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7/29/2019 LA PHILOSOPHIE MORAL Monique Canto Sperber Ruwen Ogien
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LA PHILOSOPHIE MORAL Monique Canto Sperber Ruwen Ogien
Introduction
Les individus se posent constamment, propos des choses les plus triviales comme lesplus graves, des questions du type : Que dois-je faire ? Quaurais-je d faire ? Quelles
sont les limites de mes actions ? Jusquo puis-je aller ? Naurais-je pas mieux fait
de... ? Il est difficile de concevoir une dlibration, une rflexion, une dcision, un
jugement mme, pour peu quils entretiennent un rapport mme loign avec laction
humaine, qui ne soient guids par ce genre de questionnement.
2Lorsque nous agissons, que nous dlibrons sur nos actions, que nous prenons des
dcisions, nous sommes en qute de justifications, nous cherchons montrer que
ctait la meilleure chose faire, en tout cas la moins mauvaise. De telles justifications
prennent videmment en compte les fins de ces actions (ce que nous voulons faire, ce
qui leur donne de la valeur), les moyens appropris ces fins et les voies que nous
pourrions utiliser pour les atteindre.
3Lorsque les finalits de nos actions ainsi que les moyens que nous avons de les
raliser deviennent les objets de ce questionnement, lorsque la dlibration suppose la
capacit psychologique de prendre une certaine distance par rapport la situation o
nous nous trouvons, dadopter un recul critique lgard des besoins et dsirs les plus
immdiats, ce questionnement devient moral. Par exemple : est-ce bien la fin
souhaitable, est-ce que les moyens sont lgitimes, quelles sont les consquences, est-ce
que je remplis lobligation particulire que jai lgard de cette personne ?
4Ces questions prennent sens par rapport lexistence prsume de rgles
communes. Ces rgles peuvent ne pas tre explicites, ne pas tre universelles. Elles
peuvent rester non formules, simplement gnrales, correspondre ce qui se passe le
plus souvent, elles peuvent tre aussi plurielles. Mais, mme ainsi, leur prsence
structure lespace des actions possibles, car de telles rgles permettent de discriminer
entre ce qui est et nest pas lgitime, justifi et moral, entre ce qui est plus ou moins
lgitime.
5Quel que soit le contenu quon donne la moralit et mme si lon veut quelle soit
un artifice, il est difficile de nier que toute vie humaine socialise suppose lexistence de
ce genre de rgles, appeles normes : lhomme est un tre normatif.
6Mais lhomme est aussi un tre qui value. Dans les plus simples conversations,nous ne nous contentons jamais de transmettre simplement des informations, nous ne
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nous contentons pas dexprimer des croyances sur les choses, les vnements ou les
personnes, mais nous exprimons, implicitement ou explicitement, nos faons de sentir,
considrer, apprcier les faits ou les opinions que nous rapportons.
7Nos jugements moraux se prsentent sous ces deux aspects : normatif et valuatif.Sans cette possibilit de juger, on ne pourrait justifier ce qui motive et justifie lemploi
dun vocabulaire moral lorsque nous disons que certaines actions, situations ou
personnes sont bonnes ou mauvaises, justes, injustes. On ne pourrait expliquer non
plus que nous ressentions de la culpabilit ou de lindignation au vu de certaines
actions ou que nous considrions comme lgitime de les approuver ou de les
dsapprouver. Peu importe ce stade quel est le contenu de ces normes ou valuations
et ce qui les justifie, peu importe quelles soient les mmes pour tous ou quelles
puissent tre en conflit.
8On peut comprendre une grande partie du comportement humain comme
lexpression de cette relation aux normes et aux valeurs. Lintriorisation des normes et
des valeurs implique ladoption dune sorte dattitude interne (laquelle consiste
reconnatre la valeur, prouver les sentiments appropris, ressentir la rprobation).
Une telle disposition ne signifie pas un manque dautonomie. La raison en est que la
norme laquelle se rapporte tel ou tel acte donne souvent une ressource rationnelle
pour valuer cet acte, laccepter de faon autonome et lui reconnatre une valeur
propre.
I. MORALE, THIQUE, DONTOLOGIE
9La morale est constitue, pour lessentiel, de principes ou de normes relatives au
bien et au mal, qui permettent de qualifier et de juger les actions humaines. Ces normes
peuvent tre des lois universelles qui sappliquent tous les tres humains et
contraignent leur comportement. Il sagit, par exemple, du respect d ltre humain
en tant quhomme, de lobligation de traiter les individus de manire gale, du refus
absolu de la souffrance inflige sans raison. De telles normes constituent le socle
commun des cultures dmocratiques librales. Certaines dentre elles ont t codifies
dans des systmes juridiques, elles ont t traduites dans des lois ou principes
juridiques dont la base est clairement morale. Dautres ont gard leur nature propre de
rgles morales. Ce qui distingue ces dernires des lois juridiques proprement dites est
le fait quelles sont non pas tant publiques et consignes dans des codes que connues de
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tous et intriorises. La contrainte quexerce la morale se traduit par le fait que la
violation de ses rgles suscite le trouble de la conscience, la dsapprobation ou le
jugement moral ngatif, plutt que des sanctions publiques administres par des corps
organiss.10Le caractre relativement stabilis de ce systme de normes morales ne doit
toutefois pas faire ignorer que, sil correspond pour une part laspiration universelle
des tres humains discriminer entre les comportements moralement admissibles et
ceux qui ne le sont pas, il rsulte aussi de lhistoire. Notre rapport moral au monde
provient de la superposition de plusieurs traditions morales qui informent encore la
manire dont nous valuons les ralits et les actions. Les valeurs hrites du monde
antique, et surtout du stocisme, sont encore parmi nous. Leur influence se traduit par
le prix que nous accordons lautonomie rationnelle, la vie intellectuelle, la
recherche de la perfection et la russite de la vie personnelle. Lhritage du
christianisme faonne lui aussi profondment notre existence morale. Lexigence
dgalit morale entre les tres humains, indpendamment de leur naissance ou de
leurs talents, la reconnaissance de la valeur immense accorde la vie humaine en
rsultent. Les morales du devoir, que la philosophie de Kant a incarnes de manire
excellente, ont mis au premier plan le caractre impratif des commandements
moraux, et limportance des principes duniversalit et dimpartialit. Elles sont
dterminantes de notre vision du monde. Les morales utilitaristes ont elles aussi
contribu former en nous une exigence dattention aux consquences, qui est au cur
des thiques modernes de la responsabilit.
11Ces diffrents hritages coexistent dans la morale contemporaine. Ils forment une
culture commune dans laquelle des engagements, comme le respect de lhomme,
lgalit entre les humains, limpartialit et le caractre universel des jugements sont
premiers. Mais dans notre culture morale commune figurent aussi des valuationsmorales inspires des ides de perfection et de russite de la vie (hrites des morales
antiques), ainsi que le souci gnral dune responsabilit humaine en face des autres
hommes et du monde. Pareille pluralit de valeurs ne compromet aucunement le
caractre commun et partag de notre exprience morale.
12Par rapport cette dfinition gnrale, les sens des termes morale et thique
tendent se confondre. Il est vrai que, dans lusage qui en est fait aujourdhui, une
diffrence daccent sest peu peu tablie entrer ces deux expressions. La moraledsigne le plus souvent lhritage commun des valeurs universelles qui sappliquent aux
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actions des hommes. Do la connotation un peu traditionaliste qui reste attache ce
terme. Par contraste, le terme thique est plus souvent employ pour dsigner le
domaine plus restreint des actions lies la vie humaine. En ce sens, il demeure
indemne des reproches de conformisme ou de moralisation ports contre le terme morale . Mais il ne faut pas exagrer la diffrence de sens entre ces termes qui peuvent
tre dans la plupart des cas employs indiffremment.
13Le fait que morale et thique associent rgles universelles dactions et normes du
comportement individuel, le fait aussi quil existe une part de la rflexion thique
relative laccomplissement de la vie personnelle ne doivent toutefois en aucun cas
laisser penser que la morale et lthique sont une affaire de prfrences individuelles.
Elles ne relvent pas non plus dune conception strictement personnelle de ce qui est
bien ou mal. Elles ne consistent aucunement laisser chacun se forger son propre
systme de valeurs ou de principes quil serait alors en droit de qualifier lgitimement
dthique. Lthique nest pas le lieu de larbitraire de chacun. Lthique se formule
partir de principes universels, de rgles communes, de rfrents partages qui forment
la base solide et collective des valuations et des jugements.
14Toutefois, dans tout domaine dactivit spcifique, ces rgles et valeurs prennent
souvent une expression particulire. la morale commune est ainsi associe une
morale professionnelle. Quil existe une morale propre une profession parat une
vidence ds quon considre que les pratiques poursuivent un bien particulier. Dans le
cas de la magistrature, ce bien consiste, en principe, en lexercice de la justice (il
sagirait de la sant pour la mdecine, ou de lducation pour le professorat). La morale
professionnelle est suppose faire valoir une exigence gnrale dintgrit et de
cohrence de la pratique. Elle est aussi cense prendre en compte les intrts des
individus non professionnels qui y sont confronts. On lui demande, de plus, de fournir
une orientation gnrale pour rgler les situations, voire les dilemmes moraux quesuscitent parfois les conflits entre les obligations des professionnels et les rquisits
gnraux que peuvent leur opposer lensemble des citoyens. Par exemple, il peut arriver
que la rgle de secret professionnel entre en conflit avec des valeurs recommandes par
la morale commune ou par une autre thique professionnelle. Il peut arriver aussi
quelle cause un prjudice un tiers ou lensemble de la socit. La morale
professionnelle serait la traduction concrte du fait que les professions, et cest au plus
haut point le cas pour la magistrature, sont sous-tendues par des valeurs et desprincipes.
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15Le terme dontologie , cr par Jeremy Bentham en 1834 (dans le titre donn
son ouvrage :Deontology or the Science of Morality), vient du terme grec deonta, les
devoirs, ce qui est d ou requis (officia en latin), et sest trouv depuis communment
employ pour dsigner ltude de ce quil convient de faire dans une situation socialedonne, en particulier lensemble des devoirs lis lexercice dune profession. Tout
personne en position dexercer une profession, en raison de son savoir ou de sa
fonction, est invitablement place dans une situation de pouvoir exorbitante par
rapport lusager qui est sous sa dpendance. Do la ncessit de rgles exprimes de
faon formelle et explicite, dont la transgression soit passible davertissements et de
rappels lordre, voire de sanctions. Pareille formalisation de la dontologie la
distingue de la morale professionnelle plus diffuse et plus intriorise, sexprimant
surtout par la dsapprobation et la critique.II. PHILOSOPHIE MORALE : MTA-THIQUE, THIQUE NORMATIVE,
THIQUE PRATIQUE
16Le dveloppement de la philosophie morale au cours du XXe sicle est all de pair
avec la revendication dautonomie. Cette ligne de recherche a t amorce par le
philosophe britannique G. E. Moore, auteur de louvrage qui est lorigine de la
philosophie morale contemporaine,Principia Ethica, publi en 1903. Lautonomie que
Moore revendique pour la rflexion thique dcoule directement de la reconnaissance
du fait que la morale est sui generis et que les jugements moraux ne peuvent faire
lobjet dune description ou dune justification qui vaudraient galement pour les
propositions dautres disciplines philosophiques. Les concepts majeurs de lthique
sont dune nature telle que les propositions o ils sont employs se distinguent
nettement des propositions des sciences naturelles ou sociales, mais aussi de celles de
la thologie et de la mtaphysique.
17Cette spcificit reconnue lthique entrane linstauration dune priorit entre
les diffrentes investigations dont elle peut tre lobjet. Avant ltude de toute question
substantielle, portant sur le contenu des concepts moraux, il faut savoir comment les
concepts fondamentaux de lthique sont employs et compris. Cette exigence devait
devenir la thse centrale de la philosophie morale des cinquante premires annes
duXXe sicle. Aucune thorie morale conue dans les dcennies qui ont suivi ne semble
avoir dout de cette spcificit des questions morales ou, ce qui en est certes une des
consquences possibles mais doit en tre distingu, de lirrductibilit des valeurs aux
faits. Sous le nom de mta-thique, ce type de recherches devait dominer pendant undemi-sicle la philosophie morale.
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18Par ailleurs, linfluence exerce par le style philosophique de Moore, par sa
volont de dtermination claire des questions, par son exigence de ne parvenir la
dfinition des notions morales et lvaluation de leur vrit quau terme dune
dmarche rgressive, permettent de comprendre limportance dont sest trouve dotela mthode analytique applique ltude des principaux concepts thiques et du
langage de la morale.
19La mta-thique sest donc en quelque sorte spare de la philosophie pratique,
dfinie comme la rflexion sur laction morale. La force des critiques adresses
aujourdhui aux thories morales formelles est en rapport direct avec lexclusivit qui a
marqu jusque dans les annes 1950 la domination de la mta-thique.
20Une premire attaque contre la mta-thique a t porte par des philosophes,
ElizabethAnscombe, Geoffrey Warnock, Philippa Foot, qui sopposaient rsolument
lide que linvestigation philosophique en morale se limitt la mta-thique. Ils
refusaient galement dadmettre le caractre absolu de la distinction entre fait et
valeur. Surtout, en contestant la thse (commune la plupart des philosophes de cette
premire moiti du XXe sicle) qui reconnat lexistence dune distinction logique entre
les descriptions factuelles et les valuations morales, ils levaient linterdiction de rendre
compte des jugements normatifs laide dlments descriptifs.
21 la thse qui veut tablir une distinction nette entre ordre normatif et ordre
descriptif, ils objectaient quil existe de nombreux termes, comme ladjectif courageux
ou le nom pre , qui ont un sens la fois factuellement descriptif et moralement
valuatif. Il est difficile de nier quil y aurait quelque tranget logique entendre dire
sans ironie : Ce serait courageux, mais ne le faites surtout pas ou Il est son pre,
mais son devoir nest pas de laider [1] [1] Philippa Foot, Moral Beliefs, Proceedings
of the Aristotelian...
suite.22Paralllement, partir de 1960, on cessa de se consacrer exclusivement
lanalyse des prdicats moraux pour revenir llaboration de conceptions morales
dotes dun contenu rel. Ce mouvement avait t prpar par la critique du philosophe
amricain W. V. O. Quine (exprime dans larticle fameux Les deux dogmes de
lempirisme [2] [2] W. V. O. Quine, Les deux dogmes de lempirisme (version...
suite) qui, en contestant la distinction tablie entre diffrentes formes dnoncs
synthtiques (selon que la vrit peut en tre ou non prouve par lexprience) etlopposition affirme entre les noncs synthtiques et les vrits analytiques,
http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#hit2%23hit2http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#hit2%23hit2http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#hit2%23hit2http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#no1%23no1http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#no1%23no1http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#no2%23no2http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#no1%23no1http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#no2%23no2http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#hit2%23hit27/29/2019 LA PHILOSOPHIE MORAL Monique Canto Sperber Ruwen Ogien
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ruinait lide essentielle au projet de la mta-thique dune sparation radicale
entre les faits et les valeurs. Lentreprise consistant tenter de justifier les noncs
normatifs, qui sont des jugements synthtiques non vrifiables empiriquement, comme
on justifie les vrits empiriques et les noncs analytiques, ne paraissait plus aussiradicalement prive de sens.
23Un tel retour lthique substantielle na pas pour seule consquence le refus de
considrer que les jugements moraux se caractrisent surtout par telle ou telle forme
logique ou linguistique ; il entrane aussi ladmission que ces jugements sont dots dun
contenu substantiel spcifique. Geoffrey Warnock, un des plus brillants dfenseurs du
point de vue selon lequel la moralit a un contenu dfinissable, soulignait, au terme de
la brve histoire quil a consacre la philosophie morale de ce sicle, que les
dfenseurs de la mta-thique ne staient jamais proccups dtudier ce que sont
rellement les jugements moraux ou dexpliquer ce que ces jugements disent ou veulent
dire[3] [3] G. J. Warnock, Contemporary Moral Philosophy, Londres,...
suite.
24Aprs avoir renonc considrer que les arguments moraux prsentent des
caractristiques formelles spcifiques, aprs avoir revendiqu un objet pour la morale,
la tche considrable consistant dfinir cet objet restait accomplir. Quel type de
considrations permettront didentifier une question comme une question rellement
morale, quel ensemble de phnomnes pourra lui confrer une porte thique ? La
diversit des rponses apportes ces questions, qui, pour la plupart, ont voulu
souligner la spcificit des objets propres aux jugements moraux, contribue expliquer
la pluralit des courants de la philosophie morale contemporaine.
25 partir des annes 1960, la radicale transformation des murs prives et des
mutations politiques dune ampleur considrable (lextension de la dmocratie, la
dcolonisation, le mouvement des droits civiques) amnent le public philosophique exiger davantage dexplicite et de justification dans les principes moraux. Les
philosophes se sont alors trouvs de plus en plus sollicits pour clairer les dbats
thiques que suscitaient les consquences des progrs scientifiques et technologiques et
les nouvelles donnes de la vie sociale ou personnelle. Beaucoup dentre eux, en
Amrique du Nord et en Grande-Bretagne, mais aussi en Allemagne et en Italie, ont
accueilli avec intrt ces demandes sans prcdent adresses la philosophie et ont t
lorigine de ce quon appelle aujourdhui lthique applique (applied ethics). Sur desquestions aussi diverses que celles dont traite la biothique (lavortement, leuthanasie,
http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#no3%23no3http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#no3%23no3http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#no3%23no37/29/2019 LA PHILOSOPHIE MORAL Monique Canto Sperber Ruwen Ogien
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la rglementation de la procration assiste, le paternalisme mdical), mais aussi sur
lthique des affaires, la discrimination ou la libert de la presse, beaucoup de
philosophes ont eu loccasion soit de publier essais ou articles soit de travailler au sein
dune commission officielle [4] [4] Bernard Williams a dirig ainsi les travaux duCommittee...
suite.
26Une question se pose pourtant propos de ces nouveaux objets offerts la
philosophie morale. Lexamen des cas concrets a parfois contribu au dveloppement
dune discipline qui, se dsignant comme thique , prtend lindpendance. Dote
de ses propres experts et spcialistes qui se dnomment eux-mmes thicistes afin
de se distinguer des philosophes travaillant sur les questions morales[5] [5] Lexemple
le plus significatif en est le recueil de Albert...
suite, cette nouvelle discipline quon ose peine reconnatre comme thique veut
tre une forme de casuistique rationnelle dispense de toute rflexion philosophique
portant, par exemple, sur la dfinition du bien ou sur lusage des termes moraux. Mme
si cette activit na pour ainsi dire plus rien voir avec la philosophie morale, une forme
aussi dgrade de lintervention philosophique doit amener prciser en quoi la
rflexion des philosophes sen distingue et ce qui peut lgitimer lintervention de ces
derniers propos de questions concrtes. La question se pose de faon dautant plus
aigu que la participation des philosophes ce type de dbats moraux a t parfois
vivement critique et a donn lieu une vritable querelle des experts : les
problmes thiques ne sont-ils laffaire de tout le monde et les philosophes qui sen
occupent ne font-ils le plus souvent quappliquer une thorie[6] [6] Cf. Stephen
Toulmin, How Medecine Saved the Life of Ethics,...
suite?
27Il est difficile de nier que par leur habitude de la pense argumentative, par leurtravail sur les formes de consensus et leurs recherches sur la normativit, les
philosophes sont sans doute bien prpars aborder les questions dthique. Il parat
en revanche trs douteux que la forme defficacit parfois reconnue leur participation
dans la discussion de tel ou tel cas concret dpende de la thorie dont ils disposent et
quils auraient ainsi applique avec succs. Il faut du reste souligner que trs peu de
philosophes ont justifi leur intrt pour ces questions concrtes dthique par la
possibilit de leur appliquer une thorie morale capable de les rsoudre. On voit mal dureste en quoi lapplication dune thorie morale un cas prcis, celle-ci ft-elle
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couronne de succs, permettrait den prouver la vrit, ou permettrait en tout cas de
montrer la faillite des autres thories.
28Certaines thories morales semblent sopposer entre elles de faon irrductible ;
cest le cas, par exemple, du consquentialisme ou du dontologisme. On sattendraitdonc ce que, si lon a recours ces thories pour rsoudre des problmes concrets,
leur valeur respective puisse aisment se mesurer en fonction de ce que valent les
solutions opposes quelles avancent. Or, lorsquil sagit dinspirer des dcisions, les
thories opposes saccordent souvent sur une ligne de conduite que la dmarche
rflexive commune ces thories, au lieu des doctrines que chacune delles dfend,
permet datteindre. Il faut en effet distinguer dans chaque thorie morale entre le
systme thique (qui dfinit la notion de bien) et la procdure de dcision rationnelle
(ou la dlibration qui justifie lacte). Des systmes thiques opposs peuvent ainsi
justifier une mme dcision.
29Par ailleurs, toutes les thories morales ne sont pas aptes au mme degr pour
instruire des cas dthique concrte ou pour justifier des dcisions. Une thorie morale
qui met au premier plan des principes de cohrence, qui consiste en lexplicitation du
langage moral ou qui fournit des rgles de raisonnement sera sans doute mieux arme
pour aborder des cas particuliers difficiles. Une thorie morale (comme lutilitarisme ou
le consquentialisme) qui sattache dfinir la valeur morale dun type daction en
fonction des consquences que cette action entrane apparatra souvent plus mme
daborder lexamen dun cas concret. En revanche, on peut concevoir quune thorie
intuitionniste, au sens trivial du terme, faisant appel aux intuitions morales et au
consensus, se trouvera en dfaut dans des cas tels leuthanasie, lavortement,
lexprimentation mdicale sur lembryon, o la conviction morale est de nature
problmatique et o il ny a que peu de consensus. Certaines thories ont des
reprsentants trs actifs dans les domaines de lthique applique ; cest le cas desthories lies la prfrence rationnelle, des thories dontologiques, des thories de
lautonomie. Diffrentes thories morales peuvent tre sur certains points compatibles
entre elles, et il est frappant de constater combien, en dpit de divergences initiales,
lorsque la discussion porte sur des cas concrets, des formes de consensus peuvent tre
atteintes[7] [7] Anne Fagot-Largeault, Normativit biologique et normativit...
suite. La confirmation de sa thorie nest donc sans doute pas le premier avantage
quun philosophe peut attendre de son intervention sur des questions concrtesdthique. Son ambition serait plutt de produire un accord fond sur des
http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#no7%23no7http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#no7%23no7http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#no7%23no77/29/2019 LA PHILOSOPHIE MORAL Monique Canto Sperber Ruwen Ogien
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considrations rationnelles et des principes daction peu prs unanimement
reconnus.
30Lorsquelle aborde ce type de questions thiques, la philosophie morale devrait y
intervenir de faon rgulatrice en sorte que ses principes puissent tre reformuls etrorients par ltude des cas et par lexamen des convictions. La mthode dite de l
quilibre rflchi (reflexive equilibrium)[8] [8] Quon trouve expose chez John
Rawls, Thorie de la...
suite, qui permet la thorie et aux convictions de se modifier rciproquement
pourrait tre un bon modle pour penser ce type de rflexion thique. Elle ne serait
donc plus conue comme l application dune thorie mais plutt comme
linformation rciproque de la rflexion philosophique et des descriptions et
valuations de cas concrets. Il faudrait alors exiger des thories morales une complexit
interne telle que le systme de principes fondamentaux quon y trouve puisse tre
reformul et rorient par ltude des cas et des convictions.
31Mais la modestie oblige des thories morales lorsquelles sont confrontes des
situations concrtes ne suffit aucunement justifier lexistence dune expertise thique
affranchie de ces thories et indpendante de toute considration philosophique. Une
des tches que les philosophes vont tre appels accomplir dans les prochaines
annes sera de dfinir des formes dintelligibilit et de comprhension permettant
dclairer des questions difficiles, sans que la complexit de la chose fasse que certains
dentre eux renoncent y voir une responsabilit philosophique et sans permettre non
plus un recours de simple convenance la philosophie. Pour reprendre ce propos une
remarque fameuse sur la faon dont les hommes politiques se servent des statistiques,
il serait fcheux que, dans les dbats portant sur des questions dthique concrte, on se
serve des philosophes comme un homme saoul se sert dun lampadaire, non pour y voir
plus clair mais simplement pour sy appuyer.NOTES
[ 1]Philippa Foot, Moral Beliefs, Proceedings of the Aristotelian Society, vol. 59,
1958-9, p. 83-104.
[ 2]W. V. O. Quine, Les deux dogmes de lempirisme (version remanie,
1953), in Pierre Jacob, De Vienne Cambridge. Lhritage du positivisme logique
de 1950 nos jours, Paris, Gallimard, 1980, p. 87-112.
[ 3]G. J. Warnock, Contemporary Moral Philosophy, Londres, MacMillan
Education Ltd, 1967, p. 2-3.
http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#no8%23no8http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#no8%23no8http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#retournoteno1%23retournoteno1http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#retournoteno2%23retournoteno2http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#retournoteno3%23retournoteno3http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#retournoteno3%23retournoteno3http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#retournoteno2%23retournoteno2http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#retournoteno1%23retournoteno1http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#no8%23no8http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#retournoteno1%23retournoteno1http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#retournoteno2%23retournoteno2http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#retournoteno3%23retournoteno37/29/2019 LA PHILOSOPHIE MORAL Monique Canto Sperber Ruwen Ogien
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[ 4]Bernard Williams a dirig ainsi les travaux du Committee on Obscenity and Film
Censorship en 1977, et Mary Warnock ceux du Committee on Human Fertilisation and
Embryologyen 1982. Cest la biothique qui a profit le plus de cet apport
philosophique. Des centres dtudes se sont constitus (le Hastings Center en 1969,le Kennedy Institute en 1971, The Society for Health and Human Values qui publie
depuis 1975 leJournal of Medecine and Philosophy. LAmerican Philosophical
Association a form en 1974 un Committee on Medecine and Philosophy).
[ 5]Lexemple le plus significatif en est le recueil de Albert Jonsen, Mark Siegler et
William Winslade :Clinical Ethics, New York, Macmillan Publishing Company, 1982.
[ 6]Cf. Stephen Toulmin, How Medecine Saved the Life of Ethics, Perspectives in
Biology and Medicine, 25, no 4, 1982, p. 736-750.
[ 7]Anne Fagot-Largeault, Normativit biologique et normativit sociale,
in Fondements naturels de lthique, Paris, Odile Jacob, 1993, p. 191-226.
[ 8]Quon trouve expose chez John Rawls, Thorie de la justice (1971), trad.
C. Audard, Paris, Le Seuil, 1987, p. 47-48. Pour une dfense de la capacit de la
thorie utilitariste dinstruire des cas concrets, cf. Richard Hare, Why do applied
Ethics ?, in Joseph DeMarco et Richard M. Fox, New Directions in Ethics : The
Challenge of Applied Ethics, New York - Londres, Routledge & Kegan, 1986, p. 225-
237.PLAN DE L'ARTICLE
I. Morale, thique, dontologie
II. Philosophie morale : mta-thique, thique normative,
thique pratiquePOUR CITER CET ARTICLE
Monique Canto-Sperber et Ruwen OgienLa philosophie morale, P.U.F. Que sais-je ?
, 2006 (2ed.), p. 3-18.
http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#retournoteno4%23retournoteno4http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#retournoteno5%23retournoteno5http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#retournoteno6%23retournoteno6http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#retournoteno7%23retournoteno7http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#retournoteno8%23retournoteno8http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#s1n2%23s1n2http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#s1n3%23s1n3http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#s1n3%23s1n3http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#retournoteno8%23retournoteno8http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#retournoteno7%23retournoteno7http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#retournoteno6%23retournoteno6http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#retournoteno5%23retournoteno5http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#retournoteno4%23retournoteno4http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#retournoteno4%23retournoteno4http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#retournoteno5%23retournoteno5http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#retournoteno6%23retournoteno6http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#retournoteno7%23retournoteno7http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#retournoteno8%23retournoteno8http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#s1n2%23s1n2http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#s1n3%23s1n3http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_CANTO_2006_01_0003&DocId=63115&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&HitCount=1&hits=913+0&fileext=html#s1n3%23s1n3