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L´art militaire dans l'Antiquité Chinoise Une Doctrine de Guerre bimillénaire

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E. CHOLET

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  • L'Art m ; litalte.

  • L'ART MILITAIREDANS L'ANTIQUIT CHINOISE

  • TOUS DROITS DE REPRODUCTION, DE TRADUCTION ET D ADAPTATIONRSERVS POUR TOUS PAYS.

  • Lieutenant-Colonel E. CHOLET

    L'Art Militairedans l'Antiquit Chinoise

    Une Doctrine de Guerrebi-millnaire

    Tir de la Traduction du P. AMIOT(1772)

    CHARLES-LAVAUZELLE & C'fditeurs militaires

    124, Boulevard Saint-Germain, 124

    MME MAISON A LIMOGES

    1HB

  • ! :

    tel

  • TABLE DES MATIRESPages

    .

    Avant-propos 1Introduction 3

    CHAPITRE PREMIER.

    De la guerre.

    La guerre ne doit tre qu'un pis-aller 35La ncessit doit tre le seul mobile de la eaierre 35La guerre ne doit tre faite que dans l'intrt gnral .. 35La guerre doit tre courte 36Des effets dsastreux de la guerre 33Ne commencer la guerre que si l'on est certain de la mener

    bonne fin 39

    De l'arme.

    De l'importance de l'arme dans un Etat 43Du rle de l'arme dans la nation 43La force d'une anne rside surtout dans la qualit des troupes. 43Le guerrier doit connatre son mtier 44Du but poursuivre dans l'instruction des troupes.. 4iDe la faon d'instruire les troupes 44De la comparaison entre une arme et un fleuve 45C'est le gnral qui communique la force l'arme comme

    la pente en donne au courant 45Des armes. 45Il faut donner aux combattants de bonnes armes offensives

    et dfensives. 46

    Du nombre.

    Du nombre 51Des petites armes 51Des armes nombreuses 52Des armes trop nombreuses.. 52

    Du moral.

    Les combattants doivent souhaiter le combat 57Influence du physique sur le moral 57Il faut remonter le moral des troupes quand son niveau vient

    baisser 57L'attitude des troupes avant le combat est un indice de leurmoral 58

    Faire taire les faux bruits, les plaintes, les murmures.. 58Il ne faut jamais dsesprer 58

  • VI

    Pages.

    Il ne faut pas se dcourager dans l'adversit 59De la conduite qu'il faut tenir l'gard des prisonniers

    59

    Le guerrier doit mpriser la mort 60

    De la discipline.

    Des lois de la subordination 63

    Des bienfaits de la discipline 63

    Des punitions..

    63

    CHAPITRE II.Du gnral.

    De la grandeur du titre de gnral 67Des de.voirs des gnraux 67Du bon commandement 68De l'autorit dans le commandement 69Des fautes qu'un gnral ne doit pas commettre 70Un gnral doit tre rellement suprieur ceux qu'il com-mande 71

    Comment s'assurer l'estime et le respect des troupes.. 72Il faut tre simple 72Des connaissances ncessaires au gnral 73

    Des qualits du gnral.

    De l'importance des qualits du gnral 79Des qualits du gnral 79Un gnral doit tre clair, juste, plein de droiture, dsint-ress 79

    Le chef doit aimer ses subordonns 80Un gnral doit avoir de l'initiative et du caractre 81Un gnral doit avoir de la dcision et savoir prendre ses res-ponsabilits.

    . . .

    81

    Du chef indcis .... 82Un gnral doit tre prudent, hardi, ferme, attentif, circons-pect 82

    Un gnral doit tre prvoyant 83Du chef orgueilleux et vaniteux 83Un gnral doit tre instruit et avoir de l'imagination .

    .

    84Un gnral doit avoir de l'imagination et savoir garder sa

    libert morale 84La valeur (courage) n'est pas la qualit matresse du gnral. 84Un gnral doit savoir commander, prendre ses dispositions,

    agir avec activit, tre prvoyant, se dcider 85Un gnral doit connatre ses gens et se connatre lui-mme. 67Des qualits du grand gnral 88

    Da temps, des lieux, des circonstances.

    Des quatre points sur lesquels doit se porter l'attention d'ungnral . . 95

  • Vil

    Pages.

    Il faut savoir agir selon les circonstances 9311 faut savoir faire natre les circonstances 96Il faut connatre le terrain 97Mais si la connaissance du terrain est ncessaire, elle n'estpas suffisante. 9x

    De la connaissance du terrain 9$Comment agir suivant le terrain 99Comment agissait Sun-Ts suivant le terrain 101

    CHAPITRE III.

    Des principes.

    De la doctrine 105De la communaut de doctrine 105Des principes et des rgles d'application 105Certaines rgles gnrales sont constantes, d'autres sont d'une

    application variable 106Le mode d'application des principes est trs variable, il faut

    savoir le modifier suivant les circonstances 106Il ne faut pas avoir d'ides prconues; l'on doit agir suivant

    les circonstances 107

    Du principe de libert. De la libert d'action.

    Une arme est forte quand elle possde une entire libertd'action 111

    Une arme ne doit jamais se compromettre. 111Il faut imposer ses volonts l'ennemi 112

    Des renseignements.

    Il faut connatre son ennemi 113Il est ncessaire de se renseigner 114Il faut s'clairer sur les faits et gestes de l'ennemi 114Le gnral doit se renseigner afin d'viter les erreurs de cal-

    cul 114

    Il faut connatre les points faibles de l'ennemi 115Des indices.

    .

    115

    Il faut user des espions de l'ennemi 117L'argent employ payer les espions est bien plac 118

    Du secret.

    Il faut tenir ses projets secrets 119De l'interdiction de correspondre avec l'arrire 120

    Du principe de direction. De l'intrt.

    Les hommes se conduisent par l'intrt 125L'intrt particulier doit tre subordonn l'intrt gnral. 125Il faut menacer les intrts de l'ennemi et sauvegarder les

    siens 125

  • VIII

    Pages.

    Il faut toujours calculer , 126Il ne faut mpriser aucun avantage 126Il faut comparer les avantages que l'on veut obtenir auxpertes et aux efforts qu'ils ncessitent 126

    Il faut savoir tirer parti de la victoire 127

    De la combinaison.

    De l'opposition et du contraste 127Des effets de contraste qu'il faut tablir 127Savoir combiner ce qui peut cire apparent et ce qui doit tretenu secret 128

    De la varit par les combinaisons 129

    Du principe d'conomie.

    L'ordre et la rgularit conomisent le temps et les efforts

    133Il faut avoir des moyens suprieurs ceux de l'ennemi 133Il faut tre le plus fort sur le point d'attaque 134Les moyens employs doivent rpondre au but vis 131Il faut savoir faire varier ses procds suivant les circons-tances 134

    Il ne faut pas dpenser inutilement les efforts et les moyens. 135Il faut utiliser les comptences 135Il faut tre prvoyant 136L'habilet dans l'art consiste dans le T5on emploi des moyens. 136

    Du principe de continuit.

    De la continuit dans l'action 130Il faut poursuivre sans arrt l'excution du plan tabli 139Il ne faut pas rester dans l'indcision... 139De l'activit en temps de paix et en temps de guerre 140Il faut toujours aller de l'avant 140Il faut tre actif, mais prudent 140Il faut entretenir l'action 141On ne peut trouver le salut que dans l'action 141

    Des principes d'union et de convergence.

    Il faut tenir les troupes runies 145Ne divisez jamais vos forces 145De l'union qui doit exister entre les diffrents lments d'unearme 1 i

    De l'union clans la bataille 146De l'union intime, qui doit exister entre les diffrentes partiesd'une anne. 146

    De la liaison des armes et de l'union des combattants 147

  • IX

    Pages

    .

    De la convergence des efforts el des moyens 147De la liaison des efforts 143Il faut entretenir la division chez l'ennemi Ii8

    CHAPITRE IV.

    Des ordres.

    De la difficult de faire excuter les ordres 153Les ordres doivent tre clair? 153De la transmission des ordres 153Des moyens de transmission 154

    Du combat et de la bataille.

    Il faut en venir la bataille 159De la bataille et du combat 159De la longueur des marches 160De ce qu'il faut faire avant le combat 161Quand il faut attaquer 161N'attaquez pas si vous tes le plus faible 161N'attaquer l'ennemi que lorsqu'on est prt, mais l'attaquer alorssans1 tarder 162

    De l'usure. 163Il faut attendre que l'ennemi ait rvl ses dispositions pour

    le manuvrer..

    163On manuvre par les ailes 164Des petites oprations 164Quand on n'est pas le plus fort, il faut employer la ruse 165Du combat en pays accident 165Il faut savoir battre en retraite quand cela est ncessaire 166Dfensive et offensive 166De la guerre dfensive sur son territoire 167

    APPENDICE.

    Table des chapitres de la traduction du P. Amiot 169

  • L'ART MILITAIREDANS L'ANTIQUIT CHINOISE

    AVANT-PROPOS

    Cette doctrine n'est pas, proprement parler,

    une dcouverte; ce n'est point encore unersurrection; c'est une simple exhumation.

    Pour quelles raisons est-elle reste sous la

    poussire, dans l'oubli? Nous l'ignorons.Mais quand on en a lu et mdit les prceptes,

    on s'tonne de cette indiffrence pour des pen-seurs qui en valent bien d'autres.

    A premire vue, ces sentences, ces maximes,ces images parfois obscures, ces tirades moralespeuvent paratre dsutes pour des guerriers

    modernes.Et cependant, quand on les rapproche des v-

    nements rcents, quand on y recherche les mobi-les et les sentiments qui les ont inspires, on ne

    tarde pas leur trouver non seulement une

    incontestable profondeur d'ides, mais encoreune opportunit et un charme qu'une lecturetrop superficielle n'avait pas, tout d'abord, per-

    mis d'apprcier.Il ne faut pas, en effet, se contenter de par-

  • _ 2

    courir des yeux ces maximes ; il faut y arrterses penses et les mditer.

    Elles touchent tout ce que la guerre ren-

    ferme d'humain, au sens le plus lev du mot.A ce titre, elles sont encore d'actualit et le res-teront probablement toujours.A part nos machines et nos engins, nous

    n'avons rien invent : le reste est aussi vieux que

    le monde.Les auteurs de ces maximes sont, pour beau-

    coup, des inconnus. Dj, pour leurs compa-triotes, ils appartiennent la lgende : leurs

    crits n'en existent pas moins cependant.Par contre, leur traducteur est un Franais,,

    un savant et, qui plus est, un sinologue rput.

    Aprs les avoir longuement mdites, nousnous sommes mis en tte de faire revivre toutesces vieilles choses et de leur donner un cadreplus en rapport avec leur valeur.

    Plus qu'hier, russirons-nous les faire go-ter, aujourd'hui que la mode elle-mme semble,pour l'instant du moins, se complaire remettreen honneur les formes et les couleurs de l'artchinois?

    Nous l'esprons pour la mmoire de Sun-Ts,d'Ou-Ts et de S-Ma, sans nous illusionner tou-tefois sur la difficult de cette tche et la faiblesse

    de nos moyens.

  • INTRODUCTION

    Les maximes qui forment par leur ensemble la par-tie essentielle de ce travail, ont t tires de la tra-

    duction, parue en 1772 chez Didot l'an, des Vou-King ou Livres classiques militaires de la Chine.

    Cette traduction porte le litre suivant :

    ART MILITAIRE DES CHINOISou

    RECUEIL D'ANCIENS TRAITS SUR LA GUERRE.

    Composs avant l're chrtienne par diffrents gnrauxchinois.

    Ouvrages sur lesquels les aspirantsaux grades militaires sont obligs de subir

    les examens.

    On y a joint :

    Dix prceptes adresss aux troupespar l'Empereur Yong-Tcheng, pre de l'Empereur

    rgnant.

    Et les planches graves pour l'intelligence des exercices,des volutions, des habillements,

    des armes et des instruments militaires des Chinois (4).

    Traduit en franais par le P. Amiot,missionnaire Pking.

    Revu et publi par Monsieur Deguignes.

    (1) Ces planches se rapportent la deuxime partie de l'ou-vrage, dont il ne sera pas fait mention dans ce travail.

  • Ces Vou-King ne sont, en fait, autre chose que lerecueil des principales maximes crites sur 1' art dela guerre par un certain nombre de gnraux chi-nois, dont la plupart sont rests clbres dans les fas-tes du Cleste-Empire.Leur nombre s'lve sept :Ils sont intituls : Sun-Ts, Ou-Ts, S-Ma-Fa,

    Ven-Toui, Lao-Ts, San-Lio et Lou-Tao.Leur traduction est due un missionnaire jsuite,

    le Pre Amiot (1), sinologue distingu et auteur connud'une Vie de Conlucius, d'une grammaire et d'un dic-tionnaire tartares-mandchous.

    La date, de composition de ces diffrents ouvragesnous est inconnue : le traducteur ne donne, en effet, ce sujet, aucun renseignement prcis.

    D'autre part, nous n'avons eu ni le temps ni lesmoyens de nous clairer davantage sur la question.Tout ce que l'on peut affirmer, c'est que tous leursauteurs vivaient antrieurement l're chrtienne.

    Il est, en outre, probable que les textes primitifsne subsistent pas en entier dans toute leur puret ori-ginelle. Ces ouvrages, en effet, ont t maintes foistraduits et comments sur l'ordre des souverains quivoulureni, au cours des ges, s'en faire expliquer lesprceptes.

    x x

    Le premier en importance, sinon en date, est inti-tul : Sun-Ts. Son vrai titre est Sun-Ts-Ping-Fa,c'est--dire : Rgles sur Vart militaire, par Sun-Tsou Sun-Vou.Un des rares crivains qui aient prt quelque atten-

    (1) N Toulon en 1718; mort Pcking en 1794.

  • 5

    lion l'uvre du 1*. miot, M. Letourneau (1), faitvivre l'auteur du Sun-Ts la fin du vf sicle avantnoire re.

    D'autre part, on prtend qu'un philosophe, portantle mme nom, vivait de 375 230 avant J.-C.

    L'ouvrage eu question comprenait primitivement82 chapitres; il n'en contient plus que 13.

    Un empereur de la dynastie des Goei, nomm Vou-Ti, lequel vivait vers l'an 424 de J.-C, en a fait uncommentaire trs estim qui est intitul : Goei-Vou-Tcfiu-Sun-Ts. D'autres commentaires du mme ou-vrage ont paru sous la dynastie des Tang et sous celledes Song.

    Le Sun-Ts, dit le Pre Amiot, est le plus estimde tous ces ouvrages : les Chinois en font uri si grandcas qu'ils le regardent comme un chef-d'uvre en cegenre, comme un vrai modle et comme un prcis detout ce qu'on peut dire sur l'art des guerriers. Leurs

    docteurs d'armes (car la milice a ici des docteurscomme les lettres), leurs docteurs d'armes, dis-je, nesont parvenus au grade qui les distingue que parcequ'ils ont su l'expliquer ou en commenter simplementquelques articles dans l'examen qu'on leur a fait suhiravant que de les admettre.

    x x

    Le second est nomm Ou-Ts, ou hien encore Ou-Ki. Son auteur tait du royaume des Ouei ou Goei. Cet ouvrage, dit le traducteur, va presque de pair(avec celui de Sun-Ts) et n'a pas moins une appro-bation universelle. Celui qui l'a compos est un autre

    (1 ) La guerre dans les diffrentes races humaines (Paris, Ba-taille).

    L'Art militaire. 2

  • hros dont les brillantes actions font un des princi-paux ornements de l'histoire de son temps. ...Sun-Ts et Ou-Ts, disent les Chinois, sont, dans

    leur genre, ce que Conlucius et Mong-Ts sont dansle leur. Ceux-ci forment des philosophes, des hom-mes vertueux, des sages; ceux-l forment de bons sol-dats, de grands capitaines, d'excellents gnraux .

    Le troisime auteur est Se-Ma-Jang-Kin, que l'onappelle plus communment Se-Ma, du nom de sa di-gnit. Il tait du royaume des Tsi et vivait sous lesTchou avant J.-C. Son ouvrage est intitul : Se-Ma-King-Fa, ou Rgles de Vart militaire, par Se-Ma.

    Le quatrime a pour titre Ven-Toui, c'est--dire

  • Kong, qui vivait sous la dynastie des Tsin, avant J.-C.Il est divis en trois parties.

    x x

    Le septime est intitul Lou-Tao; il est attribu Liu-Vang, le mme que Tai-Kong qui vivait 1122 ansavant J.-C. Cet ouvrage est partag en soixante petitsarticles.

    Les deux ditions de ce recueil dit l'diteurdans sa note liminaire existent la bibliothquedu roi sous les numros 353 et 354; l'une et l'autrerenferment les mmes ouvrages, mais, dans celle quiest numrote 354,, les commentaires sont beaucoupplus tendus et l'on a mis en tte un petit trait del'exercice de la flche, tant pied qu' cheval, avec lesfigures. Cette dition a t faite sous le rgne de Kang-Hi, mort en 1722, l'autre sous celui de Van-Li, quimourut l'an 1620 de J.-C.

    x x

    Voici pour les textes; passons maintenant la tra-duction.

    II.

    Le P. Amiot n'a traduit que les treize articles deSun-Ts, six d'Ou-Ts, six de S-Ma et deux de Lou-Tao.

    Pour quelles raisons s'est-il particulirement int-ress cet ouvrage d'un genre si particulier, et com-ment a-t-il envisag et men bien une tche aussipeu en rapport avec ses gots et sa profession?

    Il se charge de rpondre lui-mme ces questions,dans les prfaces qu'il a crites pour nous prsenterses travaux.

  • 8

    Pouss par plusieurs personnages, curieux de con-natre ces vieux ouvrages sur l'art de la guerre, il tentacette traduction que le laconisme, l'obscurit et la

    difficult des expressions chinoises rendaient fort p-nible .

    Mais cent fois rebut, ajoute-t-il, j'ai abandonncent fois une entreprise que je croyais tre et qui taiten effet au-dessus de mes forces; j'y renonais enti-rement lorsque le hasard me remit sur les voies dansles temps mmes que mes occupations semblaient de-voir m'en loigner davantage .

    Etant entr en possession d'un manuscrit en languetartare-mandchoue, dans lequel se trouvait annot etcomment un recueil des bons auteurs chinois ayantcrit sur la guerre, le Pre Amiot apprit cette langueet, second par un militaire fils et petit-fils d'officiers,se remit l'uvre.

    J'entrepris donc, dit-il, non pas de traduire litt-ralement, mais de donner une ide de la manire dontles meilleurs auteurs chinois parlent de la guerre,d'expliquer, d'aprs eux, leurs prceptes militaires,en conservant leur style autant qu'il tait possible,

    sans dfigurer notre langue, et en donnant quelquesjours leurs, ides, lorsqu'elles taient enveloppesdans les tnbres de la mtaphore, de l'amphibologie,de l'nigme ou de l'obscurit. Je me suis servi pourcela, non seulement du manuscrit t art are, dont jeviens de parler, mais encore des commentateurs chi-nois anciens et modernes...

    Je n'ai pas nglig de consulter' les personnes ha-biles, lorsque je l'ai cru ncessaire. Nanmoins, il estarriv bien des fois, malgr leurs longues explica-tions et leurs prtendus claircissements, que le se-cours de leurs lumires ne m'a gure clair...

  • Les Chinois ont cela de particulier que leur lan-gue ne ressemble en rien aucune de celles qu'onparle dans le reste du inonde, si l'on excepte quelquesnations limitrophes qui, probablement, leur doiventleur origine. Cette langue singulire, que les Japonaisappellent la langue de confusion, ne prsente que desdifficults un Europen, sous quelque point de vuequl l'envisage. Les caractres qui sont faits pour ex-primer les ides chinoises sont comme ces belles pein-tures dans lesquelles le commun ou les connaisseursmdiocres ne voient qu'en gros l'objet reprsent, outout au plus une partie des beauts qu'elles renfer-ment, tandis qu'un vrai connaisseur y dcouvre toutescelles que l'artiste a voulu exprimer. .

    .

    Que sais-je encore si, par la communication quej'ai moi-mme avec les Tartares et les Chinois et parla lecture assidue des ouvrages composs dans leurlangue, mes ides ne se ressentent pas un peu du cli-mat que j'habite depuis de longues annes et si monlangage n'est pas une espce de jargon incomprhen-sible pour un Franais qui fait son sjour dans sapatrie?

    x x

    Quel intrt pratique pouvait prsenter un sembla-ble travail'.'

    Le Pre Amiot nous fait part ce sujet de ses dou-tes et ses espoirs :

    Ainsi, ceux qui pourraient avoir la curiosit delire les ouvrages de Sun-Ts et des autres qui ont critsur l'art militaire ne doivent pas s'attendre y trou-ver des dtails amusants, des prceptes instructifs, nides pratiques pour le pays o ils vivent.

    Si j'avais un conseil donner, je dirais volontiersqu'ils ne doivent se proposer d'autre but que celui de

  • 10

    savoir ce qu'on a pens, dans les pays lointains etdans les temps reculs, sur un art connu de toutes lesnations, mais diffremment exerc par chacune d'el-les; je dirai encore qu'ils doivent se rappeler de tempsen temps que ce sont des Chinois qui leur parlentfranais; alors, ils excuseront facilement les dfautsqu'ils pourront rencontrer et tout ce qui leur paratran'tre pas conforme aux lumires de leur raison, leur exprience et leur bon got.

    Cependant si, contre mon attente, il arrivait qu'onet quelque agrment converser avec ces hrostrangers et recevoir quelques-unes de leurs ins-tructions, j'en aurai moi-mme une satisfaction biengrande; et je serais ddommag de mon travail si,avec l'agrment, on y trouvait l'utile. C'est principa-lement dans cette dernire vue que j'ai entrepris untravail si contraire mon got et si loign de l'objetde ma profession!

    III.

    Nous ignorons si l'uvre du P. Amiot a t lue etgote par beaucoup de lecteurs; mais ce que noussavons, c'est que notre bibliographie militaire restepour ainsi dire muette en ce qui concerne les matreschinois dont le missionnaire a traduit les penses.

    L'tude des rgles et des mthodes de guerre, ladiscussion des ordres de batailles, la critique des ma-nuvres excutes par les gnraux de l'antiquit neremontent gure, en effet, dans cette bibliographie,au del des Grecs et des Romains. Et si certains au-teurs se sont aventurs, parfois, parler des Egyp-tiens, des Assyriens, des Perses et des Mdes, ils nel'ont fait, le plus souvent, qu' ttons, en suivant les

  • 11

    traces des archologues et en s'clairant des lumires

    par trop indcises des historiens de l'antiquit.

    Quant aux critiques militaires qui, dans un but pu-rement didactique, ont tourn leurs regards vers ces

    peuples de la Chine, dont d'autres tmoignages nousmontrent cependant la civilisation parvenue un trshaut degr de splendeur, nous avouons humblementne pas les connatre. Il ne nous a jamais t donn,en tout cas, de rencontrer dans nos classiques mili-taires les plus connus, soit les noms de Sun-Ts, d'Ou-Ts et de S-Ma, soit une mention quelconque de leurstravaux.

    Aussi est-ce avec un tonnement d'autant plus pro-fond que nous avons parcouru ces pages rempliesd'ides, parfois un peu obscures, mais dans lesquellesse percevaient nanmoins, la longue, d'incontesta-bles et profondes vrits que, jusqu'alors, nous n'a-vions considres que comme les produits d'une civi-lisation trs avance aussi bien que d'une expriencede la guerre plus claire.

    Ayant fait part autour de nous de cette motion,nous ne rencontrmes tout d'abord que des scepti-ques. Les uns se contentrent de nier tout court; lesautres crirent la mystification.Comment, disait-on, oser comparer ces chefs de

    bandes barbares et inconnus, hros de lgendes peut-tre, des gnies comme Alexandre, Csar, Frdricou Napolon!

    Quelles analogies pouvait-on dcouvrir entre despoques, des armes et des mthodes de guerre aussidissemblables que celles du xvme sicle, par exemple,et celles de ces temps quasi-fabuleux?

    Quelle importance tait-il raisonnable d'attacher cette uvre dont personne, ou presque, n'avait, jus-qu' ce jour, ni parle ni mme entendu parler? N'tait-

  • 12

    ce pas vouloir, contre tout bon sens, tenter la rsur-rection d'un cadavre?

    Quelle utilit pratique, en tout cas, esprait-on re-tirer de semblables tudes?Nous ne nous attarderons pas discuter ces objec-

    tions, nous en tenant uniquement aux faits eux-m-mes : les textes existent; leur traduction est l'uvred'un homme sincre, rput comptent, lequel pro-clame sa bonne foi et avoue, sans ambages, ses incer-titudes, ses efforts ainsi que les difficults qu'il a dvaincre.

    Supposer que cet homme a trouv je ne sais quelletrange jouissance forger de toutes pices ces maxi-mes, ou qu'il a tellement tortur les textes que ceux-ci,sous sa plume, se soient transforms au point d'anti-ciper sur les prceptes des Frdric et des Napolon,c'est mettre une hypothse qui n'a pas plus de fonde-ments que la simple ngation de l'authenticit mmedes textes.

    Les diffrentes parties de l'ouvrage du P. Amiotsont arrives en France de 1763 1769, une poqueo, dans le monde militaire, les querelles de doctri-nes battaient leur plein. N'a-t-il pas voulu, lui aussi,

    se lancer, sa manire, dans le conflit?Quelle trange hypothse!Pourquoi chercher si loin et faire ce savant l'in-

    jure de lui prter d'aussi ridicules prtentions?On lui a reproch aussi la tournure littraire de sa

    traduction, comme une faute contre la vrit et la pr-cision.

    Nous estimons, pour notre part, que cette tournure,sans rien enlever la clart des ides,, leur donne, aucontraire, une force et une couleur beaucoup plusgrandes et tmoigne, en tout cas, d'un souci trs loua-ble de la recherche du terme propre.

  • 13

    Nous ne pouvons videmment pas, et pour cause,affirmer que ces termes, ainsi choisis, soient tout fait

    l'image des ides qu'ont voulu exprimer leurs auteurs..Mais, s'ils s'loignent du sens vritable, ce n'est vrai-semblablement pas de beaucoup.En tout cas, cet cart ne peut donner lieu de bien

    graves erreurs, surtout si l'on s'attache n'envisager

    que d'un point de vue trs lev et trs gnral leschoses de la guerre qu'embrassent ces ides.

    Ce qui frappe tout d'abord en parcourant ces pageset en analysant les penses qu'elles renferment, c'estla parfaite concordance existant entre certains desprceptes poss par les matres chinois et ceux quel'on admet gnralement comme fondamentaux dansles doctrines de guerre actuelles.

    Cette premire constatation nous a, une fois deplus, confirm dans cette opinion que de semblablesrgles, tablies le plus habituellement en dehors detoutes considrations de formes et de moyens, cons-tituent dj par elles-mmes une sorte de doctrine na-turelle commune tous les peuples et applicable tous les temps.

    Ces maximes ne nous apparaissent, en somme, quecomme l'expression lointaine, mais, dans le cas par-ticulier, trs prcise et parfois trs complte, des prin-cipes qui, de tous temps, ont rgi les luttes humaines :principes d'autant plus simples que les peuples n'a-vaient alors leur disposition que des moyens d'ac-tion matriels trs rudimentaires.

    Il n'est donc pas tonnant que les lois gnralesde l'action guerrire s'y rvlent nous sous uneforme plus synthtique, pourrait-on dire, dpouilles

  • 14

    qu'elles sont alors de toutes ces considrations secon-daires d organisation, d'armement et d'effectifs qui,dans nos doctrines modernes, les alourdissent et enaugmentent la complexit.

    L'on est en outre frapp d'y retrouver exposes,dans toute leur tendue et avec toutes leurs cons-quences, certaines vrits que, jusqu'alors, beaucoupde gens estimaient tre de conception relativementrcente.

    Aussi, en prsence de ces analogies, tellement frap-pantes qu'elles revtent parfois les caractres de lasimilitude, est-on tout naturellement conduit con-clure par l'adage bien connu :

    Nil novi sub sole.

    La chose est certaine. Mais n'est-il pas galementvrai que cette confirmation est dj par elle-mme toutun enseignement, surtout en ce qui regarde les loisessentielles de la guerre?Ne semble-t-elle pas nous rappeler, en effet, que

    plus nous nous loignons des temps o laction guer-rire prsentait sa plus grande simplicit de lorme,par suite du petit nombre de moyens dont elle dispo-sait pour modilier cette lorme, plus il nous est diUicilede dcouvrir les lois vritables qui rgissent cetteaction.

    C'est donc, notre avis du moins, une inappr-ciable bonne fortune que d'avoir retrouv, une po-que aussi diffrente de la ntre, un ensemble de pr-ceptes dont la valeur et l'utilit n'ont pas cess de s'im-poser aux mditations des chefs de guerre de tous lestemps.

    Certes, nous ne rencontrerons rien, chez Sun-Ts,Ou-Ts et S-Ma, qui puisse se rapprocher de nosconceptions actuelles sur la mobilisation, la concen-

  • 15

    tralion, l'organisation des services de l'arrire, la ba-

    taille, etc..

    Mais ne sonl-ce pas l des choses essentiellementmodifiables avec les temps ainsi qu'avec les moyensemploys?Que seront-elles demain?De mme, aussi, n'y retrouvons-nous pas le moin-

    dre enseignement prcis sur la manire dont ces g-nraux disposaient leurs troupes suivant le terrain etles circonstances.

    A ce point de vue purement archologique, il n'y aque peu de choses glaner dans leurs maximes.

    Et c'est justement cette absence presque compltede prcisions dans les modes d'emploi des moyenstechniques qui donne certains de ces prceptes uncachet de modernit, voire mme d'actualit, trs rel.

    Par contre, l'on y recueille de nombreux renseigne-ments sur les conditions les meilleures dans lesquellesles lorces et les moyens matriels doivent tre utiliss.

    Or, n'est-ce.pas l, en dfinitive, un point essentiel-

    lement instructif que de savoir que, de tout temps, cer-taines conditions de direction, de libert, d'conomie,d'union, de convergence et de continuit n'ont pascess de s'imposer dans toute leur rigueur.

    Voil, peut-tre, ce que n'ont pas toujours compriscertains lecteurs : dfaut de perspicacit qui les a con-duits rejeter a priori ces principes et mconnatrede parti pris leur valeur.

    Principes qui, par ailleurs, il faut aussi se hter dele dire, s'enchevtrent sans ordre et se rptent sanscesse dans les diffrents chapitres, au grand dtrimentde la clart ainsi que de l'intrt mme de l'uvre.Le seul auteur militaire qui, notre connaissance,

    ait parl de l'ouvrage du P. Amiot est un officier

  • 16

    gnral franais anonyme, lequel, vers 1774, en fitune courte analyse commente.

    .Mais ces commentaires prouvent que l'auteur, vrai-semblablement plus attach la forme des choses qu'leur nature, parait avoir t beaucoup plus frapp parles diffrences existant entre les maximes chinoises etles mthodes de guerre de son poque que par leursanalogies.

    Il plaisante aimablement ces bons Chinois , maisne tire aucun enseignement positif de cette analysesommaire et, parfois aussi, un peu trop superficielle.

    IV.

    Ceci tant pos, essayons, en quelques traits rapi-des, d'esquisser et de synthtiser cette doctrine desVou-King plus de deux fois millnaire.Ses caractres sont multiples et divers; car elle est

    la fois : philosophique, humaine, rationnelle, artis-tique et jusqu' un certain point morale.

    Mais son caractre le plus marqu est la prudence :ses matres n'taient pas des audacieux.

    Elle est philosophique, car ses prceptes sont engrande partie bass sur l'obligation constante qu'ilsimposent de connatre et de savoir utiliser les rap-ports unissant les tres et les choses; les causes etleurs eUets; ces ellets et leurs consquences; les actesenfin et les circonstances qui entourent et dterminentces actes.

    Elle est humaine et rationnelle parce que ses pr-ceptes sont galement fonds sur la connaissance del'homme, pris isolment ou en groupe, ainsi que surle respect des liens rciproques devant unir Yindividuet la collectivit.

    Parce qu'elle enseigne la ncessit de savoir dcou-

  • vrir, dvelopper et utiliser les moindres aptitudes,aussi bien individuelles que collectives, non dans l'in-

    trt particulier de chacun, mais bien dans celui dugroupe tout entier.

    Parce qu'elle tmoigne du souci constant de satis-faire, autant que possible, les besoins des combattantspour obtenir de chacun, sans fatigues inutiles, tousles efforts qua la guerre on est en droit d'exigerd'eux.

    Parce que, enfin, elle apprend respecter les droitsde tous, quelle que soit la place occupe dans la hi-rarchie sociale ou militaire.

    Elle est, jusqu' un certain point, artistique, car lesmatres qui l'enseignent rappellent, tout propos,combien grande est l'importance qu'ils attachent,d'une part, la production d'effets ordonns, quili-brs, complets et harmonieux et, d'autre part, larecherche et l'utilisation d'effets d'opposition et decontraste.

    Et c'est l peut-tre un des caractres les plus re-marquables de cette doctrine dans laquelle tout doittre prvu, calcul, mesur, pes et mdit; dans la-quelle rien ne doit tre laiss au hasard; dans laquelleenfin l'on doit savoir tirer parti des moindres circons-tances.

    Elle n'est qu'en partie morale, car si l'on ne peuttrop louer les conseils moraux qui s'y trouvent enabondance, on prouve un tout autre sentiment enprsence des moyens qu'elle prconise pour s'clairersur les faits et gestes de l'ennemi et pour l'amener diviser ses forces, ngliger ses intrts et se d-chirer lui-mme.

    Mais est-ce bien nous, civiliss du xxe sicle, con-temporains des drames sanglants de la Grande

  • 18

    Guerre, qu'il convient de formuler de pareilles criti-ques legard de gens qui, par ailleurs, nous don-nent, en thorie du moins, d'aussi belles leons devertu et d'humanit?

    Envisage sous tous ces aspects, il est vident quela doctrine des Vou-King s'harmonise dune faonparfaite avec celle de Conlucius.Dans l'une comme dans l'autre, en effet, c'est la

    collectivit qui sert de fondement l'tablissement deslois. L'intrt particulier y est toujours subordonn Y intrt du groupe, de la famille, de la corporation.La morale y est la base de toutes les connais-

    sances.

    Tout candidat aux fonctions publiques, dit G.Valbert, est tenu de prouver qu'il s'est nourri des li-vres et des prceptes de Confucius et de ses disciples,qu'il les sait par cur, que le sage des sages1 a donn son intelligence et son me la forme qu'elle gar-dera toujours, qu'il n'oubliera jamais qu'un fonction-naire chinois est comme le matre des matres, un pro-fesseur de vertu (1).

    Le Chinois est patient, mthodique, ordonn; il ale got inn des dtails et des minuties. Ses uvresd'art sont des chefs-d'uvre d'habilet technique, dedifficults vaincues, de combinaisons harmonieuses,mais aussi, parfois, de contrastes trs marqus, aussibien dans la couleur que dans le mouvement des li-gnes. Il arrive son but par tous les moyens. Ses ma-nuvres sont de tous les instants; mais elles ne pren-nent jamais l'allure du coup de force.Tous ces caractres, nous allons les retrouver chez

    nos auteurs dont la doctrine nous laisse entrevoir les

    (1) Confucius et la morale chinoise (Revue des Deux-Mondes,dcembre 1898, page 679).

  • 19

    procds les plus habituels. Mais n'oublions pas queces gnraux n'eurent combattre que des armesorganises l'image de la leur et composes de sol-dats de mme race que leurs guerriers.

    Or, ces procds drivent tous plus ou moins decette ide gnrale : qu'il laul tre en toutes chosessuprieur l'ennemi.Pour atteindre ce but, les Chinois cherchent d'abord

    affaiblir leurs adversaires pour s'assurer du mmecoup cette indispensable supriorit. Dans la ralisa-tion de leurs projets, tous les moyens sont bons :ruses, trahisons, dissensions intestines, dpravationmorale, etc. Tous les efforts seront tourns vers cettegrande affaire : diviser ennemi.

    Certes, les gnraux chinois n'ignoraient pas qu'ily a des principes immuables et de simples rgles d'u-sage variables avec les circonstances.

    Ils savaient aussi que la bataille est ncessaire pourvaincre, mais qu'elle ne doit tre livre qu' bonescient.

    Ils taient avertis que, pour rester lorl, il est indis-pensable de rester uni et de ne pas disperser ses forces.

    Ils connaissaient bien ces deux obligations essen-tielles : quil laul se renseigner sur l'ennemi et main-tenir secret le moindre de ses projets.

    Ils savaient enfin que l'action doit tre nergiquesans dlaillance et continue sans arrt.

    Mais ils savaient aussi que l'on est d'autant plus fortque l'ennemi est plus faible;Que le succs dans la bataille s'affirme d'autant plus

    certain que celle-ci se livre dans des conditions meil-leures pour soi-mme et plus dsavantageuses pourl'adversaire;

    Que l'on connat d'autant mieux cet adversaire quecelui-ci se relche davantage et devient moins prudent ;

  • 20

    Que l'action sera d'autant plus lie, plus continueet, par suile, plus productrice en rsultats heureuxque celle de l'ennemi sera plus disperse, plus dcou-sue, plus hsitante et moins soutenue.

    Et comme, pour eux, la prudence, la prvoyance,le calcul sont imposs par la sagesse; la ruse par legnie mme de la race; la minutie par une habitudede l'ordre et de la rgularit pousse l'extrme, ilschercheront user, saper, rduire, tourner l'obs-tacle offert par l'ennemi, plutt qu' vaincre ou bri-

    ser la rsistance de cet obstacle en augmentant laviolence, la puissance ainsi que la rapidit de leursefforts.

    Il faut croire que cette faon d'agir, conforme leurtemprament, leur a russi, puisque l'un d'eux, Ou-Ts, ne marqua pour ainsi dire ses batailles que pardes succs.

    Soixante et seize fois, disent ses commentateurs,il fut oblig de combattre; soixante et quatre fois il

    fut pleinement victorieux et douze fois seulement il nefut ni vainqueur ni vaincu. Par contre, quand d'autres chefs moins habiles se

    trouvrent en prsence de circonstances nouvelles,soit qu'ils aient oubli les leons du pass, soit qu'ilsn'aient pas su en faire l'application ces circonslam

    ces, les dfauts inhrents la race reprirent le dessus.

    Voil pourquoi, peut-tre, les successeurs de Sim-Ts,d'Ou-Ts et de S-Ma deviennent impuissants en pr-sence de la fougueuse activit des conqurants mon-gols ainsi que de l'invraisemblable mobilit des ar-

    mes de Gengis-Khan.Toutefois, les succs de nos matres ne psent, em-

    pressons-nous de le dire, que d'un poids trs faible

    dans le jugement porter sur la valeur absolue desprincipes eux-mmes.

  • 21

    Cette valeur n'est manifeste que parce que ces prin-

    cipes sont rationnels, qu'ils s'accordent presque tou-

    jours avec les principes naturels qui rgissent toutesles actions humaines et qu'enfin nous en reconnais-sons, de nos jours encore, toute la grandeur.

    Ces nombreuses victoires ne tmoignent, en somme,que de Yhabilel et de l'excellente manire de ces g-nraux qui, dans des conditions bien dfinies de temps,de milieu et de circonstances, surent mettre en prati-

    que leurs maximes. .Mais, de mme que les plus grandsgnies, surent-ils les appliquer toujours dans touteleur ampleur? Voil ce qu'il n'est pas facile de savoir.Nous pouvons nanmoins nous rendre compte, enpartie, de cette manire, en nous reportant l'tuded'un cas concret faite par Ou-Ts lui-mme et pro-pose par son souverain, l'empereur Ou-Hou :

    Je me suppose prsent, lui dit-il, dans une posi-tion singulire; la voici : je suis la tte d'une nom-

    breuse arme, compose d'excellentes troupes; maisje suis camp de faon que derrire moi sont des mon-tagnes escarpes; gauche, je ne vois que des prci-pices; droite, j'ai des fleuves et des rivires, et jen'ai devant moi que des lieux profonds et marcageuxpleins de dangers. Les ennemis ont lev de fortes re-doutes de distance en distance, ils sont bien arms etbien retranchs. Si je veux retourner sur mes pas,c'est comme si je voulais transporter des montagnes;si je veux avancer, c'est comme si je courais maperte. Les vivres ne me manquent point encore, maisenfin je ne saurais demeurer longtemps dans une pa-reille situation sans m'exposer me voir rduit cequ'il y a de plus affreux. Dites-moi, je vous prie, cequ'il faudrait que je fisse en pareil cas. Tel est lethme; voici maintenant la solution.Ou-Ts dit : Il n'est pas ais, Prince, de satisfaireL'Art militaire. 3

  • la question que vous me faites : vous vous supposezdans les plus terribles embarras o un gnral puissejamais se trouver; cependant, comme ce que vous ve-nez de dire peut arriver, voici comment vous pourriezvous tirer de ce mauvais pas :

    Il faudrait commencer par faire une revue gn-rale de vos troupes; vous les partageriez ensuite encinq corps, qui seraient comme autant de petites ar-mes qu'il faudrait faire dfiler en mme temps parautant de chemins particuliers.

    Il est vraisemblable que les ennemis ne sauraientalors quoi s'en' tenir ni quel parti prendre : ils voussupposeraient des vues que vous n'auriez peut-trepas; ils craindraient d'tre attaqus et chercheraient deviner de quel ct; i/s rioseraient vous attaquerles premiers, parce quils ignoreraient vos desseins,et vous poursuivriez ainsi tranquillement votre route,soit pour aller au combat, soit pour battre en retraiteet vous tirer d'un lieu o vous pourriez si facilementprir vous et toute votre arme.

    Dans ces circonstances, si vous croyez pouvoirvous battre avec succs, n'engagez aucun combat sansavoir fait les rflexions suivantes :

    )> Si vous devez vaincre, ce ne sera ni par la bontde votre cavalerie, ni par la valeur de vos troupes;

    votre bonne conduite, votre prudence, votre habiletpeuvent seules donner la victoire.

    Aussi, si les ennemis sont constamment sur leursgardes, s'ils connaissent toute l'importance des pos-

    tes qu'ils occupent, s'ils maintiennent une exacte dis-cipline parmi les soldats, contentez-vous d'abord deleur envoyer quelques dtachements pour les harceleret les engager par l vous montrer ce qu'ils peuvent

    entreprendre.

  • 23

    A cette ruse, ajoutez-en une autre; envoyez-leurdes dputs, crivez-leur des lettres pour les amuser

    par la voie des ngociations : s'ils se laissent prendre cet artifice, allez les combattre lorsqu'ils s'y atten-dront le moins; si, au contraire, ils sont dans de justesdfiances, s'ils refusent d'entrer en pourparlers, s'ils

    ne veulent pas recevoir les lettres que vous leur aurezcrites, s'ils les brlent sans vouloir mme les lire au-paravant; si, voyant que les gens que vous leur aurezenvoys ne sont que des espions, ils les traitent commetels et les font mourir en consquence, n'allez pas t-mrairement contre de tels ennemis, ne prcipitezrien, donnez-vous le temps de tout prvoir et de pour-voir tout.

    Si, le hasard ayant fait natre l'occasion de quel-que action particulire, il se trouve que vos gens aienteu du dessous, gardez-vous bien d'en venir une ac-tion gnrale, vitez mme avec un grand soin jus-qu'au plus petit combat, jusqu' l'escarmouche; si, aucontraire, vos troupes ont t victorieuses, faites aus-

    sitt battre la retraite, empchez-les d'aller la pour-suite des fuyards; si les ennemis font semblant deprendre la fuite, ou cherchent par d'autres voies vous attirer au combat, allez eux en ordre de ba-taille, mais au petit pas.

    S'ils viennent vous dans l'intention de vous for-cer au combat, prparez-vous les bien recevoir; dis-posez tellement votre arme, que tous les corps qui lacomposent puissent se soutenir mutuellement; alors,vous pourrez vous battre en toute sret et vous tireravec honneur du mauvais pas o vous vous trouverezengag.

    Le problme tactique pos par Ou-Hou au savantOu-Ts n'est videmment pas des plus simples. On y

  • reconnat dj la complexit du caractre chinois. Etla complexit est ici tellement grande, que l'on peutse demander si le souverain n'a pas, par malice oupour toute autre cause, voulu embarrasser son gn-ralissime.

    Celui-ci, d'ailleurs, ne manque pas d'accuser lecoup ; mais, comme il ne lui est pas permis de rester sec devant son empereur, il rpond l'invraisem-blable chafaudage de difficults qui lui est offert parun autre chafaudage fait d'hypothses et de si .Que la solution de l'un ne soit pas, au fond, plus

    srieuse que la question pose par l'autre, c'est pos-sible. .Mais, en dehors de cette supposition toute gra-tuite, d'autres cas concrets , prsents de mme etrsolus suivant les mmes procds, nous autorisentnanmoins considrer comme probables la bonnefoi du matre et celle de l'lve.

    Cet exemple permet, en tout cas, de se rendrecompte, d'une faon approche tout au moins, de ceque pouvait tre la manire d'Ou-Ts .

    Le problme consiste, en somme, recouvrer unelibert fort compromise. Le temps presse; car, si lesmoyens ne font pas dfaut, puisque les troupes sontnon seulement nombreuses mais excellentes, les vi-vres ne vont pas tarder manquer.Tout semble indiquer un Occidental qu'il faut

    chercher la dcision dans une action rapide et ner-gique.

    Tel n'est pas, cependant, l'avis du trs circonspectet trs prudent Ou-Ts, qui, pour s'assurer cette li-bert, va tout d'abord s'efforcer de rduire celle del'ennemi en le plaant, par ses manuvres morales,dans des conditions telles qu'il ne sache ni o agir, nicomment agir.

    Si cette ruse ne suffit pas, on la doublera par l'en-

  • voi de messagers destins augmenter sa perplexit

    et son indcision.

    Si la ruse russit, l'arme, rendue plus mobile parsa dispersion, pourra plus facilement s'couler tra-

    vers tous les obstacles qui l'environnent. Si elle

    choue, il ne faut rien entreprendre contre des gensaussi srs d'eux-mmes et si avantageusement placs.

    Cependant, s'il fallait en arriver au combat, on nedevrait s'engager qu'avec la plus extrme prudence.Mieux vaudrait encore attendre l'ennemi et combattregroup que de lutter sparment dans une rgion ola moindre dfaite pourrait se transformer en dsas-tre.

    Telle est la prudence de cet Ou-Ts, qui, par ail-leurs, n'hsite pas enseigner que l'on ne peut trou-ver le salut que dans l'action.

    Il est vrai d'ajouter qu'il n'a pas cess d'agir; maisil ne comprend pas l'action notre manire.Dans d'autres circonstances, il paratra plus entre-

    prenant; il conseillera le mouvement, tout en l'ap-puyant toujours de stratagmes destins troubler lalibert d'esprit de l'adversaire et fortifier la sienne.

    Prenons, en effet, deux autres problmes du mmegenre.

  • 26

    Si elles sont suprieures celles des ennemis, t-chez de vous ouvrir un passage au travers de leursbataillons; si, au contraire, elles sont moins nombreu-ses, retranchez-vous le mieux que vous pourrez; usezd'artifices, donnez le change, attendez le reste dutemps et des occasions.

    La solution est ici bien nette. Ou-Hou ne veut pasaccepter un combat qu'on lui offre, mais ne peut seretirer faute de passage.

    Il n'y a qu'une solution, lui rpond Ou-Ts : le com-bat.

    Attaquez si vous tes le plus fort; dfendez-vous sivous tes le plus faible; mais ne ngligez pas toutesles ruses et les stratagmes que vous suggreront lescirconstances et votre situation. Le temps et les occa-sions feront le reste, si vous savez, sous-entend-il, entirer parti... Soyez patient!

    Me voici, propose nouveau Ou-Hou, dans unesituation encore plus fcheuse. Je me trouve engagdans mille prils; je ne vois autour de moi que prci-pices, que montagnes escarpes, que valles profon-des, que gorges, que dfils; et, par surcroit de mal-heur, une arme beaucoup plus nombreuse que lamienne se montre tout coup aux environs.

    Cette fois, c'est la surprise, et la surprise dans defcheuses conditions.

    Ou-Ts dit : Ne perdez pas un moment de temps;prcipitez vos pas, soit que vous vouliez atteindre ouviter l'ennemi.

    Si la rencontre des deux armes s'esi faite subi-tement et qu'il faille en venir aux mains, sans qu'ilsoit possible de l'viter, faites pousser de grands cris vos soldats; que le bruit des tambours, des trom-pettes et de tous les instruments de guerre se joignent

  • 27

    aux hennissements des chevaux pour effrayer et faireillusion l'ennemi; envoyez vos tireurs de flches l-gers et vos arbaltriers pour les premires dcharges;soutenez-les, renouvelez-les, ayez sans cesse des gens

    aux aguets, qui observent tout et qui vous rendentcompte de tout; envoyez-en d'autres pour enlever lesvivres et les bagages; faites en sorte que l'ennemipuisse se persuader qu'il y a plusieurs armes sestrousses; en l'attaquant de plusieurs cts la fois

    vous le dconcerterez entirement.

    C'est bien, cette fois, la pleine action, le grandjeu . Tous les efforts n'ont qu'un mme but : aveuglerl'adversaire par le mouvement, le tromper de millemanires, s'emparer de toutes ses liberts : morales,intellectuelles, physiques, afin de pouvoir profiter deses moindres dfaillances que des observateurs, auxaguets, ont pour mission de ne point laisser chapper.

    Ou'aurions-nous fait de mieux, tacticiens du xx6 si-cle?

    Malgr nos tanks, nos avions, nos canons et nosgaz, nos buts gnraux n'auraient pas sensiblementdiffr de ceux qu'en fin de compte se proposait Ou-Ts.

    Il faut blouir l'ennemi et lui masquer notre fai-blesse par la rapidit, la violence et, si possible, Yten-due mme de nos actions.Tous nos moyens, toutes nos machines seront donc

    mis en ligne sans compter, afin que, par l'tendue deleurs effets, nous donnions l'illusion de l'tendue denotre force;

    Que, par la rapidit de succession de ces effets,nous donnions l'illusion de la puissance;

    Que, par leur rptition et leur frquence, nousdonnions l'illusion du nombre et de la quantit.

  • 28

    Tout cela, Ou-Ts l'a compris, ses principes l'en-seignent; aussi le met-il en pratique.

    Mais, n'ayant pas de poudre faire parler, il faitcrier ses soldats et rsonner ses instruments de guerre.Lui aussi met en ligne tous ceux qui, de loin, peuventinquiter l'ennemi et le tenir distance. Il les relvesans cesse, pour donner, par ce moyen, l'illusion d'unrenouvellement constant de forces.

    Tant il est vrai que, dans les luttes humaines, la na-ture ainsi que la simplicit des buts imposs aux ef-forts sont rests identiques travers les ges, et queles moyens employs n'ont jamais eu d'autre objetque d'augmenter la puissance, la violence, la dure, lavitesse ainsi que l'tendue de ces effets.

    La doctrine des Vou-King, bien que particulire la race chinoise, n'en est pas moins une doctrine par-faitement tablie, dont les principes gnraux sont,sous bien des rapports, en harmonie complte avecles principes que les doctrines ultrieures ont admiscomme fondamentaux.

    Nous n'hsitons mme pas dclarer que certainsd'entre ces principes nous paraissent contenir des en-seignements beaucoup plus tendus, par leurs cons-quences, que ceux dcoulant des prceptes modernessimilaires.

    Nous ne pouvons dduire, des exemples que nousvenons de citer, ainsi que des succs mmes des ma-tres de cette doctrine, si ces rgles sont les fruits deleurs mditations ou ceux de leur exprience. Il estnanmoins prsumer qu'ils tirent leur origine de cesdeux sources. Mais, comme le dclarent eux-mmesces matres, il est plus que probable qu'elles en ontune troisime : les leons d'un pass plus lointain en-

  • 29

    core; leons d'autant plus fcondes qu'elles taient, leur origine, beaucoup plus proches de la vrit, parceque plus naturelles et plus simples.

    V.

    Se contenter de reproduire purement et simplementle texte du P. Amiot, et de prsenter les maximes dansl'ordre mme adopt par les auteurs et suivi par letraducteur, n'aurait pas rpondu au but que l'on s'taitpropos.Pour faire revivre cet enseignement et remdier au

    dsordre et la monotonie que nous avons signalsplus haut, il tait indispensable de dtacher les maxi-mes choisies de leur contexte et de les regrouper en-suite dans un cadre qui puisse les mettre en relief.

    Il fallait, de plus, rapprocher entre eux les diff-rents prceptes de mme nature formuls par les troisauteurs, de manire faire plus nettement ressortirla communaut de doctrine existant entre ces matres,communaut qui constitue l'un des caractres les plusremarquables de leurs uvres.

    Il tait en outre avantageux, pour bien tablir lesanalogies constates entre ces prceptes et les prin-cipes modernes, de leur donner un cadre en harmonieavec ces principes.

    Telles sont les raisons pour lesquelles nous avonscru devoir grouper les maximes en quatre chapitresseulement.

    Le premier sera consacr tout ce qui se rapporte la guerre, Varme et Vhomme.Dans le deuxime, on parlera des conseils de toute

    nature adresss aux gnraux.

    Dans le troisime, intitul :

  • 30

    avons adopt une division en rapport avec le nombredes grands principes que nous considrons commeessentiels et fondamentaux, savoir :

    1 Le principe de Direction, qui se rapporte tout

    ce qui a trait aux mobiles et aux buts de nos actions;

    2 Le principe de Libert, lequel embrasse tous lesdomaines : moraux, intellectuels, physiques, mat-riels, dans lesquels nous sommes appels agir;

    3 Le principe d'Economie, rglant l'emploi des for-ces et des moyens que nous utilisons dans nos actes;

    4 Le principe d'Union ou de Liaison, qui rgle lesrapports unissant entre eux les lments d'un mmeensemble, et ces lments avec l'ensemble;

    5 Le principe de Convergence, qui rgle l'emploi

    des forces et des moyens relativement au but attein-dre;

    6 Le principe de Continuit, qui n'est, en somme,

    que le principe vivificateur de l'action.

    Le quatrime chapitre est consacr au combat et la bataille.

    Nous aurions pu, plus logiquement peut-tre, fairerentrer les maximes contenues dans ce dernier chapi-tre dans le cadre du prcdent; mais nous avons voulu,en sparant ces deux groupes de maximes, dtacherd'une faon plus complte tout ce qui a trait cet actecapital de la guerre, afin de nous rendre mieux comptede la manire dont les Chinois en envisageaient l'em-ploi.

    Nous donnons enfin, dans des appendices, un cer-tain nombre d'claircissements fournis par le P. Amiotdans ses notes ou dans ses prfaces.

    Nous avions tout d'abord song faire suivre cha-cune des maximes que l'on va lire de quelques pr-

  • 31

    ceptes plus rcents emprunts aux auteurs classiquesmilitaires les plus connus. Mais cela et enlev l'uvre son caractre d'homognit. Nous nous som-mes donc content, titre d'exemple, d'appuyer quel-ques-unes de ces maximes de penses de mme na-ture extraites des uvres de Frdric II et de Napo-lon (1).Nous laissons ainsi au lecteur la facult de faire,

    par lui-mme, toutes autres comparaisons qu'il ju-gera utiles ou intressantes, comparaisons dont l'oc-casion et les sujets ne lui manqueront certes pas aucours de ses lectures.

    (1) Cette comparaison nous a permis de constater, entre autreschoses, que la manire des matres chinois se rapprochait parfoisbeaucoup plus de celle de Frdric que de celle de Napolon.Nous nous abstiendrons dornavant de faire aucun commen-

    taire, soit pour essayer de jeter un peu de clart sur certaines ex-pressions vagues et quelquefois mme pleines d'obscurit, soit pourdonner notre avis sur la valeur de certaines ides.Agir autrement serait tenter le risque d'errer l'aventure et

    enlverait aux ides toute couleur locale sans aucun bnfice pource qui nous intresse. Il ne faut videmment pas demander cesmaximes d'un autre ge ce qu'elles ne peuvent nous donner.

  • CHAPITRE PREMIER.

    DE LA GUERRE M.

    1. La guerre ne doit tre qu'un pis-aller S. M. I

    2. La ncessit doit tre le seul mobile de la guerre S. T. XII

    3. La guerre ne doit tre faite que dans l'intrtgnral...... S. T. XII

    4. Id S. M. I

    5. La guerre doit tre courte S. T. XIII

    6. kl S. M. II

    7. Id S. M. V

    8. Id S. T. II

    9. Des effets dsastreux de la guerre S. T. XIII

    10. Ne commencer la guerre que si l'on est certainde la mener bonne fin S. T. IV

    (1) Les indications S. T., 0. T., S. M., L. T., signifient Sun-Ts,Ou-Ts, S-Ma, Lou-Tao; les chiffres romains qui les accompa-gnent indiquent les numros des chapitres desquels sont tires lesmaximes. (Voir l'appendice les titres de ces chapitres.)

  • 35 -

    LA GUERRE NE DOIT TRE QU UN PIS-ALLER.

    1. La guerre est, par rapport au peuple, cequ'une violente maladie est par rapport au corps.L'une demande autant de prcautions que l'autreLes guerres ne sont venues au secours des hommes

    que comme un remde de plus grands maux, quecomme un remde invitable. Mais, dans les premierstemps, que de prcautions ne prenait-on pas avant quede les entreprendre!...

    S-McL I.

    LA NECESSITE DOIT ETRE LE SEUL MOBILE DE LA GUERRE.

    2. Faire la guerre est en gnral "quelque chosede mauvais en soi. La ncessit seule doit la faire en-treprendre. Les combats, de quelque nature qu'ilssoient, ont toujours quelque chose de funeste pourles vainqueurs eux-mmes; il ne faut les livrer quelorsqu'on ne saurait faire autrement.

    Sun-Ts, XII.

    LA GUERRE NE DOIT TRE FAITE QUE DANS l'iNTRTGNRAL.

    3. N'oubliez jamais que votre dessein en faisant laguerre doit tre de procurer l'Etat la gloire, la splen-deur et la paix, et non y mettre le trouble, le dsordreet la confusion. Ce sont les intrts de la nation etnon vos intrts personnels que vous dfendez.

    Sun-Ts, XII.

  • - 36 .

    4. On peut donc faire la guerre, on peut combat-tre, on peut envahir des villes, des provinces et desroyaumes. Vu l'tat' o sont actuellement les hommesil n'y a plus de doutes former cet gard. Maisavant que d'en venir ces extrmits, il faut tre bienassur qu'on a l'humanit pour principe, la justicepour objet, la droiture pour rgle. On ne doit se d-terminer attenter la vie de quelques hommes quepour conserver la vie d'un plus grand nombre : onne doit troubler le repos de quelques particuliers quepour assurer la tranquillit publique; on ne doit nuire certains individus que pour faire du bien l'espce;on ne doit vouloir que ce qui est lgitimement d, nele vouloir que parce qu'il est d, et ne l'exiger quecomme il est d. Il rsulte de l que la ncessit seuledoit nous mettre les armes la main.

    S-Ma, I.

    LA GUERRE DOIT TRE COURTE.

    5. Etre plusieurs annes observer ses ennemis,ou faire la guerre, c'est ne point aimer le peuple,c'est tre l'ennemi de l'Etat; toutes les dpenses, tou-tes les peines, tous les travaux, toutes les fatigues deplusieurs annes n'aboutissent le plus souvent pourles vainqueurs eux-mmes qu' une journe de triom-phe et de gloire : celle o ils ont vaincu.N'employer pour vaincre que la voie des siges et

    des batailles, c'est ignorer galement et les devoirs dusouverain et ceux du gnral; c'est ne pas savoir gou-verner, c'est ne pas savoir servir l'Etat.

    Sun-Ts, XIII.

  • 6. Lorsque la ncessit faisait recourir aux ar-

    mes et qu'il fallait ou combattre des ennemis ou punirdes rebelles, on mettait tous ses soins ce que la

    guerre ne ft pas de longue dure (1). On la terminaiten peu de temps, parce que personne n'avait intrt

    en prolonger le cours.

    S-Ma, II.

    7. L'homme est ce qu'il y a de plus prcieux sousle ciel : il faut pargner son sang, il faut abrger sespeines; par consquent il ne faut pas faire durer laguerre, il faut la terminer le plus tt qu'il se pourra (1),dt-on cder quelque chose de ses intrts particu-liers; dt-on l'acheter prix d'argent, pourvu que lagloire de l'Etat et l'intrt des peuples le demandentainsi.

    S-Ma, V.

    8. Ceux qui possdent les vrais principes de l'artmilitaire n'y reviennent pas deux fois. Ds la pre-mire campagne, tout est fini (1); ils ne consommentpas pendant trois annes de suite des vivres inutile-ment. Ils trouvent le moyen de faire subsister leursarmes aux dpens de l'ennemi et pargnent l'Etatles frais immenses qu'il est oblig de faire, lorsqu'ilfaut transporter bien loin toutes les provisions. Ilsn'ignorent point, et vous devez le savoir aussi, querien n'puise tant un royaume que les dpenses decette nature; car, soit que l'arme soit aux frontires,ou qu'elle soit dans les pays loigns, le peuple ensouffre toujours; toutes les choses ncessaires la vie

    (1) Nos guerres doivent tre courtes et vives, puisqu'il n'est pasde notre intrt de traner l'affaire, qu'une longue guerre ralentitinsensiblement notre admirable discipline et ne laisse pas de d-peupler notre pays et d'puiser nos ressources. (Frdric II.)

    L'.irt militaire. 4

  • 38

    augmentent de prix, elles deviennent rares et ceux m-mes qui, dans les temps ordinaires, sont le plus leuraise, n'ont bientt plus de quoi les acheter. Le princese hte de faire ramasser le tribut des denres quechaque famille lui doit et la misre se rpand du seindes villes jusque dans les campagnes; des dix partiesdu ncessaire, on est oblig d'en retrancher sept. Iln'est pas jusqu'au souverain qui ne ressente sa partdes malheurs communs. Ses cuirasses, ses casques,ses flches, ses arcs, ses boucliers, ses chars, ses lan-

    ces, ses javelots, tout cela se dtruira

    C'est pour prvenir tous ces dsastres qu'un habilegnral n'oublie rien pour abrger la campagne etpouvoir vivre aux dpens de l'ennemi, ou tout au moinspour consommer les denres trangres, prix d'ar-gent, s'il le faut (1).

    Sun-Ts, II.

    DES EFFETS DESASTREUX DE LA GUERRE.

    9. Si, ayant une arme de cent mille hommes,vous devez la conduire jusqu' la distance de milleli (2), il faut compter qu'au dehors, comme au dedans,

    tout sera en mouvement et en rumeur. Les villes et lesvillages dont vous aurez tir les hommes qui compo-sent vos troupes; les hameaux et les campagnes dontvous aurez tir vos provisions et tout l'attirail de ceuxqui doivent les conduire; les chemins remplis de gensqui vont et viennent, tout cela ne saurait arriver qu'il

    n'y ait bien des familles dans la dsolation, bien desterres incultes et bien des dpenses pour l'Etat.

    (1) Se procurer les vivres aux dpens de l'ennemi est la seulemthode pour maintenir la guerre avec avantage. (Frdric II.)

    (2) Cent lieues.

  • 39

    Sept cent mille familles, dpourvues de leurs chefsou de leurs soutiens, se trouvent tout coup horsd'tat de vaquer leurs travaux ordinaires; les terres,prives d'un pareil nomhre de ceux qui les faisaientvaloir, diminuent en proportion des soins qu'on leurrefuse la quantit comme la qualit de leurs produc-tions. Les appointements de tant d'officiers, la payejournalire de tant de soldats et l'entretien de tout lemonde creusent peu peu les greniers et les coffresdu prince comme ceux du peuple et ne sauraient man-quer de les puiser tous.

    Sun-Ts, XIII.

    NE COMMENCER LA GUERRE QUE SI L ON EST CERTAINDE LA MENER A BONNE FIN.

    10. Anciennement, ceux qui taient exprimentsdans l'art des combats ne s'engageaient jamais dansdes guerres qu'ils prvoyaient ne devoir pas finir avechonneur. Avant que de les entreprendre, ils taientcomme srs du succs. Si l'occasion d'aller l'ennemin'tait pas favorable, ils attendaient des temps plusheureux.

    Ils avaient pour principe que l'on ne pouvait trevaincu que par sa propre faute et qu'on n'tait jamaisvictorieux que par la faute des ennemis.

    Aussi, les habiles gnraux savaient d'abord cequ'ils devaient craindre ou ce qu'ils avaient esprer,

    et ils avanaient ou reculaient la campagne, ils don-

    naient bataille ou se retranchaient suivant les lumiresqu'ils avaient, tant sur l'tat de leurs propres troupes

    que sur celui des troupes de l'ennemi.

    S'ils se croyaient plus forts, ils ne craignaient pas

  • 40

    d'aller au,combat et d'attaquer les premiers. S'ilsvoyaient, au contraire, qu'ils fussent plus faibles, ilsse retranchaient et se tenaient sur la dfensive (1).

    Sun-Ts, IV.

    (1) Ayez un grand but; n'entreprenez cependant que le possible,rejetez le chimrique Profiter des avantages qu'on a et ne rienentreprendre au del de ses forces, c'est le conseil de la sagesse. (Frdric II.)

  • DE L'ARME,

    11. De l'importance de l'arme dans un Etat S. T. I

    12. Du rle de l'arme dans la nation S. M. IV

    13. La force d'une arme rside surtout dans laqualit des troupes S. M. II

    14. Le guerrier doit connatre son mtier 0. T. III

    15. Du but poursuivre dans l'instruction des trou-pes S.T. XI

    16. De la faon d'instruire les troupes S.T. IX

    17. De la comparaison entre une arme et unfleuve.

    .. .

    S.T. VI

    18. C'est le gnral qui communique la force l'arme, comme la pente en donne au courant. S. T. VI

    19. Des armes. ... S. M. II

    20. Il faut donner aux combattants de bonnes armesoffensives et dfensives S. M. IV

  • 43

    DE L'IMPORTANCE DE L'ARME DANS UN TAT.

    11. Les troupes sont la grande affaire d'un Etat;c'est d'elles que dpendent la vie ou la mort des sujets,l'agrandissement ou la dcadence de l'Empire : ne pasfaire de srieuses rflexions sur ce qui les concerne,ne pas travailler les bien rgler, c'est montrer une

    trop grande indiffrence pour la conservation ou pourla perte de ce qu'on a de plus cher, et c'est ce qu'onne doit pas trouver parmi nous.

    Sun-Ts, I.

    JDU RLE DE L'ARME DANS LA NATION.

    12. Lorsque l'arme est en campagne, quand elleest dans l'enceinte d'un camp, dans tous les temps,dans tous les lieux, dans toutes les circonstances, elledoit se conduire de telle sorte que le peuple ait tou-jours lieu de croire que, si elle a les armes la main,ce n'est que pour le dfendre; que si elle consommedes denres, ce n'est que pour mettre couvert lesmoissons et les rcoltes; que si elle dtruit, ce n'estque pour conserver; que si elle cause quelques dsor-dres particuliers, ce n'est que pour assurer l'ordre g-nral; que si elle fait la guerre, ce n'est que pour avoirla paix; que si elle lui cause quelques prjudices pas-sagers, ce n'est que pour lui procurer les solides avan-tages qui doivent faire son bonheur.

    S-Ma, IV.

    LA FORCE D'UNE ARME RSIDE SURTOUT DANS LA QUALITDES TROUPES.

    13. La principale force d'une arme consistemoins dans le nombre que dans le choix.

  • 44

    Une arme est toujours assez forte quand elle a deschars lgers, des cavaliers agiles et adroits, des fan-tassins robustes et expriments, quand tous ceux quila composent sont dociles et bien exercs.

    S-Ma, II.

    LE GUERRIER DOIT CONNAITRE SON MTIER.

    14. Un guerrier sans aucun talent pour son artest un homme mort; un guerrier sans exprience estun homme vaincu. C'est pourquoi instruire les sol-dats, .les exercer souvent sont les deux points essen-tiels du gouvernement des troupes.

    Ou-Ts, III.

    DU BUT A POURSUIVRE DANS L'INSTRUCTION DES TROUPES.

    15. Instruisez tellement vos troupes qu'elles puis-sent se trouver prtes sans prparatifs, qu'elles trou-vent de grands avantages l o elles n'en ont cherchaucun; que, sans aucun ordre particulier de votre part,elles soient toujours dans l'ordre; que, sans dfenseexpresse, elles s'interdisent d'elles-mmes tout ce quiest contre la discipline.

    Sun-Ts, XI.

    DE LA FAON D'INSTRUIRE LES TROUPES.

    16. Instruisez vos troupes, mais instruisez-les propos; ne les ennuyez point, ne les fatiguez pointsans ncessit; tout ce qu'elles peuvent faire de bonou de mauvais, de bien ou de mal est entre vos mains.

    Sun-Ts, IX.

  • 45

    COMPARAISON1 ENTRE UNE ARMEE ET UN FLEUVE.

    17. Il en doit tre des troupes peu prs commed'une eau courante. Si la source est leve, la rivire

    ou le ruisseau coulent rapidement; si la source estpresque de niveau, on s'aperoit peine de quelquemouvement; s'il se trouve quelque vide, l'eau le rem-plit d'elle-mme ds qu'elle trouve la moindre issue quila favorise; s'il y a des endroits trop pleins, l'eau cher-

    Sun-Ts, VI.

    C EST LE GENERAL OUI COMMUNIQUE LA FORCE A SON ARMEE,COMME LA PENTE EN DONNE AU COURANT.

    18. Pour vous, si, en parcourant les rangs devotre arme, vous voyez qu'il y ait du vide, il faut leremplir; si vous trouvez du surabondant, il faut le di-minuer; si vous apercevez du trop haut, il faut l'abais-ser; s'il y a du trop bas, il faut le relever. L'eau, dansson cours, suit la situation du terrain dans lequel ellecoule; de mme, que votre arme soit range confor-mment au lieu qu'elle occupe. L'eau qui n'a point depente ne saurait couler; des troupes qui ne sont pas

    bien conduites ne sauraient vaincre, c'est le gnralqui dcide de tout.

    Sun-Ts, VI.

    DES ARMES.

    19. Les soldats ne doivent tre arms ni trop lalgre ni trop pesamment; leurs armes ne doivent treni trop longues ni trop courtes. La longueur des armes

  • 46

    en rend le maniement difficile, leur brivet en bornetrop l'usage

    Des soldats trop pesamment arms n'ont plus deforce pour combattre, elle est employe toute sou-tenir le poids dont ils sont chargs; des soldats quisont arms trop la lgre ne peuvent ni enfoncer l'en-nemi, ni lui rsister; ils sont bientt renverss et misen fuite. La manire la plus avantageuse d'tre armest celle qui nous met en tat d'attaquer l'ennemi enmme temps que nous pouvons nous garantir descoups qu'il nous porte

    Les chars ne doivent pas tre partout ni toujours demme; il doit y en avoir de diffrentes formes, suivantles diffrents usages auxquels on les destine. Sous lestrois premires dynasties, il y avait les chars cro-chet, les chars tte de tigre, les chars prcurseurs,les chars accoupls et les chars tte de dragons.

    S-Ma, IL

    IL FAUT DONNER AUX COMBATTANTS DE BONNES ARMESOFFENSIVES ET DFENSIVES.

    20. L'homme, quel qu'il soit, n'est jamais bienaise de mourir lorsqu'il peut sans ignominie conserverencore des jours qui ne lui sont point charge. Lavertu, la valeur, l'amour du devoir, de la gloire et dela patrie peuvent bien lui faire affronter les prils et

    la mort; mais il gardera toujours dans le fond de soncur cette rpugnance naturelle, qui le fait tremblercomme malgr lui lorsqu'il voit de prs le momentfatal qui peut lui arracher la vie. J'en appelle l'exp-rience des plus intrpides; ils ne me contrediront pas,

    s'ils sont sincres. On ne doit rien ngliger pour ras-surer les soldats et leur inspirer une espce de scuritcontre tout ce qui peut trancher le fil de leurs jours'

  • - 47

    ils l'auront, cette confiance et cette espce de scurit,s'ils sont arms de manire porter et parer les plusterribles coups, et s'ils sont assez bien dfendus pourrendre inutiles la plupart de ceux qu'on leur portera.

    S-Ma, IV.

  • DU NOMBRE.

    21. Du nombre. ... S. T. Vf

    22. ld S. M. II

    23. Des petites armes S. M. V

    24. Des armes nombreuses S. M. Y

    25. Des armes trop nombreuse.- S. M. II

  • 51

    DU NOMBRE.

    21. Ne cherchez pas avoir une arme trop nom-breuse, la trop grande quantit de monde est souventplus nuisible qu'elle n'est utile. Une petite arme biendiscipline est invincible sous un bon gnral (1)

    Cependant, si vous n'aviez qu'une petite arme,n'allez pas, mal propos, vous mesurer avec une ar-me nombreuse; vous avez bien des prcautions prendre avant d'en venir lEncore une fois, si vous voulez attaquer le premier,

    ne le faites pas qu'auparavant vous n'ayez examin sivous avez tout ce qu'il faut pour russir.

    Sun-Ts, VI.

    22. Avoir trop de troupes sur pied est un dsa-vantage gal celui d'en avoir trop peu.

    S-Ma, IL

    DES PETITES ARMES.

    23. Si l'arme est peu nombreuse, il faut en for-tifier chaque rang le plus possible, il faut lui faire oc-cuper un petit espace de terrainUne petite arme ne peut se procurer que de petits

    avantages; mais ces petits avantages multiplis la fontparvenir son butUne petite arme ne doit avoir aucun lieu fixe; elle

    doit toujours tre en action et en marcheEn prsence de l'ennemi, elle doit sans cesse aller et

    (1) Ce n'est pas avec un grand nombre de troupes, mais avecdes troupes bien organises et bien disciplines qu'on obtient dessuccs la guerre. (Napolon.)

  • revenir sur ses pas, afin de pouvoir fatiguer l'ennemiet le combattre en dtail (1).

    S-Ma, V.

    DES ARMES NOMBREUSES.

    24. Si l'arme est nombreuse, il faut l'tendre, ilfaut en multiplier les rangs, il faut la gouverner danstoute la rigueur des loisUne grande arme peut tout d'un coup parvenir

    son but; mais tout d'un coup aussi elle peut manquerson objetUne arme nombreuse doit tre ferme et comme im-

    mobile dans son camp; elle n'en doit jamais changerle lieu, moins qu'une ncessit absolue ne l'y oblige:elle n'en doit sortir que pour combattreQuand une arme nombreuse est en prsence de

    l'ennemi, elle doit s'arrter, ou pour commencer elle-mme le combat, ou pour attendre que l'ennemi lecommence.

    S-Ma, V.

    DES ARMES TROP NOMBREUSES.

    25. On peut dire, en gnral, qu'une arme nom-breuse est une arme forte, mais on peut dire aussi

    (1) Il est impossible, avec la moiti des forces, de rtablir uneespce d'galit entre les deux armes. Alors, on doit prendre suc-cessivement des postes inexpugnables, les changer sitt qu'on enest menac, faire la guerre d'un partisan plutt que d'un gnrald'arme, enfin tirer parti de tout.

    Battez et ruinez l'ennemi en dtail, pour peu que cela soit po-sible, mais ne vous commettez pas une bataille range, votre fai-blesse vous ferait succomber; gagnez du temps, c'est ce qu'on peutprtendre du plus habile gnral. (FnnRic II.)

    Le seul moyen de contenir un ennemi triple en forces est dechanger souvent de position Cela le droute (Frdric II.)

  • 53

    qu'une arme trop nombreuse est difficile entretenir, ranger, conduire, faire mouvoir, et ce n'estqu'avec des peines infinies qu'on peut contenir unearme trop forte dans les bornes troites de la disci-pline et du devoir

    L'ignorance de bien des choses qu'il faudrait savoir,le relchement de la discipline, un trop grand train,des embarras de toutes les espces se trouvent, dansl'ordinaire, dans une arme trop nombreuse.Que de monde ne faut-il pas pour avoir l'il tout,

    pour avoir soin de tout; quel espace de terrain pourtant d'hommes, pour tant d'animaux, pour tant dechars, pour tant de provisions, pour tant de bagages!Que d'hommes uniquement destins garder, pr-parer, consommer, vivre, et souvent mme d-tourner, intimider, dbaucher, nuire de millefaons!

    Comment un gnral peut-il voir d'un mme coupd'il son arme entire?Comment peut-il en disposer son gr?Quelle attention peut-il faire toutes les marques

    distinctives des diffrents corps qui la composent?Comment, dans deux instants successifs, peut-il don-

    ner deux ordres diffrents et quelquefois contraires,suivant que les circonstances l'exigent?

    Il voit sa faute, il veut la rparer; il aperoit le mal,il veut s'en prserver; cela ne lui est pas possible : lamachine est en mouvement, il faut qu'elle aille.

    S-Ma, II.

    L'Art militaire.

  • DU MORAL,

    26. Les combattants dovent souhaiter le combat.. S. T. IV

    27. Influence du physique sur le moral S. T. IX

    28. Il faut relever le moral des troupes quand sonniveau vient baisser v S. T. XI

    29. L'attitude des troupes avant le combat est unindice de leur moral . ... S. T. VI

    30. Faire taire les faux bruits, les plaintes, les mur-mures ST. XI

    31. Il ne faut jamais dsesprer S. T. XI

    32. Il ne faut pas se dcourager dans l'adversit.. S. M. V

    33. De la conduite qu'il faut tenir l'gard des pri-sonniers S. T. II

    3i. Le guerrier doit mpriser la mort O.T. III

  • 57

    LES COMBATTANTS DOIVENT SOUHAITER LE COMBAT.

    26. Ces gnraux croyaient que, pour vaincre, il

    fallait que les troupes demandassent le combat avec

    ardeur; et ils taient persuads que, lorsque ces mmestroupes demandaient la victoire avec empressement, il

    arrivait ordinairement qu'elles taient vaincues.

    Sun-Ts, IV.

    INFLUENCE DU PHYSIQUE SUR LE MORAL.

    27. Le contentement et la sant, qui sont la suite

    habituelle d'une bonne nourriture prise sous un cielpur, donnent du courage et de la force au soldat, tan-

    dis que la tristesse, le mcontentement et les maladiesl'puisent, l'nervent, le rendent pusillanime et le d-

    couragent entirement.Sun-Ts, IX.

    IL FAUT RELEVER LE MORAL DES TROUPES QUAND SON NIVEAUVIENT A BAISSER.

    28. Lorsque vous aurez tout dispos dans votre

    arme et que tous vos ordres auront t donns, s'ilarrive que vos troupes, nonchalamment assises, don-nent des marques de douleur; si elles vont jusqu' ver-ser des larmes, tirez-les promptement de cet tat d'as-

    soupissement et de lthargie, donnez-leur des festins,

    faites-leur entendre le bruit du tambour et des autresinstruments militaires; exercez-les, faites-leur faire des

    volutions, faites-leur changer de place, menez-les

    mme dans des lieux un peu difficiles o elles aient travailler et souffrir.

    Sun-Ts, XI.

  • 58

    l'attitude des troupes avant le combat est un indicede leur moral.

    29. En dployant vos tendards, lisez dans lespremiers regards de vos soldats; soyez attentifs leurspremires actions; et, par leur ardeur ou leur noncha-lance, par leur crainte ou par leur intrpidit, con-cluez un bon ou un mauvais succs. Ce n'est point unprsage trompeur que celui de la premire contenanced'une arme prte livrer le combat. Il en est telle qui,ayant remport la plus signale victoire, aurait tentirement dfaite si la bataille s'tait livre un joui-plus tt ou quelques heures plus tard.

    Sun-Ts, VI.

    FAIRE TAIRE LES FAUX BRUITS, LES PLAINTESET LES MURMURES.

    30. Veillez, en particulier, avec une extrme atten-tion ce qu'on ne sme pas de faux bruits; coupez ra-cine aux plaintes et aux murmures; ne permettez pasqu'on tire des augures sinistres de tout ce qui peutarriver d'extraordinaire (1).

    Sun-Ts, XI.

    IL NE FAUT JAMAIS DSESPRER.

    31. Quelque critiques que puissent tre la situa-

    (1) Ecrivez au duc de Padoue qu'il s'alarme trop aisment etqu'il aime trop accueillir tous les faux bruits sems par l'ennemi.Ce n'est pas ainsi que doit agir un homme d'exprience; il faut plusde caractre que cela (Napolon.)

    Ecrivez de manire ne pas donner d'inquitude, car l'alarmeabat les c'sprits et paralyse le courage. (Napolon.)

  • 59

    lion et les circonstances o vous vous trouvez, ned-

    sesprez de rien : c'est dans les occasions o tout est

    craindre qu'il ne faut rien craindre; c'est lorsquon est

    environn de tous les dangers qu'il n'en faut redouter

    aucun; c'est lorsqu'on est sans aucune ressourcequ il

    faut compter sur toutes; c'est lorsqu'on estsurpris

    qu'il faut surprendre l'ennemi lui-mme.

    Sun-Ts, XI.

    IL NE FAUT PAS SE DCOURAGER DANS L'ADVERSIT.

    39. _ Quelque forte que soit une arme, quelque

    bien qu'on la conduise, quelques mesures quel'on ait

    prises, il y aura toujours quelque chose souffrir,

    quelque funeste vnement qu'on n'aura pas prvu,

    quelque chec auquel on n'avait pas lieu de s'attendre;

    on fera toujours quelque faute; on manquera toujours

    quelque chose : il faut alors faire usage detoute la

    force d'me dont on peut tre dou, ne pas se dcou-

    rager et rparer sans inquitude tout ce qui peuttre

    rpar (1). TrS-Ma, V.

    DE LA CONDUITE A L'GARD DES PRISONNIERS.

    33> _ Traitez bien les prisonniers, nourrissez-les

    comme vos propres soldats; faites en sorte, s'ilse peut,

    qu'ils se trouvent mieux chez vous qu'ils ne le seraient

    dans leur propre camp, ou dans le sein mme de leur

    (1) L'art de cacher sa pense est indispensable tout homme

    qui a de grandes affaires conduire. Toute l'armeht son sort sur

    son visage Arrive-t-il quelque mauvaise nouvelle,on fait sem-

    blant de la mpriser, on tale avec ostentation lenombre et la

    grandeur de ses ressources, on ddaigne l'ennemi en public,on le

    respecte en particulier. (Frdric II.)

  • 60

    patrie. Ne les laissez jamais oisifs, tirez parti de leursservices avec les dfiances convenables, et, pour ledire en deux mots, conduisez-vous leur gard commes'ils taient des troupes qui se fussent enrles libre-ment sous vos tendards.

    Sun-Ts, II.

    LE GUERRIER DOIT MEPRISER LA MORT.

    34. Tout homme de guerre doit regarder le champde bataille comme le lieu o il doit finir ses jours : s'ilcherche vivre, il prira; si, au contraire, il ne craintpas de mourir, sa vie est en sret.

    Ou-Ts, III.

  • DE LA DISCIPLINE.

    35. Des lois de la subordination .... S. M. II

    36. Des bienfaits de la discipline S. T. XI

    37. Des punitions S. T. IX

  • 63

    DES LOIS DE LA SUBORDINATION.

    35. Les lois de la subordination sont celles queles anciens sages inculqurent avec le plus de soin.Pour les faire observer et en rendre la pratique

    deternelle dure, ils les tablirent sur les fondementsles plus solides, c'est--dire sur la vertu, sur l'intrt

    propre et sur la ncessit.La vertu les fit estimer, l'intrt propre les fit accep-

    ter, la ncessit les fit suivreL'obissance doit tre spontane avec affection;

    prompte avec exactitude; fidle avec constance.

    S-Ma, II.

    DES BIENFAITS DE LA DISCIPLINE.

    3G. Les troupes bien disciplines ne se laissentjamais envelopper, elles redoublent d'efforts dans lesextrmits, elles affrontent le danger sans crainte,elles se dfendent avec vigueur, elles poursuivent l'en-nemi sans dsordre.

    Sun-Ts, XI.

    DES PUNITIONS.

    37. Quand vous aurez punir, faites-le de bonneheure et mesure que les fautes l'exigent.

    Sun-Ts, IX.

  • CHAPITRE II.

    DU GNRAL

    38. De la grandeur du titre de gnral 0. T. IV

    39. Des devoirs des gnraux L. T.

    40. Du bon commandement O. T. III

    41. De l'autorit dans le commandement S. T. V

    42. Des fautes qu'un gnral ne doit pas commettre S. T. III

    43. Un gnral doit tre rellement suprieur ceux qu'il commande S. T. VIII

    44. Comment s'assurer l'estime et le respect destroupes L. T.

    45. Il faut tre simple S. T. IV

    46. Des connaissances ncessaires au gnral S. T. I

  • G7

    DE LA GRANDEUR DU TITRE DE GNRAL.

    38. Dix mille oiliciers, cent mille soldats, touteune arme de quelque nombre qu'elle soit compose,se trouvent la disposition d'un seul homme; et ceseul homme c'est le gnral.Quel temps plus favorable pour montrer ses vertus,

    pour faire paratre au grand jour ses belles qualits,pour illustrer sa patrie, pour immortaliser son nomet celui de son roi? C'est le temps de se surpasser lui-mme et, si j'ose le dire, de se mettre au-dessus del'humanit.

    Ou-Ts, IV.

    DES DEVOIRS DES GNRAUX.

    39. Du lieu que vous foulez aux pieds jusqu'aucentre de la terre, donnez des ordres et faites-les ex-cuter.

    Gnral, combattez les ennemis quand vous pour-rez le faire avec avantage; ne les combattez pointquand vous n'aurez pas d'heureux succs esprer.Ne dites jamais : les troupes que j'ai sous mes or-

    dres sont en grand nombre, celles de l'ennemi sontpeu nombreuses; les troupes de l'ennemi sont forteset aguerries, celles que je conduis sont faibles et horsd'tat de leur rsister.Ne vous estimez jamais vous-mme; ne mprisez

    jamais l'ennemi; ne faites jamais cas de votre senti-ment plus que du sentiment des autres; ayez de ladfrence pour les avis de tous; n'envisagez pas d'unmme il les choses importantes et celles qui ne lesont point; ne trouvez rien de difficile dans tout ce quipeut regarder le service; soyez le modle sur lequel

  • tout le monde puisse se former; donnez l'exemple tous

    S'il faut s'exposer, ne le faites jamais que vos trou-pes ne le fassent en mme temps; s'il faut prendre lesrepas, ne les prenez qu'aux heures qui sont rglespour tout le monde. Souffrez le froid et le chaudcomme le moindre de vos soldats.

    Lou-Tao.

    DU BON COMMANDEMENT.

    .

    40. Bien gouverner les troupes, c'est pouvoir lesmettre en mouvement ou les tenir dans l'inaction tou-tes les fois qu'on le veut;

    C'est savoir et pouvoir les faire marcher sans obsta-cles, les faire reculer sans danger et, soit qu'ellesavancent ou qu'elles reculent, les contenir de faonqu'elles gardent toujours leur rang;

    C'est savoir mettre les diffrents corps qui compo-sent votre arme dans une telle disposition qu'ils puis-sent tous, sans en excepter aucun, obir aux signauxd'un mme tendard toutes les fois que vous le juge-rez propos;

    C'est, dans un cas de droute, savoir rallier promp-temenl ceux qui seraient dbands ou qui auraientfui;

    C'est savoir faire rentrer dans le devoir ceux quis'en seraient carts;

    C'est savoir maintenir les soldatsf dans la joie, sanspourtant autoriser le dsordre:

    C'est savoir leur inspirer la crainte en mme tempsque la confiance;

    C'est savoir les occuper continuellement sans lesfatiguer;

  • C'est faire en sorte de mriter le glorieux titre deleur pre et de leur inspirer les tendres sentimentsde fils.

    Ou-Ts, III.

    DE LAUTORIT DANS LE COMMANDEMENT.

    41. Ceux-l possdent vritablement l'art de biengouverner les troupes qui ont su et qui savent rendreleur puissance formidable, qui ont acquis une auto-rit sans borne, qui ne se laissent abattre par aucunvnement, quelque fcheux qu'il puisse tre; qui nefont rien avec prcipitation; qui se conduisent, lors

    mme qu'ils sont surpris, avec le sang-froid qu'ils ontordinairement dans les actions mdites et dans lescas prvus longtemps auparavant et qui agissent tou-jours dans ce qu'ils font avec cette promptitude quin'est gure que le fruit de l'habilet jointe une lon-gue exprience

    Mais savoir garder un ordre merveilleux au milieumme du dsordre, cela ne se peut, sans avoir faitauparavant de profondes rflexions sur tous les v-nements qui peuvent arriver (1). Faire natre la forcedu sein mme de la faiblesse, cela n'appartient qu'ceux qui ont une puissance absolue et une autoritsans bornes. Savoir faire sortir le courage et la valeurdu milieu de la poltronnerie et de la pusillanimit, c'esttre hros soi-mme, c'est tre plus que hros, c'esttre au-dessus des plus intrpides.

    Sun-Ts, V.

    (1) Maintenir l'ordre et la discipline dans sa troupe est louable,mais ne suffit pas : il faut que le jugement agisse en tout, et com-ment, si les connaissances manquent? (Frdric II.)

    L'Art militaire. G

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    DES FAUTES QU UN GENERAL NE DOIT PAS COMMETTRE.

    42. Celui qui est la tte des armes peut seregarder comme le soutien de l'Etat, et il l'est en effet.S'il est tel qu'il doit tre, le royaume sera dans laprosprit; si, au contraire, il n'a pas les qualits n-cessaires pour remplir dignement le poste qu'il oc-cupe, le royaume en souffrira indubitablement et setrouvera peut-tre rduit deux pas de sa perte. Ungnral ne peut bien servir l'Etat que d'une faon;mais il peut lui porter un trs grand prjudice de biendes manires diffrentes.

    Il faut beaucoup d'efforts et une conduite que labravoure et la prudence accompagnent constammentpour pouvoir russir; il ne faut qu'une faute pour toutperdre; et parmi les fautes qu'il peut faire, de combiende sortes n'y en a-t-il pas?

    S'il lve des troupes hors de saison.S'il les fait sortir quand il ne faut pas qu'elles sor-

    tent (1).

    S'il n'a pas une connaissance exacte des lieux oil doit les conduire (1).

    S'il leur fait faire des campements dsavantageux.S'il les fatigue hors de propos.S'il les fait revenir sans ncessit.S'il ignore les besoins de ceux qui composent son

    arme.S'il ne sait pas le genre d'occupation auquel chacun

    d'eux s'exerait auparavant, afin d'en tirer parti sui-vant leurs talents.

    (1) Un gnral ne doit jamais mouvoir son arme sans tre bieninstruit du lieu o il la conduit

    On ne doit remuer une arme que pour de bonnes raisons. (Frdric II.)

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    S'il ne connat pas le fort et le faible de ses gens.

    S'il n'a pas lieu de compter sur leur fidlit.

    S'il ne sait pas observer la discipline dans toute sarigueur.

    S'il manque du talent de bien gouverner.S il est irrsolu et s'il chancelle dans les occasions

    o il faut prendre son parti.S'il ne sait pas ddommager propos ses soldats

    lorsqu'ils auront eu souffrir.S'il permet qu'ils soient vexs sans raison par leurs

    officiers.

    S'il ne fait pas empcher les dissensions qui pour-raient natre parmi les chefs.Un gnral qui tomberait dans ces fautes puiserait

    d'hommes et de vivres le royaume, dshonorerait sapatrie et deviendrait lui-mme la honteuse victime deson incapacit.

    Sun-Ts, III.

    UN GNRAL DOIT TRE RELLEMENT SUPRIEURA CEUX QU'IL COMMANDE.

    43. Un gnral est un homme qui, par le rangqu'il occupe, se trouve au-dessus d'une multitude d'au-tres hommes; il faut par consquent qu'il sache gou-verner les hommes, il faut qu'il sache les conduire;il faut qu'il soit vritablement au-dessus d'eux, nonpas seulement par sa dignit, mais par son esprit, parson savoir, par sa capacit, par sa conduite, par safermet, par son courage et par ses vertus. Il fautqu'il sache distinguer les vrais d'avec les faux avan-tages, les vritables pertes d'avec ce qui n'en a quel'apparence; qu'il sache compenser l'un par l'autre ettirer parti de tout. Il faut qu'il sache employer pro-pos certains artifices pour tromper l'ennemi, et qu'il

  • se tienne sans cesse sur ses gardes pour n'tre pastromp lui-mme (1).

    Sun-Ts, VIII.

    COMMENT S ASSURER L ESTIME ET LE RESPECTDES TROUPES.

    44. Qu-Ouang. Je voudrais savoir un exp-dient court et facile au moyen duquel un gnral lttoujours sr du respect, de l'estime et de l'obissancedes troupes dans tout ce qu'il commande?

    Tai-Koung (Lou-Tao). Rien de si ais, rien desi sr que ce que je vais vous proposer. Qu'un gn-ral punisse de mort un homme de rang distingu, s'ila manqu son devoir, et on le respectera; qu'il traitebien ceux d'un rang infrieur, et on l'estimera; qu'ilgarde inviolablement toutes les rgles de la discipline,et on lui obira.

    Lou-Tao.

    IL FAUT TRE SIMPLE.

    45. Savoir l'art de vaincre comme ceux qui ontfourni cette mme carrire avec honneur, c'est prci-sment o vous devez tendre; vouloir l'emporter surtous et chercher raffiner dans les c