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LE OU LES MARCHES
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DOSSIER 1
LES DIFFÉRENTS TYPES DE MARCHÉ
INTRODUCTIONMARCHÉ ET PRIX DE MARCHÉ
Document 1 : Entretien avec Xavier Fournier, rédacteur en chef de la revue « Comic Box »« Il y a quelques années je suis passé à côté d'une occasion en or : les planches jamais publiées deYordi (Superman) en 1941 par manque de papier chez l'imprimeur. A l'époque les contacts étaientrompus avec les USA et l'éditeur était obligé de faire dessiner des aventures inédites de Supermanavec un Y sur le ventre et les deux derniers numéros de 1941 ne sont jamais parus (ainsi qu'un"Blanche Neige" qui se voulait l'équivalent du Journal de Mickey pour les filles). Je tombe sur letruc en vente aux enchères à Drouot, mis à prix 100 euros. Je m'imagine que quoi que je mettedessus je n'arriverais pas à suivre, que les enchères vont s'envoler. Le lendemain j'apprends qu'il yavait tellement peu de demandes que les numéros ont été bradés à 100 euros le pack de deux.Damned ! » (Source : communication personnelle)
Questions
1) On dit parfois qu’un objet est cher parcequ’il est cher. Est-ce tout à fait le cas ici ?
Comment peut-on expliquer le faible prix du lot des aventures de Superman ?
DE LA CONCURRENCE AU MONOPOLELes économies développées sont donc avant tout des économies de marché c'est-à-dire des
systèmes où tout un chacun est libre d’entreprendre, de commercer et d’acheter sans, normalement,
être contraint. Il y a donc nombre d’acheteurs, qui constituent la Demande, les consommateurs, les
entreprises qui investissent, l’Etat qui entament des travaux et les pays étrangers auxquels on exporte
des biens et services. Et il y a des offreurs, pour l’essentiel des entreprises privées ou publiques. Mais
on ne retient ici que ce qui peut se vendre sur un marché donc seulement les biens et services
marchands ; on ne tient pas compte ici de l’offre de services publics qui est le fait de l’Education
Nationale ou de l’hôpital public.
Dans ce cadre, la liberté est première pour les millions d’offreurs et de demandeurs qui
interagissent mais cela suppose que cette multiplicité d’actions donne des résultats collectivement
bénéfiques (et pas seulement bénéfiques à quelques uns). En effet, si les mécanismes de marchés
donnent des résultats négatifs, il sera probablement nécessaire de les limiter ou les contraindre par des
règles et des lois donc essentiellement par une intrusion de l’Etat dans ces mécanismes. Mais la réalité
n’étant jamais simple, on ne peut pas conclure par « l’Etat ne doit jamais intervenir » ou « l’Etat doit
toujours intervenir ». Il faut donc analyser diverses possibilités.
Nous allons donc voir trois possibilités à l’aide de trois modèles. Ces trois possibilités vont
dépendre du nombre d’offreurs en jeu.
Offreurs Un seul offreur Quelques offreurs
Un très grand nombre
d’offreurs incapables
de s’entendre
Une infinité de
demandeurs
MONOPOLE OLIGOPOLE CONCURRECE
PARFAITE
Questions :
2) En vous aidant du texte ci-dessus, comment définiriez vous un marché ?
3) Pourquoi dit-on que nous vivons dans une « économie de marché » ?
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I) LE MARCHE DE CONCURRENCE (PURE ET) PARFAITE
A) Représentation de l’équilibre
Ce marché correspond au cas idéal où aucune intervention n’est nécessaire. C’est l’aboutissement de
ce que nous avons présenté dans un chapitre précédent : il y a une multitude de petites entreprises
menées par des producteurs rationnels proposant des biens homogènes à des consommateurs rationnels
qui font jouer la concurrence en comparant les rapports « qualité-prix »
Prenons pour exemple le marché des bicyclettes : toutes les entreprises proposent des bicyclettes
exactement semblables. On suppose qu’il est possible d’interroger l’ensemble des producteurs et
l’ensemble des consommateurs (c’est un exercice que vous avez déjà probablement fait en classe de
seconde).
Cela donne les résultats suivants :
PRIX (En Euros) OFFRE DEMANDE
650 1200 200
600 1000 400
550 800 600
500 600 800
450 400 1000
400 200 1200
350 100 1400
Questions :
4) Représentez les courbes d’offre et de demande sur un graphique (quantités offertes
et demandées en abscisses, prix en ordonnées)
5) Que représente l’intersection entre les deux courbes ?
A la suite du déconfinement, les consommateurs se jettent sur les bicyclettes et sont donc plus
nombreux à acheter des vélos pour un même prix. Les nouvelles données sont dans le tableau suivant
PRIX (En Euros) OFFRE DEMANDE
650 1200 400
600 1000 600
550 800 800
500 600 1000
450 400 1200
400 200 1400
350 100 1600
6) Tracez la nouvelle courbe de demande. Que représente le nouveau point
d’intersection de l’Offre et de la Demande ?
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B) Insertion de l’innovation
Imaginons qu’un entrepreneur propose un tout nouveau type de vélo électrique plus performant que les
précédents. Que se passera-t-il ?
Dans un premier temps, on peut supposer que ce nouveau type de vélo sera plus coûteux que les
autres. Il est donc possible que seuls ceux qui ont un besoin essentiel de ce type de vélos l’achètent ou
alors ceux qui ont des revenus suffisamment élevés pour le faire. Mais à mesure que la production
augmente (et que le coût moyen baisse) ce vélo électrique sera de plus en plus accessible. Une
nouvelle clientèle va se présenter.
C’est ce qu’on a observé de manière très nette durant les trente glorieuses pour des produits comme la
télévision et quand un produit ancien remplace un nouveau : par exemple quand les téléviseurs à écran
plat ont commencé à remplacer les téléviseurs à tubes.
Document 2
Comment va se faire le remplacement d’un produit ancien par un nouveau ? Les vélos anciens se
vendent 550 euros et les vélos électriques 800 euros mais la demande commence à baisser pour les
vélos anciens et à augmenter pour les vélos électriques et les sources de profit seront dans le nouveau
produit. Les producteurs vont donc peu à peu laisser le produit ancien pour se tourner vers le produit
nouveau et ainsi les innovations vont se diffuser presque « naturellement ». Mais cela n’empêche pas
des « retours en arrière » comme, par exemple, le renouveau des disques vinyles ces dernières années.
II) LE MONOPOLE
Les très beaux résultats du modèle précédent supposaient qu’il ya un très grand nombre d’entreprises
qui se font concurrence mais ce n’est pas toujours le cas, ça l’est même assez rarement.
Prenons un cas opposé où il y a une seule entreprise, ce qu’on appelle un monopole.
A) DEFINITION
On parle de monopole quand une seule entreprise fournit un bien et ne connait donc pas de
concurrence. En réalité il s’agit d’une situation « idéalisée » car il y a presque toujours une
concurrence possible avec d’autres produits. Ainsi si une entreprise est la seule à faire du transport (de
personnes ou de marchandises) ferroviaire, elle n’a pas pour autant le monopole du transport et sera
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concurrencée par les entreprises qui s’occupent de transport fluvial, aérien ou par car et même, d’une
certaine manière, elle subira la concurrence de l’usage possible de l’automobile.
B) EQUILIBRE DE MONOPOLE
Intuitivement, on se doute qu’une situation de monopole sera profitable à l’entreprise en
monopole mais pas aux consommateurs. En effet, même s’il estime que le prix de vente du produit est
trop élevé, le consommateur ne pourra pas faire jouer la concurrence. Tout au plus, pourra-t-il
s’abstenir d’acheter le produit en question, encore faut-il qu’il ne soit pas indispensable. On se doute
donc que l’entreprise en situation de monopole fixera un prix plus élevé que sur un marché
concurrentiel (on dit que l’entreprise est « price-maker »).
L’entreprise en situation de monopole offre donc une plus petite quantité à un prix plus élevé que des
entreprises en situation de concurrence. Pour ces raisons, les économistes néo-classiques considèrent
en général que le monopole est moins efficace qu’une situation de concurrence.
Que faire alors ?
+ Certains économistes, peu nombreux, proposent de ne rien faire, considérant que les mécanismes de
marché rééquilibreront la situation. En effet, d’après eux, l’entreprise en situation de monopole fera
d’énormes profits ce qui attirera immanquablement des concurrents. C’est ce qu’on appelle la
« théorie des marchés contestables ». Cependant, il faut pour cela qu’il n’y ait pas d’obstacles à
l’entrée sur le marché comme par exemple des couts fixes trop importants. On peut expliquer ainsi que
Disney ait conservé une situation de quasi monopole sur le long métrage d’animation pendant presque
40 ans : les coûts fixes à mettre en place sont si levé qu’il n’est pratiquement pas possible de le
concurrencer.
+ Une autre solution est de démanteler l’entreprise en plusieurs entités pour la rendre moins grosse
Ainsi, dans les années 1990, Microsoft équipait près de 90% des ordinateurs domestiques dans le
monde et occupait donc une position de quasi monopole qui lui permettait d’imposer son navigateur
Explorer au détriment des concurrents. En 2000, la justice américaine ordonne le démantèlement de
microsoft informatique en deux sociétés distinctes, l’une centrée sur les systèmes d’exploitation
Windows, l’autre sur les logiciels d’application, sans possibilité de collaboration entre les deux
sociétés. Finalement, cette demande n’aboutira pas mais cela illustre bien le fait que, dans certains cas,
les pouvoirs publics peuvent agir sur les entreprises pour restaurer les bonnes conditions de
concurrence.
+ Enfin, on peut envisager une nationalisation, c'est-à-dire que l’entreprise soit possédée par l’Etat
avec l’idée que, comme l’Etat n’a pas pour objectif de faire des profits, il pourra fournir le produit à un
prix qui serait celui qui résulterait normalement d’une situation de concurrence. Ce dernier point
suggère qu’il ya des cas où le monopole est nécessaire et efficace.
Questions :
7) Quels sont les inconvénients ou les dangers du monopole pour le bon fonctionnement
de l’économie ?
8) Que peut-on faire pour combattre les effets néfastes d’un monopole ?
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C) NECESSITE DE CERTAINS MONOPOLES.
Il existe plusieurs cas qui justifient la mise en place d’un monopole.
MONOPOLE INSTITUTIONNEL Monopole accordé par une loi ou une
règlementation
MONOPOLE D’INNOVATION L’innovation confère une avance ou est protégée
par un droit de propriété
MONOPOLE NATUREL L’importance des couts fixes constitue une
barrière à l’entrée
Monopole institutionnel : pour des raisons ne relavant pas de la logique économique, on estime qu’il
est important que la production soit contrôlée par l’Etat.
Monopole d’innovation : comme l’inventeur d’un nouveau produit, d’un nouveau procédé ou le
créateur d’une œuvre de l’esprit (chanson, personnage de roman,…) a dépensé du temps et de l’argent
pour aboutir à un résultat, il est normal qu’il dispose d’un monopole limité dans le temps afin de
rentabiliser son travail. De plus, s’il n’y avait pas cette protection, l’innovateur serait immédiatement
concurrencé par des « imitateurs » qui n’auraient pas eu à assumer des frais de recherche. Le danger
est alors que personne ne cherche à innover et préfère attendre que des nouveautés apparaissent afin de
pourvoir les imiter à moindre coût.
Enfin le monopole naturel est celui qui résulte du fait que, comme il y a des couts fixes importants, il
est rationnellement plus efficace qu’il n’y ait qu’une seule entreprise et non plusieurs entreprises en
concurrence.
EXERCICETrois cas sont présentés ci-dessus. Lequel correspond à un « monopole naturel » ? un
« monopole d’innovation » ? Un monopole « institutionnel » ? Justifiez votre réponse
A) PREMIER CAS
Document n°3 :
Samedi 30 Octobre, désirant me rendre dans une ville de l’ouest de la France, je pris le train à
Tours et me voila coincé à Saumur : des travaux effectués sur la voie qui devaient être terminés
vers 6 heures du matin sont toujours en cours. Pas moyen d’aller plus loin et impossible de
rebrousser chemin. Me voila coincé dans la salle d’attente de la gare de Saumur pour la journée.
Une dame s’assied à côté de moi et maugrée : « C’est à cause du monopole! Je ne comprends
pas qu’il n’y ait pas de concurrence ! S’il y avait de la concurrence on prendrait un autre train
et on repartirait ». Elle était tellement dépitée que je n’ai pas osé lui dire que ses propos étaient
absurdes, même franchement irréfléchis (indépendamment de toute considération idéologique ou
politique).
Document n°4: L’Electricité entre monopole et compétition
Les entreprises d’électricité, comme bien d’autres services publics marchands, sont confrontées
depuis une dizaine d’années à un puissant courant réformateur. Il s’agit d’introduire les saines
disciplines de la concurrence dans des secteurs d’activité où régnaient traditionnellement des
monopoles plus ou moins régulés. C’est vrai, la concurrence a bien des mérites. Que ce soit pour
gagner de l’argent, ou simplement pour survivre, une entreprise en compétition est poussée à
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donner le meilleur d’elle même : productivité, créativité, dévouement au client, tout le personnel
se mobilise pour faire réussir l’entreprise, et celle-ci, alors, trouve aisément des capitaux. Face à
cette vision un peu idéalisée de l’entreprise concurrentielle, les monopoles publics et, pis encore,
les services de l’Etat ont généralement une image moins flatteuse : investissements inconsidérés
ou insuffisants, gaspillage des moyens, faible motivation du personnel, attitude arrogante ou
indifférente à l’égard du client…(…) D’où suit que partout où l’on peut sans dommage faire
jouer la concurrence, il faut en profiter. On cassera donc les monopoles, et on transférera au
secteur privé les activités qui n’ont aucune raison de rester publiques.
Telle est bien l’idéologie qui a présidé depuis une dizaine d’années à la réforme des services
publics. Il semble, toutefois, qu’on ait souvent omis de s’assurer, cas par cas, que le transfert à la
concurrence pourrait effectivement se faire « sans dommage ». Et c’est là que réside le problème,
notamment dans le secteur de l’électricité qui nous occupe ici. (...) Premier point, la gestion des
réseaux électriques relève de la catégorie des monopoles naturels : lorsqu’il s’agit de distribuer
deux fois plus de kwh sur cent km2, cela coûte deux fois plus cher si l’on s’y met à deux en
doublant le réseau ; mais si l’on reste seul, quelques maillages opérés entre les lignes existantes
permettent de doubler la capacité des ouvrages en augmentant seulement les dépenses de moitié.
L’avantage d’être seul est donc considérable. Pas question, là, de concurrence. (…) le cas de
l’électricité est un cas tout à fait singulier. Il s’agit d’un bien rigoureusement non stockable, de
qualité rigide, avec une élasticité au prix quasiment nulle à court terme, (...) De plus, les
investissements y sont généralement très lourds, les durées d’amortissement très longues et, pour
faire face le cas échéant à de fortes pointes aléatoires, il y faut disposer de quelques centrales de
production, heureusement plus légères, qui ne fonctionneront qu’une ou deux fois tous les vingt
ans. Il s’agit donc là d’une situation très spécifique. (...) L’électricité n’étant pas stockable, son
prix varie constamment selon les heures et les saisons. Les Bourses européennes de l’électricité
le confirment. (…). En fait, l’électricité n’étant pas stockable, la volatilité des prix en Bourse est
considérable. (...) L’heure est maintenant au réalisme. La concurrence ? D’accord, mais pas plus
loin que là où, quoi qu’on fasse, elle finira par coûter plus cher qu’elle ne rapporte.
(* Paradigme : traduire ici par « principe »)
(Discours de monsieur Marcel Boiteux- Séminaire international de Rio - Juin 2004)
B) DEUXIEME CAS
Document n°5 :
Les premières cigarettes françaises furent fabriquées en 1845 dans la manufacture de Tabac du
Gros-Caillou, située à l'angle du quai d'Orsay et de la rue Surcouf, à Paris. C'est ici que
s'implante en 1926 le SEITA (Service d'Exploitation Industrielle des Tabacs et des Allumettes),
créé par Poincaré et destiné à remplir la Caisse Autonome d'Amortissement de la Dette publique.
Pour se faire, la gestion du monopole des tabacs (1926) puis celle du monopole des allumettes
(1935) lui sont successivement attribuées.
Responsable de la distribution des célèbres cigarettes « Gitanes » et « Gauloises », le SEITA est
transformé en 1959 un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) avant de
perdre le monopole de la culture du tabac en 1970 avec l'abolition des barrières douanières au
sein du Marché Commun. En 1976, c'est le monopole d'importation et de commercialisation en
gros des tabacs manufacturés en provenance des Etats membres de la CEE qui à son tour est
supprimé. Les fabricants étrangers confient dorénavant la distribution de leur marque au SEITA
dans le cadre de contrats.
Enfin, en 1980, le SEITA devient une société nationale (la SEITA) dont l'actionnaire unique est
l'Etat avant d'être finalement privatisé en 1995. Fin 2000, la fusion entre la SEITA et l'espagnol
Tabacalera donne naissance au Groupe Altadis, leader européen sur le marché des cigarettes et
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leader mondial du cigare.
(Répertoire de fonds pour l'histoire et la philosophie des sciences et des techniques - https://rhpst.huma-num.fr/items/show/704)NB : le groupe Altadis est devenu une filiale d'Imperial Tobacco en 2008, devenu depuis Imperial Brands,
un des 5 grands groupes de tabac internationaux et le principal fabricant de tabac au Royaume-Uni.
Document n° 6 :
Le débit de tabac est un monopole d'État, qui en confie la gestion par un contrat de gérance à un
débitant chargé de la vente au détail, dans un débit de tabac ordinaire, permanent, saisonnier ou
spécial. Deux moyens permettent de devenir débitant : remporter un appel à candidatures, suite à
une décision d'implantation, ou être présenté comme successeur d'un gérant de débit de tabac qui
cesse son activité en achetant le fonds de commerce associé au débit de tabac.(…)L'installation
d'un débit de tabacs ordinaire est interdite dans certaines zones protégées : hôpital, école,
établissement de loisirs de la jeunesse, lieu de culte, cimetière, établissement pénitentiaire,
caserne, stade, piscine, terrains de sport, notamment.
Un arrêté du préfet fixe les distances minimales auxquelles les débits de tabac nepeuvent être établis autour de ces établissements.Cette interdiction concerne les implantations à venir et les demandes de déplacement dedébits, et non pas les buralistes déjà installés.https://www.service-public.fr/professionnels-entreprises/vosdroits/F23602
C) TROISIEME CAS
Document n°7 :
La propriété intellectuelle regroupe la propriété industrielle et la propriété littéraire et artistique.
La propriété industrielle a plus spécifiquement pour objet la protection et la valorisation des
inventions, des innovations et des créations.
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Document n° 8:L’innovation est au cœur de notre quotidien et du développement économique. Les objets quenous utilisons, les produits que nous consommons chaque jour sont des créations issues detravaux publics ou privés, qui, grâce au brevet, peuvent être préservées et rentabilisées pourpermettre à d’autres avancées de voir le jour.La réussite et la pérennité de votre entreprise dépendent donc en grande partie de votre capacité àimaginer de nouveaux produits. C’est pourquoi, quelle que soit la nature de votre création, celle-ci mérite d’être protégée.Vous rentabilisez ainsi une partie de vos recherches et vous vous assurez un avantage compétitifstratégique, dans un environnement de plus en plus concurrentiel et mondialisé. Le brevetrenforce la valeur de votre entreprise : plus qu’un indicateur de performance, il constitue unélément de son actif immatériel, qui peut être valorisé et transmis.En déposant votre brevet à l’INPI, vous obtenez, en France, un monopole d’exploitation pourune durée maximale de 20 ans en contrepartie du paiement d'annuités. Un brevet confère un droitd'interdire toute utilisation, fabrication, importation, etc., de votre invention effectuée sans votreautorisation. Vous pouvez poursuivre les contrefacteurs devant les tribunaux. Mais le brevet serévèle aussi un moyen efficace de dissuasion : son existence suffit dans bien des cas à éviter lesprocédures judiciaires...(…)L’invention doit être nouvelle, c’est-à-dire qu’elle ne doit pas porter sur une innovation qui
a déjà été rendue accessible au public, quels qu’en soient l’auteur, la date, le lieu, le moyen et laforme de cette présentation au public.Vérifier la nouveauté d’une invention avant son dépôt ne constitue pas une obligation légale.Mais ne pas le faire est risqué stratégiquement et financièrement. Pour effectuer cettevérification, des outils existent et différentes stratégies de recherche peuvent être mises en œuvreselon le domaine technique, l’urgence ou le contexte concurrentiel. En effectuant cettevérification, vous vous assurez par la même occasion que vous n’êtes pas en train de réaliser unacte de contrefaçon. (…)Par conséquent, jusqu’au dépôt, vous devez garder un secret absolu sur votre invention. Dans lecadre de négociations commerciales avant le dépôt, vous devrez ainsi vous protéger contre lerisque que votre partenaire divulgue votre l’invention. Pour cela, vous devrez impérativementlui faire signer un accord de confidentialité, Le code de la propriété intellectuelle interdit debreveter les variétés végétales, les races animales, ainsi que les procédés essentiellementbiologiques d'obtention de végétaux ou d'animaux. Sous ces termes, il faut comprendre lesprocédés qui ne visent pas à obtenir des OGM grâce au génie génétique, mais consistent à croiserpar voie sexuée des plantes ou des animaux existants et à en sélectionner la descendance.https://www.inpi.fr/fr/comprendre-la-propriete-intellectuelle/le-brevet
Document n° 9 :
Le véritable inventeur du téléphone n'est pas Alexander Graham Bell mais plutôt Antonio
Meucci, un ingénieur italien peu fortuné ayant émigré à Cuba avant de rejoindre les États-Unis,
où il s'est éteint en 1889.
En décembre 1871, Antonio Meucci dépose une demande provisoire et payante de brevet pour
l'ensemble de ses innovations. Toutefois, faute de moyens financiers suffisants pour la prolonger,
il la laisse expirer en 1874. Or, deux ans plus tard, en 1876, l'Américain Alexander Graham Bell
dépose à son tour deux brevets pour l'invention du téléphone, qu'il aurait conçu en terre
canadienne.
Poussé par la Globe Telephone Company et la National Telephone Company, qui réclament
l'abolition du monopole de la compagnie Bell, le gouvernement des États-Unis intente dès 1885
un procès contre la Bell Telephone Company et Alexander Graham Bell dans le but d'annuler les
brevets accordés à ces derniers en raison du fait qu'ils violaient les travaux réalisés
antérieurement par Antonio Meucci.
Défendue par des avocats rusés, la compagnie Bell tente par tous les moyens de bloquer le
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déroulement de ce procès. Quatre mois plus tard, elle intente à son tour un procès contre la Globe
Telephone Company, qui avait acquis en 1883 les droits de Meucci sur le téléphone.
Pour rendre à César ce qui appartient à César, la Chambre des représentants des États-Unis a
adopté une résolution, en juin 2002, qui reconnaît officiellement la contribution déterminante
d'Antonio Meucci à l'invention du téléphone. Justice a enfin été rendue. (Voir Le Devoir du 19
avril 2003.)(Pauline Gravel : « Les découvreurs oubliés » - 26 avril 2008
https://www.ledevoir.com/societe/science/186979/les-decouvreurs-oublies )
III) L’OLIGOPOLE, LE DUOPOLE
Le cas le plus courant n’est ni la concurrence pure ni le monopole mais l’oligopole c’est à dire la
situation où il y a un nombre restreint d’entreprises ce qui peut entrainer soit de la concurrence soit des
ententes (interdites mais qui existent).
Cependant, la tendance la plus fréquente va être l’entente, ce qui est assez simple à comprendre. Si,
parmi toutes les entreprises en oligopole, l’une d’entre elles décide de baisser ses prix pour prendre la
clientèle des autres, elle va augmenter ses bénéfices et ses concurrentes vont voir leurs bénéfices
baisser. On peut donc imaginer que les concurrentes vont répondre en baissant elles mêmes leurs prix
afin de récupérer leur clientèle. Mais du coup, les entreprises ne vendent globalement pas plus de
produits mais les vendent à des prix moins élevées. Toutes les entreprises vont donc voir leurs
bénéfices baisser. Elles peuvent donc être fortement tentées de s’entendre entre elles, ce qui est une
pratique interdite (puisque ça lèserait le consommateur). Mais il faut pour cela qu’elles ne soient pas
trop nombreuses.
ENCADRÉ : MODELISATION DU DUOPOLE ET DE L’ENTENTE
Encore une fois, la situation est assez simple à comprendre mais certains économistes adorent
modéliser.
On peut étudier le cas le plus simple, celui du duopole, c’est à dire la présence de deux entreprises
produisant le même bien. L’exemple le plus couramment présenté est celui de Boeing et Airbus, les
deux plus gros producteurs sur le secteur des gros porteurs. On peut montrer ce qu’il eus se passer à
l’aide d’une représentation appelée « théorie des jeux ».
Boeing B 787 Airbus A 380
Supposons (les chiffres sont fictifs) que Boeing et Airbus proposent le même type d’avion (donc tout
ce qui les différencie c’est le prix). Chacun hésite donc entre baisser ses prix pour prendre des clients
au concurrent ou maintenir ses prix pour faire un plus grand bénéfice par avion vendu
11
REPRESENTATION MODELISÉE
Boeing
Airbus
Maintient ses prix Baisse ses prix
Maintient ses prix 40
4 40
50-20
Baisse ses prix -20
50
-10
-10
A l’état initial chaque producteur gagne 40 et on en reste là s’ils ne baissent pas leurs prix. Supposons
maintenant qu’Airbus décide de baisser ses prix mais que Boeing refuse de le faire. On est alors dans
le cadran en haut à droite : on voit qu’Airbus a récupéré suffisamment de clients de Boeing pour qu’il
gagne 50 et que Boeing perde 20. Si c’est Boeing qui décide de baisser ses prix, alors Airbus perd 20
et Boeing gagne 50. On voit ici que chaque entreprise hésitera à maintenir ses prix car elle craint de
perdre beaucoup donc les deux entreprises baissent leurs prix. Mais du coup elles ne gagneront pas de
clientèle sur le concurrent (il faut supposer que la clientèle est fixe et qu’il n’y en a pas de nouvelle) ;
tout ce que les deux entreprises feront c’est vendre la même quantité moins cher donc elles perdent
toutes les deux 10. Alors que si aucune n’avait baissé ses prix, elles auraient gagné 40. Mais pour ne
pas baisser ses prix, il faut pouvoir s’entendre.
Questions
9) En cas de duopole : que se passe-t-il pour les deux entreprises si elles n’arrivent pas à
s’entendre ?
10) Que se passe-t-il si elles arrivent à s’entendre ?
Mais ces démonstrations concernent des biens qui sont plus ou moins homogènes et interchangeables.
Sur les marchés modernes où les biens sont très spécifiques on peut avoir des cas de duopole. Un des
plus intéressants est celui de la concurrence entre Marvel et DC sur le marché des comics de super-
héros, deux entreprises qui écrasent la concurrence sur le marché américain et sur le marché mondial.
A eux deux, ils représentent plus de 70% du marché américains des comics (qu’on le compte en
chiffre d’affaires ou en nombre d’exemplaires venus). Près d’une quarantaine de petits éditeurs se
partagent les 30% restants (Dark Horse, par exemple, en troisième position, n’a que 5 à 6% du
marché.). Autant dire qu’ils font, économiquement, de la figuration. Mais la concurrence ne se fait que
très partiellement sur les prix car ce qui attire le lecteur c’est les histoires et les héros donc des aspects
qualitatifs. Les super-héros de Marvel, créés pour l’essentiel au début des années 1960, sont plus
humains, plus tourmentés et plus proches du lecteur que les personnages « magnifiques » de DC qui
datent des années 1940 pour les plus célèbres (Superman, Batman , Wonder woman) et la concurrence
est extrêmement dure comme on peut le lire par exemple dans le livre « Superwar » de Reed Tucker.
Document 10 : SUPER-WAR
C'est LA guerre de 50 ans. Le conflit secret qui a façonné la culture mainstream d'aujourd'hui. (…)
l'histoire des deux éditeurs va se conjuguer dans une lutte sans merci. Lequel sera le plus populaire ?
Le plus innovant ? Le plus subversif ? De la naissance des comic shops à la conquête d'Hollywood,
cette guerre va grandement participer à l'affirmation du mainstream, cette culture pour tous qui séduit
la planète....
12
cet ouvrage décrit aussi pour la première fois tous les soubresauts économiques et financiers nés de
cette rivalité qui divise toujours l'Amérique et les fans du monde entier (Extrait de la quatrième de
couverture)
Ce qui est intéressant c’est que cette concurrence s’insère dans une autre concurrence entre Warner,
propriétaire de DC, et Disney, propriétaire de Marvel depuis 2009, et cette concurrence se fait dans les
domaines du cinéma en prises de vue réelles, du cinéma d’animation et des jeux vidéos. Une
concurrence multi-faces donc !
Le cas du marché du dessin animé d’animation long métrage est également particulièrement
intéressant car, comme on l’a vu, Disney a longtemps été en situation de monopole jusqu’à ce que des
concurrents apparaissent dans les années 1980 avec Dreamworks, Pixar, Fox, Warner, (et
partiellement le japonais Ghibli) mais depuis Disney a racheté Pixar et Fox !
IV) LES POLITIQUES DE CONCURRENCE
Le marché de concurrence pure et parfaite n’est qu’un modèle. Il n’existe pas ! Mais il n’est pas
forcément inutile car il indique un idéal, sinon à atteindre, mais dont on peut se rapprocher. Il faut
notamment faire en sorte qu’aune entreprise ne puisse s’imposer sur le marché en nuisant aux
consommateurs.
Pour cela, la commission de concurrence européenne va :
+ Lutter contre les ententes entre entreprises.
En 2015, les quatre grandes entreprises dans la production de produits laitiers Yoplait, Novandie,
Lactalis et Senagral (surnommées le « cartel du yaourt ») ont été condamnées à de fortes amendes
parcequ’elles s’entendaient sur les hausses de prix à pratiquer.
13
+ Lutter contre les abus de position dominante (à l’exemple du cas Microsoft évoqué plus haut) ou
encore Coca Cola condamné dans les années 1990 pour ses pratiques de remises gratuites et de mise à
disposition gratuites d’appareil de soutirage à des collectivités.
+ Contrôler les opérations de fusion entre entreprises de façons à vérifier que ça ne donne pas une
position dominante. En 1997, Coca-Cola souhaite racheter la marque Orangina à son propriétaire
Pernod-Ricard. L’opération permettait à Orangina de se développer à l’international mais cela risque
de renforcer le poids déjà dominant de Coca sur le marché des sodas en France : en effet, cela
permettrait à Coca de passer à 67% du marché contre 7% à son concurrent Pepsi. Ce rachat sera
finalement rejeté en 1999 à la suite d’une appréciation du Conseil de la concurrence.
+ On va également contrôler les aides que les Etats font aux entreprises nationales (du pays) de façon à
être sûr qu’il ne s’agit pas d’une aide qui pourrait fausser le jeu de la concurrence.
+ A l’inverse, les Etats européens essaient d’ouvrir certains marchés à la concurrence comme le
marché de l’électricité, du gaz, des services postaux, … (reste à voir si l’ouverture de ces marchés est
toujours une bonne idée)
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ANNEXES : DOCUMENTS
Document n° 11 : Airbus et Boeing – Un duopole menacé ?Dans le business des avions civils, Airbus et Boeing restent à 50% de part de marché chacun,rappelle Stéphane Albernhe, consultant au cabinet Archery. Bien sûr, l’un peut faire mieux quel’autre sur une année, mais sur le temps long, l’écart se rééquilibre toujours.» La raison ? Ni les250 compagnies aériennes clientes, ni les centaines de sous-traitants de nos deux mastodontes(qui fabriquent encore plus de 60% des avions) n’ont intérêt à ce que l’un prenne l’avantagetrop durablement sur l’autre. Boeing vs Airbus : le duel Boeing : champion des gros porteurs. 53 milliards d'euros de chiffre d'affaires (en 2018,
dans les avions commerciaux). Grâce à sa gamme de B777 (plus de 2.000commandes à cejour, un record) et de B787, l’américain devance les A350 et A330. Et se trouve confortépar l’arrêt de l’A380.
Airbus : dominant sur le moyen-courrier. 48 milliards d'euros de chiffre d'affaires (en2018, dans les avions commerciaux).Best-seller de l’européen, l’A320neo vise 70livraisons par mois ! Le B737 Max, qui semblait en passe de le rattraper avec5.000commandes, va-t-il être freiné dans son élan ?
Jamais, dans l’histoire récente, un duel industriel n’avait été aussi démesuré (voir l'interview denotre journaliste ci-dessus). Avec seulement deux acteurs. Pratiquement au même niveautechnique. L’un européen, l’autre américain. L’un salarie 140.000 personnes (Boeing), l’autre130.000 (Airbus). L’un récolte 53 milliards d’euros de chiffre d’affaires dans les avionscommerciaux (Boeing), l’autre en engrange 48 (Airbus). Vingt-quatre heures sur vingt-quatreleurs ingénieurs se comparent et leurs commerciaux rivalisent d’imagination pour emporter lescontrats. A eux deux, ils se partagent un fabuleux gâteau qui ne cesse de grossir. Songez que,d’ici vingt ans, les compagnies aériennes auront besoin de 43.730 avions neufs, selon lesestimations de Boeing, soit le double de la flotte actuelle. Un marché de… 6.300 milliards dedollars.(…) Ces temps-ci, on l’a dit, Airbus n’est pas dans une forme olympique. Il a enregistré747 commandes fermes en 2018, contre 893 pour Boeing. Et il a livré 800 avions contre 806pour son rival. Enfin, début mars, son action s’échangeait autour de 110 euros en Bourse,quand son rival faisait plus de trois fois mieux. «Ce différentiel de valorisation s’explique enpartie par les contrats de Boeing avec la NASA et l’US Air Force, qui lui permettent dedégager beaucoup de cash», nuance Yan Derocles. De fait, alors que Boeing voit sesprogrammes militaires financés à 100% par les Etats-Unis, même quand ils sont déficitaires,Airbus a déjà dû passer près de 4 milliards de provisions sur le seul programme A400M. (…)Nos géants seront-ils toujours deux à danser le tango ? Une chose est sûre : ils n’ont fait qu’unebouchée des concurrents potentiels. Airbus a racheté, en juillet 2018, le programme C-Series ducanadien Bombardier pour un dollar symbolique. Et Boeing a répliqué quelques mois plus tarden s’offrant l’avionneur brésilien Embraer pour 3,8 milliards de dollars. «La réponse du bergerà la bergère», observe le consultant Stéphane Albernhe. Résultat, ils sont toujours deux. (…)
Le C919 du chinois Comac a-t-il une chance de contester leur duopole ?Airbus et Boeing ont les yeux rivés sur la Chine. D’abord parce que ses compagnies leurassurent une bonne partie des commandes d’avions. Mais aussi parce que l’entreprise publiqueComac est bien décidée à les concurrencer avec son C919, une version à la sauce cantonaisedes A320 et B737, qu’elle développe depuis près de dix ans. Le duopole a-t-il des raisons des’inquiéter ? Oui, estime l’analyste Yan Derocles, pour qui Comac pourrait s’adjuger 30% desventes d’avions monocouloirs d’ici vingt ans. «Leur C919 est certes inférieur techniquement,reconnaît-il. Mais il sera vendu moins cher, et Pékin obligera les nombreuses compagnieslocales à en acheter : à preuve, sur les 305 commandes fermes à ce jour, seules 10 neproviennent pas de compagnies chinoises.» Le directeur général du motoriste Safran, PhilippePetitcolin, a un avis plus nuancé sur la question. «Comac prévoyait de livrer son premier avionde série en 2016, rappelle-t-il. Or seuls trois appareils d’essai ont déjà volé, quand il en faut six
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pour obtenir une certification internationale.» Dans ses cartons, l’avionneur chinois a aussi unprojet de long-courrier avec un fuselage en carbone, qu’il développe avec une filiale du russeSoukhoï et qu’il espère lancer en 2025. Le rendez-vous est pris.(Francois Miguet Airbus-Boeing : le plus grand duel industriel de tous les temps » - Revue Capital -
30/05/2019 ) https://www.capital.fr/entreprises-marches/airbus-boeing-le-plus-grand-duel-industriel-de-
tous-les-temps-1340078
Document 12 : Marvel - DC Comics: le choc des super-hérosPar Jean-Jacques Manceau - 06/10/2011
Depuis leur création, la rivalité n'a jamais cessé entre les deux éditeurs américains. Aujourd'huiadossés à Disney et à Time Warner, leur combat a désormais gagné le grand écran.1 - Les forces en présenceLa concurrence entre les deux éditeurs historiques de superhéros remonte aux années 30. DCComics (abréviation de Detective Comics) crée Superman en 1938 et Batman en 1939. La mêmeannée, Marvel conçoit la Torche humaine et, en 1941, donne naissance à Captain America, quidevient vite un personnage de propagande de l'armée américaine. Leur rivalité, depuis, n'a jamaiscessé. Sur papier, d'abord. En 1960, DC Comics prend une longueur d'avance en réunissant sespersonnages dans la Ligue de justice d'Amérique. Marvel réplique avec le groupe des Vengeurs(The Avengers).Derrière cet affrontement homérique se cache une lutte sans merci entre deux empires de médiasaméricains : Walt Disney, qui a mis la main sur 5 000 comics de Marvel pour près de 3,2milliards d'euros en 2009, et le Groupe Time Warner, propriétaire des milliers de superhéros deDC Comics. Ils poursuivent la même croisade : transformer en jackpot chacun de leurspersonnages.
Walt Disney-Marvel Time Warner-DC Comics
Chiffre d'affaires 2010: 40,2 milliards dedollarsRésultat net: 9,5 milliards de dollarsCatalogue: 5 000 superhérosProchaines adaptations: Spider-Man, LesVengeurs, Wolverine, Iron Man, L'Hommefourmi, X-Men, Deadpool, Daredevil,Magneto, Luke Cage, The Runaways, JessicaJones, Nick Fury, La Veuve noire, Venom, LeSurfeur d'argent
Chiffre d'affaires 2010: 28 milliards dedollarsRésultat net: 6,5 milliards de dollarsCatalogue: 4 000 superhérosProchaines adaptations: Batman, WonderWoman (télévision), Superman, Flash, TheMighty, Lobo, La Ligue de justiced'Amérique, Hawkman, Aquaman, GreenArrow.
En fait, les deux éditeurs se différencient depuis le début sur la psychologie de leurs superhéros.Marvel, sous l'impulsion de Stan Lee, crée des héros comme Hulk, Spider-Man, Iron Man, les X-Men ou Thor, tous en proie au doute et à des conflits intérieurs. DC Comics leur préfère despersonnages invincibles et parfaits (Superman, Batman, Wonder Woman, Green Lantern...),luttant contre des forces du mal extérieures. Le match se déplace sur les grands écrans en 1978,quand DC cède les droits d'adaptation cinéma de Batman et de Superman aux studios Warner.Marvel tente d'abord l'aventure en solo en créant son propre studio en 1996. Le combat prend unedimension industrielle avec le rachat de Marvel par Walt Disney (40,2 milliards de dollars dechiffre d'affaires en 2010, en hausse de 5 %). Piqué au vif, Time Warner (28 milliards de dollarsde chiffre d'affaires en 2010, en hausse de 6 %) regroupe alors ses franchises DC Comics en2010 pour créer DC Entertainment.2 - Leurs aventures au cinémaDans la guerre que se livrent Marvel et DC Comics, 2008 est un tournant. The Dark Knight,lenouveau volet des aventures de Batman (DC Comics), devient le film de superhéros le plusprofitable de tous les temps : plus de 1 milliard de dollars de recettes dans le monde. La même
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année, Marvel fait un tabac avec Iron Man (600 millions de dollars de recettes). Depuis, lesprojets se multiplient. (...)3 - Leur poids dans l'éditionMagazines, livres, l'édition ne représente plus qu'une vingtaine de pour-cent de l'activité des deuxcompagnies. Pour autant les albums de bande dessinée gardent leurs fans. Les enchères pour unexemplaire du magazine Marvel datant de 1962, dans lequel Spider-Man apparaissait pour lapremière fois, ont atteint 1,1 million de dollars. Le record (1,5 million de dollars) est détenu parune publication de 1938 dans laquelle Superman faisait ses débuts. (...)
4 - La bataille des produits dérivésCe sera l'événement de la fin de l'année : l'époustouflante superproduction musicale Batmandevrait remplir le palais omnisports de Bercy en décembre. Une première pour un superhéros.Mais sûrement pas une dernière. Car, pour faire de leurs personnages des cash machines, Marvelet DC Comics les déclinent sous toutes les formes : textiles, jouets, séries télé ("Hulk", "LePunisher", etc.), attractions dans des parcs à thème... Même si pour l'instant Marvel travaille avecles parcs Universal, Disney veut mettre le paquet sur les produits dérivés. Surtout, avec des jeuxsur console (Batman : Arkham Asylum ; X-Men Destiny) ou en ligne. La compagnie vientd'ailleurs d'engager Bill Roper, l'un des créateurs de Blizzard Entertainment, pour développer cebusiness.Stratégie identique pour DC Comics, qui a notamment signé un partenariat avec Lego pour lancer
l'univers Batman. Les produits dérivés des BD représentent désormais 80 % du business des deux
sociétés.
Document n° 13 : Le cartel du yaourt condamnéAprès les endives, la farine, le porc, c’est au tour des produits laitiers de tomber sous lecouperet de l’Autorité de la concurrence. Et le « cartel des yaourts » n’a pas bénéficié d’unrégime de sanctions allégé. L’Autorité de la concurrence a condamné les fabricants de produitslaitiers frais sous marque distributeur (MDD) à une amende totale de 192,7 millions d’euros.(…) Ces rencontres étaient organisées dans des hôtels retenus à tour de rôle par les participants,les lieux changeant à chaque fois pour des raisons de discrétion. Mais aussi dans des cafés, àl’enseigne du Chien qui fume, par exemple, boulevard du Montparnasse. Un lieu stratégique,près de la gare où débarquent nombre d’acteurs situés dans le Grand Ouest, de la TourMontparnasse où Lactalis a ses bureaux parisiens, mais aussi proche de l’appartement parisiendu directeur général de Novandie, rue Mayet, dans le 6e arrondissement.C’est dans ce cadre plus intime, que parfois, les représentants des quatre leaders, Yoplait,Novandie, Lactalis et Senagral, se retrouvaient. Les contacts téléphoniques, se faisaient, euxavec des téléphones portables secrets, les noms des utilisateurs n’apparaissant pas sur lesfactures.Lors de ces échanges, les concurrents s’informaient des hausses de prix passées et se mettaientd’accord sur les augmentations qu’ils souhaitaient annoncer aux distributeurs et sur la manièrede les justifier. Ainsi lors de la réunion du 4 juillet 2007, le salarié de Yoplait note : (…)Lesentreprises ont aussi noué des pactes de non-agression, consistant à se répartir les volumes et àgeler leurs positions respectives, quitte à fausser les appels d’offres lancés par la grandedistribution.(…), à l’heure du verdict, l’Autorité présidée par Bruno Lasserre estime que ces « pratiquesgraves » ont perturbé le fonctionnement du marché. D’autant que les acteurs impliquésreprésentaient 90 % des produits laitiers frais MDD qui pèsent près de 40 % du marché total.(…) Le leader mondial des produits laitiers, la société mayennaise Lactalis, associée au numéroun mondial de l’agroalimentaire Nestlé, sont, du fait de leur taille, les plus touchés. Ilsdevraient verser au titre de leur société commune, 56,1 millions d’euros. Une somme à laquelleLactalis devrait ajouter 4 millions d’euros pour son activité beurre et crème. Lactalis associé aunuméro un mondial de l’agroalimentaire Nestlé devraient verser, au titre de leur sociétécommune, 56,1 millions d’euros. Une somme à laquelle Lactalis devrait ajouter 4 millions. La
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société Senagral, filiale de Senoble, est, elle condamnée à verser 46 millions. Pour la filialed’Andros, Novandie, la « douloureuse » s’élève à 38,3 millions. L’addition est lourdeégalement pour la coopérative les Maîtres Laitiers du Cotentin, puisqu’elle s’élève à22,9 millions. Mais aussi pour des PME comme Triballat, sanctionnée à hauteur de 1,4 milliond’euros. Au total, dix entreprises sont visées par ce jugement, dont Yéo Frais, Laïta, AlsaceLait et Laiterie de Saint-Malo . Un grand nom des produits frais sort indemne de cette sanctioncollective. En l’occurrence Yoplait. Non pas que cet acteur n’ait pas participé aux réunionssecrètes d’ententes sur les prix et les marchés. Bien au contraire. Mais il a décidé de ne pasfaire de fleurs à ses concurrents. C’est lui qui, en accord avec son actionnaire majoritaire,l’américain General Mills, s’est rendu dans les locaux de l’Autorité de la concurrence le12 août 2011, pour dévoiler le pot aux roses. Une procédure de délation qui lui permet debénéficier d’un régime de clémence et d’échapper à toute amende.Pour appuyer leurs déclarations, les représentants de Yoplait et de General Mills ont transmisaux sages de la rue de l’Echelle, le « carnet secret ». Un document dans lequel un salarié deYoplait, M. X, consignait précieusement les notes prises lors des réunions ou des échangestéléphoniques avec ses concurrents.(Laurence Girard Lourde amende pour le « cartel des yaourts » - Le Monde - 12 mars 2015-https://www.lemonde.fr/economie/article/2015/03/12/lourde-amende-pour-le-cartel-des-yaourts-laurence-girard-embargo-10h30_4591892_3234.html )
Document n° 14 : Microsoft en abus de position dominante ?
Tout commença avec une plainte déposée par la société Sun Microsystems en décembre 1998
auprès de la Commission européenne aux fins de voir condamner Microsoft pour abus de
position dominante. La plaignante considérait, en effet, que Microsoft ne pouvait refuser de
façon licite de lui communiquer les informations sur les interfaces avec son système
d'exploitation Windows. A défaut, il ne lui était pas possible d'établir des produits pouvant
fonctionner correctement avec Windows. En conséquence, les concurrents de Microsoft ne
disposaient pas de moyens "d'égalité" leur permettant de concurrencer cette société en situation
de position dominante sur le marché.
Le 24 mars 2004, la Commission européenne considérait que Microsoft avait violé l'article 82
du traité des Communautés européennes en réalisant un abus de position dominante. La société
était condamnée à une amende de 497 millions d'euros (somme versée par Microsoft avant la
décision du Tribunal).(Eric A. Caprioli : "L'affaire Microsoft" : concurrence versus innovation ? « Journal du Net –
https://www.journaldunet.com/ebusiness/le-net/1032800-l-affaire-microsoft-concurrence-versus-
innovation/ )
Document n° 15 : Coca épinglé
Coca-Cola va-t-il se faire épingler pour ses pratiques commerciales de rouleau compresseur ?En tout cas, le groupe américain, accusé de pratiques anticoncurrentielles sur le marchéfrançais, passera, l'automne prochain, devant le Conseil de la concurrence. Le genre d'accrocque le géant d'Atlanta, très soucieux de son image légaliste dans le monde, a proprement enhorreur.L'origine de la procédure remonte à plus de quatre ans. Début 1991, Orangina France, filiale dePernod-Ricard, porte plainte auprès du gendarme français de la concurrence. Motif: le groupeaméricain (Coca-Cola, Fanta, Sprite, Minute Maid) est en position dominante non seulementsur le marché des colas (il en détenait à l'époque presque 90 % et en garde aujourd'hui quelque75 % malgré le réveil de Pepsi), mais aussi sur celui plus vaste des soft-drinks, dont il contrôleprès de 40 %. Le second, Orangina, arrive loin derrière avec une part de marché 4 fois moindre.Selon la plainte, Coca abuse de cette position privilégiée à coups de remises gratuites et autresarguments frappants pour évincer les gammes de ses concurrents Pepsi, Schweppes ouOrangina. De fait, depuis que l'américain a, en 1989, reprit en direct sa distribution, il a lancé
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une offensive de grande ampleur dans l'Hexagone. Cela, moyennant d'énormes moyens qui luiont fait perdre 400 millions de francs par an entre 1990 et 1993. (…) Un rapporteur du Conseilde la concurrence a rendu ses conclusions et notifié, il y a trois mois, 6 griefs à Coca-Cola.Celui-ci se verrait notamment reprocher des ventes promotionnelles sur des parkingsd'hypermarché à des prix inférieurs au prix de revient.Autres griefs retenus: la mise à disposition gratuite d'appareils de soutirage auprès de certainescollectivités comme les hôpitaux, l'armée, etc. Ou encore le refus de vente au tarifpromotionnel.(…) pour brutales et agressives qu'elles soient, les méthodes de Coca-Cola ne peuvent-ellesêtre considérées comme légales sur un marché où la pression concurrentielle est extrême ?C'est vrai, répondent les experts, sauf si l'on est en position dominante. C'est autour de ce pointque s'articulera sans doute la défense du groupe d'Atlanta, qui cherchera à nier l'existence d'unmarché spécifique des colas ou même des soft-drinks pour amener le Conseil de la concurrenceà prendre en considération l'ensemble du marché des boissons faiblement ou non alcoolisées(jus de fruits, eaux minérales et bière comprises). (…)(Denis Anne : « Coca-Cola est soupçonné d'abus de position dominante en France » Les Echos - 3 juillet1995 - https://www.lesechos.fr/1995/07/coca-cola-est-soupconne-dabus-de-position-dominante-en-france-861469)
Document 16L’Autorité de la concurrence ouvre une enquête sur les alliances entre distributeursL’enquête portera sur les alliances à l’achat nouées entre Auchan, Casino, Metro et Schieverainsi qu’entre Carrefour et Système U. Elle concerne également le rapprochement récentannoncé de Carrefour et du britannique Tesco.« L’Autorité a décidé de renforcer ses investigations sur ces rapprochements à l’achat (…)
afin d’évaluer l’impact concurrentiel de ces rapprochements sur les marchés concernés, tant àl’amont pour les fournisseurs, qu’à l’aval pour les consommateurs », explique l’institutiondans un communiqué.Ces accords concernent potentiellement une part significative des produits de grandeconsommation commercialisés par les acteurs de la grande distribution à dominante alimentaire(produits alimentaires, produits d’hygiène et entretien, bazar, textile), ajoute-t-elle. Les servicesd’instruction de la concurrence seront ainsi amenés à interroger les fournisseurs concernéscomme leurs concurrents non concernés par ces accords. (…) Dans un environnement deguerre des prix toujours féroce en France, les distributeurs ont multiplié les alliances cesdernières années pour mieux négocier leurs prix d’achats, renforcer leur compétitivité etpréserver leurs marges. Casino, précédemment allié à Intermarché, s’est tourné vers Auchanpour un rapprochement mondial, tandis que Système U, ancien allié d’Auchan, s’est allié àCarrefour pour cinq ans, permettant à ce dernier de se hisser au rang de leader dans les achatsen France.Carrefour s’est également allié il y a peu à Tesco dans les achats de produits de marquespropres – hors produits frais – et dans les biens non marchands comme les équipementsdestinés aux magasins, éclairage ou gondoles de présentation des produits. Ces partenariatss’inscrivent aussi dans un contexte où la distribution alimentaire est ébranlée par les ambitionsd’Amazon, avec lequel Casino a finalement décidé de s’allier par l’entremise de sa filialeMonoprix, devenue le premier distributeur alimentaire français à vendre ses produits sur le sitedu grand groupe américain.(Le Monde avec Reuters 16 juillet 2018)
Document 17L’Autorité de la concurrence limite les coopérations entre Auchan, Casino, Metroet SchieverL’instance a autorisé la mutualisation des achats entre les groupes de distributionalimentaire à condition d’exclure certaines familles de produits sensibles vendues sousmarques de distributeurs.Les groupes de distribution alimentaire Auchan, Casino, Metro et Schiever (un important
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franchisé d’Auchan) ne devront plus acheter ensemble les lardons, poissons panés surgelés,pâtés et autres rillettes… commercialisés sous leur propre marque. L’Autorité de laconcurrence a rendu, jeudi 22 octobre, les conclusions de son enquête lancée en juillet 2018,juste après l’annonce du regroupement de leur politique d’achats.Elle les autorise à poursuivre leur accord de coopération à condition que, comme ils l’ontproposé fin juin pendant l’examen de leur dossier, ils le modifient « sur les produits à marquesde distributeurs » (MDD). Ils doivent réduire « son périmètre, en excluant plusieurs familles deproduits agricoles (lait, œufs) ou issus de secteurs connaissant des difficultés économiques(charcuterie, cidre) » et « limiter leur coopération à hauteur de 15 % du volume du marché »pour 12 familles de produits comme les pommes de terre, farines, sucres ou sirops. Vingt-septcatégories sont aussi exclues des appels d’offres communs, comme les conserves de poissons,les apéritifs et digestifs… Pour le lait et les œufs, ils seront autorisés à signer des contrats defilière tripartite associant producteurs, industriels et distributeurs jusqu’à « 5 % des ventes desproduits concernés ». (…)Pour vendre encore et toujours moins cher, les grandes surfaces alimentaires ont noué desalliances pour mutualiser leurs achats auprès des industriels de l’agroalimentaire, afin de fairebaisser les prix. Le mouvement de concentration entre leurs centrales d’achats a débutéen 2014. Mais les premières alliances ont été recomposées au premier semestre 2018. Certainss’unissant pour négocier les approvisionnements de leurs marques de distributeurs (MDD),d’autres pour discuter avec les grandes marques nationales, d’autres encore pour peser face auxgroupes internationaux. Face à une marque affichant plus de 50 milliards d’euros de chiffred’affaires, « Système U représente moins de 1 % des ventes (…), nous ne faisons pas lepoids », expliquait Dominique Schelcher, le PDG, en juillet 2019, aux députés de lacommission d’enquête sur les pratiques de la grande distribution.(…) Mais l’envergure de ces nouvelles alliances – certaines plus difficiles à contrôler par la loifrançaise car siégeant dans un pays limitrophe, sous couvert de négociations à l’international –et les craintes des fabricants avaient conduit l’Autorité de la concurrence à ouvrir, en 2018,plusieurs enquêtes pour en évaluer l’impact concurrentiel sur les fournisseurs et sur lesconsommateurs.Au cours de ses investigations sur la centrale d’Auchan et Casino, qui représente 21 % dumarché, elle avait pointé des risques principalement sur les MDD, dont « une part significativede l’offre est produite par des entreprises de taille réduite ». Elle craignait, en amont, « unrisque de fragilisation des fournisseurs » et, en aval, une moindre concurrence entre lesenseignes. (…)(Cécile Prudhomme : « L’Autorité de la concurrence limite les coopérations entre Auchan,Casino, Metro et Schiever » - Le Monde - jeudi 22 octobre 2020 )
Document 18 : L'Autorité de la concurrence sanctionne lourdement le cartel du jambonDouze entreprises devront payer 93 millions d'euros pour avoir voulu s'entendre sur les prixLaurence Girard et Cécile PrudhommeUne histoire de faux carnet, de rendez-vous secret dans un hôtel à Lyon, de trahison...L'Autorité de la concurrence a rendu ses conclusions, jeudi 16 juillet, sur l'affaireemblématique du cartel du jambon. Révélée en octobre 2018 par Le Monde, cette entente sur lemarché de la charcuterie industrielle est hors norme tant par son étendue - une entente en amontet en aval - que par le nombre de participants : douze entreprises soupçonnées d'avoir joué unrôle à des étapes différentes de la construction du prix des produits vendus dans les grandessurfaces. De l'ex-Financière Turenne Lafayette à Fleury Michon, en passant par Les Salaisonsceltiques (Intermarché) ou le groupe Nestlé...Entre janvier 2011 et avril 2013, les industriels ont tenté de s'entendre sur les prix autant àl'achat, dans leurs approvisionnements auprès des abatteurs de porcs, qu'à la vente, face auxdistributeurs pour des produits crus ou cuits de marque nationale et de distributeur (MDD). Ilsont été sanctionnés à hauteur de 93 millions d'euros par des amendes allant de 1 000 euros(Salaisons du Mâconnais) à plus de 35,5 millions d'euros pour Cooperl Arc Atlantique.L'Autorité a indiqué avoir refusé « d'accorder au premier demandeur de clémence [Aoste] lebénéfice de l'exonération totale de sanctions », qui écope de 892 000 euros d'amende. L'histoire
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débute en 2011. Le climat économique est tendu pour les industriels en pleine hausse de prixdu porc. En crise depuis trois ans, les éleveurs, dont les marges sont laminées par la flambée duprix des céréales depuis 2008, réclament des augmentations.Mais les fabricants craignent que lagrande distribution refuse de répercuter cette hausse.Un précieux carnet de notesUne première réunion est organisée, le 26 avril 2011, à l'Hôtel Ibis gare de Lyon à Paris, puisune autre, le 17 mai 2011, à l'Ibis Lyon Est à Lyon entre Aoste et cinq autres entreprises, dontFinancière Turenne Lafayette, qui détenait à cette époque la marque Madrange. Objectif :comment faire passer les hausses de prix auprès des distributeurs. Au retour de ces réunions,des commerciaux font imprudemment des comptes rendus par e-mail à leur hiérarchie.Mais, un an plus tard, l'un des participants retourne sa veste. Le 2 octobre 2012, la sociétéCampofrio Food (marque Aoste), en plein changement d'actionnariat, se rapproche desautorités pour demander une procédure de clémence, comme le prévoit la loi, de manière àalléger sa sanction en contrepartie d'informations.Pour autant, Aoste continue de participer aux échanges.Il organise la réunion de trop, le 30avril 2013, toujours à l'Ibis Lyon Est. Or la loi impose de cesser toute participation sous peined'une déchéance de clémence pour « défaut de coopération totale » avec les enquêteurs.Coup de malchance. Après cette réunion, un autre participant est pris de remords et demandeune procédure de clémence en pensant être le premier à dénoncer le cartel. Le groupe Coop,une enseigne de supermarchés suisse, qui exerce dans le commerce de gros au travers deTransgourmet et Bell et a acquis la société auvergnate Salaison Polette, raconte aux enquêteurscette ultime rencontre.En parallèle, l'Autorité de la concurrence ouvre une enquête, le 5 avril 2013, comme l'indiqueun arrêt de la cour d'appel de Paris, en 2014. Des perquisitions sont réalisées en mai 2013.Documents papier, imprimés informatiques, fichiers de messageries y compris dans lesordinateurs individuels des directeurs des achats sont saisis chez les industriels.L'un des protagonistes, Fleury Michon, tente de faire annuler la saisie des pièces récupérées, aumotif, notamment, qu'elles étaient « disproportionnées au regard du champ de l'enquête . Sademande est rejetée par la cour d'appel de Paris.Les enquêteurs ont récupéré des éléments confirmant les indications écrites dans un précieuxcarnet de notes qu'Aoste a livré aux enquêteurs lors de sa demande de clémence. L'Autorité dela concurrence envisage de clore la procédure au milieu de l'année 2019.Mais un ultime rebondissement va perturber le dossier. Pendant l'instruction, un desparticipants du cartel décide de contester la pièce maîtresse du dossier, le carnet du salariéd'Aoste qui retrace les réunions et les tarifs, en déposant une plainte pénale pour faux. Rédigéd'une écriture trop régulière pour correspondre à des notes prises au fur et à mesure, le contenudu carnet semble avoir été recopié. Un jugement pour faux en écriture menace alors unenouvelle fois de faire tomber la clémence d'Aoste. Une expertise est alors réalisée, et conclut,en mai 2019, que rien ne permet de considérer avec certitude que le carnet de note dudemandeur de clémence aurait été monté de toutes pièces, car son écriture est bien celle de sonauteur.Ces amendes tombent à un moment délicat pour les entreprises de la charcuterie. Elles ont étéconfrontées à une hausse du cours du porc en 2019, alimentée par la demande chinoise, paystouché par la peste porcine africaine. Même si des réajustements tarifaires ont été négociés encours d'année avec la grande distribution. Fleury Michon pointe cet argument pour justifier laperte de 28 millions d'euros dans ses comptes 2 019. Alors même que l'entreprise n'a pasprovisionné la sanction financière (14,7 millions d'euros) de l'Autorité de la concurrence.Le Monde Économie, vendredi 17 juillet 2020
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DOSSIER 2
LES DEFAILLANCES DU MARCHE
I) RAPPELS SUR LES BIENFAITS DU MARCHE
Nous avons vu dans les chapitres précédents que la liberté de marché, c'est-à-dire la liberté de vendre
et d’acheter (d’offre et de demande) peut aboutir aux meilleurs résultats possibles : la concurrence
permet de proposer la plus grande diversité et la plus grande quantité de produits aux prix les plus
faibles et de la plus grande qualité possible. Cela favorise également l’innovation. Enfin, les
mécanismes de marché permettent une autorégulation (c’est à dire de revenir automatiquement à
l’équilibre de marché). Et tout cela avec des personnes parfaitement égoïstes qui ne cherchent que leur
intérêt particulier.
Mais cela est possible sous des conditions bien précises.
Les mécanismes de marchés ne sont pour autant pas parfaits et ont des défauts et des limites.
C’est ce que nous allons voir dans ce chapitre.
II) LES LIMITES DES MECANISMES DE MARCHE
Il apparait que les mécanismes de marché ne sont pas toujours efficaces, et peuvent même être
dangereux, ce qui réclame une intervention sur ces mécanismes : en général une intervention de l’Etat
mais parfois aussi une intervention d’autres groupements (collectifs de personnes par exemple).
Nous allons voir trois grandes catégories d’échecs du marché : premièrement le cas des
produits que le marché ne peut pas fournir. Deuxièmement, les cas où l’action individuelle dans le
cadre du marché peut être néfaste. Enfin, le cas particulier où une information imparfaite entraine le
marché dans des dysfonctionnements graves.
A) CE QUE LES MARCHES NE PEUVENT PAS PRODUIRE
1) Le cas des « biens collectifs purs »
Un exemple simple de Bien Collectif Pur est celui des feux d’artifice. Imaginez qu’un producteur de
feu d’artifice propose un feu d’artifice au-dessus de la Loire. Comment peut-il financer son activité ?
Par un droit d’entrée ! Le problème c’est que personne, ou presque, ne paiera ce droit d’entrée (on
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suppose ici que les consommateurs sont des « homo œconomicus » - en l’occurrence ils se
rapprocheront souvent de ce modèle). En effet, un spectateur potentiel du feu d’artifice sait qu’il
pourra le voir dès lors que celui-ci sera lancé sans qu’on puisse le lui interdire.
La réaction d’un homo œconomicus sera de faire ici un calcul « coût-avantage » : je peux
avoir la satisfaction d’admirer le feu d’artifice sans payer (coût = 0). Evidemment, cela ne marche que
si les autres paient pour moi…mais… si les autres sont également des homo œconomicus, ils vont
réagir de la même manière et personne ne paiera, donc le feu d’artifice ne sera pas tiré.
C’est un exemple d’un phénomène essentiel en économie et en sociologie qu’on appelle « le
paradoxe de l’action collective » (ou « paradoxe d’Olson »). Ce paradoxe ne fonctionne que dans le
cas d’un bien collectif c'est-à-dire un bien qui, s’il est produit, profite à tout le monde (dès lors que le
feu d’artifice est tiré, tout le monde peut en profiter). On comprend bien que dans ce cas que le feu
d’artifice n’est possible que si le financement passe par le pouvoir central (ici, la mairie) qui va
imposer ce feu d’artifice (même à ceux qui n’aiment pas ça et qui ne viendront pas le voir) et le fera
payer par les impôts (qui font partie des « prélèvements obligatoires », l’adjectif « obligatoire »
prenant ici tout son sens).
L’exemple du feu d’artifice est anecdotique (on peut s’en passer) mais le cas est le même pour
l’éclairage des rues ou pour un spectacle. Le spectacle nous donne un cas particulier car il est possible
de le faire dans une salle ou sous un chapiteau (ce qui n’est pas possible pour le feu d’artifice) donc on
peut faire payer l’entrée et l’interdire à ceux qui ne paient pas. On peut également exclure ceux qui
troubleraient le spectacle à l’intérieur. Ce n’est donc un « bien collectif » qu’à l’intérieur de la salle
(les économistes appellent cela un « bien de club ». Inutile de retenir le terme pour cette année)
Le feu d’artifice est un cas propre à l’économie mais on peut trouver des cas semblables qui ne
concernent pas la production économique. Par exemple, des élèves décident de faire un « repas de
classe » et tous sont impatients d’en profiter mais personne n’a envie de l’organiser car ça prend du
temps et qu’on est obligé de sacrifier une partie de son travail scolaire ou de ses autres loisirs. On
risque alors fort d’avoir comme résultat que chaque élève attende que d’autres s’en occupent et le
repas ne sera jamais organisé. Encore un cas de « paradoxe de l’action collective »
Pourtant, la réalité nous montre qu’il y a souvent des repas organisés. Cela s’explique
facilement de la manière suivante :
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+ peut être qu’un élève a particulièrement envie de l’organiser parcequ’il aime
particulièrement les repas collectifs. Il acceptera donc de prendre en charge l’ensemble des coûts
d’organisation du repas.
+ La taille du groupe va compter. S’il s’agit d’organiser un repas avec un petit nombre de
personnes, la charge (ou le coût) d’organisation sera relativement faible. Des plus, il sera possible pour
les élèves de partager l’organisation. Si les élèves sont peu nombreux, l’organisation sera facile à
mettre en place et, surtout, aucun élève ne pourra « se défiler » en laissant les autres faire car il est
facilement repérable. En revanche, si le repas concerne 30, 40 ou 60 élèves (ou plus) il sera beaucoup
plus facile pour chaque élève de ne rien faire en espérant que les autres fassent à sa place (c’est ce
qu’on appelle un comportement de « passager clandestin » ou de « free rider »).
+ Mais il est également possible que les élèves préparent le repas parcequ’ils ont plaisir à le
faire et à le faire ensemble. Le « travail » lié à la répartition du repas n’est plus un coût (ce que pensent
les économistes néo-classiques ») mais un plaisir.
On voit donc ce qu’est un « Bien Collectif Pur » pour les économistes (qu’on appelle « bien »
mais qui est souvent un « service »). C’est un bien :
+ Qui profite à tout le monde une fois qu’il est produit
+ Ce qui veut dire que la consommation par une personne ne privera pas quelqu’un d’autre (si
je regarde le feu d’artifice, je ne prive pas autrui de cette consommation. Alors que si j’achète un litre
d’essence c’est un litre qu’autrui ne pourra pas utiliser) (on appelle cela « non rivalité »)
+ Dont on ne peut exclure personne une fois qu’il est produit (je ne peux pas empêcher
quelqu’un de regarder le feu d’artifice) (non excluabilité)
+ Dont le coût marginal est nul. Je n’en ai pas encore parlé mais c’est une idée simple : que
vous ayez un, deux ou mille spectateurs du feu d’artifice, le feu d’artifice coute toujours autant. Donc
le coût occasionné par un consommateur supplémentaire est égal à zéro.
Donc les mécanismes de marché ne permettent pas la production spontanée de biens ou services
collectifs. Pourtant ces services existent bien ! Mais pour leur production, il faut une intervention des
pouvoirs publics : l’Etat, la commune, etc… et le financement se fer par l’impôt, on parle plutôt de
« prélèvements obligatoires. Le terme « obligatoire » est ici essentiel : chacun est obligé de participer
au financement du bien ou du service collectif quand bien même il ne le satisferait pas. On ne
demande pas au citoyen individuel s’il est content de bénéficier de la police, de l’armée, de l’éclairage
public, de la justice,…mais on estime que tous les citoyens doivent participer à son financement.
B) CE QUE LES MARCHÉS NE PEUVENT PAS RÉGLER1) Les biens communs
Les biens communs sont proches des « biens collectifs Purs » à une différence près mais quelle
différence !
Les biens collectifs sont normalement inépuisables ou quasi inépuisables. Prenons l’exemple des
baignades en mer : on peut s’y baigner à 100 ou à mille, il faudra vraiment beaucoup, beaucoup de
temps (ou de baigneurs) pour qu’on ne puisse plus s’y baigner, on est dans le cas du « bien collectif
pur ».
Par comparaison, prenons le cas d’une vaste clairière où les individus aiment se reposer ou se
promener. Il y a bien comme dans le bien collectif un bien qui profite à tout le monde et on ne peut en
exclure personne ; Le problème est que très vite, l’afflux de personnes va dégrader la clairière ; on va
donc peu à peu épuiser le bien. On peut également utiliser le cas des ressources halieutiques dans
l’océan (c’est à dire des ressources en poissons) : dans un premier temps ces ressources semblent
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inépuisables et s’apparenter à un bien collectif mais en réalité la pêche intensive tend à raréfier les
ressources en poisson.
En quoi s’agit-il d’une limite des mécanismes de marché ? La raison est simple. Si chacun est libre de
pêcher comme il l’entend, le risque est de raréfier les ressources essentielles pour tout le monde. Il faut
donc trouver le moyen de limiter ces effets négatifs.
Prenons le cas de la clairière qui nous permet de mettre en évidence les moyens possibles. Rappelons
que la clairière est un bien qui n’appartient à personne, donc qui appartient à tout le monde.
+ La première solution est la privatisation. On accorde le bien à l’acheteur le plus offrant.
Celui-ci gardera alors la clairière pour lui seul ou bien il en fera payer l’entrée (on remarquera que
pour adopter cette solution, il faut un Etat qui vendra la clairière et qui établira un « droit de
propriété »).
+ La deuxième solution est la «propriété publique » : les pouvoirs publics (Etat,
municipalité,…) s’approprient la clairière et en accordent l’accès sous certaines conditions.
+ La troisième solution, qui a été étudiée par la prix Nobel d’économie 2009, Elinor Ostrôm,
consiste à gérer la clairière par un collectif de personnes (par exemple les riverains de la clairière).
Mais on voit ici qu’on n’a plus d’homo œconomicus mais des « homo sociologicus ».
Tragédie des biens communs
2) La gestion des externalités négatives
En économie, on appelle « externalités » les effets qu’une production a sur son environnement.
Ceux-ci peuvent être « positifs » pour son environnement : on cite souvent, par exemple, le fait que
l’activité d’un apiculteur (un éleveur d’abeilles) permet aux abeilles de butiner les fleurs du champ
voisin et de favoriser leur pollinisation. Cette externalité peut également être indirecte : quand
Eurodisney s’est installé en Seine et Marne, dans une zone peu active avant 1992, la venue de visiteurs
a réanimé l’activité économique des villages alentours et, de plus, la collectivité a étendu le réseau
RER permettant d’améliorer les liaisons entre de nombreuses villes et Paris.
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Externalité positive
Mais les externalités peuvent également être négatives. L’exemple le plus simple est la
pollution des eaux d’une rivière par l’activité d’une entreprise. Dans ce cas là, les mécanismes de
marché ne permettent pas de régler ce problème de pollution. En effet, on pourrait espérer que
l’entreprise polluante fasse ce qu’il faut pour réparer ces dégâts soit en nettoyant la rivière soit en
s’équipant de système anti-pollution. Mais elle ne le fera pas ! Et cela pour deux raisons !
La première est que, si elle est sur un marché où il y a des entreprises concurrentes, le coût de
la dépollution augmentera ses coûts de production et l’obligera soit à augmenter ses prix de vente
(mais elle risque de ne plus vendre) soit à réduire ses profits (mais elle risque de ne plus pouvoir
investir ou de faire faillite). Elle ne peut donc pas dépolluer (et il faut bien voir qu’il ne s’agit pas de
« mauvaise volonté » »).
Mais la même chose se produira si l’entreprise est en situation de monopole. Certes elle ne
risque pas grand-chose à augmenter ses coûts de production mais pourquoi le ferait-elle puisque le
désagrément est collectif ? On voit ici qu’on se retrouve dans la logique du « Bien Collectif Pur » : la
dépollution de la rivière profitera à tout le monde, il s’agit donc d’un bien collectif pur. Donc
l’entreprise n’agira pas.
Conclusion : les mécanismes de marché sont inefficaces et les pouvoirs publics doivent intervenir
soit en se chargeant de la dépollution (ce qui sera financé par les impôts de tous) soit en faisant
payer l’entreprise qui pollue (donc en lui faisant payer une amende).
Externalités négatives et marché
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Vous devez trouver que ça fait déjà beaucoup de limites aux mécanismes de marché. Certes, mais
les interventions qui permettent de régler les problèmes sont « relativement faciles à entreprendre.
Ce qui va suivre est bien plus inquiétant. Ce qui va suivre concerne LE DRAME DES DEFAUTS
DE L’INFORMATION ! (on ne sera pas loin de l’angoisse que peut procurer la vision d’un film
de zombies)
C) LES DRAMES DE L’INFORMATION IMPARFAITE
Pour qu’un marché fonctionne bien et s’équilibre, il faut absolument que l’information soit parfaite.
Mais information sur quoi ? D’abord information sur le produit qui est à l’achat : le demandeur doit
être sûr de ses caractéristiques, de sa qualité et de son prix. Mais il doit aussi être informé sur les
produits concurrents (que valent ils ? où se vendent ils ? quels sont leurs prix de vente?...). Et il doit
aussi avoir une information parfaite sur la situation à venir : que se passera-t-il demain ? Ai-je intérêt à
acheter ce produit aujourd’hui ou devrais-je attendre demain ?
On voit que ça fait beaucoup de conditions. Et voyons ce qu’il peut se passer si une des conditions
n’est pas remplie. On ira du plus bénin au plus catastrophique.
1) Le cas de l’information parfaite et la sélection adverse
Celui là est simple et je vous en ai déjà parlé. Si le consommateur ne connait pas la qualité du
produit il ne pourra pas faire de rapport qualité/prix entre deux marques différentes d’un même produit
(le plus cher est il de meilleure qualité que le moins cher ? La qualité supérieure justifie-t-elle que je
paie ce produit plus cher ?) Dans ce cas là, la réaction habituelle du consommateur sera d’essayer
d’évaluer la qualité de son prix en jugeant du prix (« puisque ce n’est pas cher c’est que ce n’est
pas de bonne qualité », « puisque c’est cher, c’est que c’est de bonne qualité »). Ca peut marcher mais
on voit aussi qu’on peut passer à côté de l’affaire du siècle (le produit peu cher et de qualité). On voit
aussi que si les entreprises intègrent votre stratégie elles vont se dire que pour que vous pensiez que le
produit est de bonne qualité, il faut que le prix soit élevé. Elles vont donc vous vendre un produit
dont le prix élevé n’est pas justifié.
Ca c’est le résultat du modèle : dans la réalité, le consommateur a d’autres moyens pour choisir. Il
peut se fier à la marque ou bien il peut se fier à son réseau social en demandant à un ami s’il est
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satisfait du produit qu’il a acheté et en achetant le même. Mais on est dans le cas d’un homo
sociologicus et pas d’un homo œconomicus.
On risque donc d’acheter un produit un peu plus cher que sa qualité ne le justifie mais ce cas là n’est
pas trop grave s’il se limite à un produit.
Le prix Nobel d’économie de 2001, George Akerlof, propose un autre cas plus grave à partir
de la vente d’automobiles d’occasion (en anglais « lemon » qu’on peut traduire par « guimbarde »,
« tacot », « bouse », …). Dans ce cas là, il ya une « asymétrie d’information » c'est-à-dire que le
vendeur sait normalement tout sur la qualité de l’automobile, notamment sur ses défauts, mais il se
gardera bien de parler de ces derniers (supposons que le moteur se met à chauffer au bout de 50 kms
de conduite). Evidemment, l’acheteur ne connait pas ce défaut. Il ya donc « asymétrie d’information »
(l’information n’est pas symétrique : le vendeur possède plus d’informations que l’acheteur).
A quel prix peut-on vendre cette automobile ? On sait qu’on peut trouver le prix moyen de
vente d’une automobile en consultant « l’Argus ». Imaginons qu’on vende ici une automobile de
marque « Rhinofiotte » - 4 chevaux, mise en circulation il ya dix ans et qui a roulé 125 000 kilomètres.
Compte tenu de ces caractéristiques, l’Argus indique qu’elle doit se vendre 3000 euros. Le problème
est que cette voiture a un moteur qui chauffe et l’acheteur ne peut pas le savoir ; elle ne vaut donc que
2400 euros. On se doute que le propriétaire de cette voiture va se précipiter sur l’occasion de vendre
3000 euros son tacot qui n’en vaut que 2400 euros (l’acheteur se fera avoir, protestera,… mais c’est
une autre histoire). Mais il est possible qu’il y ait aussi des propriétaires d’une « rhinofiotte » du même
âge et du même kilométrage qui est parfaitement entretenue et qui, de fait, vaut plus que 3000 euros.
Ces propriétaires n’envisageront donc pas de vendre leur automobile 3 000euros et savent qu’ils ne
trouveront pas d’acheteurs à un prix supérieur. Que se passe-t-il alors ? Le marché d’occasion est
envahi de véhicules dont la valeur est inférieure à 3000 euros et on ne trouve aucun véhicule en très
bon état dont la valeur est donc supérieure à 3000 euros. Les mécanismes de marché qui auraient du
sélectionner les meilleurs produits sélectionnent en fait les plus défectueux.
Comment lutter contre ça ? L’Etat peut imposer de révéler les défaillances du produit. Cela
explique la pratique du « contrôle technique » (mais qui ne porte pas sur tous les éléments du véhicule)
et d’une manière générale on peut s’appuyer sur les recours pour « vice caché » (mais il faut pour cela,
démontrer que le vendeur a sciemment et volontairement caché un défaut que l’acheteur ne pouvait
détecter de lui-même).
On voit que c’est un peu plus grave que dans le cas précédent car c’est tout un marché qui peut
être défectueux.
2) LE CAS DE L’INFORMATION INSUFFISANTE SUR L’AVENIR
La certitude que l’avenir sera à peu près semblable à aujourd’hui est absolument essentielle en
économie. Si un entrepreneur sait que le marché sur lequel il vend ne sera pas trop différent de ce qu’il
est aujourd’hui, il pourra facilement s’engager dans l’achat de matériels, de produits à stocker. Le
consommateur a besoin de savoir que le prix des pâtes sera demain semblable à ce qu’il est
aujourd’hui et que dans un an il aura augmenté dans des proportions de 2, 3 ou 5%.
Les problèmes vont en revanche se poser si j’ignore de quoi demain sera fait. Si un
consommateur ne sait pas s’il y aura encore des pâtes à vendre demain, il est bien probable qu’il se
précipitera au supermarché pour en acheter… et du coup participera à la raréfaction des pâtes. Si tout
le monde réagit ainsi, il ya aura une pénurie de pâtes (même s’il en devait pas y en avoir au départ).
On entre dans ce que les sociologues et les économistes appellent « prédiction créatrice » ou
« prophétie auto-réalisatrice » : il suffit que suffisamment de personnes pensent qu’un évènement va
se produire pour ce que cet évènement se produise. Dans ce cas là, les autorités vont sûrement
intervenir pour indiquer que l’approvisionnement en pâtes se fera normalement : si les consommateurs
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ont confiance dans les autorités, ils ne précipiteront pas leurs achats et il n’y aura pas de pénurie mais
s’ils n’ont pas confiance dans cette information, ils persisteront dans leur comportement.
On voit que l’information est essentielle. Mais d’où nos consommateurs vont-ils tirer
l’information d’une possible pénurie de pâtes ? Des autorités, des medias mais aussi et surtout du
comportement des autres consommateurs ! Voyant que les autres se précipitent pour acheter des pâtes
ils peuvent se dire que les autres ont une information qu’eux n’ont pas et qu’il ya bien un risque de
pénurie de pâtes. Pire ! Même s’ils sont sûrs qu’il y a normalement une production de pâtes suffisante
pour fournir tout le monde, ils savent que le comportement de panique va provoquer une pénurie. Ils
font donc comme tout le monde ! Ce comportement, l’économiste Samuelson (Prix Nobel en 1970) l’a
résumé ainsi : « Quand le monde est fou, il faut être fou pour rester sage ». Le même phénomène s’est
produit il ya quelques années à propos d’une rumeur sur une possible pénurie d’essence. Les
automobilistes se sont précipités sur les pompes à essence et ont provoqué la pénurie qu’ils
craignaient. On voit au passage qu’on rejoint le thème de la rumeur (et qu’il n’est donc pas possible
d’étudier les phénomènes économiques sans avoir recours à d’autres sciences sociales que
l’économie).
Ce phénomène pourrait toucher des objets sans grande importance et on ne s’en préoccuperait pas
trop. Mais touchant les pâtes et l’essence on voit déjà que ça peut être très invalidant pour nos
concitoyens.
Mais si cela touche les logements ? Les actions ? La bourse ?
Prenons le cas d’une action d’entreprise. On sait qu’une action est une part d’une entreprise et que
l’actionnaire (le détenteur de l’action) recevra un dividende qui est normalement fonction du bénéfice
de l’entreprise. Une personne qui désire acheter une action d’une entreprise va donc essayer d’évaluer
les bénéfices que fera l’entreprise à l’avenir. Tâche difficile et hors de portée du premier épargnant
venu. Il peut donc se fier aux bénéfices passés en se disant que, normalement et, sauf accident,
l’entreprise devrait continuer à faire les mêmes bénéfices. Mais ce n’est pas simple non plus.
Une personne ne disposant pas des informations nécessaires va donc regarder si l’action est appréciée
ou non : cette personne va probablement penser que si cette action est souvent achetée, c’est sûrement
parcequ’elle est intéressante et notre épargnant va supposer que les autres ont une information que lui
n’a pas.
Picsou : comment l’absence d’informations suscite l’achat
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Vous connaissez les principes des mécanismes de marché : plus le nombre d’acheteurs
augmente et plus le prix augmente et si le prix augmente, la demande baisse… Ici c’est l’inverse qui
va se produire : plus le prix augmente et plus les épargnants vont se dire que, décidément, ça doit être
une bonne affaire donc plus la demande augmente. En fait, on est dans le cas de la « sélection
adverse » appliquée aux actions : on essaie d’évaluer la « qualité » de l’action en regardant son prix. Il
s’ensuit que, bientôt, le prix de l’action sera bien supérieur à ce qu’il devrait être compte tenu des
bénéfices de l’entreprise. En théorie, l’actionnaire devrait s’en rendre compte et revendre son
action et on reviendrait, tardivement, au «bon» niveau du cours de l’action.
Hélas, ça ne se passe pas forcément comme ça car très vite l’actionnaire ne s’intéresse plus au
dividende qu’il peut recevoir (c’est à dire à la partie des bénéfices qu’il recevra) mais à la « plus
value » c'est-à-dire à ce qu’il gagnera s’il revend son action plus cher qu’il l’a achetée (le dividende
c’est ce qu’on gagne quand on garde l’action, la plus value, c’est ce qu’on gagne quand on la revend).
Comme il ya de plus de plus d’acheteurs, le prix augmente de plus en plus vite et on peut faire une
grosse « plus value » en revendant son action. Du coup ça attire de nouveaux acheteurs qui sont prêts à
acheter l’action pensant qu’ils pourront la revendre plus cher,… pendant un temps ça fonctionne mais
au bout d’un moment tout le monde se rend compte que les cours sont délirants et qu’ils chuteront à un
moment ou à un autre. Il suffit de n’importe quel incident pour que les gens perdent confiance et
soient sûrs que les cours vont baisser. Ils vont donc tous revendre et provoquer la chute des cours
qu’ils craignaient.
Les phénomènes de mimétisme à l’origine des crises
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C’est l’histoire classique de ce qu’on appelle les « bulles spéculatives » depuis la première bulle
vraiment étudié, la tulipomania de 1637, résultat d’une spéculation sur les bulbes d’une tulipe
particulière, la tulipe grisée (voir l’encadré 1 ci-dessous).
Un peu de théorie !Maintenant, il faut reprendre le problème en regardant la question de l’information et de la
rationalité des individus.
Dans un premier temps, l’agent est rationnel et parfaitement informé : il connait donc tout
sur la réussite de l’entreprise (et surtout son bénéfice) et décide de l’achat de l’action en fonction des
dividendes reçus. Dès que le prix de l’action dépasse le niveau justifié par le dividende, il n’achète
plus, la demande baisse et le cours baisse. Le marché se rééquilibre.
Dans un deuxième temps, l’agent est rationnel mais il n’a pas toute l’information voulue. Il
va donc se fier à la réaction des autres intervenants sur le marché en supposant qu’ils ont des
informations que lui n’a pas. Si c’est vrai, le marché peut encore s’équilibrer.
Troisième temps : supposons que tous les intervenants soient dans le même cas : ils sont tous
mal informés et ils observent tous ce que les autres vont faire. Alors chacun imite un autre qui n’en
sait pas plus que lui et le marché dévie (Remarque : ça ne vous est jamais arrivé de suivre un copain
ou une copine dans une balade en pensant qu’il sait où il va et vous découvrez que votre ami.e pensait
la même chose ? Du coup vous êtes à des kilomètres de votre objectif ? C’est le même phénomène
ici).
Donc si les individus sont rationnels, qu’ils sont parfaitement informés, qu’ils décident de
leurs achats en regardant précisément les résultats de l’entreprise et qu’ils ne s’occupent pas de
ce que font les autres intervenants, alors le marché des actions s’équilibre. Dans ce cas on peut
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libéraliser les marchés financiers. C’est un peu sur cette base qu’on a décidé dans les années 1980 de
les libéraliser.
Mais si les intervenants sont mal informés et s’ils s’imitent les uns les autres, alors on
risque fort de créer des bulles spéculatives » auxquelles succèdent des Krach financiers… C’est
plutôt ce qu’on a connu depuis 1987 (date de la première grande crise financière d’après guerre).
Le danger c’est qu’une crise financière débouche sur une crise économique, c’est à dire
que les actionnaires ruinés ne puissent pas rembourser leurs dettes (qui leur avaient servi à acheter des
actions à crédit) et donc poussent à la ruine ceux qui leur ont fait des prêts…et il va s’ensuivre des
faillites en chaine qui vont toucher tout le monde.
Les autorités vont donc tout faire pour empêcher ces faillites en chaine. Elles vont donc aider
les actionnaires (de différentes manières que vous verrez en terminale) de façon à ce qu’ils ne fassent
pas faillite. Mais alors apparait un nouveau piège : les actionnaires voient qu’ils peuvent gagner
énormément en spéculant quand la bulle gonfle. Certes ils peuvent tout mettre au moment de la chute
des cours mais maintenant ils savent que l’Etat va les sauver. Donc ils sont sûrs de gagner beaucoup et
de ne pas perdre trop. Conséquence ? Les spéculateurs n’hésitent pas spéculer à nouveau dès que
l’occasion se présence et ils participent au gonflement d’une nouvelle bulle. En clair, ils prennent des
risques inconsidérés car ils savent qu’ils seront sauvés de toutes façons. C’est ce qu’on appelle « Alea
Moral » (ou « hasard moral »), c'est-à-dire le fait qu’une personne adoptera un comportement risqué
parcequ’elle se sait protégée (c’est le cas, parait il,, de personnes qui prennent trop de risques
parcequ’elles pensent que leur assurance couvrira les conséquences de leur comportement).
BREF, ON N’EST PAS SORTIS DE L’AUBERGE !
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EXERCICE N°1
Question sur la compréhension du texte : après avoir lu attentivement le texte, vous remplirez ce
tableau (sans avoir le texte sous les yeux)
ExplicationEn quoi ce phénomène
entrave-t-il le bon
fonctionnement du
marché ?
Comment les autorités (Etat,
communes,…) peuvent-elles agir
pour favoriser le bon
fonctionnement de l’économie ?
BIEN
COLLECTIF PUR
BIEN COMMUN
EXTERNALITE
NEGATIVE
PREDICTION
CREATRICE
SELECTION
ADVERSE
ASYMETRIE
D’INFORMATION
ALEA MORAL
EXERCICE N°2 :
Chaque photo ci-dessous illustre ou évoque un des concepts vus dans le chapitre.
A vous d’attribuer le bon concept à la bonne photo en expliquant votre choix p(NB : il peut y avoir
deux photos pour un même concret et, peut être, deux concepts pour une seule photo)
Liste des concepts :
Bien Collectif Pur
Bien commun
Externalité négative
Sélection adverse
Asymétrie d’information
Prédiction créatrice
Alea moral
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Photo n°1 : transaction immobilière
Photo n°2 : Schéma
Photo n°3 : résultat d’une vente automobile
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Photo n° 4 : rayon d’articles pour bébés
Photo n° 5 : Illuminations de Noël
Photo n°6 : détournement d’un tableau célèbre
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Photo n°7 : rassemblement de troupeaux en Afrique
Photo n° 8 : file d’attente devant la banque anglaise Northenrock en 2007
Photo n°9 : construction d’un immeuble en front de mer
36
Photo n° 10 : éclairage d’une voie rapide
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EXERCICE N° 2 : Question de réflexion
Le dessinateur de Bandes dessinées, Philippe Druillet a dit un jour : « Il y a trois types de
collectionneur : le premier qui achète pour montrer qu’il a du fric, le deuxième parce que cela va
valoir du fric, et le troisième qui est un passionné. » (Philippe Druillet -
http://www.actuabd.com/Philippe-Druillet-un-colosse-vacillant-certes-mais-toujours-magnifique
Chaque type de collectionneur aura un comportement particulier face à une augmentation du prix du
bien qu’il désire acquérir et cela aura un effet particulier sur le marché et sur la fixation des prix. A
votre avis, quels seront ces comportements et ces effets ?
Il est conseillé de lire au préalable l’encadré 1 consacrée à la tulipomania (ci-dessous)
ENCADRE 1 : LE CAS DE LA TULIPOMANIA
La tulipomania n’est pas la première bulle spéculative de l’Histoire mais c’est une des plus
anciennes qui soient correctement documentées. La spéculation a touché les bulbes (les
oignons) de tulipe entre 1636 et 1637. A l’époque les tulipes sont cultivées en Turquie et il
n’est donc pas possible d’importer les fleurs en Europe, on importe donc les bulbes pour
pouvoir les faire pousser en Europe (la tradition des tulipes en Hollande date donc de cette
époque). Les prix atteignent de tels niveaux qu’en 1636, un bulbe de tulipe coûtait
3 000 florins, de quoi acheter « un carrosse neuf, deux chevaux gris et leur harnais » et en
Février 1637 il valait dix fois le salaire annuel d’un artisan qualifié,
Il s’agit donc d’un objet de luxe que seuls les plus riches peuvent acquérir. La tulipe va donc
bientôt bénéficier d’un « effet Veblen », c'est-à-dire qu’on ne l’achète pas seulement pour le
plaisir supposé de sa beauté mais parce que son acquisition permet de montrer sa richesse
(« effet de démonstration sociale »). Cependant, l’augmentation des prix a d’abord touché un
type particulier de tulipe, la « Semper Augustus » (un bulbe de type Semper Augustus
s’échangeait contre un terrain de 5 hectares). La « Semper Augustus » avait la particularité
de présenter des motifs tigrés qui la distinguent des autres tulipes.
Il se trouve que ces motifs tigrés qui la rendent si précieuse sont dus à un virus qui infecte le
bulbe. Ce type de tulipe est donc difficile à obtenir et ce d’autant plus qu’en l’absence de
véritables connaissances agronomiques il fallait à l’époque entre 7 et 12 ans pour qu’une
graine produise un bulbe à même de fleurir. Par la suite la spéculation va toucher également
les tulipes « normales ».
On a là tous les ingrédients d’une bulle spéculative : sa beauté particulière lui donne du prix
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(c’est la valeur donnée par « l’utilité »), la difficulté à l’obtenir («le « coût en travail » lui
donne de la valeur), elle prend ensuite de la valeur parcequ’elle rehausse socialement son
possesseur (« effet Veblen ») et , enfin, le phénomène de spéculation pousse son prix à la
hausse.
L’éclatement de la bulle a lieu brutalement en 1637 sans qu’on sache exactement pourquoi.
(sources : JK Galbraith : « Brève Histoire de l’euphorie financière – Seuil -1992 – Anonyme : « Et krach, la
tulipe : histoire de la première bulle spéculative » - 16 janvier 2018
https://www.cafedelabourse.com/dossiers/article/bulles-financieres-la-crise-de-la-tulipe
Fabien Pirollo : « La tulipomanie ou la première crise spéculative dans la finance » -09/03/2015
http://www.economiematin.fr/news-tulipomanie-crise-tulipe-hollande-speculation)
Jézabel Couppey: Article « Tulipomanie » - Encyclopédie Universalis -https://www.universalis.fr/encyclopedie/tulipomanie/)
ENCADRE 2 : LA BULLE IMMOBILIERE
(facultatif : pour les accrocs seulement)
Le marché immobilier a à peu près toutes les caractéristiques pour qu’un marché fonctionne mal.
Rappelons que pour qu’un marché fonctionne bien il faut que : les biens soient homogènes pour que
le demandeur puisse faire une bonne comparaison qualité-prix, que l’information soit parfaite et ne
soit pas asymétrique, que le produit soit reproductible, et que le demandeur agisse en homo
œconomicus.
Le problème c’est qu’il n’existe pas un mais des marchés immobiliers : le marché de la vente ou celui
de la location, le marché du neuf ou d’occasion, le marché des appartements ou des maisons. Les
marchés diffèrent selon la taille (le demandeur d’un studio ne cherche pas un F5) et sont souvent
interconnectés : une même personne peut être décidée à acheter ou hésiter entre l’achat et la vente ;
elle peut être sûre de vouloir acheter à la campagne ou bien fait un arbitrage entre la ville et la
campagne (elle préfèrerait à acheter en ville mais se résignera à s’éloigner de la ville à cause des prix
trop élevés).
De plus, les biens sont rarement homogènes : les maisons diffèrent selon leur emplacement, leur
orientation ou leur ancienneté, il est donc difficile de faire un rapport qualité/prix entre deux
logements.
Enfin, on sait que l’achat d’un logement ne relève que partiellement d’un comportement rationnel.
Bien sur il ya des aspects rationnels : l’acheteur envisage son achat (et souvent l’emprunt qu’il devra
faire) en fonction de ses revenus passé et surtout en fonction de ses revenus futurs estimés. De plus, il
achète souvent rationnellement en se disant qu’il vaut mieux rembourser un emprunt qui lui permettra
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d’être propriétaire plutôt qu’en payant un loyer qui ne lui donnera rien à terme.
Mais on voit qu’estimer ses revenus futurs relève d’un certain « pari ». De plus, être
propriétaire est rationnel si cela se fait à un coût et sur une durée raisonnables (on a vu en Espagne
des prêts dont le remboursement se fait sur 50 ans ! Est-ce vraiment raisonnable ?)
Par ailleurs, il ya une dimension sociale très forte dans le fait d’être propriétaire : être propriétaire
c’est changer de « statut social », c’est souvent perçu comme un signe de richesse.
Dans les années 2000, on a vu une bulle immobilière énorme se développer dans tous les pays
développés (sauf en Allemagne et au Japon où elle se développe plus tardivement) et éclater partout
(sauf en France). Vous pouvez regarder les graphiques à la fin de cet encadré.
Cette bulle a démarré aux Etats –Unis d’un secteur très précis, celui des prêts faits aux personnes à
très faibles revenus (ce sont donc des remboursements à risques d’où l’appellation « subprimes »).
Les premiers emprunteurs étaient très heureux de pouvoir enfin devenir « propriétaires » (même si en
réalité, ils ne le sont que lorsqu’ils ont fini de rembourser leur emprunt). La possession d’un logement
devient donc un élément de « démonstration sociale » (l’effet Veblen joue encore). Ils seront imités
par d’autres qui envient également ce statut social et se disant que si les premiers ont pu emprunter,
ils peuvent bien le faire à leur tour (on retrouve le phénomène « d’imitation réciproque »). Mais
puisqu’il ya de plus en plus de demande, il est inévitable que les prix des logements augmentent. Les
suivants vont se dire que si les prix continuent à augmenter, ils ne pourront jamais devenir
propriétaires (c’est l’équivalent de la crainte de pénurie pour les pâtes) ils se pressent donc d’acheter
avant que les prix augmentent encore…ce qui fait encore augmenter les prix… Et la bulle se
développe !
Pourquoi éclate-t-elle ?? Vous le verrez en terminale !
Graphique 1 : le prix réel des logements (c’est à dire sans compter l’inflation) a été multiplié
par 2 (France) ou 2,5 (Paris) entre le début des années 2000 et 2011
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Graphique 2 : les prix de l’immobilier ont été multipliés par 2(USA) voire 2,5 (Espagne) entre
2000 et 2007. L’éclatement de la bulle a été très fort aux EU, en Espagne et en Irlande
Graphique 3 : les données avant 1940 (en bleu) sont des reconstitutions approximatives mais
permettent de voir que nous retrouvons des niveaux de prix réels à peu près semblables à ce
que la France a connu à la fion du 19ème siècle
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DOSSIER 3
LE MARCHE : PHENOMENE NATUREL OU INSTITUTION ?
TOUT EST –IL MARCHANDISABLE ?
A) UN PHENOMENE NATUREL ?
Pour les néo-classiques et les libéraux il s’agit d’un phénomène naturel car les hommes auraient
naturellement le désir de satisfaire leurs besoins propres et pour cela se mettraient à échanger et à
troquer dès qu’on leur en laisse l’occasion texte de Smith)
B) UNE REALITE HISTORIQUE RECENTE ?
Pour les hétérodoxes, même s’il ya toujours eu des échanges entre les individus, cela ne veut pas dire
que le marché a existé de tous temps comme institution centrale de la Société. En Europe, il existe au
Moyen Âge avec les grandes foires de Champagne mais c’est vraiment au 16è siècle que le commerce
prend une place importante. D’après Karl Polanyi, il faut attendre le 19è siècle pour que le marché
devienne véritablement une institution centrale avec le fait que trois « produits » qui ne faisaient pas
l’objet d’un échange sur le marché deviennent des marchandises.
+ Le travail : jusqu’au 18è-19è siècle, le travail est soit indépendant (commerçants, compagnons,…)
soit strictement encadré comme dans le servage où l’individu est attaché à la Terre. Au 19è siècle, le
salariat se développe, c’est à dire que les individus vont proposer leur force de travail à qui en a besoin
et on va voir apparaitre une offre et une demande de travail formellement libres.
+ La terre faisait l’objet d’une transmission entre générations (héritage) mais était rarement l’objet de
ventes. Au 19è siècle se développe un marché de la terre.
+ Enfin, l’échange de monnaie faisait l’objet de règlementations très strictes. Ainsi, le prêt usuraire
(avec un taux d’intérêt trop élevé) était condamné par la Religion et passible de prison (on considérait
que faire de l’argent avec de l’argent c’était créer de la richesse à partir de rien ce que seul Dieu peut
faire)
Karl Polanyi (1886-1964)
Anthropologue et économiste, il valorise les analyses se fondant sur
les comparaisons historiques. On lui doit la typologie des trois
formes de répartition des produits de l’activité humaine
(réciprocité, redistribution, marché). Il est également connu pour
avoir affirmé qu’on entre pleinement dans une société de marché
quand apparaissent des marchés de la terre, du travail et de la
monnaie.
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On voit donc qu’il y avait des restrictions fortes sur ces « produits » ; on dit que ces marchés étaient
« encastrés » dans le culturel.
Il reste de nos jours des marchés qui sont encore encastrés dans le culturel : aux Etats-Unis, il existe un
marché du sang mais ça nous semble assez choquant en France car on considère que le sang ne peut
pas être traité comme un produit marchand. De même nous refusons moralement et légalement
l’existence d’un marché libre des organes ; celui-ci ne peut faire que l’objet d’un don ; même chose
pour la gestation pour autrui, etc…
Cependant, certains marchés qui étaient autrefois encastrés ne le sont plus comme le marché de la
revente de cadeaux.
On voit que cette avancée des marchés se fait au détriment des autres modes de redistributions
richesses selon Polanyi : la réciprocité et la redistribution centralisée. Comme l’indique Marcel
Mauss : « L’homo œconomicus n’est pas derrière nous, il est devant nous »
B) LES CONDITIONS D’APPARITION ET DE FONCTIONNEMENT DES MARCHES
1) Un phénomène culturel
Il ya donc des conditions pour que le marché se développe. La première de ces conditions est
culturelle. Il faut que les hommes se rapprochent de l’idée de l’homo œconomicus c’est à dire qu’ils
recherchent leur satisfaction personnelle au travers d’un calcul cout – avantage. On peut voir à travers
l’exemple que donne Malaurie (document n°) ou Edgar Morin à Plozevet (document n°) qu’il peut y
avoir des conditions culturelles non propices à l’essor du marché.
Il faut également que l’échange devienne « anonyme » dans le sens où la personnalité de
l’échangiste ne doit pas avoir d’importance ; il ne doit être ni ami ni ennemi. (Texte n°)
2) Des Institutions nécessaires
Mais un marché peut déraper facilement. Il faut donc des règles et des Institutions pour qu’il
fonctionne correctement. Les règles peuvent être par exemple les règles de concurrence qui interdisent
les abus de monopole, les ententes, etc… Il faut également des règles qui assurent le respect du droit
de propriété (brevets, droits d’auteurs, ...) ; des règles qui permettent l’amélioration s de l’information
sur els produits (contrôle technique, lois sur les publicités mensongères,…).
(voir le cours)
V) POURQUOI SE POSER CETTE QUESTION SUR LA « NATURE » DU MARCHE ?
A) COMMENT PASSER A UN SYSTEME DE MARCHE ?
Les Sociétés à Economie Planifiée telles que l’URSS ou les pays satellites ne connaissaient
pratiquement pas les marchés. Il leur a fallu passer à un système de marché. Mais comment faire ? Si
on pense que le marché est un phénomène naturel, il suffit de supprimer toutes les entraves au marché
qui existaient dans l’ancien système pour que le marché se développe. Si on pense qu’il s’agit d’un
phénomène historique (donc non naturel), il faut au préalable mettre en place des Institutions propices
au développement des marchés (des règles de concurrence, un système minimum de protection sociale,
etc…).
B) JUSQU’OU LAISSER SE DEVELOPPER LA MARCHANDISATION ?
Le problème suivant est éthique. Tout peut il faire l’objet d’un échange marchand. Y a-t-il des
« produits » qu’on doit interdire de l’échange marchand et comme doit on faire ?
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ANNEXES : TEXTES
Pour Adam Smith, comme pour les économistes « orthodoxes » qui lui succèderont, le principe de
l’échange, et du marché, est naturel à l’homme. Il ignore donc que les hommes aient pu échanger par
groupes et que ces échanges aient pu prendre la forme de don –contredons. Il transpose donc ce qu’il
voit dans l’Angleterre du 18è siècle au passé des sociétés humaines
Document n° 1
Par exemple, dans une tribu de chasseurs ou de bergers, un individu fait des arcs et des
flèches avec plus de célérité et d'adresse qu'un autre. Il troquera fréquemment ces
objets avec ses compagnons contre du bétail ou du gibier, et il ne tarde pas à s'aper-
cevoir que, par ce moyen, il pourra se procurer plus de bétail et de gibier que s'il allait
lui-même à la chasse. Par calcul d'intérêt donc, il fait sa principale occupation des arcs
et des flèches, et le voilà devenu une espèce d'armurier. Un autre excelle à bâtir et à
couvrir les petites huttes ou cabanes mobiles ; ses voisins prennent l'habitude de
l'employer à cette besogne, et de lui donner en récompense du bétail ou du gibier, de
sorte qu'à la fin il trouve qu'il est de son intérêt de s'adonner exclusivement à cette
besogne et de se faire en quelque sorte charpentier et constructeur. Un troisième
devient de la même manière forgeron ou chaudronnier; un quatrième est le tanneur ou
le corroyeur des peaux ou cuirs qui forment le principal revêtement des sauvages.
Ainsi, la certitude de pouvoir troquer tout le produit de son travail qui excède sa propre
consommation, contre un pareil surplus du produit du travail des autres qui peut lui être
nécessaire, encourage chaque homme à s'adonner à une occupation particulière, et à
cultiver et perfectionner tout ce qu'il peut avoir de talent et d'intelligence pour cette
espèce de travail.
(Adam Smith : « Recherche sur la nature et les causes de la richesse des Nations » -
1776)
L’anthropologue Marcel Mauss a bien vu que l’homme n’est pas naturellement un homo œconomicus
mais il pense que nous devenons de plus en plus des « homo œconomicus »
Document n° 2 :
Ce sont nos sociétés d'Occident qui ont, très récemment, fait de l'homme un «
animal économique ». Mais nous ne sommes pas encore tous des êtres de ce genre.
Dans nos masses et dans nos élites, la dépense pure et irrationnelle est de pratique
courante ; elle est encore caractéristique des quelques fossiles de notre noblesse.
L'homo oeconomicus n'est pas derrière nous, il est devant nous; comme l'homme de la
morale et du devoir; comme l'homme de la science et de la raison. L'homme a été très
longtemps autre chose ; et il n'y a pas bien longtemps qu'il est une machine,
compliquée d'une machine à calculer. (…) D'ailleurs nous sommes encore
heureusement éloignés de ce constant et glacial calcul utilitaire. Qu'on analyse de
façon approfondie, statistique, comme M. Halbwachs l'a fait pour les classes ouvrières,
ce qu'est notre consommation, notre dépense à nous, occidentaux des classes
moyennes. Combien de besoins satisfaisons-nous ? (…) L'homme riche, lui, combien
affecte-il, combien peut-il affecter de son revenu à son utilité personnelle ? Ses
dépenses de luxe, d'art, de folie, de serviteurs ne le font-elles pas ressembler aux
nobles d'autrefois ou aux chefs barbares dont nous avons décrit les mœurs ?
(Marcel Mauss : « Essai sur le Don - Forme et raison de l'échange dans les sociétés
archaïques» 1ere édition en 1923-1924)
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L’anthropologue et économiste Karl Polanyi met en évidence les dangers d’une marchandisation
excessive
Document n°3
« Une telle institution (cf le marché) ne pouvait exister de façon suivie sans anéantir la
substance humaine et naturelle de la société, sans détruire l’homme et sans transformer
son milieu en désert » (…) « Après un siècle d'"amélioration" aveugle, l'homme
restaure son "habitation". Si l'on ne veut pas laisser l'industrialisme éteindre l'espèce
humaine, il faut le subordonner aux exigences de la nature de l'homme »
(Polanyi-« La Grande Transformation » - 1944).
Question
1) Vous montrerez, en utilisant les documents 4 à 9, que le marché n’est pas un phénomène
naturel mais une institution qui ne peut se développer que moyennant des
transformations sociales, culturelles et politiques.
Document n° 4 :
Prenons le cas du don du sang. Si le sang était un bien comme les autres, il existerait unmarché du sang avec un "prix d'équilibre" déterminé en fonction des besoins deshôpitaux et de l'offre de sang de la population. Mais une telle pratique est interdite parla loi, suivant un principe intangible: le corps humain est "sacré" et il ne peut être« marchandé ». De la même manière, les organes ne peuvent se vendre car ce serait lesréduire à un bien comme les autres. Collectivement, la société ne peut admettre quetout puisse s'acheter, un peu comme si elle posait des barrières au delà desquellescertains comportements ne sont plus considérés comme humains au sens fort du terme.Le cas des mères porteuses pose le même problème de la valeur monétaire de l'êtrehumain. Peut-on accepter qu'un couple stérile paie une femme pour pouvoir adopterson enfant à la naissance ? Certaines mères ont mis en avant l'acte d'amour qu'un telgeste supposait : être mère porteuse pouvait s'interpréter comme un cadeau d'unefemme à une autre pour lui donner ce qu'il y a de plus beau, un enfant. Mais lelégislateur n'a pas retenu cet argument, estimant qu'aux yeux de la société dans sonensemble on ne pouvait tolérer un acte qui risquait d'aboutir à la création d'un "marchéde l'enfant". A l'inverse on accepte sans problème l'adoption, c'est-à-dire le don d'unenfant, par une famille à une autre famille, dans le cadre de l'anonymat.(Renaud Chartoire : T'as pas 100 francs ? Petit traité sur l’argent, Ed. Frasnel, 1999)
Document n° 5 :À la différence du don d'organes, le don de sang est en partie commercialisé dans de
nombreuses sociétés. Cependant, pour ce nouveau « produit », plusieurs pays optentpour le don de préférence au marché. Et alors le passage du donneur au receveur est gérépar l'État, en collaboration avec la Croix-Rouge.
Non seulement ce don est fait à des inconnus, mais on peut même croire que souvent, s'ilsse connaissaient, tant le donneur que le receveur refuseraient peut-être de participer auprocessus, pour des motifs religieux, ethniques, politiques ou autres. En France, ce carac-tère anonyme a été poussé encore plus loin, puisque l'anonymat est légalement obligatoireet constitue l'un des trois principes de base du système français, les deux autres étant lebénévolat et l'absence de profit. [ ...
Titmuss constate une différence importante entre le système de don et les systèmesmarchands, fondés sur le sang payé. C'est la grande conclusion de son ouvrage, à la suited'une comparaison entre le système de don anglais et le système commercial américain : quelque soit le critère économique ou administratif utilisé, le système où l'offre provient d'undonneur plutôt que d'un vendeur est supérieur. Le danger de transmission de maladiesinfectieuses est moindre si le sang est donné, selon Titmuss. Le système est donc plus sûr pour
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le receveur. Mais il l'est également pour le donneur à cause des abus qui se produisentlorsque le sang est payé. Titmuss conclut : « Quel que soit le critère retenu — efficacitééconomique ou administrative, coût par unité pour le malade, pureté, qualité, sécurité —, lemarché est pris en défaut. » Ainsi, lorsqu'on introduit un système de rémunération du sang, celaa pour effet de diminuer la quantité globale de sang disponible parce que nombre d'anciensdonneurs, considérant qu'« ils se font avoir », cessent de contribuer, et le nombre dedonneurs qui cessent de donner est plus important que le nombre de vendeurs quiapparaissent. Le « consommateur » est donc perdant selon tous les critères économiqueshabituels, y compris la liberté de choix entre du sang donné et du sang vendu, puisque laquantité de sang donné diminue.(Jacques Godbout, « L’esprit du don, » p. 77-80).
Document 6 : Le contact : 9 juillet 1951, à Thulé, au GroenlandOn troque : la chasse aux souvenirs est ouverte. Elle obtient d'emblée un
succès sans précédent. Un petit ours grossièrement taillé dans l'ivoire atteint lasomme astronomique.de .vingt dollars ; un vieux fouet, dix dollars ; une paire debottes percées, c" primitives i, sept dollars, etc. On assiste à des scènes cocasses.A un Esquimau qui avait façonné une figurine en ivoire, un jeune Américain medemande de dire :
- Please, tell the Eskimo d'en gratter beaucoup comme ça pour moi. MoreQu'ils soient bien tous, tout d fait pareils. Mais dites-lui que le prix en seradiminué d'autant. Je donnerai five dollars pour chaque, au lieu de ten.-Je traduis. L'Esquimau sursaute.
— Ayorssiva ! C'est pas possible 1 Dis-lui, à ce Qraslounaq à la manque, queplus il y en aura de pareils, plus ce sera cher, car plus ça sera embêtant àrefaire !(Jean Malaurie : « Les derniers rois de Thulé;)
Edgar Morin décrit la manière dont un village breton, Plozevet, s’ouvre aux principes de marché.
Document n°7
La nouvelle psychologie de l'argentLe consommationnisme intervient de façon décisive /pour transformer la psychologie de
l'argent. L'argent" n'est pas encore chez les vieux paysans l'agent et l'étalon universel desrelations économiques. Les valeurs de troc, de service et de don1 persistent en dehors ou àl'intérieur des valeurs monétaires. La mesure réelle qui permet d'évaluer les petits prix est,soit la livre de beurre, soit le litre ou le verre de vin rouge, soit le paquet de tabac; lamesure des gros prix est le cheval, le cochon, le tracteur. Les services mutuels entre voi-sins pour les travaux des champs ne sont pas rétribués, et une petite part des produitsagricoles fait l'objet d'échanges ou de dons en nature.(…) Chercher le bénéfice maximumapparaît comme une immoralité dans une conception où la valeur est sécrétée par l'objet,et non par le jeu de l'offre et de la demande. De vieux paysans ménéziens necomprennent pas encore que les prix se modifient sans que se modifie l'objet : « J'voispas pourquoi, mais quand il y a beaucoup de carottes, les prix sont plus bas. Ça c'estdrôle alors, et c'est pour toutes les choses pareil. Quand y'en a beaucoup, ben c'estpas le même prix, pourtant c'est les mêmes choses. » (Duloch, 53 ans, cultivateur,Menez-Ru). Dans l'ancienne psychologie, c'est gagner sa vie, non gagner de l'argent quiimporte. Le lucre participe de la même démesure que la dépense. Aujourd'hui encore, ilsubsiste quelques commerçants dépourvus d'esprit lucratif, comme l'hôtelier quidédaigne les clients qui le dérangent ou lui déplaisent, oublie de réclamer son dû...
(Edgar Morin « La métamorphose de Plozevet — Fayard — 1967).
1 Lequel appelant le contre-don, est évidemment ici aussi une forme archaïque de l'échange
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Document n°7
L'ancienne psychologie distingue nettement deux marchés, d'une part, le marchéendogène, où les relations monétaires sont imbibées de confiance, infléchies par lessolidarités parentales, les amabilités de voisinage, d'autre part, le marché exogène, où ils'agit de se défendre dans un âpre rapport de force, par l'inévitable combat qu'est lemarchandage, contre les gros — usiniers, maquignons, grossistes, vendeurs.
L'esprit de lucre est absent dans le premier cas, où la relation qui s'inscrit dans le circuit deconfiance personnelle ne peut être l'exploitation d'autrui, mais aussi dans le second, où ils'agit beaucoup plus de défendre que de gagner son bénéfice.
Aujourd'hui encore, dans le cadre endogène, on tient à envelopper la relationd'argent dans une relation humaine d'où l'on bannit ostensiblement touteapparence lucrative par une manifestation de confiance. — « Ce n'est paspressé ».. — « Un de ces jours ». — « On s'arrangera » : on retarde la fixation duprix, comme le paiement, par un apparent désintéressement, une feinte insouciance, uncrédit temporel qui veut exprimer essentiellement le crédit moral. On n'ose pasaffronter tout nûment, froidement, le pur rapport économique.Les vieux éprouvent le besoin d'humaniser la perception de leur retraite ou d'unmandat postal en remettant une petite pièce à la guichetière. Ce geste est autre chosequ'un pourboire : il refoule la relation économique abstraite en y introduisant unremerciement personnalisé'. La méfiance à l'égard de la relation économique abstraites'étend au chèque postal ou bancaire. Elle se mêle à la méfiance à l'égard de l'inconnuou de l'étranger, trait essentiel de l'ancienne psychologie, et qui est loin d'avoirdisparu. (…)Le prix national brise partiellement la dualité entre marché endogène deconfiance et marché exogène de combat : ce n'est ni un prix d'ami ni un prixd'ennemi. Il impose un troisième marché, anonyme, universel. Certes, des circuitsendogènes résistent autant que possible : ainsi le litre de lait est payé 55 centimes àMenez-Ru, mais déjà 64 centimes au bourg. Toutefois, le troisième marché gagne duterrain avec les progrès de l'économie extérieure.
Le tourisme perturbe également l'ancienne psychologie, ne serait-ce que parce quele touriste est à la fois perçu comme étranger, c'est-à-dire relevant du marché exogène,et comme hôte, c'est-à-dire ayant droit aux faveurs endogènes. Tantôt il est étranger,mais étranger d'un type nouveau, qui, loin de vouloir imposer un prix d'airain, selaisse imposer le prix fort : d'où la tentation pillarde, comme chez cette épicièretrompant consciencieusement sur le poids et le prix. Tantôt il est hôte et bénéficie decadeaux et de services. Tantôt encore on essaie de trouver un tarif à mi-chemin entrehospitalité et exploitation, qui convienne à la tête du client; tantôt enfin, on dégage unmoyen terme en s'aidant des références nationales.(Edgar Morin « La métamorphose de Plozevet — Fayard — 1967).
Document n° 8:
Une économie de marché s'organise autour de marchés : voilà une tautologie. Lemarché est donc une abstraction fondée sur toute une variété de réalités qu'on appelleles marchés. Ces derniers n'existent pas ex nihilo ; non seulement ils sont eux-mêmesdes institutions, mais leur existence dépend elle-même d'un certain nombre d'autresinstitutions. Celles-ci se sont modifiées au cours du temps, pour répondre auchangement des conditions historiques de la production, par exemple.La première de ces institutions est sans doute l'institution juridique. Sans un régime dedroit qui élève une barrière suffisamment efficace contre le risque de spoliation, onconçoit que production et échange n'auraient pu se développer. Le droit de propriétéreste aujourd'hui la pierre angulaire de l'économie de marché. Cette thèse mériterait uneprésentation et une discussion plus amples, mais le passage à l'économie de marché despays de l'Europe de l'Est lui a donné une actualité nouvelle qui suffit à l'illustrer. Larelance de mécanismes de marché a souvent dû être précédée par la définition de droitsde propriété, par exemple, pour les entreprises. L'intervention brutale des mafias
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constitue une réponse caricaturale et crimi-nelle au besoin de règles du jeu quiconditionnent le bon fonctionnement du marché.La seconde «institution», cruciale pour le fonctionnement et le développement dumarché, n'est d'autre que la monnaie. [...]. A ce stade, il convient de remarquer que ledroit et la monnaie - les deux «institutions» clés du marché - relèvent de l'organisationcollective de la société; leur consolidation est allée de pair avec celle des pouvoirsrégaliens de l'État. Sans entrer dans une histoire de la monnaie, et sans ranimer lespolémiques encore actives sur sa gestion étatique, force est de constater qu'en lamatière l'intervention centrale - celle d'une banque centrale hier encadrée par l'État,aujourd'hui indépendante - a été dans le passé, et restera vraisemblablement dansl'avenir, déterminera. Organisation centrale, État et marché apparaissent icicomplémentaires plutôt qu'antagonistes.(Source: Roger Guesnerie, L'économie de marché, Flamarion 1996)
Document n° 9 : La surveillance des autorités étatiques
Depuis quand existe-t-il des législations anti-monopoles ? Si les économistes se sontintéressés depuis longtemps aux conséquences économiqueS de la concurrence, lestextes législatifs et réglementaires et la mise en place d'autorités chargées de les fairerespecter sont beaucoup plus récents. Les premières lois antimonopoles apparaissent auxÉtats-Unis : le Sherman Act, adopté en 1890, suivi, en 1914, du Clayton Act et de lacréation de la Federal Trade Commission. Le Sherman Act fut appliqué pour la premièrefois en 1911 à l'encontre de la Standard Oil, l'empire pétrolier de John Rockefeller, quidut éclater en trente sociétés. Dans l'après-guerre, la législation anti monopoleaméricaine sera utilisée de façon ponctuelle contre quelques grandes entreprises accuséesde position dominante. Le dernier exemple en date est celui de Microsoft. [...]L'article 81 sur les règles de la concurrence au sein de l'Union européenne établit que"tous accords entre sociétés, toutes décisions d'associations d'entreprises et pratiquesconcertées, susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pourobjet (...) d'empêcher , de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieurdu marché commun" sont interdits. La Commission européenne s'est-elle souventopposée à des concentrations ? Non, depuis l'adoption, le 21 décembre 1989, duRèglement sur les concentrations, la Commission n'a donné que onze avis négatifs, soitenviron 1 % des opérations notifiées. Une trentaine ont été autorisées mais moyennantdes aménagements, c'est-à-dire la vente de certains secteurs d'activité. [...]Quel est en France, le rôle du Conseil national de la concurrence ? Cet organisme est uneinstitution indépendante créée le 1er décembre 1986 pour veiller au respect de la libertédes prix, à l'absence d'abus de position consécutive à des concentrations ou à desententes entre entreprises, au libre accès au marché. Le Conseil national de laconcurrence a un rôle consultatif et un rôle contentieux. Il est consulté pour avis par legouvernement, le Parlement, les entreprises, les syndicats, les associations deconsommateurs...Mais il peut aussi infliger des amendes à des entreprises entravant lebon fonctionnement des marchés. Si besoin est, il peut effectuer lui-même des enquêtesou les confier au service de la Direction générale de la concurrence, de la consommationet de la répression des fraudes (DGCCRF) du ministère de l'Industrie, dont la fonctionest de veiller au respect du libre jeu de la concurrence.(Serge Mari, Questions économiques et sociales, Gallimard, Folio-Actuel, 2000)