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38 REVUE FORESTIÈRE FRANÇAISE LE TOURISME ET LES FORÊTS DE LA GOTE VENDÉENNE Au long de 140 kilomètres de côtes vendéennes, les dunes et les forêts domaniales s'étendent sur environ 80 kilomètres. La qualité et la sûreté des plages, la forêt de pin maritime immé- diatement derrière et des conditions climatiques favorables ont attiré ces dernières années un nombre croissant de touristes sur le littoral vendéen et par répercussion sur le domaine forestier. Quel a été l'effet de cet afflux humain sur la forêt et quelles me- sures le Service forestier a-t-il été amené à étudier et à prendre pour faire coexister le tourisme et la forêt? C'est ce que nous nous pro- posons d'exposer dans les lignes qui vont suivre. Esquisse d'une description de la forêt littorale A part quelques rares endroits où un boisement de chêne vert installé sur le rocher borde étroitement le rivage, la forêt du litto- ral vendéen est établie artificiellement sur les dunes plus ou moins anciennes, résultat du travail conjugué du flot et du vent. La collaboration de ces forces de la nature a façonné le visage actuel du littoral entre l'Ile de Noirmoutier et la baie de l'Aiguillon. Cette collaboration qui fut constructive en ce qu'elle a consolidé par un cordon dunaire les terrains en arrière conquis sur la mer, pris par contre un caractère tragique lorsque les dunes ainsi créées se mirent à poursuivre une conquête intérieure. Le décret de 1810 sur la fixation des dunes et ses suites permit là, comme sur la côte landaise, un important travail dont l'aboutisse- ment fut cette longue bande de massifs domaniaux soulignant d'un trait vert le rivage, échelonnés du Nord au; Sud iet d'une largeur va- riant de quelques mètres à 2 kilomètres. Commencés en 1836 par l'Administration des Ponts et Chaussées, 1 500 hectares de dunes étaient déjà reboisés en 1862, quand l'Ad- ministration des Eaux et Forêts prit ces travaux en charge. 1 800 hectares supplémentaires étaient ensemencés en 1876 et actuellement on peut estimer la surface acquise à la forêt de pin à 4 500 hec- tares. Partant des plages, on traverse d'abord une dune littorale dans l'ensemble bien fixée. Après les zones classiques à Psamma arenaria (Gourbet), Ephedra dystachya (raisin des sables) et Helichrysum Stoe-

LE TOURISME ET LES FORÊTS DE LA GOTE VENDÉENNE

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38 REVUE F O R E S T I È R E FRANÇAISE

LE TOURISME

ET LES FORÊTS DE LA GOTE VENDÉENNE

Au long de 140 kilomètres de côtes vendéennes, les dunes et les forêts domaniales s'étendent sur environ 80 kilomètres.

La qualité et la sûreté des plages, la forêt de pin maritime immé­diatement derrière et des conditions climatiques favorables ont attiré ces dernières années un nombre croissant de touristes sur le littoral vendéen et par répercussion sur le domaine forestier.

Quel a été l'effet de cet afflux humain sur la forêt et quelles me­sures le Service forestier a-t-il été amené à étudier et à prendre pour faire coexister le tourisme et la forêt? C'est ce que nous nous pro­posons d'exposer dans les lignes qui vont suivre.

Esquisse d'une description de la forêt littorale

A part quelques rares endroits où un boisement de chêne vert installé sur le rocher borde étroitement le rivage, la forêt du litto­ral vendéen est établie artificiellement sur les dunes plus ou moins anciennes, résultat du travail conjugué du flot et du vent.

La collaboration de ces forces de la nature a façonné le visage actuel du littoral entre l'Ile de Noirmoutier et la baie de l'Aiguillon. Cette collaboration qui fut constructive en ce qu'elle a consolidé par un cordon dunaire les terrains en arrière conquis sur la mer, pris par contre un caractère tragique lorsque les dunes ainsi créées se mirent à poursuivre une conquête intérieure.

Le décret de 1810 sur la fixation des dunes et ses suites permit là, comme sur la côte landaise, un important travail dont l'aboutisse­ment fut cette longue bande de massifs domaniaux soulignant d'un trait vert le rivage, échelonnés du Nord au; Sud iet d'une largeur va­riant de quelques mètres à 2 kilomètres.

Commencés en 1836 par l'Administration des Ponts et Chaussées, 1 500 hectares de dunes étaient déjà reboisés en 1862, quand l'Ad­ministration des Eaux et Forêts prit ces travaux en charge. 1 800 hectares supplémentaires étaient ensemencés en 1876 et actuellement on peut estimer la surface acquise à la forêt de pin à 4 500 hec­tares.

Partant des plages, on traverse d'abord une dune littorale dans l'ensemble bien fixée. Après les zones classiques à Psamma arenaria (Gourbet), Ephedra dystachya (raisin des sables) et Helichrysum Stœ-

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LE TOURISME ET LES FORETS DE LA CÔTE VENDÉENNE 3 9

cha (immortelle des sables), commence, à distance variable, le peu­plement de pin maritime dont la qualité et la densité s'améliorent en s'en fonçant vers l'intérieur.

La forêt de pin se termine avec la dune. Le Marais (Breton ou Poitevin) apparaît ensuite, abrité derrière cette muraille végétale dont le rôle de protection a tendance à être perdu de vue au profit d'une utilisation toute récente aux fins touristiques.

Le tourisme sur le littoral vendéen et le problème qu'il soulève

L'attrait de ces longues plages de sable fin, le charme indéniable des pineraies voisines ont amené, surtout depuis 10 ans, la foule des estivants, baigneurs, campeurs et colonies de vacances sur cette côte où naissent et s'agrandissent chaque année de nouvelles sta­tions balnéaires. t

Pour accéder au rivage et jouir de l'ensemble plage-dune-pins, il n'est pas d'autre moyen que d'emprunter largement les massifs cô-tiers domaniaux. Et c'est justement là où déferle cette foule cita­dine, dont le besoin de détente hors de son ambiance journalière est compréhensible, que la forêt et la dune sont les plus fragiles.

Le forestier avait réussi à créer, après ioo ans d'efforts, un nou­vel équilibre végétal. L'homme est venu là rompre cet équilibre.

On peut distinguer plusieurs formes dans le phénomène touris­tique :

— l'estivant ordinaire vivant avec sa famille en hôtel ou en villa, — le promeneur du dimanche qui se double la plupart du temps

d'un pique-niqueur, — le campeur, — les colonies de vacances. Les deux dernières formes, par leur relative nouveauté et leur

intensité ont, en premier, fait l'objet des préoccupations du Service forestier.

Qu'on ne se méprenne pas sur le sens de ces propos. Nous étu­dions le problème du côté forestier et nous considérons le facteur humain comme l'un des facteurs dont doit tenir compte le gestion­naire de ces forêts et avec lequel il doit travailler. L'aspect social et économique du tourisme n'est pas en cause et son utilité est indéniable. C'est précisément pour cette raison que le forestier, qui ne peut méconnaître l'homme son prochain sans s'attirer de graves déboires, doit s'efforcer d'organiser les ressources touristiques du domaine qu'il gère au mieux de l'intérêt général, mais sous la ré­serve fondamentale d'en assurer la pérennité.

Les chiffres mentionnés ci-dessous et concernant le littoral ven­déen font partie des données du problème :

— Le nombre des estivants a, depuis 1939, au moins triplé et .souvent décuplé dans certaines stations,

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—· Le nombre des campeurs à peu près nul en 1939, s'est élevé en 1956 dans les camps domaniaux à 40.000 environ.

— Le nombre des colonies de vacances établies sur la côte est passé de quelques unités en 1939 à 104 en 1956.

Dès 1946, d'importantes colonies de vacances de la région pari­sienne attirées par les considérations climatiques et géographiques dont il a été parlé plus haut vinrent s'installer en forêt doma­niale de la Barre-de-Monts, soit dans la série proprement dit de la Barre-de-Monts, soit dans la série de Saint-Hilaire-de-Riez. Le mouvement s'intensifiait dans les années suivantes et, bien que Γ Administration forestière n'ait plus consenti d'installation dans les massifs domaniaux eux-mêmes, on peut estimer actuellement à une centaine le nombre de colonies gravitant autour de la fo­rêt domaniale littorale. Ceci peut représenter 12 000 personnes (en­fants et personnel d'encadrement) qui, du 15 juin au 15 septembre de chaque année, fréquentent cette forêt et la dune littorale parallèle, soit un ensemble d'environ 5 400 hectares.

Une masse humaine importante vient donc saisonnièrement peu­pler les dunes et forêts de pin maritime, phénomène récent dont nous devons tenir compte, mais qui, il faut bien le dire, n'entrait pas jusqu'alors dans les prévisions du sylviculteur.

Quels sont donc les effets de ce facteur humain sur les formations végétales qui nous intéressent?

Sur la dune, le piétinement répété à proximité des plages détruit chaque saison la végétation herbacée si fugace qui la recouvre, remet cette dune à sable nu, et le mouvement vers l'intérieur reprend sur un espace limité, mais avec un effet local immédiat de cinglage et de destruction.

Le passage répété pour accéder aux plages coupe la dune, y pro­voque de véritables siffle-vents avec leurs effets bien connus sur l'intégrité de la dune littorale.

Sur le peuplement forestier, indépendamment des déprédations aux arbres, végétaux et semis, des dangers accrus d'incendie, tribut de toute fréquentation par les foules de la forêt, le piétinement, le tassement du sol à l'entour d'un peuplement à étage unique, à la cou­verture vivante et morte des plus réduites, soumis par ailleurs aux actions déprimantes des vents marins, provoquent un abaissement de la longévité des pins maritimes.

Le forestier, est réduit, objectivement, à constater que le dévelop­pement sous toutes ses formes du tourisme sur le littoral vendéen, a des effets dommageables sur la forêt qui le borde, effets qui peu­vent aller, par endroits, jusqu'à mettre en jeu l'existence même de cette forêt et en d'autres points abréger cette existence.

Il est indéniable qu'il y a disparition de la végétation herbacée et forestière lorsque la densité d'occupation humaine est trop im­portante et les moyens de destruction plus perfectionnés. Cette des-

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truction est d'autant plus rapide que les conditions d'existence de cette végétation sont voisines de leurs limites, ce qui est précisé­ment le cas des dunes proches de l'océan. Dans ces conditions li­mites, dès qu'on exclut l'homme, la végétation renaît d'elle-même. Ce fait illustré par maints exemples apaisera la conscience du forestier au regard des clôtures, engrillagements et pancartes comminatoi­res qu'il est trop souvent dans l'obligation de faire sortir du sol à l'endroit même où il s'efforce de faire croître plants ou semis. La « mise en défens » est appliquée là à rencontre de l'homme. Aussi pénible que soit pour ce dernier cette constatation, il est nécessaire de l'énoncer en souhaitant qu'une éducation du grand public qui

Ile de Noirmoutier. Enherbement naturel de la dune après clôture.

(Cliché Rivailkm.)

fréquente de plus en plus ces massifs permette rapidement de rem­placer ces installations défensives mais inesthétiques par un simple rappel au respect de la Nature.

Le grand ¡public ne sent pas, la plupart du temps, la fragilité de cette forêt de pin des dunes, création récente du forestier et non soumise encore à l'épreuve du temps. Il en apprécie le charme, mais rares sont les initiés qui conçoivent que cette forêt, qu'ils connais­sent depuis de nombreuses années, est mortelle, si on ne la soigne pas, si on ne la protège pas contre les excès des usagers.

Comme il ne peut être question d'envisager1 la disparition, voire la diminution du tourisme, qui a son rôle social et son importance éco­nomique, il faut donc que le forestier s'efforce de faire coexister la forêt de pin maritime d'une part et une forte densité, heureuse­ment passagère, d'occupation humaine.

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Bais de la Chaise (Ile de Noirmoutier). Sentier de circulation réglementée.

Semis naturels de pin maritime à gauche du sentier. (Cliché Rivaillon),

Solutions adoptées sur la côte vendéenne

Le problème dît camping en forêt

Ce problème fut le premier abordé. L'Administration l'avait déjà réglementé dans sa généralité. M. l'Ingénieur MOREL, en 1951, ren­contrant en cela la compréhension des Services préfectoraux et ceux de la « Jeunesse et des Sports » faisait réglementer strictement le camping sur la côte vendéenne et créait dans les divers massifs litto­raux un certain nombre de camps ouverts à tous les fervents munis d'une licence. La gestion de ces terrains était confiée généralement aux municipalités qui, pour la plupart, virent aussitôt l'intérêt local de telles créations. Toute installation de camping dans les massifs hors de ces emplacements est formellement prohibée.

Quatorze camps sont actuellement ouverts au long du ruban boisé domanial, de la Tranche-sur-Mer à Noirmoutier.

Une convention règle les rapports avec les municipalités. Sont précisés, entre autres, les conditions de gardiennage, le nombre maxi­mum de tentes, la réparation des dommages.

Les emplacements sont choisis sous des peuplements âgés, de pré­férence. On tente d'assurer le maintien de l'état boisé, soit par des plantations de hautes tiges (Cupressus macrocarpa, Acer platanoï-

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des, Populas nivea), sous lesquelles la vie du camp peut continuer, soit par des ensemencements en pin maritime sur des surfaces de quelques ares soustraites au public. Cette dernière solution oblige à envisager un déplacement tournant du camp autour d'une base for­mée par les installations permanentes strictement indispensables de gardiennage et d'hygiène.

Cette formule du camp n'est certes pas parfaite. Si, pour le Ser­vice forestier, elle présente dans l'immédiat l'énorme avantage de former abcès de fixation sur un point donné pour sauvegarder l'en­semble du massif, pour l'utilisateur par contre, il ne peut y trouver qu'une organisation assez rudimentaire.

Les formes juridiques à donner à l'occupation du sol domanial, les nécessités sylvicoles et l'obligation d'un déplacement partiel à prévoir pour reconstituer le peuplement, sont autant de motifs qui rendent précaire cette occupation, ce qui ne permet guère aux com­munes d'y réaliser les aménagements que souhaiteraient y trouver nombre de campeurs.

La forme primitive du camping, réaction dont parle M, le Con­servateur JONGLEZ (Le Camping et la Forêt. R. F. F., juin 1949) contre la vie artificielle, encore très répandue parmi les fervents, tend actuellement à évoluer vers une forme plus raffinée, où la re­cherche d'un certain confort se fait jour et dont l'aboutissement présent est le village de toile. L'eau sous pression, les douches, le branchement électrique... sont pour certains des besoins que le camp en forêt domaniale dans sa forme actuelle ne permet pas de satis­faire.

Culturalement parlant, de plus, l'installation de tentes sous les arbres et le piétinement qui en résulte sont difficilement conciliables avec une vie longue de ceux-ci. Aboutir, par une substitution d'es­sences, à la faveur de l'introduction de hautes tiges, à un peuple­ment feuillu à étage unique du genre parc, ne nous paraît pas une solution parfaite. Que deviendra un tel parc non étoffé par une vé­gétation arbustive de soutien, soumis aux attaques conjuguées et ré­pétées des vents marins, du cinglage et du piétinement?

La solution d'avenir vers laquelle, à notre avis, on doit tendre est l'implantation de centres stables sur terrains appartenant à des organismes qualifiés et pourvus d'aménagements répondant aux be­soins modernes d'un camping de plus en plus perfectionné.

Le problème de la coexistence du campeur et de l'arbre ne sera toutefois pas résolu. Faire vivre le camp sous les arbres (le pin maritime surtout) c'est réduire la durée de vie de ceux-ci. Installer les campeurs en terrain dénudé, c'est diminuer l'intérêt de cette pra­tique.

La conciliation ne doit-elle pas être recherchée dans une forme végétale tenant du « parc par bouquets », laissant des alvéoles sans végétation arbustive réservés aux emplacements de tentes? Ces al-

Terrain de camping en forêt domaniale. Régénération par placeaux ensemencés eu pin maritime et soustraits au public.

Terrain de camping en forêt domaniale. <— Régénération par hautes tiges

sous un peuplement suranné.

Plantation de hautes tiges sur terrain concédé à une colonie de vacances.

(Clichés Rivaillon.)

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véoles seraient entourés par des manchons de verdure composés d'une sorte de taillis-sous-futaie, où, feuillus et résineux en mé­lange issus de hautes tiges, constitueraient la futaie. Cette futaie se­rait enveloppée à la base dans un taillis formé par une végétation d'arbustes où Ton rencontrerait le robinier, le saule nain, le tama­ris, les genêts, l'ajonc par exemple. Des bouquets de Cupressns ma­crocarpa et C. arizonica compléteraient du côté des vents dominants cet ensemble dont le caractère composite serait une garantie de so­lidité. On arriverait ainsi à un parc « clairière » où les usagers jouiraient d'un abri végétal latéral et où l'impression de camp fe­rait atténuée par le cloisonnement.

Le problème des Colonies de vacances

L'implantation dont nous avons parlé plus haut, de colonies de vacances en forêt domaniale souleva aussitôt de graves problèmes pour le Service forestier.

Le cadre juridique à donner à l'occupation du ¿ol devait être trou­vé, garantissant à la fois aux colonies une durée suffisante pour leur permettre l'amortissement d'installations assez importantes, et au Service forestier la possibilité de continuer sa gestion pour assurer la vie et le maintien de ces forêts de protection.

Onze colonies vivent ainsi en forêt domaniale et bénéficient d'un contrat de location auquel est annexé un plan de gestion des peu­plements utilisés par la colonie, prévoyant des repeuplements soit par voje de semis sur placeaux clôturés, soit par hautes tiges.

La superficie dévolue à cloaque colonie est assez vaste pour per­mettre, en dehors de l'implantation des bâtiments, une vie des en­fants à l'intérieur d'une parcelle boisée suffisamment grande pour diminuer l'intensité unitaire de piétinement. On a admis qu'il était indispensable que la densité d'occupation ne dépasse pas 15 à 20 personnes à l'hectare pour pouvoir être supportée par le peuplement de pin maritime.

La circulation et le stationnement sur la dune littorale que les enfants doivent franchir à l'aplomb de la concession pour accéder à la plage ont été réglementés. Pour éviter la formation des siffle-vents, on a demandé à chaque colonie l'installation d'une passerelle reposant sur poteaux, surplombant la crête de la dune et permettant aux clayonnages de protection de jouer leur rôle et à la dune de s'enherber.

Enfin, dans l'aménagement du massif de St-Hilaire-de-Riez (540 ha avec 7 colonies à l'intérieur), on a considéré chaque concession comme une unité de gestion et d'exploitation, essayant d'intégrer ainsi la colonie à la vie forestière du massif, s'efrbrçant d'arriver avec le minimum de heurts à faire coexister une sylviculture de protection avec ces groupements humains.

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Passerelle de franchissement de la dune littorale à l'aplomb d'une partie concédée à une colonie de vacances.

(Cliché Rivaillon.)

A côté de ces colonies implantées dans les forêts domaniales, exis­te un nombre grandissant d'organisations de vacances pour enfants et adolescents qui fixées à proximité des massifs et attirées par eux, itti lisent en fait plus ou moins la forêt.

Aucun contrat ne peut régler les rapports de ces utilisateurs pas­sagers du sol domanial avec l'Administration. C'est vers l'éducation forestière des cadres des colonies qu'il faut se tourner, ces cadres eux-mêmes imprégnant ensuite leurs jeunes colons des notions es­sentielles d'une protection de la forêt et de la Nature.

Dans l'immédiat, le service de gestion doit agir par sa présence, ses conseils, une réglementation souple mais nécessaire des passa­ges, jeux, promenades en forêt, tendant à substituer dans l'esprit des usagers à la notion de la forêt « bien sans maître », celle d'une richesse que le Service forestier est chargé de conserver pour le bien de tous, ce qui implique, pour chacun, des restrictions d'utilisa­tion.

Le problème du touriste isolé et du pique-niqueur

Cette dernière forme du phénomène touristique soulève sur le littoral vendéen les mêmes problèmes que partout ailleurs.

Les pérégrinations du rêveur solitaire amant de la Nature, la promenade du dimanche en famille, étaient des formes de tou­risme qui, naguère, préoccupaient peu le forestier parce que peu répandues. La progression des moyens de déplacement augmente chaque année le flot des promeneurs dominicaux, la plupart du temps également pîque-niqueurs.

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Le développement de ce tourisme, sa dispersion hors de toute surveillance, l'absence bien souvent d'éducation forestière de ceux qui le pratiquent, sont autant de raisons pour le forestier d'être vigilant à leur égard.

Ce facteur humain, peu important lorsque l'on, n'avait affaire qu'à quelques sujets isolés, devient préoccupant par l'amplitude qu'il prend. Au bois de la Chaize, dans l'île de Noirmoutiers, par exem­ple, certaines journées d'août, 60 cars déversent sur ces 18 hectares plus de 2 000 visiteurs auxquels il faut ajouter les occupants de 300 voitures de tourisme. Le risque accru d'incendie n'est pas le moindre danger. La propreté de la forêt, bien que ne touchant pas directement le sylviculteur, ne saurait être négligée sans faire mon­tre d'étroitesse d'esprit.

Qu'a-t-on entrepris pour faire coexister dans une relative har­monie le touriste et la forêt? Peu de choses en vérité, sinon quel­ques slogans lancés par-ci par-là, quelques pancartes incitant au pique-nique dans des endroits réservés à cet usage, corbeilles à pa­pier gras ou fosses à ordures nettoyées, quand on y pense! Quant aux moyens de coercition, notre vieux Code Forestier doit être quel­que peu malmené pour servir à cet objet et la présence tracassière du personnel de surveillance, d'ailleurs insuffisant, si elle est néces­saire pour limiter les dommages, ne résoud pas par elle-même le problème.

L'éducation forestière et touristique du grand public paraît le remède. Si celle du campeur et du moniteur de colonie est en bonne voie, beaucoup reste à faire pour l'éducation du touriste isolé. Il est curieux de penser, que demander à des pique-niqueurs de rem­porter dans leurs bagages les papiers qu'ils ont pris la peine d'ap­porter, peut paraître une brimade, alors qu'il serait plus normal de considérer ce geste comme une marque de courtoisie envers la forêt qui les a reçus.

Rôle important en cela des éducateurs et du forestier, ce dernier étant à l'origine du mouvement, par l'enseignement qu'il peut don­ner aux élèves-maîtres et aux moniteurs.

Conclusion

Nous avons parlé des possibilités touristiques de la forêt du lit­toral vendéen. Le forestier se doit de ne pas ignorer ces possibilités ; c'est une ressource importante du pays qu'il s'agit d'employer au mieux du bien commun. Mais qui parle d'utilisaton d'une ressource vivante doit aussitôt se préoccuper d'en éviter l'épuisement, d'en as­surer le renouvellement.

L'abaissement de la durée moyenne de vie des arbres, les mesu­res spéciales à prendre pour une régénération plus difficile de ces massifs par suite de la présence du touriste, concrétisent en somme

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les effets de cette présence. Il faut admettre ces faits dans un syl­viculture de ces forêts et leur faire une place dans les aménagements. On acceptera donc, sous l'influence du facteur humain, une réduc­tion de l'âge d'exploitabilité des arbres (de io à 20 ans peut-être) et Ton agira en conséquence en intensifiant les reboisements.

Mais le gestionnaire va aussitôt se demander comment il financera ce travail. En d'autres termes, qui paiera ces produits indirects issus de la forêt domaniale que sont les « cures de retour à la nature » imposées périodiquement à nos contemporains par la vie moderne? Il serait logique que ce soit l'utilisateur lui-même, et nous suggé­rons l'idée d'un « fonds touristique forestier » extension du projet de « fonds de camping » évoqué par M. le Conservateur JONGLEZ dans son article déjà cité.

En résumé, quels principes d'action peut-on donner actuellement pour servir de guide au forestier dans son effort pour concilier la vie de la forêt et son utilisation intense par l'homme à des fins touristiques? La forêt devra s'organiser pour supporter une certaine densité d'occupation, mais jusqu'à une limite à ne pas franchir sans risque de compromettre sa vie même. Les humains, eux, devront se discipliner et s'astreindre à ne pas dépasser cette densité.

Les directives suivantes sont, nous semble-t-il, à retenir en con­clusion de ces lignes :

i° discipliner, canaliser les estivants sur des itinéraires, chemins, sentiers à retenir en fonction de leur commodité et de leur carac­tère touristique;

2° constituer des zones de mise en défens ; 3° prévoir une densité limite d'occupation ; 4° aménager des zones moins dommageables, moins fragiles et

orienter les activités nouvelles vers ces zones. P . RlVAlLLON,

Ingénieur des Eaux et Forêts à La Roche-sur-Yon.

ANNEXE

« A la suite de travaux réalisés depuis 4 ans, il nous est possible de donner quelques chiffres à considérer comme des moyennes et donc sujets à varia­tions locales, mais qui peuvent néanmoins guider nos camarades s'attaquant aux mêmes problèmes :

— Prix moyen d'achat et de mise en place d'un plant de haute tige : 600 F. — Densité de plantation des hautes tiges : 200 à l'ha. — Valeur actuelle des travaux mis en charge pour assurer le maintien de

Tétat boisé et la fixation du sol: — Colonies de vacances :

700 à 1 000 F par hectare loué et par an. Tous les 6 ans, après passage des coupes : 5 000 F par hectare.

— Terrains de camping: 10 000 F par ha occupé et par an.

(Les prix de location sont fixés par les Domaines — au pourcentage des recettes pour les terrains de camping) ».