans de telles affaires, les questions d’hon-neur personnel sont forcément en jeu. Mais comment pouvait-il penser pou-voir passer outre ces révélations à répétition, alors que chacune, les unes après les autres, a contribué à élargir, et ce de façon irréversible, le fossé entre Thierry Lepaon et la grande masse des syndiqués ?

Visiblement, le monsieur n’était pas seul. Derrière et avec lui, c’est une partie de l’appareil de la CGT qui s’était mouillée pour qu’il puisse accéder à ce poste de secrétaire général sur cette ligne de “soutien critique” à F. Hollande et au gouver-nement socialiste. Au beau milieu de la tempête et jusqu’au bout, elle l’a encouragé à ne pas lâcher, à tenir bon. Tant lors des dernières commissions exécutives confédérales qu’à l’occa-sion des comités confédéraux natio-naux, et pas uniquement, ces élé-ments se sont battus bec et ongles. Allant même, pour certains, la veille du CCN du 13 janvier, jusqu’à “consul-ter” pour essayer de passer outre la règle statutaire des deux tiers requise pour l’élection du bureau confédéral. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la confrontation n’est pas termi-née ! Le rapporteur à ce CCN des 3 et 4 février ne pouvait pas ne pas le souligner : “Je crois pouvoir dire que l’interrogation de certains camarades concerne le fait que le nouveau bureau ait été construit particulière-ment en termes d’équilibrage.”

La nature de cette confrontationDans notre journal de décembre 2014 sur cette crise, nous avons qualifié la ligne portée par Thierry Lepaon comme étant “une ligne qui veut contenir la colère des travailleurs-euses face à la politique de ce gouver-nement”. D’autre part, au sein du tout nou-

veau bureau confédéral qui vient d’être élu à l’issue du CCN des 3 et 4 février 2015, arrivent notamment des responsables de fédérations et d’unions départementales qui avaient appelé, en tant que responsables syndicaux, à la manifestation du 12 avril 2014 contre la politique d’aus-térité de ce gouvernement, manifes-tation organisée avec les partis poli-tiques et des associations. Dans leur texte d’appel, ils indiquaient notam-ment : “La situation historique dans laquelle nous sommes appelle la mise en mouvement convergente de tous ceux qui veulent agir pour trouver une issue à la crise. Dans cette pers-pective, il y a urgence à développer le dialogue et les convergences entre le syndicalisme et les forces de gauche portant l’ambition de transformer la société.”Même si les crises arrivent bien sou-vent par des biais n’ayant pas grand-chose à voir avec la question de fond posée, force est de constater qu’à l’issue de l’élection de ce nouveau bureau confédéral, nous sommes loin des “affaires” de Thierry Lepaon. Après la commission exécutive confédérale, le comité confédéral national entérine donc un nouveau bureau avec pour moitié des respon-sables qui ont réaffirmé publique-ment et en opposition avec Thierry Lepaon et l’ancien bureau, l’ambition d’un syndicalisme de transformation sociale qui refuse les “stratégies d’accompagnement”. Une bonne nouvelle pour la classe ouvrière et les travailleurs-euses de ce pays.

Le 51e congrès confé-déralMême si le rapporteur au CCN des 3 et 4 février s’en défendait, ce nou-veau bureau est aussi un “bureau transitoire”. Il va avoir, entre autres tâches, la charge de préparer “de façon extraordinaire” comme le dit le nouveau secrétaire général, Philippe Martinez, le congrès ordinaire de la confédération qui aura lieu au prin-temps 2016. Moment de vérité, où inévitablement ces deux lignes vont à nouveau se retrouver en confrontation pour la direction de la CGT.

Mais nul besoin d’attendre les textes. C’est dès maintenant qu’il faut en lancer la préparation, notamment en poursuivant et en élargissant la mobilisation contre la loi Macron et tout particulièrement contre l’exten-sion du travail du dimanche, noc-turne et de nuit. Le principe d’une mobilisation interprofessionnelle et intersyndicale contre la politique du gouvernement et du Medef est en discussion pour le début du mois de mars. Et, toujours contre cette même politique, mais là dirigée contre le peuple grec, le mouvement syndical, et la CGT en particulier, doit répondre présent aux côtés des travailleurs-euses grecs pour fustiger le diktat de la banque centrale européenne.Ce sont dans ces batailles que nous allons aussi pouvoir préserver et ren-forcer l’issue positive de la crise que vient de traverser la CGT. ★

Sita (94)

Une dure et longue bataille pour l’amélioration des conditions de travail

Après 43 jours de grève, soli-daire et sans faille et un pro-tocole de fin de grève qui acte

de véritables avancées sur les condi-tions de travail et de sécurité, les ouvriers et agents de maîtrise du dépôt de la Sita-Suez à Vitry (94) ont repris le travail, jeudi 5 février.Sur les 64 rotations des bennes par semaine pour collecter le verre sur Paris, seulement six étaient affrétées avec un double ripage. Deux ouvriers “au cul” du camion et un chauffeur. À l’issue de la grève, il y en aura maintenant vingt-neuf dans un pre-mier temps et d’autres vont suivre par la suite comme le stipule le pro-tocole.Sur un parc de douze camions avec

des bennes usées, sans entretien sérieux depuis des années, donc dan-gereux, à l’issue de la grève, 31 000 €

de travaux vont être effectués immé-diatement et une expertise de l’en-semble du parc, sous contrôle du CHCST va être engagée.

Il a fallu 43 jours de grève pour arracher ces améliorations !Il n’y a encore pas si longtemps, ces ouvriers ont connu l’époque où la boîte entretenait ses camions, où il y avait un atelier de réparation, des mécaniciens, des électriciens, des électromécaniciens… Maintenant, là

comme ailleurs, c’est “flux tendu” et le matériel est utilisé jusqu’à la corde avant d’être remplacé. Les amortisseurs avant et les barres stabilisatrices arrière des camions qui n’absorbent plus aucun mouve-ment avec une benne chargée tant et plus, qui n’en finit pas de tanguer. Des axes qui cassent quand il s’agit de la vider, des freins changés “quand on est sur la ferraille”.Pour le ramassage des déchets ména-gers et des déchets verts, il faut accrocher le bac à la benne. Le contenu bascule et est broyé, com-pacté. Pour la collecte du verre, c’est un élévateur qui soulève le bac à en haut de la benne et bascule le tout. La ”particularité” à la Sita-Suez de

Vitry, c’est qu’une fois le verre dans la benne, pour faire de la place pour la prochaine collecte, le chauffeur devait piler brusquement avec son camion pour que le chargement vienne s’écraser sur l’avant de la benne ! Pour ce faire, le ripeur devenait agent de circulation, ou acrobate sur son marchepied, afin de permettre au chauffeur de faire sa manœuvre avec un minimum de sécurité !Quand ce sont des bacs à quatre roues, comme il est tout simplement impossible de bouger tout seul des 500 litres ou 600 litres de verre, là, c’est le chauffeur qui venait aider le ripeur. Là où la bonne marche des tournées reposait sur la

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La Forge

Dans la période, différents secteurs de la classe ouvrière sont engagés dans des mou-

vements de grèves et de mobilisa-tions pour exiger des augmenta-tions de salaires. C’est un “non” au chantage à l’emploi, un rejet des diktats des patrons visant à imposer leurs lois, celles des pro-fits sans entraves, y compris en s’asseyant sur le Code du travail, que la loi Macron va encore vider un peu plus de sa substance.Dans le groupe Michelin (chiffre d’affaires 20,7 milliards, en majorité à l’international), cela se traduit en 2015 par une baisse des salaires via des augmentations de salaires sur trois ans, divisées par 2, passant de 1,2 à 0,6 % ; une baisse de 30 % des primes de participation, d’intéresse-ment (72,36 millions en 2013, 54,36 en 2014). Une aggravation des condi-tions de travail avec la mise en place d’un management basé sur le harcè-lement avec l’objectif d’une augmen-tation des cadences de 10 à 20 %. Le tout, avec des objectifs de produc-tion individuels fixés de façon arbi-traire et, dans tous les cas, inattei-gnables. Sans compter avec le déve-loppement de la précarisation mas-sive des embauches.

La grève en réponseLa CGT de Michelin Blanzy (Saône-et-Loire) vient d’avoir gain de cause devant la Cour de cassation contre la pratique par la direction du look-out considérée comme une entrave au droit de grève, ce qui vient conforter la lutte. Déjà, en octobre 2014, la colère s’était fortement exprimée à Clermont-Ferrand dans le Puy de Dôme (siège historique de Michelin) avec des grèves à Michelin Cataroux (ateliers de pilotage). Pour faire embaucher notamment les jeunes précaires en CDI : “Le ras l’bol est général, on en a marre de former des gens pour les retrouver à Pôle Emploi !” Tout le monde s’était retrouvé - lycéens et ouvriers de Michelin - place du 1er Mai (400 per-sonnes). Le 4 février 2015, la grève pour les salaires est partie de l’usine de St-Doulchard (près de Bourges), un site recentré sur la fabrication des pneus d’avions civils et militaires avec des effectifs réduits à 540 per-sonnes (le groupe Michelin, c’est 23 000 salariés en France, 115 000 au niveau mondial). A l’appel de l’intersyndicale CGT,

SUD, FO et CFDT, les ouvriers des équipes sont partis en grève recon-ductible avec 3 débrayages d’une heure par jour et par équipe. La revendication qui fait l’unité : c’est

les 350 euros nets par mois pour tous et l’embauche des 90 ouvriers pré-caires (CDD et boîte d’intérim mai-son) en CDI. Dans le tract intersyndical intitulé “Tous unis pour lutter contre la poli-tique salariale de Michelin… il est temps que nous prenions les choses en mains”, il est donné les chiffres d’une enquête Michelin qui montre l’ampleur de la colère sur les salaires : 80 % de salariés mécontents, 97 % dans les équipes.

De leur côté, “les analystes financiers prévoient une augmentation des divi-dendes de 17 % ! Inacceptable ! Le fruit de notre travail doit nous revenir et ne pas être pillé par les gros

actionnaires”. “Faire cesser la préca-rité : après avoir travaillé 12 à 18 mois, nombreux sont les précaires qui sont jetés comme des kleenex, ce sont des licenciements inacceptables.”Une journée d’action est déjà prévue le 12 février prochain à Bourges et sur les sites de production du Puy-en-Velay, de Vannes, de Montceau-les-Mines. Il faut soutenir et populariser cette mobilisation. ★

8 Mouvement ouvrier et syndicalFévrier 2015

Les ouvriers de Michelin en grève pour les salaires et contre la précarité

Les ouvriers de Michelin de Saint-Doulchard

Lundi 9 février 2015 doivent reprendre les négociations entre les fédérations patronales de transport routier (FNTR, TPLF, Unostra et OTRE) d’une part, l’intersyndicale (CGT-FO-CFTC-CFECGC) et la CFDT d’autre part.Depuis le dimanche 18 janvier 2015, l’intersyndicale a lancé un mot d’ordre de grève et de mobilisations pour notamment exiger une augmen-tation de salaires de 5 % avec une base de 100 € pour les coefficients au bas de la grille. Les négociations annuelles obligatoires (NAO) débu-taient dans la branche le 20 janvier 2015.Dés le dimanche soir, les routiers en grève ont mené toute une série de blocages de zones de fret et de zones industrielles pour se faire entendre. En Gironde, ils ont bloqué la zone de fret, dans le Pas-de-Calais, des bar-rages ont été dressés à Douges. À Lyon, c’est le sud de la ville qui a été aussi bloqué, comme la rocade exté-

rieure de Rennes en Bretagne. À Trélazé, près d’Angers, c’est la zone industrielle qui a été également visée…Il en est de même encore aujourd’hui, même si c’est avec une moindre intensité.

Rapide chronologie de cette grève de plus de 20 joursCela va donc faire 21 jours à la date du lundi 9 février que la profession des chauffeurs routiers salariés a décidé d’engager une partie de bras de fer pour l’augmentation de ses salaires et ce de façon quasi unitaire et de façon très active.Le patronat, d’un cynisme sans pareil, par la voix du délégué général de la FNTCR (principale organisation patronale), à l’unisson avec le dis-cours et la politique gouvernemen-

tale, a répondu aux revendications des organisations syndicales par : “il faut savoir choisir entre emploi et augmentations salariales” !S’estimant sans doute quitte avec une proposition d’augmentation de 2 % pour les plus bas coefficients de la grille hiérarchique appliqués aux chauffeurs routiers (après avoir pro-posés un centime de l’heure !) les fédérations patronales, emmenées notamment par le représentant du groupe N. Dentresangle, ont quitté la table des négociations dans le cadre de la NAO de ce mardi et ont refusé d’y revenir. Particularité de la situation : la CFDT, qui a refusé de rejoindre l’intersyndi-cale sur la base de la plate-forme revendicative qui, outre les 5 % d’augmentation pose la question du 13e mois comme des jours de carence en cas de maladie, … a aussi quitté la séance des négociations avec le patronat pour déclarer, dans un deu-

xième temps, qu’elle rejoindrait le mouvement le 28 janvier !

Fort de ce soutien objectif de la pre-mière organisation syndicale en voix dans le secteur du transport routier, les fédérations patronales, espérant un affaiblissement de la grève et des opérations de blocage dans les jours qui ont suivi, ont persisté dans leur refus de poursuivre les négociations. En réponse, les organisations syndi-cales de l’intersyndicale ont ciblé en priorité les plates-formes des cen-trales d’achat, les dépôts de site de carburants et surtout les sites des employeurs parmi les plus récalci-trants à la négociation. Le 23 janvier, le gouvernement ten-tera bien d’actionner la commission mixte paritaire pour amener les patrons à revenir à la table des négo-ciations, mais en pure perte. Il fau-dra que le ministre du travail en personne se fende d’une

Les chauffeurs routiers en grève pour 5 % d’augmentation salariale

seule volonté des gars, il y aura maintenant deux réunions par mois avec la direction pour l’organisation des plannings suivies d’une réunion de bilan avec l’encadrement toutes les semaines. Au bout de ce processus engagé sur trois mois, une nouvelle définition

de critères des tournées sera élabo-rée. Elle prendra en compte le ton-nage collecté, le type de bac mani-pulé, l’amplitude des collectes, les kilomètres effectués, la réalité de la voirie, et le type d’arrondissement concerné…

À quarante contre ce géant Sita-Suez, ils ont dit stop !Avec leur syndicat CGT, avec le sou-tien total de l’Union départementale de la CGT du 94, de celle de Paris, du

Front de gauche dont notre parti, de la Mairie de Vitry et l’implication obligée de la Mairie de Paris… ils ont fini par gagner sur l’essentiel de leurs revendications, à savoir une amélioration substantielle de leurs conditions de travail.

Correspondance cellule 29 mai

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La Forge 9Mouvement ouvrier et syndical Février 2015

Projet de loi Macron : les raisons de dire NON !Nous voulons souligner ici les conséquences de ce projet de loi pour les travailleuses et les tra-vailleurs, tant en matière d’aggra-vation de leurs conditions de tra-vail, d’incidences sur les condi-tions de rémunération, comme sur les moyens encore à leur disposi-tion pour faire valoir leurs droits. Ces éléments sont peu ou mal connus. Il faut continuer de les faire connaître au sein des collec-tivités de travail, des assemblées syndicales, pour aller vers plus de mobilisation, vers une contesta-tion plus large de ce projet loi.

En finir avec ce qui fonde, en droit, le contrat de travailAbrogation de l’alinéa de l’article 2064 du code civil et de l’article 24 de la loi du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et la procédure civile, pénale et adminis-trative qui faisait du contrat de tra-vail, un contrat spécifique. Un contrat entre deux parties (sala-rié et patron), qui ne sont pas et ne peuvent pas être reconnues à égalité du fait du principe de subordination du salarié vis-à-vis de celui qui l’embauche. Cette distorsion de fait entraîne, pour “pallier” cette inéga-lité, des droits spécifiques pour le salarié, droits qui fondent le Code du travail.Avec la “simplification” contenue dans le projet de loi, en cas de diffé-rend entre les deux parties, il suffira au patron d’obtenir un “accord” et le différend sera ainsi purgé sans qu’au-cun juge ne puisse être saisi. Ce qui avait encore un caractère d’exception avec la rupture conventionnelle, pourra ainsi devenir la norme.

Elargissement du travail du dimanche, nocturne et jours fériés

Le projet de loi veut changer entière-ment le principe des dérogations existantes. D’abord en rognant sur la notion de travail de nuit (encore de 21 h à 6 h du matin aujourd'hui), puisque de 21 h à 24 h, l'activité sera considérée comme du “travail noc-turne”. Une nouvelle catégorie juri-dique excluant ces heures de travail de la réglementation spécifique liée au travail de nuit (repos compensa-teur, compensation financière…).Ensuite, en élargissant le régime dérogatoire des zones commerciales touristiques, jusqu'à 12 dimanches travaillés dans l’année avec l'accord du maire, de la communauté d’agglo-mérations ou du préfet. En créant aussi des “zones touristiques inter-nationales” pouvant inclure les gares, qui seront définies par les ministres concernés et où le repos hebdomadaire du dimanche sera donné par roulement aux salariés, sur la base du “volontariat”.Pour la négociation des contrepar-ties, la loi fait référence à l’ANI de janvier 2013, et conditionne une éventuelle majoration à un accord de branche ou un accord d’entreprise. En cas de désaccord dans la branche ou dans l’entreprise sur les condi-tions de sa mise en place, le repos hebdomadaire pourra être mis en œuvre par décision unilatérale de l’employeur, et ce pour une durée de trois ans par accord préfectoral. Et pour contourner l’obligation, pourtant annoncée, de mieux rému-nérer le travail du dimanche, au-des-sous de 20 salariés, c’est-à-dire pour 80 à 90 % des magasins du com-merce, il n’y aura pas de compensa-tions négociées au travail du dimanche.

Prud’hommesLe projet de loi vise à donner plus de pouvoir au juge départiteur, juge professionnel du Tribunal d’instance, qui reprenait jusqu'ici les dossiers quand la formation des conseillers prud’homaux en formation de bureau

de jugement n’ont pu se mettre d’accord. Ce magistrat pourra aussi, en cas de “difficultés graves” de fonctionnement du Conseil, prendre les choses en main.

Autre nouveauté, le bureau de juge-ment pourra être composé de deux conseillers seulement au lieu de quatre. Ce qui limitera les débats et ouvrira la porte aux décisions “expé-ditives” et, par contre-coup, au ren-forcement du rôle du juge départi-teur. Parallèlement, le projet de loi indique que les conseillers devront exercer “leur fonction en toute indépendance, impartialité, dignité et probité et se (comporter) de façon à prévenir tout doute légitime à leur égard“ ?! Et comme si cela ne suffisait pas, le projet de loi leur demande de “s’abs-tenir de tout acte ou comportement à caractère public incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonc-tions”. Autrement dit, il faudra que les conseillers salariés cessent d’être d’abord des syndicalistes. Pour les travailleurs ayant recours à cette juridiction des Prud’hommes pour faire valoir leurs droits, la grande “nouveauté” va d’être obligés de se faire assister d’un avocat (ou d’un représentant syndical qui, lui aussi, sera doté d’un nouveau statut) devant la Cour d’appel.

Pousser encore plus loin l’accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013Avec la loi de juin 2013, issue de l’ANI, le patron qui voulait licencier avait le choix, dans la définition du critère prioritaire pour fixer l’ordre des licenciements, parmi quatre cri-tères (charge de famille, handicap, âge et compétence professionnelle). Avec ce projet de loi, le patron pourra les choisir “à un niveau infé-rieur à celui de l’entreprise”, c’est-à-dire au niveau de chaque établisse-

ment, de chaque agence, de chaque site… D’autre part, dans les entreprises en redressement ou en liquidation judi-ciaire, le plan social devra être pro-portionné aux regards des moyens dont dispose l’entreprise et non plus au niveau du groupe, ou de la mai-son mère. Cette disposition va limi-ter les indemnités de licenciements, y compris obtenues par la voie juri-dique. Elle va aussi grandement faci-liter la validation des plans de sauve-garde de l’emploi (PSE) que devra prononcer l’administration (Direccte – Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consomma-tion du travail et de l’emploi). Le projet de loi précise aussi que si l’accord donné par la Direccte à un PSE est annulé par la juridiction pour “insuffisance de motivation”, cette annulation n’aura plus d’inci-dence sur la validité des licencie-ments. Elle ne donnera plus lieu au versement d’une indemnité à la charge du patron et permettra encore moins la réintégration du ou des salariés. Pour parfaire le tout, les sanctions pénales qu’encourait l’em-ployeur en cas d’entraves au droit syndical et aux fonctions de repré-sentants du personnel (DP, élus CE, CHSCT) sont tout simplement “rem-placées par des sanctions finan-cières” et la peine d’emprisonnement associée jusqu’ici au délit d’entrave est supprimée.

L’Inspection du travailLe gouvernement n’avait pas pu faire passer sa réforme néolibérale de l'Inspection du travail dans la loi sur la formation professionnelle en 2014. La réforme revient via le projet de loi, en particulier en ce qui concerne “les nouveaux pouvoirs” de l'Inspec-tion. Le projet de loi renvoie à une série d’ordonnances qui seront prises directement par le gouvernement sans passer par le Parlement. ★

interview au Journal du dimanche (JDD) en disant

notamment qu’ “on ne peut pas signifier un mépris aux salariés en refusant de venir discuter, cela ne règle rien” pour que le fil de la “dis-cussion” soit repris. Une nouvelle rencontre a pu avoir lieu le 27 janvier sous l’égide du ministère pour décider de la mise en place… d’un médiateur pour superviser la prochaine rencontre avec l’ensemble des parties, le 29 janvier. À peine rentrée dans le mouvement le 28 par

quelques actions, la CFDT décidait de s’en tenir là, pour donner toutes ses chances à la négociation qui s’ouvrait le lendemain ! En fait, une grossière manœuvre, espérant ainsi que si les patrons revoyaient leur position ne serait-ce qu’un poil à la hausse, cela serait mis à son crédit !

Où en sommes-nous ?Les fédérations patronales n’ont pas bougé de leur proposition de 2 % d’augmentation.

À la veille de la reprise des discus-sions, lundi 9 février, l’attitude tota-lement opportuniste et manœuvrière de la CFDT n’a pas été sans incidence sur le mouvement de grève et sur la mobilisation des routiers. Le rapport de force n’est plus évidemment du même niveau qu’au premier jour du mouvement.Il n’en reste pas moins que cette grève des chauffeurs routiers a mis en évidence que la profession comporte aujourd’hui pas moins de 450 000 salariés sur les routes, bien souvent

payés tout juste à peine au-dessus du Smic horaire. Qui, certes, conduisent pour un grand nombre d’entre eux des engins qui n’ont plus rien à voir avec les bahuts d’il y a encore quelques années, mais qui sont astreints à des horaires d’embauche totalement imprévisibles, planifiés à la petite semaine et soumis en per-manence au double contrôle dans leur travail : celui de la réglementation routière de plus en plus tatillonne et celui de la sanction pécuniaire patro-nale qui en découle. ★

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Formation théoriqueLa République a un contenu de classeD epuis la grande marche

orchestrée par le gouverne-ment à la suite des atten-

tats de début janvier 2015, la question de la défense de la République et de ses valeurs est devenue une véritable antienne reprise en chœur par tous les médias et au-delà. L’appel à l’unité nationale devait se faire autour de la défense de la République, de son drapeau et de sa devise : liberté, égalité, fra-ternité.Nous n’avons pas participé à cette opération et nous l’avons expliqué dans notre numéro de janvier.Mais il nous semble nécessaire aujourd’hui de nous expliquer sur le fait que nous ne défendons pas cette république, que nous ne brandissons jamais le drapeau tricolore et que nous sommes plus que circonspects quand le pouvoir politique se réclame de la devise ”liberté, égalité, frater-nité”.

Entendons-nous bien quand nous parlons de République : s’agit-il de la forme que peut prendre l’organisa-tion de la société, de l’État, à un moment donné de son histoire ou de la République française d’au-jourd’hui ?La République qui s’oppose à l’Etat féodal, à la monarchie, au fascisme, est une forme particulière d’organi-sation étatique qui peut avoir des contenus différents, car la forme “pure” de République, elle, n’existe pas. On parle de république bour-geoise, et c’est le cas de notre Ve

république, qui organise la domina-tion de la bourgeoisie sur les autres couches du peuple, et notamment sur la classe ouvrière. Mais il y a eu, dans l’histoire, et à l’échelle interna-tionale, de nombreux Etats qui ont pris la forme de république. La réfé-rence historique, c’est la République Athénienne, dont les esclaves, par contre, étaient totalement exclus. Plus près de nous, après la Deuxième Guerre mondiale, les pays de l’Est de l’Europe sont devenus des répu-bliques démocratiques et populaires, l’Albanie, une République populaire socialiste ; après la révolution d’Oc-tobre 1917, la Russie a pris le nom d’URSS, Union des Républiques Socialistes Soviétiques ; la Chine, est devenue en 1949, République popu-laire de Chine ! Le PCRV, comme d’autres partis dans les pays néo-colonisés, lutte pour l’instauration d’une république démocratique et populaire. Le Parti Communiste d’Es-pagne (ML) se bat, aux côtés d’autres forces, pour une république popu-laire et fédérative. On l’aura compris

avec ces exemples, notre refus de nous identifier à la République n’est pas lié à la forme que peut prendre l’État à un moment historique donné mais à son contenu.Si, en 1789, et pendant les années qui ont suivi, la lutte pour instaurer la République contre la monarchie absolue et de droit divin a représen-té, en France, un immense progrès historique, cette république pour laquelle les masses populaires de l’époque ont donné leur sang s’est, au cours des années, transformée en une république bourgeoise qui a éta-bli sa domination non plus avec le peuple, contre la monarchie et les féodaux battus et dont le rôle histo-rique était bel et bien terminé, mais contre la classe ouvrière. Ce fut le cas, après l’insurrection de 1848 (1) et plus encore en 1871, après la défaite de la Commune de Paris et de la république sociale qu’elle avait commencé d’instaurer. La répression terrible menée par Thiers et connue sous le nom de “semaine sanglante” marqua les premières années de la Troisième république. Cette répu-blique qui allait, sabre au clair et drapeau tricolore déployé (et parfois missionnaires en éclaireur), coloni-ser une partie de l’Afrique, de l’Asie et du Moyen-Orient...

Avec le passage en France du capita-lisme de libre concurrence à l’impé-rialisme (2) (c’est-à-dire au capita-lisme monopoliste d’État), dans la deuxième moitié du XIXe siècle, la république bourgeoise n’a plus rien de démocratique. C’est au nom des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité qu’elle va opprimer les peuples d’Afrique du Nord, d’Afrique de l’Ouest, d’Indochine... Car ces valeurs ne s’appliquent pas à ces peuples qu’elle considère alors comme inférieurs.Si aujourd’hui cette thèse d’infério-rité n’est plus invoquée (sans être, on le sait, définitivement balayée), il n’en reste pas moins que l’oppres-sion néocoloniale, le système de la françafrique comme on l’appelle, continue de nier ces valeurs pour les

peuples des pays où les monopoles ont planté leurs griffes et où l’armée française protège leurs intérêts.Dans une société divisée en classes, aux intérêts antagoniques, la forme pure de la République ne peut exis-ter ; elle consacre forcement la domi-nation d’une classe sur une autre.

Le passage à la Ve république en 1958, suite au coup de force de De Gaulle au moment de la crise colo-niale (guerre d’Algérie), n’a fait que renforcer le caractère réactionnaire et anti-démocratique de cette répu-blique. L’institution, en 1962, par référendum, de l’élection du prési-dent de la république au suffrage universel était encore un pas de plus dans ce sens. Comme l’explique très justement le centre de sociologie historique dans l’un de ses Cahiers pour l’analyse concrète (3) :“Le principe de deux votes parallèles : élection des représentants, élection d’un président de la république au suffrage universel, pose deux ordres de souveraineté et introduit un prin-cipe monarchique non héréditaire. En effet, en élisant un seul président, il ne s’agit plus de députer des repré-sentants des diverses classes et groupes sociaux, car une seule per-sonne sera censée représenter l’unité de la nation. Or, cette unité n’existe pas réellement. De même, le référen-dum ne peut constituer une expres-sion de la volonté du peuple, ce n’est qu’une approbation ou un rejet d’une décision prise d’en haut sans réelle possibilité d’exposer les visées poli-tiques des diverses classes. Il s’agit d’une institution consultative et non délibérative, législative.”Et plus loin, “Ce que l’on nomme aujourd’hui république comporte de nombreux éléments non républicains : souveraineté du président de la répu-blique, maintien de souverainetés parallèles, chambres régionales, chambres économiques, Sénat, absence de contrôle tant des assem-blées élues que de l’appareil de l’état, etc.”

Cette république, qui n’a fait que

rabougrir toujours plus le caractère démocratique de l’organisation sociale, qui consacre la domination d’une oligarchie sur notre classe ouvrière et sur notre peuple et de nombreux peuples du monde, non, nous ne la défendons pas ! Et com-ment se reconnaître dans les valeurs de liberté, égalité, fraternité, bafouées et inexistantes pour des millions de gens ! Liberté de faire des profits sans entraves pour les mono-poles oui, mais quelle liberté aujourd’hui pour les 3,5 millions de chômeurs, pour autant de mal-logés ou de sans-abri, pour ceux qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, pour les travailleurs-es pauvres, pour nos jeunes sans avenir, pour les tra-vailleurs-ses sans papiers ?Oui, notre classe ouvrière et notre peuple aspirent à une réelle liberté, à l’égalité véritable et à la fraternité, mais comment pourraient-ils frater-niser avec leurs exploiteurs, avec les pilleurs de richesses, les spécula-teurs ?Oui, nous sommes pour la République, mais une république sociale, comme celle que les Communards ont esquis-sée en 1871, comme celle qu’ont édifiée pendant plus de 30 ans la classe ouvrière et le peuple sovié-tique. Nous sommes pour une répu-blique au service des ouvriers, des travailleurs de la ville et de la cam-pagne. Une république internationa-liste qui établira des liens d’égalité véritable et de fraternité avec tous les autres peuples. ★

Notes(1) Dans l’ouvrage de Marx, Les luttes de classe en France, on peut lire au sujet des journées de février et de juin1848 :“De même que la République de février avec ses concessions socialistes nécessita une bataille du prolétariat uni à la bourgeoisie contre la royauté, de même une seconde bataille était nécessaire pour détacher la République de ses concessions socialistes, pour mettre en relief la République bour-geoise, détenant officiellement le pouvoir. C’est les armes à la main qu’il fallait que la bourgeoisie réfutât les revendications du prolétariat. Et le véritable lieu de nais-sance de la République bourgeoise n’est pas la victoire de février, c’est la défaite de Juin.” (c’est nous qui soulignons - ndlr)(2) Nous recommandons à nos lecteurs la relecture de notre document “Ligne politique, programme et statuts” adop-té à notre congrès de fondation, docu-ment où nous faisons, entre autres, l’analyse marxiste-léniniste de l’his-toire de la IIIe république.(3) Cahiers, numéro 15 - octobre 84 : “État et forme d’État”, page 37.

Origine du mot RépubliqueÉtymologiquement du latin “res publica”, la chose publique par oppo-sition aux choses privées, personnelles. Sous l’ancien régime, on utili-sait parfois le mot république pour désigner l’État monarchique, pour tout ce qui avait trait à la souveraineté politique, aux affaires com-munes du pays. Après la révolution française de 1789, République devint l’antithèse du mot monarchie (pouvoir d’un seul – du grec mono (un seul) / archie (pouvoir) ; les affaires politiques, la chose publique devient l’affaire de tous. Il n’y a plus de distinction selon la naissance ou la compétence, la souveraineté politique revient de droit au peuple, et non plus à un seul homme ou à un groupe restreint.

La Forge10Février2015

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Jeunesse La Forge 11

Trois bonnes raisons de dire non merci à

“l’Unité Nationale” !1. N’oublions pas les manifestations inter-dites, le meurtre de Rémi Fraisse… !Après l’attentat contre les journalistes de Charlie Hebdo, un matraquage idéo-logique s’est mis en place pour insister sur la “République indivisible”, la laï-cité, la citoyenneté... Lorsque le gou-vernement a voulu faire défiler, dans une même marche, des dictateurs, des représentants patronaux du MEDEF, certains syndicalistes, des travailleurs, des jeunes..., l’UJR a expliqué sa posi-tion concernant cette entreprise “d’unité nationale” : “Nous ne pouvons pas participer à une marche, avec la droite et l’extrême droite, avec les tenants du ’choc des civilisations’, de la préférence nationale et de la xénopho-bie. Pas plus que nous ne pouvons mar-cher aux côtés de Mme Merkel qui tente de faire courber l’échine au peuple grec soumis à la misère depuis des années. Nous ne pouvons participer à une marche aux côtés des défenseurs de l’austérité européenne…”. Il s’agissait soi-disant de défendre les libertés et la démocratie. On nous a alors fait voir et revoir des images de personnes qui applaudissaient les policiers et parfois même se jetaient à leur cou en pleine rue. Nombre d’entre nous avaient pour-tant encore en tête “les manifestations récemment interdites par le gouverne-ment qui prétend désormais défendre la liberté d’expression” : les manifesta-tions parisiennes interdites lorsque nous voulions manifester notre solida-rité avec la lutte du peuple palestinien, lors du massacre de Gaza ; mais aussi les manifestations interdites de Toulouse après la mort de Rémi Fraisse. Comment oublier, justement, cet assas-sinat d’un jeune botaniste tué à Sivens parce que “comme beaucoup d’autres jeunes mobilisés avec lui, il dénonçait le coût financier et environnemental élevé de ce projet au service d’un modèle d’agriculture intensive qui ne répond pas aux besoins des paysans et de la population et qui ne sert que les intérêts des monopoles de l’agroalimentaire et de la grande distribution”. Alors qu’une grande colère contre les forces de répression s’exprimait chez de nom-breux jeunes, nous étions convaincus qu’il ne suffisait pas de crier sa colère contre “les flics”, mais qu’il fallait aussi dénoncer le gouvernement, le ministre de l’Intérieur et tous les rouages de l’état : ceux qui avaient donné les

ordres et équipé la police de grenades offensives pour réprimer les consta-tions sociales et populaires.

2. Disons non à une accélération des dérives sécuritaires et antidémocratiques ! Elles s’intensifient aujourd’hui au nom de la guerre extérieure et intérieure à mener contre le terrorisme - et “l’esprit du 11 janvier” devrait nous départir de toute critique à leur égard ! -, mais elles sont bien antérieures. L’UJR en avait déjà dénoncé le danger dans un document du printemps dernier “Offensives de la réaction et Résistances populaires” disponible sur le site HYPERLINK “http://www.ujr-fr.org/” www.ujr-fr.org/ dans lequel nous écri-vions :“Globalement, sous la droite, l’arsenal sécuritaire a été largement renforcé et le gouvernement PS n’a rien remis en cause, quand il n’a pas poursuivi dans le même sens. La LDH estime qu’entre 2006 et 2012 la police est passée de 36 systèmes de fichages à plus de 80 ,

avec plus de 42 lois sécuritaires en 10 ans.” Quelques exemples précis sont donnés : “Le STIC est un système réfé-rençant tous les délits rapportés à la police concernant auteurs, victimes et témoins. Il peut contenir les origines ’raciales’ et ’ethniques’, les opinions religieuses, politiques et philosophiques, l’appartenance syndicale,… C’est notamment ce fichier qui a été consulté illégalement par IKEA via une entreprise privée pour s’informer sur ses salariés, dont des syndicalistes.” “LOPSSI 2 a mis en place la possibilité de couper l’accès internet à des personnes et de bloquer des sites sans décision de justice.” “La ’Loi de Programmation Militaire’ (LPM) de décembre 2013 [...] banalise l’utili-sation de l’espionnage informatique et

téléphonique pour des motifs extrême-ment flous qui ne se limitent plus du tout au ’terrorisme’. En plus du minis-tère de la Défense, la LPM étend aux ministères de l’Intérieur, du Budget et de l’Économie la possibilité d’espionner les citoyens. Les données concernées sont aussi bien les contenus de mails, d’appels, de sms, que la géolocalisation [...]. Et tout cela sans qu’il soit néces-saire de passer par la Justice !”

3. N’oublions pas que l’armée d’une puis-sance impérialiste, c’est pour mener des guerres… impéria-listes ! Le mardi succédant la marche du 11 janvier, après une ouverture de séance à l’assemblée sous la Marseillaise en grande pompe, la reconduction des frappes en Irak était votée sans opposi-tion (uniquement avec quelques abs-tentions)… Sur ce, la droite a lancé le débat pour un rétablissement du ser-vice militaire obligatoire, alors que Hollande annonçait le gel des suppres-sions de postes à l’armée, la sanctuari-sation de son budget (le seul qui est maintenu) et l’embauche de plus de réservistes. Ironie du calendrier, deux semaines après les attentats, le minis-tère de la Marine lançait une grande campagne de recrutement...La conscription obligatoire a été sus-pendue par Jacques Chirac en 1996 dans le cadre de la professionnalisation de l’armée et aucun expert militaire n’en envisage sérieusement le retour : le coût en serait trop élevé, les casernes ont été fermées, le personnel d’enca-drement est occupé à d’autres missions et les appelés ne peuvent être envoyés dans les bourbiers maliens ou centrafri-cains ! Les motivations de ceux qui réclament un nouveau service national obligatoire ne sont pas militaires, mais politiques et idéologiques, comme en atteste cette déclaration d’Eric Ciotti, député UMP des Alpes–Maritimes qui veut “restaurer l’autorité républicaine” et “replacer des balises sur les chemins des jeunes” : “Une partie de notre jeu-nesse manque de repères. Il faut qu’il y ait des moments, des lieux où les jeunes se réapproprient les valeurs de la République et le service national peut être ce moment.” Mais de quels repères et de quelles valeurs s’agit-il ? L’armée de n’importe quel pays, ainsi que la police, sont des instruments au service

de l’Etat. L’Etat français mène des guerres impérialistes en Afrique et au Moyen-Orient pour assurer les intérêts des monopoles français qui pillent les ressources des autres peuples. Le rôle de l’armée française s’inscrit dans ce contexte-là. Et c’est précisément ce que nous combattons à l’UJR quand nous écrivons avec nos camarades de

l’ODJ du Burkina : “Nous dénonçons les interventions militaires de l’impéria-lisme français dans les pays d’Afrique. Nous considérons que ces interventions renforcent l’odieux système néocolo-nial. Ce sont ces guerres, ces interven-tions militaires, ainsi que la pauvreté et la misère, conséquences du pillage et des politiques imposées par les institu-tions financières internationales, qui obligent des dizaines de milliers de jeunes à migrer vers l’Europe ’forte-resse’, souvent au péril de leurs vies”. Lorsque l’UJR dénonce le rôle de l’ar-mée et de la police en France, nous nous référons à ce que représente concrètement l’armée française aujourd’hui et non au rôle progressiste qu’a pu avoir la conscription lorsqu’elle a été instaurée en 1793 pour défendre la 1ère République de la contre-révolu-tion monarchique. Si nous avons à maintes reprises dénoncé les cam-pagnes de recrutement de l’armée, ce n’est pas une critique contre les jeunes qui s’y engagent mais une critique contre le système qui fait miroiter don de soi, engagement généreux à des jeunes des milieux populaires et qui les envoie se faire trouer la peau dans des guerres impérialistes : “Tout ça pour augmenter les profits des monopoles français comme Areva, Total, Dassault,… qui pillent les ressources de l’Afrique”, comme nous le soulignons dans le document “Offensives de la réaction et Résistances populaires !” ★

www.ujr-fr.org

Février 2015

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La Forge

Les engagements de Syriza

Grèce

Une victoire de la dignité, contre l’austérité

EuropeFévrier 2015

Le programme de Syriza est un “plan de reconstruction nationale” qui s’ar-ticule autour de plusieurs axes com-plémentaires : la renégociation de la dette, la relance de l’investissement, la remise en cause des mesures d’aus-térité contenues dans le “mémoran-dum” et des réformes “pour renforcer la démocratie”.

Renégocier la dette Dans son programme électoral, Syriza demandait un mandat pour entamer des négociations en vue d’effacer une partie de la dette publique, avec la mise en place d’un moratoire et “l’exclusion de l’investissement public des restrictions prévues par le Pacte de Stabilité et de Croissance.” Aux lendemains de la formation du nou-veau gouvernement, Yanis Varoufakis, ministre de l’économie, a précisé : “Il n’y aura pas de défaut, de coupes franches dans la dette. Nous allons proposer une formule où le rembour-sement de la dette dépend de l’évolu-tion du PIB nominal.”

“Relancer l’économie

et promouvoir la justice fiscale”Le programme de Syriza est un pro-gramme de relance de l’économie de type keynésien de “soutien à l’écono-mie réelle” et “d’accroissement de la demande.” Le nouveau gouverne-ment veut, entre autres, revenir sur “l’imposition excessive des classes moyennes”, mettre en place une imposition progressive avec un seuil d’imposition ramené à 12 000 euros et mener une “lutte vigoureuse contre l’évasion fiscale et la contrebande”. Il veut mettre en place une “une banque publique de développement” et a annoncé un “plan de deux ans de retour à l’emploi” visant une “aug-mentation nette de 300 000 emplois dans tous les secteurs de l’économie - privé, public, social”.

Rétablir la protection des travailleurs Le programme de Syriza prévoit le rétablissement des conventions col-lectives, ainsi que “l’abolition de tous les règlements permettant les mises à

pied massives et injustifiables”. Une des premières mesures prises au len-demain de la mise en place du nou-veau gouvernement a été la hausse de près de 30 % du smic qui passe de 580 à 751 euros. Le ministre du tra-vail a également annoncé qu’il avait décidé de réembaucher les quelque 2 000 fonctionnaires victimes de licenciements injustes, en dehors de toute procédure d’évaluation. Comme les 500 femmes de ménage du minis-tère de l’économie ou les gardiens d’école qui ont été écartés simple-ment pour répondre à l’objectif de 15 000 licenciements d’ici à fin 2014.

“Faire face à la crise humanitaire”Syriza a prévu de nombreuses mesures d’urgence sociale : un pro-gramme de repas subventionnés pour 300 000 familles sans revenu ; un programme de garantie de logement ; le rétablissement du 13e mois de pen-sion pour les 1 262 920 retraités ayant une pension inférieure à 700 € ; la baisse du prix de base du combustible de chauffage pour les ménages et l’électricité gratuite

jusqu’à 300 kWh par mois pour les familles qui vivent sous le seuil de pauvreté ; l’arrêt des confiscations/saisies sur les compte bancaires, les résidences principales et les salaires ; la gratuité des soins médicaux et pharmaceutiques pour les chômeurs non assurés ; une carte spéciale d’ac-cès aux transports publics pour les chômeurs de longue durée et ceux qui sont sous le seuil de pauvreté…

“Transformer le système politique pour renforcer la démocratie”Le nouveau gouvernement veut réfor-mer l’administration publique, lutter contre le clientélisme, les emplois fantômes, rétablir la télévision et la radio publiques (ERT), renforcer le pouvoir du Parlement, abroger le régime particulier des députés qui favorise la corruption et l’impunité et développer la “participation démocra-tique citoyenne” (initiative législa-tive populaire, droit de veto popu-laire, référendum d’initiative popu-laire)… ★

L es politiques d’austérité imposées à la Grèce par l’UE et le FMI depuis des années

ont été d’une violence inouïe, au point de conduire, comme l’a indiqué Syriza, à une véritable “catastrophe humanitaire” dou-blée d’une humiliation qui a pro-fondément blessé le sentiment national du peuple grec. La vic-toire de Syriza lors des élections législatives anticipées du 25 jan-vier 2015 (36,3 % des voix, 149 sièges), s’inscrit dans ce contexte. Nouvelle démocratie, le parti d’Anto-nio Samaras, premier ministre sor-tant (à la tête d’une coalition dont faisait partie le Pasok), a perdu 2 % de ses électeurs. Il disposait de 129 sièges au parlement, il n’en a plus que 76. Le Pasok (Parti socialiste, social-libéral) qui était avant 2009 le parti majoritaire avec plus de 45 % des voix, n’a pu rassembler que 4,7 % des suffrages et ne compte plus que 13 députés. Bien que son niveau d’implantation et ses résul-tats (17 sièges) demeurent inquié-tants, le parti nazi Aube dorée, en recul de 0,6 point, n’a pas profité du désaveu des forces pro-mémorandum pour accroître son audience. Le parti des Grecs indépendants (13 députés) a, pour sa part, reculé de 3 %. Le KKE (Parti communiste de Grèce) a augmenté ses résultats de 1 % et

compte 15 députés (5,5 % des voix). La première signification des législa-tives grecques est donc incontesta-blement le rejet des partis et des coalitions qui se sont pliés au diktat de la Troïka et qui ont mis en œuvre les politiques d’austérité, de dérégle-mentation et de surexploitation exi-gées par le “mémorandum”. Syriza étant, à l’origine, une “coali-tion de la gauche radicale”, anti-libé-rale et anti-austérité, les élections grecques sont aussi une confirma-tion, comme l’ont souligné nos camarades du Front populaire de Tunisie (voir notre site pcof.net), de “l’importance de l’alliance des forces progressistes et sociales dans un même front politique pour assumer leurs responsabilités historiques vis-à-vis de leur peuple”.Syriza, qui s’est transformé en parti en 2014, a toujours affirmé vouloir gouverner et s’y est préparé. C’est pourquoi, il a été élu sur la base d’un programme comprenant une série de mesures sociales très concrètes et d’un engagement à renégocier la dette, pour pouvoir mettre en œuvre ce programme. Dans un contexte tendu, à la veille de négociations importantes avec l’UE (voir plus loin), elle a donné une opportunité politique au peuple grec d’exprimer son opposition aux chantages de l’UE et aux politiques de misère mises en

œuvre par la droite et le Pasok. C’est un camouflet pour la Troïka qui n’a de cesse d’imposer toujours plus d’exigences criminelles au peuple grec et d’intensifier ses menaces. Les électeurs grecs, qui se sont déplacés massivement pour voter (taux de participation de 75 %), ont exprimé une aspiration à rompre avec un modèle politique, social et écono-mique basé sur la dépendance vis-à-vis des institutions financières inter-nationales et sur la paupérisation galopante de la plus grande partie de la population. ça ne suffit pas pour rompre avec le système capitaliste-impérialiste, mais c’est une fenêtre d’espoir ouverte pour tous ceux qui, en Grèce et en Europe, paient le prix fort des politiques d’austérité et des contre-réformes libérales. Sur le plan politique, c’est une brèche qui peut

créer une dynamique de mobilisa-tion. Cette victoire de Syriza n’aurait jamais eu lieu si elle ne s’était pas inscrite dans une série de luttes, de résistances, de grèves, de manifesta-tions, d’affrontements avec les gou-vernements pro-mémorandum qui se se sont succédé depuis des années. Dans la période à venir, l’affronte-ment avec les représentants de l’oli-garchie financière et les tenants de l’austérité va être rude et la classe ouvrière et le peuple grecs devront encore mener de dures batailles. Nous avons des responsabilités à leur égard. Assumons-les sur le terrain où nous pouvons agir : en exigeant du gouvernement français un moratoire sur la part de la dette grecque qu’il détient et en développant les résis-tances aux politiques d’austérité conduite par Hollande-Valls-Macron★

Un gouvernement de coalitionLe mode de scrutin grec est un scrutin proportionnel par région qui donne un bonus de 50 députés à la formation arrivée en tête.

Au soir du 25 janvier, Syriza disposait de 149 députés sur 300. Il lui en manquait 2 pour avoir la majorité absolue. Le KKE refusant de constituer un front politique anti-austérité et anti-mémorandum avec Syriza, la formation dirigée par A. Tsipras s’est retourné vers les Grecs indépendants, un petit parti de droite anti-austérité et nationaliste qui s’est détaché de Nouvelle démocratie sur la question du “mémo-randum”.

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EuropeLe bras de fer avec l’UE, la BCE et les tenants de l’austérité

L e programme de Syriza est un programme de réformes qui reste dans le cadre du

système. Il n’engage pas de trans-formation révolutionnaire des rapports de production et ne contient pas de remise en cause fondamentale des institutions étatiques, même s’il prévoit des réformes allant dans le sens de remettre en cause le “clienté-lisme” et de démocratiser les ins-titutions.Syriza veut faire de l’Europe un “partenaire dans la croissance”, ne prône pas une sortie de l’euro et ne remet pas en cause le prin-cipe de l’intégration euro-péenne… Et pourtant, le pronos-tic de sa victoire, puis le résultat des élections, ont provoqué un véritable branle-bas de combat dans les états-majors européensAvant même les élections, il y a eu les mises en garde et les som-mations au peuple grec, celles de Merkel en particulier. Au lende-main de la victoire de Syriza, Junker, président de la Commission européenne, a décla-ré : “Il n’est pas question de sup-primer la dette grecque. Les autres pays de la zone euro ne l’accepte-ront pas”. Et puis les pressions sont encore montées d’un cran. Alors qu’A. Tsipras a confirmé vouloir mettre un “point final” à l’austérité, la Banque centrale européenne a annoncé, le 4 février, qu’elle mettait fin au “mécanisme grec de liquidité d’urgence” (ELA) qui avait été mis en place pour permettre au banques grecques en manque de liquidités d’emprunter de l’argent auprès de la BCE. C’est un coup de force qui vise à faire plier le nou-veau gouvernement grec en mena-çant la Grèce d’asphyxie finan-cière. Le programme de soutien

financier de 130 milliards d’euros déclenché en 2012 arrivant à échéance le 28 février, les pres-sions vont être de plus en plus fortes. C’est un immense défi pour les travailleurs et le peuple grecs dont la mobilisation sera déterminante.

La position du gou-vernement français Le gouvernement français et le PS ont salué avec beaucoup d’hypo-crisie la victoire de Syriza. Faisant “contre mauvaise fortune bon cœur”, ils y ont vu l’opportunité d’un appui à leurs velléités d’in-fléchir les politiques d’austérité budgétaire qui étouffent la crois-sance. Ils comptent sur la posi-tion d’autres gouvernements, comme celui de Renzi en Italie, qui voudrait lui aussi “déplacer la discussion sur la politique écono-mique, de l’austérité et de la rigu-eur vers la croissance et l’investis-sement”. Il est notable, qu’en dehors de la zone euro, le ministre des Finances du gouvernement conservateur britannique se soit lui aussi félicité - après un entre-tien avec son homologue grec Yanis Varoufakis - de l’opportuni-té de discuter de “la stabilité de l’économie européenne et de la manière de stimuler sa crois-sance”. Après la victoire électo-rale de Syriza, Obama a lui même déclaré : “A un moment donné, il faut une stratégie de croissance pour pouvoir rembourser ses dettes”. Il faut dire qu’en octobre dernier le FMI s’était inquiété de la situation de la zone euro, défi-nie comme l’homme malade de l’économie mondiale qui “tire tout le monde vers le bas” !Tandis que le gouvernement grec s’insurge contre le chantage qui

lui est opposé, F. Hollande a déclaré, lors de sa conférence de presse du 5 février : “Rien ne serait pire que d’humilier les Grecs”. Il faut, dit-il, “arrimer la Grèce à la construction euro-péenne”. A. Merkel vient d’affir-mer quant à elle : “Que la Grèce quitte la zone euro, si elle le sou-haite” ; et son ministre des finances juge “supportable une sortie du pays de la monnaie unique” … mais Hollande, qui se pose en temporisateur, déclare : “Depuis l’élection d’Alexis Tsipras, il n’y a pas un pays qui a deman-dé que la Grèce sorte de la zone euro” ! Mais ce “soutien” a ses limites, et c’est ainsi, que dans la même conférence de presse, Hollande a déclaré que la BCE a eu raison de dire “au gouverne-ment grec qu’il doit annoncer un cadre pour ses réformes”. Il a trouvé “légitime” la décision de la BCE qui “conduit nécessaire-ment, et les Grecs et les Européens, à se mettre autour de la table”. Hollande, Renzi et consorts veulent éviter un bras de fer qui pourrait plonger la zone euro dans de graves turbulences et pousser le gouvernement grec à radicaliser ses positons par rap-port à l’UE, à sa monnaie unique et à ses institutions. Ils veulent tirer partie de cette nouvelle situation pour desserrer l’étau de la rigueur qui plombe la crois-sance et les met eux-mêmes en difficultés… Mais sans que soit remis en cause le fond de ce qui fait leur propre politique : les “réformes structurelles”, c’est-à-dire les contre-réformes de baisse du “coût du travail” et de “com-pétitivité”. Ils savent aussi que le peuple grec est prêt à se battre pour soutenir son gouvernement dans son bras de fer avec l’UE, la

BCE et les tenants de l’austérité et ils sont obligés d’en tenir compte. D’autant que l’esprit de résistance peut être contagieux !

Faire pression sur notre propre gouver-nement Les moyens qu’ont les forces pro-gressistes d’agir au niveau des institutions européennes sont très faibles. Il serait, en effet, illusoire de croire ou de faire croire que la victoire de Syriza en Grèce peut ouvrir la voie à une transformation de la nature de la construction européenne, la rendre plus progressiste, plus “sociale” et plus favorable aux peuples… Et dangereux de ne cibler que les gouvernements les plus agressifs, tel le gouverne-ment allemand. Notre responsabi-lité vis-à-vis de la classe ouvrière et du peuple grec est d’abord de faire pression sur notre propre gouvernement. L’état français détient en effet 40 milliards de la dette grecque. Nous devons l’obli-ger à respecter le choix du peuple grec. Exigeons un moratoire uni-latéral et immédiat de la part du gouvernement français sur cette part la dette grecque détenue par l’état français. Comme nous l’avons indiqué dans notre com-muniqué du 26 janvier, notre solidarité doit aussi s’exprimer par le développement d’une “soli-darité concrète avec les syndi-cats, les associations, les organi-sations de Grèce qui en appellent au soutien international”. Et “par le développement des résistances ici, chez nous, contre la politique d’austérité que le gouvernement, allié au Medef, veulent impo-ser”. ★

L a “Troïka” est une association de la Commission Européenne (CE), de la Banque centrale

européenne (BCE) et du Fonds monétaire international (FMI). Elle est intervenue pour la première fois en Grèce en 2010, lorsque le gou-vernement grec a demandé un sou-tien financier aux institutions inter-nationales en contrepartie de quoi il a accepté de mettre en œuvre des mesures censées assainir les

finances et augmenter la compétiti-vité de la Grèce. En 2012, les créan-ciers internationaux de la Grèce ont débloqué de nouveaux prêts pour un montant de 130 milliards. Un document de 49 pages, connu sous le nom de “mémorandum”, détaillait toutes les économies et les réformes que la Grèce devait accélérer pour obtenir ce second plan : baisse des pensions, diminution des salaires et licenciements dans la fonction

publique, augmentation des impôts, privatisations, réforme du droit du travail… Le “mémorandum” indi-quait notamment, que l’état grec devait réduire d’un milliard d’euros ses dépenses de santé, abaisser de 400 millions d’euros son budget alloué aux investissements publics, vendre les parts qu’il détient dans des entreprises publiques (à l’excep-tion des “infrastructures de réseau essentielles”). C’est ainsi que l’arma-

teur chinois Cosco, qui y détenait déjà depuis 2008 deux terminaux de conteneurs, a pu continuer à étendre son implantation dans le port du Pirée. Lorsque le nouveau gouvernement Tsispras a annoncé le 28 janvier qu’il renonçait à vendre les parts que l’Etat grec possède dans la société Piraeus Port Authority qui gère le port du Pirée, Cosco était sur les rangs pour en devenir l’actionnaire majoritaire .

“Nous ne reconnaissons ni le mémorandum, ni la Troïka”(Déclaration de Georges Katrougalos, nouveau ministre grec de la réforme administrative)

La Forge 13Février 2015

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Intox !

Europe

A lors que le refus des poli-tiques d’austérité se déve-loppe, les dirigeants des

différents pays et les instances de l’UE doivent en tenir compte. Trois jours avant l’échéance électorale grecque, Draghi, son président, avait annoncé que la BCE serait autorisée à racheter sur les mar-chés des dettes des états, en échange de quoi elle fera marcher

la “planche à billets” pour injecter plus de 1 100 milliards d’euros dans la zone entre mars 2015 et septembre 2016. Cette action de politique monétaire est peu ortho-doxe au regard des dogmes du traité de Maastricht qui interdit le financement des déficits des états. Cet “assouplissement”, qui s’ins-pire de ce qu’ont fait les Etats-Unis et qui permet une sorte de

“mutualisation” des déficits, s’est fait contre la volonté du gouverne-ment allemand. Il vise à conjurer le spectre de la “déflation” définie comme une diminution générale et durable des prix pouvant entraî-ner une baisse des salaires, de la croissance… et des profits ! Deux jours avant les élections grecques, la décision visait principalement l’Italie, l’Espagne, le Portugal, l’Ir-

lande, autres états soumis, même si c’est à un moindre degré, à un régime similaire à celui de la Grèce. Alors que plus personne ne doutait de la victoire de la “gauche radicale” en Grèce, les gouverne-ments européens ont voulu avan-cer un pare-feu pour éviter la contagion dans ces pays où la vic-toire de Syriza allait être saluée avec le plus d’enthousiasme. ★

La BCE a peur de la “contagion”

C ombien la Grèce peut-elle coûter aux Français ? C’est le titre de la Une du journal

20 minutes du 29 janvier dernier et, ces derniers temps, on entend dire par Merkel et consorts : ce n’est pas aux peuples allemand, français,… de payer pour les Grecs !Pourtant, “l’’aide” consentie à la Grèce, par les institutions finan-cières internationales n’a jamais été une aide au peuple grec. Avant sa restructuration, la dette grecque était détenue à 57 % par des investisseurs privés. En mars 2012, les banques, les compagnies d’assu-rances, les fonds d’investissement ont pu échanger leurs anciennes obligations grecques qui ne valaient plus grand-chose contre des obliga-tions émises et garanties par le Fonds européen de stabilité finan-cière. “L’aide” apportée alors par l’UE et le FMI à la Grèce, au prix de ter-ribles sacrifices pour son peuple, aura donc avant tout été une aide à ceux qui avaient spéculé sur la dette grecque, afin de limiter leurs pertes. Le Crédit agricole, par exemple, for-tement implanté en Grèce, a large-ment bénéficié du “mécanisme grec de liquidité d’urgence” (ELA). Après 2012, les prêts accordés à la Grèce sous la houlette de la Troïka, ont essentiellement servi à rembourser… les intérêts de la dette ; en d’autres termes, à ali-menter les profits des prêteurs. Le peuple grec, les travailleurs licenciés, les pensionnés qui ont sombré dans l’extrême pauvreté, la jeunesse sacrifiée… n’ont pas été “aidés”, mais au contraire saignés à blanc. On ne paie pas “pour les Grecs”, mais le peuple grec, en revanche, a déjà maintes fois payé et repayé pour le profit d’une oligarchie qui n’a cessé de spéculer sur sa misère. Etre soli-daires des travailleurs et du peuple grecs et de leurs exigences légitimes, ce n’est pas “payer pour eux”, mais c’est aussi une façon de lutter “pour nous” et pour tous les autres peuples vic-times de l’austérité et des poli-tiques libérales. ★

Quelle solidarité avec le peuple grec ?Dans tous les pays d’Europe, la vic-toire électorale de Syriza a été saluée par des manifestations de joie, des expressions de solidarité et d’espoir. Enfin, un peuple qui a subi pendant des années le diktat de la finance, avait réussi à vaincre les chantages et les mises en garde des possédants et avait osé voter pour un parti qui avait fait de la fin de la politique d’austérité, un de ses principaux mots d’ordre.Le sentiment très largement partagé, était celui qu’une brèche était enfin ouverte. Mais à l’image des Grecs eux-mêmes, il n’y a pas eu d’euphorie, étant donné l’ampleur de la tâche qui attendait le gouvernement sorti vain-queur de ces élections. Sa victoire était certes incon-testable, mais elle ne signi-fiait pas l’écrasement des forces de la réaction : celles de la réaction d’extrême droite, celle des partisans de la politique d’austérité en Grèce et surtout celles de l’oligarchie, notamment euro-péenne. Cela n’a pas tardé : après quelques sourires forcés, sont venus les ultima-tums et le chantage à la mise en faillite des banques grecques.Cette hargne s’explique par la volonté de l’oligarchie et de ses représentants à la tête des états impérialistes de l’UE, de briser l’opposition d’un peuple d’un “petit pays” et dissuader les autres à faire de même. Car c’est bien là, la question cen-trale : que la classe ouvrière, les tra-vailleurs, la jeunesse des milieux populaires, d’autres pays, se lancent dans le combat contre les politiques d’austérité, qu’ils portent des coups à leur propre bourgeoisie. Autrement

dit, que le combat passe sur le terrain de la confrontation politique et sociale, en lien avec le développe-ment d’une véritable solidarité avec les travailleurs et le peuple grec. Cette solidarité internationale, qui a beaucoup manqué toutes ces der-nières années, par delà les initiatives positives que des syndicats, des asso-ciations… ont impulsées.Les premières réactions, suite à la victoire électorale, dans plusieurs pays, montrent qu’il y a un potentiel qui a besoin d’objectifs concrets pour mobiliser plus largement.Notre parti a posé la question d’une

campagne pour un moratoire unilaté-rale et immédiat de la dette détenue par l’état français. Il y a certaine-ment d’autres exigences à mettre en avant, mais elles doivent être concrètes, “parler” au plus grand nombre et viser les intérêts de l’oli-garchie.C’est aussi de cette manière que nous pourrons développer une véritable pression internationale sur les diri-geants des états de l’UE. Le gouvernement grec joue sur les contradictions entre les gouverne-ments de l’UE, y compris quand il s’oppose à la politique de sanctions vis-à-vis de l’URSS. En tant que gou-vernement, membre des instances européennes, il recherche des alliés, à diviser ses adversaires et à essayer d’isoler le gouvernement allemand, en pointe dans les attaques.

Ce sont des terrains qu’il faut aussi investir, tout en sachant que le fac-teur essentiel, c’est le rapport de force construit à partir des travail-leurs et des peuples. Pour une fois, ils ne sont pas seulement spectateurs et victimes des politiques menées par les gouvernements, qu’ils soient de droite ou sociaux-libéraux : ils peuvent peser, en soutenant les posi-tions progressistes du gouvernement de Grèce, en travaillant à renforcer la résistance à la politique des gouver-nements et de l’UE.

Quelles leçons peut-on tirer ?La première, c’est l’importance de lier la résistance à la politique d’austérité à des engagements concrets, clairs, de rupture. Des engagements poli-tique, sociaux, qui non seulement répondent aux exigences des masses populaires, qui permettent et favo-risent leur engagement, qui les rendent partie prenante de la lutte pour les imposer.La deuxième concerne la question des références politiques. Syriza se réclame clairement de la gauche radi-cale, celle qui résiste et ne se com-promet pas avec la social-démocratie qui applique la politique néolibérale. Syriza est un parti et insiste sur la nécessité de l’organisation politique. Ce sont des positions que Syriza, des courants en son sein, ont défendues jusqu’aujourd’hui. Cela est important dans le contexte de l’offensive idéolo-gique et politique qui s’appuie sur le discrédit des partis réformistes, sur la confusion qu’ils ont alimentée sur les notions de “gauche” pour justifier leur politique de droite. Il faut s’en tenir aux critères de classe, aux contradictions fondamen-tales du système capitaliste, aux contradictions du système impéria-liste, pour élever le niveau de conscience et d’engagement des tra-vailleurs et des masses populaires. ★

Paris. Rassemblement de soutien au peuple grec contre la déci-sion de la BCE

La Forge14Février2015

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La Forge 15

L’interdiction de la grève de la métallurgie est inacceptable

International Février 2015

La situation à Gaza de plus en plus cri-tique Six mois après la guerre qui a dévasté Gaza en juillet-août dernier, la situa-tion des populations ne fait qu’empi-rer. Fin janvier, à court d’argent, l’agence de l’ONU pour l’aide aux réfugiés palestiniens (URNWA) a annoncé qu’elle suspendait son aide financière à des dizaines de milliers de Palestiniens. L’argent devait leur servir à réparer leur maison ou à payer leur loyer. Sur les 5,4 milliards de dollars promis en octobre, lors de la conférence des “donateurs” pour la reconstruction de Gaza, pratiquement rien n’est arrivé. Un nouvel appel “urgent” pour la levée de 100 millions de dollars a été lancé pour assurer au moins ce premier trimestre. Rappelons que près de 96 000 maisons ont été endommagées ou détruites au cours de cette guerre. Sur les 720 millions de dollars nécessaires à leur recons-truction, l’URNWA n’en a reçu que 135 ! Les Palestiniens de Gaza devront donc continuer à camper dans le froid sur leurs maisons en ruine et à se répartir les derniers sacs de riz encore en stocks.L’intensification des combats en Syrie et la progression des forces de l’Etat islamique a provoqué un nouvel exode des populations syriennes vers le Liban, avec un risque majeur d’accélé-

rer la déstabilisation de ce pays, éco-nomiquement et politiquement fra-gile. Dans ce contexte, les dirigeants israé-liens n’ont qu’un objectif : affaiblir le Hezbollah libanais, soutenu par l’Iran. L’armée sioniste est intervenue une nouvelle fois dans la zone syrienne du Golan, contre un convoi du Hezbollah libanais dans lequel se trouvaient également des Gardiens de la Révolution iranienne. Quelques jours plus tard, le Hezbollah tuait deux soldats israéliens dans la zone libanaise des fermes de Chebaa, sous occupation israélienne. Israël ripos-tait en bombardant le sud Liban, causant la mort d’un soldat de la FINUL.

Que va dire la “communauté interna-tionale“ ? Rien, comme d’habitude, quand il s’agit des provocations et des attaques israéliennes. Nétanyahou et deux autres dirigeants de droite israéliens sont venus para-der en tête de la manifestation du 11 janvier à Paris. Ils sont venus dire aux juifs de quitter la France, pour aller en Israël, s’ils veulent vivre en “sécu-rité” ! Nétanyahou s’est adressé à des citoyens français pour leur dire de quitter le pays, parce qu’ils sont juifs ! Si cela n’est pas du “commu-nautarisme”, c’est en tout cas une exacerbation inadmissible des divi-sions !

Son ministre d’extrême droite, Lieberman, qui occupe le poste de ministre des affaires étrangères, a, quant à lui, organisé la diffusion médiatisée du dernier numéro de Charlie Hebdo, en Israël, dans le but d’alimenter encore plus la haine des Arabes, des Palestiniens, des musul-mans et de provoquer ces popula-tions.On assiste à une offensive très viru-lente de la part des sionistes pour criminaliser toute contestation de la politique d’Israël, pour la présenter comme un soutien objectif aux atten-tats antisémites.Une des cibles des sionistes, c’est la campagne BDS, qui se poursuit dans plusieurs villes. Les diffusions de tracts sont souvent perturbées par des militants sionistes, ou par la police. Parmi les entreprises israéliennes implantées dans une colonie dans les Territoires occupés, en violation du droit international, il y a Sodastream, une société spécialisée dans les appa-reils de gazéification des boissons. Elle est très active dans la promotion de ses produits, multipliant les opéra-tions de sponsorisation, comme celle du festival international de la bande dessinée d’Angoulême. Plus de 100 dessinateurs ont signé une lettre ouverte pour demander aux organisa-teurs de rompre ce contrat.

Poursuivre le travail de solidarité avec la lutte du peuple palestinien

La grève des ouvriers de la métal-lurgie organisés dans le syndicat Birlesik Metal-Is a été interdite

par le gouvernement.Sous le même prétexte de sécurité nationale, le gouvernement avait également interdit les grèves des ouvriers des compagnies aériennes organisés dans les syndicats Hava-Is, des ouvriers du thé organisés dans le syndicat Tek Gida-Is et, dernière-ment, la grève des ouvriers du verre organisés dans le syndicat Kristal-Is.Il est évident que la revendication la plus simple posée par les travailleurs conformément au droit du travail n’est pas une menace pour la sécurité nationale mais bien une sérieuse menace pour le gouvernement lui-même. La décision d’interdire la grève est une nouvelle preuve que le gou-vernement considère que les profits des entrepreneurs du MESS (Syndicat des entrepreneurs de la métallurgie de Turquie) sont plus importants que les travailleurs.Les travailleurs du Birlesik Metal-Is

n’ont pas eu d’autre alternative que d’en arriver à la grève, face à la réduction des salaires et à l’extension des contrats collectifs à 3 ans, signés par le syndicat Turk Metal. En inter-disant leur grève, le gouvernement a montré une fois de plus qu’il est l’ennemi du travail et des travail-leurs.Le gouvernement terrorise tous les secteurs de la société, tous ceux qui revendiquent leurs droits, qui pro-testent, qui expriment et écrivent leurs opinions. Tous ceux-là sont les objectifs de cette terreur. Et mainte-nant, il faut y ajouter les grèves ouvrières.Cette attitude du gouvernement est l’expression de son alliance avec les patrons du MESS ; c’est une attitude d’hostilité contre les travailleurs et contre le peuple.Nous insistons sur le fait que l’inter-diction de cette grève, qui montre jusqu’où vont les politiques anti-ouvrières et despotiques, est inaccep-table. Cette interdiction est une

usurpation du droit constitutionnel de la classe ouvrière, à la demande des patrons et sur décision du gou-vernement. La grève des ouvriers de

la métallurgie est la grève de tous et elle fait partie de la lutte pour la démocratisation de la Turquie. Le droit des ouvriers de la métallurgie à faire grève est inviolable. La grève de la métallurgie est notre grève à tous.

De ce fait, il est l’heure de dire que la lutte pour refuser l’interdiction de la grève est également notre lutte.Nous appelons toutes les forces

démocratiques et du travail à refuser cette interdiction. La lutte des ouvriers de la métallurgie est la lutte de tous.Selma Gürkan (Présidente du Parti du Travail – Emek Partisi).★

Les ouvriers turcs de Schneider en grève.

Depuis dix ans, le collectif de la “semaine anti-coloniale” organise des débats, des expositions... sur différents aspects de la lutte contre le colonia-lisme, le néo colonialisme, l’impéria-lisme, pour la solidarité avec les peuples. Au fil des années, la “semaine” n’a cessé de s’élargir, en durée, en thèmes, en initiatives. Elle se déroule en région parisienne et dans plusieurs villes. Cette année, elle ira du14 février au 2 mars.Consultez le site :http://www.anticolonial.net/Notre parti soutient cette initiative. Il tiendra une table de presse au salon qui se tient à la Bellevilloise, et participera à la manifestation du 28 février. Il appelle les camarades et amis à y parti-ciper.

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16 La Forge

L e dernier numéro de Bug Parga, organe central du PCRV dont nous venons de prendre

connaissance, contient une impor-tante déclaration du comité cen-tral de ce parti datée du 20 novembre 2014. Le texte revient sur l’appréciation des journées des 30 et 31 octobre, sur les manœuvres et complots pour briser la dyna-mique de l’insurrection populaire et sauver le système néocolonial.Le document analyse également les grandes tendances d’évolution de la situation et les issues possibles. Dans cette partie, il est écrit :“L’impérialisme français mettra tout en œuvre pour sauver l’ordre néocolo-nial et briser le mouvement révolu-

tionnaire comme François Hollande l’a déclaré dans le cadre du coup d’état contre-révolutionnaire défensif qu’il a opéré le 1er novembre et contre lequel le peuple résiste.Le peuple, qui a pris conscience de sa force et du potentiel révolutionnaire dont recèle le mouvement populaire, n’entend pas se faire flouer des fruits de sa lutte et entend approfondir le mouvement populaire pour la révolu-tion (…).La crise qui secoue notre pays va s’aggraver et il n’est pas sûr que la bourgeoisie réactionnaire puisse gérer la transition dans la stabilité (…).”

Sur cette base, le PCRV voit trois issues possibles : - La mise en place d’un pouvoir néo-colonial avec des élections dans le cadre d’une issue réformiste.- Le déclenchement d’une guerre civile réactionnaire.- L’approfondissement et le renforce-

ment du mouvement révolutionnaire pour le triomphe de la révolution.C’est bien sûr à cette troisième issue que travaille notre parti frère.Il tient d’abord à affirmer que l’insur-rection populaire des 30 et 31 octobre 2014 doit être considérée “comme une répétition générale en vue de mieux organiser la révolu-tion“. C’est pourquoi il appelle le peuple Burkinabé à :“Continuer à dénoncer et à s’opposer au coup d’Etat contre-révolutionnaire défensif perpétré par l’impérialisme français et à exiger le départ des troupes françaises et américaines.Se démarquer de l’opposition bour-geoise réactionnaire, à rejeter les illusions putschistes réformistes et

électoralistes dans lesquelles ces agents de l’impérialisme français veulent le conduire et à redoubler d’effort dans la lutte contre l’impuni-té.”Il conseille aux différentes compo-santes du peuple :- de s’unir autour de sa plateforme politique d’action pour un change-ment révolutionnaire, - et de s’organiser encore mieux en tirant les leçons de l’expérience des journées du 30 et 31 octobre afin de réaliser la révolution nationale démocratique et populaire.Et la déclaration de préciser : cette révolution “mettra en place un gou-vernement révolutionnaire provisoire et une constituante au service de notre peuple dont seront exclus les exploiteurs, oppresseurs et pilleurs de notre pays. Seule l’insurrection géné-rale armée du peuple permettra d’at-teindre cet objectif”.Pour notre part, nous soutenons

et appelons tous les anti-impéria-listes à exiger le retrait des troupes françaises du Burkina et la fin des ingérences dans les affaires de ce pays.Impérialisme français, bas les pattes du Burkina !

Nous agirons avec tous les amis du peuple Burkinabé pour que ce mot d’ordre résonne dans la manifesta-tion de la semaine anticoloniale, le 28 février prochain.

Burkina Faso

La lutte continue pour une issue révolutionnaire

Les deux spectacles cités ci-des-sous sont un exemple d’une actua-lité brûlante car ils annoncent, avant l’heure, des événements sur-venus récemment ; c’est le rôle du théâtre d’interroger, de question-ner, de permettre de “faire se lever la rue et les chants du monde, non pour l’apaiser mais pour le traver-ser plus libres”, comme le dit si bien le metteur en scène Jean-Louis Martinelli.

“Nuit blanche à Ouaga”, est un spectacle de danse de Serge-Aimé Coulibaly, danseur et chorégraphe burkinabé, avec le rappeur Smokey. Préparé depuis deux ans en Afrique, ce spectacle a été joué le 25 octobre 2014, juste avant l’insur-rection populaire du 30 octobre ! Il décrit une nuit d’insurrection face à un dirigeant qui s’entête à rester au pouvoir… Cette création a su capter le frémissement souterrain qui courait dans le pays et a eu l’intuition du futur. C’est une suc-cession de tableaux de danse, sur un mode trépidant et accéléré. Sur une place publique, quatre dan-seurs miment la vie du peuple, leurs souffrances, leurs luttes sur une musique écrite et jouée par Serge Bambara, alias Smokey, prix du meilleur rappeur africain 2010 ; ses paroles : “le Peuple, bientôt, chassera la Bête pour s’inviter au banquet, la Place de la Nation rede-viendra la Place de la Révolution”. “Nuit Blanche à Ouaga” est inspiré des émeutes de la vie chère et des mutineries des soldats de 2006 et 2011 ainsi que de la vie de la capi-tale.

“Une nuit à la présidence” de Jean-Louis Martinelli, musique de Ray Léma, avec la contribution d’Aminata Traoré.Spectacle de théâtre crée en 2013. Ecrit à partir d’improvisations avec des artistes africains au Burkina, ce spectacle, tel une farce digne de Brecht, un cabaret politique et populaire alliant le texte, la musique et l’humour, a pour toile de fond un palais présidentiel afri-cain dans lequel se joue le devenir de millions de personnes exclues de tout processus de décision. Un président et sa femme reçoivent un investisseur représentant d’une entreprise minière occidentale pour négocier l’exploitation de mines d’or ; à cette occasion, un groupe de jeunes musiciens du pays est invité à égayer la soirée… et la rencontre dérape ! le spec-tacle met en scène un autocrate africain et cet occidental qui sym-bolise le capitalisme financier, la Françafrique et les bailleurs de fonds internationaux. Sont abor-dés la corruption, le poids de la dette, l’immigration, la prostitu-tion, les ajustements structurels, mais aussi grâce à la présence de plusieurs artistes musiciens burki-nabé, la culture, la dette, les souf-frances et l’avenir des jeunes. Deux spectacles de qualité à voir, avec famille et amis, et qui peuvent être suivis de discussions sur la situation au Burkina et sur la “France-Afrique” pour aider à prendre conscience de notre res-ponsabilité dans la dénonciation de l’impérialisme français et de ses méfaits.

Elle était attendue … la chute de Compaoré !

L’insurrection populaire au Burkina Faso, fin octobre 2014, a été un moment fort de l’actualité politique de l’année passée. Pour la première fois depuis longtemps, un peuple africain chassait du pouvoir un président honni, soutenu par l’impérialisme français.Nous avons voulu réunir dans un dossier certains des documents publiés à ce moment-là par les forces révolutionnaires et progressistes du

Burkina, et ceux d’autres forces soli-daires de ce mouvement populaire. Nous y avons ajouté une chronologie de l’histoire politique et sociale du Burkina ainsi que quelques-uns des articles publiés dans notre journal et qui permettent, nous semble-t-il, d’éclairer utilement ces événements.Nous espérons que cette brochure sera utile à nos lecteurs pour faire connaître plus largement la réalité de ce qui se

passe dans ce pays, les forces révolu-tionnaires et progressistes qui tra-vaillent à un véritable changement et le rôle joué par l’impérialisme fran-çais.

A commander auprès de nos militants ou à la société En Avant, 15 cité Popincourt 75011 Paris Prix : 2,5 € (frais de port 2,5 €)

InternationalFévrier 2015

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Dir. publication C. Pierrel - Imprimerie Expressions2, 10 bis rue Bisson 75020 Paris - Commission paritaire - 0413P865753- N°ISSN 0242-3332