La nouvelle peinture

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    ditions du Boucher

    Louis-Edmond Duranty

    http://www.leboucher.com/http://www.leboucher.com/
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    C B

    Le fihier PDF qui vous est propos titre gratuit est protg par les lois sur les opyrights

    & reste la proprit de la SARL Le Bouher diteur. Le fihier PDF est dnomm livrenumrique dans les paragraphes qui suivent.

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    N

    Journaliste, romanier & ritique dart, Louis-Edmond Duranty (-), rateurde lphmre revuee alisme,ollabora notamment au igaro,au rogrs de yon,aris-ournal& a ie parisienne.

    Ami des Arts, il frquenta le Caf Guerbois aux Batignolles o se runissaient dans les

    annes Degas, Renoir, Pissarro, Monet, les tenants de ette nouvelle peinture Le texte reproduit ii est elui de ldition de (Paris, E. Dentu) ; il fut publi loasion de la seonde exposition des impressionnistes qui stait tenue la mme anne la galerie Durand-Ruel (rue Le Peletier Paris). Ce fut un des premiers essais en faveurde e mouvement qui allait rvolutionner la peinture ontemporaine.

    ditions du Bouher, rue Rohebrune Parissite internet : www.lebouher.omourriel : [email protected] & tlopie : () () oneption & ralisation : Georges Colletouverture : ibidem

    ISBN : ---

    http://www.leboucher.com/http://www.leboucher.com/http://www.leboucher.com/http://www.leboucher.com/mailto:[email protected]?subject=Faire%20connaissancemailto:[email protected]?subject=Faire%20connaissancemailto:[email protected]?subject=Faire%20connaissancemailto:[email protected]?subject=Faire%20connaissancehttp://www.leboucher.com/http://www.leboucher.com/
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    U ,minent parmi eux dont nous naimons pasle talent, et qui a de plus le don et la fortune dtre rivain,

    disait remment ei dans la evue des eux ondes : La docrine qui sest appele raliste na pas dautre fon-

    dement srieux quune observation meilleure et plus saine deslois du oloris. Il faut bien se rendre lvidene et reonnatrequil y a du bon dans es vises, et que si les ralistes savaient plus

    et peignaient mieux, il en est dans le nombre qui peindraientfort bien. Leur il en gnral a des aperus trs justes et dessensations partiulirement dliates, et, hose singulire, lesautres parties de leur mtier ne le sont plus du tout. Ils ont,parat-il, une des faults les plus rares, ils manquent de e quidevrait tre le plus ommun, si bien que leurs qualits, qui sontgrandes, perdent leur prix pour ntre pas employes omme il

    faudrait ; quils ont lair de rvolutionnaires pare quils affecentde nadmettre que la moiti des vrits nessaires, et quil senfaut la fois de trs peu et de beauoup quils naient stricementraison

    . Eugne Fromentin (-).

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    propos du groupe dartistes qui exposedans les galeries urand-uel

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    Le plein air, la lumire diffuse, le vrai soleil prennentaujourdhui dans la peinture une importane quon ne leur avait

    jamais reonnue, et que, disons-le franhement, ils ne mritentpoint davoir lheure quil est, la peinture nest jamais assez laire, assez

    nette, assez formelle, assez rueCe que lesprit imaginait est tenu pour artifie, et tout artifie,

    je veux dire toute onvention, est prosrit dun art qui ne devraittre quune onvention. De l, omme vous vous en doutez, des

    ontroverses dans lesquelles les lves de la nature ont le nombrepour eux. Mme il existe des appellations mprisantes pourdsigner les pratiques ontraires. On les appelle le vieux jeu,e qui veut dire une faon vieillotte, radoteuse et suranne deomprendre la nature en y mettant du sien. Choix des sujets,dessin, palette, tout partiipe ette manire impersonnelle devoir les hoses et de les traiter. Nous voil loin des aniennes

    habitudes, je veux dire des habitudes dil y a quarante ans, o lebitume ruisselait flots sur les palettes de peintres romantiques etpassait pour tre la ouleur auxiliaire de lidal. Il y a une poqueet un lieu dans lanne o es modes nouvelles saffi hent avelat, est nos expositions du printemps. Pour peu que vousvous teniez au ourant des nouveauts qui sy produisent, vousremarquerez que la peinture la plus rente a pour but de frapper

    les yeux des foules par des images saillantes, textuelles, aismentreonnaissables en leur vrit, dnues dartifies, et de nousdonner exacement les sensations de e que nous voyons dansla rue. Et le publi est tout dispos fter un art qui reprsenteave tant de fidlit ses habits, son visage, ses habitudes, songot, ses inlinations et son esprit. Mais la peinture dhistoire,me direz-vous ? Dabord, au train o vont les hoses, est-il bien

    ertain quil existe enore une ole dhistoire. Ensuite, si evieux nom de lanien rgime sappliquait enore des traditionsbrillamment dfendues, fort peu suivies, nimaginez pas que lapeinture dhistoire happe la fusion des genres et rsiste latentation dentrer elle-mme dans le ourant Regardez bien,danne en anne, les onversions qui soprent, et sans examinerjusquau fond, ne onsidrez que la ouleur des tableaux. Si de

    sombre elle devient laire, si de noire elle devient blanhe, si

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    de profonde elle remonte aux surfaes, si de souple elle tourneau raide, si de la matire luisante elle tourne au mat, et du lair

    obsur au papier japonais, vous en avez assez vu pour apprendrequil y a l un esprit qui a hang de milieu et un atelier qui sestouvert au jour de la rue.

    Ces observations sont faites ave prudene, ave ourtoisie,ave ironie et mme ave mlanolie.

    Elles sont bien urieuses, si lon songe linfluene quexeree peintre sur la nouvelle gnration sortie de lole des Beaux-

    Arts.Enore plus urieuses, si lon songe que et rivain, quionsidre omme une marque de mdiorit la fidlit reproduire les habits, le visage, les habitudes de nos ontem-porains, sest vou et svertue reprsenter les habits, les visages,les habitudes de qui ? des rabes ontemporains. Pourquoisobstine-t-il ainsi entraver la olonisation de lAlgrie ? Nul

    ne le sait. Pourquoi les Arabes ontemporains lui paraissent-ilsseuls dignes des proupations de la peinture ? On ne le sait pasdavantage.

    Parti du Sahel, il sest renontr Paris ave un autreartiste , esprit tourment, souvent dliat, nourri de posie etde symbologie aniennes, le plus grand ami des mythes quily ait peut-tre ii-bas, passant sa vie interroger le Sphynx, et

    tous deux sont parvenus inspirer aux nouveaux groupes de esjeunes gens quon lve au biberon de lart offi iel et traditionnel,un trange systme de peinture, born au sud par lAlgrie, lest par la mythologie, louest par lhistoire anienne, au nordpar larhologie : la vraie peinture trouble dune poque deritique, de bibelotage, et de pastiheries.

    Ils sefforent dy amalgamer toutes les manires ; le rani et

    le blafard des figures sy talent sur des olorations dtoffesquon soutire maladroitement aux Vnitiens en les surhauffantjusquau riard, et en les amollissant jusqu les teindre ; onprend, il faudrait dire on hipe, Delaroix ses fonds en les

    .Gustave Moreau (-).

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    refroidissant et en les aigrissant ; on bat ensemble du Carpaio,du Rubens, et du Signol, peut-tre asse-t-on dans le mlange

    un peu de Prudhon et du Lesueur, et lon sert un trangeragot maigre et sri, une salade de lignes pauvres, anguleuseset ahotes, de olorations dtonantes, trop fades ou tropaides, une onfusion de formes grles, gnes, emphatiques etmaladives. Les reherhes dune arhologie en pleine mue, maisparvenue un ertain degr dtranget, donnent seules un peudaent et art ngatif et embrouill. Mais larhologie nest

    point eux et ils la doivent aux arhologues. Si don un artest bien impersonnel, e nest pas elui que dsignait le peintre-rivain, mais est elui-i. outes les onventions sy donnentrendez-vous, il est vrai, mais tout y manque de e qui est delhomme, de son individualit, de son esprit.

    Croient-ils que pare quils auront exut les asques, lestabourets, les olonnes polyhromes, les barques, les bordures

    de robes, daprs les derniers drets rendus par larhologie ;roient-ils que pare quils auront srupuleusement essay derespecer, dans leurs personnages, le type le plus remmentadmis de la rae ionienne, dorienne ou phrygienne ; roient-ils enfin que pare quils auront terrass, pourhass, envoy audiable le monstre nahronisme, ils auront fait grande uvredart. Ils ignorent que tous les trente ans, la susdite arhologie

    fait peau neuve, et que la alotte botienne nasal et ouvre-joues, par exemple, qui est le dernier mot de la mode rudite,ira rejoindre la ferraille le grand asque du Lonidas de David,qui fut dans son temps lextrme expression du savoir s-hosesantiques.

    Ils ignorent que est au feu de la vie ontemporaine queles grands artistes, les esprits sagaes lairent es hoses

    antiques. Les oes de ana de Vronse eussent t piteusessans ses gentilshommes de Venise ; M. Renan na pas manqude omparer Pone Pilate un prfet en Basse-Bretagne,M. de Rmusat Saint-Philote ; et, omme me le disait lautrejour un artiste trs observateur, la fore des Anglais dans lartvient de e quOphlie est toujours une lady dans leur esprit.Alors, quest-e don que e monde de lole des Beaux-

    Arts, mme pris dans le dessus du panier ? On y montre de la

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    mlanolie, omme des gens sans apptit, privs de la jouissanede leurs sens et qui demeurent assis sans manger devant une table

    ouverte de fort bonnes hoses, blmant eux qui sy rgalent.Ils sont mlanoliques, ar ils sentent que leurs efforts ne sont

    pas immenses. En effet, ils se bornent : dune part, avoir purla literie antique, et restaur le bri--bra homrique, de lautre, tutoyer les haouhs et les biskris.Ils ont fait desendre de sonestrade leur modle datelier barbe noire, et lont amp surun hameau, par devant le portail de Gaillon, en lenveloppant

    dune ouverture de laine prte par le bouher d t, arette frquentation de lArabe les a rendus sanguinaires etsanglants, et, au voabulaire italien quon rapporte de Rome, ilsont ajout le sear la abeza du baragouin sabir des moriauds dela provine dOran.

    Et est tout ; ils sen iront tranquillement la postrit aprse petit voyage.

    Mais auraient-ils pu tre mens beauoup plus loin parltrange duation de leur jeunesse, qua si bien drite unmatre de dessin, M. Leoq de Boisbaudran, dont le ritsimple et exac est plus ruel que toutes les plaisanteries ; parlduation que voii :

    Les jeunes gens qui suivent les onours font tous leurs

    efforts, et ela est bien naturel, pour obtenir les rompensesqui y sont attahes. Malheureusement le moyen qui leursemble gnralement le plus sr et le plus faile, est dimiterles ouvrages prdemment ouronns, que lon ne manque pasdexposer ave honneur et apparat, omme pour les proposeren exemple et bien montrer la route qui onduit au sus. A-t-on ompris toute la porte de es initations, en voyant le

    plus grand nombre des onurrents abandonner leurs propresinspirations pour suivre servilement es donnes reommandespar lole et onsares par la russite.

    Sauf de trs rares exeptions, on narrive la simple admissionau grand onours, est--dire lentre en loge, quaprs delongues tudes diriges exlusivement vers e but ; est la durede ette prparation anti-naturelle qui la rend si dangereuse

    pour la onservation des qualits originales.

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    Les lves qui sy attardent finissent par ressembler ertainsaspirants baheliers, plus souieux du diplme que du vrai

    savoir.Deux preuves sont exiges pour ladmission en loge : uneesquisse ou omposition sur un sujet donn, et une figure peintedaprs le modle. La prparation es deux preuves devientlunique proupation des jeunes gens. Ils ne veulent pointdautres tudes que la rptition journalire de es esquisses et dees figures banales, toujours exutes dans les dimensions, dans

    les limites de temps et dans le style habituel des onours.Aprs des annes entires onsares de tels exeries, que

    peut-il rester des qualits les plus prieuses ? ue deviennentla navet, la sinrit, le naturel ? Les expositions de lole desBeaux-Arts ne le disent que trop.

    Parfois, ertains onurrents imitent le style de leur matreou elui de tel artiste lbre, dautres herhent sinspirer

    daniens laurats de lole, eux-i se proupent des dernierssus du Salon, eux-l de quelque uvre qui les aura vivementimpressionns. Ces diffrentes influenes peuvent donner quelques Expositions une varit apparente, mais rien neressemble moins une diversit relle et au aracre original desinspirations personnelles.

    Bah ! messieurs, il ny a pas de quoi tre trs fiers de es

    points de dpart, de et levage la faon dune rae ovine,de ette duation aprs laquelle on peut vous appeler lesDishley-mrinos de lart. Cependant il parat que vous testrs ddaigneux des tentatives dun art qui veut sen prendre la vie, la flamme moderne, dont les entrailles smeuvent auspecale de la ralit et de lexistene ontemporaine. Vous vousramponnez aux genoux de Promthe, aux ailes du Sphynx.

    Eh ! savez-vous pourquoi vous le faites ? Cest pour demanderau Sphynx, sans vous en douter, le seret de notre temps, et Promthe le feu sar de lge acuel. Non, vous ntes pas siddaigneux. Vous vous inquitez de e mouvement artistiquequi dure dj depuis longtemps, qui persvre malgr lesobstales, malgr le peu de sympathie quon lui montre.

    Ave tout e que vous savez, vous voudriez enfin tre un peu

    vous-mmes, vous ommenez en avoir jusqu la gorge, de

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    ette momifiation, de et urant embaumement de lesprit.Vous ommenez regarder par-dessus le mur, dans le petit

    jardin de eux-i, soit pour y jeter des pierres, soit pour voir equon y fait.Allons, la tradition est en dsarroi, vos efforts pour la

    ompliquer en tmoignent bien assez, et vous sentez le besoindouvrir e jour sur la rue dont nest point satisfait votre guide,lhonorable et habile peintre-rivain si ourtois, si ironique, sidsenhant dans ses dires. Vous auriez bien envie, vous aussi,

    dentrer dans la vie.La tradition est en dsarroi, mais elle est la tradition etelle reprsente les aniennes et magnifiques formules des gesprdents. Vous tes attahs la glbe par les lgitimistes delart, eux dii passent pour des rvolutionnaires artistiques.Le ombat nest vraiment quentre eux et vous, et ils nontdestime que pour vous parmi leurs adversaires. Vous mritez

    laffranhissement. Ils vous lapporteront. Mais auparavant,peut-tre, vous viendra-t-il par les femmes. Par les femmes ?Pourquoi non.

    Nest-e pas bien trange, lis-je dans une lettre de e peintreobservateur qui ma fourni dj une note intressante, nest-epas bien trange ? Un sulpteur, un peintre ont pour femme,pour matresse, une femme qui a un nez retrouss, de petits

    yeux, qui est mine, lgre, vive. Ils aiment dans ette femmejusqu ses dfauts. Ils se sont peut-tre jets en plein drame pourquelle ft eux ! Or, ette femme qui est lidal de leur ur etde leur esprit, qui a veill et fait jouer la vrit de leur got, deleur sensibilit et de leur invention, puisquils lont trouve etlue, est absolument le ontraire dufminin quils sobstinent mettre dans leurs tableaux et leurs statues. Ils sen retournent en

    Gre, aux femmes sombres, svres, fortes omme des hevaux.Le nez retrouss qui les dlece le soir, ils le trahissent le matinet le font droit ; ils sen meurent dennui ou bien ils apportent leur ouvrage la gaiet et leffort depense dun artonnier qui sait

    .Edgar Degas (-).

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    bien oller, et qui se demande o il ira rigoler, aprs sa journefaite.

    Peut-tre, quelque jour, la femme franaise vivante, au nezretrouss, dlogera-t-elle la femme greque en marbre, au nezdroit, au menton pais, qui sest enastre dans vos ervelles,omme un dbris de vieille frise dans le mur que sest fait unmaon aprs des fouilles. Ce jour-l, lartiste tressaillira sousladroit olleur de artonnages.

    Au surplus, elle est bien malade hez vous, la femme greque,

    voir omme vous la reproduisez toujours hve, livide ou jaune,trbuhante, ave des yeux reux et hagards. Elle a t tant defois emmene lole de Rome quelle a attrap la malaria.

    En attendant, venez regarder dans le jardinet de eux dii,vous verrez quon tente dy rer de pied en ap un art toutmoderne, tout imprgn de nos alentours, de nos sentiments,des hoses de notre poque.

    Autant, il est vrai, le lieu ommun est faile exprimer, varier, moduler dans tous les tons, autant lide neuve estexpose balbutier dans ses premires expressions.

    Lavantage matriel, rhtorique, est don jusquii du t duquai Malaquais, il serait puril de le nier. Mais il sen faut debeauoup que le monde du quai Malaquais ait raison.

    Ce qui a fait la fore des hommes de la Renaissane et des

    primitifs, est que, sous le voile antique, et il ne faut mme pasdire le voile, mais simplement ltiquette antique, ils ont exprimles murs, les ostumes et les dors de leur temps, rendu leurvie personnelle, enregistr une poque. Ils lont fait navement,sans ritique, sans disussion, sans avoir besoin, omme nous, dedmler la voie juste parmi les fausses pistes.

    Nous en sommes arrivs, laborieusement et gre des

    exemples latants, nous en sommes arrivs en littrature mettre la hose hors de ontestation. La haute littrature dartontemporaine est raliste, en affecant les formes et les prodsles plus varis. Celui qui rit es lignes a ontribu dterminere mouvement dont il a t lun des premiers donner la netteformule esthtique il y a prs de vingt ans.

    La peinture est tenue dentrer dans e mouvement que des

    artistes de grand talent sefforent de lui imprimer depuis

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    que Courbet a, omme Balza, tra le sillon dune faon sivigoureuse. Elle y est tenue dautant plus, quelle est, quelque

    onventionnelle quon voudra, le moins onventionnel de tousles arts, le seul qui ralise effecivement les personnages et lesobjets, elui quifixe,sans laisser de doute ni de vague, les figures,les ostumes et les fonds, elui qui imite, qui montre, qui rsumele mieux, nen dplaise tous les artifies et les prods.

    uant aux groupes artistiques qui agissent en dehors delole des Beaux-Arts, sy rattahant par quelque fil quils

    tranent la patte, e sont des hybrides.Les uns viennent de et atelier darhologie anedotiqueuniversel o lon opre le ostumage depuis le asque dumirmillon romain jusquau petit hapeau du premier onsul, olon possde les mthodes dexution trs sres, une faon demodeler tablie une fois pour toutes, o lon se livre froid uneespe de arnaval sentenieux. Ils ont renhri sur le matre ,

    demand aux omdiens de leur enseigner quelques grimaes dethtre mettre sur la fae, invariablement la mme, de leurspetits marquis, de leurs inroyables, de leurs pages, moines etarhers opis ave onsiene daprs des ommissionnairesquils ont affubls doripeaux trop frais ou trop fans. Ceux-lsemblent se promener toujours ave onvicion la suite dunlavoir ftant la mi-arme.

    Dautres, qui sont leurs rivaux, ont trouv des hatoiements,des lats, des oppositions tinelantes, en marhant derrireFortuny, tout un virtuosisme darpges, de trilles, de hiffons, derpons, qui ne prodent dauune loi dobservation, dauunepense, dauun vouloir dexamen. Ils ont hiffonn, maquill,trouss la nature, lont ouverte de papillotes. Ils la traitenten oiffeurs, et la prparent pour une oprette. Lindustrie, le

    ommere tiennent une part trop onsidrable dans leur affaire.uand jaurai ompt enore les peintres qui se sont attahs

    ltat-major, qui passent leur temps entre le tambour et latrompette, et auxquels on ne peut reproher que dtre tropfailes, point assez pntrants, point assez peintres ni assez

    .Jean-Lu Grome (-).

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    dessinateurs, et, disons-le, point assez onvainus, bien quequelques-uns dentre eux aient grande bonne volont et

    beauoup desprit, le dnombrement sera ahev.Le dbat nest don vraiment quentre lart anien et le nouvelart, entre le vieux tableau et le jeune tableau. Lide qui exposedans les galeries Durand-Ruel na dadversaire qu lole et lInstitut. Cest l seulement quelle peut, doit et dsire fairedes onvertis. Ce nest aussi qu lole et lInstitut quelle atrouv justie.

    Ingres et ses prinipaux lves admiraient Courbet ; Flandrinenourageait beauoup et autre peintre raliste , maintenantfix en Angleterre, pris de snes ontemporaines religieuses,do il a su dgager tant de navet et de grandeur, soit dans sestableaux, soit dans ses puissantes eaux-fortes.

    Le mouvement, en effet, a dj ses raines. Il est au moinsdavant-hier, et non pas dhier seulement. Cest peu peu quil

    sest dgag, quil a abandonn le vieux jeu, quil est venu auplein air, au vrai soleil, quil a retrouv loriginalit et limprvu,est--dire la saveur dans les sujets et dans la ompositionde ses toiles, quil a apport un dessin pntrant, pousant learacre des tres et des hoses modernes, les suivant au besoinave une sagait infinie dans leurs allures, dans leur intimitprofessionnelle, dans le geste et le sentiment intrieur de leur

    lasse et de leur rang.Je mle ii des efforts et des tempraments distincs, mais qui

    sont ensemble dans la reherhe et dans la tentative.Les origines de es efforts, les premires manifestations de es

    tempraments, on les retrouve partir de latelier de Courbet,entre lnterrement drnans et les emoiselles de village ;ellessont hez le grand Ingres, et le grand Millet, es esprits pieux

    et nafs, es hommes de puissant instinc ; hez Ingres, qui sestassis sur le tabouret divoire ave Homre et qui sest ml lafoule qui regardait Phidias travailler au Parthnon, mais qui nerapportait de la Gre que le respec de la nature et revint vivre

    .Alphonse Legros (-).

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    ave la famille Robillard omme ave le omte Mol et le dudOrlans, nhsitant et ne trihant jamais devant les formes

    modernes, exutant es portraits rigoureux, violents, tranges,tant ils sont simples et vrais, et qui neussent pas dpar une sallede refuss ; hez Millet, et Homre de la ampagne moderne,qui regarda le soleil jusqu en devenir aveugle ; qui a montr lepaysan dans les labours omme un animal parmi les bufs, lespors et les moutons, qui a ador la terre et la faite si ingnue, sinoble, si rude et dj ouverte dirradiations lumineuses.

    Elles sont aussi hez le grand Corot et hez son disipleChintreuil, et homme qui herhait toujours, et que la naturesemble avoir aim tant elle lui a fait de rvlations. Puis elles semontrent parmi quelques lves dun professeur de dessin , dontle nom est attah spialement une mthode dite dduationde la mmoire pittoresque, mais dont le prinipal mrite aura tde laisser se dvelopper loriginalit, le aracre personnel de

    eux qui tudiaient auprs de lui, au lieu de vouloir les ramener une manire ommune, un joug de prods inviolables.

    En mme temps e peintre de Hollande aux tonalits sijustes, et qui a fini par envelopper ses moulins, ses lohers,ses vergues de navires, sous des vibrations grises et violettes sidliates ; et autre peintre de Honfleur qui notait et analysaitsi profondment les iels de la mer et qui nous a donn la

    vrit des marines, ont apport tous deux leur ontingent ette expdition pleine dlans, o lon se flatte de doubler leap de Bonne-Esprane de lart, et de douvrir des passagesnouveaux.

    Au Salon des refuss de , apparurent, hardis et onvainus,les herheurs. Plusieurs dentre eux ont, depuis, obtenu desmdailles, ou se trouvent en assez belle situation de renom, soit

    Londres, soit Paris.Jai dj signal le peintre de lx-voto,e tableau qui parut en

    . Il tait bien moderne, e tableau-l, et il avait lingnuit et

    .Horae Leoq de Boisbaudran (-)..Johann Barthold Jongking (-)..Eugne Boudin (-).

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    la grandeur des ouvres du quinzime sile. ue reprsentait-il ? De vieilles femmes ommunes, habilles de vtements

    ommuns ; mais la stupidit rigide et mahinale que lexistenepnible et troite des humbles donnait es faes revasses etfltries, jaillissait ave une profonde intensit. out e qui peutfrapper hez des tres, retenir devant eux, tout le signifiatif, leonentr, limprvu de la vie rayonnait autour de es vieillesratures.

    Un autre, un Amriain , exposait, il y a trois ans, dans es

    mmes galeries Durand-Ruel, de surprenants portraits et desvariations dune infinie dliatesse sur des teintes rpusulaires,diffuses, vaporeuses, qui ne sont ni le jour ni la nuit. Untroisime sest r un pineau harmonieux, disrtementrihe, absolument personnel, est devenu le plus merveilleuxpeintre de fleurs de lpoque et a runi, dans de bien urieusessries, les figures dartistes et de littrateurs nos ontemporains,

    sannonant omme un tonnant peintre de personnages,omme on le verra enore mieux dans lavenir. Un autre, enfin ,a multipli les affi rmations les plus audaieuses, a soutenu lalutte la plus aharne, a ouvert non plus seulement un jour, maisdes fentres toutes grandes, mais des brhes, sur leplein air et levrai soleil,a pris la tte du mouvement et a maintes fois livr aupubli, ave une andeur et un ourage qui le rapprohent des

    hommes de gnie, les uvres les plus neuves, les plus entahesde dfauts, les mieux eintures de qualits, uvres pleinesdampleur et daent, riant part de toutes les autres, et olexpression la plus forte heurte nessairement les hsitationsdun sentiment qui, presque entirement neuf, na pas enoretous ses moyens de prendre orps et ralisation.

    Je ne nomme point es artistes, puisquils nexposent pas

    ii ette anne. Mais il se pourra que les annes suivantes ilsne raignent pas de venir dans un lieu o leurs bannires sontarbores et leurs ris de guerre insrits sur les murs.

    .James Whistler (-)..Henri Fantin-Latour (-)..douard Manet (-).

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    Au mouvement se rattahaient aussi jadis le peintre desuisiniers ,ainsi que le peintre des haudrons et des poissons ;

    mais elui-i est retourn au vieux jeu, et elui-l a herhun refuge, une asemate dans le noir de fume. Ils semblaientautrefois plus disposs laisser venir eux la nature laireet riante, einte de son ar-en-iel, attendrie des reflets de lalumire et enrihie des irisations qui se jouent dans lair ommedans un prisme.

    Le peintre belge , dun grand talent, qui nexpose plus

    depuis longtemps, et que les siens appelaient lhomme de lamodernit, tait, lui aussi, du mouvement, et il en est toujours.Il faut noter enore e jeune peintre de portraits , au faire sainet solide, mais sans reherhes, que le sus nabandonne plus ;il tait parti ave le mouvement, il tait frre dart, il tait matelotave quelques-uns de eux dont jai parl tout lheure. Il aprfr rentrer dans les onditions ommunes et dtermines de

    lexution, se ontentant douper le haut de lhelle dans lamoyenne bourgeoise des artistes, ne trempant plus que le boutdu doigt dans lart original o il avait t ber et lev, o ilavait plong jusquau ou.

    Enfin, Meryon le graveur en tait, et aussi et autre graveur ,peintre et dessinateur, si remarquable portraitiste, la faondHolbein, aujourdhui absorb par la doration des faenes ;

    et puis en est enore e jeune peintre napolitain qui aime reprsenter le mouvement des rues de Londres ou de Paris .

    Les voil don, es artistes qui exposent dans les galeriesDurand-Ruel, rattahs eux qui les ont prds ou qui lesaompagnent. Ils ne sont plus isols. Il ne faut pas les onsidreromme livrs leurs propres fores.

    Jai don moins en vue lexposition acuelle que la ause et

    lide.

    .Todule-Augustin Ribot (-)..Antoine Vollon (-)..Alfred Stevens (-)..Carolus-Duran (-)..Flix Braquemond (-).

    .Joseph de Nittis (-).

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    La Nouvelle Peinture

    uapportent don elles-i, quapporte don le mouvement,et par onsquent quapportent-ils don es artistes qui

    prennent la tradition orps orps, qui ladmirent et veulent ladtruire, qui la reonnaissent grande et forte et par ela mmesy attaquent ?

    Pourquoi don sintresse-t-on eux ; pourquoi don leurpardonne-t-on de napporter trop souvent, et tant soit peuparesseusement, que des esquisses, des sommaires abrgs ?

    Cest que, vraiment, est une grande surprise, une poque

    omme elle-i, o il paraissait quil ny avait plus rien trouver ; une poque o lon a tellement analys les priodes antrieures,o lon est omme touff sous la masse et le poids des rationsdes siles passs, est vraiment une surprise que de voir jaillirsoudainement des donnes nouvelles, une ration spiale.Un jeune rameau sest dvelopp sur le vieux tron de lart. Seouvrira-t-il de feuilles, de fleurs et de fruits ? tendra-t-il son

    ombre sur de futures gnrations ? Je lespre.uont-ils don apport ?Une oloration, un dessin et une srie de vues originales.Dans le nombre, les uns se bornent transformer la tradition

    et sefforent de traduire le monde moderne sans beauoupsarter des aniennes et magnifiques formules qui ont servi exprimer les mondes prdents, les autres artent dun oup

    les prods dautrefois.Dans la oloration, ils ont fait une vritable douverte, dont

    lorigine ne peut se retrouver ailleurs, ni hez les Hollandais, nidans les tons lairs de la fresque, ni dans les tonalits lgres dudix-huitime sile. Ils ne se sont pas seulement proups dee jeu fin et souple des olorations qui rsulte de lobservationdes valeurs les plus dliates dans les tons ou qui sopposent ou

    qui se pntrent lun lautre. La douverte de eux dii onsisteproprement avoir reonnu que la grande lumire dolore lestons, que le soleil reflt par les objets tend, fore de lart, les ramener ette unit lumineuse qui fond ses sept rayonsprismatiques en un seul lat inolore, qui est la lumire.

    Dintuition en intuition, ils en sont arrivs peu peu domposer la lueur solaire en ses rayons, en ses lments, et

    reomposer son unit par lharmonie gnrale des irisations

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    quils rpandent sur leurs toiles. Au point de vue de la dliatessede lil, de la subtile pntration du oloris, est un rsultat

    tout fait extraordinaire. Le plus savant physiien ne pourraitrien reproher leurs analyses de la lumire. e propos, on a parl des Japonais, et on a prtendu que es

    peintres nallaient pas plus loin que dimiter les impressions enouleurs sur papier quon fait au Japon.

    Je disais plus haut quon tait parti pour doubler le ap deBonne-Esprane de lart. Ntait-e don pas pour aller danslExtrme-Orient ? Et si linstinc des peuples de lAsie quivivent dans le perptuel blouissement du soleil, les a pousss reproduire la sensation onstante dont ils taient frapps, est--dire elle de tons lairs et mats, prodigieusement vifs et lgers,et dune valeur lumineuse presque galement rpandue partout,pourquoi ne pas interroger et instinc pla, pour observer, auxsoures mmes de llat solaire ?

    Lil mlanolique et fier des Hindous, les grands yeuxlangoureux et absorbs des Persans, lil brid, vif, mobile desChinois et des Japonais nont-ils pas su mler leurs grands risde ouleur, de fines, doues, neutres, exquises harmonies detons ?

    Les romantiques ignoraient absolument tous es faits de la

    lumire, que les Vnitiens avaient ependant entrevus. uant lole des Beaux-Arts, elle na jamais eu sen prouper,puisquon ny peint que daprs le vieux tableau et quon sy estdbarrass de la nature.

    Le romantique, dans ses tudes de lumire, ne onnaissaitque la bande orange du soleil ouhant au-dessus de ollinessombres, ou des emptements de blan teint soit de jaune

    de hrome, soit de laque rose, quil jetait travers les opaitsbitumineuses de ses dessous de bois. Pas de lumire sans bitume,sans noir divoire, sans bleu de Prusse, sans repoussoirs qui,disait-on, font paratre le ton plus haud, plus mont. Il royaitque la lumire olorait, exitait le ton, et il tait persuad quellenexistait qu ondition dtre entoure de tnbres. La aveave un jet de lart arrivant par un troit soupirail, tel a tlidal qui gouvernait le romantique. Enore aujourdhui, en

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    tous pays, le paysage est trait omme un fond de hemine ouun intrieur darrire-boutique.

    Cependant tout le monde, au milieu de lt, a traversquelques trentaines de lieues de paysage, et a pu voir ommele oteau, le pr, le hamp, svanouissaient pour ainsi dire enun seul reflet lumineux quils reoivent du iel et lui renvoient ;ar telle est la loi qui engendre la lart dans la nature : tdu rayon spial bleu, vert, ou ompos quabsorbe haquesubstane, et par dessus e rayon, elle reflte et lensemble de

    tous les rayons et la teinte de la vote qui reouvre la terre. Ehbien, pour la premire fois des peintres ont ompris et reproduitou tent de reproduire es phnomnes ; dans telle de leurs toileson sent vibrer et palpiter la lumire et la haleur ; on sent unenivrement de lart qui, pour les peintres levs hors et ontrenature, est hose sans mrite, sans importane, beauoup troplaire, trop nette, trop rue, trop formelle.

    Je passe au dessin.On onoit bien que parmi eux-i omme ailleurs, subsiste

    la perptuelle dualit des oloristes et des dessinateurs. Don,quand je parle de oloration, on doit ne penser qu eux quelleentrane ; et quand je parle du dessin, il ne faut voir que euxdont il est le temprament partiulier.

    Dans son ssai sur la peinture, la suite du alon de ,

    le grand Diderot fixait lidal du dessin moderne, du dessindobservation, du dessin selon la nature :

    Nous disons dun homme qui passe dans la rue, quil estmal fait. Oui, selon nos pauvres rgles ; mais selon la natureest autre hose. Nous disons dune statue quelle est dans lesproportions les plus belles. Oui, daprs nos pauvres rgles ; maisselon la nature !

    Si jtais initi aux mystres de lart, je saurais peut-trejusquo lartiste doit sassujettir aux proportions reues, etje vous le dirais. Mais e que je sais, est quelles ne tiennentpoint ontre le despotisme de la nature, et que lge et laondition en entranent le sarifie en ent manires diverses ;je nai jamais entendu auser une figure dtre mal dessine,lorsquelle montrait bien, dans son organisation extrieure, lge

    et lhabitude ou la failit de remplir ses foncions journalires.

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    Ce sont es foncions qui dterminent et la grandeur entirede la figure, et la vraie proportion de haque membre, et leur

    ensemble : est de l que je vois sortir, et lenfant, et lhommeadulte, et le vieillard, et lhomme sauvage, et lhomme poli,et le magistrat, et le militaire, et le portefaix. Sil y a une figurediffi ile trouver, e serait elle dun homme de vingt-inq ans,qui serait n subitement du limon de la terre, et qui nauraitenore rien fait ; mais et homme est une himre.

    Ce nest pas la alligraphie du trait ou du ontour, e nest pas

    une lgane dorative dans les lignes, une imitation des figuresgreques de la Renaissane quon poursuit prsent. Le mmeDiderot, aprs avoir drit la onstrucion dun bossu, disait : Couvrez ette figure, nen montrez que les pieds la nature, etla nature dira sans hsiter : es pieds sont eux dun bossu.

    Cet homme extraordinaire est au seuil de tout e que lart dudix-neuvime sile aura voulu raliser.

    Et e que veut le dessin, dans ses modernes ambitions, estjustement de reonnatre si troitement la nature, de laolersi fortement quil soit irrprohable dans tous les rapports desformes, quil sahe linpuisable diversit des aracres. Adieule orps humain, trait omme un vase, au point de vue dugalbe doratif ; adieu luniforme monotonie de la harpente,de lorh saillant sous le nu ; e quil nous faut, est la note

    spiale de lindividu moderne, dans son vtement, au milieu deses habitudes soiales, hez lui ou dans la rue. La donne devientsingulirement aigu, est lemmanhement dun flambeau avele rayon, est ltude des reflets moraux sur les physionomieset sur lhabit, lobservation de lintimit de lhomme ave sonappartement, du trait spial que lui imprime sa profession,des gestes quelle lentrane faire, des oupes daspec sous

    lesquelles il se dveloppe et saentue le mieux.Ave un dos, nous voulons que se rvle un temprament,

    un ge, un tat soial ; par une paire de mains, nous devonsexprimer un magistrat ou un ommerant ; par un geste, touteune suite de sentiments. La physionomie nous dira qu oupsr elui-i est un homme rang, se et mtiuleux, et queelui-l est linsouiane et le dsordre mme. Lattitude nous

    apprendra que e personnage va un rendez-vous daffaires, et

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    que et autre revient dun rendez-vous damour. Un hommeouvre une porte, il entre, ela suffi t : on voit quil a perdu sa

    fille ! Des mains quon tient dans les pohes pourront treloquentes. Le rayon sera tremp dans le su de la vie. On neverra plus simplement des lignes mesures au ompas, mais desformes animes, expressives, logiquement dduites les unes desautres

    Mais le dessin, est le moyen tellement individuel et tellementindispensable quon ne peut pas lui demander de mthodes, de

    prods ou de vues. Il se onfond absolument ave le but, etdemeure linsparable ompagnon de lide.Aussi la srie des ides nouvelles sest-elle forme surtout

    dans le erveau dun dessinateur , un des ntres, un de euxqui exposent dans es salles, un homme du plus rare talent et duplus rare esprit. Assez de gens ont profit de ses oneptions, deses dsintressements artistiques, pour que justie soit rendue, et

    que onnue soit la soure o bien des peintres auront puis, quise garderaient fort de la rvler, sil plaisait enore et artistedexerer ses faults en prodigue, enphilanthrope de lart, nonen homme daffaires omme tant dautres.

    Lide, la premire ide a t denlever la loison qui sparelatelier de la vie ommune, ou dy ouvrir e jour sur la rue quihoque lrivain de la evue des eux ondes. Il fallait

    faire sortir le peintre de sa tabatire, de son lotre o il nest enrelations quave le iel, et le ramener parmi les hommes, dansle monde.

    On lui a montr ensuite, e quil ignorait ompltement, quenotre existene se passe dans des hambres ou dans la rue, etque les hambres, la rue, ont leurs lois spiales de lumire etdexpression.

    Il y a pour lobservateur toute une logique de oloration et dedessin qui doule dun aspec, selon quil est pris telle heure,en telle saison, en tel endroit. Cet aspec ne sexprime pas, ette

    .Edgar Degas.

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    logique ne se dtermine pas en aolant des toffes vnitiennessur des fonds flamands, en faisant luire des jours datelier sur

    de vieux bahuts et des potihes. Il faut viter, si lon veut trevrai, de mlanger les temps et les milieux, les heures et lessoures lumineuses. Les ombres veloutes, les larts dores desintrieurs hollandais viennent de la strucure des maisons, desfentres petits arreaux spars par des meneaux de plomb, desrues sur anaux pleines de bue. Chez nous, les valeurs des tonsdans les intrieurs jouent ave dinfinies varits, selon quon est

    au premier tage ou au quatrime, que le logis est trs meublet trs tapiss, ou quil est maigrement garni ; une atmosphrese re ainsi dans haque intrieur, de mme quun air defamille entre tous les meubles et les objets qui le remplissent.La frquene, la multipliit et la disposition des glaes donton orne les appartements, le nombre des objets quon aroheaux murs, toutes es hoses ont amen dans nos demeures, soit

    un genre de mystre soit une espe de lart qui ne peuventplus se rendre par les moyens et les aords flamands, mmeen y ajoutant les formules vnitiennes, ni par les ombinaisonsde jour et darrangement quon peut imaginer dans latelier lemieux mahin.

    Si lon suppose, par exemple, qu un moment donn onpuisse prendre la photographie olore dun intrieur, on aura

    un aord parfait, une expression typique et vraie, les hosespartiipant toutes dun mme sentiment ; quon attende, etquun nuage venant voiler le jour, on tire aussitt une nouvellepreuve, on obtiendra un rsultat analogue au premier. Cest lobservation de suppler es moyens dexution instantansquon ne possde pas, et de onserver intacs le souvenir desaspecs quils auraient rendus. Mais que maintenant on prenne

    une partie des dtails de la premire preuve et quon les joigne une partie des dtails de la seonde pour en former un tableau !Alors, homognit, aord, vrit de limpression, tout auradisparu, rempla par une note fausse, inexpressive. Cestpourtant e que font tous les jours les peintres qui ne daignentpas observer et se servent dextraits de la peinture dj faite.

    Et puisque nous aolons troitement la nature, nous ne

    sparerons plus le personnage du fond dappartement ni du

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    fond de rue. Il ne nous apparat jamais, dans lexistene, sur desfonds neutres, vides et vagues. Mais autour de lui et derrire lui

    sont des meubles, des hemines, des tentures de murailles, uneparoi qui exprime sa fortune, sa lasse, son mtier : il sera sonpiano, ou il examinera son hantillon de oton dans son bureauommerial, ou il attendra derrire le dor le moment dentreren sne, ou il appliquera le fer repasser sur la table trteaux,ou bien il sera en train de djeuner dans sa famille, ou il sassoiradans son fauteuil pour ruminer auprs de sa table de travail, ou

    il vitera des voitures en traversant la rue, ou regardera lheure sa montre en pressant le pas sur la plae publique. Son reposne sera pas une pause, ni une pose sans but, sans signifiationdevant lobjecif du photographe, son repos sera dans la vieomme une acion.

    Le langage de lappartement vide devra tre assez net pourquon en puisse dduire le aracre et les habitudes de elui qui

    lhabite ; et la rue dira par ses passants quelle heure de la journeil est, quel moment de la vie publique est figur.

    Les aspecs des hoses et des gens ont mille manires dtreimprvues, dans la ralit. Notre point de vue nest pas toujoursau entre dune pie ave ses deux parois latrales qui fuient verselle du fond ; il ne ramne pas toujours les lignes et les angles deornihes ave une rgularit et une symtrie mathmatiques ;

    il nest pas toujours libre non plus de supprimer les grandsdroulements de terrain et de planher au premier plan ; il estquelquefois trs haut, quelquefois trs bas, perdant le plafond,ramassant les objets dans les dessous, oupant les meublesinopinment. Notre il arrt de t une ertaine distane denous, semble born par un adre, et il ne voit les objets latrauxquengags dans le bord de e adre.

    Du dedans, est par la fentre que nous ommuniquons avele dehors ; la fentre est enore un adre qui nous aompagnesans esse, durant le temps que nous passons au logis, et etemps est onsidrable. Le adre de la fentre, selon que nousen sommes loin ou prs, que nous nous tenons assis ou debout,doupe le specale extrieur de la manire la plus inattendue, laplus hangeante, nous prourant lternelle varit, limpromptu

    qui est une des grandes saveurs de la ralit.

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    Louis-Edmond Duranty

    Si lon prend son tour le personnage soit dans la hambre,soit dans la rue, il nest pas toujours gale distane de deux

    objets parallles, en ligne droite ; il est plus resserr dun tque de lautre par lespae ; en un mot, il nest jamais au entrede la toile, au entre du dor. Il ne se montre pas onstammententier, tantt il apparat oup mi-jambe, mi-orps, tranhlongitudinalement. Une autre fois, lil lembrasse de tout prs,dans toute sa grandeur, et rejette trs loin dans les petitesses dela perspecive, tout le reste dune foule de la rue ou des groupes

    rassembls dans un endroit publi. Le dtail de toutes es oupessera infini, omme serait infinie lindiation de tous les dors :le hemin de fer, le magasin de nouveauts, les hafaudages deonstrucion, les lignes de bes de gaz, les bans de boulevardave les kiosques de journaux, lomnibus et lquipage, le afave ses billards, le restaurant ave ses nappes et ses ouvertsdresss.

    On a essay de rendre la marhe, le mouvement, la trpidationet lentreroisement des passants, omme on a essay de rendrele tremblement des feuilles, le frissonnement de leau et lavibration de lair inond de lumire, omme t des irisationsdes rayons solaires, on a su saisir les doues enveloppes du jourgris.

    Mais que de hoses le paysage na pas enore song

    exprimer ! Le sens de la onstrucion du solmanque presquetous les paysagistes. Si les ollines ont telle forme, les arbresse grouperont de telle faon, les maisons se blottiront de tellemanire parmi les terrains, la rivire aura des bords partiuliers ;le type dun pays se dveloppera. On na pas enore su bienrendre la nature franaise. Et puisquon en a fini ave lesolorations rustiques, quon en a fait une petite partie fine

    qui sest termine un peu en griserie, il serait temps dappelermaintenant lesformes au banquet.

    Au moins, a-t-il sembl prfrable de peindre entirementle paysage sur le terrain mme, non daprs une tude quonrapporte latelier et dont on perd peu peu le sentimentpremier. Reonnaissez-le, peu de hose prs, tout est neuf ouveut tre libre dans e mouvement. La gravure se tourmente de

    prods, elle aussi.

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    La Nouvelle Peinture

    La voil qui reprend la pointe she et sen sert omme dunrayon, abordant direcement la plaque et traant luvre dun

    seul oup ; la voil qui jette des aents inattendus dans leau-forte en employant le burin ; la voil qui varie haque planhe leau-forte, llairit, lemmystrise, la peint littralement par uningnieux maniement de lenre au moment de limpression.

    Les sujets de lart, enfin, ont onvi leurs rendez-vous lessimpliits intimes de lexistene gnrale, aussi bien que lessingularits les plus partiulires de la profession.

    Il y a vingt ans, jrivais, moupant justement des sujets depeinture :

    Jai vu une soit, des acions et des faits, des professions,des figures et des milieux divers. Jai vu des omdies de gesteset de visages qui taient vraiment peindre. Jai vu un grandmouvement de groupes form par les relations des gens,lorsquils se renontrent sur diffrents terrains de la vie :

    lglise, dans la salle--manger, au salon, au imetire, sur lehamp de manuvre, latelier, la Chambre, partout. Lesdiffrenes dhabit jouaient un grand rle et onouraient avedes diffrenes de physionomies, dallures, de sentiments etdaces. out me semblait arrang omme si le monde et tfait uniquement pour la joie des peintres, la joie des yeux.

    Jentrevoyais la peinture abordant de vastes sries sur les

    gens du monde, les prtres, les soldats, les paysans, les ouvriers,les marhands, sries o les personnages se varieraient dansleurs foncions propres, et se rapproheraient dans les snesommunes tous : les mariages, les baptmes, les naissanes,les suessions, les ftes, les intrieurs de famille ; surtout dessnes se passant souvent et exprimant bien, par onsquent, lavie gnrale dun pays.

    Jaurais ru quun peintre quet sduit e specale immense,aurait fini par marher ave une fermet, un alme, une sretet une largeur de vues qui nappartiennent peut-tre auundes hommes d prsent, et par aqurir une grande suprioritdexution et de sentiment.

    Mais, me demandera-t-on, o est don tout ela ?out ela est en partie ralis ii, en partie au dehors, et est en

    partie lhorizon. out ela est en tableaux dj faits, et aussi en

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    Louis-Edmond Duranty

    esquisses, en projets, en dsirs et en disussion. Ce nest pointsans quelque onfusion que lart se dbat de la sorte.

    Ce sont moins gens voulant tous nettement et fermementla mme hose qui viennent suessivement e arrefourdo rayonnent plusieurs sentiers, que des tempraments avanttout indpendants. Ils ny viennent pas non plus herher desdogmes, mais des exemples de libert.

    Des originalits ave des exentriits et des ingnuits, desvisionnaires t dobservateurs profonds, des ignorants nafs

    t de savants qui veulent retrouver la navet des ignorants ;de vraies volupts de peinture, pour eux qui la onnaissent etqui laiment, t dessais malheureux qui froissent les nerfs ;lide fermentant dans tel erveau, laudae presque inonsientejaillissant sous tel pineau. Voil la runion.

    Le publi est expos un malentendu ave plusieurs desartistes qui mnent le mouvement. Il nadmet gure et ne

    omprend que la orrecion, il veut le fini avant tout. Lartiste,harm des dliatesses ou des lats de la oloration, duaracre dun geste, dun groupement, sinquite beauoupmoins de e fini, de ette orrecion, les seules qualits de euxqui ne sont point artistes. Parmi les nouveaux, parmi les ntres,sil en tait pour qui laffranhissement devnt une question unpeu trop simple, et qui trouvassent doux que la beaut de lart

    onsistt peindre sans gne, sans peine et sans douleur, il seraitfait justie de telles prtentions.

    Mais, en gnral, est quils veulent faire sans solennit,gaiement et ave abandon.

    Dailleurs, il importe peu que le publi ne omprenne pas ; ilimporte davantage que les artistes omprennent, et devant euxon peut exposer des esquisses, des prparations, des dessous, o

    la pense, le dessein et le dessin du peintre sexpriment souventave plus de rapidit, plus de onentration, o lon voit mieuxla gre, la vigueur, lobservation aigu et disive, que dansluvre labore, ar on tonnera bien des gens et mme biendes oliers en peinture, en leur apprenant que telles ou telles dees hoses, quils roient ntre que des barbouillages, relentet dlent au plus haut degr la gre, la vigueur, lobservation

    aigu et disive, la sensation dliate et intense.

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    La Nouvelle Peinture

    Laissez faire, laissez passer. Ne voyez-vous pas dans estentatives le besoin nerveux et irrsistible dhapper au

    onvenu, au banal, au traditionnel, de se retrouver soi-mme, deourir loin de ette bureauratie de lesprit, tout en rglements,qui pse sur nous en e pays, de dgager son front de la alottede plomb des routines et des rengaines, dabandonner enfinette pture ommune o lon tond en troupeaux.

    On les a traits de fous ; eh bien ! jadmets quils le soient,mais le petit doigt dun extravagant vaut mieux ertes que toute

    la tte dun homme banal !Ils ne sont pas si fous.On peut appliquer e monde quelques-unes des urieuses

    et belles penses de Constable, que ertains des ntres peuventrpter ave lui :

    Je sais que lexution de mes peintures est singulire, maisjaime ette rgle de Sterne : Ne prenez auun soui des dogmes

    des oles, et allez droit au ur omme vous pourrez.On pensera e que lon voudra de mon art, e que je sais, est

    que est vraiment le mien.Deux routes peuvent onduire la renomme ; la premire

    est lart dimitation, la seonde est lart qui ne relve que delui-mme, lart original. Les avantages de lart dimitation sontque, omme il rpte les uvres des matres, que lil est depuis

    longtemps aoutum admirer, il est rapidement remarqu etestim, tandis que lart qui veut ntre le opiste de personne, quia lambition de ne faire que e quil voit et e quil sent dans lanature, ne parvient que lentement lestime, la plupart de euxqui regardent les uvres dart ntant point apables dappriere qui sort de la routine.

    Cest ainsi que lignorane publique favorise la paresse des

    artistes et les pousse limitation. Elle loue volontiers despastihes faits daprs les grands matres, elle sloigne de toute qui est interprtation nouvelle et hardie de nature ; est lettrelose pour elle.

    Rien de plus triste, dit Baon, que dentendre donner le nomde sage aux gens russ ; or, les maniristes sont des peintres russ,et le malheur est quon onfond souvent les uvres manires

    ave les uvres sinres

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    Louis-Edmond Duranty

    Lorsque je massois, le rayon ou le pineau la main, devantune sne de la nature, mon premier soin est doublier que jaie

    jamais vu auune peinture.Jamais je nai rien vu de laid dans la nature.(Diderot sriera, lui, que la nature ne fait rien dinorrec.)Certains ritiques exaltent la peinture dune manire ridiule.

    On arrive la plaer si haut, quil semble que la nature nait riende mieux faire que de savouer vainue et demander des leonsaux artistes.

    Lartiste doit ontempler la nature ave des penses modestes ;un esprit arrogant ne le verra jamais dans toute sa beaut.

    Ils peuvent aussi revendiquer pour eux es paroles rites parM. Zola propos dun de leurs hefs, du plus hardi de leursguerriers :

    Pour la masse, il y a un beau absolu pla en dehors de

    lartiste, ou, pour mieux dire, une perfecion idale vers laquellehaun tend et que haun atteint plus ou moins. Ds lors, ily a ommune mesure qui est e beau lui-mme ; on appliqueette ommune mesure sur haque uvre produite, et selonque luvre se rapprohe ou sloigne de la ommune mesure,on dlare que ette uvre a plus ou moins de mrite. Lesironstanes ont voulu quon hoisit pour talon le beau

    gre, de sorte que les jugements ports sur toutes les uvresdart res par lhumanit, rsultent du plus ou du moins deressemblane de es uvres ave les uvres greques

    Ce qui mintresse, moi homme, est lhumanit magrandmre ; e qui me touhe, e qui me ravit dans les rationshumaines, dans les uvres dart, est de retrouver au fond dehaune delles un artiste, un frre, qui me prsente la nature

    sous une fae nouvelle, ave toute la puissane ou toute ladoueur de sa personnalit. Cette uvre, ainsi envisage, meonte lhistoire dun ur et dune hair ; elle me parle duneivilisation et dune ontre

    ous les problmes ont t remis en question, la siene avoulu avoir des bases solides, et elle en est revenue lobservationexace des faits. Et e mouvement ne sest pas seulement produit

    dans lordre sientifique, toutes les onnaissanes, toutes les

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    La Nouvelle Peinture

    uvres humaines tendent herher la ralit des prinipesfermes et dfinitifs lart lui-mme tend vers une ertitude.

    Cependant, quand je vois es expositions, es tentatives, jesuis pris dun peu de mlanolie mon tour, et je me dis : esartistes, qui sont presque tous mes amis, que jai vus ave plaisirsembarquer pour la route inonnue, qui ont rpondu en partie es programmes dart que nous lanions dans notre premirejeunesse, o vont-ils? Arotront-ils leur bien et le garderont-ils ?

    Est-e que es artistes seront les primitifs dun grandmouvement de rnovation artistique, et si leurs suesseurs,dbarrasss des diffi ults premires de lensemenement,venaient moissonner largement, auraient-ils pour leursprurseurs la pit que les Italiens du esile gardrent auxquatorze entistes ?

    Seront-ils simplement des fasines ; seront-ils les sarifis du

    premier rang tombs en marhant au feu devant tous et dont lesorps omblant le foss feront le pont sur lequel doivent passerles ombattants qui viendront derrire ? les ombattants, oupeut-tre les esamoteurs, ar il est bon nombre de gens habiles,desprit paresseux et malin, mais aux doigts laborieux, qui, Paris, dans tous les arts, guettent les autres et renouvellent avele monde naf des inventeurs, des douvreurs de filons, la fable

    des marrons tirs du feu et les snes que lhistoire naturellenous drit, qui se passent entre les fourmis et les puerons.Ils semparent lestement, au vol, de lide, de la reherhe, duprod, du sujet que le voisin a pniblement labors lasueur de son front, lpuisement de son erveau surexit. Ilsarrivent tout frais, tout dispos, et en un tour de main, propre,soigneux, adroit, ils esamotent leur profit tout ou partie du

    bien du pauvre autrui, dont on se moque par-dessus le marh,la omdie tant vraiment assez drle. Enore est-il bon que lepauvre autrui puisse onserver par devers lui la onsolation dedire lautre : Eh ! mon ami, tu prends e qui est moi !

    En Frane surtout, linventeur disparat devant elui quiprend un brevet de perfecionnement, le virtuosisme lemportesur la gauherie ingnue, et le vulgarisateur absorbe la valeur de

    lhomme qui a herh.

  • 7/23/2019 La nouvelle peinture

    29/29

    Louis-Edmond Duranty

    Et puis nul nest prophte en son pays, est pourquoi lesntres ont trouv bien plus de bienveillane en Angleterre et en

    Belgique, terres desprit indpendant, o lon ne se blesse pas devoir les gens happer aux rgles, o lon na point de lassiqueet o lon nen re point. Les efforts tantt savants, brillants,heureux, tantt dsordonns et dsesprs de nos amis pourbriser la barrire qui parque lart, y paraissent tout simples etfort mritoires.

    Mais pourquoi ne pas envoyer au Salon ? demandera-t-on

    enore. Pare que e nest pas de la peinture de onours, et parequil faut arriver abolir la rmonie offi ielle, la distributionde prix de ollgiens, le systme universitaire en art, et que si lonne ommene pas se soustraire e systme, on ne diderajamais les autres artistes sen dbarrasser galement.

    Et, maintenant, je souhaite bon vent la flotte, pour quilla porte aux les-Fortunes ; jinvite les pilotes tre attentifs,

    rsolus et patients. La navigation est prilleuse, et lon aurait dsembarquer sur de plus grands, de plus solides navires ; quelquesbarques sont bien petites, bien troites, et bonnes seulementpour de la peinture de abotage. Songeons quil sagit, auontraire, de peinture au long ours !