La Production de Logement Comme Indicateur Des Mutations Socio-economiques Cas de Constantine

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La Production de Logement Comme Indicateur Des Mutations Socio-economiques Cas de Constantine

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  • REPUBLIQUE ALGERIENNE DEMOCRATIQUE ET POPULAIRE MINISTERE DE LENSEIGNEMENT SUPERIEUR

    ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE

    UNIVERSITE MENTOURI CONSTANTINE FACULTE DES SCIENCES DE LA TERRE , DE GEOGRAPHIE

    ET DE LAMENAGEMENT DU TERRITOIRE DEPARTEMENT DARCHITECTURE ET DURBANISME

    N dordre Srie

    THESE POUR LOBTENTION DU DIPLOME DE MAGISTER

    OPTION : URBANISME Prsente par ABBAS HOUCINE

    THEME

    Sous la direction du Prof. : SAHNOUNE Tayeb

    JURY DEXAMEN : Prsident : Dr. CHAOUCHE Salah (MC) UMC Rapporteur : Dr. SAHNOUNE Tayeb (Prof) UMC Examinateur : Dr. MAKHLOUF Mokhtar (MC) UMC Examinateur : Dr. DAARA Djaafar (MC) UMC

    LA PRODUCTION DE LOGEMENT COMME INDICATEUR DES MUTATIONS SOCIO-ECONOMIQUES :

    CAS DE CONSTANTINE

    Juin : 2011

  • i

    Table des matires

    Introduction gnrale.1

    PREMIERE PARTIE : GENESE 1. Introduction...................................................................................................9 1.1. Prsentation de notre champ d'tude ......................................................15 1.2. Donnes sur l'habitat ..............................................................................18

    1.2.1. Le Parc immobilier.......................................................................18 1.2.2. Les diffrents types d'habitat.......................................................20 1.2.3. Le taux d'occupation par logement..............................................23

    1.3. Les filires de production du logement et les filires d'affectation ...........26 1.3.1. Les filires de production du logement .......................................26

    1.3.1.1. Le secteur public ..............................................................27 1.3.1.2. Le secteur priv .................................................................28

    1.3.1.3. L'auto-construction ............................................................31 1.3.2. Les filires d'attribution ................................................................32 1.4. Les nouvelles orientations urbaines ........................................................37

    1.4.1. Les rserves foncires ................................................................37 1.4.2. La cession des biens de l'Etat .....................................................38

    1.4.3. La promotion immobilire ............................................................33 Conclusion provisoire .....................................................................................42

    DEUXIEME PARTIE : LA PHASE DE TRANSITION............................................45

    Introduction 46

    2.1. Les diffrentes expriences travers le monde ......................................46 2.1.1. L'exprience maghrbine ..........................................................46 2.1.2. L'exprience franaise...............................................................51

    2.2. Les rserves foncires.............................................................................54 2.2.1. A l'tranger ...............................................................................54 2.2.2. En Algrie .................................................................................56 2.2.3. Constitution juridique des rserves foncires56 2.2.4. Principe de la cession des rserves foncires......57

    Conclusion provisoire .....................................................................................63

  • ii

    2.3. Le secteur locatif priv : l'exprience allemande .....................................66 2.3.1. Les operateurs publics...67 2.3.2. Les autres bailleurs professionnels..67 2.3.3. Les bailleurs privs.67 2.3.4. Le conventionnement.67 2.3.5. Le locatif libre..68 2.4. Donnes statistiques.69

    TROISIEME PARTIE : LA PHASE ACTUELLE........................................... ..73

    3.1. La crise du logement en Algrie ..............................................................74 3.1.1. L'habitat prcaire...........................................................................77 3.1.2. La logement volutif ......................................................................80

    3.2. Les aides au logement dans les pays industrialiss ................................80 3.3. Ouverture du secteur de l'habitat au priv ; La Promotion immobilire....84

    3.3.1. Les diffrentes phases de la Promotion immobilire.....................85 3.3.2. Les promoteurs immobiliers ..........................................................86 3.3.2.1. Les EPLF et OPGI..86 3.3.2.2. Les entreprises publiques conomiques.87 3.3.2.3. La promotion immobilire prive..87 3.3.3. La crise conomique et les nouvelles procdures ........................88

    3.4. Les nouvelles procdures de production de logements...........................90 3.4.1. LSP Logement Social Participatif ...............................................90 3.4.2. LPL Logement Public Locatif .....................................................92 3.4.3. LPA Logement Promotionnel Aid .............................................93 3.4.4. Location Vente ..............................................................................94 3.5. Villes nouvelles ou ZHUN ? ...........................................................100 3.6. La rarfaction du foncier urbain .....................................................102 3.6.1. Le patrimoine foncier ..................................................................101 3.6.2. Des communes sans terrains......................................................103

    QUATRIEME PARTIE : LA PARTICIPATION CITOYENNE : une efficience la production du logement.104 Introduction.105 4-1-Les dficiences de la participation citoyenne..107 4-2- La participation citoyenne : un champ trs restreint .112 4-3-Lexprience algrienne en matire de participation citoyenne 115

  • iii

    4-4-La participation du citoyen Ali Mendjelli .116 4-5- Pratique de la participation .120 4-6- gouvernance urbaine locale et dveloppement urbain durable 134

    Conclusion gnrale.. .. 151

    Bibliographie ................................. ...155 Annexes ..................................................................................... 159

    1/ Bilan de la Promotion Immobilire Publique et prive Constantine, fin 1998.

    2/ Les nouveaux textes de lois concernant les conditions d'accs aux nouveaux processus.

  • 1

    1. INTRODUCTION GENERALE

    L'tude de l'accs des mnages au march du logement constitue un vritable dfi. Plus on avance, plus on peut se sentir noy dans les complexits techniques ou politiques, et plus on se voit confront la tche norme qui est d'aborder la question sous tous les angles. Une approche historique est indispensable, tant les dterminants de l'accs au logement voluent. Mais comprendre l'ensemble des dterminants, qu'ils soient techniques (prix fonciers, financement public ou priv), politiques (priorit d'urbanisation, accueil des populations faibles ressources, incitation l'achat), sociodmographiques (besoins des mnages, transformations de la famille), socioculturels (modes de vie, choix rsidentiels), et prendre en compte tous ces dterminants dans l'tude de leur volution, parat un dfi norme, mme pour les "spcialistes du logement".

    Le regard sur la ville est un regard sur l'espace. Ds que l'on s'interroge sur la ville, et parce qu' travers la crise de la ville c'est la crise de la socit elle-mme qui transparat, on s'interroge de ce fait sur l'espace (1).

    L'espace est simplement un lieu de projection du systme social dans une spatialit particulire. L'espace n'est pas une projection, c'est une expression.

    Les diffrentes thories qui parlent du logement le rduisent au problme fondamental qu'est le support foncier et la rente qui s'en dgage. Un courant no-classique et no-marxiste s'est dvelopp qui a cherch transposer, puis adapter, l'analyse de la rente foncire agricole l'analyse des revenus que procure la proprit du sol en milieu urbain et a tent d'interprter de cette faon le prix du sol urbain, la spculation, la sgrgation et les transferts qui ont lieu dans la production du cadre bti.

    Chaque mode de production, et non chaque socit, produit un espace qui lui est caractristique. Cette production n'est pas neutre mais elle est reproductive des rapports de production ; la structuration de l'espace prenniserait les rapports sociaux de production.

    1 ) LEDRUT, R., L'espace en question ou le nouveau monde urbain,

  • 2

    Les auteurs no-classiques assimilent le sol un bien conomique et rduisent l'espace un cot de transport (1); mais H. Lefebvre et M. Castells considrent que l'espace n'est pas un bien conomique mais un produit social. Pour H. Lefebvre, les socits ont produit leur espace mais de nos jours, les forces productives n'entranent pas seulement la production des choses mais ce que contiennent ces choses, savoir l'espace . Donc si le capital se limitait auparavant dans la production de marchandises mobiles, il vient d'investir dans la production du cadre bti .

    Mais l'appropriation prive du sol va induire le morcellement de la valeur d'usage qui devient un obstacle l'intrieur mme du modle de production capitaliste, au dveloppement des forces productives sociales. Pour K. Marx, dans Le Capital, la valeur d'usage du sol a deux fonctions :

    - instrument de production (mines, chutes d'eau, terrains agricoles) - simple support passif (moyens de production, de circulation, de

    logements) Le produit logement est le lieu de valorisation d'un capital immobilier. Le

    prix des logements se forme suivant la localisation et la demande. La valeur d'un logement dpendra de sa place dans le mouvement continu de qualification / dqualification, qui caractrise l'histoire de la division sociale de l'espace.

    Ainsi la connaissance des marchs fonciers constitue l'un des fondements de l'analyse des marchs immobiliers. Les consommateurs tirent leur satisfaction non pas directement des biens qu'ils acquirent mais des caractristiques de ces biens. Dans la ngociation, l'acheteur et le vendeur du terrain intgrent l'ensemble de ces caractristiques et il parat normal de payer plus cher un terrain qui offre plus d'avantages. Le promoteur n'achte pas seulement une certaine quantit de mtres carrs, mais aussi un droit de construire dfini rglementairement, une situation, un accs privilgi une agglomration et des services, et le prestige de l'adresse. Ces caractristiques dterminent le prix du terrain.

    1 ) Cit par J.L. Guigon : Le sol et l'espace : des nigmes pour les conomistes, CRIUP I.U.P.

    1977.

  • 3

    La connaissance des marchs fonciers constitue l'un des fondements de l'analyse des marchs immobiliers. Le terrain tient en effet un double rle puisqu'il est la fois la matire premire d'une construction et l'une de ses principales caractristiques est sa situation gographique.

    Le prix des terrains btir en liaison avec le prix de l'immobilier a connu de fortes progressions. Le sol n'tant pas une matire premire comme les autres, sa rarfaction va poser des problmes. Les diffrentes actions de lEtat ont permis la population d'occuper le sol suivant une stratification sociale. Les regroupements se font en fonction d'une appartenance une catgorie sociale prcise : habiter le quartier avant d'habiter la ville, dans la mesure o le quartier renvoie un type d'habitat et une catgorie d'habitants. Aussi, nous assistons au droit au logement mais non au droit la ville.

    La crise du logement est bien plus que cette seule expression : elle est la fois une crise du dveloppement ainsi qu'en tmoigne, en Algrie comme dans la plupart des pays du Tiers-monde, le processus apparemment irrsistible d'urbanisation, et une crise de socit car cette urbanisation a entran des bouleversements dans le mode de vie des habitants et, peut-tre mme, dans les reprsentations sociales : Changement dans la perception des besoins, prfrences pour les logements modernes et les matriaux lourds tels que le ciment, la brique cuite, etc (1). La ville est prsente comme un moyen d'intgration conomique et culturelle de la masse paysanne au processus de modernisation de la socit algrienne.

    Le matriau lui-mme tend devenir un critre d'ascension sociale et l'habitation moderne est assimile la notion de progrs. Le maintien de la famille largie n'est plus possible avec la superficie des logements raliss ; c'est la famille nuclaire qui de vient majoritaire.

    Et l'mergence des bidonvilles constitue une rponse sociale la question du logement des couches dfavorises. La distribution spatiale des propritaires et des utilisateurs de l'espace ne se fait pas au hasard.

    1 ) BOUBEKEUR, Sid, Les logements urbains en Algrie : crises et perspectives, Thse 3me

    cycle, Universit de Lyon II, 1983.

  • 4

    Et la croissance urbaine en Algrie se fait suivant deux modes d'occupation de l'espace : l'un planifi, l'autre illicite. Les mutations sociales ont dbouch sur de nouvelles pratiques urbaines et sociales dont les principales causes sont :

    - L'exode rural

    - Le filtering proces (processus de changement de quartier) - La dvalorisation des quartiers anciens.

    Le type de logements construits a favoris de nouvelles relations sociales (diffrentes de celles de l'habitat vernaculaire) et de nouvelles relations l'espace, aussi bien l'espace domestique que l'espace extrieur. Le logement collectif de construction rcente a une image valorisante qui dnote une notion de progrs et d'ascension sociale.

    Les rcentes crises ont acclr les ruptures avec les pratiques urbaines bien tablies Constantine. Le regard sur la ville est un regard sur l'espace, comme le souligne R. Ledrut : Ds que l'on s'interroge sur la ville et cette interrogation est aujourdhui plus vive que jamais parce qu' travers la crise de la ville, c'est la crise de la socit elle-mme qui transparat . La ville est donc un vcu social ou, si l'on prfre, un social vcu cest--dire qu'elle est une faon de vivre ensemble. L'histoire rcente nous montre que les incidents survenus aussi bien dans les banlieues franaises et amricaines sont tout la fois un indicateur de la crise urbaine que de la crise sociale qui secoue ces socits.

    En Algrie, les diffrentes meutes survenues travers certains quartiers (Diar es Chems Alger) sont une nouvelle forme d'expression d'une population pour montrer son dsarroi devant sa non intgration la socit (marginalit spatiale, conomique).

    Les effets induits par la nouvelle urbanisation des vingt dernires annes sont :

    - une extension urbaine dmesure - une non intgration dans les tissus anciens (fragmentation urbaine) - la mono fonctionnalit des nouvelles zones : cits dortoirs - une occupation irrationnelle ou non conforme aux tudes labores.

  • 5

    La ville court pour rattraper et contrler des phnomnes qu'elle ne domine que trop tard ; c'est la rapidit des transformations qui chappent la ville et entranent des dsajustements incessants.

    Pour les mnages, le constat est que le logement est un moyen de consommation :

    1. par l'importance qu'il occupe dans la consommation des mnages ; 2. par l'importance des dpenses de consommation qu'il impose ; 3. par la qualit importante des autres consommations qu'elle induit :

    quipements mnagers, transport, etc.

    2. Problmatique : Notre objectif est de mettre en relief le fait que lAlgrie a, depuis

    l'indpendance, suivi un processus politico-conomique qui va du centralisme dmocratique un libralisme.

    A travers le logement, ou plus exactement la production de logements, nous pouvons avancer que celle-ci a subi des modifications radicales.

    Si ces mutations suivent l'volution des conditions socio-conomiques, peut-on dire qu'elles ont rpondu aux aspirations des populations ? La crise et la pression sur le logement ont-elles connu des solutions adquates ? Comment ces transformations rglementant la production du logement ont-elles rpondu au dficit chronique ?

    Le logement comme enjeu politique prend une place importante dans les luttes sociales actuelles et futures.

    Nous voulons faire une analyse de la production du logement et aussi de l'urbain, et prsenter les diffrentes tapes qui ont fait le paysage actuel.

    Notre objectif est de mettre en relief le fait que lAlgrie a depuis lindpendance suivi un processus politico-conomique qui va du centralisme dmocratique un libralisme assez dbrid.

    A travers le logement ou plus exactement le processus de production de logements, nous pouvons avancer que celui-ci a subi des modifications radicales.

    Si ces mutations suivent lvolution des conditions socio-conomiques, peut-on dire quelles ont rpondu aux aspirations des populations ?

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    La crise et la pression sur le logement ont-elles connu des solutions adquates ?

    Comment ces transformations rglementant la production du logement ont rpondu au dficit chronique ?

    Le logement comme enjeu politique prend une place importante dans les luttes sociales actuelles et futures. Nous voulons faire une analyse de la production du logement et aussi de lurbain, et de prsenter les diffrentes tapes qui ont fait le paysage actuel.

    Les objectifs : Ce travail se veut avant tout une lecture du paysage urbain de la ville

    algrienne travers le cas de la ville de Constantine. Nous voulons voir comment les diffrentes interventions dans le cadre de production de logements tant par les pouvoirs publiques que par le secteur priv nont pas atteint les objectifs assigns au dpart.

    A partir des expriences dans les pays trangers, il serait intressant de porter les correctifs ncessaires pour amliorer les conditions dhabitat des populations.

    Il sagit damliorer les conditions de ralisation de logements tout en prservant lavenir par la protection de lenvironnement. Aussi serait t-il intressant de sinterroger sur la participation citoyenne. Cette concertation est un nouveau mode de gestion des projets publics, et sur les limites actuelles.

    Les citoyens veulent un partage de la dcision et un contrle plus effectif pour attnuer le pouvoir touffant des dcideurs.

    3. Mthodologie : Pour mener bien ce travail, nous nous proposons de suivre les tapes

    suivantes : Analyse du discours politique sur les nouvelles orientations urbaines et son

    application travers lanalyse des textes de lois portants organisation de la production des logements.

    De fait, il sagit de voir comment sont retournes les dcisions par les diffrentes couches sociales dans le cadre de lappropriation de lespace.

  • 7

    Cette analyse aura pour finalit de dterminer les raisons profondes dadhsion tel ou tel type de proprit. De plus, elle nous renseignera sur la mobilit de la population, car laccession la proprit prive nest pas rserve uniquement aux anciens habitants de la ville.

    Nous excluons de notre champ dtude les locaux usage professionnel. Ce travail serait incomplet si un bilan des logements raliss dans les

    diffrents plans de dveloppement ntait pas fait. Nous prendrons comme date de rfrence le premier plan quadriennal.

    Structure de la thse : Notre plan sera organis en quatre parties complmentaires. Dans une

    premire partie, nous essayerons de faire connatre la gense de la crise du logement en Algrie. Quant la deuxime partie, nous nous intresserons la phase de transition, la phase actuelle sera analyse dans une troisime partie. La quatrime partie aura pour but de montrer comment pourrait se faire la participation citoyenne.

  • 8

    Premire partie

    - GENESE

  • 9

    1. INTRODUCTION

    En Algrie, la situation du logement est qualifie en terme de crise depuis quelques annes. En effet, avant et aprs 1962, l'espace a connu de grands bouleversements. De la dfiguration des villes pendant l'occupation coloniale et des effets de la guerre de libration, il en est rsult de grands mouvements de population (1). Bourdieu et Sayad affirment qu'en Algrie "le dplacement des populations est parmi les plus brutaux qu'ait connu l'histoire" (2). Les auteurs estiment que plus de la moiti de la population rurale a t dplace. Toutes ces actions vont bouleverser et le monde rural et la ville.

    Ds 1962, les flux migratoires s'accentuent vers les villes. Les ruraux esprent trouver du travail et avoir accs toutes les commodits que procure la ville. Le taux d'urbanisation de 36 % a t atteint en 1966 alors que les analyses dmographiques antrieures le prvoyaient pour 1986, c'est--dire 20 ans plus tard.

    La croissance urbaine

    1954 1966 6,9 % par an 1966 1977 5,8 % par an

    dont 3,2 % sont le crot naturel et les 2,6 % sont le solde migratoire.

    Les villes algriennes n'avaient pas de fonctions propres de production, ce qui explique que la croissance des villes est fonction de l'exode rural.

    Au recensement de 1977, il y a 7,3 millions d'habitants pour 231 localits, soit 43,2 % de la population totale. Ce mouvement d'urbanisation n'est cependant pas orient vers les grandes mtropoles. Le tableau suivant nous le montre :

    1 ) Rabinow de l'Universit de Berkeley cite Lyautey qui durant son sjour dans les garnisons

    d'El Asnam, d'Alger et lors de son passage Constantine a t constern par la barbarie des destructions faites dans les mdina (A.F.N. : Espaces, pouvoirs, plans), septembre 1986 et Prenant : Problmes de la croissance urbaine au Maghreb - Confrence Paris IV - 1986

    2 ) P. Bourdieu et A. Sayad : Le dracinement - Paris 1964.

  • 10

    Croissance de la population urbaine entre 1966 et 1977 (1)

    Agglomrations % Agglomrations %

    urbaines 1966 1977 croissance secondaires 1966 1977 croissance

    ALGER 897 000 1 520 000 69% Rouiba

    CONSTANTINE 250 000 325 000 35% Boudouaou 122 000 359 000 193%

    Cheraga

    ANNABA 150 000 256 000 71% El Khroub 10 000 40 000 300%

    ORAN 325 000 491 000 59% El Hadjar 7 000 40 000 310%Es Senia 14 000 36 000 150%

    Arzew 11 000 22 000 100%

    Population Population

    Cette croissance urbaine a rsult de l'expansion dmographique et de l'urbanisation de petits centres dont les fonctions se sont largies : administration, services, industrialisation surtout. Elle est surtout, depuis la prise en charge par Alger d'une planification nationale, "la projection d'activits mtropolitaines des plus grandes villes sur les petits centres" (2). Il y a diffusion sur l'ensemble du territoire des units de production.

    Cependant, si le taux d'urbanisation est relativement gal travers le pays, le poids des diffrentes rgions est loin d'tre gal dans le phnomne urbain : 4 urbains sur 10 vivent dans l'Algrois.

    Cette croissance dmographique urbaine va, dans un premier temps, ne pas poser de problmes de logements. En effet, le parc immobilier libr par le dpart massif des Europens va permettre ces nouveaux urbains de se loger sans trop de difficults. Mais l'occupation ne se fera pas d'une manire anarchique puisque les Algriens ont hrit "d'une ville dsquilibre, porteuse de privilges

    1 ) Tableau du dossier n 2 - Questions Urbaines - C RAU - Alger Andr Prenant in Revue

    franaise d'tudes Politiques Mditerranennes. 2me et 3me trimestre 1978. 2 ) PRENANT Andr, in Revue franaise d'tudes Politiques Mditerranennes, 2me et 3me

    trimestre 1978.

  • 11

    et de valeurs sociales figs". Il y a quelques transferts de proprits immobilires et de locaux commerciaux vers la petite bourgeoisie citadine.

    L'Etat intervient en 1964, en devenant gestionnaire de biens vacants dont l'valuation est de 700 000 locaux (habitation, industrie et commerce). Tous les occupants sont contraints de rgulariser les arrirs des loyers depuis juillet 1962, ce qui provoque un changement de population dans les logements occups l'indpendance. Des couches plus aises mme de payer les loyers rguliers vont s'installer dans les biens vacants.

    Le gouvernement devra, dans un premier temps, rpondre la demande en emplois cette nouvelle population en qute de travail. Tous les investissements publics vont se faire en priorit dans l'industrie.

    Mais une distorsion entre le logement et les investissements industriels apparat : prolifration de bidonvilles, de constructions illicites, autour des ples industriels. Le pouvoir prend conscience que les investissements raliss ont enfant une situation sociale explosive : la raret du logement.

    Durant la priode 66-67, il n'a t ralis qu'un logement pour 20 rsidents supplmentaires. Cette crise volue en spirale puisque nous remarquons que si le droit au logement est subordonn l'acte de mariage, pour 300 400 000 logements raliss, il y a eu 1 million de mariages dclars (1).

    En effet, dans le cadre d'attribution de logements, l'acte de mariage est une pice matresse dans la constitution du dossier. Donc la priorit est accorde aux personnes maries et ayant plusieurs enfants charge. Les clibataires masculins se trouvent de fait exclus tandis que les femmes clibataires ne peuvent en aucun cas esprer trouver un logement par le biais des attributions dans le cadre des entreprises ou administrations publiques. Leur condition de femme clibataire habitant un logement seule est mal perue par la socit en gnral et particulirement par les parents ou collgues de travail.

    Cependant les cadres, mme clibataires, peuvent bnficier d'un logement puisque la rpartition se fait suivant le statut social. De plus les femmes

    1 ) Chiffres cits par BENAMRANE, D., dans : "Crise de l'habitat - Perspectives de dveloppement

    socialiste en Algrie",CREA, 1980.

  • 12

    divorces arrivent, dans la majorit des cas, conserver le logement au dtriment de leur mari si elles ont des enfants dont la garde leur a t confie par la justice.

    Cette situation explique le nombre lev de mariages non consomms ; en attendant le logement les poux continuent, chacun de son ct, habiter avec ses parents. Le mariage en blanc tant exclu puisque cette pratique n'est pas courante dans la socit algrienne. Mais certains mariages non consomms par manque de logement et qui se terminent par un divorce, ne sont-ils pas une autre forme de mariage en blanc que nous connaissons dans les pays occidentaux.

    Le dficit en logements devient chronique et va en s'aggravant.

    Population en millions Parc immobilier (y compris les constructions prcaires)

    1966 12. 1 980.000

    1977 17. 2 288 000

    Source (1). Ceci en ayant l'esprit qu'assez souvent l'habitat prcaire est considr par

    les autorits comme nfaste donc dtruire dans le cadre des oprations d'assainissement.

    La crise commence dpasser le seuil de tolrance et crer des tensions capables de remettre en cause l'efficacit du modle de dveloppement conomique et social mis en place.

    Si le T.O.L. (2) situ au-del de 7,5 personnes est considr comme rvlateur d'une situation en crise, en Algrie, s'il tait 6,1 en 1966 et 7,9 personnes en 1977, il est la fin de 1979 de l'ordre de 8 personnes par logement et n'a cess depuis d'augmenter.

    . Sur le plan des ralisations de logements, la situation n'a cess de se dgrader en raison de la faible disponibilit des capacits de ralisation et de la

    1 ) BOUBEKEUR, Sid, "Logements urbains en Algrie, Crise et Perspective", Thse 3me Cycle,

    Lyon, 1985 2 ) T.O.L. : Taux d'Occupation par Logement

  • 13

    hausse des cots. La proportion des investissements consacrs l'habitat s'lve 7,8 % par rapport l'investissement global avant 1974, et 7,9 % en 1974 et 1978 (1). En outre, les cots de ralisation dans le secteur des B.T.P. ont, en une dcennie, augment de 275 % (2). En 1969, le logement de 70 m2 valait 56.000 D.A. et en 1979 le mme logement est ralis 210.000 D.A. Cependant, ces prix varient d'une wilaya une autre comme l'indique le tableau suivant :

    Wilaya Prix moyen m2 Wilaya Prix moyen m2

    Saida 949 DA./m2 Constantine 1729 DA./m2

    Setif 1137 DA./m2 Oran 1738 DA./m2

    Batna 1250 DA./m2 Annaba 1879 DA./m2

    Tlemcen 1573 DA /m2 Alger 2141 DA/rn2

    Ces cots n'ont cess d'augmenter depuis. Benhachenou cite le cas des socits nationales trs importantes telles que la SONATIBA et l'ECOTEC qui ralisaient en zone urbaine entre 1000 et 1100 D.A./m2 des logements en 1975 et les ralisaient en 1978 2400 D.A/m.

    Ces augmentations de cots de ralisation ont plusieurs raisons dont les plus importantes nous semblent tre la non matrise technologique (dans la prfabrication industrielle), les surcots (immobilisation des moyens de production trs longue, organisation des chantiers non rationnelle), les contraintes financires (irrespect d'engagements contractuels), les contraintes d'approvisionnement (la distribution des matriaux de construction est subordonne la production locale et aux importations). Le tableau sur les cots moyens du m nous indique que le prix est faible dans les petites villes par rapport aux grandes agglomrations. En plus des raisons dj voques, la

    1 ) BENACHENHOU, A., (1980), Planification et Dveloppement en Algrie, 1962-1980, O.P.U,

    Alger. 2 ) Rapport M.H.C. "Les cots du secteur des B.T.P", octobre 1978.

  • 14

    tension sur les matriaux de construction est plus importante dans les grandes villes et la main-d'oeuvre est plus disponible dans les petites villes.

    Ces augmentations du prix de production du m vont se rpercuter sur les loyers. Dans un premier temps, les loyers sont sensiblement faibles et assez homognes, mais ces dernires annes les loyers des nouveaux logements reprsentent une charge importante pour le revenu des mnages. Des diffrentes pressions sociales sur le Ministre de l'Habitat et de la Construction, il a t dcid de diminuer les loyers des nouveaux logements tout en augmentant les loyers des logements anciens. Cependant, ces augmentations et ces diminutions varient d'une ville une autre et d'une zone une autre.

    Pour le ciment, matriau utilis aussi bien dans le monde rural qu'en milieu urbain, en 1979 les importations ont reprsent 753 713,45 tonnes, soit 40,2 % du tonnage global.

    Si en 1980, les prvisions de distribution taient de 2.000.000 de tonnes, seuls 60 % ont pu tre livrs car le programme prvisionnel d'importation n'est pas respect. Ainsi, nous constatons que, d'une part la population augmente d'une manire trs importante, alors que la ralisation du logement dcrot. En 1966, il a t produit 147,56 logements pour 1.000 habitants et en 1977 : 130,32 logements (1).

    Cette approche quantitative nous montre bien qu'il y a situation de crise pour le logement en Algrie. Et cette crise ira en s'accentuant dans la mesure o les projections dmographiques font apparatre une population de 35 871 000 en l'an 2000, avec une population urbaine de 18 114 000. Cette population jeune (60% de moins de 20 ans) aura besoin de se loger dans des conditions dcentes, mais vu les capacits de ralisation tant prives que publiques, il nous semble illusoire d'avancer un pronostic optimiste.

    Mais cette crise ne s'est pose que tardivement, c'est--dire lorsqu'elle a touch toutes les couches de la population et en particulier la couche moyenne. Elle n'est pas ressentie ni perue avec la mme intensit par les diffrentes couches de la population.

    1 ) D'aprs Benachenhou, op. cit.

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    1.1. PRSENTATION DE NOTRE CHAMP D'TUDE Ancienne capitale de l'Est algrien, Constantine a jou un rle trs

    important sur le plan administratif, conomique et culturel. Il y a concentration d'units industrielles dans la commune et cration de directions rgionales de 1962 1973 pour le renforcement de son rle rgional comme "une mtropole - relais d'Alger" (1).

    Mais la nouvelle mthode d'amnagement du territoire mise en place a pour but essentiel de renforcer l'industrie qui est perue comme lment structurant par excellence dans les nouvelles wilayas afin de rduire le rle de Constantine et les tensions qui s'exeraient sur elle. Ainsi, l'implantation de grands ples industriels tant Annaba et Skikda que sur les hautes plaines, et le dcoupage administratif de 1974 vont rduire l'influence de Constantine (2). Elle n'offre plus de dbouchs pour les ruraux en qute de travail.

    Quant au secteur de l'habitat, l'A.P.C. (3) de Constantine en dresse un tableau alarmant de la situation qui prvaut dans le secteur (4). En 8 ans les ralisations publiques sont de 2.800 logements dont la majorit n'a pas t attribue la population autochtone ; car "la ralisation d'importantes units industrielles et de l'Universit ont ncessit la mise la disposition des techniciens et enseignants d'une bonne partie de ces logements".

    A ce manque de ralisation s'ajoute le problme des logements prcaires et des bidonvilles. Dj en 1964, le recensement indiquait 87 410 personnes habitant dans ces conditions.

    1 ) BENDJELID, in Revue Franaise d'Etudes Politiques Mditerranennes, 2me et 3me trimestre

    1978. 2 ) De 15 wilayas, on passe 31 dont 9 wilayas dans l'Est algrien lors du dcoupage

    administratif de 1974 3 ) A.P.C. : Assemble Populaire Communale

    4 ) Situation des sinistrs et de l'habitat Constantine : A.P.C. de Constantine Janvier 1978.

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    En 1978 les situations sont de 165 immeubles vtustes dans la mdina pour 3.300 familles, alors qu'une enqute ralise sur les quartiers spontans mentionne une population de 40 000 personnes dans 25 quartiers de ce type (localiss dans des sites impropres l'urbanisation : fonds de ravins et valle humide de l'oued Rummel) (1).

    La population totale de la ville de Constantine tait de 255 070 habitants en 1966 et de 356 109 en 1977 ; en 1982 elle est estime 420 000 habitants. Elle regroupe 60 % de la population de la wilaya. Compar au taux de ralisation du secteur B.T.P, le crot dmographique risque de poser de srieux problmes aux autorits locales. Conscients du danger que reprsentent tous les mal-logs, les lus locaux attirent "l'attention des responsables au niveau ministriel sur cette situation qui s'aggrave de jour en jour, qui rend la population obnubile par ce problme, impermable et insensible aux autres vnements, indiscipline, voire mme agressive" (2).

    Face cette situation, l'A.P.C. opte pour la ralisation de deux cits de transit de 400 logements, El Gamas et El Bir. Ces ralisations provoquent une polmique tant sur la qualit des matriaux que sur les sites retenus. Ce sont des chalets en bois imports du Danemark, sans adaptation aux pratiques de la famille algrienne, et installs la priphrie. La population installe est issue en majorit de l'ancienne mdina ou de ses abords immdiats, lieu central des activits conomiques et centre administratif, elle se retrouve donc rejete la priphrie.

    Concernant l'habitat illicite et les quartiers spontans construits en dur, l'A.P.C tente de les rgulariser par la dlivrance des actes de propritaire foncier et par les travaux de viabilisation. Mais elle se trouve vite confronte un problme, dans la mesure o les habitants actuels ne sont que locataires pour plus de la moiti. Les propritaires sont logs dans les nouvelles cits, donc bien public, et craignent que la rgularisation n'entrane pour eux la perte d'un

    1 ) MESKALDJI, Mmoire de D.E.A, I.S.T. Universit de Constantine, 1972

    2 ) A.P.C. de Constantine, op. cit.

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    logement et d'une source de revenu. Le terrain appartient soit un priv - et la transaction a eu lieu sous seing priv - ; soit la commune et occup illgalement. Le prix propos par la commune dans le cadre de la rgularisation est de l'ordre de 70 DA /m2

    .

    Cependant, les nouvelles dispositions rglementaires vont contraindre les propritaires acheter le terrain et participer aux V.R.D. Dans le cas d'un refus, le propritaire est purement et simplement expropri dans le cas o sa construction n'empche pas la ralisation du plan d'amnagement.

    1.2. QUELQUES DONNEES SUR L'HABITAT

    Pour mieux apprcier cette situation, nous nous proposons d'analyser les chiffres du recensement national de 1977. La superficie de Constantine est de 400 000 ha, mais l'emprise au sol des constructions n'est que de 3 500 ha. Elle est construite sur un rocher de calcaire entour par les gorges de l'Oued Rhumel. Si le site a permis la ville de se dfendre au cours de l'Histoire contre les diffrentes invasions, aujourd'hui cela devient un handicap dans la mesure o l'extension de la ville ne peut se faire qu'en utilisant les terres agricoles ou bien "sortir" vers les communes limitrophes : le Hamma, El Khroubs ou Ain Smara.

    1.2.1. Le parc immobilier Du rsultat du recensement de 1977, il ressort que seulement 20 % des

    constructions ont t ralises aprs 1966. Ce chiffre nous indique bien que le taux de ralisation reste en de des besoins en logements mais, compar au taux national moyen, il reste dans les normes. La situation de dficit est ressentie ici comme dans les autres communes du pays.

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    Rpartition des constructions totales selon la date d'achvement

    Agglomrations Agglomrations Hameau EparsTotal Chef-lieu de secondaires

    commune

    Avant 1966 18 816 15 932 154 5 725

    Aprs 1966 4 336 3 872 46 418

    Non dclars 15 13 2

    Total 23 167 19 817 200 5 1 145

    Source : Recensement gnral de la population et de l'habitat 1977. Ministre de la planification et de l'Amnagement du Territoire.

    80% des logements raliss aprs 1966 sont concentrs dans le chef-lieu et sont surtout des ralisations programmes dans le cadre du logement collectif par les pouvoirs publics.

    Dans les constructions en pars, nous retrouvons plutt le secteur priv. Le parc immobilier est, en 1977, trs ancien et dgrad. Les conflits entre les organismes gestionnaires et les locataires n'ont pas permis un entretien adquat. Pour la Mdina, l'tat physique est de plus en plus vtuste. Les seules interventions de l'Etat dans cette partie de la ville ont consist en la destruction des lots menaants et la transformation de l'espace rcupr en aires de stationnement ou en march.

    Considre comme source de diffrents maux (dlinquance, zone endmique de certaines maladies contagieuses, difficults financires), la Mdina s'croule. On remarque, de plus, que les locataires sont pour la majorit en situation d'attente parce que leurs aspirations sont de trouver un logement dans les constructions rcentes. Ceci a favoris une pratique trs dangereuse de la part de la population : pendant la saison des pluies, on dtruit ou la toiture ou certains pans de murs pour pouvoir tre class parmi les personnes vacuer. Ceci leur permettra aprs un passage dans une cit de transit, plus ou moins long, d'tre relogs en priorit dans des logements neufs.

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    Cette pratique a pris une telle ampleur que pendant la saison des fortes pluies et en cas d'vacuation de population, nous avons remarqu que mme les personnes habitant d'autres quartiers se prcipitent vers les premires tentes de la cit de transit afin d'tre attributaires d'un logement. C'est l une des multiples pratiques que la population a trouves pour pouvoir tre parmi les personnes bnficiant du parc immobilier neuf et dtourner les mesures mises en place par le gouvernement pour l'attribution de logements.

    Car si le problme du logement se pose avec acuit pour les habitants des bidonvilles et de la Mdina, l'entassement dans les autres quartiers o l'on remarque la prsence de deux mnages, sinon plus, dans un mme logement, oblige ceux-ci utiliser toutes les possibilits pour sortir de cette situation.

    Parfois, le dplacement vers d'autres localits o les conditions d'tre log sont meilleures, ne dure pas longtemps. En effet, une fois le logement acquis, les mnages prfrent "rentrer" Constantine en procdant un change de logement avec des personnes qui veulent la quitter pour plusieurs raisons. Surtout les professions librales : mdecins, dentistes, avocats, dont l'installation Constantine n'est plus intressante (concurrence trs forte).

    1.2.2. Les diffrents types d'habitat Sur le plan morphologique, l'espace urbain de Constantine prsente un

    aspect trs spcialis. Ces diffrents types de morphologie correspondent des occupations dates. Constantine prsente en effet une "structure pulvrise" (cf. carte) : au centre la Mdina avec ses tracs du rseau de circulation trs dense, sans hirarchisation aucune et des maisons patio, et quelques palais turcs vestiges de l'occupation. Ce quartier est construit avant 1937 et regroupe les rsidences populaires, les commerces et l'administration. Ds 1937, la ville sort du rocher et se prolonge par des faubourgs avec des constructions de type europen. Six ponts relient ces diffrentes extensions, en enjambant l'oued Rhumel, la vieille ville dont la place de la Brche reste le noeud gordien de toute la circulation urbaine. Toutes les activits administratives, commerciales, culturelles sont situes autour de cette place centrale.

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    Nous remarquons que les quartiers rsidentiels, populaires et aiss se situent au nord-est et au sud-ouest, alors que l'habitat prcaire occupe les terrains accidents et impropres la construction.

    Les cits de transit sont rejetes hors de la ville, l'est. Quant aux quipements collectifs, mis part ceux installs au centre de la

    ville avant l'indpendance et de loin les plus attractifs, de nouvelles ralisations ont t intgres aux nouveaux quartiers dont les plus importants et les plus frquents sont les grandes surfaces commerciales de Sidi Mabrouk et du Polygone.

  • 22

  • 23

    1.2.3. Le taux d'occupation par logement Ce taux n'a fait qu'augmenter depuis le dernier recensement. En effet, plus

    de 37 % des logements sont occups par des mnages de plus de huit personnes. L'augmentation du nombre de logements entre 1966 et 1977 n'est que de 24,73%, ce qui fait passer le T.O.L de 6,6 7,2 personnes.

    Cependant, cette augmentation touche principalement les quartiers les plus anciens : Souika, Charaa (vieille ville), les cits Filali, Fadila Saadane et les zones de bidonvilles, de lotissements illicites et d'autoconstruction prive - c'est--dire le long du trac de l'oued Rhumel - cit Bentelis, avenue de Roumanie, "New York".

    A ceci s'ajoute le type de ralisation retenu dans le secteur public o le F3 est dominant, contrairement la composition familiale o les familles nombreuses restent importantes.

    Rpartition des logements selon le nombre de pices

    Agglomrations Agglomrations Hameau EparsTotal Chef-lieu de secondaires

    commune

    1 pice 16 738 16 286 37 1 414

    2 pices 14 289 13 705 104 4 476

    3 pices 11 017 10 868 20 129

    4 pices 5 715 5 615 26 74

    5 pices 1 661 1 648 5 8

    6 pices 559 543 5 11

    7 pices 330 326 4

    Non dclars 105 105

    Total 50 414 49 096 197 5 1 116

    Source : Ministre de la Planification et de l'Amnagement du Territoire. Recensement gnral de la population et de l'Habitat, 1977.

    Dans cette rpartition, les cuisines ont t exclues, ce qui parfois ne reflte pas les habitudes des familles cohabitant dans le mme logement. La cuisine, le

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    couloir sont utiliss le soir pour dormir. L'utilisation de lits pour l'ensemble des membres du mnage n'est pas gnralise, ce qui permet la disposition de matelas mme le sol pour utiliser un maximum d'espace.

    De plus, la fermeture du balcon dans les logements type Sonatiba permet aux locataires de rcuprer l'quivalent d'une pice.

    De plus, les buanderies des terrasses sont facilement rcupres par certains locataires pour y installer leurs enfants.

    La loi de cession des biens de l'Etat n'a pas connu une adhsion populaire trs importante. Ceci est d en partie la non comprhension des textes par la population. Ce n'est qu' partir du moment o les mass mdia ont fait un effort d'explication que nous remarquons une demande de la part des occupants. De plus, les pouvoirs publics ont d faire plusieurs campagnes d'explications au niveau des cellules du Parti, et aussi et surtout des abattements consquents sur les prix de vente. Comme dans les autres wilayas, ce sont surtout les locataires de biens usage professionnel qui ont rpondu les premiers. Mais les locataires de logements collectifs montrent une certaine hsitation se prononcer, contrairement aux locataires de pavillons.

    Sur l'ensemble de la wilaya, il a t recens 33 536 logements et locaux usage professionnel grs par le secteur public, dont 85 % Constantine (1). A la fin de 1983, il n'a t enregistr que 1000 demandes d'intention d'achat, ce qui reflte bien les hsitations de la population.

    Quant la vente de lots de terrain btir, la tendance est tout autre puisque le nombre de demandes dposes auprs de l'A.P.C (2) dpasse largement les lots disponibles. Cependant, nous remarquons que pour les zones forte valeur sociale la demande est trs forte.

    1 ) Donnes recueillies auprs des Domaines qui ont men une campagne de recensement grce

    l'apport des jeunes du Service National. 2 ) A.P.C. : Assemble Populaire Communale (Mairie).

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    Lieu d'implanation Nombre de demandes dposes Nombre de lots attribus

    Djebel Ouahch 5000 936Polygone 6000 527

    Sarkina 664 1136

    Sidi M'Cid 630 64

    El Moma 1000 286

    Source : A.P.C. de Constantine.

    On remarque dans ce tableau que la tendance de la population est de construire dans les nouveaux quartiers rsidentiels situs respectivement l'ouest et au nord-est de Constantine. Ces quartiers sont le prolongement d'anciennes cits dites "europennes" : Bellevue et Sidi Mabrouk suprieur.

    A la lecture de ce tableau, s'il apparat que trs peu de demandes sont dposes pour le lotissement de Sarkina, ceci est d au fait que plusieurs coopratives immobilires sont installes sur cette zone, d'o le nombre rduit de demandes individuelles.

    Plusieurs demandes peuvent exister pour une seule personne dans les diffrentes zones. Ainsi on augmente ses chances d'tre retenu sur l'un des lotissements. De mme il existe des cas o les membres d'une mme famille sont attributaires de deux lots : l'un des lots btir est revendu au prix fort, et le second servira la ralisation d'une construction plusieurs niveaux pour les diffrents mnages de la famille.

    Mais les coopratives immobilires runissent des personnes de mme niveau social puisqu'elles s'organisent librement avec une majorit de personnes d'un mme organisme ou de la mme corporation (agriculture, finances, bijouteries, etc...).

    Ainsi, 32 coopratives ont t agres par les services techniques et les travaux de ralisation entams, 16 autres taient en instance d'agrment par manque de terrain. Il faut noter que les superficies attribues par lot varient entre 264 et 420 m. Si dans le cadre des attributions individuelles, les superficies se

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    rapprochent plus du minimum, l'intrieur des coopratives le lot le plus petit atteint 312 m.

    L'intgration une cooprative immobilire est trs slective puisque les membres se runissent en fonction de certaines affinits et aucune publication n'est faite l'intrieur du mme organisme. En outre, le nombre de lots accords par l'A.P.C est en de du nombre des cooprateurs. Si le dossier dpos est fait au nom de l'administration ou de l'organisme employeur, la cooprative est agre sous une autre dnomination et un nouveau contenu social. En effet, devant les prix de ralisation trs importants, les cooprateurs qui se dsistent sont remplacs par des personnes de l'extrieur.

    Le prix de vente de ces lots de terrain a t fix 100 D.A le m2.

    Les nouvelles coopratives immobilires sont dsormais implantes en dehors du primtre urbain de Constantine. Les communes limitrophes (Ain Smara, Le Hamma, Ibn Ziad) sont tenues de remettre la commune de Constantine des lotissements qu'elle se charge de distribuer aux cooprateurs ou aux individus habitant Constantine.

    Dans le cadre des lotissements collectifs, l'Office National du Logement Familial ralise trois ZHUN implantes Sarkina, au Polygone et Djebel Ouahch, contenant respectivement 10 750 logements, 5130 logements et 1.680 logements en 1979. Paralllement, l'A.P.C a programm la viabilisation de 13 cits dont la majorit est constitue d'habitat illgal en dur

    A la fin du mois de mai 1986, les trois organismes publics gestionnaires du parc immobilier O.P.G.I, S.L.W et O.N.L.F (1) avaient un total de 33 536 logements et 2954 locaux usage commercial.

    1 ) O.P.G.I : Office de la Promotion et de la Gestion Immobilire

    S.L.W : Socit de Logements de la Wilaya O.N.L.F : Office National du Logement Familial. Il faut signaler qua la S.L.W gre le parc acquis en

    1962 et qu'on appelait biens vacants.

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    Organismes Logements Locaux

    O.P.G.I 22 973 1 087

    S.L.W 5 277 1 508

    O.N.L.F 3 332 359

    1.3. LES FILIERES DE PRODUCTION DU LOGEMENT ET LES FILIERES D'AFFECTATION

    1.3.1. Les filires de production du logement L'Algrie est l'un des rares pays du Tiers-monde o le sol est nationalis.

    Par l'ordonnance de 1966, une grande partie du sol devient proprit de l'Etat et en 1974 il y a transfert du statut juridique du domaine de l'Etat vers les collectivits locales. Ainsi, toutes les transactions entre particuliers sur les terrains l'intrieur du primtre communal sont geles, exception faite pour les successions. Mais les terrains des particuliers sont limits aux seuls besoins familiaux : 20 m2 par personne et par famille de 8 20 personnes maximum. C'est donc partir de cette date qu'une politique de gestion foncire voit le jour par la cration d'un ministre de l'Amnagement du territoire et d'un ministre de l'Habitat, de la construction et de l'urbanisme. Ce sont donc les wilayas et les communes qui grent l'espace rgional et cdent des lots viabiliss aux Ministres. Par cette loi, l'Etat devient le seul gestionnaire du sol urbain et par l mme le plus grand ralisateur de logements.

    1.3.1.1. Le secteur public

    Il est surtout reprsent par deux organismes nationaux :

    - l'O.P.G.I (Office Public de Gestion Immobilire) dont la vocation est d'acqurir des terrains et de raliser des logements destins la location. Il gre l'ancien patrimoine H.L.M ;

    - tandis que l'O.N.L.F regroupe les socits nationalises aprs l'indpendance (C.I.A., MAFAL, Logis Familial) et ralise des

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    logements destins la location-vente ou la vente suivant la procdure de l'pargne logement.

    - les entreprises publiques et les administrations se font attribuer des terrains pour construire des logements, destins leurs cadres. C'est le systme locatif, mais les administrations offrent ces logements titre gratuit, "logements de fonction", pour attirer vers elles les meilleurs techniciens. Devant l'ampleur de la crise - et les offres d'emplois publies par la presse le prouvent -, avant de mentionner le salaire, le logement est indiqu en premire ligne. La mobilit des cadres et techniciens suprieurs (seuls bnficiaires du logement de fonction) est fonction des possibilits d'tre logs.

    Ces logements sont raliss par des socits nationales sous tutelle du ministre de l'Habitat, dont les moyens de ralisation sont importants : ECOTEC, SONATIBA, D.N.C, ESTE... Ces entreprises interviennent sur tout le territoire national et prennent des risques financiers dans la mesure o le paiement est assez souvent source de retard dans les chantiers.

    Les Socits de Wilaya interviennent gnralement dans les limites de la wilaya pour de petits chantiers. Quant aux entreprises communales, leur rle est surtout la construction des logements d'accompagnement (pour les coles par exemple).

    1.3.1.2. Le secteur priv

    L'approche de ce secteur est difficile dans la mesure o les statistiques font dfaut et le cadre juridique reste assez flou. Car le problme principal est de savoir si cette production immobilire est faite dans le but de satisfaire ses propres besoins en logements ou bien est-ce l'investissement d'un capital dans la perspective d'une valorisation. Si certains chiffres publis montrent une part importante du secteur priv dans la production de logements, plus de la moiti sont raliss sans permis de construire, donc d'une manire illgale.

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    a- La production prive lgale

    C'est celle qui s'accapare des lots de terrains dans le cadre des rserves foncires ou bien par succession. Elle ralise de petits immeubles ou pavillons qu'elle loue dans la plupart des cas des socits trangres ou des nationaux des prix exorbitants puisque le loyer est libre depuis l'ordonnance du 26 septembre 1975. Mais on ne dclare qu'une partie du loyer afin d'chapper au service des impts, parfois .mme le loyer est pay l'tranger en devises.

    Cependant, ces promoteurs immobiliers ont trouv une pratique qui leur permet de n'engager qu'une partie infime du capital. C'est le futur locataire, en l'occurrence les socits trangres, qui ralise la construction et la finance, et obtient en change un usufruit proportionnel aux investissements faits. C'est l un modle de promotion immobilire unique qui permet au propritaire de faire un profit important.

    b- La production prive illgale

    Elle se prsente sous diffrentes formes puisque le logement construit peut tre une baraque ou de grandes villas pouvant coter des millions de dinars. Lors des "campagnes d'assainissement" dans les grandes agglomrations, si on a dtruit des bidonvilles, les pouvoirs publics n'ont pas hsit donner "l'exemple" en dtruisant et en expropriant des pavillons de grande valeur.

    Cette production se dveloppe sur des terrains publics appropris illgalement ou envahis, mais dans certains cas le propritaire est en possession d'un permis de construire dlivr par les services de la municipalit alors que le terrain n'a fait l'objet d'aucune transaction officielle. Devant la dfaillance du service public, l'Etat arrte les destructions des villas et tente de rgulariser la situation en faisant payer au propritaire un impt trs fort. Quant au logement type bidonville, il est ras puisque "insalubre" .

  • 30

    Photo no 1

  • 31

    Situation des programmes de dveloppement

    Secteur Habitat Wilaya de Constantine

    Programme Nombre de logements Achevs En cours

    1er Plan quadriennal 4 188 3 713 475Spcial Mila 630 6302me Plan quadriennal 22 476 7 042 15 276

    S/total anciens Plans 27 294 10 755 16 381Plan quinquennal - Ralisation 2 684 1 000 - Etude 4 400 4 400 S/total 7 084 0 5 400

    Total gnral 34 378 10 755 21 781

    Source : Direction des statistiques M.P.A.T, novembre 1981.

    1.3.1.3. L'autoconstruction

    Elle s'adresse surtout aux dshrits en milieu rural et semi urbain. La commune fournit l'attributaire en matriaux de construction pour l'quivalent de 35 000 D.A et lui cde un terrain. Les attributaires s'organisent soit par l'entraide familiale, soit entre eux en dehors des jours de travail, soit en recrutant un maon pour construire leur maison.

    Cette formule connat elle aussi des abus puisque les bnficiaires ne sont pas forcment les plus ncessiteux et l'argent allou peut servir la ralisation de somptueuses villas.

    Ce sont les petits entrepreneurs privs qui ralisent ces chantiers car le paiement des prestations de service est garanti l'avance, contrairement la construction publique o les lenteurs administratives font courir des risques financiers aux entreprises de ralisation.

  • 32

    Pour encourager la construction, l'Etat exonre les particuliers de l'impt foncier pendant une priode de 10 ans. Mais la loi des finances de 1983, limine toute exonration dans la mesure o la construction comprend un local destin un usage commercial "afin que l'avantage fiscal accord aux auto constructeurs ne soit pas dtourn de ses objectifs" (1). La solution est dj trouve pour dtourner la loi, l'habitat individuel comprendra sur le plan un garage qui servira plutt de magasin ou d'entrept plus tard.

    Cependant, cette situation va rapidement tre bouleverse par la promulgation du dcret portant sur la promotion immobilire publique et prive (2). Nous essayerons surtout de voir quelle couche de population rpond cette loi, et voir comment le capital priv, jusqu' prsent absent, va s'imposer ; et quelle sera la place du logement dit "social".

    1.3.2. Les filires d'attribution Avant que n'interviennent les dcrets concernant la promotion immobilire

    publique et prive, l'affectation des logements raliss suivait une orientation bien tablie. En effet, dans la mesure o l'Etat tait promoteur et gestionnaire, toutes les affectations se faisaient par lui ou ses reprsentants.

    Pour mieux expliquer le processus, nous prenons l'exemple de la wilaya. Une commission d'attribution se runit pour procder l'affectation des logements, non aux futurs locataires, mais aux administrations et aux organismes publics. Cette affectation sera prononce par un procs-verbal qui dterminera le quota de logements mis la disposition de chacun.

    Ensuite, intervient la Commission propre chaque organisme, qui dcide de l'octroi des logements aux fonctionnaires en fonction de critres qui varient d'un organisme un autre. Cependant, les directeurs des organismes se gardent le droit de loger en priorit les cadres. Ainsi sont logs en priorit les cadres qui parfois changent de socits pour pouvoir bnficier d'un logement. La priorit pour les cadres n'est plus une ambiance de travail ou une possibilit de

    1 ) Algrie-Actualit, 20-26 mars 1986, n 1066 Journal Officiel du 5 mars 1986.

    2 ) Journal Officiel du 5 mars 1986.

  • 33

    promotion professionnelle, mais plutt la possibilit d'avoir un logement de fonction.

    La catgorie professionnelle la plus favorise reste donc celle des cadres suprieurs qui, forts de leur situation, arrivent conserver leur logement tout en quittant l'organisme et, de fait, se retrouvent attributaires de deux trois logements dans des wilayas diffrentes. Cette situation n'est cependant pas trs rpandue mais permet de constater que les cadres suprieurs et les agents de service ont accs de la mme faon au logement.

    Paralllement cela, une indemnit de logement est attribue par l'entreprise aux cadres, et qui peut atteindre 15% du traitement.

    La Commission d'attribution de logements, qui est prside par la wali (prfet), a pour rle de dterminer les quotas de logements neufs rpartir sur les entreprises et les administrations installes sur le territoire de la wilaya. Elle rserve un quota la commune qui se doit de les attribuer aux personnes dont la situation sociale est prcaire. Cependant, pendant les campagnes d'assainissement, un quota relativement important est rserv aux citoyens dont les bidonvilles ont t dtruits.

    L'affectation des logements se fait donc par les structures politiques, et chappe aux organismes ralisateurs comme aux offices gestionnaires.

    Quant aux sans-travail, l'octroi de logements se fait par le biais des services techniques de la commune.

    Une fois la distribution faite, la gestion de ce patrimoine est confie l'office des H.L.M.

    Comme nous venons de le voir, le problme essentiel rside dans l'affectation des logements qui, partir de la loi de la cession des biens de l'Etat, va permettre toute une lite professionnelle de s'accaparer en proprit un ou plusieurs logements, et se permettre une opration spculative assez intressante. Cette situation nous rappelle l'opration qui a consist vendre les vhicules de service des organismes publics aux cadres suivant une valuation faite par le service des Domaines. Mais le plus intressant est de constater qu'une fois l'valuation faite, la remise neuf du vhicule s'est faite par les

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    entreprises elles-mmes. Quand on sait le prix d'un vhicule sur le march libre et les prix pratiqus par les Domaines, nous sommes en droit de dire que ce fut l un "cadeau" fait par l'Etat aux cadres, dans le but de bien asseoir sa politique et de faire bnficier cette catgorie socioprofessionnelle des gratifications ncessaires leur qualit de groupe social "lgitimant" toutes les dcisions politiques prises au nom du tous.

    Prenant conscience de l'ampleur de la demande en logements, l'Etat, par l'Instruction prsidentielle de novembre 1973, prconise la vente aux pargnants de la CNEP (1) 60 % des logements raliss. Cette instruction va donner une impulsion trs forte l'pargne puisque "de 1976 1979, la collecte de l'pargne quivalait chaque anne en moyenne au volume de l'pargne draine pendant la dcennie 1966 1975 inclus" (2). Cependant cette formule "pargne-logement" connat elle aussi des restrictions et ne peut rpondre l'ensemble de la population.

    La CNEP offre des prts remboursables sur 21 ans un taux d'intrt de 3 6 % selon la tranche de revenus. Cependant le prt n'est accord qu'aux personnes ayant pargn pendant au mois deux ans et dpos 20 % du cot de la construction, d'o une tranche minime de l'pargne qui va au financement du logement qui s'lve, selon certaines tudes, 4 % des pargnants, surtout si l'on sait que le cot moyen de la construction se situait entre 220 000 et 300 000 dinars l'poque.

    Ce prt maximum ne peut dpasser 320 000 D.A. Pour un taux d'intrt moyen de 4 %, l'chance mensuelle de remboursement est de 2 085,96 D.A, ce qui suppose un salaire de 5 000 6 000 D.A. par mois. Sachant que le salaire moyen est de 1 400 D.A./mois, "c'est l'pargne de ceux qui ont le plus besoin de logements et le moins de moyens, de loin les plus nombreux, qui finance le logement d'une minorit qui peut rpondre aux critres d'admission" (3).

    Il faut prciser que le montant des revenus est un lment essentiel pour

    1 ) CNEP : Caisse Nationale d'pargne et de Prvoyance.

    2 ) Etude de l'INERBA, Alger, 1981.

    3 ) D. Lesbet, cit par GALILA El Hadi in "La dmocratisation du logement en Algrie - Discours et

    pratiques", Revues pratiques urbaines, N 2.

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    l'octroi d'un prt lev. Donc aux revenus levs, on donnera les plus grands prts.

    L'accessibilit au logement est donc possible, surtout pour les couches aises de la population.

  • 36

    LES OPERATEURS INSTITUTIONNELS DANS LE CADRE URBANISTIQUE

    - Ministre de l'Urbanisme, de la construction et de l'Habitat. GOUVERNEMENT Dcrets ordonnances PARTI FLN

    - Conseil des Ministres. Dfinit toutes les

    politiques du pays, - Conseil excutif de wilaya - Direction de l'Urbanisme, de WALI Arrts de wilaya contrle toutes la Construction et de l'Habitat (D.U.C.H) les assembles COMMISSION DE CHOIX DE TERRAINS Elues.

    - Direction de l'Urbanisme Dlibre sur l'ensemble A.P.C des interventions sur - Bureau d'Etude son territoire

    * Le permis de construire est dlivre par l'A.P.C, mais la D.U.C.H donne un avis sur tous les dossiers pour la conformit. * La commission de choix de terrain, compose des membres de l'excutif et des autres intervenants, propose des terrains pour

    toutes les ralisations de grande Importance.

  • 37

    1.4. LES NOUVELLES ORIENTATIONS URBAINES

    1.4.1. Les rserves foncires A partir du moment o la crise du logement commence toucher l'ensemble des

    couches de la population, l'Etat met en place un certain nombre de mesures pour essayer de rpondre aux besoins nouveaux. Le dficit serait de l'ordre de 1 000 000 de logements alors que le secteur public n'en ralise que 5000 par an. Le gouvernement se propose de raliser 100 000 logements par an jusqu'en 1990 pour atteindre 200 000 partir de cette date. Dans ces propositions, tous les secteurs de production de logements sont pris en considration. Afin de permettre au secteur priv d'intervenir, la loi sur les rserves foncires est promulgue ds 1974, qui stipule que les communes sont tenues de viabiliser et de mettre en vente 200 lots de terrains par an. Cette opration ne sera en action que vers les annes 80 puisque les communes connaissent des problmes sur le plan technique ; comme ce retard a permis certaines personnes proches du pouvoir de dcision de se rserver les meilleurs lots.

    Cette loi permet donc tout citoyen ayant les capitaux ncessaires, de construire son logement en achetant au pralable son terrain auprs de l'A.P.C ; sinon de s'intgrer dans une cooprative immobilire pour bnficier d'une attribution collective.

    Connaissant le prix de ralisation d'un logement, comme la difficult de se faire attribuer un lot de terrain, nous essayerons de voir comment cette loi va acclrer la sgrgation spatiale, puisque ne sont concernes par cette attribution que les couches aises de la population. De plus l'attribution est fonction de la position qu'on occupe par rapport au pouvoir de dcision et non par le jeu de l'offre et de la demande.

    Le prix du terrain est artificiel et ne peut rendre compte de la thorie de la rente : c'est un prix social et non un prix de march. Les coopratives immobilires ne sont-elles pas en fin de compte "des marchs immobiliers de l'illusion" car seules les personnes fortes conomiquement ou politiquement peuvent y accder, et les autres "peuvent rester d'ternels candidats".

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    Notre analyse nous montre que l'implantation de ces coopratives immobilires par rapport aux quipements socio-conomiques existants ou en projet, aux transports et au centre de la ville est des plus judicieuses.

    1.4.2. La cession des biens de l'Etat En fvrier 1981, l'Etat dcide de vendre l'ensemble des biens immobiliers lui

    appartenant, soit environ 22,5 % du parc immobilier total. Il est destin aux locataires qui ne sont pas tenus d'acheter leur logement.

    L'objectif de cette loi est de permettre l'accession la proprit prive des familles faibles revenus, de dcharger les services publics des tches d'entretien et d'inciter les occupants la mise jour de leur loyer. Aussi ne risque-t-on pas de voir la mme situation se reproduire que celle dj vcue en 1964 puisque, dans le cadre de l'achat, le locataire est tenu de payer tous les arrirs et de payer comptant ou par mensualit sur une priode pouvant aller jusqu' 25 ans. Plusieurs situations peuvent se prsenter :

    - Les classes aises se portent sur les logements de standing et surtout les immeubles de grande valeur du centre en proposant de payer les arrirs de loyer, et en offrant au locataire actuel la possibilit d'tre log dans un logement loyer modr.

    - L'Etat prenant des dispositions pour faire "dguerpir" les locataires non solvables afin de permettre un meilleur entretien de l'immeuble.

    Dans le cadre de l'valuation des biens cessibles, nous remarquons que la date de ralisation permet un abattement important sur le prix de vente. C'est ainsi que les immeubles offrant une grande valeur, par leur proximit au centre comme aux commerces, sont moins chers que les logements construits dernirement, de moindre qualit et en priphrie. Pour inciter les locataires acheter, plusieurs tentatives sont faites par les pouvoirs publics :

    - Rduction du prix de vente de 20 %

    - Rduction pour les anciens moudjahidines ou ayants droits - Initialement, l'opration tait limite 5 ans, jusqu'en dcembre 1985 - Augmentation des loyers partir de cette date.

  • 39

    Mais devant la faible adhsion des occupants cette formule, l'Etat recule sur un certain nombre de points. Le mois de dcembre 1985 n'est plus date limite, l'augmentation des loyers n'aura pas lieu et l'ensemble du parc immobilier est mis la vente et plus seulement les locaux raliss avant janvier 1981.

    1.4.3. La promotion immobilire Le dcret du 5 mars 1986 va introduire une nouvelle procdure dont les

    caractristiques essentielles sont les suivantes :

    - favoriser l'habitat collectif et semi-collectif,

    - peuvent y participer les collectivits locales, les entreprises, tablissements et organismes publics, les auto-constructeurs particuliers et les personnes physiques ou morales de droit priv,

    - bnfice d'un concours financier remboursable sous forme de crdit moyen terme accord par une institution financire,

    - la vente se fera sur plans aussi bien aux pargnants qu'aux non pargnants,

    - obligation est faite au promoteur immobilier de procder la vente des logements six mois au plus aprs l'achvement des travaux,

    - respect du cahier de charges tabli par la commune d'implantation de l'opration

    De fait, le logement social va tre marginalis et seules les couches solvables pourront accder ce type d'habitat. Ceci procde d'une certaine logique politique puisque la Charte Nationale adopte fin dcembre 1985 ne dsigne plus le logement comme un "droit" pour chaque citoyen, mais l'Etat se propose "de prendre les dispositions ncessaires pour poursuivre et renforcer l'action visant permettre aux travailleurs ainsi qu'aux catgories les plus dfavorises de la population, tant urbaine que rurale, de disposer du logement dans le cadre de programmes conus cet effet" (28).

    Si jusqu' aujourd'hui l'habitat de type social a prdomin, nous pensons que le logement sera surtout produit par la vente et le secteur priv va devenir de plus en

    28 ) Charte Nationale : 1985

  • 40

    plus important dans ce domaine puisque "l'Etat encouragera la participation d'investissements du secteur priv dans la promotion immobilire prive" (29).

    Ds la parution du texte de loi, plusieurs oprations ont dmarr et, Constantine, une entreprise prive est charge de raliser un ensemble rsidentiel comprenant 145 logements, un parking sur quatre niveaux, un htel et un centre commercial avec 40 bureaux. Cette opration a bnfici d'un long article trs dtaill travers la presse nationale pour vanter les mrites de ce promoteur immobilier : "entreprise renomme dans le btiment", "l'extrme soin mis dans la finition des immeubles jusque dans les moindres dtails". Ces articles de presse avaient pour but de sensibiliser aussi bien le secteur priv qui hsitait investir dans ce secteur, que les demandeurs de logements. A priori, cette opration tait rentable pour tous puisque le promoteur voulait "faire bnficier les acqureurs d'un prix de cession modr" et se proposait galement "d'offrir la ville de Constantine une cole primaire" (30)

    Le financement du logement par l'acqureur se fera entirement ds l'acquisition puisqu'il verse 20 % du cot ds le dpt du dossier et 40 % la livraison, le reste tant chelonn en cours de ralisation. L'aspect financier reste trs intressant pour le promoteur puisque, en plus du concours de l'Etat par le prt moyen terme, l'acqureur avance la somme ncessaire avant d'y habiter.

    Ainsi, le rle de l'Etat promoteur immobilier et gestionnaire va disparatre pour "devenir de plus en plus un organisateur et un planificateur" (31). Mais le problme du prix des logements mis en vente reste pos puisque les citoyens le jugent trop cher. Les locataires attributaires de la cit des 200 logements Constantine s'estiment lss puisque les prix ont t fixs 202 264 D.A par la CNEP ses pargnants, alors que le mme type de logement dans la mme cit (F3) a t valu et cd dans le cadre de la loi sur la cession des biens de l'Etat au prix de 57 000 D.A. La diffrence entre les deux prix est trop grande. Mais le plus important pour nous, avant d'aborder sur le terrain cette nouvelle pratique, est de voir comment se sont

    29 ) Idem.

    30 ) El Moudjahid, 15 avril 1986 31

    ) Algrie-Actualit N 28 du 4 dcembre 1985. Enq ute auprs du Wali d'Alger

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    faites les affectations des logements et des lots de terrains avant 1985. Ceci nous permettra de voir quelle catgorie sociale a pu bnficier du logement en priorit.

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    2. CONCLUSION

    La crise du logement en Algrie n'est pas perue par les diffrentes couches sociales au mme degr. En effet, les couches aises n'ont pas connu de contrainte puisque les logements raliss leur ont t destins, que ce soit d'une manire lgale ou par dtournement du foncier public.

    La crise n'est rellement ressentie que par les couches moyennes, mais surtout par les couches infrieures qui n'ont ni les capitaux ncessaires ni les influences indispensables auprs du "Centre" d'attribution pour pouvoir s'imposer.

    Cette situation devrait s'aggraver puisque la conjoncture ne permet plus l'Etat d'investir davantage dans la construction : baisse des ventes ptrolires et gazires. Dj la population s'est rvolte de manire violente pour rclamer l'amlioration des conditions de logement (32) puisque les promesses faites par les autorits publiques n'ont pas t respectes.

    De plus, la libralisation de la promotion immobilire et prive ne peut en aucun cas s'adresser aux couches infrieures dont l'pargne est nulle. C'est cette nouvelle orientation qui confortera la couche sociale aise dans l'largissement de son champ d'accumulation par l'accs au foncier urbain. Le logement sera de plus en plus un enjeu social important entre les diffrentes couches sociales d'une part, et entre les couches aises et les responsables locaux d'autre part.

    Les terrains btir et les logements du centre, forte valeur sociale, seront pris par les groupes sociaux les plus forts conomiquement et politiquement ; tandis que les couches moyennes s'orienteront vers l'habitat collectif en priphrie, tandis que les couches infrieures continueront trouver refuge dans le prcaire.

    Nous pouvons dire que la socit algrienne est en mutation rapide et que la morphologie spatiale nous renvoie une morphologie sociale. La stratification sociale qui se dessine sur l'espace urbain n'est pas alatoire mais rpond bien une rpartition ingale des biens. Cette rpartition ne concerne pas exclusivement les capacits financires, mais aussi la position qu'occupe un groupe social par rapport au pouvoir de dcision.

    32 ) 23 avril - 6 mai : violentes manifestations dans la Casbah d'Alger. Condamnation de 34 personnes

    3 ans d'emprisonnement et 2.000 D.A. d'amende, in Maghreb - Machrek n 109.

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    La rarfaction des terrains btir fera l'objet de luttes de plus en plus dures, car, comme le souligne Laacher : "Et ceux-ci (moyens en instruments et en capital) seront d'autant plus inaccessibles, moins appropriables qu'ils seront rares, [...] faisant ainsi, parce que rares et lgitimes, l'objet d'enjeux et de luttes pour leur appropriation" (33).

    Il s'agira pour nous de connatre les mcanismes d'intgration et d'exclusion des masses aspirant un logement en milieu urbain. L'exclusion se faisant de plusieurs manires dont la plus violente s'exprime travers les oprations d'assainissement : transfert des populations des bidonvilles vers leurs communes d'origine.

    En outre, dans le cadre de notre travail, nous analyserons le processus d'attribution de lots de terrains btir dans le cadre des rserves foncires, surtout en ce qui concerne les coopratives immobilires. Nous valuerons les diffrences entre les prix officiels et les prix de march qui nous indiqueront le transfert de la rente foncire de l'Etat vers certaines catgories sociales privilgies. Ces prix seront fonction de la logique sociale de dtermination des prix qui prend en compte le statut social, les transports et les quipements collectifs.

    Les lois sur la cession des biens de l'Etat ainsi que les rserves foncires, sont dvies de leurs objectifs initiaux car la lutte contre l'utilisation anarchique du sol et contre l'utilisation des terres agricoles n'a pas davantage russi que la construction pour le plus grand nombre. Bien au contraire, ces lois ont permis au capital priv de s'introduire sur le march de l'immobilier.

    Nous analyserons les consquences induites par le changement de statut des logements et les catgories socioprofessionnelles qui s'orientent vers les trois marchs :

    - lotissements dans le cadre des rserves foncires

    - logements dans le cadre des biens de l'Etat

    - logements dans le cadre de la promotion immobilire.

    Une analyse de l'implantation des quipements collectifs nous renseignera sur la valeur sociale des logements construits. Nous pouvons dire que les lotissements des constructions individuelles seront les plus proches des quipements socio-

    33 ) LAACHER, S., (1985), Algrie : Ralits sociales et pouvoir, Ed. LHarmattan, Paris.

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    conomiques et des voies de grande circulation, alors que l'habitat collectif ne comprendra que des annexes. La planification spatiale des autorits locales est-elle dtermine par le souci d'une meilleure gestion du sol urbain ou bien par l'amlioration des conditions de vie pour des couches sociales dtermines de la population. Ceci nous amnera connatre l'attitude des gens vis--vis de l'Etat, et quelles seront leurs pratiques pour l'appropriation de l'espace.

    La nouvelle politique urbaine est un appui au processus de concentration de la rente foncire et immobilire entre les mains de la couche sociale aise. Nous valuerons l'cart entre le discours officiel et les chiffres publis, et les ralits qu'ils recouvrent.

    Le travail que nous proposons nous semble intressant dans la mesure o il se situe une priode o l'espace urbain subit plusieurs transformations. En effet, si les transactions ont t bloques pendant une longue priode sur le foncier, aujourd'hui la demande est telle que le primtre urbain est satur. De nouvelles mesures sont prises pour endiguer cette forte demande mais malheureusement elles arrivent en retard :

    - augmentation du prix du m qui passe de 100 D.A. 300 D.A.

    - plus d'attribution de lots de terrain pour la ralisation de logements individuels. Dans les grandes agglomrations, ne seront agres que les coopratives immobilires devant raliser des logements collectifs ou semi collectifs.

    Nous avons, dans le cas de notre sujet de recherche, un cadre de travail favorable puisque l'ensemble des lots ont t attribus. Ceci nous permettra de voir comment les pouvoirs vont rpondre aux besoins nouveaux de la population en matire de logements, surtout que la baisse des ressources ptrolires ne permet plus de grands investissements.

    En outre, comment la population "va essayer" de se loger prochainement hors des circuits de production de logements mis en place qui sont, pour la majorit d'entre elle, inaccessibles.

    Notre travail aura pour finalit de nous faire connatre les nouveaux enjeux de la politique urbaine en Algrie.

  • 45

    Deuxime partie

    - LA PHASE DE TRANSITION

  • 46

    1. Introduction LAlgrie commence des reformes aussi bien sur le plan politique que sur le plan

    conomique. Apres une priode qui a vu lapplication stricte du centralisme dmocratique interdisant toute intervention du priv sur le march du logement ; le foncier est la proprit de lEtat et aucune dification dhabitat nest permise sauf pour les besoins familiaux.

    Ainsi, dans le cadre dune timide ouverture conomique lEtat prconise la participation des populations la ralisation de leur logement.

    Implicitement, les pouvoirs publics reconnaissent leur chec rpondre aux besoins en logements de la population. Malgr tous les investissements, le taux de ralisation reste en de des prvisions.

    Cette transition vers une ouverture du secteur de lhabitat au secteur priv concerne surtout les futurs acqureurs et non les promoteurs immobiliers durant cette phase.

    LEtat veut toujours maintenir lcart le capital priv pour viter toute spculation. Cependant, nous allons observer que malgr toutes les prcautions prises, des dtournements vont se faire. Le clientlisme tant un lment trs important pour les lections municipales, dou le penchant des lus de servir en priorit les bons relais auprs de la population.

    Les expriences tant au Maghreb quen Europe nous montrerons que le processus est trs diffrent.

    2.1. LES DIFFERENTES EXPERIENCES A TRAVERS LE MONDE

    2.1.1. L'exprience maghrbine Maroc : A partir de 1973, deux organismes financiers tatiques sont mis en

    place pour rpondre aux besoins importants de la population : le C.I.H (Crdit Immobilier et Htelier) et l'E.R.A.C (Etablissements Rgionaux d'Amnagement et de Construction). Ces deux organismes vont aider la construction.

    - Le C.I.H : Il accorde des prts aux acqureurs, sous rserve que ceux-ci rpondent aux conditioins de revenus et de normes minimales pour le logement convoit. Il accorde des prfinancements aux promoteurs privs, des prts pour la viabilisation des terrains, et galement une prise de participation dans certaines

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    socits (financements obligatoires). - Le C.D.G : Cet organisme est financ par la Caisse Nationale de la Scurit

    Sociale, la Caisse d'pargne, et la Caisse des retraites.

    Il dispose de rserves foncires, offre des crdits aux promoteurs mais surtout contrle plusieurs filiales qui interviennent directement dans la promotion et la gestion de programmes immobiliers. Par le biais de sa filiale C.D.I (Compagnie Gnrale Immobilire) il assure le montage financier des oprateurs, acquiert le terrain, commande la construction et procde la vente des appartements. C'est ce niveau qu'intervient le C.I.H qui distribue des prts.

    Ce processus s'adresse "aux couches moyennes suprieures". Pour les couches dfavorises, et grce l'U.S AID, on reconstruit les bidonvilles de Rabat et on ralise des "logements embryonnaires" avec une cellule standard.

    Mais partir de 1980, on note l'accroissement des aides la promotion immobilire prive par lEtat qui offre beaucoup d'avantages. Donc ce qui est vis n'est pas l'amlioration des conditions de logement du plus grand nombre.

    Les principales filires de production du cadre bti : Ainsi par filire de production on entend l'agent dominant le processus de production. Il y a domination de l'agent considr quand celui-ci contrle et organise le procs de travail sur le chantier, mobilise et gre la force de travail ; choisit les procds techniques et les matriaux de construction et matrise l'approvisionnement.

    a) Filire Entreprise : C'est l'entreprise qui dtient la matrise du procs de production. Les grandes entreprises se consacrent presque exclusivement la construction de logements alors que les entreprises moyennes ne ralisent que peu mais se consacrent beaucoup aux constructions administratives et scolaires.

    La grande entreprise est le partenaire privilgi du secteur public pour la ralisation de logements tant individuels que collectifs.

  • 48

    Matriaux Chantier Main d'uvre

    b) Filire Promoteur : Les investissements en matriel sont rduits (pelle, brouette, bois de coffrage). Dans cette filire, il n'y a pas d'emplois, mme temporaires, mais exclusivement des tcherons. Chaque tcheron est responsable devant le promoteur.

    Matriaux Chantier

    Client final Promoteur Tcherons

    c) Filire Auto promoteur : Cette filire a recours principalement un seul et mme mode d'organisation du travail : le tcheronnat "autonome", cest--dire non encadr par une entreprise ou un promoteur professionnel. Dans cette filire, on retrouve aussi bien l'habitat populaire que l'individuel de standing.

    Les maisons individuelles de standing constituent la demeure des professions librales, hauts fonctionnaires, gros commerants et autres notables.

    L'habitat populaire "clandestin" n'est pas ralis en dur. Il y a des diffrences de revenus entre bidonvillois et clandestins. De plus, lEtat peut dcider tout moment la destruction d'un quartier entier d'un bidonville. En plus du revenu, le statut social importe beaucoup dans cette rpartition : un fonctionnaire, chef de service, avec un revenu infrieur celui d'un tcheron, n'acceptera pas de vivre dans le clandestin dont la composante sociale est faite surtout d'instituteurs, de militaires,

    materiauxchantier Main-duvre

    Entreprise Promoteur

    Client final

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    commerants

    Le prix du sol dans les quartiers de maisons individuelles de standing reste peu lev, mais le coefficient d'occupation des sols (COS) impose un terrain de 200 m minimum pour toute construction. Toutes les constructions sont soumises la dlivrance d'un permis de construire.

    Pour le clandestin, la vente du terrain se fait de gr gr devant un reprsentant de la municipalit qui reconnat la lgalit de l'acte, mais ce dernier n'est pas enregistr au cadastre. L'acheteur n'a donc pas de titre de proprit. Donc pas de permis de construire et le particulier s'oblige raliser rapidement son premier tage (mme de nuit). La surface de terrain est de 50 100 m.

    Les villas de type standing ne se rclament d'aucun style particulier, le seul point commun en la matire est le caractre ostentatoire qui prside leur conception.

    Matriaux Chantier

    Tcherons Client final

    On estime neuf (09) mois le temps ncessaire la construction d'une villa de standing de 350 m. Mais le clandestin pourra aller jusqu 7 8 ans car le chantier se poursuit par morcellement des travaux : une pargne insuffisante est la cause exclusive des arrts frquents constats dans l'dification de ce type de logement. Le procs de production est le tcheronnat.

    Tunisie

    A partir de 1973, une nouvelle politique du logement est mise en place. Il s'agit avant tout de rorganiser le secteur de l'habitat en dfinissant le ou les rle(s) de chaque intervenant dans le processus de production et d'affectation.

    Il y a en premier lieu la cration d'une Agence Foncire d'Habitation (AFH) qui

  • 50

    se charge du lotissement, de l'amnagement et de la viabilisation des terrains usage d'habitation. Son rle, qui est important, rside dans la constitution de rserves de terrains afin de limiter au maximum la spculation foncire. De plus, est cr un organisme d'pargne du logement pour la collecte de l'pargne et l'octroi de crdits en 1973.

    A ct de la Socit Nationale Immobilire de Tunisie (SNIT) mise en place en 1974, lEtat a encourag la profession de promoteur immobilier priv.

    Quant l'Agence Foncire de l'Habitat (AFH) cre en 1973, elle a pour but d'amnager les zones touristiques, industrielles, et d'habitat, d'une part, d'optimiser les terrains btir et de rduire la spculation foncire, d'autre part.

    Pour inciter les capitaux tant nationaux qu'trangers se mobiliser autour de la promotion immobilire, lEtat tunisien rforme la loi de juillet 1977 en intgrant la profession de lotisseur immobilier, la possibilit au promoteur immobilier de construire, en plus des logements, des locaux usage commercial, professionnel ou administratif en vue de la vente, de la location ou de l'utilisation personnelle. De plus, le nouveau texte ne limite plus l'activit de promoteur aux seuls Tunisiens ; il accorde de nouveaux avantages fiscaux aux investisseurs immobiliers.

    L'Etat tunisien a encourag le secteur priv en lui accordant des abattements fiscaux consquents. La Caisse Nationale d'Epargne Logement (CNEL) prfinance les promoteurs immobiliers jusqu hauteur de 70% du cot du programme pour les logements conomiques, les acqureurs de ces logements tant pargnants.

    Par ailleurs, les promoteurs privs sont ports sur les logements de standing qui leur permettent :

    - de raliser des profits levs

    - de recourir aux avances des acqureurs sans supporter les cots de

    Prfinancement.

    Pour protger l'acqureur, la loi oblige le promoteur tablir un contrat. C'est un acte notari et ses effets se poursuivent jusqu l'achvement de l'ouvrage.

    Ces nouvelles orientations concourent conforter la profession de promoteur immobilier et encourager les acqureurs s'orienter vers cette formule pour attnuer la pression sur le segment logement.

  • 51

    La promotion immobilire prive a connu travers le monde une progression mitige. C'est le cas de la France.

    2.1.2. L'exprience franaise Apparue aprs la 1re Guerre mondiale, elle n'a vritablement trouv sa place

    et son organisation qu' partir de 1945. Avant 1914, aucun des agents conomiques intervenant dans la construction (courtier, architecte, entrepreneur ou banquier) ne dpasse son rle traditionnel. La promotion immobilire se t