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La pratique des tests mentaux en psychiatrie infantile

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Page 1: La pratique des tests mentaux en psychiatrie infantile
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LA PRATIQUE

DES

T E S T S M E N T A U X

EN

PSYCHIATRIE INFANTILE

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A LA MÊME LIBRAIRIE

D u m ê m e a u t e u r :

GLOSSAIRE DE PSYCHIATRIE, d e p s y c h o l o g i e p a t h o l o g i q u e e t d e n e u r o p s y c h i a t r i e i n f a n t i l e , p a r L . MOOR. 1 9 6 6 . U n v o l u m e d e 1 9 6 p a g e s .

MANUEL DE PSYCHIATRIE, pa r Henri EY, P. BERNARD et CH. BRISSET. 31 édition revue et complétée, 19'67. Un volume de 1212 pages, avec 32 figures et 2 planches en couleurs.

ABRÉGÉ DE PSYCHOLOGIE à l'usage de l 'étudiant, par J. DELAY et P. PICHOT. 3e édition, 1967. Un volume de 490 pages, avec 41 figures.

ABRÉGÉ DE PSYCHIATRIE à l'usage de l'équipe médico-psycho- logique, pa r M. ANTY. 1965. Un volume de 248 pages, avec 7 tableaux.

LE DÉVELOPPEMENT PSYCHIQUE DE L'ENFANT ET DE L'ADOLESCENT. Evolution normale. Pathologie. Traitement, pa r E. PICHON. 3e édition, 1953. Nouveau tirage, 19,65. Un volume de 240 pages, avec 1 planche.

MÉTHODES PSYCHOMÉTRIQUES EN CLINIQUE. Tests mentaux et interprétation, pa r J. DELAY, P. PICHOT et J. PERSE. 19'55. 21 tirage, 19,66. Un volume de 328 pages, avec 40 figures.

TEST D'IMITATION DE GESTES. Techniques d'exploration du schéma corporel et des praxies chez l 'enfant de 3 à 6 ans, par J. BERGES et I. LÉZINE. 1963. Un volume de 128 pages, avec figures et 2 dépliants.

LE BÉGAIEMENT. Sa na ture et son traitement, par E. PICHON et S. BOREL-MAISONNY. 2e édition, 1964. Un volume de 146 pages, avec 9 figures.

DÉSAFFÉRENTATION EXPÉRIMENTALE ET CLINIQUE, publié sous la direction du pr J. DE AJURIAGUERRA (Symposium Bel- Air II, Genève, septembre 1964). 1965. Un volume de 344 pages, avec figures et tableaux.

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Dr L. M O O R Chef de Laboratoire de Psychologie de la Faculté de Médecine de Paris

LA P R A T I Q U E DES

T E S T S M E N T A U X EN

PSYCHIATRIE INFANTILE

Préface du Professeur LÉON MICHAUX

DEUXIÈME É D I T I O N REVUE ET COMPLÉTÉE

M A S S O N & O , É D I T E U R S

120, Boulevard Saint-Germain, PARIS (VIe) 1967

Page 5: La pratique des tests mentaux en psychiatrie infantile

Tous droits de traduction,

d 'adaptat ion et de reproduction, par tous procédés,

réservés pour tous pays.

© Masson et Cie, Paris, 1967.

(Imprimé en France.)

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P R É F A C E

L ES TESTS p r e n n e n t en psychiatr ie infanti le une

importance croissante. D ' a b o r d psychomé- triques, destinés à l 'évaluat ion du n iveau

mental, ils ont été utilisés ensuite à titre d'épreuves de performances motrices, intellectuelles et profes- sionnelles. On les a mis en œuvre dans l'analyse du caractère où les tests de Woodworth-Mathews, de Pressey, de May et Hartshome ont été révisés et adaptés par le PR G. HEUYER et Mlle COURTHIAL. Il n'est pas jusqu'à l'inconscient que n'explorent les tests pro- jectifs : ainsi de ceux de Rorschach et de Murray.

Mais au fur et à mesure que les tests se multiplient, ils exigent une spécialisation plus poussée; il y a plus, dans ce domaine spécial des tests, s'inaugurent des sous-spécialisations. Cette complexité n'est pas pour faciliter la collaboration médico-psychologique qui est une des conditions nécessaires à l'efficience de l'équipe dans un service de psychiatrie infantile. Une cloison étanche tend à séparer cliniciens et psycho- logues, ceux-ci cantonnés dans leurs techniques et comme retranchés derrière un langage et des nota- tions qui peuvent apparaître isotériques aux méde- cins non initiés. Scission redoutable parce qu'elle

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stérilise l 'effort des testeurs et décourage les pédo- psychiatres. Ces derniers n 'on t pas tous le temps ou la constance nécessaires pour aborder directement les études détaillées, excellentes et parfois exhaustives des psychologues. Ils renoncent ou se fixent dans une atti- tude de scepticisme qui n 'est souvent qu 'un alibi. Le peti t livre de M'"' le D' L. MOOR comble une lacune et r épond aux désirs exprimés tant p a r beaucoup de pé do-psychiatre s que p a r les stagiaires en psychologie. Il est à la fois un précis et un guide pour tous ceux qui doivent utiliser les résultats des tests et, pour ce faire, en connaî tre les principes et les techniques. Rédigé clairement, il fourn i ra aux uns des notions succinctes, mais substantielles, alors qu'il encouragera les autres à perfect ionner leurs connaissances dans des ouvrages plus étendus. Il est appelé, pour ces mult iples raisons, à rendre les plus grands services et fa i t honneu r à m a précieuse collaboratrice de la Salpêtrière.

DR LÉON MICHAUX,

Professeur à la Faculté de Médecine. Médecin de la Salpêtrière.

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LA PRATIQUE DES TESTS MENTAUX

EN PSYCHIATRIE INFANTILE

I N T R O D U C T I O N

L

A MÉTHODE DES TESTS tend à se répandre de plus en plus à l'heure actuelle, et les techniques psycho- métriques sont utilisées couramment en Neuro-

psychiatrie comme adjuvant de l'examen clinique. Elles apportent la possibilité d'évaluer avec objectivité cer- taines variables psychologiques.

Un test n'est, en effet, pas autre chose qu'un examen psychologique standardisé dont les conditions sont déter- minées avec précision, maintenues identiques quel que soit l 'examinateur, et dont les résultats sont évalués par confrontation avec ceux d'une population normale, uti- lisée comme terme de référence.

BINET et SIMON ont publié en 1905, dans l' Année Psy- chologique, des « Méthodes nouvelles pour le diagnostic du niveau intellectuel des anormaux ». Leur échelle

d'intelligence, destiné à reconnaître les débiles mentaux parmi les écoliers de Paris, a été le premier test mental vraiment applicable en pratique. Son succès a été immé-

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diat, et ALFRED BINET est reconnu comme le créateur de la méthode des tests mentaux.

Depuis cette époque, des tests de plus en plus nom- breux et de plus en plus variés ont été mis au point dans différents pays (le succès de la méthode a été particu- lièrement vif aux Etats-Unis) et il est extrêmement dif- ficile de faire un choix dans la masse grandissante des épreuves nouvelles qui nous sont proposées chaque jour.

Nous nous sommes donc fixée, dans cet ouvrage, un but essentiellement pratique et nous sommes efforcée de donner un aperçu des tests les plus couramment utilisés en Neuropsychiatrie Infantile, en France, à l'heure actuelle donnant pour chacun d'eux divers renseigne- ments pratiques quant à leurs indications, âge d'adminis- tration, mode de passation individuel ou collectif, temps de passation et de correction. Nous y avons ajouté quel- ques références bibliographiques pour ceux qui vou- draient se référer aux travaux originaux des auteurs des tests ou avoir des renseignements plus complets à leur sujet; enfin nous avons essayé d'exposer pour chacun d'eux les avantages et les inconvénients tels qu'ils nous sont apparus au cours d'une pratique personnelle de plusieurs années. Nous laissons délibérément de côté l'aspect statistique et l'historique des tests, d'un intérêt beaucoup plus théorique que pratique et qui sont large- ment développés dans d'autres ouvrages.

Il s'agit d'un essai de synthèse critique qui doit per- mettre à chaque examinateur de choisir judicieusement, au moment d'un examen, le test le plus adapté au domaine qu'il se propose d'explorer, compte tenu des données cliniques, parmi ceux dont l'élaboration statistique et la validité sont suffisantes. En effet, il serait aussi vain de chercher à préciser le niveau intellectuel d'un retardé

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de la parole à l'aide d'un test verbal, ou d'un hémiplé- gique à l'aide d'épreuves nécessitant des manipulations bimanuelles, que de chercher à suivre l'évolution d'un diabétique en pratiquant des calcémies ou des dosages d'urée au lieu de glycémies.

Dans une deuxième partie, nous avons schématisé une conduite à tenir dans un certain nombre de cas un peu complexes qui se présentent cependant souvent en Neuro- psychiatrie Infantile, tels que retard de parole, dyslexie, dysorthographie. D'autre part, nous mettons les lecteurs en garde contre un certain nombre de pièges qui guettent les techniciens ayant une confiance trop grande dans la fausse sécurité que donnent les chiffres et atti- rons leur attention sur les pseudo-débilités mentales et les débilités camouflées, ainsi que sur les erreurs que l'on peut être amené à commettre dans la mesure de la dété- rioration mentale.

Un travail de ce type est forcément incomplet et la liste des tests envisagés ici n'a pas un caractère exhaustif; de même, la série des problèmes cliniques examinés n'est pas limitative. Il faudrait, en effet, plusieurs volumes pour faire un tour d'horizon complet, envisageant à côté des tests les plus usités ceux qui, à peine publiés, sont tombés dans l'oubli et ceux dont la validation est trop manifestement insuffisante. Pour ce qui est des « con- duites à tenir », tout ne peut pas être résumé en « scatter » (1) et en attitudes mécaniques, malgré l'appa- rente rigidité des techniques psychométriques, et le sens clinique et l'expérience de chacun doivent lui permettre de résoudre bon nombre de problèmes. Nous nous

(1) On utilise couramment le mot « scatter », d'origine anglo- saxonne, pour désigner le profil psychologique, la dispersion des notes ou scores obtenus par un même sujet à des épreuves variées.

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sommes efforcée, à l'aide de quelques exemples choisis parmi les cas les plus fréquemment rencontrés, de montrer de quelle façon il faut utiliser la méthode des tests pour tirer d 'un examen le maximum de rensei- gnements et éviter des erreurs d'interprétation grossières.

Ce travail a été élaboré dans le service de notre maître le PR LÉON MICHAUX, à la Salpêtrière. Nous le remer- cions ici de la bienveillance qu'il nous a toujours témoi- gnée et de l'intérêt qu'il y a porté.

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P R E M I È R E

P A R T I E

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L'EXAMEN PSYCHOMÉTRIQUE

« I l f a u t le p l u s s o u v e n t p r o - v o q u e r les c o m p o r t e m e n t s p o u r les o b s e r v e r e t l es p r o v o q u e r d a n s d e s c o n d i t i o n s p r é c i s e s et c o n s t a n t e s , a f i n d e c o n f r o n t e r les r é s u l t a t s a v e c d e s n o r m e s . »

A. REY.

P a r l ' express ion « e x a m e n p s y c h o m é t r i q u e », on en tend l ' inves t igat ion psychologique au m o y e n des « tes t s m e n t a u x ».

Le mot « tes t », qu i vient d ' ou t r e -a t l an t ique , a eu en F r a n c e une fo r t une telle qu ' i l est ut i l isé c o u r a m m e n t à l ' heu re actuelle. Nous r e p r e n d r o n s la déf ini t ion q u ' e n a donnée J a m p o l s k y . Le mot « tes t » désigne u n e épreuve s tandard i sée et é ta lonnée, c 'es t -à-dire a v a n t t o u t une tâche :

1° Don t les condi t ions sont dé t e rminées avec préc is ion et m a i n t e n u e s iden t iques : les consignes des épreuves sont t o u j o u r s les mêmes , que l que soit l ' e x a m i n a t e u r qui fait passe r le tes t ; le ma té r i e l uti l isé est u n maté r ie l s t an- d a r d qui ne s ' improvise pas. Les l imi tes de t e m p s accor- dées à l ' en fan t p o u r l ' exécut ion des épreuves sont, le p lus souvent , r i g o u r e u s e m e n t définies. Les n o r m e s de correc- t ion doivent être précises, sans équivoque, de telle façon q u ' a u c u n e divergence d ' app réc i a t ion ne soit possible en t re p lus i eu r s examina t eu r s .

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2° Dont l'évaluation est faite par confrontation du rendement individuel exprimé quantitativement avec les résultats obtenus par un grand groupe d'individus auquel on a fait passer la même épreuve au préalable et qui cons- titue la « population d'étalonnage ». L'étalonnage aura d'autant plus de valeur qu'il sera établi sur un plus grand nombre de sujets. Supposons que l'on demande à un enfant de faire une tour de cubes. Il y parvient ou pas. Cette tâche ne sera un test que si nous savons, d'autre part, que dans un groupe de n sujets, qui ne sont pas infirmes et qui ont le même âge, la tâche est exécutée dans x % des cas. Selon que l'enfant aura réussi ou échoué on le considérera comme étant normal ou en retard par rapport aux enfants de son âge.

Que ces normes de comparaison soient la gamme des performances de groupes d'âges successifs (échelle de développement), ou les types qualitatifs de réponses rencontrés dans tels groupes normaux ou pathologiques (tests de personnalité), cette référence statistique est nécessaire pour faire d'une épreuve psychologique un « test ». C'est là ce qui différencie le test de l'examen cli- nique et l 'apparente aux examens de laboratoire. L'exa- men clinique, en effet, est beaucoup plus qualitatif et moins précis, puisque la seule référence est, dans ce cas, l'expérience propre de l'examinateur, alors qu'en fait le clinicien pose souvent les mêmes questions que le psychologue.

Les tests apportent donc les moyens d'étudier des aspects déterminés du comportement et d'évaluer cer- taines variables psychologiques, de façon à la fois objec- tive et précise, c'est-à-dire à l'aide d'une cotation en général quantitative à référence statistique et indépen- dante de l'examinateur, mais ils ne constituent pas pour

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autant une véritable « mesure », au sens où l'on entend, lorsqu'on parle d'un dosage chimique, par exemple. En effet, les rendements bruts ne prennent une signification et ne peuvent être comparés qu'une fois transcrits en repères statistiques (âge mental, QI, centiles, écart- type (1). De plus, ils n'expriment pas une variable iso- lable qui existerait en dehors de la « mesure », mais la

(1) Nous allons indiquer pour ces termes la définition qu'en a donnée PIÉRON dans son vocabulaire de la psychologie.

AGE MENTAL. — Par opposition à son âge chronologique, niveau mental d'un enfant déterminé par ses réussites dans des tests étalonnés pour cet âge et ses échecs (ou ses réussites) dans les tests de l'âge supérieur. Un enfant peut avoir un âge mental supé- rieur, inférieur ou égal à son âge chronologique.

QI ou QUOTIENT INTELLECTUEL (2). — 1. Notion int rodui te par W. STERN (1912) pour compléter la notion d'âge mental de BINET et SIMON : c'est le rapport de l'âge mental , déterminé par la méthode de BINET-SIMON, à l'âge réel, dit encore à tort : âge physique.

2. WECHSLER a donné au quotient d'intelligence une définition toute différente pour l 'employer chez les adultes, ce que l 'on faisai t déjà, avec des artifices : la valeur 100 est donnée à la réussite correspondant à la moyenne dans l 'étalonnage du test d ' intell i- gence, et l 'on ajoute ou retranche 10 points pour un écart, en plus ou en moins, égal à l 'écart probable.

CENTILE. — On appelle centiles 0, 1, 2, ... 100, les valeurs de la variable, telles que 0 %, 1 %, 2 %, ..., 100 %, des observations leur soient inférieures. Syn. : percentile. Si un sujet a t te in t le centile 90 à une épreuve, cela veut dire qu'il n'y a que 10 % de la populat ion qui réussirai t ce test mieux que lui.

COTATION EN ÉCARTS-TYPES. — C'est de très loin la meilleure, et elle tend à se répandre de plus en plus. A l ' in tér ieur des sujets du même âge chronologique, on prend comme point de départ la note moyenne du groupe et comme unité l 'écart-type dont le sym- bole est a, ou une fraction de celui-ci. L'écart-type est la racine carrée de la variance. Si, pa r exemple, à un certain test la note moyenne des sujets de six ans est quarante-cinq points, si l 'écart- type est, pour ce groupe, de quinze points, un sujet obtenant quinze points se situe à - 2 écarts-types de la moyenne.

(2) Pour avoir plus de détails sur la notion de QI, se reporter à l 'article de PERSE, cité en fin de chapitre.

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réaction d'une personnalité dans une situation donnée bien définie. On évalue le comportement d'un individu par rapport à celui d'un groupe choisi comme référence.

Si l'application stricte des consignes qui permet des comparaisons et l'utilisation des étalonnages est une nécessité de la méthode, elle n'implique cependant aucune rigidité, aucune attitude impersonnelle de la part de l'examinateur. Au contraire, celui-ci doit essayer d'éta- blir un bon contact et de gagner la confiance de l'enfant pour que ce dernier donne son rendement maximum pendant l'épreuve : il faut rassurer le sujet émotif, détendre l'inhibé, rendre plus sérieux l'enfant enclin à la facilité, le motiver, le mobiliser et maintenir son attention pendant toute la durée du test. Inutile de dire qu'il y a intérêt à s'installer dans une pièce accueillante, claire et calme où personne n'entre pendant la durée du test et où l 'examinateur a à portée de la main tout le matériel qui pourrait lui être nécessaire. La présence des parents et de tiers est à éviter en général.

S'il ne doit strictement rien modifier aux consignes des tests et noter les résultats des épreuves de façon rigide, il est, par contre, souhaitable que pendant la « durée de passation du test » (1) l 'examinateur fasse le plus d'observations possibles sur le comportement de l'enfant (intérêt porté au test, attention, instabilité, persévérance en présence d'une difficulté, organisation du travail, etc.). Prenons par exemple un test comme le MATRIX (voir des- cription p. 50). Dans la notation, on accorde un point par problème exact. Supposons deux adolescents ayant chacun obtenu 28 points dans le même laps de temps : l 'un a examiné lentement 28 problèmes et les a tous

(1) Nous nous excusons de ce terme peu français, consacré par l'usage, qui indique la durée de l 'examen, non compris le temps mis par l 'examinateur pour noter les épreuves.

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réussis. L'autre en a examiné rapidement et superficiel- lement 50. Il en a réussi autant que le premier ; un grand nombre sont faux. Il est certain que même si le résultat quantitatif chiffré est identique chez ces deux sujets, il s'agit d'adolescents de comportement et de caractère totalement différents. En effet, même en pré- sence d'une situation très standardisée, chaque enfant réagit d'une façon qui lui est propre et révèle ainsi un aspect de sa personnalité. Ces observations enrichiront l'examen d'une foule de données nouvelles et permet- tront parfois de comprendre des résultats qui, à pre- mière vue, paraissaient aberrants.

Il ne faut pas oublier que les tests s'adressent en général à des variables limitées et qu'il s'agit de pro- cessus purement opérationnels qui ne constituent qu'un aspect abstrait et un moment de la personnalité. Un examen psychométrique doit donc être composé d'une batterie de plusieurs tests judicieusement choisis qui se complètent. Ils ne peuvent, de toutes façons, pas se sub- stituer à l'examen clinique, mais de la même façon que d'autres examens de laboratoire (biologie, E. E. G., etc.), ils apportent des données objectives lors d'une discus- sion diagnostique. Le résultat chiffré d'un test considéré isolément n'a aucune signification en soi.

Quelles doivent être les qualités des tests mentaux ? Essentiellement la fidélité. C'est la qualité qui fait qu'on obtient des résultats identiques lorsqu'une même épreuve est appliquée deux fois de suite au même sujet (A ce point de vue, le MATRIX 38 est un bon test : fidélité .88).

La sensibilité, ou finesse discriminative, est également importante : Claparède disait que pour qu'une épreuve soit caractéristique d'un certain âge, elle doit être réussie

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par 75 % des sujets normaux de cet âge, alors qu'elle ne l'est pas par 75 % au moins des sujets de l'âge immé- diatement inférieur. Un test est sensible lorsqu'il est capable de mesurer des différences minimes entre les individus. Plus il comporte d'échelons pour le classe- ment des sujets et leur différenciation, plus il est sensible.

Enfin, un test doit, dans la mesure du possible, être attrayant pour les enfants et les intéresser, ne pas prendre trop de temps et être de signification précise. Il faut savoir ce qu'un test mesure pour poser ses indications à bon escient et, autant que possible, il ne doit pas mesurer plusieurs choses à la fois. Un test n'est valide que lorsqu'il mesure effectivement ce qu'il est censé mesurer et il s'en faut de beaucoup que cette condition soit rem- plie par tous les tests. On s'est aperçu à l'usage que cer- tains tests conçus à l'origine pour être des tests de déve- loppement étaient assez fortement saturés en d'autres facteurs et qu'un échec pouvait alors être dû à un déficit spécifique autant qu'à la débilité (cas des cubes de Kohs où le facteur spatial joue un grand rôle). Parmi les bons tests d'intelligence générale, ceux dont la validité ne fait aucun doute, on peut citer le D 48 ou l'A. C. E. R. junior (facteur g. 90 dans le D 48 [1]). Dans les échelles composites (type WECHSLER), les facteurs spécifiques entrant dans la composition des différentes épreuves finissent pas s'annuler et leur validité est également très bonne.

Les tests de développement utilisés en Psychiatrie Infantile sont souvent étalonnés pour certains âges et non pour d'autres, les tâches proposées étant trop ardues pour être exécutées par de très jeunes enfants et trop simples, par contre, pour éliminer les débiles d'un âge

(1) En pratique, on assimile le facteur G, isolé par SPEARMAN, à ce qu'on appelle pragmat iquement l'intelligence générale.

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supérieur. Ils sont d'autant plus intéressants que leur éta- lonnage s'étend sur un plus grand nombre d'années. Les étalonnages étant habituellement faits sur des enfants normaux, il est évident qu'on peut toujours faire passer un test étalonné en âge mental à un arriéré d'un âge réel supérieur à celui prévu par l'étalonnage ou à un enfant plus jeune, d'une intelligence supérieure à la moyenne des enfants de son âge.

Voyons maintenant comment on peut classer les tests mentaux. C'est là chose difficile; chaque classement a quelque chose d'arbitraire et, à l'heure actuelle, aucun n'est vraiment satisfaisant.

A. — On peut les classer suivant leurs caractéris- tiques extérieures; on distingue alors :

a) les tests purement verbaux, qui consistent à répondre oralement à des questions, répéter des séries de chiffres;

b) les tests crayon papier, où le sujet doit répondre par écrit à des questions qui lui sont posées (donner des syno- nymes, phrases à compléter), ou effectuer un dessin (test du bonhomme) (voir fig. 3, 4, 5, 6 et 7);

c) les tests de performances, où le sujet doit effectuer un certain travail de manipulation : reconstituer un puzzle, classer des séries d'images, reproduire avec des cubes un dessin de mosaïques (voir plus loin, sur les figures 1 et 2, la reproduction du matériel de quelques tests);

d) les tests mixtes tels que les échelles de WECHSLER ou le t e s t d e B R U N E T L É Z I N E .

B. — Si on les classe suivant le « mode d'administra- tion », on peut distinguer les tests à « passation indivi- duelle » où l'enfant est seul avec l 'examinateur qui inter- vient à tout moment et peut observer son comportement

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au cours du test et les tests à « passation collective » qui permettent de « tester » plusieurs sujets simultanément et de gagner du temps. Les tests collectifs nous paraissent devoir être réservés surtout aux fins de dépistage, un examen individuel complémentaire nous paraît indis- pensable chez les enfants inadaptés lorsque les résultats obtenus sont inférieurs à la moyenne.

C. — RUDRAUF classe les tests en tests d'intelligence, tests psychomoteurs, tests de personnalité et tests nosographiques.

D. — PICHOT a proposé un classement qui consiste à opposer, d'une part, l'objet des tests (tests d'efficience, tests de personnalité) ; d'autre part, leur mode de vali- dation (empirique, aprioriste, structurale).

Il définit les tests d'efficience comme des tests étudiant

les aspects cognitifs de la personnalité (intelligence, apti- tudes, connaissances) et les tests de personnalité comme des tests explorant les intérêts, le caractère, l'affectivité, c'est-à-dire les aspects conatifs et affectifs. Ces deux caté- gories de tests, ajoute-t-il, se distinguent nettement par une caractéristique spécifique des réponses. Dans les tests d'efficience, il existe de bonnes et de mauvaises réponses. Dans les tests de personnalité, il y a plusieurs réponses possibles qui sont aussi bonnes l'une que l'autre.

Dans ce travail, nous avons grossièrement classé les tests d'après leur objet, en subdivisant d'ailleurs les tests d'efficience en plusieurs catégories. Inutile de dire que ce classement, qui nous paraît répondre tant bien que mal aux nécessités de la pratique quotidienne, est loin d'être parfait et n'a aucun caractère exhaustif.

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Quelle est la place de l'examen psychométrique en neuropsychiatrie infantile ? Les tests sont des examens auxiliaires qui complètent l'examen clinique sans jamais pouvoir se substituer à ce dernier. Le clinicien les demande au même titre qu'un E. E. G. ou un dosage de cholestérol. De la même façon que ces examens de labo- ratoire, ils apportent un argument lors d'une discussion diagnostique. Parmi ces examens auxiliaires, l'examen psychométrique est sans doute celui auquel le pédo- psychiatre fait appel le plus souvent.

Données et limites de l'examen psychométrique : nous reprendrons ici l'opinion d'ALFRED BINET, qui a d 'autant plus de valeur qu'il a été, comme nous l'avons vu, le créateur de la méthode des tests mentaux : « malgré sa grande apparence de précision, le chiffre n'est qu'un résultat brut dont on ne peut se servir qu'après avoir établi, non seulement sa signification, mais encore son interprétation. On ne peut comparer cette méthode de mesure à une bascule de gare. »

Qu'entend-il par là ? Qu'un âge mental ou un quotient intellectuel n'ont

jamais une valeur absolue, même si les conditions de pas- sation et d'administration du test ont été parfaitement rigoureuses. En effet, il faut faire la part de l'absence de motivation qui existe même chez l 'enfant normal. L'enfant ne comprend pas l'importance du test et sou- vent, ne s'intéressant pas, répond sans réfléchir. Le phé- nomène est encore plus accentué en neuropsychiatrie infantile où nous avons affaire à des enfants inadaptés, instables, inhibés ou opposants, qui répondent n'importe quoi ou même ne répondent rien, et c'est bien là qu'on voit que le test n'est pas un tout en soi, mais qu'il s'intègre à l'examen clinique; en effet, l 'enfant inhibé

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qui répond à peine obtiendra un QI assez bas. Est-ce à dire qu'il est débile ? Ce serait une erreur grossière. Le chiffre obtenu, réalité traduisant l'efficience au moment de la passation du test, est ce qu'il est, mais il faut l'inter- préter à la lumière des données cliniques et des rensei- gnements obtenus sur l'enfant par ailleurs; si, dans le cas de l'enfant inhibé, on ne peut exclure formellement qu'il est débile, on ne saurait l'affirmer.

Cette réserve étant faite, nous ne saurions insister assez sur l'intérêt de l'examen psychométrique lorsqu'il est pra- tiqué par des praticiens expérimentés.

EN RÉSUMÉ

L'examen psychométrique permet de déterminer avec précision certaines variables de la personnalité qui, s'a joutant aux observations cliniques, enrichissent notre connaissance de l'enfant. Mais, comme le dit Wallon : « Celui qui utilise les tests doit être incité par l'usage même qu'il en fait à ne pas confondre le sujet avec les quelques mesures qu'il a prises sur lui. Elles ne peuvent circonscrire toute son intelligence, l'intelligence, la per- sonnalité, le milieu, sont des réalités qui s'emboîtent les unes dans les autres et qui se débordent entrè elles. »

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Page 24: La pratique des tests mentaux en psychiatrie infantile

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PERSE (J.) : La notion de quotient intellectuel, sa signification, sa valeur. Revue de Psychologie appliquée, t. 1, n° 1, oct. 1950, p. 23.

PICHOT (P.) : Les tests mentaux en psychiatrie. Instruments et méthodes. Presses Universitaires de France, Paris, 1949.

VIOLET CONIL (M.) et CANIVET (N.) : L'exploration expérimen- tale de la mentalité infantile. Presses Universitaires de France, Paris, 1946.

WECHSLER (D.) : Les concepts d'âge mental et de quotient intel- lectuel, in La mesure de l'intelligence de l'adulte. Presses Universitaires de France, Paris, 1956.

ZAZZO (R.) : Manuel pour l'examen psychologique de l'enfant, Delachaux et Niestlé, Neuchâtel, 1965.

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É N U M É R A T I O N DES T E S T S

L E S P L U S U S U E L S

AVEC LEURS INDICATIONS, AVANTAGES

INCONVÉNIENTS, BIBLIOGRAPHIE

M O D E D ' A D M I N I S T R A T I O N

I. — Tests d e déve loppement pour enfants d ' â g e pré- scolaire.

II. — Tests d ' intel l igence pour enfants de p lus d e 5 ans .

III. — Tests d 'organisa t ion temporel le et spat ia le .

IV. — Tests d 'organisa t ion motrice.

V. — Epreuves d 'explorat ion de l a c o n n a i s s a n c e d u « s c h é m a corporel Il.

VI. — Tests de n iveau d e l a n g a g e .

VII. — Tests de n iveau scolaire.

VIII. — Tests d e personnali té .

IX. — Tests divers.

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1

T E S T S DE D É V E L O P P E M E N T

POUR ENFANTS D'AGE PRÉSCOLAIRE

1. — Test non verbal de BOREL MAISONNY.

2. — Test de GESELL.

3. — Test de BRUNET LÉZINE.

4. - Test de MERRILL PALMER.

5. — Echelle de performances de BORELLI OLÉRON.

6. — Echelle de maturité mentale de COLUMBIA.

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1. — TEST NON VERBAL DE BOREL MAISONNY POUR ENFANTS D'UN AN ET DEMI A CINQ ANS.

Ob Matériel :

Le test comprend une série d'objets très simples qu'on fait manipuler à l'enfant, tel qu'un bol contenant de petits jouets, des bouteilles bouchées ou vissées, un œuf gigogne, etc. Le comportement de l'enfant en leur présence correspond à des niveaux de développement différents. Pour l'œuf gigogne, par exemple, un enfant normal de 3 ans le défait et manipule les pièces. Vers 3 ans 1/2, il referme quelques œufs. A partir de 4 ans, il est capable de défaire l'œuf et de le revisser correctement.

lb Distribution :

Librairie de l'Education nouvelle.

0 Administration :

Passation : individuelle. Temps de passation : 1/2 heure maximum. Temps de correction : pendant la passation. Age d'application (1) : 15 mois à 6 ans, mais surtout avant

4 ans.

fb Indications :

Mesure de l'intelligence des jeunes enfants, surtout ceux ayant des troubles du langage.

10 Bibliographie :

BOREL MAISONNY (S.) : Langage oral et écrit, tome II, Delachaux et Niestlé, Neuchâtel, 1960, pp. 51-73.

(1) Les épreuves peuvent toujours être utilisées pour des arriérés dont l'âge réel est supérieur aux limites indiquées.

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10 Avantages :

Passation rapide, intéresse les enfants. Mesure de l'intelligence sans intervention du facteur langage,

ce qui est très utile dans les hypoacousies, surdités, retards du langage.

Test conçu en France pour des enfants français.

0 Inconvénients :

Epreuves très cliniques. Etalonnage un peu insuffisant, sur- tout après 4 ans où le nombre d'épreuves est très petit.

2. — TEST DE GESELL.

0 Matériel (voir fig. 1) : Le test est composé d'une série d'objets simples à manipuler,

planchette creusée d'un rond, d'un carré et d'un triangle dans laquelle l'enfant doit encastrer les formes pleines correspondantes, cubes pour faire une tour, balle à lancer, une tasse, des objets à nommer, etc. On étudie également le comportement du nourrisson en présence d'une clochette, d'une glace. Pour un certain nombre de points du compor- tement, on est obligé de se contenter des assertions des parents ou de la nourrice.

lb Distribution :

Centre de Psychologie appliquée.

0 Administration : Passation : individuelle. Temps de passation : variable (15 minutes à 1 heure, selon

l'âge de l'enfant). Temps de correction : pendant la passation. Age d'application : 4 semaines à 3 ans 1/2.

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F i G . 1 .

T E S T D E G E S E L L .

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Ob Indications :

Etude du développement des nourrissons et des jeunes enfants.

0 Bibliographie : GESELL (A.) et ILG (F. L.) : Le jeune enfant dans la civilisation

moderne. Presses Universitaires, Paris, 1950. KOUPERNIK (C.) : Les tests de GESELL. Leur limite. Leur- intégration

à une clinique du premier âge. Presse médicale, 60, n° 21, 29 mars 1952, p. 449.

ROUDINESCO (J.) et GUITON : Le développement de l'enfant. Manuel d ' i n s t r u c t i o n s p o u r l ' a p p l i c a t i o n d u t e s t d u P r o f e s s e u r G E S E L L .

Presses Universitaires de France, Paris, 1950.

W Avantages :

Gesell a groupé les épreuves en 4 séries distinctes qu'il envi- sage séparément : série motrice ou posturale, adaptation ou rapports oculo-manuels avec les objets; série verbale ou du langage; série de sociabilité et de personnalité. Ces épreuves ne prétendent pas mesurer l'intelligence, mais seu- lement un rythme du développement général.

W Inconvénients :

Etalonnage sur des enfants américains de milieu très sélec- tionné.

Nombre d'épreuves extrêmement variable suivant l'âge, dont certaines ne répondent pas à des conditions de testing, mais sont des descriptions des comportements spontanés de l'enfant.

L'échelle manque d'homogénéité.

3. — TEST DE BRUNET LÉZINE.

lb Matériel : Le matériel est très voisin de celui du test de GESELL. Il com-

prend des cubes en bois, une tasse et une cuiller d'alumi- nium, une sonnette métallique, un hochet, un anneau de