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N° 80 avril - juin 2006 Magazine de l’Université de Genève La Suisse, si riche si pauvre

La Suisse, si riche si pauvre - UNIGE · 2016-08-29 · si riche si pauvre > Selon Caritas, il y aurait 1 million de pauvres en Suisse. Dans le même temps, UBS annonce le plus gros

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N° 80 avril - juin 2006Magazine de l’Université de Genève

La Suisse,si riche si pauvre

Campus N° 80

Perspectives

«L’université et le musée

L’ethnologue Jacques Hainard dirige le Musée d’ethnographie de Genève depuis le mois de février 2006

après avoir conduit celui de Neuchâtel durant vingt-cinq ans

Que peut offrir la Suisse romande en matière d’enseignementde la muséologie?> Jacques Hainard: Il existe une formation théorique et pra-tique proposée chaque année aux conservateurs et organiséepar l’Association des musées suisses et le Conseil internatio-nal des musées. L’Université de Lausanne a lancé un cours deformation en muséologie, mais il n’a pas eu lieu cette année(2005-2006) par manque d’inscriptions. A Neuchâtel se met enplace une maîtrise universitaire en muséologie. Et je donnedans cette même université un cours d’ethnomuséographie àraison de deux heures par semaine depuis vingt-cinq ans etjusqu’à la fin de cette année académique. Cela me permetd’enseigner l’histoire des musées et des collections, d’évo-quer la problématique des institutions muséales et de trans-mettre des rudiments d’«expographie», soit l’art de mettre enscène des objets. A Genève, il existe un diplôme d’études supé-rieures spécialisées en histoire de l’art (muséologie et conser-vation du patrimoine).

Somme toute, ce n’est pas grand-chose…> En effet. On peut souhaiter que cet enseignement se ren-force. Car il devient toujours plus complexe de diriger unmusée. Il faut disposer de compétences scientifiques, organi-sationnelles, administratives, diplomatiques, commerciales,savoir rechercher des fonds, etc. Et, finalement, il faut fran-chir le pas vers le grand public, vulgariser le savoir quecontient un musée pour le rendre accessible au plus grandnombre. Et cela s’apprend. Nous devons enseigner à ceux quis’occupent des musées les règles élémentaires de la mise enscène des objets, de la construction scénographique d’uneexposition. Si le musée était un dictionnaire, les pièces qu’ilcontient représenteraient les mots et le travail des concep-teurs serait de maîtriser la syntaxe afin d’écrire une histoireintelligible pour le public. On ne peut plus simplement jux-taposer les objets comme cela se faisait autrefois, lorsqu’onestimait qu’il fallait tout montrer.

Cette vision du musée a-t-elle totalement disparu?> Non. Les prémices de cette nouvelle conception de la muséo-logie remontent aux années 1950, mais elle n’a pas encorefini de se répandre. On rencontre encore souvent des diffi-cultés à convaincre de la nécessité de construire un proposcohérent dans le montage d’une exposition. Il existe une pré-dilection à présenter les pièces les unes à côtés des autres.

A quoi devrait ressembler un musée aujourd’hui?> Un musée, dans l’idéal, devrait présenter trois types d’ex-positions. La première serait une exposition de référence quiraconte l’histoire de l’institution et qui exhibe ses pièces pré-cieuses et emblématiques. La deuxième, temporaire, se déve-lopperait autour d’un thème, comme cela se fait déjà. La troi-sième, elle, serait ponctuelle. Il s’agirait de réagir très vite àun sujet d’actualité (la grippe aviaire, les caricatures deMahomet…), de monter en quelques jours une petite exposi-tion en lien avec l’affaire et d’organiser une conférence ou undébat public. Pour cela, il faudrait disposer d’une équipe com-pétente et, surtout, d’un réseau d’experts (les autres musées,les Conservatoire et Jardin botaniques, les chercheurs à l’uni-versité) prêts à intervenir à la demande dans un délai trèscourt. C’est le rôle du musée que de fournir des repères cul-turels, de faire comprendre pourquoi nous portons un cer-tain regard sur un certain sujet à un certain moment.

Quelles sont les relations entre le Musée d’ethnographie etl’Université de Genève?> Elles sont actuellement au point mort. C’est dommage, caril existait des liens privilégiés avec le Département d’anthro-pologie, notamment, et les autres sciences naturelles. End’autres termes, tout est à faire. Les deux institutions ont toutà gagner en rétablissant le contact. Du point de vue de l’en-seignement, bien sûr, mais aussi, depuis la signature desAccords de Bologne, pour répondre à la demande croissantede places de stage de la part d’étudiants à la recherche de cré-dits. Tous les musées devraient d’ailleurs se repenser pourrépondre à ces nouvelles exigences.

Propos recueillis par Anton Vos

doivent renouer le contact»

Université de Genève

RENDEZ-VOUS30 > L’invité«Nous avons besoin des OGM», explique Marc van Montagu,ancien directeur du Laboratoire de génétique de l’Université de Gand et pionnier de la technologie des organismes génétiquement modifiés

32 > Extra-murosL’abri-sous-roche de la Grande Rivoire près de Grenoble a conservédans son sous-sol les traces de 8000 ans d’occupation humaine,du mésolithique à l’époque gallo-romaine. Petit voyage dans le temps avec l’archéologue genevois Pierre-Yves Nicod,responsable de la fouille34 > ParcoursPour féminiser leurs effectifs, les pôles nationaux de recherche ont mis en place des mesures incitatives. Les résultats sont inégauxet les mentalités difficiles à faire évoluer

36 > EtudiantsA 23 ans, Jean-Christophe de Vries a des allures d’homme-orchestre.Entre deux cours de musicologie et de littérature allemande,il dirige le festival Cully classique

39 > A lire

40 > En bref

42 > Nouvelles thèses

sommaire > avril–juin 2006

14 – 29DOSSIERLa Suisse,si riche si pauvre> Selon Caritas, il y aurait 1 million de pauvres en Suisse. Dans le mêmetemps, UBS annonce le plus gros bénéfice jamais réalisé par une entreprisesuisse, Roche engrange 6,7 milliards

et Nestlé fait part d’une progression de 21% de ses profits

> Si, il y a trente ans, la précarité frappait surtout les personnesâgées, elle touche aujourd’hui principalement les femmes,les enfants et les jeunes

> Le système social suisse fait figure de modèle à suivre pour certains. D’autres mettent l’accent sur ses dysfonctionnements en suggérant que l’on réinvente notre rapport au travail

RECHERCHE 4 > PhysiqueContrôler l’endroit et l’instant où se déclenchent les éclairs:tel est le défi que tente de relever le projet Teramobile. Il restetoutefois encore à réaliser l’expérience en conditions réelles

6 > PharmacologieDes souris souffrant de la maladie de Duchenne ont été traitéesaux extraits de thé vert et ont vu la résistance et la puissance de leurs muscles s’améliorer significativement

9 > BiotechnologieA partir de restes de carapaces de crustacés, des chercheursgenevois ont développé un gel qui présente des propriétésintéressantes pour la fabrication de médicaments

10 > LettresEntre 1550 et 1650, les sociétés occidentales ont vu le domaine du possible s’élargir considérablement. Une profonde crise de conscience qui a beaucoup compté dans l’émergence d’un sens du relatif

13> DroitLa liberté de la presse dépend en partie de la capacité qu’ont lesjournalistes à taire leurs sources. Un droit que la loi suisse garantit avec modération

CampusUniversité de GenèvePresse Information Publications Rue Général-Dufour 24 - 1211 Genève [email protected] www.unige.ch/presse/

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Comité de rédactionJean-Paul Descœudres / Pierre-Yves FreiPascal Garcin / Jean KellerhalsMauro Natale / Pierre SpiererAriane Vlerick

Responsable de la publicationDidier Raboud

RédactionVincent Monnet / Anton VosPierre ChambonnetCorrectriceSamira PayotDirection artistique et graphismeADB Atelier Dominique BroilletChatty EcoffeyPhotographeOlivier VogelsangPhotolithographieLobsiger PhotolithosImpressionATAR Roto Presse, Vernier Tirage : 20’500 exemplaires

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Contrôler l’endroit et l’instantoù se déclenche la foudre: tel est

le défi que tente de relever le projetTeramobile. Il reste toutefois

à réaliser l’expérience en conditionsréelles. Elle pourrait avoir lieu

au Tessin durant l’été 2007

Jean-Pierre Wolf rêve d’être plus rapideque l’éclair. Ce professeur, arrivé dans leGroupe de physique appliquée en juin2005, cherche en effet à déclencher cesdécharges électriques juste avant que lanature ne le fasse et, surtout, à les guiderle long du chemin de son choix. Pour yparvenir, le chercheur genevois comptesur le laser hyperpuissant de son labora-toire mobile baptisé Teramobile. Desessais à petite échelle ont démontré lafaisabilité de l’expérience. Une premièrecampagne en conditions réelles, mal-heureusement trop avare en éclairs, n’atoutefois pas encore permis d’obtenir derésultats. Jean-Pierre Wolf compte désor-mais sur une nouvelle tentative qu’il ver-rait bien se dérouler durant l’été 2007 auTessin, une région riche en orages vio-lents. En attendant, le projet franco-alle-mand Teramobile, dont il est le cofonda-teur et auquel s’est désormais associéel’Université de Genève, a remporté en2005 le Prix du magazine La Recherche.Le laboratoire de Jean-Pierre Wolf tientdans un conteneur standard et peut êtredéplacé avec n’importe quelle remorquede camion. Sa fonction d’origine est enfait l’analyse des constituants de l’atmo-sphère et en particulier des substancespolluantes (lire ci-contre). A cet effet, ilest équipé d’un laser qui émet des impul-sions très courtes, mais très puissantes

(une puissance équivalente à celle duparc nucléaire français durant quelquesdizaines de millionièmes de milliar-dième de seconde), qui ionisent l’air lelong de leur trajectoire. Un phénomènephysique identique, justement, à celuiqui précède la foudre.

Une décharge phénoménaleIl faut savoir que la naissance des éclairsdébute par des mouvements de massed’air au sein des cumulonimbus, lesfameux nuages d’orage. Les gouttelettesd’eau et les cristaux de glace se frottentet s’arrachent mutuellement des élec-trons. Sous l’action des courants d’air,les charges électriques se séparent, lespositives montant généralement au som-met des nuages, les négatives descen-dant à la base. Par réaction, la Terre secharge positivement sous le cumulus. Latension électrique entre le sol et lesnuages peut alors monter à plusieurscentaines de millions de volts.Lorsque le point de non-retour s’ap-proche, des charges négatives descen-dent du nuage et se fraient, par bondssuccessifs, un chemin en zigzag en direc-tion du sol. En ionisant l’air sur leur pas-sage, les électrons créent ainsi un «filconducteur» invisible qui traverse l’at-mosphère et finit par rejoindre le sol. Enfait, ils préparent le terrain pour l’éclair.

Dès que le contact est établi entre lenuage et la Terre, une décharge phéno-ménale se produit le long de la mêmetrajectoire: le courant circule à unevitesse de 100 000 km/s et l’air est subite-ment chauffé à 30 000°C créant la défla-gration caractéristique du tonnerre. «Notre objectif est de créer artificiellement àl’aide du laser du Teramobile un cheminionisé, explique Jean-Pierre Wolf. Celanous permettrait de guider les éclairs là oùnous voulons. Au cours d’essais en labora-toire, deux électrodes, l’une représentant lenuage et l’autre la terre, ont été mises soustrès haute tension jusqu’à provoquer unedécharge électrique. Comme prévu, notrelaser est parvenu à guider ces éclairs minia-tures le long de la trajectoire du faisceau.Nous avons réalisé cette expérience dans degrandes halles, à Berlin et à Toulouse, avecdes électrodes éloignées de 3 à 10 mètres.Cette dernière simulation nous a permis depenser que l’expérience pourrait égalementfonctionner dans des conditions réelles.»Ces tests ont aussi démontré que leTeramobile est capable de provoquerl’éclair avant même que la tension de cla-quage ne soit atteinte. Un résultat impor-tant dans la perspective de la principaleapplication de ce projet: la prévention.En effet, le contrôle de la foudre permet-trait de protéger efficacement les sitessensibles et exposés comme les centrales

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Chasseur d’éclairs en quête St

one

Université de Genève

5nucléaires ou les aéroports. «Chaqueavion est, par exemple, foudroyé en moyenneune fois par année, explique Jean-PierreWolf. Cela peut trouer la carlingue ou pro-voquer l’arrêt momentané de l’ordinateur debord, ce qui peut s’avérer très ennuyeux enphase d’atterrissage ou de décollage.»Pour avoir une chance de réussir cesessais en plein air, il est nécessaire de dis-poser d’un grand nombre d’événements,ne serait-ce que pour ajuster les para-mètres des appareils. Une première ten-

tative a eu lieu en août 2004 auLangmuir Laboratory, au Nouveau-Mexique, un centre de recherche atmo-sphérique construit à un endroit connupour la fréquence de ses orages – un parjour en été, selon le responsable. A cetarif, les chercheurs européens ontaccepté de subir une organisation lourdeet pénible qui s’est étalée sur huit mois.Une fois installés, les chasseurs defoudre ont commencé à attendre lavenue des cumulonimbus. En vain. Les

caprices de la météo ont déjoué lesapprentis Zeus. «Nous n’avons eu que troisorages en six semaines, lance Jean-PierreWolf. Nous n’avons rien pu faire.»Malgré cette déconvenue, le travail s’estpoursuivi en vue d’optimiser les para-mètres du Teramobile et de perdremoins de temps dans l’ajustement desappareils lors d’une prochaine cam-pagne. Pour ce faire, Jean-Pierre Wolf adéposé au Fonds national suisse unedemande de financement pour un pro-jet baptisé Helvetera. Et le physicien d’es-pérer que la Suisse veuille bien soutenirune recherche qui ne manquera pas, encas de succès, de provoquer un coup defoudre médiatique.Le Tessin, qui récupère en été toute l’hu-midité venue du Sud et piégée par lesAlpes, représente en effet un terraind’expérimentation idéal. Pour l’heure, ilsemblerait que des essais pourraient êtreeffectués durant l’été 2007 dans le cadred’une campagne de grande envergureorganisée par MétéoSuisse. «Il nous fautpourtant nous dépêcher, avertit le chercheur.Les Québécois, les Américains et les Japonaisconstruisent leur propre Teramobile. Nousavons encore un peu d’avance, mais il seraitdommage de se faire coiffer au poteau.» ■

Anton Vos

www.teramobile.org

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Teramobile: un renifleur d’air

de coup de foudre

> Le Teramobile permet d’analyser les composantsde l’atmosphère grâce à un faisceau laser dirigévers le ciel. De toutes petites parties de la lumièresont alors absorbées par certaines molécules de l’air avant d’être réémises dans des directionsaléatoires. Certaines d’entre elles retournent versle Teramobile qui peut les détecter, les analyser et déterminer la quantité et la distance des molécules rencontrées.

> Il s’agit du perfectionnement d’un dispositif déjàexistant depuis plus de vingt ans, le LIDAR. Ce dernier émet un rayon laser classique dont la lon-gueur d’onde – unique – est préalablement choisieen fonction du pouvoir d’absorption de la molécule(généralement un polluant) que l’on veut étudier.

> Le Teramobile a la particularité d’émettre desimpulsions lumineuses très courtes, mais extrê-

mement puissantes qui induisent des effetsoptiques non linéaires dansl’atmosphère. L’un d’eux a pour résultat de transfor-mer la longueur d’onde dulaser. Au lieu d’être unique,comme c’est le cas duLIDAR, elle finit par couvrirune grande partie duspectre électromagnétique,de l’infrarouge à l’ultravio-let. Du coup, l’appareil peut mesurer plusieurssubstances à la fois, même (et surtout) celles qui ne sont pas attendues.A.Vs

Les éclairs suivent un chemin tracé juste avant par des électrons qui ont ionisé l’air en circulantentre les nuages et la Terre.

On ne compte plus les vertus du thévert, chantées par tant d’annoncespublicitaires pour cosmétiques et pro-duits de santé. Les chercheurs de l’Unitéde pharmacologie viennent d’en ajouterune autre. La consommation d’extraitsde cette plante pourrait en effet s’avérerbénéfique dans le traitement des symp-tômes de la maladie de Duchenne, unegrave dystrophie musculaire qui toucheà la naissance un garçon sur 3500. C’estce que révèle une étude effectuée surdes souris génétiquement modifiées demanière à ce qu’elles reproduisent l’af-fection humaine. L’article, paru dans larevue American Journal of Physiology dumois de février, montre qu’un régimeriche en extraits de thé vert retarde lanécrose des muscles et améliore leursperformances jusqu’à égaler celles desrongeurs sains.

Une maladie génétiqueLa maladie de Duchenne se caractérisepar la fonte progressive de la masse mus-culaire dès l’enfance. Les bras et lesjambes sont les premiers touchés, obli-geant le patient à se déplacer en fauteuilroulant dès l’âge de 10 ou 12 ans. Lasituation s’aggrave lorsque le dia-phragme perd sa fonctionnalité, met-tant ainsi en péril le système respira-toire. Les personnes affectées ne viventgénéralement pas au-delà de 20 à 30 ans. La cause de la maladie est une mutationtouchant un gène situé sur le chromo-some sexuel X. Le gène endommagé neparvient plus à synthétiser une pro-téine, la dystrophine, qui participe à laconnexion physique entre l’intérieur etl’extérieur de la cellule musculaire. Sonabsence entraîne un dysfonctionne-ment des échanges ioniques et met enmarche un métabolisme anormal (aug-

mentation de la dégradation des pro-téines, diminution du potentiel énergé-tique, etc.). Les cellules musculairesmeurent alors progressivement.La situation est aggravée par le fait queles zones nécrosées provoquent uneréaction du système immunitaire et sefont envahir par les agents de protectiondu corps humain, qui infligent des dom-mages supplémentaires aux musclesalentour. Alors que la destruction sepoursuit, la capacité de régénération

des muscles s’épuise et ceux-ci finissentpar disparaître. Les travaux de l’équipe genevoise ne s’at-taquent pas à la cause de la maladie deDuchenne (la mutation génétique), maisà ses symptômes, c’est-à-dire à la pertede vitalité des muscles et à leur nécrose.«Cela fait dix ans que nous travaillons sur lamaladie de Duchenne pour essayer de com-prendre les mécanismes biomoléculairesimpliqués, explique Urs Ruegg, profes-seur de pharmacologie et directeur du

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recherche dossier l’invité extra-muros étudiants actualitéspharmacologie

Des souris souffrant de dystrophie musculaire ont été traitéesaux extraits de thé vert et ont vu la résistance et la puissance

de leurs muscles s’améliorer significativement. Il est impossiblede dire si l’infusion est tout aussi efficace sur l’être humain

Thé vert contre m

Le thé vert n’a pas évité la nécrose musculaire typique de la maladie de Duchenne, mais l’a retardée.

Groupe de pharmacologie. Nous savionsque l’affection était associée à une produc-tion de radicaux libres. Un peu par hasard,il y a quelques années, un ami travaillantdans une multinationale a suggéré de testerle thé vert du Japon connu pour son actionantioxydante. Par curiosité, nous avons réa-lisé des essais in vitro sur des cellules mus-culaires malades de souris et nous avonsimmédiatement observé un effet: l’extrait dethé vert diminue la nécrose des muscles et lesprotège contre l’action oxydante des radi-caux libres. Nous avons publié ces résultatsen 2002 (American Journal for ClinicalNutrition 2002;75;749-53).»

Vingt tasses par jourL’étude publiée au mois de février der-nier, conduite par Olivier Dorchies,assistant d’Urs Ruegg, va un peu plusloin. Cette fois-ci, l’extrait de thé vert aété directement administré à des sourisvivantes présentant une mutation sur legène de dystrophine et donc censéesdévelopper la variante animale de lamaladie de Duchenne. Résultat: lanécrose des fibres musculaires n’est pasévitée, mais retardée par rapport auxsouris non traitées. Quant aux nouvellescellules musculaires qui viennent enremplacement, elles présentent lamême résistance à la fatigue et la mêmepuissance que celles des souris saines.Les doses de thé vert consommées parles rongeurs correspondraient, pourl’être humain, à boire environ une ving-taine de tasses par jour. C’est trop, maisun traitement sous forme de comprimésserait toutefois envisageable. «Si l’extrait de thé vert permet d’obtenir detels résultats, ce n’est pas seulement en rai-son de son action antioxydante, précise UrsRuegg. En effet, la vitamine C par exemple,qui est tout aussi antioxydante, ne fonc-

tionne pas du tout. Le thé vert agit doncaussi par d’autres mécanismes. Nous ten-tons actuellement de savoir lesquels.»Le passage à l’homme pose néanmoinsun problème. Il n’existe pour l’instantaucune donnée permettant d’évaluerl’efficacité du thé vert sur la maladie deDuchenne. Du point de vue scientifique,cela demanderait de réaliser une étudeclinique de grande ampleur et endouble-aveugle contrôlée par placebo.Seulement, la consommation de ce pro-duit est largement répandue et tout lemonde peut s’en procurer sous n’im-porte quelle forme. Une réalité qui meten péril l’efficacité d’une étude cliniqueclassique. D’aucuns estiment mêmequ’une telle opération n’est pas réali-sable, le risque de biais étant trop impor-tant. Sans compter qu’elle serait trèscoûteuse et qu’une éventuelle firmepharmaceutique intéressée ne pourraitpas breveter le thé vert pour entrer parla suite dans ses frais.«Je suis pour ma part d’avis qu’il faut mal-gré tout tenter de réaliser des essais cli-niques, mais de moins grande ampleur, pré-cise Urs Ruegg. On sait déjà, après tout,que le thé vert n’est pas toxique et ne pré-sente pas d’effets secondaires, même à desdoses correspondant à celles que nos sourisont reçu. Je suis sûr que l’on peut arriver àun bon résultat avec quelques millions defrancs plutôt qu’avec un demi-milliard defrancs, le prix que coûte actuellement uneétude clinique complète pour un nouveaumédicament.» ■

Anton Voswww.fsrmm.ch (Fondation suisse de recherche sur les maladies musculaires)www.afm-france.org (Association française contre les myopathies)

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aladieUn mal incurable…pour l’instant> La maladie de Duchenne estactuellement incurable. Le traite-ment classique offert aux patientsconsiste en une combinaison de chirurgie, kinésithérapie, assistancerespiratoire et intervention pharma-cologique. Les seuls médicamentsproposés sont des glucocorticoïdesdont l’action sur l’inflammation,l’expression de certains gènes spécifiques aux muscles et autrespourrait expliquer leur relatif succèsthérapeutique. Ces traitements permettent aux malades de gagnerquelques années et d’améliorer leur qualité de vie, bien que les évaluations de ce dernier critèrene font pas l’unanimité.

> Depuis la découverte il y a vingtans de la cause de la maladie,c’est-à-dire la mutation du gène de la dystrophine, les scientifiquesont développé beaucoup d’effortspour tenter de corriger le mal à laracine. Seulement, la technologieactuelle ne permet pas d’atteindretoutes les cellules musculaires ducorps humain. De plus, le systèmeimmunitaire, qui n’a jamais été encontact avec la protéine de dystro-phine, pourrait la considérer commeun corps étranger et l’éliminer.Il faudrait donc administrer des traitements immunosuppresseurs,comme pour les greffes d’organes.

> Plusieurs voies de recherche sontactuellement poursuivies. Certainesvisent à mettre au point une théra-pie génique (ajout d’un gène intactde dystrophine dans les cellulesmusculaires à l’aide de vecteursinfectieux rendus inoffensifs) ou cellulaire (implantation de cellulessaines qui petit à petit se multiplie-raient et prendraient la placedes anciennes). D’autres testentdes molécules capables de rempla-cer la dystrophine (l’utrophine,par exemple) ou de pallier d’autresmanquements biomoléculairesresponsables des symptômesde la maladie. A.Vs

de Duchenne

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recherche dossier l’invité extra-muros étudiants actualitésbiotechnologie

La carapace de crabe pourrait bien deve-nir une matière première incontour-nable pour l’industrie pharmaceutique.De ce déchet, dont on jette des millionsde tonnes chaque année, une équipe duLaboratoire de pharmacie galénique pro-pose en effet d’extraire un produit dehaute technologie susceptible d’intéres-ser de nombreux secteurs de la méde-cine. Il s’agit d’un gel de chitosan –dérivé de la chitine, dont est constitué-sela carapace des crustacés et desinsectes – qui possède la propriété d’êtreliquide à basse température (10°C) et dese figer en une masse élastique lorsquela température atteint celle du corpshumain (37°C). A cela s’ajoute qu’il estbiocompatible, biodégradable et bioad-hésif, qu’il favorise la cicatrisation, aideà la reconstitution des os et du cartilage,inhibe la prolifération bactérienne etpermet une administration contrôlée demédicaments. Il n’en fallait pas pluspour que Robert Gurny, professeur, etOlivier Jordan, collaborateur scienti-fique, déposent deux brevets, en 2004 eten 2005, sur ce produit. Ces travaux ontété présentés le 25 mars à Genève lors duBio-Innovation Day, un forum qui réunitles mondes académique, industriel etéconomique actifs dans le domaine de latechnologie biologique et médicale.«Ce dont a besoin la médecine, c’est d’un pro-duit qui joue le rôle de véhicule pour appor-ter des médicaments sur des sites difficilesd’accès et, surtout, d’y rester assez de tempspour permettre un traitement durable,explique Robert Gurny. Soigner une infec-tion ou une inflammation dans l’œil ou dansune articulation, par exemple, peut deman-

der aujourd’hui des injections répétées etdouloureuses pour le patient. En effet, unefois administré, l’anti-inflammatoire se dif-fuse rapidement et quitte la zone affectée. Enrevanche, s’il est contenu dans un gel qui se“solidifie” dès qu’il entre en contact avec lecorps humain, il restera plus longtemps surplace. Le traitement sera plus efficace et pro-voquera moins d’effets indésirables.»

Des vertus surprenantesLe chitosan n’est pas une substance nou-velle. Il est connu et décrit depuis aumoins un siècle. Il s’agit d’une longuemolécule obtenue grâce à la «désacétyla-tion» (une réaction chimique qui modi-fie certains groupes attachés à la chaînede base) partielle ou complète de la chi-tine. De plus, ce polysaccharide est déjàproduit de manière industrielle à partirdes déchets des crustacés. L’innovationapportée par les chercheurs genevois estd’avoir réussi à en tirer ce gel aux vertussurprenantes. La condition pour y parve-nir a été la mise en place d’un labora-toire entier capable de fabriquer unepoudre de chitosan dépourvue de touteimpureté et qui, une fois mélangée à del’eau, devient un produit transparent etd’une grande stabilité.Plusieurs gels jouant le rôle de vecteurde médicament, dont certains sont éga-lement des gels thermosensibles, sontdéjà commercialisés. Mais aucun, pourl’instant, n’allie toutes les qualités duchitosan: transparence, stabilité et bio-dégradabilité. La méthode de fabrication du gel de chi-tosan a fait l’objet d’un premier breveten 2004. Mais il a encore fallu trouver un

moyen de conserver le produit sans qu’ilse dégrade. «Le problème du chitosan, c’estque s’il se réchauffe, il passe de l’état liquideà celui de gel et que cette transition est irré-versible, souligne Olivier Jordan. Le pro-duit se conservant mal à 10°C, nous avonstenté de congeler le chitosan liquide tout enpréservant ses propriétés. Cela s’est avéré pos-sible grâce à des additifs spéciaux.Seulement, maintenir la chaîne du froid àcette température est très délicat et coûteux.Nous avons alors montré qu’avec les mêmesadditifs, nous pouvions lyophiliser le produitsans qu’il perde ses caractéristiques. Il est dèslors possible de le conserver à températureambiante sur des durées prolongées.» Cetteavancée a débouché sur l’obtention d’undeuxième brevet en décembre 2005.L’équipe genevoise collabore avec plu-sieurs industries en vue de développerdes applications concrètes. Des tests surdes lapins ont notamment montré que lechitosan peut être injecté dans l’œil,qu’il se transforme effectivement en ungel transparent sans que l’animal en soitincommodé. Des expériences similairessont également en cours pour la recons-titution osseuse, la réparation du carti-lage ou encore la parodontologie.«Toutefois, à une époque marquée notam-ment par le scandale du prion, les instancessanitaires sont devenues très prudentes surtous les produits issus de matières animales,précise Robert Gurny. C’est pourquoi noussommes également en train d’évaluer la pos-sibilité d’une fabrication biosynthétique duchitosan, notamment par certains micro-organismes modifiés génétiquement.» ■Anton Voswww.unige.ch/sciences/pharm/fagal/index.html

A partir de restes de carapaces de crustacés,des chercheurs genevois ont développé un gel qui présente des propriétés intéressantes pour la fabrication de médicaments

La pharmacie en pince pour le crabe

Illustrations: Claire Goodyear

Entre 1550 et 1650, les sociétés occiden-tales ont vu le domaine du possible

s’élargir considérablement. Une profondecrise de conscience qui a beaucoup

compté dans l’émergence d’un sensdu relatif, comme le démontrent les

travaux de Frédéric Tinguely, professeuradjoint au Département de langue et

littérature française moderne

recherche dossier l’invité extra-muros étudiants actualitéslettres

Campus N° 80

10Les droits de l’homme sont-ils réelle-ment universels; comment trancherentre ma vérité et celle de l’autre; nosconnaissances scientifiques sont-ellesabsolues? C’est le genre de questions,capitales pour nos sociétés, que posentles travaux de Frédéric Tinguely, profes-seur adjoint au Département de langueet littérature française moderne.Menées à bien grâce au soutien duFonds national suisse de la recherchescientifique et de la Fondation Sandoz,ses recherches portent sur l’émergenced’un sens du relatif entre le XVIe et leXVIIe siècle. Elles poursuivent plus pré-cisément un double objectif. D’une part,montrer que le relativisme trouve sessources entre 1550 et 1650, soit un siècleavant la grande «crise de conscienceeuropéenne». De l’autre, mettre en évi-dence le fait que ce mouvement trouveson expression la plus stimulante et laplus radicale dans un corpus d’œuvreslittéraires qui puisent leur inspirationdans la science et la philosophie dumoment. Trois domaines ont été plusparticulièrement explorés: la littératuregéographique, la révolution coperni-cienne et la philosophie sceptique, quiconnaît alors un important renouveau.«L’origine de ce travail se trouve dans la lec-ture de textes contemporains sur le relati-visme moral et épistémologique, explique le

jeune chercheur. Le relativisme est devenuune vraie bête noire, un mal à combattre partous les moyens, en particulier dans les paysanglo-saxons où l’idée qu’il existe une et uneseule vérité gagne du terrain dans différentsmilieux. En dehors de tout jugement sur laquestion, j’ai été très frappé par l’absence deprofondeur historique dans ces discussions.J’ai souvent l’impression qu’on fait comme sion découvrait la question, en oubliantqu’elle est profondément enracinée dans laculture occidentale. D’où la démarche quasiarchéologique que nous avons entreprise encherchant à dégager un premier “moment”relativiste dans l’histoire de l’Occident.»

Un catalogue de différencesSur le plan moral, un premier coin estenfoncé avec les Grandes découvertes etla multiplication des récits de voyages.Dans un monde devenu plus vaste etplus divers, il devient en effet de plus enplus difficile de penser le monde defaçon binaire comme c’était le casdurant le Moyen Age – la chrétienté, gui-dée par Dieu, et donc par définitionsupérieure, faisant face à des hordes bar-bares impies. C’est que l’idée cadre malavec le haut niveau de développementatteint par certaines peuplades en Inde,en Chine, au Japon ou dans le NouveauMonde. En témoignent notamment lesjésuites, à l’exemple d’un certain Luís

Fróis, qui énumère sur près de 180 pageset sans aucune hiérarchie les diffé-rences qui opposent Européens etJaponais dans des domaines aussi diversque les caractéristiques physiques, lesvêtements, le rapport au corps ou lasexualité. Le lecteur apprend ainsi que siles Européens tiennent pour beaux lesgrands yeux, les Japonais les trouventhorribles; que si nous portons lemeilleur vêtement dessus et le moindredessous, les Japonais font le contraire;que si chez nous le noir est la couleur dudeuil, au Japon, c’est le blanc; que si lesEuropéens se lavent en se cachant, lesJaponais n’ont pas cette pudeur.De cette confrontation avec des normeset des valeurs qui sont autres, l’Europene sort pas indemne. «L’histoire a surtoutretenu de cette période les violences qui ontpermis à l’occident d’imposer son mode depensée, précise Frédéric Tinguely. C’estévidemment vrai, mais il y a aussi eu unimportant effet de trouble en retour. Ladécouverte de la diversité du genre humainexerce en effet une fascination qui va jouerun rôle majeur dans l’émergence de la pen-sée relativiste.»Le doute s’installe d’autant plus profon-dément qu’un autre front s’ouvrepresque simultanément, dans le champde l’astronomie, cette fois-ci. Ce qu’onappelle aujourd’hui la révolution coper-

La vérité

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recherche dossier l’invité extra-muros étudiants actualitéslettres

nicienne – soit la démonstration quec’est la Terre qui tourne autour du Soleilet non le contraire – secoue en effet for-tement les esprits de l’époque. Soudainl’homme n’apparaît plus comme lecentre de l’Univers. Et s’il n’occupeaucune place privilégiée, il se pourraitégalement qu’il ne soit pas seul.«Conceptualiser l’idée de la pluralité desmondes revient à envisager qu’il pourraitexister d’autres cadres de référence qui nouséchappent, explique Frédéric Tinguely.Dans son Dialogue sur les deux grandssystèmes du monde, Galilée se sert d’un

exemple très simple – si on se tient sur unbateau, on peut avoir l’impression que c’estla berge qui bouge et non le navire – pourmontrer que l’on ne peut pas toujours perce-voir de l’intérieur qu’un système est en mou-vement en étant à l’intérieur de ce mêmemouvement. Pour le remarquer, il faudraitpouvoir s’en extirper. Autrement dit: la per-ception du mouvement est liée à la positionde l’observateur, la réalité étant, elle, unequestion de point de vue davantage qu’uncritère absolu.»

De questions en questionsBien que par d’autres chemins, c’est unpoint de vue similaire que développentles maîtres de la philosophie sceptique.Avec la redécouverte d’auteurs commele Grec Sextus Empiricus, qui est traduiten latin pour la première fois au XVIe siècle, de grandes machines argu-

mentatives sont mises en place, qui ontpour objectif d’ébranler les certitudesdu lecteur, de le faire se questionner enpermanence, sans jamais pouvoir sereposer sur une vérité solide etimmuable. Les sceptiques interrogentainsi nos sens – si un animal ne perçoitpas les couleurs de la même façon quel’homme, comment peut-on affirmerque l’objet en question est par essencetel que nous le voyons et non tel que leperçoit une vache ou un oiseau? – maisaussi des comportements jugés inadé-quats par la morale dominante comme

l’homosexualité, le portde tatouages ou debijoux chez leshommes, voire même ladélicate question del’inceste.Cette avalanche dequestionnements seconcrétise par une sortede vertige relativisteque la littérature sera lapremière à cristalliser.De Montaigne à Cyranode Bergerac, un certain

nombre d’auteurs, et non des moindres,vont en effet s’approprier ces nouveauxmatériaux philosophiques, géogra-phiques, astronomiques et physiquespour les intégrer dans des dispositifs lit-téraires qui vont en révéler tout lepotentiel subversif. C’est ainsi que dans les Etats et Empires dela Lune, texte signé à titre posthume parle célèbre Cyrano, on peut suivre lesmésaventures d’un voyageur de l’espacetraité comme une bête dénuée de raisonpar les habitants de la Lune qui s’em-pressent de l’enfermer dans une cage…Ce morceau d’anthologie, qui n’est passans rappeler le scénario de la Planètedes singes, est aussi l’un des textes lesplus provocateurs de tout le XVIIe siècledans la mesure où il implique uneremise en cause ironique et joyeuse detoute autorité en matière de pensée, de

religion, de mœurs et de pratiquessociales.«Face à ce déferlement, la plupart des certi-tudes du moment volent en éclats, expliqueFrédéric Tinguely. Mais cette crise, quitouche essentiellement les élites, génère éga-lement un profond besoin de comprendre etde réordonner le monde qui va pousser lescontemporains à chercher des réponses et denouvelles certitudes, qui auprès de lascience, qui auprès des valeurs universellesappelées à nourrir les grandes révolutionsde la fin du XVIIIe siècle. Et ce même si cer-taines questions demeurent, comme celle dela place de l’homme dans l’univers.» ■

Vincent Monnet

A noter qu’un colloque international portant sur «LaRenaissance décentrée» et rassemblant des spécialistesde la littérature, de l’histoire de l’art, de la médecine oude l’astronomie, se tiendra les 28 et 29 septembre 2006à Uni Bastions (aile Jura, salle A 216). Contact:[email protected]

«Si on se tient sur unbateau, on peut avoir l’im-pression que c’est la berge

qui bouge et non le navire»

est ailleursEn remettant en cause le modèle héliocentrique(voir illustrations), la révolution copernicienneenfonce un coin profond dans les certitudes de l’Occident: si l’homme n’est pas au centre de l’Univers, se peut-il qu’il soit seul à l’habiter?

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En janvier dernier, suite à la publica-tion d’un fax confidentiel relatif auxprisons secrètes de la CIA, le Ministèrepublic de la Confédération et la justicemilitaire ont ouvert une double procé-dure contre le rédacteur en chef et deuxcollaborateurs du SonntagsBlick. Enmars 2004, une autre fuite, concernantla politique européenne de laConfédération, avait également suscitéd’importants remous sous la Coupole.Ces deux affaires illustrent le malaisequi préside aux relations entre pouvoiret information dans notre pays. C’est

qu’entre les intérêts des autorités poli-tiques (qui mettent en avant la protec-tion de l’Etat) et ceux des médias (quidéfendent la liberté d’informer), la loine permet pas de trancher clairement.Comme le démontre dans sa thèse dedoctorat* Stéphane Werly, chargé d’en-seignement en droit public et adjointde juridiction au Tribunal de police deGenève, le texte sur la protection dessources adopté en 1998 est par ailleurspeu compatible avec les autres direc-tives existantes sur ce sujet.Pierre angulaire du journalisme d’inves-tigation, le droit de ne pas livrer la pro-venance de ses informations devant lestribunaux est reconnu dans la plupartdes démocraties occidentales depuislongtemps. En la matière, la Suisse n’acomblé son retard que très récemment.Jusqu’à l’introduction de l’article 27 bisdu Code pénal, en 1998, la législation envigueur était en effet extrêmement lacu-naire. Conséquence: les journalistesrefusant de livrer leurs informations –ce qui était généralement le cas – sevoyaient systématiquement condamnésà des amendes ou, dans certains cas, àdes peines de prison ferme.

De ce point de vue, la loi de 1998 a lemérite d’ancrer dans la loi le droit de nepas témoigner pour les professionnelsdes médias. Elle pose cependant pro-blème de par sa forme, puisque ce textedresse le catalogue exhaustif d’un cer-tain nombre d’actes entraînant unelimitation du secret des sources plutôtque de définir un principe général. «Cesystème d’exceptions constitue un inconvé-nient dans la mesure où il inscrit dans la loiune série d’infractions que le législateur lui-même a estimé secondaires, comme le défautde vigilance en matière d’opérations finan-

cières, l’octroi ou l’ac-ceptation d’un avan-tage, expliqueStéphane Werly.C’est d’autant plusdommageable que cer-tains ajouts ont étéopérés en fonction ducontexte de l’époque.Le scandale des fondsjuifs en déshérence,certaines affaires depédophilie ou de blanchiment d’argent onten effet nourri un sentiment de méfiance àl’égard des médias. D’où l’idée de poser desbarrières strictes à l’exercice du métier dejournaliste.»Autre écueil: l’article 27 bis diverge nonseulement de la Déclaration des droitset des devoirs du journaliste, documentqui fixe les règles déontologiques de laprofession, mais aussi de la garantieconstitutionnelle du secret de rédac-tion et de la jurisprudence de la Coureuropéenne des droits de l’homme.Strasbourg accorde en effet une trèslarge protection aux professionnels desmédias sur la base de l’arrêt Goodwin,lequel stipule qu’il faut «en toutes cir-

constances mettre en balance la liberté d’ex-pression et l’intérêt de la justice», avant desommer un journaliste de livrer sessources. Pour compliquer encore un peucet écheveau législatif, l’article 293 ali-néa 3 du Code pénal suisse, égalementintroduit en 1998, précise que le jugepourra renoncer à toute peine si lesecret divulgué est jugé de peu d’impor-tance. Enfin, l’an dernier, dans le cadrede l’affaire Moser, le Tribunal de Zuricha considéré que même dans un casgrave, en l’occurrence un homicideinvolontaire, il fallait que le témoi-gnage du journaliste soit indispensableà l’enquête pour que la justice l’exige.«La Constitution fédérale précise que lesautorités suisses sont tenues d’appliquer les

lois fédérales et le droit international, com-plète Stéphane Werly. Mais dans ce cas,c’est impossible puisque les deux systèmessont incompatibles. Pour sortir de l’impasse,il n’y a guère d’alternative à la rédactiond’un nouveau texte. Mais pour que les tra-vaux s’engagent, il faudra probablementattendre que la Suisse soit condamnée parla Cour européenne des droits de l’homme.Dans l’intervalle, on peut toutefois espérerque les juges du pays soient suffisammentconscients de la situation pour appliquer laloi de façon restrictive.» ■

Vincent Monnet«La Protection du secret rédactionnel», par StéphaneWerly, ed. Schulthess, 2005

La liberté de la presse dépend en partie de la capacité qu’ont les journalistes à taire leurs sources. Un droit que la loi suisse garantit avec modération

Protection des sourcesune loi qui prend l’eau

«Pour sortir de l’impasse,il n’y a guère d’alternative à la rédaction d’un nouveau texte»

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La Suisse, si ric

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> Selon Caritas, il y aurait 1 million de pauvres en Suisse. Dans le même temps, UBS annonce

le plus gros bénéfice jamais réalisé par une entreprise suisse, Roche engrange 6,7 milliards defrancs et les profits de Nestlé progressent de 21%

> Si, il y a trente ans, la précarité frappait surtoutles personnes âgées, elle touche aujourd’hui surtout les femmes, les enfants et les jeunes

> Le système social suisse fait pour certains figurede modèle à suivre. D’autres mettent l’accent sur

ses dysfonctionnements et suggèrent que l’onréinvente notre rapport au travail

Le chiffre est tombé entre la bûche et le foie gras: selon uneenquête publiée par Caritas le 28 décembre dernier, il y auraitaujourd’hui 1 million de pauvres en Suisse, soit une personnesur sept. Depuis, l’UBS a annoncé le plus gros bénéfice jamaisréalisé par une entreprise suisse (14 milliards de francs), tandisque Roche engrangeait 6,7 milliards durant le même exerciceet que Nestlé annonçait une progression de 21% de ses profits.Comment ces deux réalités peuvent-elles cohabiter? La Suisseest-elle encore un pays riche ou notre économie s’est-elleconvertie en trappe à la pauvreté? A ces interrogations, la com-munauté scientifique est aujourd’hui en mesure d’apporterdes éléments de réponse. Suite aux différents travaux engagéstant sur le plan national, qu’au sein de l’Université de Genève,un certain nombre de résultats tangibles sont en effet dispo-nibles quant à la composition des classes défavorisées, aupoids psychologique que peut revêtir la précarité ou aux condi-tions économiques qui favorisent la création de trappes à lapauvreté.Tour d’horizon au-delà de tout parti pris idéologique.

Dossier réalisé par Vincent Monnet et Anton VosPhotographies: Olivier Vogelsang

he si pauvre

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Selon l’institution d’entraide Caritas,la Suisse a franchi cette année la bar-rière symbolique du million de pauvres.Est comprise dans cette catégorie, toutepersonnes se trouvant sous un seuil depauvreté établi à 4550 francs de revenuspour un couple avec deux enfants et à2450 francs pour une personne assu-mant seule l’éducation de son enfant.Pour arriver à ce chiffre, l’associationd’entraide a recoupé les résultats del’enquête sur la population active suissede 2003, ceux de la statistique 2004 surles working poor (tous deux établis parl’Office fédéral de la statistique), ainsique les données de l’Association suissepour la protection de l’enfant.Largement commentés dans les médias,ces résultats suscitent également desréactions contrastées au sein du mondeacadémique.

Franz Schultheis est directeurdu Département de sociologie.Président du groupe de pilotage duPanel suisse des ménages, il a notam-ment coordonné un projet destiné àévaluer la mise en œuvre d’une poli-tique de lutte contre la précarité desjeunes dans les pays de l’Unioneuropéenne et dirigé une récenterecherche sur la maltraitance infantile àGenève (Campus n°79).«Il est impossible de définir la pauvreté demanière absolue. C’est une notion qui esttoujours relative. Les mouvements popu-listes situés à la droite de l’échiquier poli-tique prétendent par exemple que la pau-vreté n’existe pas chez nous, quel est l’apa-nage des pays sous-développés où sévitencore la famine. Cette façon de voir leschoses ignore totalement le fait que c’est ledécalage entre le mode de vie de la majoritéd’une population et sa partie la plus dému-

nie qui crée le sentiment de pauvreté: on nepeut en effet être pauvre que par rapport àquelqu’un d’autre. D’un autre côté, pré-tendre qu’il y a un million de pauvres enSuisse, me semble aussi un peu exagéré. Lafaçon de procéder pour arriver à ce chiffreest en tout cas discutable. Le seuil retenupar Carlo Knöpfel, responsable du secteurEtudes de Caritas Suisse, a quelque chosed’arbitraire. Il ne correspond ni aux critèresdéfinis par la Conférence suisse des institu-tions d’action sociale ni à celui qui prévautau sein de l’OCDE*. En procédant de la sorte,on peut faire dire à peu près n’importe quoià n’importe quel chiffre. Même si sur le fondle constat posé par Caritas correspond effec-tivement à une réalité, la démarche devientcontre-productive puisqu’elle réduit le débat

à une querelle de chiffres. En revanche,Caritas a annoncé il y a deux ans que laSuisse comptait 10% d’enfants pauvres.C’est un résultat qui me paraît plus plau-sible et tout aussi scandaleux.»

Yves Flückiger est directeur du Département d’économie politique.Responsable du Centre national de com-pétence en économie de la formationprofessionnelle, il a notamment par-ticipé à un projet du FNS sur les rela-tions intergénérationnelles et la pau-vreté des enfants, ainsi qu’au PNR 45consacré aux problèmes de l’Etat socialen Suisse.«Définir le seuil de pauvreté n’est pas chosefacile. Il faut tout d’abord comparer des

Quelle réalité cachent les chiffres sur la précarité avancéspar Caritas? Trois spécialistes de l’université réagissent

Un million en que

La gare des Eaux-Vives, février 2006

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ménages de tailles différentes ce qui obligeles chercheurs à évaluer le poids de chaquepersonne supplémentaire sur le budgetfamilial. Il faut définir ensuite un seuil àpartir duquel un ménage est considérécomme pauvre. Certains, comme Caritas,proposent de le définir en termes absolus.Mais il faut alors s’entendre pour savoirquel niveau de revenu permet de couvrir lesbesoins minimums d’un ménage. Des écono-mistes ont été ainsi jusqu’à calculer ce mon-tant en évaluant les dépenses minimalespour acquérir, dans un pays, les caloriesnécessaires à la survie! Enfin, il y a ceux quipensent que c’est l’écart à la médiane qui estréellement significatif, manière de voir quimet plutôt l’accent sur les inégalités et lesentiment de “privation”. Compte tenu del’impossibilité de parvenir à un consensussur ces questions, le mieux que l’on puisse

faire est d’adopter les critèresutilisés habituellement par lesorganisations internationales.Même s’ils ne sont pas parfaits,ils ont au moins le mérite d’êtreemployés à l’échelle internatio-nale. Enfin, le fait de savoir s’il ya un million, 700 000 ou 500000pauvres aujourd’hui en Suisseimporte moins que de constaterque ce chiffre est en progression,et ceci quelle que soit la méthodeutilisée pour le mesurer. Sur unsujet aussi grave, nous ne pou-vons pas nous permettre de nousvoiler la face plus longtemps. Etde ce point de vue, l’étude deCaritas a le mérite de lancer ledébat.»

Christoph Conrad estdirecteur du Départementd’histoire générale.Spécialiste de l’histoire com-

parée des Etats providence, il est notam-ment membre du comité de directiondu PNR 51 «Intégration et exclusion»«Je ne veux pas me prononcer sur le chiffreen lui-même qui pourrait être discuté à l’in-fini. Sur le plan historique, la définitiond’un seuil de pauvreté fait depuis toujoursl’objet de débats passionnés. D’une part,comme il est difficile de définir clairementce qu’est la pauvreté, les problèmes demesure sont infinis. De l’autre, on ne peutraisonnablement plus se référer à un mini-mum existentiel étant donné nos besoins enmatière de culture, de communication ou departicipation à la vie de tous les jours. Il estainsi aujourd’hui légitime de se demandersi l’accès à Internet doit figurer dans lepanier d’un ménage moyen dans la mesureoù c’est devenu un outil incontournable,même s’il y a dix ou quinze ans, c’était unluxe. Enfin, le seuil adopté par Caritas étantproche de la moyenne nationale dessalaires, il y a énormément de personnes quise trouvent juste en dessus ou juste en des-

sous. Une différence de 300 francs de reve-nus peut ainsi vous faire basculer de plu-sieurs points de pourcentage. Ce n’est pasnon plus par hasard que ce résultat a étéannoncé entre Noël et Nouvel An. Il y avaitlà une volonté manifeste de frapper lesesprits et de réveiller les consciences. Caritasest une organisation non étatique qui pour-suit ses objectifs propres. Dans ce sens, elleremplit parfaitement son rôle au sein dusystème social suisse par de telles actions.En Allemagne, c’est également de structurescomparables que sont venus les premiersrapports sur le développement de la pau-vreté et que l’Etat a aujourd’hui repris à soncompte.» ■

* Selon l’Organisation pour le développement et lacoopération en Europe, se trouve sous le seuil de pau-vreté toute personne dont les revenus sont inférieurs à50% du revenu médian de la société dans laquelle elleévolue.

«Sozialalmanach 2006. Das Caritas-Jahrbuch zursozialen Lage der Schweiz,Luzern», Caritas-Verlag,2005, 264 p.

estionLa précarité en chiffres

> 1000000 de personnes se trouveraient aujour-d’hui sous un seuil de pauvreté fixé à 4550 francsde revenus pour un couple avec deux enfants età 2450 francs pour une personne assumant seulel’éducation de son enfant, selon Caritas. Ils étaient850 000 en 2003, soit une progression de 150 000personnes en deux ans.

> 450 000 personnes ne recevraient pas l’aidefinancière ou les prestations complémentairesauxquelles elles auraient droit aujourd’hui en Suisse, selon Caritas.

> 250 000 enfants (soit entre 12 et 15% du total)vivraient aujourd’hui en dessous du seuil de pauvreté selon l’Association suisse de la protection de l’enfant.

> 604 400 personnes, soit 13% des actifs,ne parviendraient pas à subvenir à leurs besoins,selon l’Office fédéral de la statistique (OFS).

> 196 600 retraités helvétiques peineraientà joindre les deux bouts, selon l’OFS.

> 146 000 chômeurs étaient officiellementrecensés en Suisse en novembre 2005.

> Entre 115 000 et 284 000personnes travaillant40 heures par semaine ne parviendraient pas à dépasser le seuil de pau-vreté, selon le Départementfédéral de l’économie et appartiendraient par conséquent à la catégoriedes working poor.> La Confédérationconsacre chaque annéeprès de 130 milliards de francs aux prestationssociales.

> En 1978, le budget dévoluau social par la Ville deLausanne s’élevait à 7 mil-lion de francs. Il atteint78 millions aujourd’hui.

> A l’échelle de la planète,environ 1,5 milliard de per-sonnes demeurent sous leseuil de «pauvreté absolue»défini par l’ONU, s’efforçantde survivre avec moins d’un dollar par jour.

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Hausse des coûts du logement, aug-mentation de l’assurance maladie ouaccident de vie figurent incontestable-ment parmi les facteurs qui fragilisentles individus dans nos sociétés. La pré-carité croissante du marché de l’emploiet la dégradation des conditions de tra-vail restent néanmoins les causesmajeures de paupérisation, comme enatteste l’étroite corrélation unissant lesindicateurs de pauvreté et de chômage.«Il est relativement rare que la précaritén’ait qu’une seule origine, complète YvesFlückiger, professeur d’économie poli-tique. A la base, le déclencheur peut être unaccident de parcours en apparence anodin.Puis, étant donné la fragilité de certainessituations, les choses s’enchaînent et onglisse inexorablement sur une sorte detoboggan. C’est à ce point vrai qu’un événe-ment comme le divorce, qui concernaitquand même 44% des couples suisses en2005, est sur le point de devenir un luxe. A

moins de 7000 francs derevenu, c’est en effet une pro-cédure qui conduit souvent àla création de deux ménagesprécarisés. Fermer ce genrede trappe à la pauvretéconstitue indiscutablementun enjeu crucial pour lapolitique économique suissedans les prochaines années.»

L’érosion des bas revenusDirecteur de diplôme en travail social àl’Université de Neuchâtel et chargé decours à l’Université de Genève, StéphaneRossini a conduit une étude quiconfirme le schéma de cette descenteaux enfers: les conditions d’emploi aty-piques dues à la flexibilité du marchédu travail induisent un développementdes bas salaires. Les emprunts se succè-dent alors, puis viennent les facturesimpayées, les rappels, les poursuites.N’étant pas conçues pour intervenirdans des situations d’urgence, les insti-tutions sociales peinent à enrayer le pro-cessus, ne parvenant souvent pas à évi-ter que des épisodes de précarité ponc-tuelle se transforment en pauvretédurable.«Dans l’ensemble des pays développés, lerevenu moyen des personnes se situant aubas de l’échelle salariale s’est érodé depuisquelques décennies, explique Jean-MarcFalter, du Laboratoire d’économie appli-quée. Dans un contexte de mondialisationde l’économie et de très fort développementtechnologique, la demande pour les tra-

vailleurs à faible qualification a baissé parcequ’on ne produit plus la même chose qu’il ya trente ans. Conséquence: alors que la géné-ration précédente pouvait prétendre vivreavec un revenu correct en étant au bas de lahiérarchie sociale, ce n’est souvent plus pos-sible aujourd’hui.»Et si les petites mains ont la vie dure, lesclasses moyennes ne sont pas épargnéespour autant. Pour être conforme auxattentes du marché, le salarié duXXIe siècle doit en effet se montrer com-pétent, flexible et capable de se formertout au long de sa vie. Manager de cecapital qui se gère comme une petiteentreprise personnelle, l’employé d’au-jourd’hui vit à court terme, jonglant deplus en plus fréquemment avec des pro-jets temporaires ou intermittents.«Devant ces nouvelles exigences, les individusles moins bien dotés en capacités scolaires etprofessionnelles reçoivent une sorte de ventfroid à travers la figure sans vraiment y êtrepréparés, complète le sociologue FranzSchultheis. Ce choc, qui peut être très désta-bilisant pour certains, est l’une des raisonsqui motivent les votes d’extrême droite,

Le durcissement du marché de l’emploi et l’explosion du travail «atypique» ne laissent que peu de chances aux moins bien lotis de tirer leur épingle du jeu économique

Quand le travail fabdes pauvres

Quartier de la Servette, mars 2006

A moins de 7000 francs de revenu, le divorce est devenu un luxe

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comme nous avons pu le montrer dans lecadre d’une recherche précédente (voirCampus n°73). C’est un risque auquel ons’expose dans un système qui se paie le luxede permettre aux entreprises d’augmenterleurs bénéfices en laissant toujours plus decadavres sur la route.»

Les années indécisesDe fait, ce durcissement du climat éco-nomique complique également l’entréedans l’âge adulte. Puisqu’il faut resterflexible tout au long de sa vie, lemoment qui sépare la fin de la forma-tion et l’entrée dans la vie active estdevenu plus flou. Il s’étend pour cer-tains à plusieurs années, durant les-quelles ces personnes ne cotisent pas oupeu pour la prévoyance professionnelle.Cette période n’est en outre pas trèsfavorable à la constitution de cesréseaux de solidarités qui, au travers duvoisinage, des collègues ou de la famille,

assuraient autrefois à l’individu un petitsupplément de sécurité.L’absence de ce type de soutiens tradi-tionnels pose d’autant plus problèmeque le chômage peut aujourd’hui mar-quer une rupture fondamentale plutôtqu’un accident passager. Car si le mar-ché du travail reste relativement ouvertpour ceux qui bénéficient déjà d’unposte, il est très difficile à pénétrer del’extérieur. Mieux vaut pourtant ne pasrester trop longtemps sans emploi, cardans ce domaine, les données sont impi-toyables: après six mois de chômage, leschances de retrouver un emploi s’ame-nuisent considérablement et au-delà de12 mois, la situation devient extrême-ment problématique.Conséquence, les rangs de l’assuranceinvalidité, seule alternative légitime aumarché de l’emploi, ne cessent de gros-sir. De nombreuses études ayant parailleurs montré que le pourcentage de

chômeurs et le nombre de nouveaux invalides souffrant de problèmes de nature psychologiqueétaient fortement corrélés.«Aujourd’hui, on devient demoins en moins souvent inva-lide suite à un accident de tra-vail ou parce que l’on est uséphysiquement, explique YvesFlückiger. La majorité desnouveaux cas concerne despersonnes qui connaissent desdifficultés psychologiques(burn-out ou autres) qui sedéclarent parfois très tôt et quisupposent ensuite un très longparcours dans l’invalidité.» Dans un tel contexte, il est

impératif de développer les liens entreles différents services impliqués dansl’aide sociale, selon le professeur. Detelle sorte que, lorsqu’on met en placedes mesures de réinsertion dans le cadredu chômage, celles-ci trouvent uneforme de continuité dans le cadre del’assurance sociale ou de l’assuranceinvalidité. Pour réaliser des économiesdans ce domaine, il ne s’agit d’ailleurspas tant de faire la chasse aux profi-teurs, dont la plupart des études mon-trent qu’ils restent peu nombreux, quede mettre en place une procédure per-mettant de détecter beaucoup plus rapi-dement les futures invalidités. «Dans cedomaine, ajoute le professeur Flückiger,plus on agit tôt et plus l’action est indivi-dualisée, plus on est efficace.» ■

brique

Abri de la protection civile des Vollandes, mars 2006

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Le paradoxe est de taille: alors que lesentreprises-phares de la Suisse réalisentdes profits record, la précarité dansnotre pays continue de progresser.Pourquoi les dizaines de milliards defrancs de bénéfices dégagés annuelle-ment par UBS, Credit Suisse, Nestlé,Roche, Novartis et consorts ne peuvent-ils pas régler le problème de la pauvretéune fois pour toutes? «Les choses ne sontpas si simples, répond Victoria CurzonPrice, professeure au Départementd’économie politique.» L’économiesuisse ne s’arrête pas à ses frontières.Elle s’inscrit dans un contexte de mon-dialisation rapide dont la logique et lesimplications dépendent autant des spé-cificités helvétiques que du salaire destravailleurs de Chine ou de n’importequel autre pays émergent. Et si le gou-vernement suisse a les moyens d’in-fluencer le premier paramètre, il n’apour ainsi dire aucune prise sur lesecond.«En raison notamment de la taille du pays,les entreprises suisses regardent depuis tou-jours vers l’extérieur, explique VictoriaCurzon Price. Pour tous les secteurs de l’éco-nomie, à l’exception de l’agriculture, la mon-dialisation n’est donc pas un élément nou-veau. Cette réalité comporte d’ailleurs des

avantages. Pour des raisons de survie, lesentreprises, à tous les points de vue, ont dûet pu se maintenir au meilleur niveau inter-national. Elles se sont spécialisées dans cer-tains secteurs qui sont devenus les piliers denotre économie: pharmacie, chimie, banque,agroalimentaire, tourisme, mécanique deprécision, etc. Il est d’ailleurs assez extraor-dinaire de remarquer le nombre élevé decompagnies multinationales qui ont leursiège en Suisse. Heureusement qu’elles sontlà d’ailleurs et qu’elles se portent bien – leschiffres de l’exercice 2005 en témoignent.Bien qu’elles réalisent aujourd’hui la plusgrande partie de leurs bénéfices à l’étranger,ces firmes contribuent à la richesse du paysà travers les impôts, la création d’emplois dehaute qualification et les dividendes reversésaux actionnaires suisses (c’est-à-dire, entreautres, les deuxième et troisième piliers).Nous pourrions tout aussi bien être un petitpays pauvre.»En fait, les méfaits de lamondialisation touchent surtout lesemplois peu qualifiés. Le réveil de l’Asie,mais aussi de l’Amérique latine et dansune moindre mesure de l’Afrique,entraîne un déplacement de ce type demain-d’œuvre hors des frontièressuisses. Certains métiers ont d’ailleurspurement et simplement disparu cheznous. «Les travailleurs peu qualifiés sont les

plus exposés à la concurrence mondiale,admet Victoria Curzon Price. Et le périlqui les menace ne fait que s’aggraver avecl’accélération de la mondialisation de l’éco-nomie. Nous vivons une période de transi-tion assez rude de ce point de vue quiexplique le paradoxe que vit la Suisse, unpays si riche et en même temps si pauvre.»

Des secteurs protégésUn certain nombre de secteurs demeu-rent néanmoins protégés de la grandefaucheuse de la globalisation. Lesemployés du bâtiment, de la santé ou del’éducation subissent en effet uneconcurrence plutôt locale, contraire-ment aux ouvriers de Swissmetal àReconviliers, par exemple, qui produi-sent des biens échangés sur le marchémondial.Cela dit, pour Victoria Curzon Price, iln’est pas grand-chose que l’on puissefaire pour modifier le cours du scénario.«La mondialisation s’est brusquement accé-lérée sans que personne l’ait consciemmentvoulu ou pu en prévoir les conséquences,note-t-elle. Et maintenant que la machineest lancée, on ne peut plus l’arrêter. Noussommes montés dans un train express sanssavoir où il va, mais duquel il est impossiblede descendre. Vouloir freiner la mondialisa-

«Nous allons devoir passer par un régime am

Si les bénéfices record des multinationales devraient créer des emplois à haute valeur ajoutée en Suisse, la mondialisation

continuera inexorablement de faucher les postes moinsqualifiés dans une Europe où la croissance s’est arrêtée il y a

plus de dix ans

Université de Genève

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recherche dossier l’invité extra-muros étudiants actualitéssi riche si pauvre

tion, cela équivaut à se mettre en marge et sepriver des progrès et des bénéfices qui endécoulent.»

Un seul but: nous rattraperLes portes du marché étant béantes, lereste du monde, Chine et Inde en tête,n’a qu’un but, c’est de nous rattraper entermes de qualité de vie. Et ça marche.Alors que les taux de croissance de cer-tains pays émergents atteignent lesdeux chiffres, ceux des pays européens

stagnent depuis quinze ans entre 1 et1,5%. «Ce n’est pas que l’enrichissement desnations pauvres nous appauvrissent, pré-cise Victoria Curzon Price. Au contraire,l’économie est globalement un jeu à sommepositive. Mais la concurrence devient de plusen plus rude. Partout dans le monde, lesentreprises (et leurs employés) doivent être deplus en plus alertes et attentives au moindrechangement. Etant donné nos schémas depensée hérités d’une époque plus calme, nousaccumulons des résistances aux change-

ments. Du coup, si nous persistons dans nosrésistances, il va devenir de plus en plus dif-ficile pour l’Occident de conserver le niveaude vie actuel.» Un niveau de vie qui conti-nue en l’occurrence à grimper ailleurscomme si de rien était.Pour Victoria Curzon Price, une desconséquences de cette stagnation de lacroissance chez nous devra être une évo-lution urgente du système de sécuritésociale. Une piste serait de mieux ciblerl’aide sur les populations les plus agres-

sées par la mondialisation,tout en favorisant la for-mation continue et lareconversion des tra-vailleurs qui se retrouventau chômage. «Les gens doi-vent davantage investir dansleur propre capital», estime-t-elle. Encore plus impor-tant est la prévention.Etant donné que lesemplois les moins quali-fiés sont aussi les plus pré-caires, il faut assurer la

meilleure formation possible auxjeunes: encourager les études et lesapprentissages, réformer les hautesécoles pour les rendre plus efficaces,produire, attirer et garder les cerveaux.Et les milliards de bénéfices des compa-gnies multinationales? Une partie nedevrait-elle pas être redistribuée enfaveur des victimes de la mondialisa-tion? «Ce n’est pas seulement d’argent quenous avons besoin, mais de nouveauxemplois, réplique l’économiste. Nous nesavons pas quels seront les emplois dedemain, mais il est sûr qu’ils seront créésgrâce à ces bénéfices et par les entreprises. Jeconcède que jamais autant de richesses n’ontété créées par certaines firmes. N’oublionspas que le marché nous indique qu’elles ontété particulièrement alertes et attentivesaux besoins des gens. Les charger d’impôtssupplémentaires serait une piètre récom-pense et leur enverrait un très mauvaissignal. Mieux ils réussissent, plus ils sonttaxés. Ce serait troquer nos emplois dedemain contre des impôts supplémentairesd’aujourd’hui – un très mauvais calcul. Ilvaudrait bien mieux que l’Etat réf léchisseaux vraies priorités et passe par un régimeamaigrissant.» ■

maigrissant»

Carnaval d’Onex, février 2005

Campus N° 80

La précarité s’est trouvé de nouvellesvictimes. Dépassant depuis longtemps lecercle restreint des marginaux, ellechassait hier sur les terres de lavieillesse. Le développement de l’AVS etde l’assurance maladie protège aujour-d’hui un peu mieux ces catégories. Etmême si à l’évidence tout n’est pas rosepour nos retraités, ils semblent moinsdurement touchés par les récentesmutations de l’économie que d’autres.Au premier rang desquels les femmes,les enfants et les jeunes.«Partout en Europe, se dessine une même ten-dance, lourde, massive et indiscutable: lesménages qui comptent le plus d’enfants sontaussi les plus menacés, confirme l’histo-rien Christoph Conrad. Que ce soit enFrance, en Grande-Bretagne, en Allemagneou en Suisse, on voit s’accroître le nombre dejeunes ménages pauvres au milieu des Etatsprovidence les plus développés que l’histoireait connus.»S’il atteint aujourd’hui des proportionspréoccupantes, le phénomène ne date

sans doute pas d’hier, comme l’expliqueJean-Marc Falter, maître assistant ausein du Laboratoire d’économie appli-quée et auteur d’une étude sur la pau-vreté infantile dans le cadre du PNR53:«La surreprésentation des femmes dansles franges défavorisées de la populations’explique en partie par l’explosion dunombre de familles monoparentales depuisquelques décennies. Ces personnes ont pro-bablement toujours représenté une catégorieà risque, mais elles étaient autrefois moinsnombreuses et donc moins visibles.»

L’adolescence, seuil critiqueLes travaux de Jean-Marc Falter sem-blent toutefois indiquer que le poids desenfants sur le budget des ménages estsurévalué pour ce qui est des famillesnombreuses. Dans le calcul des statis-tiques officielles, le nombre d’enfants àcharge est en effet additionné de façonlinéaire, comme si une cinquième nais-sance coûtait autant qu’une deuxième,ce qui n’est généralement pas le cas

dans la mesure ou certains biens peu-vent être réutilisés ou qu’une chambrepeut être partagée par plusieursenfants.Autre source d’inquiétude majeure quepartagent les démocraties occidentales:les difficultés croissantes que rencon-trent les jeunes sur le marché du travail.«Le taux de chômage des 20-25 ans est plus

Il y a trente ans, la précarité frappait surtoutles personnes âgées. Elle touche aujourd’hui principalement des individus qui jouissaienthier d’un certain bien-être: les femmes,les enfants et les jeunes

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Les femmes et les enfants

en première ligne

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Université de Genève

élevé que la moyenne suisse. Et, par consé-quent, l’opinion a tendance à se focaliser surcet aspect, explique l’économiste YvesFlückiger. En sortant de formation, on esten général confronté à un chômage de tran-sition. Ce n’est pas un moment agréable,mais les choses finissent par s’arranger. Cequi m’inquiète davantage, c’est la situationdes 16-19 ans. Le taux de chômage est certes

plus faible pour cette catégo-rie de la population, mais ilest plus préoccupant. En effet,pour les jeunes qui ne par-viennent pas à trouver uneplace d’apprentissage ou quin’ont pas accès à une forma-tion post-obligatoire, lorsquela rupture est consommée,l’insertion sur le marché dutravail devient de plus en plusdifficile au fur et à mesureque se prolonge cette périodede latence. Et ce manque totalde perspectives est unemanière de fabriquer de véri-tables bombes sociales.»

Identifier les causesFace à cette problématique cruciale, iln’est toutefois pas aisé de déterminer cequi relève d’une mécanique sociale et cequi tient à l’environnement et au milieusocioculturel. «Prenez l’exemple de la for-mation, explique Jean-Marc Falter. Lesdiverses analyses menées à partir des don-nées PISA montrent des inégalités très mar-quées au sein du système scolaire suisse. Onsait qu’un enfant qui vit dans une famille oùil y a plus de 500 livres dispose en effet debien meilleures chances de réussite qu’unenfant vivant dans un foyer qui en comptemoins de 100. Ce qu’on ignore en revanche,ce sont les causes de cet écart.»Différentes hypothèsessont évoquées par les scien-tifiques. D’une part, lesfamilles de milieux aisésseraient en règle généraleplus concernées par ledevenir de leur enfant etelles y investiraient davan-tage de ressources; le goûtdes études ou de la lectureserait également plus pro-noncé au sein de ces popu-lations. De l’autre, lesparents qui disposent d’unrevenu plus modeste

seraient aussi ceux quisubiraient le plus destress. Ils auraient parconséquent moins detemps et d’énergie àconsacrer à leursenfants. Enfin, laconcentration d’en-fants défavorisés provo-querait des effets degroupe défavorables àla réussite scolaire.«Après une longue périodede développement, le pro-cessus de démocratisationdes études risque de subir

un net coup de frein», conclut Jean-MarcFalter. «Dans vingt ou trente ans, le faitd’avoir des parents universitaires ououvriers sera davantage un marqueur socialqu’aujourd’hui. Les clivages vont s’accentuercar les inégalités liées au niveau de forma-tion tendent à s’accroître et cela auraimmanquablement des répercussions sur lesprochaines générations.» ■

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Ci-dessous et à gauche: Foyer d’accueil pour femmes seules ou avec leurs enfants

«au Cœur des Grottes», mars 2006

Abri de la protection civile des Vollandes, mars 2006

«Il n’y a que peu de personnes qui viennentnous voir en étant sûres d’elles et en sachantqu’elles ont droit à une prestation.Malheureusement, la plupart ont honte etviennent très tard. Pour beaucoup de gens, ilest très humiliant de donner tous les rensei-gnements demandés, en quelque sorte de sedéshabiller.» Ce témoignage émanant deThomas Bänninger, conseiller munici-pal à Zollikon a été publié dans leBulletin du PNR 51 «Intégration et exclu-sion». Il résume bien le sentiment quihabite nombre de chômeurs. Car si l’opi-nion aime à mettre en avant les profi-teurs, le fait d’être sans emploi restedavantage perçu comme une tare quecomme une chance. Isolement, manquede considération, honte, exclusion sonten effet autant de facteurs qui consti-tuent des atteintes potentielles à ladignité d’un individu sans travail.

Un poids dissuasif«Ne pas pouvoir se permettre une sortie detemps en temps ou devoir renoncer à envoyerson enfant en classe de neige peut paraîtreanodin, explique Franz Schultheis, socio-logue. Mais, dans les faits, ce genre d’épi-sode est parfois vécu de façon très pesante.Les recherches que j’ai pu mener enAllemagne confirment que le sentiment dehonte est très présent chez les chômeurs. Pour

une très large part de la population, seretrouver à l’assistance, c’est encore un étatmisérable qu’il faut fuir comme la peste. Sibien qu’on estime que près d’un million depersonnes qui auraient droit à une aidedans ce pays ne la demandent tout simple-ment pas.»Dans le même ordre d’idées, des travauxexpérimentaux ont permis de montrerque les chômeurs s’estimaient globale-ment plus heureux dans les régions oùils constituent 20% de la population quedans les régions où ils ne représententque 1%, le sentiment d’appartenancecompensant largement les difficultésque suppose une concurrence accrue.C’est qu’aux yeux de l’opinion, des pou-voirs publics comme des employeurs, nepas travailler est encore perçu commeun signe de mauvaise volonté ou de fai-néantise. Dans une économie fondée surle principe de l’offre et de la demande,le chômage n’a pourtant rien de hon-teux. Selon Jean-Marc Falter, c’est mêmeune condition indispensable au bonfonctionnement de l’économie. «Chaqueannée, 10% des emplois sont détruits et 10%sont créés, explique le chercheur. Il fautdonc impérativement un peu de souplessepour que le système puisse fonctionner. S’ilreste transitoire, le chômage constitue doncune étape très utile à l’ensemble de la société.

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Chômage, un poutous contre un

La pauvreté est un état qui dépasse la simple condition économique pour marquer durablement

le comportement des individus qui en sont victimes

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r tous,Mais il faut en assumer le coût. Il serait toutà fait anormal que la collectivité laisse sur latouche ceux qui subissent les aléas de l’éco-nomie de marché, alors que cette dernièreprofite au plus grand nombre.»D’autant que, contrairement à ce quevoudrait la vox populi, chômeur rimerarement avec fainéant. Vivre dans laprécarité occupe en effet beaucoup: ilfaut compter, faire des kilomètres pourtrouver les produits au meilleur mar-ché, faire la queue devant les guichetsdes offices sociaux. Le reste du temps, onle passe souvent chez soi, parce qu’on atrop honte pour se montrer dans la rue.

Une forme de privatisation de la pau-vreté qui peut donner l’illusion que leproblème n’existe pas puisqu’il n’est pasvisible.A relever enfin que ce n’est pasparce qu’on manque d’argent qu’on ledépense bien. «Les gens pauvres ont sou-vent une façon peu économique de dépenserleurs revenus, explique Franz Schultheis.La précarité peut pousser à des dépensesirrationnelles ou à des conduites peu pré-voyantes. C’est d’ailleurs parmi ces popula-tions que les comportements à risque – alcoo-lisme, tabagisme, toxicomanie, absence deplanning familial – sont les plus fréquents.»■

Les Avanchets, mars 2006

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La Confédération consacre aujourd’huiprès de 130 milliards de francs par anaux prestations sociales. Longtemps à latraîne de ses voisins européens, la Suissea aujourd’hui rattrapé son retard dansce domaine pour se hisser parmi les paysles plus généreux du Vieux Continent,au même titre que l’Autriche, leDanemark, l’Allemagne ou la France. Sibien que le système social suisse, singu-lier mélange d’acteurs étatiques et d’ins-titutions privées, permet aujourd’huien théorie de couvrir entre 80 et 95% dela population, proportion jamaisatteinte par le passé.Mais d’où vient l’idée que l’Etat a charged’assumer le bien-être de ses conci-toyens? Historiquement, le termed’«Etat providence» apparaît dans lalangue française pour dénoncer les tra-vers paternalistes des Jacobins, puis durégime napoléonien. C’est durant lesTrente Glorieuses que leterme prend son accep-tion actuelle avec lamise en place de l’im-mense majorité des sys-tèmes de protectionsociale que nousconnaissons aujour-d’hui. A titre d’exemple,c’est en 1947 que la Suisse adopte la loisur l’assurance vieillesse et survivants(AVS). L’idée qui s’impose alors est quel’autorité publique doit être en mesurenon seulement d’assurer la survie descitoyens, mais encore de garantir unecertaine justice sociale en permettant lapleine participation de chacun à la vieéconomique et associative.

Renforcer la cohérenceDans le dispositif qui se met alors lente-ment en place, l’Etat est le régulateur etle garant du système, mais il n’est pasforcément le seul acteur. Autour de l’ad-ministration publique gravitent en effetnombre d’instances semi-publiques ouprivées (associations philanthropiques,églises, syndicats, caisses maladie, assu-

rances, etc.). «Ce trait qui est particulière-ment accentué en Suisse passait pour unetare il y a trente ans, explique l’historienChristoph Conrad. Mais aujourd’hui, il estcité en modèle par certains, comme le pro-fesseur Opielka (lire ci-contre). Il est vrai quece modèle semble bien fonctionner pour lesretraites, les personnes qui tombent maladesen cours d’emploi ou celles qui sont confron-tées à un chômage temporaire par exemple.Par contre, il pourrait sans doute être plusefficace pour ceux qui ne sont pas pleine-ment intégrés dans la société ou le marchédu travail.»«Une partie du problème vient du fait quenos assurances sociales sont totalement par-cellisées, poursuit Yves Flückiger, profes-seur d’économie politique. De ce point devue, le fédéralisme complique singulière-ment les choses tant il est vrai qu’il n’est pastoujours facile de s’y retrouver dans l’éche-veau formé par les services communaux,

cantonaux et nationaux. L’assurance chô-mage, invalidité et l’aide sociale se sont déve-loppées parallèlement, de manière presqueindépendante, comme si ces mondes étaientséparés. Or ce n’est pas le cas. De plus, cemode de fonctionnement fait qu’aujour-d’hui, l’Etat ne sait plus vraiment combien ildonne, ni à qui, ce qui ouvre la porte à tousles abus. Pour le rendre cohérent, il faudraitpouvoir réformer l’ensemble du système.»

Revaloriser le travailParmi les solutions qui pourraient per-mettre aux plus démunis d’envisagerl’avenir sous un jour meilleur, la ques-tion de l’augmentation des salaires faitdepuis longtemps débat. Non sans rai-son: «Sur le plan de la fiscalité des trèsfaibles revenus, la Suisse est un des pirespays de l’OCDE, explique Jean-Marc Falter,du Laboratoire d’économie appliquée.Une augmentation de revenu est souvent

Bâti au cours des Trente Glorieuses, le système social suissefait pour certains figure de modèle à suivre. D’autres

mettent l’accent sur ses nombreux disfonctionnements en suggérant que l’on réinvente notre rapport au travail

Repenser l’EtatRues Basses à Genève, mars 2006

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accompagnée d’une diminution de l’aidesociale à laquelle ces personnes ont droit, cequi signifie que le gain net d’une activitérémunérée est parfois proche de zéro, constatqui rend le travail fort peu attractif. C’est lafameuse trappe à la pauvreté.»Seulement voilà, l’augmentation dessalaires est du ressort de l’économie pri-vée, l’Etat n’ayant pas vraiment lesmoyens de faire pression en la matièresans risquer de prétériter la compétiti-vité de nos entreprises sur le marchéinternational. Et quand bien mêmepourrait-on s’affranchir de cet écueil, lamarge de manœuvre resterait malgrétout limitée par le fonctionnement dumarché du travail. «Dans certains cas, l’in-troduction d’un salaire minimum ne va pasmettre en péril l’emploi et pourrait même

théoriquement l’augmenter. C’est ce que l’onobserve dans les situations où les employeurssont en mesure d’imposer des salaires trèsbas, explique Jean-Marc Falter. Il fautcependant reconnaître qu’à partir d’un cer-tain seuil, l’introduction d’une telle mesurea une inf luence négative sur l’emploi quelque soit le fonctionnement du marché du tra-vail. Donc avant d’agir, il faut savoir où l’onmet les pieds et dans quelle situation l’on setrouve.»Pour intervenir de façon réellement efficace, il vaudrait donc sans doutemieux tenter de redonner au travailsalarié une réelle attractivité. La généra-lisation de ce qu’on appelait hier encoredes emplois atypiques (temps partiel,travail sur appel…) fait que la reprised’un emploi n’est désormais plus ➔

La Suissemodèled’avant-garde?La Suisse représente-t-elle un modè-le à part sur le plan des prestationssociales? C’est du moins la thèseque défend le professeur MichaelOpielka, professeur de politiquesociale à la Haute Ecole spécialiséed’Iéna. Selon le chercheur allemand,notre pays se distinguerait en effetà la fois du modèle libéral anglo-saxon (où la couverture socialedépend essentiellement de l’emploi)et des pays scandinaves (où c’estl’Etat qui assume la protection de l’ensemble des citoyens) en incarnant une exception annoncia-trice d’une nouvelle façon de penserl’Etat providence.Ce qui caractérise le système suisseselon Opielka, c’est son fort caractè-re «garantiste». Une orientation qui implique d’une part que les droits et devoirs sociopolitiquesdes citoyens soient liés au statutde citoyen et non à celui de salariéet, de l’autre, que l’accès à toutes les sphères d’activités de la sociétésoit reconnu comme un droitfondamental pour l’ensemble des membres de la collectivité.La Suisse, poursuit le chercheur,s’est considérablement rapprochéedu modèle citoyen ces vingtdernières années, principalementpar le biais de l’introduction de la LAmal. La base des assurés AVSest par ailleurs beaucoup plus largeque dans la plupart des payscomparables, ce qui constitueun élément important de «garantiecitoyenne». Un jugement confirmépar la Banque mondiale, qui consi-dère pour sa part que le systèmesuisse des trois piliers est un modè-le à suivre dans le monde entieren matière de durabilité écono-mique et de protection contrele vieillissement démographique.

PNR 51 Intégration et exclusion, Bulletin n°2,décembre 2005, www.pnr51.ch

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t providence

Abri de la protection civiledes Vollandes, mars 2006

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Plus d’équité, c’est plus de croissanceNombre de spécialistes del’économie ont longtempsconsidéré que l’équité et l’effi-cacité étaient des notions antinomiques. A en croire laBanque mondiale, rien n’estplus faux. Selon son chef éco-nomiste et premier vice-prési-dent, François Bourguignon(qui est également docteurhonoris causa de l’Universitéde Genève depuis 2005), lacroissance des inégalitésconstituerait en fait un frein

à la croissance économique.Selon les auteurs du Rapportsur le développement dans lemonde 2006 de la Banquemondiale, l’accroissement del’équité dans une société don-née est un élément qui favorisesouvent des investissementsaccrus et plus productifs, ce quientraîne une croissance plussoutenue. A l’opposé, le docu-ment montre que les inégalitéstrès profondes qui existent,d’un pays à l’autre et au sein

d’un même pays, sur le plandes richesses et des opportuni-tés contribuent à maintenirdans une situation d’extrêmedénuement une partie souventimportante des populationsconcernées. L’objectif, soulignel’institution, n’est pas tantde parvenir à une égalitédes revenus, que d’encouragerun meilleur accès aux soins de santé, à l’éducation, auxemplois, aux capitaux et auxdroits fonciers et aux libertés

politiques. «L’équité est complé-mentaire de la poursuite de laprospérité à long terme, écritainsi François Bourguignon.Un surcroît d’équité est béné-fique à double titre pour laréduction de la pauvreté: il tendà favoriser un développementsoutenu au niveau général,et procure des opportunitésaccrues aux segments les pluspauvres du corps social.»web.worldbank.org

forcément synonyme de gains supplé-mentaires. Avec un salaire de 3500 ou4000 francs, déduction faite des dépla-cements, des diverses cotisations etéventuellement de la garde des enfants,on peut en effet se retrouver à la fin dumois avec moins d’argent que si l’on netravaillait pas. «Il me semble capital que lespersonnes qui veulent et qui peuvent retrou-ver un emploi soient réellement incitées à lefaire, argumente Yves Flückiger. Danscette optique, on peut imaginer de proposerdes primes de retour à l’emploi ou diminuerprogressivement les aides sociales, au fur età mesure que le revenu de l’activité s’accroît,plutôt que de les couper du jour au lende-main comme c’est le cas aujourd’hui.»

Plutôt que de faire dépendre l’as-sistance du fait d’avoir un travailou non, il pourrait par ailleurss’avérer judicieux de soutenir cespersonnes qui, tout en tra-vaillant, ne parviennent pas oudifficilement à joindre les deuxbouts. «L’assistance fonctionneaujourd’hui selon une logique detout ou rien, car elle repose essen-tiellement sur des seuils de revenus,développe Jean-Marc Falter. Ellen’est pas adaptée à des personnesqui souhaitent travailler alorsqu’une action plusprogressive de l’Etatpourrait être béné-fique car elle per-mettrait aussi biende réduire la pau-vreté que d’augmen-ter le volume de tra-vail.» A cet égard,des études empi-riques ont permisde montrer que l’octroi de cré-dits d’impôts, de déductions fis-cales ou de primes de retour àl’emploi serait plus efficace quel’introduction d’un salaire mini-mum.

Le plein emploi,et après?De façon plus fondamentale, uneréflexion sur le rapport que nousentretenons au travail paraît iné-luctable à moyen terme. Valeur

sacro-sainte depuis des générations dansnos sociétés industrialisées, la fonctionprofessionnelle demeure un point derepère central. Source de revenus, le tra-vail produit en effet aussi de la légiti-mité, de la socialisation et de l’identité.C’est le lieu où se créent des amitiés etoù l’on rencontre souvent son futurconjoint. «Aujourd’hui, si un individu n’arrive pas às’insérer dans une activité rémunérée etdurable, on considère qu’il a raté son inté-gration, constate Christoph Conrad. Leplein emploi est mort depuis les années 1970et il est largement temps de trouver un autremodèle de bonheur que celui basé sur unemploi à plein temps permettant de nourrir

un ménage pendant trente ou quarante anset qui correspond de moins en moins à uneréalité. Rien n’empêche d’imaginer un autretype d’activité pouvant être plein de senssans obéir strictement à la logique du mar-ché: le travail volontaire, l’engagement asso-ciatif, la reconnaissance des tâches éduca-tives au sein de la famille.»«La Suisse a posé d’ailleurs un premier jalondans cette voie en introduisant, dans l’AVS,un bonus éducatif et d’assistance qui créedes droits à des prestations futures», ren-chérit Yves Flückiger. Cette suggestiond’autant plus légitime que les énormes

gains de productivité réalisés tout aulong du XXe siècle ont entraîné uneredistribution du temps de la vie. Lapériode enfance-jeunesse s’est en effetconsidérablement allongée, ce qui per-met davantage de loisirs, de liberté et detemps pour la formation. C’est un choixde société qui permet de libérer du tra-vail rémunéré un quart de l’existenceenviron. A l’autre bout de l’existence, onretrouve le même processus, la retraites’étant elle aussi considérablementétendue. Cette évolution repose essen-tiellement sur une explosion de la pro-ductivité qui fait que la part de nos viesconsacrée à une activité rémunéréereprésente aujourd’hui moins de la moi-tié de la durée de vie moyenne.«Aujourd’hui, avec trente-cinq ans de travailde temps plein, on peut financer septante-cinq ans de vie, remarque ChristophConrad. C’est un beau résultat, mais pour lepréserver, il est indispensable de parvenir àmaintenir l’équilibre entre ceux qui produi-sent et ceux qui ne produisent pas.» ■

Université de Genève

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«L’assistance n’est pasadaptée aux personnes qui souhaitent travailler»

Abri de la protection civile des Vollandes,mars 2006

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Campus N° 80

recherche dossier l’invité extra-muros étudiants actualitésMarc van Montagu

Campus:Quel est l’impact des OGM sur lasanté?> Marc van Montagu: Aucun des OGMactuellement sur le marché n’a d’effetsnéfastes sur la santé. Il est vrai queGreenpeace, Oxfam, les Amis de la Terreet d’autres ONG ont prétendu lecontraire sur la base d’anecdotes infon-dées qu’ils ont diffusées dès le début dela contestation en 1996. Ils ont eu un telsuccès que tout le monde est actuelle-ment certain que les OGM sont effective-ment dangereux. Les scientifiques, eux,sont convaincus du contraire.Je précise qu’il existe des OGM présen-tant des problèmes sanitaires, mais ceux-ci ne sont jamais sortis des laboratoires.Par exemple, la noix du Brésil contientun gène qui synthétise une protéineriche en méthionine, un acide aminéessentiel qui manque à notre alimenta-tion. Nous avons essayé de l’introduiredans d’autres plantes. Il se trouve que lanoix du Brésil est allergène et les plantesqui ont reçu son gène le sont devenuesaussi. Une histoire similaire est survenueavec une fève. Seulement, de tels pro-duits n’ont aucune chance d’obtenir uneautorisation de mise sur le marché. Niaux Etats-Unis ni en Europe. D’ailleurs,aucune compagnie agroalimentairen’oserait mettre en circuit des plantessur lesquelles il y aurait le moindre doutesanitaire. Cela dit, on n’a pas fait autantd’histoires avec les semences de blé irra-diées dans les réacteurs nucléaires dansles années 1950 et qui servent encore àfabriquer le pain d’aujourd’hui.

Du point de vue écologique, n’y a-t-il pasde risque que la résistance à un herbicidene se transmette à des plantes sauvages?

> Il est certain que les gènes d’une plantecultivée se propagent parmi les plantessauvages. C’est un processus qui sedéroule en permanence. Il est enrevanche pratiquement exclu qu’un gèneintroduit artificiellement dans uneplante cultivée se fixe durablement dansses cousines sauvages. Le processus aucours duquel une plante s’adapte à sonécosystème est très complexe. En casd’échange génétique, ce n’est pas un seulgène qui transite d’une plante à l’autre,mais des morceaux entiers de chromo-somes, c’est-à-dire avec des centaines degènes actifs et une grande quantitéd’ADN contenant de l’information utile.Lorsque autant de caractéristiquess’échangent, le résultat final est délétèreet le mutant meurt. Certains, dans descas très rares, pourraient survivre. Maistous les biologistes et les écologistessavent que, avant qu’une nouvelle carac-

téristique se stabilise dans une espèce, ilfaut des centaines de croisements. Etmême si le gène de la résistance à un her-bicide spécifique est effectivement trans-mis à une plante sauvage et se stabilise,s’agit-il pour autant d’une catastrophe?Non, puisque cet herbicide n’en est qu’unparmi tant d’autres.

Aujourd’hui, le marché des OGM est tenupar de grandes multinationales qui enprofitent pour asseoir leur hégémoniesur l’agriculture mondiale. Comment

peut-on soutenir cette nouvelle tech-nologie dans ces conditions?> C’est une situation de fait. La réactionanti-OGM de la population, certes pleinede bonnes intentions, a débouché sur lamise en place et le maintien de régle-mentations telles qu’aujourd’hui la com-mercialisation d’une nouvelle plantetransgénique coûte environ 100 millionsde dollars – 90% de ces frais étant admi-nistratifs. A ce tarif, il est évident qu’au-cune PME ne peut se lancer dans l’aven-ture. Je comprends qu’on ait introduitautant de mesures de contrôle, il y avingt ans, lorsque les plantes génétique-ment modifiées étaient encore incon-nues. Mais nous avons maintenant deuxdécennies de recul et nous voyons qu’iln’y a pas eu de problèmes sanitaires ouenvironnementaux. C’est pourquoi jesouhaite que l’on ramène la réglementa-tion des cultures d’OGM à des propor-tions raisonnables. Cela réduira les coûts,une condition indispensable pour quecette technologie puisse se développerchez nous et, surtout, dans le tiers-monde à un prix abordable. Si rien nechange, cela ne profitera qu’aux grandes

firmes, ravies de poursuivre leursaffaires, contrôler le marché, signer desaccords avec les gouvernements, monterdes cartels… Mais il ne faut pas s’attendreà ce qu’elles répondent aux besoins spé-cifiques des pays en voie de développe-ment.

Quels bénéfices les pays du tiers-mondepeuvent-ils tirer des OGM?> Les OGM, s’ils sont bien exploités, per-mettent d’augmenter considérablementle rendement des cultures. C’est indis-

«Nous avons besoin des OGM»

Marc van Montagu, pionnier de la technologie des organismes génétiquement modifiés, défend

les bienfaits que celle-ci apporte à l’agriculture

«««Les multinationales ne répondront pas

aux besoins des pays pauvres»

Université de Genève

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recherche dossier l’invité extra-muros étudiants actualitésMarc van Montagu

pensable dans la situation actuelle decroissance démographique. La popula-tion devrait passer de 6 à environ 10 mil-liards de personnes d’ici à quelquesdécennies et cette augmentation concer-nera surtout les Etats du tiers-monde. Lesbesoins en nourriture vont donc exploserdans ces régions et ce d’autant plus queles habitants de pays comme la Chine etl’Inde veulent de plus en plus manger dela viande, comme nous. Il faut donc aussitrouver des solutions pour l’alimenta-tion du bétail et des volailles.

N’y a-t-il pas déjà assez de nourriture surTerre, mais mal distribuée?> Peut-être, mais au lieu d’amener de lanourriture venue d’ailleurs pour pallierles famines chroniques, il vaut beau-coup mieux que les paysans des pays

pauvres acquièrent eux-mêmes la capa-cité d’améliorer leur technique agricoleet d’augmenter ainsi leurs rendements.Et ce qu’il leur faut, ce n’est pas du maïstransgénique adapté au Middle West desEtats-Unis, mais du sorgo, du mil, despatates douces ou du manioc génétique-ment modifiés pour résister à des para-sites et aux conditions climatiques sou-vent extrêmes qui règnent dans cesrégions (sécheresse, salinité des sols,etc.). Ces applications de la technologieOGM doivent selon moi être développéesdans les pays concernés. Mais pour cela,il faut d’abord former des gens. C’est ceque nous essayons de faire avec l’Institutde biotechnologie des plantes pour lespays en voie de développement à Gand.Je suis convaincu que la technologie desOGM est susceptible de générer une éco-

nomie locale solide dans lespays les plus pauvres de laplanète.L’agriculture n’est d’ailleursde loin pas entièrementdédiée à la production denourriture. On commence eneffet à savoir modifier desplantes pour qu’elles fabri-quent en grandes quantitésdes produits intéressant l’in-dustrie comme du plastiquebiodégradable, des cosmé-tiques, de l’amidon, de la cel-lulose, certaines huiles, etc.Un seul exemple: si l’on par-vient à concevoir un palmierqui triple sa productiond’huile, cela évitera peut-êtrede continuer à raser des forêtsen Malaisie pour les besoinsde l’industrie cosmétique.

Comment résoudre le prob-lème de communication quimine les relations entre lepublic et les scientifiques?> Il faut convaincre l’opinion

que les biologistes ont le même souciqu’eux de sauvegarder l’environnementet la santé humaine. Ils ne cherchent pasà gagner de l’argent sur le dos de la popu-lation. L’objectif des scientifiques est dedécouvrir comment fonctionne la vie. Etquand ils entrevoient des applicationsutiles, ils expliquent pourquoi il faut lesréaliser. C’est tout. Il faut qu’un certainniveau de compréhension soit atteintdans la société afin que les gens refassentconfiance aux médecins et aux scienti-fiques. Les lacunes de l’enseignementont d’ailleurs joué un rôle dans l’appari-tion de ce clivage entre la recherche et lacité. Cela dit, quelle que soit la manièrede résoudre ce problème de société, il y aurgence à le faire. ■

Propos recueillis par Anton Vos

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L’abri-sous-roche de la Grande Rivoire près de Grenoble a conservé dans son sous-sol

les traces de 8000 ans d’occupation humaine,du mésolithique à l’époque gallo-romaine. Petit

voyage dans le temps avec l’archéologue genevois Pierre-Yves Nicod, responsable de la fouille

recherche dossier l’invité extra-muros étudiants actualitésGrande Rivoire

Campus N° 80

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Pointes de flèche en silex, restes d’ani-maux sauvages et domestiques,mâchoire d’ours, plusieurs couches defumier calciné, céramiques et bijoux: surle site de la Grande Rivoire, près deGrenoble, on peut lire, comme dans unlivre ouvert, 8000 ans d’occupationhumaine. Des chasseurs-cueilleurs dumésolithique aux Allobroges, tous leshabitants successifs ont laissé des tracesplus ou moins abondantes de leur pas-sage dans cet endroit situé dans la valléedu Furon, principale voie d’accès au mas-sif du Vercors depuis la plaine de l’Isère.Pierre-Yves Nicod, archéologue auDépartement d’anthropologie et d’éco-logie et responsable de la fouille depuis2000, a présenté ce gisement remar-quable lors d’une conférence organiséepar le Cercle genevois d’archéologie.«La Grande Rivoire est un abri-sous-rochedont les avantages ont rapidement étéremarqués par les hommes préhistoriques,explique Pierre-Yves Nicod. Localisé surune voie de communication entre plaine etmontagne, il s’ouvre à la base d’une falaisecalcaire bien exposée au sud, à près de600mètres d’altitude.» Les archéologuesmodernes ont, eux aussi, vite compris lecaractère exceptionnel du site découverten 1986 à la suite de travaux de carrière.L’abri-sous-roche est en effet bordé pardeux cônes d’éboulis qui ont régulière-ment recouvert les restes d’occupationhumaine, permettant ainsi leur conser-vation jusqu’à aujourd’hui.«Le gisement se trouve perché au sommetd’un ancien front de carrière, précise le cher-cheur. Les premières fouilles de sauvetageétaient donc fortement déconseillées aux per-sonnes souffrant de vertige. Cette configura-tion a néanmoins permis de réaliser une

coupe verticale – par paliers pour éviter leseffondrements – sur une hauteur de 6 mètres.Cela correspond à une sédimentation cou-vrant 10 000 ans, comprenant des vestigesanthropiques du mésolithique, du néoli-thique, de l’âge du bronze, de l’âge du fer etde l’époque gallo-romaine.»

Les fouilles, financées par le Ministèrefrançais de la culture et le Conseil géné-ral du Département de l’Isère, mobili-sent une vingtaine de chercheurs suisseset français ainsi qu’une trentaine d’étu-diants en été. Le but final: vider et analy-ser l’intégralité du site.Les découvertes effectuées à ce jour per-mettent de retracer l’histoire du lieu de

manière assez détaillée. Entre 8000 et6000 avant J.-C., le climat dans la régions’est déjà passablement réchauffé depuisla dernière glaciation et les valléesalpines sont colonisées. Les premiershommes à s’installer à la Grande Rivoiresont sans aucun doute des chasseurs-

cueilleurs. Ils ont laissé derrière eux desfoyers et des outils en silex taillés, parmilesquels de nombreuses pointes deflèche. D’après les ossements, leurrégime alimentaire se composait essen-tiellement d’animaux sauvages chasséssur les versants boisés environnants,comme des cerfs et des sangliers. Mais ilsse sont également approvisionnés en

Les mains dans le fumier né

Durant l’été, une trentaine d’étudiants contribuent à la fouille du site.

Photos: P.-Y. Nicod

recherche dossier l’invité extra-muros étudiants actualitésGrande RIvoire

Université de Genève

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plaine, puisqu’on trouve des restes decastors, et en plus haute montagnecomme en témoigne la présence d’osse-ments de bouquetin et de chamois.Durant ces deux millénaires, peu dechoses changent dans les modes de vie,si ce n’est l’apparition de quelques nou-veaux outils et d’un gibier un peu plusvarié. Au cours du mésolithique récent(entre 7000 et 6000 avant J.-C.), descanards et des tortues viennent en effetagrémenter l’ordinaire. «La poursuite desfouilles devrait permettre de préciser le statutde la Grande Rivoire à ces époques, soulignePierre-Yves Nicod. Etait-ce une simple haltepour les chasseurs de passage ou servait-ellede camp de base?»

L’arrivée de l’agricultureAu-dessus des niveaux mésolithiques, laprécision de la stratigraphie permet desuivre de très près – c’est un des pointsforts du site – une des plus grandes révo-lutions de l’humanité, le passage dessociétés de chasseurs-cueilleurs à cellesd’agriculteurs-éleveurs. Entre 5500 et5000 avant J.-C., en effet, les restes despremiers bœufs domestiques font leurapparition parmi les ossements d’ani-maux sauvages. L’origine de ces premiersindices d’élevage est encore obscure.«Il est possible que les chasseurs autochtonesde la région soient entrés en contact avec despaysans venus du Sud et aient adopté cer-tains aspects de leur style de vie, suggèrel’archéologue genevois. Mais on ne peutpas exclure non plus la colonisation de larégion par une nouvelle population agropas-torale. Quoi qu’il en soit, les occupants decette époque ont beaucoup de points com-muns (outils et pointes de flèche notamment)avec les premières sociétés paysannes qui se

sont installées peu avant sur les rivages dumidi de la France.»

Un ours captifDans ces couches de transition qui sépa-rent le mésolithique du néolithique, lesarchéologues ont également découvertune remarquable mâchoire inférieured’ours brun. Celle-ci présente entre lesdeux premières molaires une profondedépression qui semble avoir été provo-quée par un lien qui aurait entravé l’ani-mal de sa naissance à sa mort, survenueà l’âge de 4 ans. Les archéologues s’inter-rogent encore sur la présence en ce lieud’un ours captif.A partir de 5000 avant J.-C. environ, laGrande Rivoire entre de plain-pied dansle néolithique. Les restes de chasse etd’élevage bovin sont toujours présents,mais on voit apparaître les premièrestraces de chèvres et de moutons auterme d’un voyage de plusieurs millé-naires qui a commencé au Proche-Orientoù ils ont été domestiqués pour la pre-mière fois. Par ailleurs, la découverte demeules en granit indique que l’on amoulu des céréales sur le site. Les réci-pients en céramique font leur apparitiontandis que les outils en silex se perfec-tionnent, avec la fabrication de grattoirs,de racloirs et de perçoirs. Enfin, les pre-miers indices de coquetterie se manifes-tent par la présence de perles en calcaireet de canines animales perforées.Entre 4500 et 3500 avant J.-C., lescouches sédimentaires deviennent pluscomplexes, mais révèlent une autrecuriosité du site. Sur plus d’un mètred’épaisseur, les archéologues ont mis aujour une alternance de fines couchesorganiques et de niveaux cendreux ou

charbonneux. Les analyses en labora-toire les ont identifiés: il s’agit de fumierde bergerie fossilisé. Dans les mêmescouches, on a découvert par ailleurs despollens de fougères et des aiguilles desapin, deux plantes utilisées commelitière, ainsi que des restes de feuilles quiont probablement servi de fourrage. «Ontrouve très peu d’objets domestiques dans cesniveaux et ce qui reste est le plus souvent trèsendommagé, explique Pierre-Yves Nicod.L’abri-sous-roche a donc certainement servi àcette époque de bergerie pour parquer ungrand nombre de bêtes de manière très ser-rée. C’est en effet la seule manière d’expliquerla présence d’autant de fumier.Régulièrement, les bergers y mettaient le feu,pour réduire le volume des dépôts ou pourassainir l’endroit. Durant les fouilles futures,nous tenterons de savoir si ces combustionsvolontaires suivent des cycles précis.»Plus tard, à la fin du néolithique ou àl’âge de bronze, les occupants ont creusédans ces fumiers de grandes fosses dontla fonction n’a pas encore pu être déter-minée. Quant aux Allobroges, ils ontlaissé derrière eux quelques indices debivouac comme des grains de raisin, descéréales et des coquilles de noix.Finalement, les Gallo-Romains duIersiècle après J.-C. ont aménagé surplace une imposante structure de com-bustion, à l’aide de gros blocs de calcaire.Il s’agit probablement d’un four, mais àquoi a-t-il bien pu servir dans cet endroitsomme toute assez reculé? La bonnedizaine d’années que devrait durerencore la fouille fournira peut-être deséléments de réponse. ■

Anton Voshttp://anthro.unige.ch/gr/

Vue de l’abri-sous-roche de la Grande Rivoire.

olithique Grenoble

Ain

RhôneSavoie

Haute-Savoie

Genève

LA GRANDERIVOIRE

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Campus N° 80

recherche dossier l’invité extra-muros étudiants actualitésparcours

«On ne peut pas se pas-ser de la moitié de l’hu-

manité.» Lorsqu’il défendsa vision des femmes

dans la recherche suisse,Michel Decroux, en charge du

programme Education and Advancement ofWomen du pôle de recherche national(PNR) MaNEP, ne peut pas s’empêcher deraisonner en scientifique. Pour assurerune bonne place aux femmes dans desdomaines comme la physique, où ellessont sous-représentées, il reste cepen-dant beaucoup à faire. De son côté, lepôle MaNEP – spécialisé dans la physiquede la matière condensée – a mis sur piedil y a deux ans des stages réservés à lagent féminine. «C’est de la discriminationpositive, admet Michel Decroux. Le but estde proposer aux étudiantes des liens privilé-giés avec le monde de la recherche afin de leurdonner envie de poursuivre leur cursus.» (lireci-dessous)

«Les initiatives sont rares»Féminiser la recherche: l’objectif est ins-crit dans le cahier des charges de tous lesPNR. «Il s’agit de montrer aux universitésqu’il est possible de fonctionner différem-ment, notamment en matière de gestion desressources humaines», note StéphaneBarges, l’ancien administrateur du pôleFrontiers in Genetics, également basé àGenève. Après quatre ans à la tête dupôle, il connaît bien les réticences enmatière de lutte pour l’égalité entre lessexes. Pour lui, la question se résume àun blocage simple: les femmes n’ont pasle même statut que les hommes en raisondu fait qu’elles doivent concilier leur car-rière avec la maternité. «La recherche est

souvent associée à des emplois précaires(thèse, post-docs) et non sédentaires, estime-t-il. Il est difficile dans ces conditions de fonderun foyer ou de faire garder ses enfants…»Pour y remédier, il a tenté de mettre enplace des partenariats avec des crèchesou des bourses spécifiques. Mais il s’estheurté à des difficultés liées au finance-ment des projets. «C’est frustrant, déploreStéphane Barges. La question de la femmeest souvent débattue, mais rares sont les ini-tiatives concrètes. J’estime pour ma part quela promotion des femmes ne peut pas reposersur des quotas. De telles règles peuvent scléro-ser le système. A mon sens, la solution idéaleconsisterait à favoriser le retour à l’emploi desfemmes qui ont eu des enfants. Mais il fau-drait aussi que les mentalités changent pro-fondément et que les hommes acceptent d’as-sumer davantage de tâches domestiques ouéducatives. Enfin, on devrait proposer plus

facilement des postes à temps partiel auxfemmes comme aux hommes.»Au sein du pôle MaNEP aussi, la questionde la représentation féminine évolue len-tement. «Avec des stages réservés auxfemmes, les étudiants se sont sentis discrimi-nés, note Michel Decroux. Et les étudianteselles-mêmes y étaient hostiles au début: ellesse sentaient capables de réussir toutes seules,sans aide extérieure.» Le processus de fémi-nisation du pôle est néanmoins en courset, en 2005, une première femme estdevenue responsable de projet, une situa-tion qui devrait encore évoluer ces pro-chaines années «Je n’aime pas parler de“physicien” ou de “physicienne”, poursuit lescientifique. Je parle avant tout de physique.Et les femmes sont largement aussi compé-tentes que les hommes dans ce domaine.»«Officiellement, la priorité est donnée auxfemmes, mais le sexe n’est pas le premier cri-

Des stages pour dames> Le pôle MaNEP a lancé il y a deux ans son programme de discrimina-tion positive. Il propose chaque année entre 10 et 12 stages ouverts exclusivement aux femmes. La difficulté principale étant de garder lesfemmes qui ont entrepris un cursus, les stages s’adressent en prioritéaux étudiantes de troisième année afin de les encourager à persévérer.

> Le stage dure un mois, en période d’été. Il porte sur un sujet derecherche en physique et offre aux stagiaires féminines un contactprivilégié avec des chercheurs. Le but est de faciliter les discussionset de parler de physique sur un plan moins technique et académiqueet plus émotionnel, pour donner confiance aux étudiantes.

> Le stage est rémunéré (1800 CHF).

Renseignements:Michel Decroux, responsable des [email protected] – www.manep.ch

Pour féminiser leurs effectifs, les pôles nationaux de recherche(PNR) ont mis en place des mesures incitatives. Les résultats

sont inégaux et les mentalités difficiles à faire évoluer

Pôles cherchent femmes,désespérément

Université de Genève

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tère, nuance Caroline Laemmli, managerdu pôle Frontiers in Genetics. Il passeaprès les compétences.» A l’heure actuelle,sur 23 membres du PNR, 4 sont desfemmes. La proportion est d’un tiers ence qui concerne les doctorants.Dans le pôle dédié aux sciences affectives– le troisième qui soit basé à Genève – laquestion de la promotion des femmes estcarrément devenue un objet d’étude. Enplus des mesures concrètes destinées àaugmenter le nombre de femmes, le pôles’intéresse en effet également aux rap-ports entre hommes et femmes dans lesmilieux académiques.A ce propos, l’Université de Genève –dont dépend le recrutement des 3 PNR –a récemment amélioré sa politique depromotion des femmes. En octobre 2005,elle a en effet adopté officiellement desmesures incitatives pour assurer la relèveféminine. Une nouvelle règle stipulequ’une nomination professorale surquatre doit être féminine. «Mais ce procédéreste incitatif, note Geneviève Billeter ladéléguée à l’égalité de l’Université en

charge des questions féminines. Lesmesures sont appliquées avec souplesse.» Laquestion des quotas, elle, a été écartéeface aux résistances. Elle a laissé la placeà des «objectifs quantifiés», moins direc-tifs.

Pas de quotas fixesLe Fonds national pour la recherchesuisse (FNRS), principal bailleur de fondsdes PNR, encourage lui aussi la promo-tion des femmes. En principe, il financeles pôles selon l’importance du recrute-ment féminin. Une fois de plus, en pra-tique, les choses sont plus nuancées: «Lepôle peut décider seul quel pourcentage ilconsacre à la promotion des femmes, relati-vise Stefan Bachmann, collaborateurscientifique au FNRS. Dans le rapportannuel émis par chaque pôle, nous contrôlonsà quoi sont destinés les investissements. Si lesefforts pour la féminisation des effectifs sonttrop faibles, nous formulons des critiques etdes recommandations. Une baisse des sub-sides ne peut intervenir que si un ensemble derecommandations ne sont pas respectées.»

Face aux différences importantes quirègnent au sein de chaque pôle, le Fondsnational a donc préféré ne pas détermi-ner de quotas fixes. «Suivant leurs champsd’études, les pôles sont plus ou moins bien pla-cés dans la promotion des femmes, poursuitStefan Bachmann. Le but de MaNEP, parexemple, est d’attirer des jeunes femmes versles études de physique. Cela n’est pas néces-saire en psychologie, au sein du pôle ensciences affectives, où les étudiantes sont déjànombreuses, mais pas les professeures.»En mai, le FNRS doit réunir l’ensembledes pôles de recherche du pays pour com-parer les différentes mesures mises enplace. Sans aller vers une harmonisationdes politiques de recrutement, il entendcréer des synergies. «On observe des résul-tats encourageants, mais il est encore trop tôtpour dresser un bilan, indique StefanBachmann. Il y a eu une prise de conscienceet la volonté de faire quelque chose pour remé-dier à une situation inégalitaire entrehommes et femmes. C’est déjà ça.» ■

Pierre Chambonnet

Sous

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upe

Campus N° 80

recherche dossier l’invité extra-muros étudiants actualitésportrait

Il a l’air rêveur d’un écolierfurtif. Le genre GrandMeaulnes un peu égaré. Onl’imaginerait volontiers assisau fond de la classe, près dupoêle, à rêver en regardant lesnuages pendant que les autresrépètent leur grammaire. A23ans, Jean-Christophe deVries cultive une allure roma-nesque et une façon apparem-ment dilettante d’envisager lavie. Le tout une tête au-dessusdes autres. Pas uniquementgrand en taille, l’étudiantélancé a toujours une lon-gueur d’avance. Il fourmilled’idées et de projets artis-tiques. Il est ainsi l’un desdeux directeurs du festivalCully Classique, une manifes-tation qui pour la troisièmeannée consécutive réunira cetété, du 22 au 25 juin, lesamoureux de la musique dechambre dans les vignes vau-doises.«Il faut travailler dans la vie,sinon on s’ennuie», lâche-t-il encroisant ses longs doigts depianiste. Jean-Christophe deVries est étudiant àl’Université de Genève, endeuxième année de musicolo-gie et littérature allemande.En plus de ses activités dedirecteur de festival, Jean-Christophe de Vries étudie auconservatoire l’harmonie et lecontrepoint. Il dirige aussidepuis 2003, avec son frère etsept amis, l’Association pourl’activisme humain et cultu-

rel, qui organise concerts,expositions, performances, etautres exhibitions artistiquesoriginales, souvent expéri-mentales. Il est également col-laborateur du Verbier Festival& Academy depuis huit ans.C’est au cours d’un séjour àBerlin qu’il a eu l’idée des ren-contres musicales de Cully.«Mon voisin de palier était violo-niste, raconte-t-il. Il jouait dansun trio dont le violoncellisteconnaissait bien Cully pour yavoir son luthier.» Après des dis-cussions enthousiastes dansles bars à vins de la capitaleallemande, c’est tout naturel-lement que le festival a étécréé, en 2003. Après les deuxpremières éditions très posi-tives, la manifestation a prisde l’ampleur et son organisa-tion mobilise aujourd’huiplus d’une dizaine de per-sonnes. Le budget est assurépar la billetterie, des sponsorset des aides publiques et pri-vées.Ses responsabilités à Cully ontancré Jean-Christophe deVries en Suisse romande. Maisles picotements exotiques nesont jamais loin. Il faut direque le personnage est un véri-table nomade de l’art. Il y atrois ans, son certificat depiano en poche, il met le capsur la capitale allemandepour y approfondir l’étude deson instrument. Mais la villedu Mur révèle une nouvellefacette de sa personnalité.

A 23 ans, Jean-Christophe de Vries a desallures d’homme-orchestre. Entre deux coursde musicologie et de littérature allemande, il

dirige un festival de musique classique à Cullyet organise divers concerts et spectacles

Le factotuL’Observatoire de la vie étudiante réunitet interprète des données statistiques sur les études supérieures et les étudiants

82% des étudiants de l’université en fin de cursus exercent une activité professionnelle en parallèle à leurs études. Ce résultat – tiré de l’enquête «Etudiants 2004» – est supérieur à celui de 2001 (72%), qui concernait les étudiants au début de leurs études. «En fin de cursus, les étudiants travaillent donc plusd’heures par semaine qu’au début, commenteJean-François Stassen, sociologue et chef de projet à l’Observatoire de la vie étudiante.Plus ils avancent dans leurs études, plus l’activitéprofessionnelle annexe semble devenir une nécessité. Du coup, l’accession au mondeadulte n’est plus marquée par une entrée subitedans la vie professionnelle. Aujourd’hui, cettedernière est beaucoup plus progressive etdémarre dès l’université.» Le phénomène variecependant selon certains paramètres.Ainsi, plus l’étudiant est âgé au momentde sa dernière année d’études, plus son activitéprofessionnelle devient régulière.Il existe également un lien clair entre le faitde travailler durant les études et la réussite à l’université. Les étudiants effectuant jusqu’à15heures de travail hebdomadaires améliorentleurs résultats académiques et ont davantage de chances d’obtenir des résultats positifs queceux qui n’exercent pas d’activité professionnel-le. En effet, 74% des élèves qui ont un emploi épisodique réussissent leur passage dans l’an-née supérieure tandis qu’ils ne sont que 63% à faire de même parmi ceux n’ayant pas de job.«La différence s’explique par le fait que les étu-diants en activité à l’extérieur ont une meilleureintégration sociale, précise Jean-FrançoisStassen. Ils se trouvent dans une dynamique qui les fait mieux réussir aux examens.Mais l’observation est vraie tant que l’activitésalariée prend un temps raisonnable. Au-delà de 16 heures de travail par semaine, les propor-tions s’inversent et les étudiants ne sontplus que 47% à réussir leur année.» P.C.www.unige.ch/rectorat/observatoire/

Etudes et emploi:

un mélange profitable

Sous la loupe

Université de Genève

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recherche dossier l’invité extra-muros étudiants actualitésportrait

Depuis toujours attiré par lethéâtre, il lâche le piano surun coup de tête et s’inscritdans une école de dansecontemporaine et suit aussides cours de chant. A cettepériode, il se tourne résolu-ment vers la mise en scène.«Berlin, c’est un aspect de ma for-mation globale, une parenthèsequi reste ouverte, souligne-t-il.J’ai toujours mes affaires là-bas,beaucoup d’amis et une vie que jepourrais aller réactiver...» Plus

tard, accepté aux concoursd’entrée de la Manufacture deLausanne, il abandonne toutaussi subitement cette filière.«J’ai totalement pété les plombs»,rigole-t-il. Sa grande idée? Lascène effectivement, mais pasforcément dessus.Depuis, il a eu la possibilité demettre en scène plusieurs

spectacles. Il a participé à laréalisation artistique duChapeau de paille d’Italie,l’opéra de Nino Rota, un spec-tacle organisé l’an dernier auBâtiment des forces motricespar les Activités culturelles del’Université. Il a pour l’occa-sion créé le concept de mise«hors scène». Quand on l’at-tendait avec des décors habi-tuels, Jean-Christophe deVries est arrivé avec une ani-mation humaine d’une

soixantaine de figurants oucomédiens: il a, en collabora-tion avec la metteur en scèneMathilde Reichler, recréé unstudio de cinéma du début dusiècle avec des personnages,comme des vitrines animées.Une idée qu’il réutilisera pen-dant le mois d’octobre 2006dans un café de Lausanne.

Il a aussi, avec son frère Cyril,imaginé des choses plus expé-rimentales comme des musi-ciens réunis dans un gigan-tesque verger lausannois,exerçant leur art dans uneversion électrique, perchéssur des plateformes avec desordinateurs portables. Le touten dix tableaux humainscomposés avec des figurantsou comédiens de la région:«Une formidable expériencedurant laquelle différentspublics se sont rencontrés.» CarJean-Christophe de Vries a unsecret dans la mise en scène.L’art qui le motive revientpour lui à rassembler:«L’échange et la convivialité sontle terreau de base à toute créa-tion artistique, détaille-t-il. Cequi m’amuse, c’est de composer

avec tout un tas d’ingrédientspour créer des liens.»D’ailleurs, au festival CullyClassique, la recette est lamême: «Peu importe si on joue,on organise, ou on écoute. Noussommes ensemble. Une fois lesconcerts terminés, tout le mondese retrouve autour d’un verre devin.» Tout le monde, y compriscertains de ses professeurs demusicologie à Genève qui par-ticipent au festival et ani-ment les conférences quiintroduisent les différentsconcerts.Et de se rappeler son grand-père qui l’avait mis en garde:on ne peut pas vivre avec lamusique, la poterie, la pein-ture ou la photo. Après desannées d’angoisse sur son ave-nir professionnel, Jean-Christophe a pourtant choiside se spécialiser en lui-même:«J’ai décidé de vivre avec tout cedont on ne peut pas vivre.» ■

Pierre Chambonnetwww.cullyclassique.ch

m des arts

«J’ai décidé de vivre avec toutce dont on ne peut pas vivre»

Jean-Christophe de Vries.

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Université de Genève

recherche dossier l’invité extra-muros carrière actualitésà lire

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Antibes, Bruxelles, Bali, Odessa, Paris, Prague, Rio, Shanghai:la petite collection «Le goût de …» a déjà entraîné ses lecteursaux quatre coins du monde en revisitant quelques grandstextes de la littérature. Elle propose de poursuivre aujour-d’hui par une escale à Genève, avec pour guide des auteursaussi divers que Gonzague de Reynold, Daniel de Roulet,Jean-Jacques Rousseau, Stefan Zweig, Carlos Fuentes ouAlbert Cohen. Rassemblés et commentés par Bertrand Lévy,maître d’enseignement et de recherche au Département de géographie, ces morceaux choisis mettent en scène unecité dont le lac, les quartiers et les campagnes sont autantd’appels au vagabondage et à la rêverie. De ce florilège aux accents quelquefois nostalgiques et dont les quelques détracteurs célèbres de la Cité ont été délibérément exclus, on retiendra notamment ces quelques lignes signées George

Haldas: «Genève est une petite grandeville. Petite par ses dimensions. Grande par un impondérable dans l’air.Une vibration. Un je-ne-sais-quoi dans sa concentration même, à la fois, et son ouverture. Une énergie doucementmagnétique et qui fait, mystérieusement,de cette cité un centre. D’on ne sait tropquoi, mais un centre. Qui lui est propre.Ce n’est, encore une fois, ni la Suisse toutà fait, ni la France. Ni rien d’autre. C’est elle, et elle seule. Ça ne se définit pas.Ça se respire. Et ce n’est jamais plus

sensible que lorsqu’on n’y pense pas.» VM«Le Goût de Genève», sous la dir. de Bertrand Lévy, Mercure de France, 117 p.

C’est une forme de consé-cration. Paru en françaisen 2003, le livre Initiation àla physique quantique deValerio Scarani, maîtreassistant au Groupe dephysique appliquée, a eul’honneur d’être traduiten anglais aux éditionsOxford University Press.Mieux, son travail est

désormais préfacé par le physicien fran-çais Alain Aspect, un pionnier dans l’ex-périmentation et l’étude des phéno-mènes quantiques. Valerio Scaranidécrit, avec toute la clarté que permet

un sujet aussi ardu, les lois déconcer-tantes et parfois contre intuitives dumonde du tout petit. A cette échelle,plus rien ne se comporte en effet «nor-malement». Ainsi, le composant de basede la lumière, le photon, est à la fois uneonde et une particule: il provoque desinterférences lorsqu’il est mélangé avecd’autres photons, mais il crée un impactponctuel lorsqu’il percute seul uneplaque photosensible. On apprend éga-lement que deux photons, dans cer-taines conditions, peuvent être «intri-qués» même s’ils sont physiquementéloignés l’un de l’autre. C’est-à-dire quesi l’on agit sur le premier, cela affectera

immédiatement l’état du second. L’effetest si simultané qu’il semble que l’in-formation circule des millions de foisplus vite que la vitesse de la lumière(bien que cela ne soit pas le cas en réa-lité). L’effort du jeune chercheur derendre plus accessible la physique quan-tique est louable tant il est vrai que cettediscipline est généralement considéréecomme complexe et ennuyeuse. A.Vs«Initiation à la physique quantique: la matière et ses phénomènes», par Valerio Scarani,Ed. Vuibert, 2003, 115 pagesPour la traduction anglaise:«Quantum Physics, A First Encounter», par ValerioScarani, Ed. Oxford University Press, 2006, 120 pages

Windisch sous presseUli Windisch,professeur desociologie àl’Université deGenève, critiquebeaucoup lesmédias, mais ilen use aussi

abondamment. Son dernier ouvrage enest la preuve. Dans les Médias et la citérassemble en effet un grand nombre desinterventions publiques et médiatiquesqu’il a tenues entre 1980 et 2005. Lesthèmes abordés sont parmi les plus«chauds» de l’actualité politique et

sociale de la Suisse de ces dernièresdécennies: le nationalisme, le racisme,la xénophobie, le parti populiste UDC,son chef de file et conseiller fédéralChristoph Blocher, l’immigration, ladélinquance des étrangers, etc. A lon-gueur d’interview, de chroniques et depropos rapportés, Uli Windisch exposesa manière de voir. Ainsi, au lieu de stig-matiser les électeurs de l’UDC, il nousexhorte à respecter leur point de vuequi s’inscrit dans la diversité que per-met l’Etat fédéral et à comprendre lecheminement qui les a amenés à faireun tel choix. Il prône la plus grande fer-

meté contre la délinquance des requé-rants d’asile, pour mieux faire accepterdes lois généreuses pour les «bons étran-gers». La liste n’est de loin pas exhaus-tive. Se présentant lui-même comme unpourfendeur de la «bien-pensance»,qu’il qualifie de paresse intellectuellenuisible, Uli Windisch souhaite par ce livre promouvoir l’art noble de la critique. A.Vs«Santé et droits de l’homme. Les maladies de l’indifférence (vol. 1)», sous la direction de Yaël Reinharz Hazan et Philippe Chastonay,Ed. Médecine et hygiène, 2004, 262 p.

Genève à pleine bouche

La quantique à la portée de tous

Campus N° 80

Sélection enmédecine: la moinsmauvaise solution

«La Faculté de médecine souhaite pouvoir appliquer, en cas de dépassement

trop important de la capacité d’accueil en première année, un test d’aptitude pour

présélectionner les étudiants. Cette proposi-tion résulte d’événements qui se sont

déroulés cette année en Autriche où, suite à une décision de la Cour européenne,

s’est produit un déferlement d’étudiants allemands. Le test d’aptitude proposé à

Genève est le même que celui qui est envigueur à Bâle, Berne, Fribourg et Zurich

depuis 1998. En cas de nécessité, cette propo-sition, considérée comme la moins mauvaise,

sera présentée au Conseil d’Etat, qui seulpeut prendre la décision de l’appliquer (Art.

63B de la Loi sur l’Université).»

Coopération entreGenève et la Virginie

«Un accord de coopération entre l’Universitéde Genève, l’Ecole de traduction et d’interpré-

tation, et l’Université de Longwood,Farmville, Virginie (Etats-Unis), a été signé le

20 janvier 2006. Il permettra des échangesd’étudiants entre nos deux institutions.»

Accord pour un post-doc en théologie

«Sur préavis de la Faculté de théologie, unaccord de collaboration a été signé le 1er mars

avec la Fondation de dialogue et derecherches interreligieux et interculturels. Il

permettra d’établir un programme derecherches post-doctoral comprenant trois

volets: un séminaire bimensuel; la poursuited’un projet de recherche individuelle débou-

chant, en principe, sur une publication; lafréquentation, par chaque chercheur, d’unenseignement (cours et/ou séminaire) dis-

pensé dans une discipline autre que celle desa spécialité.

Du côté du Rectorat

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recherche dossier l’invitée extra-muros carrière actualitésen bref

En 80 pages environ, la brochure Devenirétudiant-e dresse l’inventaire de toutes lesinformations nécessaires à l’entrée àl’Université de Genève (UNIGE). Conçucomme un mode d’emploi à vocation réso-lument pratique, ce document a été pensépour guider le futur étudiant, depuis le choix d’une filière d’études jusqu’à soninscription à l’université. Et ce, tant depuisla Suisse que de l’étranger.La première partie offre une vision géné-rale de l’UNIGE, institution de réputationinternationale et deuxième université de Suisse par le nombre d’étu-diantes et d’étudiants. Au fil des pages, lelecteur y trouvera une description exhaus-tive des formations offertes par les diversesfacultés, instituts et écoles, ainsi quequelques informations plus générales surson histoire et son environnement direct.La seconde partie permet à toutes les per-sonnes qui souhaiteraient venir étudier àl’UNIGE de vérifier si leur formation

répond aux conditions générales et auxconditions par pays qu’elle fixe chaqueannée. Un résumé des démarches à effec-tuer et un formulaire de demande d’imma-triculation accompagné d’instructionspour le remplir complètent ces indications.Enfin, la dernière partie rassemble des don-nées pratiques (contacts, adresses postaleset électroniques…) ainsi qu’une brève pré-sentation des programmes mis en placepar l’UNIGE pour faciliter la vie de ses étu-diants dans des domaines aussi divers quele social, le logement, la santé, le sport oula culture.

La brochure Devenir étudiant-e est disponible auprès de laDivision administrative et sociale des étudiants, via l’adressesuivante: Secrétariat de la Division administrative et socialedes étudiants, Mme Marie-Thérèse Morisod,tél. 022 379 76 84,[email protected] est également disponible sur Internet, à l’adresse:www.unige.ch/dase/buimi/pasdispo.htm

«Devenir étudiant-e»une porte d’entrée vers le monde académique

Université de Genève

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Le coin des récompensesUne histoire de la Colombiecaribéenne priméeAline Helg, professeure d’histoiregénérale, a reçu le Prix John EdwinFagg 2005 de l’Association of AmericanHistorians pour son dernier ouvrageintitulé Liberty and Equality inCaribbean Colombia, 1770-1835. Cette dis-tinction récompense la «meilleurepublication sur l’histoire de l’Espagne, duPortugal ou d’Amérique latine». Le livred’Aline Helg traite de la portion cari-béenne de la Colombie, un Etat del’hémisphère occidental qui comptela troisième plus importante popula-tion d’origine africaine après lesEtats-Unis et le Brésil. Ce pays est com-munément considéré comme faisantpartie des nations andines et l’étude

de ses racines afro-caribéennes a étélargement négligée. Aline Helgcomble en partie cette lacune enexpliquant notamment pourquoi enColombie, contrairement aux autrespays voisins, la race n’est pas devenueun principe d’organisation sociale.

«Liberty and Equality in Caribbean Colombia, 1770-1835», par Aline Helg, Chapel Hill: Universityof North Carolina Press, 363 pages

Double prix pour les physiciens de MaNEPLes travaux de deux chercheursmembres du Pôle national derecherche MaNEP (matériaux aux pro-priétés électroniques nouvelles), baséà l’Université de Genève, ont étérécompensés par la Société suisse de

physique. Patrycja Paruch, qui aobtenu son doctorat au Départementde physique de la matière condensée,est primée pour ses études sur les pro-priétés intimes des ferroélectriques.Ces matériaux pourraient débouchersur la conception de mémoires dites«non volatiles» de haute densité dontl’industrie des ordinateurs a furieuse-ment besoin. Christian Rüegg, actuel-lement au Paul Scherrer Institut, s’estdistingué en apportant la preuveexpérimentale d’une prédiction théo-rique, relative au spin des électrons decertains matériaux au niveau quan-tique (ou subatomique) lors de la tran-sition entre deux états.

Une «start up»contre le vieillissementLes travaux sur le vieillisse-ment menés conjointementpar l’Université, les HUG etdes laboratoires étrangers ontdonnés naissance en janvier àune start up basée à Genève:GenKyoTex (pour Genève-Tokyo-Texas). Son but est dedévelopper les thérapies dedemain en s’attaquant à l’unedes causes du vieillissement:la génération par l’organismede radicaux libres. Ses fonda-teurs sont les professeursKarl-Heinz Krause, duDépartement de pathologieet d’immunologie de l’UNIGE,Chihiro Yabe, de l’Universitéde Kyoto et Robert Clark, del’Université de San Antonio.

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Campus N° 80

SCIENCES> Cantuel, MartineCommunications intermétalliquesLn(III)-Cr(III) dans les triples hélicesauto-assemblées inertesTh. chim. Genève, 2005; Sc. 3633Directeur de thèse:Professeur Claude Piguethttp://www.unige.ch/cyberdocuments/theses2005/CantuelM/meta.html

> Carboni, SoniaThe role of the C-Jun NH2-terminalkinase signaling pathway in celldeath induced by cerebralIschemiaTh. biol. Genève, 2005; Sc. 3620Directeur de thèse:Professeur Jean-Claude Martinou

> Castella, Marc-EtienneDevelopment and validation of an in vitro model to evaluateintestinal permeability and predict oral fraction absorbedTh. pharm. Genève, 2005; Sc. 3615Directeur de thèse:Professeur Pierre-Alain Carrupt

> Chambefort, IsabelleThe Cu-Au Chelopech deposit,Panagyurishte district, Bulgaria:volcanic setting, hydrothermalevolution and tectonic overprint ofa late cretaceous high-sulfidationepithermal depositTh. sc. terre Genève, 2005; Sc. 3621Codirecteurs de thèse: Docteur RobertMoritz, Professeur Lluis Fontbotéhttp://www.unige.ch/cyberdocuments/theses2005/ChambefortI/meta.html

> Charron, YvesTrypsin-reactive serpinsin drosophila and miceTh. biol. Genève, 2005; Sc. 3641Directeur de thèse:Professeur Jean-Dominique Vassalli;codirecteur: Professeur Pierre Spierer

> Chevallier, JulienSynthesis, characterization andfunction of lysobisphophatidicacidTh. chim. Genève, 2005; Sc. 3646Directeur de thèse:Professeur Jean Gruenberg

> Clément, MalloriePhénotypage par l’approche de«cocktail» pour l’évaluation de lacapacité fonctionnelle des princi-paux cytochromes P450Th. pharm. Genève, 2005; Sc. 3595Directeur de thèse: Professeur Pierre Dayer, codirecteur: ProfesseurJean-Luc Veuthey

> Dubois, CédricScanning tunneling spectroscopyon PbMo6S8 and the developmentof a 2D nanopositioning systemTh. phys. Genève, 2005; Sc. 3645Directeur de thèse:Professeur Øystein Fischer

> Fabritius, Charles-HenrySynthèse et réactivité des complexes arène molybdène tricarbonyleTh. chim. Genève, 2005; Sc. 3656Directeur de thèse:Professeur Ernst Peter Kündig

> Hernandez, DavidStratégies d’optimisation combina-toire pour le problème de l’aligne-ment local multiple sans indels, et application aux séquences protéiquesTh. inform. Genève, 2005; Sc. 3640Directeur de thèse: Professeur Ron David Appel, professeur associé,codirecteur: Docteur Robin Gras(Institut suisse de bio-informatique,Genève)http://www.unige.ch/cyberdocuments/theses2005/HernandezD/meta.html

> Jefford, Charles EdwardMechanisms of tumour suppression and control of genomic integrity by BARD1Th. biol. Genève, 2005; Sc. 3651Directeur de thèse: Professeur Karl-Heinz Krause, codirecteurs:Docteur Irmgard Irminger-Finger,Professeur Ueli Schiblerhttp://www.unige.ch/cyberdocuments/theses2005/JeffordC/meta.html

> Lamagna, ChrystelleRegulation of leukocyte adhesionand angiogenesis by junctionaladhesion molecule-CTh. biol. Genève, 2005; Sc. 3637Directeur de thèse: Professeur Beat A. Imhof, codirecteur:Professeur Jean-Louis Bény

> Latour, CyrilleCartographie floristique du cantonde GenèveTh. biol. Genève, 2005; Sc. 3639Directeur de thèse:Professeur Rodolphe Spichiger

> Marcikic, IvanLong distance quantum communicationTh. phys. Genève, 2005; Sc. 3542Directeur de thèse:Professeur Nicolas Gisin

> Matthey, DanielField effect experiments in high-Tc

superconductors: a study of the transport properties inthe underdoped regimeTh. phys. Genève, 2004; Sc. 3569Directeur de thèse:Professeur Jean-Marc Triscone

> Polasek, JohannePhytochemical study of «Trifolium»Species and «Peltophorum ptero-carpum» (DC.) Backer ex K. Heyne(Leguminosae) and investigation of polyphenols for their estrogenicpropertiesTh. pharm. Genève, 2005; Sc. 3647Directeur de thèse:Professeur Kurt Hostettmann

> Somm, EmmanuelProduction de l’antagoniste du récepteur à l’interleukine 1 par le tissu adipeux: régulationet conséquences métaboliquesTh. biol. Genève, 2005; Sc. 3638Directeur de thèse: Professeur Jean-Michel Dayer; codirecteurs:Docteur Christophe Meier,Professeur Jean-Claude Martinou

> Tanackovic Abbas-Terki, GorankaAnalysis of the in vivo function of SF1 and SF3a and U2 snRNPmaturation by RNA interferenceTh. biol. Genève, 2005; Sc. 3585Directeur de thèse:Professeure Angela Krämer-Bilbe

> Terzi, LionelThe mammalian signal recognitionparticle: new insights into mechanism and activation of its elongation arrest activityTh. biol. Genève, 2005; Sc. 3642Directrice de thèse: Professeure Angela Krämer, codirectrice: DocteurKatharina Strubhttp://www.unige.ch/cyberdocuments/theses2005/TerziL/meta.html

> Tissot-Croset, KarineSubstitution allylique énantio-sélective catalysée par le cuivreTh. chim. Genève, 2005; Sc. 3634Directeur de thèse:Professeur Alexandre Alexakis

Thèses

MEDECINE> Buccarello, FannyEffet de solutions antiseptiques sur la dispersion de particuleset de bactéries émises lorsde l’utilisation d’un détartreurultrasoniqueTh. méd. dent. Genève, 2005;Méd. dent. 639Directeur de thèse:Professeur Pierre Baehnihttp://www.unige.ch/cyberdocuments/theses2005/BuccarelloF/meta.html

> Deleurant, Yann-DavidLes maladies bulleuses en méde-cine dentaire: physiopathogénie,diagnostic et prise en chargeTh. méd. dent. Genève, 2005; Méd. dent. 640Directeur de thèse:Professeur Jacky Samsonwww.unige.ch/cyberdocuments/theses2005/Deleurant

> Frangos Lordos, EmiliaSurvie de trois cohortes de patientshospitalisés en gériatrie à Genèveen 1996, 1986 et 1976Th. méd. Genève, 2005; Méd. 10437Directeurs de thèse: DocteurFrançois Herrmann, privat-docent,Professeur Jean-Pierre Michelhttp://www.unige.ch/cyberdocuments/theses2005/FrangosLordosE/meta.html

> Giorgi, Fabiana KatrinFistules anastomotiques après gastrectomie totale pour cancerTh. méd. Genève, 2005; Méd. 10441Directeur de thèse:Docteur Olivier Huberhttp://www.unige.ch/cyberdocuments/theses2005/GiorgiFK/meta.html

> Waldburger, Jean-MarcEtude in vivo des promoteursde C2TATh. méd. Genève, 2005; Méd. 10440Directeur de thèse:Professeur Walter Reithhttp://www.unige.ch/cyberdocuments/theses2005/WaldburgerJ-M/meta.html

> Wu, Jian-YuAssociation de l’expressionaberrante de BARD1 à un pronos-tique défavorable des cancers du sein et de l’ovaireTh. méd. Genève, 2005; Méd. 10433Directeurs de thèse:Professeur Karl-Heinz Krause,Docteur Irmgard Irminger-Fingerhttp://www.unige.ch/cyberdocuments/theses2005/WuJ-Y/meta.html

SES> Cheng, PengTransform analysis and its applications in financeTh. sc. écon. et soc. Genève, 2005;SES 588Directeur de thèse:Professeur Olivier Scaillet

> Frauenfelder, ArnaudL’accès à la nationalité: une perspective sociologique: le cas des enfants des immigrésitaliens et espagnols à l’épreuve du dispositif de la naturalisation à Genève durant les années 1990Th. sc. écon. et soc. Genève, 2005;SES 582Codirecteurs de thèse: ProfesseurClaudio Bolzman, chargé de cours;Professeur Franz Schultheis

> Maspoli, GianlucaRaymond Aron et les relationsinternationales: entre réalismeet herméneutiqueTh. sc. écon. et soc. Genève, 2005;SES 589Directeur de thèse:Professeur Philippe Braillard

> Turki, SlimDes hyperclasses aux composantspour l’ingénierie des systèmes d’informationTh. sc. écon. et soc. Genève, 2005;SES 592Th. inform. Grenoble, 2005Directeur de thèse: Professeur Michel Léonard, codirectrice:Professeure Marie-France Bruandet(Université Joseph-Fourier de Grenoble)http://www.unige.ch/cyberdocuments/theses2005/TurkiS/meta.html

DROIT> Currat, PhilippeLes crimes contre l’humanité dans le statut de la Cour pénaleinternationaleTh. droit Genève, 2005; D. 764Directeurs de thèse:Professeur Marco Sassòli,Professeur Robert Roth

> Glauser, Pierre-MarieApports et impôt sur le bénéfice: le principe de déterminance dans le contexte des apports et autres contributions de tiersTh. droit Genève, 2005; D. 763Directeurs de thèse:Professeur Xavier Oberson,Professeur Henry Peter

> Hofmann, DavidLa liberté économique suisse faceau droit EuropéenTh. droit Genève, 2005; D. 760Codirecteurs de thèse:Professeur Michel Hottelier,Professeur François Bellanger

FPSE> Gatoto, GuidoLa maîtrise de la langue d’ensei-gnement chez les élèves du débutdu secondaire rwandaisTh. sc. éduc. Genève, 2005; FPE 354Directeur de thèse:Professeur Jean-Paul Bronckart

> Lachaud, Christian MichelLa prégnance perceptive des motsparlés: une réponse au problèmede la segmentation lexicale?Th. psychol. Genève, 2005; FPE 353Directeur de thèse:Professeur Ulrich Hans Frauenfelderhttp://www.unige.ch/cyberdocuments/theses2005/LachaudC/meta.html

> Schmidt, Ralph ErichDes effets de la suppression de pensée sur les contenus mentaux à l’endormissementTh. psychol. Genève, 2005; FPE 351Directeur de thèse:Professeur Guido Gendolla

IUHEI> Gosselin-Lotz, AïleenSome variations on the forwardlooking Phillips curveTh. sc. pol. Genève, 2005; HEI 693Directeur de thèse:Professeur Charles Wyplosz

> Gosselin, PierreSome implications of the asymmetry of informationin macroeconomicsTh. sc. pol. Genève, 2005; HEI 695Directeur de thèse:Professeur Charles Wyplosz

> MacKinnon, Michael GregoryHegemonic prerogative andchange in the peacekeepingregimeTh. sc. pol. Genève, 2005; HEI 698Directeur de thèse:Professeur Keith Krause

> Okubo, ToshihiroNew aspects of new economic geography and public policyTh. sc. pol. Genève, 2005; HEI 696Directeur de thèse:Professeur Richard E. Baldwin

> Olivares Marcos, Gustavo AdolfoThe legal practice of the recoveryof state external debtsTh. sc. pol. Genève, 2005; HEI 697Directeurs de thèse: ProfesseursMarcelo Kohen et Jean-Michel Jacquethttp://www.unige.ch/cyberdocuments/theses2003/OlivaresG/meta.html

NEURO-SCIENCES GENEVE-LAUSANNE> Montandon, Marie-LouiseQuantification of 3D brain posi-tron emission tomography imagesTh. neurosc. Genève-Lausanne,2005; Neur. 1Directeur de thèse: Professeur Daniel Rüfenacht, codirectrice:Professeure Anik de Ribaupierre

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