16
19 L’EMERGENCE D’UNE SCIENCE DE LA DIDACTIQUE DES MATHEMATIQUES : MOTIFS ET ENJEUX Guy BROUSSEAU REPERES - IREM. N° 55 - avril 2004 aussi bien dans les arts que dans les langues. Les variations qui pourraient exister sont si insignifiantes qu’elles ne sauraient exi- ger de méthode spécialisée ». Cette opinion offre l’avantage de bien séparer les domaines du savoir et de l’éducation et de simplifier ainsi le travail et la formation des professeurs. En particulier elle ferme les yeux sur les transformations du savoir des- tinées à le mettre à la portée des élèves et ali- mente ainsi l’idée généreuse mais fausse que « naturellement » les élèves peuvent avoir directement accès au même savoir que les savants. Elle était probablement indispen- sable pour rompre avec la scolastique et pour permettre le formidable développement de la scolarisation qui a suivi. Au milieu du siècle dernier, aucune des nombreuses « approches » de l’enseignement n’avait modifié ce partage entre savoir et 1. INTRODUCTION La diffusion des connaissances entre les humains est une pratique si primitive et fon- damentale que son étude est très ancienne et qu’elle intéresse pratiquement toutes les dis- ciplines. Traditionnellement, les deux questions fon- damentales : qu’y a-t-il à savoir et comment l’enseigner devaient être dissociées. Comenius exposait dans « la grande didactique » (Chapitre XIX, problème IV) « Comment une méthode unique suffit pour toutes les matières… Il n’existe qu’une seule méthode pour enseigner toutes les sciences : c’est la méthode naturelle, valable (*) Cet article ne prétend pas "traiter" les questions soulevées, il est « seulement » la rédaction d'une intervention orale au CS ADIREM, à la demande de Jean DHOMBRES, son pré- sident.

L’EMERGENCE D’UNE SCIENCE DE LA DIDACTIQUE DES MATHEMATIQUES : MOTIFS ET … · 2016. 5. 11. · 19 L’EMERGENCE D’UNE SCIENCE DE LA DIDACTIQUE DES MATHEMATIQUES : MOTIFS ET

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

  • 19

    L’EMERGENCE D’UNE SCIENCE DE LADIDACTIQUE DESMATHEMATIQUES :

    MOTIFS ET ENJEUX

    Guy BROUSSEAU

    REPERES - IREM. N° 55 - avril 2004

    aussi bien dans les arts que dans les langues.Les variations qui pourraient exister sontsi insignifiantes qu’elles ne sauraient exi-ger de méthode spécialisée ».

    Cette opinion offre l’avantage de bienséparer les domaines du savoir et de l’éducationet de simplifier ainsi le travail et la formationdes professeurs. En particulier elle ferme lesyeux sur les transformations du savoir des-tinées à le mettre à la portée des élèves et ali-mente ainsi l’idée généreuse mais fausse que« naturellement » les élèves peuvent avoirdirectement accès au même savoir que lessavants. Elle était probablement indispen-sable pour rompre avec la scolastique et pourpermettre le formidable développement dela scolarisation qui a suivi.

    Au milieu du siècle dernier, aucune desnombreuses « approches » de l’enseignementn’avait modifié ce partage entre savoir et

    1. INTRODUCTION

    La diffusion des connaissances entre leshumains est une pratique si primitive et fon-damentale que son étude est très ancienne etqu’elle intéresse pratiquement toutes les dis-ciplines.

    Traditionnellement, les deux questions fon-damentales : qu’y a-t-il à savoir et commentl’enseigner devaient être dissociées.

    Comenius exposait dans « la grande didactique »(Chapitre XIX, problème IV)

    « Comment une méthode unique suffit pourtoutes les matières… Il n’existe qu’uneseule méthode pour enseigner toutes lessciences : c’est la méthode naturelle, valable

    (*) Cet article ne prétend pas "traiter" les questions soulevées,il est « seulement » la rédaction d'une intervention orale auCS ADIREM, à la demande de Jean DHOMBRES, son pré-sident.

  • REPERES - IREM. N° 55 - avril 2004

    20

    DIDACTIQUE DES MATHEMATIQUES :MOTIFS ET ENJEUX

    enseignement. Pourtant il devenait de plus enplus difficile d’accepter cette position sans lanuancer fortement, dans la mesure où noussavions mieux distinguer diverses sortesd’apprentissages et notamment celles quirequièrent et développent chez l’élève laréflexion personnelle et l’invention, et aussiparce que nous savions mieux que l’humani-té doit construire chaque nouveau savoir dansdes conditions et par une aventure diffé-rentes. La géométrie et l’algèbre par exemplen’ont pas été construites par les mêmesmoyens, à propos des mêmes questions, ni àla même époque ni dans le même temps, com-ment penser que leur mode de connaissanceet leurs apprentissages soient identiques ?

    Il devenait nécessaire de trouver un nou-vel équilibre entre les méthodes qui font appelau sens particulier du savoir en cours d’appren-tissage et celles, indispensables aussi, maisqui s’en détachent. Il devenait évident que celuiqui reçoit une connaissance ne doit pas seu-lement la citer ou la réciter, mais la « repro-duire », c’est-à-dire la produire à nouveau, commeune création personnelle ; ce qui conduisaità inclure la production de connaissancescomme un élément de leur diffusion et àenglober l’étude de la première dans celle dela seconde. Aujourd’hui la complexité et la varié-té des « approches » de l’enseignement n’ontcessé d’augmenter, mais pour la plupart deslettrés l’antique séparation demeure.

    Nous nous occupons ici de celles qui laremettent en cause : l’enseignement d’unenotion mathématique fait appel à des dispo-sitifs qui peuvent être plus ou moins spécifiquesà la fois de la notion, de son apprentissage etde son enseignement. En France ces approchesont surgi au moment où une réorganisationdes sciences mathématiques a paru devoirs’imposer dans l’enseignement.

    Depuis, l’Epistémologie Génétique a for-tement contribué à rendre à la connaissanceelle-même, une place centrale dans les ques-tions d’apprentissage. Certains de ses suc-cès ont laissé espérer que l’enseignementserait guidé par les apports de la PsychologieCognitive ou même par ceux de la neuro-physiologie et les études d’élèves et de réponsesd’élèves se sont multipliées. D’autres étudesse sont portées sur le travail des professeurs,tandis que l’Epistémologie et l’Histoire desMathématiques éclairaient l’organisation dusavoir… De plus, chaque acteur ou institution,de même que chaque produit d’une action etchaque action elle-même peut faire l’objetd’études venant de toutes sortes de disci-plines, (la Psychosociologie… la Linguistique,l’Intelligence artificielle, etc.). On comprendqu’il semble impossible d’englober toutes cesapproches autrement que par des voies phi-losophiques et par la critique.

    La didactique des mathématiques a surgide l’intérêt principal porté, non plus aux élé-ments du triangle didactique (professeur,savoir, élève), mais essentiellement aux condi-tions — spécifiques — qui président à la dif-fusion des connaissances mathématiques utilesaux humains et à leurs sociétés. Et son prin-cipal apport a été de considérer ces condi-tions, non plus isolément et par acteurs, maispar systèmes : conceptions, situations, praxéo-logies, etc.

    Précisons que la didactique étudie lescas où cette diffusion se fait à l’initiative del’institution « diffuseur », alors que la cible n’enexprime et n’en éprouve pas le besoin (lesconditions dans lesquelles elle se trouve ne lelui font pas spontanément ressentir). Autre-ment dit, le diffuseur est investi d’un « pro-jet de faire approprier une connaissance pré-cise à un sujet que rien n’avertit de cette

  • REPERES - IREM. N° 55 - avril 2004

    21

    DIDACTIQUE DES MATHEMATIQUES :MOTIFS ET ENJEUX

    nécessité, même s’il n’ignore pas le rôle de l’ins-titution ». Assumer cette réalité inéluctablemais honnie, allait à l’encontre de tous les euphé-mismes développés pour dissimuler les coer-citions liées à l’enseignement et l’anoblir ainsià bon compte. Cela n’a pas été la moindre desdifficultés rencontrées par cette voie derecherche. Ce n’était pas la seule, car toutetentative globale apparaît aussitôt dans cedomaine comme une prétention à instaurerune sorte de discipline des disciplines, une métascience universelle, concurrente de toutes lesautres sur chacune de leurs approches.

    2. LES QUESTIONS

    Les principales questions qui pourraientnous intéresser aujourd’hui au sujet de ladidactique sont les suivantes :

    Sur le corps des connaissances de didactique

    - Existe-t-il une catégorie de phénomènespropres à la diffusion d’une discipline commeles mathématiques ?

    - Les aspects essentiels de ces phénomènes peu-vent-ils être déterminés et étudiés à l’aided’un corps relativement simple de conceptsautonomes, ( i. e. qui ne soit pas totalementréductibles aux autres disciplines ou/et quine soit pas en contradiction avec leurs résul-tats).

    - Quels sont les fondements et les sources deces concepts ?

    - Existe-t-il une unité de forme et de métho-de pour ces concepts? Quels sont les rapportsde ces concepts avec la contingence, pré-sente et passée ?

    - Se structurent-ils en un tout organique ou for-ment-ils un magma d’esquisses séparées ?

    - Tendent-ils à structurer les approches desautres disciplines ou s’y superposent-ilsseulement ? Les résultats sont-ils stables oulabiles ? En particulier les apports nou-veaux sont-ils héréditaires ?

    - Quels langages la didactique utilise-t-elle?en particulier, la question des rapports avecla terminologie « naïve » est-elle celle detoute science avec la connaissance commu-ne que l’on en a ?

    - Autrement dit ce corps de connaissancesconstitue-t-il une science ou une branche d’unescience déjà établie ?

    Sur les institutions qui peuvent supporter cecorps de connaissances

    - A quelle(s) discipline(s) se rattachent leschercheurs ? A laquelle devraient-ils se rat-tacher principalement ? Quelles relations entreces domaines peuvent assurer une produc-tion soutenue, une homogénéité raison-nable, un contrôle scientifique rigoureux, etune éthique responsable ? Les différentessciences sont portées par des institutions quisont prêtes à en défendre les acquis et à lesremettre en cause avec une égale ardeur, lesraisons de consistance, de validité et decohérence primant sur celles d’habitude,de convenance, d’utilité immédiate ou d’éco-nomie. Le choix de la discipline de ratta-chement ne dépend pas uniquement desrelations scientifiques, théoriques ou métho-dologiques. Dans le cas de l’enseignement,la multiplicité, la variété, l’agitation et lapuissance des institutions en présence rendnécessaire une masse critique de chercheursen interaction solide avec des branchesscientifiques bien établies.

    - Quelles institutions et quels instru-ments (scientifiques et sociaux) sontindispensables à ces recherches (labo-

  • REPERES - IREM. N° 55 - avril 2004

    22

    DIDACTIQUE DES MATHEMATIQUES :MOTIFS ET ENJEUX

    ratoires, formation, établissementsd’observation, etc.) ?

    - Quelles sont celles qui peuvent bénéficier desconnaissances ainsi établies (l’enseigne-ment, l’ingénierie didactique, la formationdes professeurs, le public et la noosphère) ?Quels retours et quelles corrections propo-sent-elles éventuellement ?

    - Quelles sont les institutions relais qui sontnécessaires pour à la fois assurer la « trans-position » des résultats et rétroagir sur leserreurs inévitables.

    - Quels rapports ces recherches entretien-nent-elles avec l’activité de réflexion et derecherches naturelles propres aux diffé-rentes institutions dont la production et ladiffusion des connaissances est la fonctionsociale ?

    En résumé de cet inventaire non exhaustif,nous nous demandons si la science de la didac-tique (ou mieux du didactique) existe et peutexister en tant que discipline 1.

    3. VUE D’ENSEMBLE SUR UN MOUVEMENT DE REFORME

    Dans les années 60-70, le flux d’injonctionsque l’enseignement reçoit habituellement del’ensemble des institutions de la société s’inten-sifie brutalement. Avec l’aisance financière destrente glorieuses, des propositions d’originesdiverses, entre autres, l’éducation (LANGE-VIN -WALLON), la psychologie (PIAGET), « la »mathématique (BOURBAKI), la linguistique(CHOMSKI), etc., se rassemblent sous unemême bannière épistémologique (le structu-ralisme). Le bouillonnement se fait plus pres-sant et déborde en un train de réformes sco-

    laires à tous les niveaux. La didactique clas-sique dont nous parlions plus haut (issue deshumanités), et ses avatars (la méthodologie),sont submergés, enfoncés, « dépassés » et dis-crédités, au moment même où s’effondrent lesrapports de l’enseignement (notamment public)avec les institutions qui assuraient sa « pro-tection » politique et scientifique.

    Les critiques à l’encontre des actions descorps de l’état et du système éducatif sont radi-cales et très violentes, et elles s’accompa-gnent paradoxalement de l’affirmation que cesmêmes corps doivent et peuvent se réformereux-mêmes et inventer des solutions nou-velles. (Cette position contradictoire se main-tient aujourd’hui). Mais rien de concret ne vientremplacer ce qui est rejeté. D’autant plusque rien au fond ne relie de façon cohérentela masse des espoirs qu’il a fallu mobiliser pourobtenir un mouvement appréciable.

    Ainsi la didactique traditionnelle aurait-elle sans doute pu présenter les nouvellesconnaissances de mathématiques aux élèves,en séparant le « contenu » et les méthodes del’enseignement et en déterminant le vrai à lamanière d’Aristote, grâce au structuralismeet à l’axiomatique. C’est d’ailleurs sous cetteforme qu’elle s’est présentée aux professeurs.Et en même temps la nécessité d’une adap-tation (d’une transposition) était déniée : dela maternelle à l’université, le savoir devaitpouvoir être le même, s’exprimer dans lesmêmes termes. La vérité (du point de vuestructuraliste) paraissait même ne pas requé-rir la médiation d’une transmission à condi-tion que la structure soit suffisamment épu-rée (BOURBAKI).

    Pourtant, il n’était plus possible d’igno-rer ostensiblement la psychologie, la pédagogiemoderne, la sociologie, la philosophie… De toute

    1 BROUSSEAU G., Utilité et intérêt de la didactique pour unprofesseur de collège, "petit x" n°21 pp 47-68. Grenoble (1989)

  • REPERES - IREM. N° 55 - avril 2004

    23

    DIDACTIQUE DES MATHEMATIQUES :MOTIFS ET ENJEUX

    part, les exigences se multipliaient et se pré-sentaient comme des impératifs catégoriques.Mais le structuralisme triomphant recouvraitd’un voile rassurant les divergences et mêmesles contradictions de toutes ces ambitions.

    Or il n’était pas possible de satisfaire,sur de nouveaux contenus, en même temps —et surtout dans le faible laps de temps impar-ti —, toutes les orientations prescrites. Ellesprônaient en vrac l’activité et la généralisa-tion, l’abstraction et la construction d’unsens 2, la rigueur et l’utilité, la manipulationde machines et la découverte, l’individualisationet le développement des relations sociales,la communication et l’innovation, le respectdes stades génétiques ou celui de la liberté desélèves (selon FREINET, MARCUSE, ILLI-CH 3…), etc.

    Ce faisceau de projets était une utopie quiignorait totalement toutes les difficultés et toutesles lois de la diffusion des connaissances et despratiques dans une société, en particulier lesquestions de temps de réponse des systèmes.Il a crû et est mort dans l’illusion de la trans-parence des faits didactiques et de la toute puis-sance des moyens de connaissances. Danscet épisode, ni les « contenus » de l’enseigne-ment — les mathématiques — ni leur concep-tion — moderne ou pas — ne peuvent être misen cause, et les excès spectaculaires en tousgenres qui ont ensuite servi d’alibi à la contreréforme ne sont eux-mêmes que des consé-quences et des révélateurs d’un fait principal :notre ignorance de la fragilité et de la com-plexité des systèmes didactiques. Un grand

    nombre d’appétits économiques, sociaux, cul-turels et politiques ont fait de l’enseignement(en particulier public) que l’on croyait indes-tructible, le champ clos de leurs affronte-ments. Il faudrait faire une place à part à toutun ensemble de courants anarchistes (sans rap-ports avec le structuralisme) qui trouvèrentun exutoire en mai 68 ; œuvrant d’abord enfaveur des réformes mais en leur assignantleurs propres objectifs, ils se retournèrentcontre elles lorsqu’il s’est agi de les mettre sérieu-sement en œuvre.

    La didactique est née — avec les Irem —de ce projet de réformes, et de la conscience(bien mal partagée par les acteurs, dans lesdisciplines) que, s’il fallait accompagner, aiderla réforme par des propositions de toutessortes, il fallait aussi l’observer et chercher àcomprendre et à corriger ce que l’idéologieréformatrice pouvait produire d’erreurs.

    Les mécanismes de régulation imaginésà l’époque reposaient tous - sur les interactions entre différentes insti-

    tutions afin de rendre disponibles les savoirsexistant (interdisciplinarité, pluridisciplinarité,transdisciplinarité…)

    - et sur les qualités personnelles des prota-gonistes : n’étaient didacticiens à l’époque,que les « ingénieurs » qui préparaient desmatériaux (manuels curriculum, matérielsjeux etc.) pour l’enseignement.

    Ceux — peu nombreux — qui pensaientque des connaissances de type scientifiqueétaient nécessaires pour l’étude de la diffusiondes savoirs, imaginaient une multitude detravaux dans des disciplines différentes (prin-cipalement psychologiques) portant sur unmême objet : l’enseignement formant ainsi un« champ scientifique », dont l’unité était empi-

    2 Le sens était dans la structure pour les structuralistes, oudans la sémantique au sens de Carnap, c’est-à-dire dans lesréalisations de la structure, ou dans la fonctionnalité de la struc-ture… 3 I. Illich, Une société sans école, Seuil 1971

  • REPERES - IREM. N° 55 - avril 2004

    24

    DIDACTIQUE DES MATHEMATIQUES :MOTIFS ET ENJEUX

    rique et pragmatique. L’idée que, dans cechamp, il était nécessaire de disposer deconcepts théoriques et unitaires nouveauxétait à la fois évidente4 et scandaleuse. Je pro-pose de nous arrêter un moment sur cet aspectdu problème. J’espère que vous me pardonnerezde rapporter à ce propos quelques souvenirspersonnels qui concernent la naissance etl’histoire des Irem.

    4. LA NAISSANCE DES IREMET DE LA DIDACTIQUE

    Pour moi cette histoire commence en1964, quand A. LICHNEROWICZ (à quiLucienne FELIX m’avait présenté en1962)m’a proposé d’étudier « les conditions limitesd’une expérience en pédagogie des mathé-matiques » 5. Ma réponse 6 fut communiquéeen partie au colloque d’Amiens (en février68). Elle indiquait la structure et les moyensnécessaires à un Institut de Recherches surl’Enseignement des Mathématiques, en par-ticulier les relations avec le système éduca-tif et une « école pour l’observation »7. Les basesthéoriques et les premières recherches expé-rimentales et d’ingénierie furent exposéesau cours des deux ou trois années suivantes 8.Après deux essais pénibles et infructueux,l’école pour l’observation JULES MICHE-LET fut créée en 1973, tandis que les recherchesméthodologiques — en particulier en statis-tiques — progressaient à Strasbourg, à Bor-deaux et à Rennes. En 1975 deux Irem (Stras-bourg et Bordeaux) et une unité de Paris VII

    (Didactiques des disciplines) se virent dotésd’un D.E.A. Le terme de « Didactique » fut pré-féré à celui d’« épistémologie expérimenta-le »9. Régine DOUADY en fait une bonne pré-sentation dès 1980 dans l’EncyclopediaUniversalis 10. Les premières thèses sortirententre 1979 et 1982.

    Les Irem ont été le résultat d’un trèsgrand nombre d’actions entreprises par denombreuses personnes et institutions, avec desmotivations très différentes. Il serait sau-grenu de vouloir en faire le résultat de mamodeste étude de l’époque. Mais les faitsattestent qu’il y avait alors, de la part des pro-moteurs du projet, une volonté de faire déve-lopper des recherches scientifiques sur l’ensei-gnement des mathématiques, conduites pardes mathématiciens, avec des moyens théo-riques et expérimentaux éventuellement nou-veaux mais se pliant aux pratiques et aux règlesscientifiques classiques. Quels moyens ? Làétait le nouveau problème.

    5. LES MOTIVATIONS

    Il n’était pas évident de savoir ce queveut dire « faire faire des mathématiques à unélève », ni de décrire les conditions techniquesà réaliser pour organiser et obtenir diffé-rentes formes d’apprentissage, ni commentcommuniquer ce qui est important dans les pra-tiques d’enseignement et sur les moyens effec-tifs de leur contrôle dynamique : dans lesclasses, les professeurs ne voient pas les

    4 Du moins pour moi, au point que j’ai longtemps naïvementignoré son caractère scandaleux.5 En sujet complémentaire d’une thèse que je commençaisà préparer sous la direction de P. GRECO.6 Ma réponse fut de créer à titre expérimental, un centre derecherches qui « éprouverait » ces conditions.7 Inaugurée en présence de A. LICHNEROWICZ et de MAU-GUIN (I.A.) par J. COLMEZ (Dir. Irem).8 Au Colloque de l’APMEP de 1972 à Clermont- Ferrand, àcelui des Sciences de l’éducation en 1973 etc.

    9 Terme proposé par J.L. OVAERT au cours d’un colloqueà Bordeaux en 1975.

    10 « Didactique des mathématiques » Vol 14. 707 Cet articlecôtoie celui d’A. REVUZ sur « l’enseignement des mathé-matiques Vol 14. 711 tandis que P. GRECO traite de la «Pédagogie des mathématiques » (vol 7. 396) et DanielLACOMBE de la didactique et de la didactique des disciplines(vol 7. 394).

  • REPERES - IREM. N° 55 - avril 2004

    25

    DIDACTIQUE DES MATHEMATIQUES :MOTIFS ET ENJEUX

    mêmes choses, ne parlent pas des mêmeschoses, les mots et le sens des mots sont fluc-tuants.

    Nous passerons rapidement sur les moti-vations générales de l’intérêt porté aux connais-sances sur « l’éducation mathématique », bienqu’elles soient les plus importantes. Les réfor-mateurs affichent leurs motivations au coursdes colloques de Caen puis d’Amiens. Pour trou-ver celles des recherches qui étaient envisagéesil faut faire précéder chaque objectif de lamention « connaître les conditions effec-tives de… » (ex. : connaître les conditions effec-tives, politiques, sociales et sociologiques d’unaccès bien partagé à la connaissance, cellesde la régulation des influences sur l’éducationdans une gestion démocratique de l’ensei-gnement, celles de la professionnalisation dumétier d’enseignant et notamment les savoirsminimaux spécifiques à la formation etc. ).

    Malgré les poussées d’un certain anarchismeépistémologique 11, chaque discipline affir-mait ou manifestait implicitement l’ambitionde placer les « pratiques inefficaces » et les « sug-gestions anarchiques » relatives à l’enseigne-ment, sous le contrôle de son propre corps deconnaissances scientifiques (et de le faire pré-valoir sur toutes les autres disciplines). L’enjeuétait, à terme, l’acquisition pour la rechercheuniversitaire des postes dévolus à la forma-

    tion des professeurs. Mais aucune n’allaitjusqu’à prendre en charge la relation entre undispositif d’enseignement déterminé relati-vement à un objet d’enseignement précis, etles effets de telle ou telle suggestion sur sondéroulement et ses résultats. Par exemplePiaget montrait des dispositifs destinés àmettre en évidence une certaine connaissan-ce « du » nombre chez « l’enfant » (à un cer-tain stade), mais rien ne permettait de mon-trer objectivement que la structuremathématique reconnue par l’observateurétait bien celle que l’élève mettait en œuvredans son action. Les dispositifs eux-mêmesétaient les fruits d’une heureuse invention desexpérimentateurs mais n’étaient l’objet d’aucu-ne étude critique. Tout en affirmant — cequi est essentiel — que les élèves n’appren-nent pas et ne pensent pas les mathéma-tiques comme les manuels les disposent, Pia-get cherchait dans les nouvelles mathématiques,une vertu descriptive directe de la penséedes élèves, une sorte de « main invisible »sans justification théorique ou ergonomique.L’originalité et les vertus étaient dans lesmathématiques « nouvelles », qui devenaientexplicatives par le simple fait que l’observa-teur les connaissait et qu’elles n’étaient pasenseignées aux élèves. Cette observation netend en rien à diminuer l’apport de Piaget quise gardait bien de vouloir traiter des savoirset apprentissages scolaires, mais à soulignerle véritable saut de complexité qu’a dû affron-ter la didactique.

    Il s’agissait d’étudier l’objet central del’enseignement, c’est-à-dire les interactionsspécifiques au cours desquelles un sujet modi-fie son répertoire pour appréhender une nou-velle connaissance particulière. Or cette inter-action n’était guère étudiée en elle-même. Elleétait considérée soit comme une production dusujet lui même (de ses schèmes par exemple),

    11 A propos de P. FEYERABEND (Against Method, 1975),G.G. GRANGIER écrit dans l’Encyclopedia Universalis : « ladoctrine de l’« anarchisme épistémologique » a été lancéedans les années soixante par Feyerabend… Elle assure, d’unepart, que la société doit donner une même chance de se déve-lopper à toute procédure qui se prétend productrice deconnaissance, si incontrôlée ou même incontrôlable qu’ellesoit, sans aucunement favoriser les méthodes positives ;d’autre part, que toutes les tentatives, présentes ou passées,en fin de compte, se valent. Astrologie, alchimie et magiesauraient apporté autant de satisfaction que les sciences à l’esprithumain. Dans un tel déferlement de scepticisme…toute ten-tative brouillonne est digne de considération.»

  • REPERES - IREM. N° 55 - avril 2004

    26

    DIDACTIQUE DES MATHEMATIQUES :MOTIFS ET ENJEUX

    soit comme l’expression même du savoir, soitenfin comme un effet d’un « art » de l’ensei-gnant à peu près indépendant à la fois des sujetsapprenants et des objets d’études (le « fameux »triangle didactique). Les conditions non didac-tiques de la connaissance, c’est-à-dire cellesqui resteraient après l’apprentissage et l’école,formant le milieu où la connaissance appri-se entrerait en œuvre sans intervention exté-rieure, n’étaient même pas reconnues. Lesmathématiques modernes fournissaient ainsil’occasion et le moteur d’une réflexion pouvantgénérer une discipline.

    L’objet d’une étude de ce genre peut êtrecomparé à celui de la micro économie : quelssont les équilibres qui régissent le besoin deconnaissance d’un sujet et la satisfaction dece besoin ? La question peut être posée sansévoquer autre chose que les choix ouvertspar une situation à un homo economicus dotéd’un minimum de moyens de réflexion. Pourquelle raison « l’élève » ferait-il ceci plutôt quecela, quelles sont les bonnes (ou les moinsmauvaises) raisons de retenir ceci ou d’oubliercela ? Ou plus exactement, quelle distribu-tion des élèves y a t-il lieu de considérer encréant les conditions dans lesquelles uneconnaissance pourra être appréhendée (inven-tée, comprise, apprise,…), par une classe ? Ainsiles premières études de didactique se sont ins-pirées de considérations ergonomiques 12. Lefond épistémologique du structuralisme et lasystémique aidant, cette approche a presqueimmédiatement conduit à concevoir que lesconditions d’apprentissage d’une connais-sance précise devaient être considérées commeun système et non de façon isolée.

    Les interactions fondamentales non didac-tiques : l’action des sujets, les formulations etla communication, la production de preuve etc.étaient bien repérées et possédaient déjà desmodèles dans différents domaines, parfoismême des modèles mathématiques assezsophistiqués (théorie des jeux, théorie del’information, de la communication, etc.). Parexemple P. LORENZEN 13 fondait le calculpropositionnel comme moyen de règlement entreun proposant et un opposant.

    Il leur correspondait naturellement desobjets didactiques tels que les problèmes, lesdémonstrations etc. Inversement de nom-breux faits de didactique semblaient releverclairement de modèles théoriques connus, cequi soutenait l’espoir de cerner assez biendes conditions assez générales de mise enœuvre de connaissances 14.

    Tous ces signes étaient alors interpré-tés comme favorables à un projet socialconsidéré alors comme important : faireassurer la responsabilité de l’usage desmathématiques dans la société par ceuxqui les produisent, c’est-à-dire par la com-munauté des mathématiciens, alors quecette responsabilité semblait devoir appar-tenir à ceux qui utilisent les mathéma-tiques (les ingénieurs par ex.). Et elle devaitassurer de surcroît dans la société, unehomogénéité démocratique minimale desrapports aux mathématiques. Car en Fran-ce, notamment, les mathématiques, pro-

    12 Etudes sur les procédés du calcul humain des opérationsélémentaires et de leur apprentissage, (ex.: BROUSSEAUGuy (1973) "Peut-on améliorer le calcul des produits denombres naturels ?, Actes du 3e congrès des Sciences del’éducation, Apports des disciplines fondamentales auxsciences de l’éducation, 1, 361-378)

    13 P. LORENZEN Métamathématique, Gauthier Villars Paris1967.14 Dans les années 60 de nombreuses tentatives de modé-liser certains aspects de l’enseignement à l’aide de diversesthéories, témoignent de cet espoir, par exemple: J.R. PIER-CE, ou H. FRANCK dans « Pédagogie et cybernétique » avecla théorie de l’information, DIENES avec des extrapolationsde l’isomorphisme, plus tard Claude BRUTER avec desmodèles analytiques etc.

  • REPERES - IREM. N° 55 - avril 2004

    27

    DIDACTIQUE DES MATHEMATIQUES :MOTIFS ET ENJEUX

    gressivement, étaient associées à une cul-ture d’élite (la noblesse d’Etat, dont allaitparler Bourdieu) et les mathématiquesmodernes se présentaient comme un moyenautomatique de démocratisation (à cause del’unification signalée plus haut).

    5. LES DIFFICULTES, LES DEFIS

    Mais dès qu’il s’est agi d’utiliser effecti-vement ces modèles pour interpréter desactes réels d’apprentissage ou d’enseigne-ment les difficultés ont commencé : lesmodèles étaient inadéquats ou partiels etde ce fait inutilisables. Par exemple, lesschémas de communication utilisés par leslinguistes ou par les ingénieurs ne tenaientaucun compte de ce qui déterminait le conte-nu des messages. D’autre part, les rapportsavec l’enseignement ne fournissaient pasles informations indispensables. L’adminis-tration tout en faisant obstacle à l’intrusionde personnels qu’elle ne contrôlait pas, com-mença à laisser l’initiative à toutes sortesd’improvisations Les enseignants excluaient(même involontairement) l’observation direc-te de leurs méthodes de travail. Il a fallu déve-lopper une culture extrêmement locale etspécifique pour pouvoir le faire 15. Je n’évo-querai pas ici les polémiques qui ont accom-pagné l’arrachement des « faits » de didac-tique à la gangue idéologique et affectivequi les dissimulait.

    Il a fallu reprendre et rendre cohérentsles concepts et les modèles de base, détermi-ner la nature des phénomènes étudiés et lesméthodes expérimentales, forger les instru-

    ments institutionnels, exiger les précautionset préciser l’éthique, etc.

    Mais les principales difficultés étaientinhérentes au projet.

    Les notions mathématiques, malgré lastabilité que leur donne la précision catégo-rique de leur définition, ne « fonctionnent » pasde la même façon dans des « milieux » aussidifférents que l’apprentissage scolaire à tel outel niveau, dans l’usage pour telle ou telleinstitution ou entreprise, dans la culturemathématique à différentes époques ou dansles différentes branches de la recherche actuel-le. Dès lors qu’il s’agit de faire « reproduire »ou apprendre des usages, ces différencesdeviennent évidentes, pour peu que l’on pren-ne un peu de recul par rapport à l’ambitionde les reproduire « à l’identique ». Utiliser cesdifférences et les combattre aussi devientl’essence de l’action didactique 16. De mêmel’acquisition des connaissances ne s’effectuepas en une fonction croissante monotone,dans le bon ordre des présentations axioma-tiques, des obstacles se présentent (même enmathématiques contrairement à ce que croyaitBachelard), des retours sont inévitables. Etles erreurs ne sont plus seulement des marquesd’échec mais la conséquence prévisible d’uneactivité légitime. Tout ceci peut s’inscrirecomme une motivation à la création d’unescience autonome.

    Mais en même temps, cela peut signifierl’inanité du projet. L’ambition d’étudier spé-cifiquement les conditions particulières de lacompréhension et de l’acquisition de chaqueconnaissance dans chacune des circonstancesoù elle pourrait se présenter apparaît totale-

    15 A l’école pour l’observation J. Michelet, création de l’IREMde Bordeaux, il a fallu dix ans d’observations des élèves dansdes situations convenues avant de pouvoir « regarder » desactes d’enseignement effectifs.

    16 C’est l’objet de la théorie de la transposition voir infra.

  • REPERES - IREM. N° 55 - avril 2004

    28

    DIDACTIQUE DES MATHEMATIQUES :MOTIFS ET ENJEUX

    ment extravagante. Cette ambition va exac-tement dans le sens inverse de toute l’activi-té scientifique qui tend à abstraire de leursconditions particulières les relations les plusgénérales. Elle va ainsi à l’encontre de toutedidactique, qui tend à faire émerger desméthodes communes aux plus vastes conte-nus à enseigner possibles, afin de projeter lacomplexité sur deux ou trois composantes etde cette façon permettre une formation « éco-nomique » des professeurs.

    Et de plus, en même temps, elle semblevouloir rassembler « de force » en un objet d’étudeunique ce qui a fait depuis si longtemps l’objetde diversifications si nombreuses et si subtilesdans des disciplines qui couvrent déjà si bientous les aspects de la réalité. Cette prétentionapparaît légitimement à plus d’un, commescandaleusement prétentieuse !

    Des raisonnements « de bon sens » commele suivant tendent à la faire paraître commeinutile. Les facteurs qui agissent sur l’ensei-gnement sont mis en évidence indépendam-ment les uns des autres, par diverses disci-plines et les enseignants doivent en tenircompte. Pourtant les enseignants et le publictendent à penser que la qualité de l’ensei-gnement est une fonction monotone de cesvariables, de sorte que les choix extrêmessont souvent retenus comme « théoriquementmeilleurs », bien que la didactique montreque les liaisons créées entre ces variables parles systèmes et les régulations qui en résul-tent font qu’au contraire, jamais aucune de cesvariables n’est optimale sur les bornes de sonintervalle de pertinence. On oppose à larecherche des solutions optimales le fait qued’instinct les professeurs choisissent des voiesmédianes, ce qui est interprété comme une cor-rection « raisonnable » de la pratique àl’encontre de la soi-disant théorie.

    Enfin les trente ans d’accumulation deconnaissances et de concepts dans ce domai-ne peuvent constituer un sérieux obstacle àla curiosité des débutants, surtout de ceux qui,ayant fait de bonnes études de mathéma-tiques, voudraient investir ce terrain. La pré-paration des chercheurs est de plus en pluslongue et difficile. D’autant plus que, pour desraisons que nous n’examinerons pas ici, ils’est constitué entre la communauté consti-tuée des mathématiciens didacticiens et lesmathématiciens des autres disciplines, une sortede « fire wall » qui rend presque impossibleles dialogues et même les échanges d’infor-mations.

    6. L’EMERGENCE DIFFICILEMAIS EXALTANTE

    Comment les défis scientifiques, concep-tuels, méthodologiques, et technologiques ci-dessus ont-ils été relevés ?

    En voici quelques exemples. Y. CHE-VALLARD a repris avec succès au moins troisfois le projet de donner à la didactique un fon-dement plus large que celui proposé par la théo-rie des situations 17, et de donner à cette der-nière une alternative et des prolongements : - d’abord dans sa « théorie de la transposition

    didactique »18 (1980) En effet les situationsdidactiques sont à la fois les causes et les effetsde la transposition. Les deux études sont com-plémentaires du même objet, différentesmais équivalentes 19.

    17 BROUSSEAU G., La théorie des situations didactiquesLa pensée sauvage (1998) 18 CHEVALLARD Y. La transposition didactique 2e EditionLa pensée sauvage, Grenoble, exposé à la 1ere école d’étéde DdM (1980). 19 Admettre que les connaissances et les savoirs traités dansles situations didactiques par les professeurs comme par les

  • REPERES - IREM. N° 55 - avril 2004

    29

    DIDACTIQUE DES MATHEMATIQUES :MOTIFS ET ENJEUX

    - puis dans sa « théorie formelle du didactique »20

    (1986) où la notion de situation est reprisedans un concept plus général d’assujettis-sement à une institution et où une étude desrelations didactiques entre institutions estamorcée.

    - enfin dans sa « théorie anthropologique dudidactique » 21 qui constitue la forme la plusdéveloppée de ces efforts. Elle tend à modé-liser les rapports aux mathématiques, desindividus, des institutions et de leur envi-ronnement en prenant en compte toutes lescontraintes qui rendent ces relations possibles,nécessaires, économiquement et écologi-quement adaptées. D’autres efforts sont ànoter qui ont pour but de donner des fon-dements épistémologiques à la didactique,en direction de la psychologie 22 en particu-lier avec G. VERGNAUD23, de la sociologie,de la linguistique, etc. et se poursuivent enco-re aujourd’hui.

    Mais d’autres défis se présentaient : pourcomparer les vertus de deux solutions didac-tiques par leur effet sur deux échantillonsd’élèves (et non pas celles des deux échantillonsd’élèves), il faut pouvoir s’assurer que lesépreuves qui permettent la comparaison sont« à égale distance des deux groupes d’élèves »

    (F. PLUVINAGE, 1975). Les relations entreles variables didactiques qui nous intéres-sent sont par essence dissymétriques et s’expri-ment en termes de causalité. Or les seulesméthodes statistiques disponibles tant enstatistique inférentielle qu’en analyse de don-nés dans les années 70 étaient fondées sur desdistances (chi carré, Euclidiennes, de Maha-lanobis etc.). En réponse, la statistique impli-cative apparut. Elle est à mettre à l’actif desmathématiciens didacticiens (R. GRAS 1979).La détermination de ce qui est reproductibleet de ce qui ne l’est pas en didactique était essen-tielle pour distinguer un fait de cet ordre (M.ARTIGUE 1982). Le défi de la construction desituations et de longs processus a été relevépar R. DOUADY (1982) et quelques autres,et ont fortement contribué à l’émergence d’uneingénierie didactique (Michèle ARTIGUE1990) 24… Il ne s’agit là que des premièresœuvres, d’autres nombreuses ont suivi. Il esttrès difficile aujourd’hui d’imaginer l’enthou-siasme et la passion qui portaient les profes-seurs de mathématiques à explorer tous lesmoyens d’améliorer leur enseignement, d’encomprendre les mystères et d’accroître lerayonnement de leur discipline. Le mouvementde rénovation des mathématiques projetait trèsloin les uns des autres, ceux qui expérimen-taient, innovaient, publiaient, ou entraînaientl’adhésion des profanes, et ceux qui sondaientles failles, critiquaient les improvisations ettentaient de prévenir les dérives. Mais lesIrem établissaient entre tous une profonde com-plicité et finalement une cohésion étonnante.Nous manquons cruellement aujourd’hui desynthèses de tous ces résultats. Une histoiredes réformes des enseignements de mathé-matiques de cette période devrait permettre

    élèves sont légitimement différentes, volontairement ou invo-lontairement transposées des connaissances « savantes »est le premier axiome de la théorie des situations. 20 Y. CHEVALLARD Communication 1er Colloque Fran-co Allemand Actes. La pensée Sauvage21 Y. CHEVALLARD L’analyse des pratiques enseignantesen théorie anthropologique du didactique, Recherches en didac-tique des mathématiques vol. 19/2 221-265 La pensée sau-vage (1999) 22 En 1975 les mathématiciens d’ICME n’imaginaient pas d’autrebase que la psychologie pour l’étude expérimentale scienti-fique de l’éducation mathématique, d’où la création de PMEà Karlsrue. 23 VERGNAUD G. La théorie des champs conceptuels,Recherches en didactique des mathématiques vol. 10/2.3 1333-169 La pensée sauvage (1991)

    24 Naturellement l’évocation de ces quelques noms serait trèsinjuste à l’égard des très nombreuses personnes qui ontenrichi ce champ, si on l’interprétait comme une sorte de flo-rilège

  • REPERES - IREM. N° 55 - avril 2004

    30

    DIDACTIQUE DES MATHEMATIQUES :MOTIFS ET ENJEUX

    de combler ce besoin, histoire qui pourraitêtre entreprise aujourd’hui dans le cadre desIrem.

    Cependant les travaux de recherche scien-tifique ont été à la fois stimulés et freinés parleur engagement IREMique. Par exempleleurs auteurs étaient impliqués dans des rap-ports étroits avec les enseignants, ce qui lesconduisait à faire part de leurs idées de leursexpériences, de leurs conceptions, souventprématurément, et sous des formes inachevées,qui se trouvaient bloquées par la suite quandil fallait les reprendre. La confusion entreles usages courants des termes et ceux qu’ilfaut bien arrêter dans une acception précisecontrarie la diffusion correcte des connais-sances et brouille les débats…

    Pendant ce temps, les travaux en didac-tique, indépendants de tout souci de cohé-rence d’ensemble, ont proliféré, les conceptsse sont multipliés, les discussions byzantinesont envahi l’espace éditorial que des scoto-misations insidieuses avaient libéré… Leschercheurs se sont complus dans les observationsparticulières d’un aspect précis de la résolu-tion par quelques élèves d’un problème uniqueou dans l’inventaire des erreurs curieusessur des chausse-trappes singulières. Les syn-thèses sont rares et souvent plus convivialesque scientifiques. Les bases ne sont pas enco-re suffisamment universellement acceptées pourpermettre beaucoup de débats pourtant indis-pensables.

    Malgré les tentatives d’unification, l’énor-me augmentation de complexité des connais-sances nécessaires, aussi bien pour identi-fier et poursuivre l’étude scientifique rigoureusedes phénomènes de didactique que pour l’uti-liser dans la formation des professeurs est deve-nue le principal obstacle à la diffusion de

    cette science dans un milieu qui pourtantaccepte dans d’autres domaines une com-plexité comparable, accroché qu’il est à l’illu-sion de la transparence de sa propre action.

    7. CONSTITUTION DE LASCIENCE DU DIDACTIQUE

    Tendances

    Aujourd’hui on peut distinguer une orga-nisation de la didactique stricto sensu à l’inté-rieur d’un très grand champ de recherches d’ori-gine et de statuts variés présentant desintersections avec à peu près toutes les dis-ciplines. Il faut néanmoins noter que la didac-tique des mathématiques, qui prolonge par cer-tains aspects le projet de COMENIUS et saphilosophie humaniste, s’oppose aussi à lui ence sens qu’elle ne se présente pas comme unespécification de la didactique générale. Aucontraire, elle prétend reprendre, à partir dusavoir à enseigner lui même, tout l’édificedes conditions d’enseignement et d’appren-tissage. De plus, en reconnaissant que lesconnaissances doivent s’adapter à des âges,ou à des conditions différentes, et que desinstitutions didactiques doivent s’interposerentre les humains et le savoir des humains,et même le transposer, elle semble abandon-ner un des postulats fondamentaux de l’huma-nisme : l’égalité des droits des humains àl’accès direct aux mêmes savoirs. Je croisqu’il n’en est rien et qu’il vaut mieux recon-naître les difficultés pour mieux les surmon-ter que d’affirmer comme des lois naturellesce qu’on désire obtenir.

    La didactique classique abordait l’ensei-gnement en la partageant d’emblée en deuxsecteurs sans relation, la discipline d’unepart et une méthodologie non disciplinaire, d’une

  • REPERES - IREM. N° 55 - avril 2004

    31

    DIDACTIQUE DES MATHEMATIQUES :MOTIFS ET ENJEUX

    autre. Les phénomènes d’enseignement n’étaientdonc perçus que par leurs projections sur cesdeux composantes indépendantes. La didac-tique des mathématiques actuelle s’intéres-se, elle, à l’espace de leurs interactions.

    Elle se sépare de même totalement de lapsychologie, même si c’est pour mieux réin-tégrer et légitimer ses apports. Par exemple,devant un tableau représentant les com-portements d’une collection de sujets affron-tant une collection de problèmes, le psycho-logue considère avoir des renseignementssur un corpus d’élèves, le didacticien consi-dère en avoir sur un corpus de situations ettout est différent.

    On tente de la placer sous l’égide del’anthropologie, et cette position en vaut biend’autres. Elle convient assez bien pour présentertous les travaux d’observation du milieu queforment les partenaires de l’enseignementdes mathématiques. Mais l’anthropologien’est guère plus proche de la didactique quel’économie, la sociologie ou la médecine etelle ne peut pas bien accueillir l’ingénierie.

    A mon point de vue, la seule égide qui soitinévitablement indispensable à la didactiquetelle que je viens de la présenter est celle desmathématiques, celle des sciences mathé-matiques plus précisément 25. Cette apparte-nance est logiquement fondée et fonctionnel-lement nécessaire. Cela ne suffit pas pourqu’elle soit fatale. Si 80% de l’activité desmathématiciens professionnels, qu’ils soientou non professeurs, est de nature didactique,l’entrée et la sortie des domaines scientifiques

    dans ou hors des mathématiques obéit à desrègles encore inconnues. L’histoire vient confir-mer que de toutes les disciplines, la mathé-matique est celle qui a les liens les plus étroitsavec son enseignement.

    Constitution du champ

    Les recherches en didactique des mathé-matiques peuvent être classées suivant detrès nombreux groupes de critères : suivantla discipline instrumentale (psychologie, lin-guistique, sociologie…), l’objectif (science« pure », ingénierie, formation), suivant lacentration sur une composante du système (lesavoir, l’élève, le professeur, le milieu : par ex.les problèmes…) suivant le niveau scolaire,suivant le pays ou la culture, eux-mêmesdéclinés en une multitude de sous classes etde croisements. Ces travaux ont des réfé-rences différentes et s’adressent en fait à des« publics » différents, ce qui les conduits à adap-ter leur langage et leurs concepts et donc à s’iso-ler davantage. En dehors de leur discipline derattachement, ils ne peuvent utiliser pourles autres aspects de leur travail que desconcepts « communs migrants» et des repré-sentations culturelles 26. Rien ne favorise lesregroupements, de sorte qu’aucune organisationd’ensemble n’est acceptée unanimement pourl’instant. De nombreux travaux ont dévelop-pé des concepts spécifiques intéressants pourappréhender tel ou tel aspect des situationset des processus didactiques mais très peu sesont donné le but de prendre en comptel’ensemble des phénomènes liés à la commu-nication didactique des savoirs mathéma-tiques 27 et l’accueil des connaissances venues

    25 Guy BROUSSEAU et Gilles CHRISTOL, Les études doc-torales de didactique des mathématiques à l'Université, Bul-letin de la S.M.F. (2000).26 Il est difficile d’examiner avec précision une idéemathématique profonde dans un article où on analy-se les comportements d’un élève, surtout s’il s’agit dela scolarité obligatoire par exemple, et aussi bien d’uti-liser des notions de psychologie ou de sociologie un

    peu particulières, pour argumenter sur le travail d’unprofesseur.27 La TSDM et l’anthropologie du didactique sont les tenta-tives les plus récentes. Elles dépassent largement les pré-cédentes, orientées vers l’action, et qui ne visaient pas le sta-tut de science : la didactique behavioriste, la méthodologieheuristique, la psycho-mathématique de Diénès, le construc-tivisme radical, etc.

  • REPERES - IREM. N° 55 - avril 2004

    32

    DIDACTIQUE DES MATHEMATIQUES :MOTIFS ET ENJEUX

    des autres disciplines. Cette situation favoriseun développement consensuel qui fait bar-rage aux pensées originales et aux débatsscientifiques sincères. Elle maintient les cher-cheurs dans l’impossibilité de vérifier dans plu-sieurs secteurs la consistance de leurs analysesde sorte que la « culture didactique interna-tionale » me semble être une collection amorpheet contradictoire où pullulent les conceptsvagues et les méthodes douteuses. Mais l’incon-sistance d’ensemble n’est pas le propre de ladidactique et il n’est pas sûr que les mathé-matiques elle-même y échappent.

    Micro et macrodidactique

    Cependant il me semble que dans la plusgrande partie des travaux de didactique actuels,ont peut identifier un objet commun : l’analysede la détermination simultanée de connaissancesprécises et des conditions dans lesquelles ellespeuvent être proposées et apprises par dessujets ou par des institutions.

    Enseigner n’est pas distribuer une mar-chandise, et la didactique n’est pas l’étude desaspects économiques et financiers de l’éducationmathématique. Pourtant, si on considèrequ’au lieu de biens, il s’agit de diffuser des savoirsentre des humains ou leurs institutions. Si onrespecte bien les différences fondamentales quis’imposent, on peut établir d’utiles parallèlesentre la didactique 28, et l’économie 29. La théo-risation mathématique de l’économie a conduit

    à distinguer une théorie micro économique 30

    et une théorie macro économique 31.

    Or, le caractère commun que nous venonsde relever pour des travaux de didactiquecorrespond à celui qui détermine une théoriemicroéconomique : dans la mesure où l’indi-vidualité de chaque connaissance et de chaquepartenaire est respectée on peut faire entrerces travaux dans le cadre d’une théorie micro-didactique telle que la théorie des situations.Par exemple dans cette homologie, l’étude —descriptive expérimentale ou normative —de l’enseignement de la mécanique ration-nelle à des élèves de différents niveaux sco-laires, suivant divers objectifs professionnels,ou suivant les époques, relèverait de la microdidactique. Par contre celle de la disparitionde l’enseignement de la mécanique ration-nelle dans la formation des professeurs demathématiques, en relation avec l’évolutiondes préoccupations scientifiques des institu-tions de recherche en mathématiques, relèveraitplutôt de la macrodidactique.

    Trois exemples peuvent illustrer l’intérêtde cette distinction.

    Les difficultés des enfants avec notresystème oral de dénomination des entiers(soixante-treize) sont bien connues. Passerà une numération régulière ne présenteaucune difficulté microdidactique : tous lesenseignants de France sauraient enseigner

    28 BROUSSEAU Guy. “Les doubles jeux de l’enseignementdes mathématiques”, (2002), p 83-155, Questions éduca-tives, l’école et ses marges : Didactique des mathématiques,n° 22-23 décembre 2002 Centre de recherches de l’Univer-sité Jean Monnet Saint Etienne et Conférence au colloqueInterIrem « Rallyes, Jeux, » de Toulouse 2000 29 L’économie se préoccupe « de la façon dont les ressourcesrares sont employées pour les besoins des hommes vivantsen société, elle s’intéresse aux opérations essentielles quesont la production, la distribution et la consommation des biens,d’autre part aux institutions et aux activités ayant pour objetde faciliter ces opérations » Ed. MALINVAUD Leçons de théo-rie microéconomique p. 1.

    30 La microéconomie « a pour objet principal l’analyse de ladétermination simultanée des prix et des quantités produites,échangées et consommées. Elle est dite microéconomiqueparce qu’elle prétend respecter dans ses formulations abs-traites l’individualité de chaque bien et de chaque agent » id.p. 2.31 La macroécomie « raisonne sur des agrégats de bienset d’agents… elle se propose de dégager comment sontdéterminées les grandes caractéristiques de la croissanceet de l’évolution conjoncturelle… par référence à l’organisa-tion institutionnelle effective de nos sociétés … » Ed. MALIN-VAUD Théorie microéconomique p.2

  • 8. CONCLUSIONS

    Il n’y a pas lieu de conclure me semble-t-il. Ceci n’est qu’une courte présentation. Ladidactique continue avec et dans les Irem, età côté aussi, comme il se doit. Je me suisborné à remuer quelques souvenirs et quelquesidées. De très nombreux nouveaux mathé-maticiens didacticiens sont arrivés et d’autresarrivent encore qui peuvent utilement parlerde leur point de vue sur leur discipline.

    Par contre, avant de terminer, je veux adres-ser ici une supplique à ceux d’entre nous quiont le pouvoir d’assécher ou d’irriguer larecherche en didactique : ne dissuadez pas tousles jeunes mathématiciens de talent qui sontprêts à payer le prix d’une orientation vers ladidactique. Et lorsqu’ils ont fait les effortsconsidérables exigés par une seconde adaptationà des problèmes très variés et difficiles, ne leurretirez pas leur appartenance au monde desmathématiciens.

    Ces deux attitudes excessivement intro-verties ont terriblement appauvri les rela-tions entre les deux communautés, et acces-soirement, elles ont privé un certain nombrede jeunes docteurs en mathématiques d’unaccès légitime à une carrière universitairedans un secteur où ils auraient été bienutiles s’ils avaient acquis les connaissancesnécessaires.

    La didactique des mathématiques n’estd’ailleurs pas la seule discipline a souffrir duretrait des mathématiciens de domaines quileur seraient tout naturellement ouverts.Refuser que des mathématiciens s’adaptentaux divers besoins de la société est aussi unefaute contre les mathématiques elles mêmes.Prétendre que les mathématiques orientéesvers la recherche mathématique — telle qu’on

    REPERES - IREM. N° 55 - avril 2004

    33

    DIDACTIQUE DES MATHEMATIQUES :MOTIFS ET ENJEUX

    « septante trois » en Belgique. Pourtant il aété impossible jusqu’à ce jour de faire entrerdans les classes la réforme décidée par laconvention au dix-huitième siècle. L’étude descauses de ce fait relève de la macrodidactique.J’ai montré — théoriquement et expéri-mentalement — (cf. l’article cité plus haut)qu’il était possible de gagner l’équivalent deprès de deux années d’enseignement du cal-cul à l’école primaire en modifiant la dispo-sition des calculs pour assurer de meilleurescaractéristiques ergonomiques (moindresefforts de mémoire et de calculs, meilleurefiabilité, etc.) Les problèmes microdidac-tiques résolus, il n’a jamais été possibled’examiner la possibilité de généraliser lesconclusions de cette recherche. Les blocagessont d’ordre macrodidactique.

    Les conditions de l’enseignement des sta-tistiques en France pourraient fournir untroisième exemple. Alors que diverses solutions« microdidactiques » ont été proposées 32, cer-taines bien connues dans divers pays, des dif-ficultés subsistent, qui semblent liées à unereprésentation assez particulière que se fontde la statistique diverses institutions impor-tantes. Les « explications » historiques, épis-témologiques ou politiques ne suffisent pas àfournir des solutions.

    On aperçoit ici l’intérêt qu’il peut y avoirà distinguer clairement les types de phénomènespour trouver des solutions adéquates micro oumacrodidactiques aux problèmes d’enseigne-ment.

    32 J’ai montré (en 1973-74) qu’on peut enseigner le test d’hypo-thèse et les bases des probabilités au cours de la scolaritéobligatoire. Guy BROUSSEAU, Nadine BROUSSEAU, Vir-ginia WARFIELD, “An experiment on the teaching of statis-tics and probability”, Journal of Mathematical Behavior, 20(2002) 363-441.

  • REPERES - IREM. N° 55 - avril 2004

    34

    DIDACTIQUE DES MATHEMATIQUES :MOTIFS ET ENJEUX

    se la représente actuellement — doivent êtresuffisantes pour affronter tous les problèmesd’enseignement ou d’application des mathé-matiques, relève d’une certaine suffisance.Cette attitude conduit à restreindre le recru-tement et les débouchés des étudiants enmathématique. Elle résulte d’une mécon-

    naissance des conditions d’enseignement desmathématiques que rencontrent les non mathé-maticiens, et contribue à les aggraver, fautede mathématiciens disponibles. Nous voyonsaujourd’hui les conséquences de ces attitudescorporatistes et irresponsables sur la forma-tion des professeurs 33.

    33 Je ne dirai pas ici un mot sur la mise à mort des IUFM,les grandes douleurs sont muettes.