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M~decine et Maladies Infectieuses -- 1985 -- 5 - 251 & 254 Le d ficit immunitaire induit par les immunosuppresseurs par J.F. BACH** RESUME Les immunod~presseurs sont utilis~s chez les receveurs d'allogreffe et chez les mala- des atteints d'affection d'origine immunologique. Id~alement, on souhaiterait d~primer voire supprimer la seule r~ponse immunitaire responsable du rejet de la greffe ou de" la 16- sion immunopathologique. Force est encore de se contenter d'une immunod~pression non sp~cifique de l'antig~ne, touchant ~ des degr6s divers toutes les r6ponses immunitaires, y compris celles assurant la protection vis-a-vis des infections• Le probl~me est d~s lors de comprendre les m~canismes par lesquels chaque produit peut favoriser la survenue d'infec- tions et de tenter d'y trouver un remade efficace lorsque l'arr~t du traitement immuno- suppresseur ou l'administration d'antibiotiques se r6v~lent insuffisants. Mots-clef : D~ficit immunitaire- Immunosuppresseurs. LES INFECTIONS INDUITES PAR LES IMMUNOSUPPR ESSEU RS Tousles immunosuppresseurs n'entrarnent pas le m6- me type d'infections. L'azathioprine, la cyclosporine et les s~rums antilymphocytes favorisent de fac, on pr~f~rentielle la survenue d'infections virales et fongiques ainsi que celles clues ~ des bact~ries intracellulaires. La cyclophosphamide et les corticoi'des ont une action moins s~lective et favori- sent en fait la survenue de tr~s nombreux types d'infections y compris les infections ~ germes opportunistes. La fr~- quence des infections est ~troitement d~pendante de la po- sologie et de la dur6e du traitement. C'est ainsi qu'~ doses moyennes, I'azathioprine et la cyclosporine provoquent tr~s peu d'infections. Inversement, les associations m~dicamen- teuses, relies qu'on en utilise dans les greffes d'organe ou chez les canc~reux, exposent ~ un risque consid~rablement accru, ~ la fois pour les infections et les tumeurs. L'associa- tions cyclosporine-s6rums anti-lymphocytes est & cet ~gard, particuli~rement agressive. Ces differences d'action des principaux immunosup- presseurs s'expliquent par leur mode d'action, en particulier leur s~lectivit~ pour les cellules Bet T ou les phagocytes. Ainsi allons-nous voir que certains produits touchent assez pr~f~rentiellement les cellules T comme I'azathioprine et surtout la cyclosporine et les s6rums anti lymphocytes, alors que d'autres sont moins s~lectifs comme la cyclophos- phamide et les corticoi•des. Certains entrarnent une d~pl~- tion des cellules-cibles comme les s~rums antilymphocytes et la cyctophosphamide alors que d'autres ne provoquent qu'une alteration fonctionnelle r~versibte des cellules lym- phoi'des comme I'azathioprine et la cyclosporine. MODE D'ACTION DE L'AZATHIOPRINE (Az) La cible cellulaire n'est sans doute pas univoque. Les macrophages et les monocytes ne paraissent pas repr6senter une cible significative si I'on fait abstraction de deux s~ries de travaux isol~s signalant I'une une d~pression de la * Communication pr~sent~e au Congr~sde la Soci~t6 de Pathologie Infectieuse de Langue Francaise, tenu ~ Rennes le 31 Mai et le ler Juin 1985, sous le titre : (( Infections chez les Immunod~prim~s )). ** Immunologie clinique, H6pital Necker, 161 rue de S~vres, F-75743 Paris Cedex 15 251

Le déficit immunitaire induit par les immunosuppresseurs

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Page 1: Le déficit immunitaire induit par les immunosuppresseurs

M~decine et Maladies Infectieuses -- 1985 -- 5 - 251 & 254

Le d ficit immunitaire

induit par les immunosuppresseurs

par J.F. BACH**

RESUME Les immunod~presseurs sont utilis~s chez les receveurs d'al logreffe et chez les mala- des atteints d'affect ion d'origine immunologique. Id~alement, on souhaiterait d~primer voire supprimer la seule r~ponse immunitaire responsable du rejet de la greffe ou de" la 16- sion immunopathologique. Force est encore de se contenter d'une immunod~pression non sp~cifique de l'antig~ne, touchant ~ des degr6s divers toutes les r6ponses immunitaires, y compris celles assurant la protection vis-a-vis des infections• Le probl~me est d~s lors de comprendre les m~canismes par lesquels chaque produit peut favoriser la survenue d'infec- t ions et de tenter d'y trouver un remade efficace lorsque l'arr~t du traitement immuno- suppresseur ou l 'administration d'ant ibiot iques se r6v~lent insuffisants.

Mots-clef : D~ficit i m m u n i t a i r e - Immunosuppresseurs.

LES INFECTIONS INDUITES PAR LES IMMUNOSUPPR ESSEU RS

Tousles immunosuppresseurs n'entrarnent pas le m6- me type d'infections. L'azathioprine, la cyclosporine et les s~rums ant i lymphocytes favorisent de fac, on pr~f~rentielle la survenue d' infections virales et fongiques ainsi que celles clues ~ des bact~ries intracellulaires. La cyclophosphamide et les corticoi'des ont une action moins s~lective et favori- sent en fai t la survenue de tr~s nombreux types d' infections y compris les infections ~ germes opportunistes. La fr~- quence des infections est ~troitement d~pendante de la po- sologie et de la dur6e du traitement. C'est ainsi qu'~ doses moyennes, I 'azathioprine et la cyclosporine provoquent tr~s peu d'infections. Inversement, les associations m~dicamen- teuses, relies qu'on en utilise dans les greffes d'organe ou chez les canc~reux, exposent ~ un risque consid~rablement accru, ~ la fois pour les infections et les tumeurs. L'associa- tions cyclosporine-s6rums anti- lymphocytes est & cet ~gard, particuli~rement agressive.

Ces differences d'action des principaux immunosup- presseurs s'expliquent par leur mode d'action, en particulier

leur s~lectivit~ pour les cellules B e t T ou les phagocytes. Ainsi allons-nous voir que certains produits touchent assez pr~f~rentiellement les cellules T comme I'azathioprine et surtout la cyclosporine et les s6rums anti lymphocytes, alors que d'autres sont moins s~lectifs comme la cyclophos- phamide et les corticoi•des. Certains entrarnent une d~pl~- t ion des cellules-cibles comme les s~rums anti lymphocytes et la cyctophosphamide alors que d'autres ne provoquent qu'une alteration fonct ionnel le r~versibte des cellules lym- phoi'des comme I'azathioprine et la cyclosporine.

MODE D'ACTION DE L'AZATHIOPRINE (Az)

La cible cellulaire n'est sans doute pas univoque. Les macrophages et les monocytes ne paraissent pas repr6senter une cible significative si I'on fait abstraction de deux s~ries de travaux isol~s signalant I'une une d~pression de la

* Communication pr~sent~e au Congr~s de la Soci~t6 de Pathologie Infectieuse de Langue Franc aise, tenu ~ Rennes le 31 Mai et le ler Juin 1985, sous le titre : (( Infections chez les Immunod~prim~s )).

** Immunologie clinique, H6pital Necker, 161 rue de S~vres, F-75743 Paris Cedex 15

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production des monocytes chez le rat, I'autre une inhibi t ion de la fonct ion monocytaire dans les r~actions d'hypersensi- bil i t~ retard~e chez le cobaye. La discussion est plus ardue pour ce qui concerne les lymphocytes B et T. Certaines ex- periences, en fait assez peu nombreuses, sugg~rent une ac- t ion s~lective sur les cellules B. En fair la majorit6 des don- n~es exp~rimentales obtenues aussi bien chez I'animal que chez I 'homme plaident en faveur d'une action pr~f~rentielie sur les lymphocytes T. En premier lieu, los r~ponses d~pen- dantes des cellules T sont plus profond~ment touch~es, sur- tout aux faibles doses, que les r~ponses dues aux seules cel- lules B, tant in vivo qu'in vitro. L'action particuli~rement favorable de I'Az sur les greffes d'organe expl ique sa large uti l isation, encore quasiment exclusive, dans cette indica- t ion. M~me pour ce qui concerne la product ion des anti- corps, il a ~t~ montr~ que les r~ponses dirig~es contre los an- tig~nes thymod~pendants, n~cessitant I ' intervention des cel- lules T auxiliaires ~taient plus sensibles ~ I'action de I 'Az que celles dirig~es contre les antig~nes thymo-ind~pendants. Autant d'arguments qui sugg~rent assez fortement que I'Az agit pr~f~rentiellement sur les cellules T. Les quelques ~tu- des de marqueurs r~v~lant une action diff~rentiel le du pro- duit sur les cellules B e t T vont d'ailleurs dans ce sens; en particulier, il existe chez la souris normale une populat ion de cellules spl~niques formant des rosettes avec des h~ma- ties de mouton inhibable par I'Az, qui perd sa sensibilite I 'Az apr~s thymectomie. Mais tout n'est sans doute pas aussi simple. Les cellules B sont probablement aussi tou- ch~es dans certains cas. Ainsi, clans la r~ponse anticorps in vitro, si seules les r~ponses thymod~pendantes sont inhi- b~es, il semble que I'Az affecte s~lectivement la sensibilit~ des cellules B aux signaux produits par les cellules T auxi- liaires. En outre, il existe de multiples sous-familles de cellu- les T e t beaucoup reste ~ faire pour pr~ciser quelle cat~gorie de cellules Tes t pr~f~rentiellement atteinte dans une situa- t ion donn~e. II est des r~sultats qui indiquent que les cellu- les T suppressives peuvent dans certains cas 6tre inhib~es, ce qui vient encore compliquer le probl~me, car il y a alors neutralisation de I'effet immunosuppresseur ou m6me son inversion : donn~e avant I'antig~ne la 6-mercaptopurine aug- mente de fac, on nette la product ion des anticorps.

Le mode d'act ion cellulaire est important & consid~- rer. L' impact biochimique pr~sum~ sur la synth~se des aci- des nucl~iques donnerait ~ penser a priori que I 'Az agit sur la prol i ferat ion et donc sur la diff~renciation des lympho- cytes apr~s qu'ils aient reconnu I'antig6ne. Mais, nous I'avons vu, il ne s'agit sans doute pas I~ du seul m~canisme d'action biochimique et en outre on peut imaginer bien d'autres consequences cellulaires ~ une alteration du m~ta- bolisme des purines que I ' inhibi t ion de la prol i feration. Dans les faits exp~rimentaux, on rel ive d'assez nombreuses donn~es ~galement compatibles avec une action non direc~ tement antiprol i f~rative : e f f e t rapide de I'Az, en soixante minutes, sur certains marqueurs de membrane avant que tout effet ant iprol i f~rat i f ait pu prendre place, inhibi t ion des r~ponses immunitaires in vitro (r~action lymphocytaire mixte, product ion d'anticorps) seulement obtenue Iorsque I'Az est ajout~e pendant les vingt-quatre premieres heures de culture, ~ un moment oQ la prol i ferat ion cellulaire n'est

pas suffisante pour ~tre d~tectable. M~me s'il est encore dif- f icile et sans doute pr~matur~ de proposer avec precision un mode d'act ion qui puisse se substituer au classique effet an- t iprol i f~rat i f , il convient d'insister sur la not ion que ces effets ~{ non conventionnels )) de I 'Az s'exercent sans doute en grande partie sur les membranes lymphocytaires (agis- sant peut-~tre en alt~rant la reconnaissance des antig~nes) et que leur action est essentiellement r~versible, ce qui expli- que que les lymphocytes pr~lev~s chez des malades trait~s par I 'Az aient une competence immunitaire quasi normale in vitro, dans la mesure oQ les cultures sont r~alis~es dans un mil ieu d~pourvu d'Az. En d'autres termes, I 'Az ne garde son action immunosuppressive que si les lymphocytes sont maintenus en sa presence. D~s I'arr~t du traitement, I 'effet immunosuppresseur est perdu. Nous avons m~me vu plus haut qu' i l peut y avoir pendant quelques jours une p~riode d'hyperr~activit~ immunitaire due ~ I ' inhibi t ion des cellules T suppressives.

MODE D'ACTION DE LA CYCLOPHOSPHAMIDE

La cible cellulaire de la cyclophosphamide a ~t~ I'ob- jet de tr6s nombreux travaux au cours de ces d ix derni~res ann~es, qui permettent de conclure de fa.con f inalement assez convaincante que les sous-populations lymphocytaires les plus sensibles sont par ordre d~croissant : les cellules T suppressives, les cellules B, les cellules T auxiliaires des cel- lules T cytotoxiques. Les macrophages sont, comme tous les leucocytes, touches par les plus fortes doses de cyclo- phosphamide, mais aux doses th~rapeutiques leur nombre et leur fonct ion sont relativement peu altar,s par les agents alkylants. La sensibilit~ particuti~re des cellules T suppressi- ves expl ique qu'& faible dose (1 ou 2 injections de 20 ~ 50 mg/kg) la cyclosphosphamide provoque chez la souris une augmentation nette des r~actions d'hypersensibil i t~ retard~e et de la production de certains anticorps, notamment de la classe IgE. Cet effet d 'ampl i f icat ion est d 'autant plus net que la cyclophosphamide est administr6e avant I'antig~ne afin de ne pas interf~rer avec le d~veloppement meme de ta r~ponse immunitaire. II avait ~t~ ini t ialement sugg~r~ que cet effet d 'ampl i f icat ion des r~actions d'hypersensibil it~ re- tard~e ~tait de ~ la suppression concomitante de la produc- t ion des anticorps auxquels on aurait volontiers attr ibu~ un r61e immunomodulateur physiologique, peut-~tre par le biais de complexes immuns. Le fait que I 'ampli f icat ion puis- se ~tre obtenue dans des condit ions oQ la product ion d'anti- corps n'est pas diminu~e ~carte cette interpretation. L'ac- t ion sur les cellules T suppressives a d'ailleurs depuis Iors ~t~ d~montr~e directement in vitro en util isant la 4-hydropero- xy-cyclophosphamide. Notons que le probl~me s'est r~cem- ment compliqu~ par I ' individual isat ion de plusieurs sous- populations de cellules T suppressives, sensibles ou non se- Ion les cas, & la cyclophosphamide.

L'action sur les cellules B, pr~f~rentiellement sur les cellules Ben vole de dif f~renciat ion, explique les effets par- t iculi~rement nets de la cyclophosphamide sur la produc- t ion des anticorps ainsi que sur I'ontog~n6se de la bourse de

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Fabricius. La cyclophosphamide est en effet le plus puissant suppresseur connu de la production des anticorps thymod~- pendants ou ind~pendants, au point de permettre I'induc- tion d'une tolerance sp~cifique quand elle est administr~e simultandment & I'antig~ne. Par ailleurs, inject~e in ovo & des poulets, elle induit une atrophie de I'organe lympho~pi- th~lial de diff~renciation des lymphocytes B, la bourse de Fabricius, ce qui conduit ~ une agammaglobulin~mie. Cette sensibilit~ particuli~re des lymphocytes B & la cyclophos- phamide peut ~tre objectiv6e par I'dtude des marqueurs Bet T apr6s injection d'une forte dose du produit ~ des souris ; etle est cependant moins apparente num~riquement aux do- ses moyennes utilisdes chez I'homme.

Les autres categories de lymphocytes, cellules T auxi- liaires, cellules productrices de lymphokines responsables de I'hypersensibilit~ retard~e, cellules T cytotoxiques, sont peu touch~es aux doses th~rapeutiques par la cyclophosphami- de, du moins de facon tr~s significativement moindre que les cellules T suppressives et les cellules B. Aux fortes doses, toutes les cellules T sont n~anmoins atteintes et il faut r~in- jecter & la fois des cellules de thymus et de mo611e osseuse des souris trait~es par de fortes doses de cyclophosphamide (300 mg/kg) pour leur redonner la capacit~ de produire des anticorps contre des antig6nes thymod~pendants tels que les globules rouges de mouton. En outre, un traitement r~- p~t~ par des doses moyennes peut d~primer des r~actions d'immunit~ dues de fac, on exclusive ou pr~dominante & des cellules T, telles que le rejet des greffes, la rdaction de greffe contre I'h6te, ou les r~actions d'hypersensibilitd retardde.

Le mode d'action cellulaire para& essentiellement li~ & I'effet antiprolif~ratif et cytolytique qui ddcoule de la I~- sion biochimique initiale d'alkylation du DNA. Les cellules le plus directement atteintes sont celles les plus activement engag~es dans le cycle cellulaire. Si les cellules sont induites

se diff~rencier et & se diviser sous I'influence de I'antig6ne et si la cyclophosphamide est inject~e ,~ de fortes doses au moment prdcis de la plus forte prolifdration des cellules B et T, on peut m~me induire une ddl~tion assez durable des clones des lymphocytes Be t T reconnaissant I'antig6ne en question, d~passant de fac, on nette la dur~e de I'imrr~uno- suppression globale, non spdcifique, induite par I'injection du produJt. La cyclophosphamide est donc bien, & beaucoup d'dgards comme on I'a dit, un agent avant tout antimitotique. A la difference de I'Az, son action cellulaire est exclusive- ment nucl~aire, cytotoxique et irreversible. La regeneration cellulaire d~pend ~troitement de la dose. Aux tr~s fortes do- ses, elle est tr~s tardive ou m~me ne survient pas et une gref- fe h~matopoi'~tique est n~cessaire pour la survie de I'animal. Aux fortes doses ou moyennes, la regeneration cellulaire est assez rapide, en trois & huit jours, avec une p~riode int~res- sante de quelques jours d'hypercellularitd, parfois associ~e I'apparition d'une fonction suppressive non sp~cifique.

lutes T suppressives .sont pr~serv~es ainsi qu'~ un moindre degr~ les cellules B. Cette s~lectivit~ d'action exphque que la cyclosporine inhibe essentiellement I'immunit6 & mddia- t ion cellulaire (rejet des greffes de peau et d'organes, r~ac-

/ , o . .

tions d'hypersensiblhte retard~e) et la production d'anti- corps vis-a-vis d'antig~nes thymod~pendants. Elle reste in- versement sans effet sur la production d'anticorps contre les antig~nes thymoind~pendants. De m~me, in vitro, la cyclo- sporine inhibe les r~ponses des cellules T aux mitog~nes et aux ~loantig~nes dans une culture mixte oQ la g~n~ration de cellules T cytotoxiques mais est sans effet sur la produc- t ion d'immunoglobulines par les cellules B.

Le mode d'action cellulaire semble faire intervenir de fac, on pr~dominante I ' inhibit ion de la production d'interleu- kine 2 sans alteration de I'expression des r~cepteurs pour I'interleukine 2, encore que cela air dtd contest~ par certains auteurs. Des donn~es r~centes indiquent que la Cyclospori- ne se fixerait sur un r~cepteur cytotoxique.

MODE D'ACTION DES CORTICOIDES

Le mode d'action cellulaire est paradoxalement relati- vement mal connu pour des produits aussi largement utilis~s et ayant donn~ lieu & d'aussi nombreux travaux. La lym- pholyse, surtout document~e pour les thymocytes corti- caux, semble un mode d'action accessoire. L'alt6ration de la circulation lymphocytaire (et plus g6n~ralement leucocytai- re) para& un m~canisme plus important. II a, en particulier, ~t~ montrd que la prednisolone entraFnait une redistribution rapide et une s~questration transitoire des lymphocytes T circulants dans la mo§lle, & I'origine de la lymphop~nie. L' inhibit ion des fonctions lymphocytaires, bien d~montrdes in vitro & des faibles concentrations est diff ici le & analyser in vivo. Une action antiprolif~rative directe par inhibit ion des syntheses protdiques pourrait ~tre en cause mais son in- tervention n'est sans doute pas exclusive. L' inhibit ion de la production de certaines lymphokines, en particulier de I'in- terleukine 2, ou surtout I ' inhibit ion de la sensibilit~ de cer- tains lymphocytes ou des macrophages aux lymphokines para& 6galement jouer un rble important. II faut plus g~n~- ralement insister sur l'importance des effets des corticotdes sur les macrophages qui peuvent secondairement expliquer certains des effets apparents sur tes lymphocytes.

La cible cellulaire est quasiment impossible & d~ter- miner si tant est qu'il y en ait une de pr~dominante. Les macrophages et les monocytes sont, on vient de le rappeler, certainement touches. Les lymphocytes T pr~sentent des al- terations fonctionnelles manifestes mais mal syst~matis~es. Les cellules B paraissent relativement plus r~sistantes.

MODE D'ACTION DE LA CYCLOSPORINE MODE D'ACTION DES ANTICORPS ANTI LYMPHOCYTES

La cible cellulaire de la cyclosporine est constitute de facon tr~s pr~f~rentielle par la cellule T auxiliaire. Les cel-

Le mode d'action cellulaire est assez bien connu. La lympholyse semble peu intervenir. L'opsonisation qui

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qui survient en presence du compl~ment (C1 ~ C3) paraR par contre jouer un r61e d~terminant : des lymphocytes in- cubes in vitro avec des SAL puis r~inject~s in vivo migrent s~lectivement vers le foie o~ ils sont d~truits. L' inhibit ion fonctionnelle des lymphocytes par recouvrement des r~cep- teurs joue ~galement un r(51e dont il est cependant diff ici le d'~valuer I'importance.

La cible cellulaire des anticorps antilymphocytes in vivo est essentiellement repr~sent~e par les lymphocytes T (alors que les SAL ne contiennent pas exclusivement, le plus souvent, des anticorps anti-cellules T). L'explication de ce paradoxe appara~ principalement li~e & la lenteur parti- culi~re du renouvellement des cellules T. On peut penser en effet que I'ensemble des lymphocytes du sang est initiale- merit touch~ mais al(~rs que les lymphocytes B d~truits sont rapidement remplac~s, le renouvellement des lympho- cytes T est beaucoup plus lent. L'effet immunosuppresseur des SAL est d'ailleurs consid~rablement accentu~ par la thy- mectomie & I'~ge adulte qui supprime la source des nou- veaux lymphocytes T, normalement indemne car les anti- corps antilymphocytes x~nog~niques p~n~trent relative- merit peu dans les organes lymphoi'des profonds comme le thymus.

PEUT-ON PREVENIR OU GUERIR LES IN FECTIONS PROVOQUEES

PAR LES IMMUNOSUPPRESSEURS ?

Les deux mesures prises devant une infection induite par un immunosuppresseur consistent ~ arr~ter le produit en question et ~ administrer un traitement anti-infectieux sp~cifique, en particulier antibiotique quand il s'agit d'in- fection bact~rienne.

Peut-on pr~voir ou m~me pr~venir une infection op- portuniste chez un immunod~prim~ ? La pr~vision pose tout le probl~me encore tr~s mal r~solu de la surveillance immunologique des malades trait~s par les immunosuppres- seurs. La d~finit ion encore incertaine de la cellule cible rend

difficile le choix du test. La numeration des sous-popula- tions des lymphocytes du sang est soumise au double ~cueil de I'effet d' inhibit ion fonctionnelle plus que de d~pl~tion de nombreux produits et de I'absence d'acc~s aux organes lymphoi'des profonds. En outre, les infections opportunis- tes peuvent survenir ~ tout moment et it est mat~riellement impossible de r~aliser, avec la grande fr~quence qui serait n~cessaire, les examens immunologiques qui pourraient per- mettre de d~tecter un ~tat de (~ surimmunosuppression )). II serait en particulier int~ressant de savoir d~pister un abaisse- ment franc de la r~ponse aux mitog6nes avec lymphop~nie comme on en volt chez certains transplant~s r~naux ~ haut risque d'infections. Notons ici que le probl~me peut 6tre compliqu~ par la survenue d'une infection ~ cytom~galovi- rus (CMV) qui peut entrarner un' abaissement considerable du taux des cellules T4 + et un d~ficit immunitaire propre, susceptible par lui-m~me de favoriser certaines infections.

Le traitement curatif immunostimulant repr~senterait une excellente solution, compl~mentaire de la th~rapeuti- que anti-infectieuse sp~cifique surtout s'il n'annule pas I'ef- fet th~rapeutique obtenu par I'immunosuppresseur. Malgr~ le nombre croissant de produits disponibles, tr~s peu ou pas de donn~es cliniques sont encore disponibles sur cette vole d'approche. On pourrait cependant penser & utiliser les hor- mones thymiques (dont I'action antivirale a ~t~ d~montr~e dans les infections & virus herpes), la bestatine, le I~vamiso- le, ou certains extraits bact~riens & activit~ immunostimu- lante d~montr~e. Dans les cas les plus avanc~s, une greffe de mo~lle pourrait ~tre envisag~e. Peut-~tre mOme pourrait-on associer dans les cas o5 ils sont disponibles des anticorps monoclonaux antibact~riens dont I'effet immunoprotecteur a ~t~ d~montr~. Toutes ces voles d'approches sont accessi- bles et devraient ~tre tent~es d'autant que leurs risques pro- pres sont minimes. Trop de fatalisme commande I'utilisa- t ion des immunosuppresseurs. La surimmunosuppression devrait pouvoir ~tre ~vit~e par une surveillance immunologi- que adequate. Une fois ~tablie, elle n'est pas n~cessairement irremediable. Plutbt que d'attendre son recul trop souvent incertain, mieux vaudrait I'attaquer de front avec les mo- yens d'efficacit~ croissante auxquels on peut d~j~ avoir acc~s.

SUMMARY Immunosuppress i ve drugs induced immunode j~c iency

Infections represent one of the main side effects of immunosuppressive agents. All products do expose, however, to the same type o f infections. Azathioprine, cyclosporine and antilymphocyte sera, which act selectively on T ceils, favor preferentially the onset of viral infections whereas cyclophosphamide which hits B ceils ans steroids (which alter phagocytic cell function) rather provoke bacterial infections.

Key-words : Immunodeficiency - Immunosuppressive agents.

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