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ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES Marc FIEVET : leçons d’économie leçon 8 1 LEÇON 8 : INFLATION, CHOMAGE & POLITIQUES ECONOMIQUES MACRO-OBJECTIFS (dossier pédagogique de l’UE) 1. d’analyser et critiquer les problèmes liés à la croissance économique : chômage, inflation, stagflation, épuisement des ressources naturelles, ... ; 2. mettre en évidence et évaluer les politiques économiques mises en œuvre par les pouvoirs publics ; 3. analyser et confronter les fondements des principaux mouvements théoriques (classique, keynésien, monétariste, ...) en saisissant leurs relations avec les phénomènes politiques et sociaux. OBJECTIFS : Au cours de cette leçon, l’étudiant va : 1. appréhender le phénomène inflationniste ; 2. analyser les causes de l’inflation et en considérer les conséquences ; 3. appréhender la problématique du chômage ; 4. en analyser les fondements théoriques ; 5. analyser l’évolution, les causes et les conséquences du chômage persistant né avec la crise des années 1970 ; 6. dégager la relation à court terme entre inflation et chômage à travers la courbe de PHILLIPS et en considérer les conséquences à court terme et à long terme ; 7. découvrir l’importance de la relation entre la croissance et le chômage à travers la loi d’OKUN ; 8. analyser et critiquer les politiques économiques de lutte contre l’inflation et le chômage. PLAN : SECTION 1 : L’INFLATION SECTION 2 : LE CHOMAGE SECTION 3 : LA RELATION INFLATION CHOMAGE : LA COURBE DE PHILLIPS SECTION 4 : LA RELATION CROISSANCE CHOMAGE : LA LOI D’OKUN SECTION 5 : POLITIQUES ECONOMIQUES RESUME & QUESTIONS DE REVISION.

LEÇON 8 : INFLATION, CHOMAGE & POLITIQUES … 2016 08.pdf · corrélation entre la croissance de la masse monétaire et le taux d’inflation mensuel. Mais pourquoi la masse monétaire

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Marc FIEVET : leçons d’économie leçon 8

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LEÇON 8 : INFLATION, CHOMAGE & POLITIQUES ECONOMIQUES

MACRO-OBJECTIFS (dossier pédagogique de l’UE) 1. d’analyser et critiquer les problèmes liés à la croissance économique : chômage, inflation, stagflation, épuisement des ressources naturelles, ... ;

2. mettre en évidence et évaluer les politiques économiques mises en œuvre par les pouvoirs publics ;

3. analyser et confronter les fondements des principaux mouvements théoriques (classique, keynésien, monétariste, ...) en saisissant leurs relations avec les phénomènes politiques et sociaux.

OBJECTIFS : Au cours de cette leçon, l’étudiant va : 1. appréhender le phénomène inflationniste ;

2. analyser les causes de l’inflation et en considérer les conséquences ; 3. appréhender la problématique du chômage ;

4. en analyser les fondements théoriques ; 5. analyser l’évolution, les causes et les conséquences du chômage persistant né avec la crise des

années 1970 ; 6. dégager la relation à court terme entre inflation et chômage à travers la courbe de PHILLIPS et en

considérer les conséquences à court terme et à long terme ; 7. découvrir l’importance de la relation entre la croissance et le chômage à travers la loi d’OKUN ; 8. analyser et critiquer les politiques économiques de lutte contre l’inflation et le chômage. PLAN : SECTION 1 : L’INFLATION SECTION 2 : LE CHOMAGE SECTION 3 : LA RELATION INFLATION – CHOMAGE : LA COURBE DE PHILLIPS SECTION 4 : LA RELATION CROISSANCE – CHOMAGE : LA LOI D’OKUN SECTION 5 : POLITIQUES ECONOMIQUES RESUME & QUESTIONS DE REVISION.

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SECTION 1 : L’INFLATION

Objectif 1 : appréhender le phénomène inflationniste.

Indice des prix à la consommation 2012 sur base : (Source : BNB.)

1914 1953 1966 1975 1988 1996

22.727 752,78 579,42 355,74 170,74 139,12

Les prix à la consommation ont augmenté de 70% depuis 25 ans, ou encore ont été

multipliés par 227 en un siècle !1

L’inflation se définit comme la hausse soutenue du niveau général des prix, la

déflation étant le phénomène inverse (à ne pas confondre avec la désinflation qui

signifie baisse du taux d’inflation).

L’inflation peut se situer à plusieurs niveaux (les taux donnés étant indicatifs) :

faible (quelques pourcents/an) ;

forte (> 8 - 15%) ;

galopante (> 20% - ???).

L’INFLATION GALOPANTE, PROBLEMATIQUE

Durant les années 1970 et 1980, nos pays ouest-européens ont connu une inflation forte

(jusqu’à 14%/an), tandis que des nations sud-européennes qui appartiennent aujourd’hui à

l’UE comme la Grèce, l’Espagne, le Portugal, l’Italie ont subi durant ces mêmes années une

inflation galopante. Nombre de pays d’Asie, d’Afrique, d’Amérique Centrale et Latine

(Mexique, Argentine, Pérou) ont vécu des décennies avec des taux d’inflation de 9-10%

MENSUELS, ce qui représente plus de 300% par an ; autrement dit, les prix TRIPLENT sur

une année ! L’inflation galopante engendre d’importants dysfonctionnements :

les épargnants s’appauvrissent, car les taux d’intérêt réels sont largement négatifs

(rappel : taux réel = taux nominal – inflation) ;

la monnaie locale perd constamment de sa valeur et est souvent évincée par une devise

forte (en général, l’USD), dans laquelle les contrats sont indexés ;

les agents économiques fuient devant cette monnaie locale (s’en débarrassent au plus

vite), en faisant plutôt des réserves de biens ou en plaçant à l’étranger, asséchant ainsi

les marchés financiers nationaux ;

1 En France, les salaires annuels des travailleurs sont en 1913 pour la plupart compris entre 1.000 et 1.300 FF (il s’agit des anciens

francs, antérieurs à la réforme monétaire de 1959). A prix constants, 100 FF de l’époque valent 336 € d’aujourd’hui. Ainsi, un

instituteur débutant gagne 1.100 FF/an, ce qui correspondrait aujourd’hui à un revenu annuel de 3.700 € ; l’impôt sur le revenu

n’est instauré qu’en 1914. Aujourd’hui, un instituteur débutant (« professeur des écoles ») gagne environ 20.000 €/an nets. On

voit que le pouvoir d’achat a été multiplié par 5,5 ; mais vit-il mieux, compte tenu de ses besoins dans la société actuelle ?

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le gouvernement s’endette en devises, et il doit rembourser au prix fort en terme de

monnaie nationale (puisque les devises ne cessent de s’apprécier), créant ainsi des dettes

publiques astronomiques qui hypothèquent l’avenir et rendent dépendant des créanciers

internationaux (et notamment du FMI2).

CATASTROPHIQUE : L’HYPERINFLATION

De telles situations vous paraissent peut-être aberrantes, mais il y a bien pire :

l’HYPERINFLATION, qui est une situation kafkaïenne mais hélas réelle dans laquelle les prix

augmentent de plusieurs milliers voire plusieurs millions de pourcents (!) par an. La

plus célèbre est celle qu’a connue l’Allemagne3 en 1922-1923 ; d’août 1922 à novembre

1923, les prix ont été multipliés par … 10 milliards !!! Anecdote : en 1913, la masse

monétaire en Allemagne était de 6 milliards de marks ; en octobre 1923, 6 milliards de marks

étaient nécessaires pour acheter un simple pain de 1kg, qui vaudra un mois plus tard 428

milliards de marks ! Ci-dessous, billet de … 200 milliards de marks, 1923.

Source : histoire-geo-première.blogspot.com source : www.euporos.ch

D’autres pays ont également connu des périodes d’hyperinflation, notamment :

la Hongrie, en 1945-1946 ; en juillet 1946, l’inflation atteint 158.000%/jour, ce qui fait un

doublement des prix … par minute ; le $ vaut … 4,7 * 1029 pengos (monnaie locale) ;

la Pologne : entre 1918 et 1923, le mark polonais sera dévalué de 80.000 fois par rapport

au dollar US ; la masse monétaire passe de 8 milliards à 125.000 milliards ;

la Grèce, en 1943-1946 ; la nouvelle drachme sera mise en circulation au taux de 50

milliards d’anciennes drachmes.

Plus proche de nous dans le temps, la Serbie (Yougoslavie4) en a connu une durant les

années 1990 (« guerre de Bosnie ») ; en 1993, le taux d’inflation était de 10% … par jour, ce

qui représente en taux annuel 4 milliards de pourcents par an. A cette époque, une barre

chocolatée valait quelques millions de dinars, un magnétoscope 20 milliards ! Plus proche

encore, le Zimbabwe en 2008-2009 (sur 12 mois, 220.000.000% « officiellement »)

2 Fonds Monétaire International, voyez la leçon 9.

3 Dite de la « République de Weimar », après la défaite de 1918, la fin de l’empire et le Traité de Versailles.

4 La Yougoslavie était composée d’une mosaïque de nationalités. Lors de la chute des régimes communistes, chacune proclama

son indépendance, entraînant en Bosnie-Herzégovine un conflit territorial, ethnique et religieux entre les bosniaques (musulmans)

et les serbes de Bosnie (slaves et orthodoxes), soutenus par la Serbie et ce qui restait de l’armée nationale yougoslave.

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1.000.000.000 de pengö hongrois 10.000.000 de dinars yougoslaves Zimbabwe : 50 trillions = 2,5 USD !!!

L’HYPERINFLATION : POURQUOI ?

Nous savons que la croissance de la masse monétaire agit sur le niveau général des prix

(équation quantitative de la monnaie). Dans les cas cités ci-dessus, il y a une très forte

corrélation entre la croissance de la masse monétaire et le taux d’inflation mensuel. Mais

pourquoi la masse monétaire croît-elle à ce rythme ? La réponse est en général simple :

les déficits publics sont si importants que le gouvernement ne peut les financer que

par la création monétaire (monétisation de la dette), et non par la fiscalité.

Cette situation fait en général suite à une crise économique ou sociale d’importance (guerre

classique ou civile, révolution, chute drastique du prix des exportations). En Allemagne, la

dette apocalyptique résulte entre autre des réparations imposées par le Traité de Versailles5.

La production Y ne pouvant croître au même rythme que la masse monétaire M, l’équation

quantitative nous montre que la réponse à la croissance galopante de M, c’est l’augmentation

importante de P. C’est alors que le phénomène s’amplifie : le pouvoir d’achat de la monnaie

se dépréciant à toute vitesse, les agents économiques s’en défont au plus vite, et donc la

vélocité de la monnaie augmente. Visualisons le processus à l’aide de l’équation

quantitative : (1) M V = P Q ; (2) M V = P Q, et même P Q

Le système de transaction devient inefficace ; il devient impossible pour les agents

d’anticiper l’inflation ; le prêt est risqué, le marché du crédit se restreint jusqu’à devenir

inexistant. Mais plus encore, l’hyperinflation modifie considérablement la répartition des

richesses, ruine la « classe moyenne » et détruit le tissu social de la société ; nombre

d’historiens estiment qu’Hitler est « l’enfant de l’hyperinflation ».

JUGULER L’HYPERINFLATION

Pour stopper une hyperinflation (ou une inflation galopante), il appartient au gouvernement

de prendre des mesures qui touchent à la fois ses recettes et ses dépenses :

réduction des dépenses et du déficit budgétaire, et réforme fiscale ;

éventuellement, moratoire sur les dettes extérieures ;

engagement de la banque centrale à ne plus monétiser la dette publique ;

5 Le Traité de Versailles signé le 28 juin 1919 imposait à l’Allemagne des pertes territoriales importantes (et donc de ressources

considérables) et des réparations financières à hauteur de 269 milliards de mark-or, soit plus d’une année de PIB ! Ce fut l’une des

causes de l’avènement au pouvoir d’Hitler. Contrairement à ce que l’on imagine, la RFA (Allemagne de l’Ouest), puis

l’Allemagne réunifiée continuèrent à assurer des paiements ; le dernier eut lieu en … septembre 2010 !

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réforme monétaire (Rentenmark en Allemagne en 1923) ; notons que le « marché »

remplacera la monnaie locale par une devise étrangère forte et stable (Deutsche Mark en

Serbie durant les années 1990, USD dans les pays d’Amérique Latine) ;

éventuellement, contrôle des prix et des salaires pour coordonner les anticipations.

L’INFLATION : UN PHENOMENE ANCIEN & RECURRENT

L’inflation semble être propre aux systèmes économiques. Deux économistes britanniques,

Sir Henry Phelps-Brown et Sheila Hopkins6, ont publié un essai sur l’inflation en Angleterre

depuis ... 1270 ! Quatre périodes inflationnistes importantes s’en dégagent :

une faible tendance longue aux XVIème et XVIIème siècles, notamment expliquée par l’afflux

d’or du Nouveau Monde (équation quantitative) ;

une inflation plus courte, mais plus marquée, durant les guerres napoléoniennes7 ;

des phénomènes identiques lors des guerres 1914-1918 (UK : 250% ; France : 450% ;

Allemagne : 1125%) et 1940-1945.

Nous remarquons durant la période 1815 – 1914 une remarquable stabilité des prix. En

moyenne, l’inflation n’a pas excédé 0,2%/an, ce qui provoque juste un doublement des prix

en un siècle ((1,002)100). Une des raisons en est le système d’étalon-or et l’application du

« currency principle » (cfr leçon 6, section 1), qui limite les possibilités de création monétaire.

Dans ce cadre, avec une croissance de la production continue (bien que faible), l’équation

quantitative montre une stabilité des prix, et même une possibilité de légère déflation, sauf

découverte d’importants gisements aurifères.

L’inflation est beaucoup plus importante durant les années 1970-1985, due essentiellement

aux chocs pétroliers. Mais alors que durant les siècles précédents, des périodes de déflation

succédaient aux périodes d’inflation, ce n’est plus le cas depuis 1945 ; la dernière véritable

déflation date de la crise des années 1930, et l’inflation actuelle semble être devenue

structurelle. Toutefois, vu la très faible inflation enregistrée depuis 2009, et les mesures

d’austérité prises dans le cadre de l’assainissement des finances publiques, des économistes

se demandent si l’on n’entre pas dans une phase déflationniste. Quelles sont les causes de

l’inflation ? Ses mécanismes ? Et ses conséquences? Après avoir étudier les instruments de

mesure de l’inflation, analyse.

6 Seven Centuries of the Prices of Consumables compared with Builders’ Wage-rates, in Economica, New series, Vol 23, n° 92,

Nov. 1956, pp 296-314. 7 C’est-à-dire une période qui va de 1799 à 1815, bien que les guerres aient débuté en 1792.

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LA MESURE DE L’INFLATION : LES INDICES DE PRIX

Comme nous l’avons vu à la leçon 5, la vraie mesure de l’inflation est le déflateur du PIB.

Celui-ci est complexe à calculer, et comprend tous les biens et services qui composent le PIB,

dont nombre ne font pas partie de la consommation courante des ménages. Afin notamment

d’ajuster régulièrement le pouvoir d’achat des ménages, on utilise l’indice des prix à la

consommation, couramment dénommé INDEX. Celui-ci ne comporte qu’un certain nombre

de biens et services sélectionnés, affectés d’une pondération supposée refléter « le panier

de la ménagère », c’est-à-dire la consommation moyenne des ménages, et non l’ensemble

des composantes du PIB. Dans les faits, il existe en Belgique plusieurs indices de prix à la

consommation : indice « national », indice « santé », indice « lissé ».

Pondération des différentes groupes de produits et services dans l’indice national

Source : www.statbel.fgov.be

Les prix de ces produits sont collectés chaque mois et comparés. L’indice est le résultat du

calcul de l’évolution de ces prix, pondérée par rapport à leur importance dans le budget des

ménages (attention : des ménages en général tendance à défavoriser les ménages les plus

modestes pour qui par exemple le loyer ou les dépenses en produits énergétiques

représentent une plus grande part dans le budget que pour la moyenne nationale).

En 1994, pour éviter les dérapages des salaires des années 1992-1993 et la perte de

compétitivité des entreprises, le Gouvernement a décidé de sortir certains produits du

panier, à savoir ceux qui influençaient celui-ci de façon démesurée, notamment à cause des

augmentations fréquentes des droits d’accise8 : alcool, carburants et tabac. Notons qu’une

forte baisse du prix des carburants peut alors amener l’indice général sous l’indice-santé.

L’indice santé augmente donc en principe moins que le coût réel de la vie. De façon à ne pas

répercuter trop vite (et avec des écarts trop importants) des hausses (ou baisse) de prix et

donc d’amenuiser l’impact des hausses de courte durée, on utilise depuis 1983 (donc avant

l’introduction de l’indice « santé ») un indice lissé qui prend en compte la moyenne des 4

derniers mois.

8 Les droits d’accises sont des taxes fixes calculées sur la quantité (et non ad valorem).

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A titre d’exemple, en juillet 2015, l’indice national sur base 2013 était de 101,01, l’indice

santé de 101,37 et l’indice lissé (santé) de 100,669. (source : SPF Economie)

Afin d’effectuer des comparaisons au sein de l’UE, on utilise un indice des prix harmonisé,

basé sur une méthodologie identique à celle des IPC nationaux. Chaque pays calcule son

IPCH, puis l’IPCH européen est calculé comme la moyenne des IPCH nationaux pondérée par

les parts des pays par rapport aux dépenses de consommation des ménages dans le total de

la zone.

INFLATION : L’INDEXATION AUTOMATIQUE DES SALAIRES

La Belgique et le Luxembourg sont les seuls pays où les salaires sont indexés

automatiquement. Deux systèmes sont en vigueur, selon les secteurs :

on sait quand, mais pas combien : les salaires sont indexés à date fixe ;

on sait combien, mais pas quand : les salaires sont indexés chaque fois que l’indice des

prix dépasse un indice-pivot, de 2% en 2% ; c’est le cas dans la fonction publique.

Source : SPF Economie

L’indexation est avantageuse pour les travailleurs, qui ne doivent pas négocier la simple

adaptation de leur pouvoir d’achat. Elle est par contre contraignante pour les employeurs,

dont l’Etat. Elle peut provoquer des pertes de compétitivité pour les entreprises, notamment

si l’inflation est plus élevée que dans les pays concurrents commerciaux (France, Allemagne,

Pays-Bas, …). Le système est très critiqué par l’UE, le FMI, l’OCDE10 …

Plusieurs solutions « alternatives » peuvent être envisagées :

retirer de l’index tous les produits énergétiques, annihiler les hausses de TVA, … ;

espacer les indexations dans le temps, ou appliquer des « sauts d’index » ;

9 « Conformément à la loi du 23 avril 2015 concernant la promotion de l'emploi, l'indice santé lissé reste bloqué au niveau de mars

2015 (soit 100,66 points) tant que la moyenne arithmétique des indices santé des quatre derniers mois, multipliée par un facteur de

0,98, ne dépasse pas le niveau de mars 2015 » (texte SPF économie). 10

OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Economique, créée en 1961 à partir de l’OECE (Organisation

Européenne de Coopération Economique créée en 1948 pour administrer le plan Marshall) ; l’OCDE regroupe 34 pays ; voyez le

site www.ocde.org

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indexer en euros et non plus en pourcentage (désavantage pour les hauts salaires) ;

utiliser comme indice le déflateur du PIB, plus stable ;

appliquer systématiquement la modération salariale11.

Source : Le Vif/Express du 9 novembre 2012

11

Une loi prévoit d’ailleurs cette modération : en principe, les salaires ne peuvent évoluer plus vite que la moyenne dans les trois

pays voisins : France, Allemagne, Pays-Bas, indexation comprise. Donc, si les salaires de ces pays ont augmenté en moyenne de

4,8% sur deux ans, et que l’on prévoit une indexation/an (soit en 2 ans 4,04%), la marge de manœuvre des partenaires sociaux est

alors de 0,76% sur 2 ans. Les fréquents dérapages montrent que cette loi n’est pas systématiquement appliquée.

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Objectif 2 : analyser les causes de l’inflation et en considérer les conséquences.

LES ECONOMISTES DISTINGUENT ESSENTIELLEMENT DEUX MECANISMES : L’INFLATION PAR LA

DEMANDE ET L’INFLATION PAR LES COUTS.

EQUATION QUANTITATIVE & EXCES DE DEMANDE

Nous avons déjà mis en exergue l’explication monétaire (équation quantitative de la

monnaie : M.V = P.Q. Les Classiques expliquaient ainsi l’inflation consécutive à l’afflux des

métaux monétaires. Milton FRIEDMAN donne une explication contemporaine :

l’inflation est due à un accroissement anormalement rapide de la masse monétaire

M par rapport à la production Q.

C’est là la conséquence de certaines politiques économiques par lesquelles l’Etat dépense plus

qu’il ne reçoit, monétise sa dette publique, et injecte dans le système de l’argent au titre

d’« Etat-Providence ». Cette économie d’endettement, renforcée par le recours systématique

au crédit à la consommation, serait la cause structurelle de l’inflation.

Cette explication est compatible avec celle de l’inflation par excès de demande (concept

keynésien) : l’inflation se produit lorsque la demande totale est supérieure aux

capacités de production (produit potentiel YPE aux niveaux donnés de K et L) ; l’output ne

peut plus s’accroître et la demande trop forte provoquera une hausse des prix.

Dans le schéma OG-DG, la courbe OGCT devient verticale dès que le plein-emploi est atteint,

s’accompagnant d’une augmentation du prix des biens et services ET des salaires

nominaux (wnom), la main-d’œuvre devenant rare. Dans la réalité, on constate que P et

wnom montent avant que le plein-emploi ne soit atteint, notamment parce que ce niveau de

plein-emploi n’est pas atteint simultanément dans tous les secteurs ; les salaires et les prix

augmentent dans les secteurs « saturés » alors que le chômage subsiste dans les autres.

INFLATION PAR LES COÛTS : INFLATION IMPORTEE : PRIX & DEVISES

cause n°1 : une hausse autonome des prix des matières premières due à une

augmentation de la demande mondiale, ou encore à un contrôle de l’offre par les

producteurs (cartel) ; celle du pétrole est particulièrement redoutée, car on le retrouve

dans pratiquement tous les secteurs de l’économie ; cette hausse se répercute sur les prix

intérieur, et déclenche l’inflation.

cause n°2 : une dépréciation de la devise du pays, qui renchérit le prix des

importations payées en devises étrangères. Ainsi, si l’€ se déprécie par rapport à l’USD,

passant d’un taux de change de 1 à 0,90 :

un baril de pétrole12 à 60 $ coûtera aux européens 66,66 € au lieu de 60 avant ;

un CD à 10 $ sur un site de vente US coûtera 11,11 € au lieu de 10 auparavant.

12

Un baril 159 litres. Les importations de pétrole se monnaient en USD, comme de nombreuses autres matières premières.

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Dans ce cas de figure, il y a inflation importée pour les pays utilisant l’€ ; les

entreprises répercutent sur leurs prix de vente la hausse du coût des inputs importés.

INFLATION : HAUSSE DES COÛTS SALARIAUX & PRODUCTIVITE

Rappelons que la productivité du travail est la quantité de biens produite par un travailleur

durant une période donnée. La hausse de la productivité détermine la hausse salariale

acceptable sans augmentation de coût pour l’entreprise :

Δ wnom ≤ Δ productivité

Par contre, si la hausse des salaires nominaux est supérieure à la hausse de productivité, les

entreprises ont deux possibilités :

subir cette situation : dans ce cas, leur marge bénéficiaire diminue : il y a « profit

squeeze » ;

répercuter cette augmentation de coût sur les prix ; il y a inflation par les coûts, dont le

montant est : Δ P = Δ wnom - Δ productivité;

si la productivité augmente de 2%, l’augmentation acceptable des salaires nominaux est de 2% ; si les salaires

augmentent davantage, de 5% par exemple :

soit l’entreprise verra ses marges diminuer de 3% ;

soit elle augmentera ses prix (max 3%) pour compenser.

L’inflation par les coûts vient renforcer l’inflation par la demande ; elle augmente aussi au fur

et à mesure que l’on se rapproche du plein-emploi. En effet :

en période de sous-emploi, il y a peu de chance que les salaires augmentent plus que

la productivité :

les travailleurs disposent de peu de moyens de pression : une grève est moins

dommageable et peut même permettre de liquider les stocks ;

la demande n’est pas suffisante et une augmentation des prix serait malvenue ; une

augmentation des salaires se ferait alors au détriment des marges bénéficiaires et

d’une diminution des profits (« profit squeeze ») ;

le chômage incite les travailleurs à la modération ;

lorsque l’on se rapproche du plein-emploi (demande forte) :

principe de comparaison : certains secteurs connaissant des augmentations de

productivité voient les salaires augmenter ; les autres secteurs (où la productivité n’a

pas augmenté ou dans une moindre mesure) vont négocier des augmentations

salariales équivalentes ;

il est plus facile de répercuter une augmentation des salaires sur les prix

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COMPORTEMENTS INFLATIONNISTES

Le prix « naturel », c’est-à-dire le plus bas que l’on puisse obtenir, est le résultat de la

concurrence parfaite13 ; or, la plupart des marchés fonctionnent en concurrence imparfaite

(monopoles, oligopoles, information imparfaite, négociations collectives des salaires, …)

permettant à des entreprises de fixer des prix plus élevés et de prélever des rentes, et aux

travailleurs d’obtenir des rémunérations supérieures au salaire concurrentiel, ce qui génère et

entretient l’inflation. Les agents économiques prévoient alors l’inflation future, anticipant les

pertes qu’elle va engendrer ; les entreprises vont augmenter leurs prix, les salariés vont

exiger des augmentations salariales, ... (théorie des anticipations rationnelles).

Ce concept est lié à celui d’inflation inertielle. Le TAUX D’INFLATION D’INERTIE est celui

qui est anticipé et pris en compte dans les contrats ; il correspond aux anticipations des

agents économiques et resterait a priori stationnaire s’il ne subissait les chocs dont nous

avons parlé ci-dessus (demande globale, prix des matières premières, productivité,…).

Notons aussi :

l’effet de cliquet : les entreprises anticipent les hausses de prix, mais font rarement

profiter leurs clients de leurs réductions de coûts ; la baisse des prix n’est en général

l’apanage que des secteurs à forte mutation technologique et/ou très concurrentiels

(informatique, audio-visuel, ...) ;

l’effet de résonance : chaque groupe social observe l’évolution des revenus des autres,

et réclame parité ou réajustement même si les conditions ne le justifient pas ; cela conduit

à la diffusion de l’inflation dans l’ensemble du système économique.

L’INFLATION : PAS INDOLORE !

L’inflation n’est pas « neutre » ; elle génère essentiellement une redistribution de la

richesse, au détriment des rentiers, prêteurs, détenteurs de monnaie, parfois des

contribuables.

La redistribution des revenus et des patrimoines s’explique en terme de bilan – actif et

passif – des agents économiques. Une forte inflation enrichit les débiteurs (et en particulier,

l’Etat) : en effet, leur revenu augmente, mais pas les annuités de remboursement (sauf

indexation)14, et la proportion de ces dernières par rapport au revenu diminue. A l’opposé,

les prêteurs ou les rentiers sont défavorisés15 : l’argent qui leur est remboursé est déprécié.

Toutefois, lorsque l’inflation s’est installée, les agents économiques l’anticipent, et le taux

d’intérêt nominal la prend en compte, autant que faire se peut.

13

Voyez la leçon 2, tome I. 14

En général, les banques n’indexent pas les annuités sur l’inflation, mais proposent des prêts à taux révisables, puisque, toutes

choses égales par ailleurs, les taux d’intérêt nominaux augmentent avec l’inflation – voyez ce concept à la leçon 6. 15

« L’euthanasie des rentiers », selon l’expression de Keynes. Jusqu’en 1913, les Etats finançaient leurs déficits essentiellement

par des rentes au taux de 3-4%, intéressantes pour leurs détenteurs dans un contexte de très faible inflation. Les énormes dettes

publiques générées par les guerres 14-18 et 40-45 ont été quant à elles épongées par l’inflation ; entre 1913 et 1950, les prix ont

été multipliés par 100 en France, par 300 en Allemagne (sans compter l’hyperinflation de 1923). Les Etats ont remboursé leurs

dettes en monnaie de singe, ruinant les rentiers. Même les britanniques ont été spoliés, malgré une inflation modérée (prix * 3).

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Les détenteurs de monnaie sont également victimes de l’inflation. L’argent liquide (ou en

compte non rémunéré) perd de sa valeur (les économistes appellent cet effet « taxe

inflationniste » : l’Etat émetteur de monnaie s’enrichit) ; lorsque l’inflation se fait (très)

galopante, les agents, dès réception de monnaie (par exemple, leur salaire), vont dans les

plus brefs délais l’échanger contre des devises fortes ou des marchandises, ce qui nécessite

en général des efforts et du temps ; il y a donc gaspillage des ressources.

Les contribuables peuvent être victimes de l’inflation ; celle-ci fait augmenter les revenus

nominaux ; l’impôt sur le revenu étant progressif, si les barèmes fiscaux n’ont pas été

indexés (en Belgique, jusqu’en 2002 !), l’inflation profite à l’Etat, tandis que les

contribuables sont lésés par l’accroissement de leur taux moyen d’impôt.

Imaginons le barème fiscal suivant, et un taux annuel d’inflation de 12%, qui fait doubler les prix en 6 ans ([1,12]6

2) ; les salaires étant indexés, un travailleur qui gagnait brut 7.000 € voici 6 ans en touche aujourd’hui 14.000.

revenu exonéré : 5.000 € si indexé : 10.000

de 5.000 à 7.500 € : 20% 10.000 à 15.000

de 7.500 à 10.000 € : 30% 15.000 à 20.000

de 10.000 à 15.000 € : 40% 20.000 à 30.000

N1 + 6 ans (si indexé)

Brut 7.000 14.000 200 % 14.000

Impôt 400 2.850 712 % 800

Net 6600 11.850 180 % 13.200

ET LA DEFLATION ???

Apparemment, les baisses des prix sont une bonne nouvelle pour les consommateurs. Or, la

déflation pose autant, si pas plus de problèmes que l’inflation. Tout d’abord, elle est associée

à une faible croissance, voire même nulle ou négative. Ensuite, elle fait monter les taux

d’intérêt réels, mettant en difficulté certains débiteurs, contrariant la réduction des déficits

publics et les investissements des entreprises. Enfin, les consommateurs anticipent les

nouvelles baisses de prix et reportent leurs achats ; les stocks des entreprises augmentent,

elles baissent leurs prix (et leurs marges) et donnent ainsi raisons aux anticipations des

consommateurs. La production diminue, et avec elle la croissance, l’emploi, les salaires ; le

cercle infernal est engagé.

Sources : www.xerficanal.com lexpansion.l’express.fr

ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES

Marc FIEVET : leçons d’économie leçon 8

13

Portefeuille de lecture/12 : la déflation

ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES

Marc FIEVET : leçons d’économie leçon 8

14

SECTION 2 : LE CHÔMAGE

Objectif 3 : appréhender la problématique du chômage.

Chiffres-clé : évolution du taux de chômage en Belgique (%) – BNB (2015 : Avril)

1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2007 2010 2011 2012 2013 2015

1,8 4,2 7,4 10,1 6,6 9,7 6,9 7,5 8,3 7,2 7,6 8,4 8,5

DU PLEIN EMPLOI AU CHOMAGE MASSIF

L’emploi, et son corollaire, le chômage, constituent une des préoccupations primordiales des

économies modernes. Le problème n’est pas nouveau : il semble bien qu’un sous-emploi

endémique ait sévi dans la plupart des systèmes économiques durant les siècles passés,

notamment lors des crises conjoncturelles au XIXème (cycle « malthusien »16). Au début des

années 1970, après 25 ans de croissance forte, le taux de chômage atteignait dans la plupart

des pays occidentaux environ 2%, taux apparemment incompressible. En 2014, la moyenne

UE 28 se situe à 9,9%, celle de la zone euro à 11,3%, avec toutefois des écarts assez

sensibles entre pays, ou entre régions (Flandre – Wallonie, …)17. Comment expliquer ce

dérapage du système économique ? Comment est-il possible qu’il y ait, depuis plus de

quarante ans, des millions d’Européens au chômage ? Combien de temps nos sociétés

devront et pourront-elles vivre avec ce problème ? Quelles solutions ? Analyse.

ACTIFS – CHOMEURS – INACTIFS – TAUX DE CHOMAGE, …

Ces définitions concernent la population comprise entre 15 et 64 ans. Un actif est une

personne qui a un emploi rémunéré ; un chômeur est une personne qui n’est pas active,

mais qui recherche activement un emploi (efforts spécifiques, ...). La somme des actifs et

des chômeurs donne la population active ; les autres sont des inactifs (étudiants,

retraités, oisifs, ...).

POPULATION CONSIDEREE (« en âge de travailler ») : 15 – 64 ANS

POPULATION ACTIVE INACTIFS

ACTIFS CHÔMEURS

16

MALTHUS : tout accroissement du niveau de vie engendre d’abord une augmentation de la population, et qui annule l’impact

sur le revenu ; par la suite, l’augmentation du nombre de travailleurs fait baisser la productivité du travail et donc les salaires …

retour à la case départ. 17

Allemagne 4.8, Espagne 23.4, Grèce 26.

ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES

Marc FIEVET : leçons d’économie leçon 8

15

Le taux de chômage économique est le rapport entre le nombre de chômeurs et la

population active ; c’est le pourcentage de la population active au chômage.

Le taux d’emploi est le pourcentage de la population active qui a un emploi.

Le taux de participation à la population active (ou taux d’activité) est le

pourcentage de la population 15-64 qui participe à la population active.

Chiffres-clés : emploi & chômage – sources : Belgostat BNB, SPF Emploi & ONEM

2000 2007 2009 2013 2014

Population totale *10³ 10.263 10.655 10.840 11.150 11.209

Pop en âge de trav. 6.724 7.012 7.114 7.262 7.269

Population active 4.647 4.988 5.072 5.211 5.237

Emploi National 4.173 4.456 4.517 4.627 4.639

Indépendants 702 706 721 752 759

Salariés 3.407 3.672 3.717 3.794 3.801

dont adm. Publiques 703 771 788 804 805

Chômeurs (*) 474 532 555 584 598

Inactifs 2.077 2.024 2.032 2.051 2.032

Taux d’emploi 61,6% 61,8% ND

Taux d’emploi 20-64 ans 67,2% ND

Taux d’emploi zone € 64,7% 63,7% ND

Taux d’emploi 20-64 UE28 68,4% ND

INDEMNISATION 106€ 18 4.925 6.211 6.783 7.121 6.912

(*) : chômeurs complets indemnisés (exc. + de 50 ans), + autres demandeurs d’empl inscr.

Le taux de chômage n’est pas si simple à calculer qu’il n’y paraît. Ainsi, en Belgique, l’ONEM

recense les chômeurs qui perçoivent (ou attendent) des allocations (notion de « chômeur

complet indemnisé »).

On ne peut toutefois en déduire le taux de chômage : d’une part, certains des indemnisés ne

cherchent pas activement un emploi, alors que d’autres, qui cherchent réellement, ne sont

pas indemnisés ; quid également des travailleurs à temps partiel, qui souhaitent trouver un

temps plein ? D’autre part, les règles d’accès aux indemnités peuvent changer, ce qui

modifie le calcul sur cette base. Une solution est de travailler par enquête sur la population

active, sur base de la méthode définie par le BIT19.

18

Uniquement l’indemnisation des chômeurs indemnisés du groupe I. S’ajoutent les dépenses relatives aux travailleurs soutenus

par l’ONEM (1.626) et aux travailleurs aménageant leur temps de travail avec le soutien de l’ONEM (essentiellement des 4/5ème

temps à partir de 50 ans – 832). Et il faut encore y ajouter les montants versés par les CPAS aux personnes qui ne peuvent

bénéficier du chômage ou qui en sont exclues. ASTRONOMIQUE !!! (les montants sont en millions d’€)) 19

L’OIT (Organisation Internationale du Travail) est un organisme spécialisé de l’ONU ayant pour but de promouvoir le travail

décent à travers le monde. Le BIT (Bureau International du Travail - Genève) en constitue le secrétariat permanent.

ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES

Marc FIEVET : leçons d’économie leçon 8

16

Objectif 4 : analyser les fondements théoriques.

CHÔMAGES FRICTIONNEL – STRUCTUREL - CONJONCTUREL

Le chômage frictionnel découle de la « mobilité » des travailleurs ; les jeunes diplômés

mettent un certain temps à trouver un emploi ; des travailleurs quittent volontairement un

emploi qui ne leur convient pas, et n’en retrouvent un que quelques mois plus tard ...

Le chômage structurel (à ne pas confondre avec le taux de chômage structurel ou NAIRU)

est la conséquence d’une inadéquation entre l’offre et la demande sur le marché du travail ;

les entreprises d’un secteur économique peuvent manquer de spécialistes, alors que d’autres

secteurs licencient leurs travailleurs ; une région peut connaître un taux de chômage

important, alors que la région voisine est en pénurie de main-d’œuvre.

Le chômage conjoncturel (ou cyclique) survient quand la demande de travail émanant

des entreprises est insuffisante, c’est-à-dire quand la dépense globale diminue, entraînant

une baisse de production ; il peut être réduit par une politique de stimulation de la demande.

CHÔMAGES « VOLONTAIRE » & « INVOLONTAIRE »

Le chômage volontaire concerne des agents économiques qui ne veulent pas travailler au

taux de salaire courant (« à ce tarif là, je ne travaille pas »), par exemple des travailleurs peu

qualifiés qui préfèrent le loisir à un travail faiblement rémunéré. Le chômage involontaire

concerne des travailleurs qui, malgré leurs recherches, ne trouvent d’emploi au taux de

salaire courant.

Les économistes classiques ont tenté d’expliquer le chômage par le jeu de l’offre et de la

demande ; les salaires évoluent pour assurer l’équilibre du marché du travail. Deux situations

peuvent se présenter : ou les salaires sont flexibles, et le chômage ne peut être que

volontaire, ou ils sont rigides et apparaît le chômage involontaire.

Hypothèse 1 : salaires flexibles

W

D S

D’

E

W*

W’

E’

L’ L* L1 L

ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES

Marc FIEVET : leçons d’économie leçon 8

17

L1 représente la population active, S l’offre de travail des agents économiques (inélastique en L1), D la demande

des entreprises, aux différents niveaux des salaires (W). L’équilibre s’établit au point E, pour un salaire W*. A ce

salaire, L* quantité de travail est offerte, et il y a un chômage équivalent à L*L1. Ce chômage est volontaire, car ces

individus ne veulent pas travailler au salaire en vigueur W*. Dans ce schéma, aucun chômage involontaire ne peut

apparaître ; si, par exemple, la demande des entreprises baisse (D'), le salaire diminuera (W'), et certains offreurs

(L’L*) se retireront volontairement du marché.

Hypothèse 2 : salaires rigides

W

S

A B

W’

W*

D

LA LB L1 L

Supposons les travailleurs rémunérés non au salaire d’équilibre W*, mais au salaire W’ >W*. LA travailleurs sont

occupés, alors que LB souhaitent travailler à ce salaire ; (LB-LA) représente ici le chômage involontaire, alors que (L1-

LB) constitue le chômage volontaire.

POURQUOI LES SALAIRES SONT-ILS RIGIDES ?

Pourquoi les travailleurs seraient-ils payés à W’, au-dessus du salaire d’équilibre ? La

réponse est essentiellement « parce que le marché du travail est administré », et

fonctionne donc en concurrence imparfaite :

les salaires ne dépendent pas uniquement de l’offre et de la demande de travail, mais font

l’objet de grilles de rémunérations discutées entre patronat et syndicats

(concertation sociale), différentes selon les secteurs économiques, et variant en

fonction des qualifications et de l’âge ou de l’expérience des travailleurs (conventions

collectives du travail) ;

dans un système de concertation, l’Etat intervient souvent comme arbitre dans ces

négociations, et définit légalement un salaire minimum garanti (SMIG) en-dessous duquel

nul ne peut descendre ;

si les allocations de chômage ne sont guère inférieures au salaire net de base (cela

concerne essentiellement les emplois peu qualifiés) et sont accordées sans contrepartie,

les demandeurs d’emploi ne sont pas incités à postuler (« piège à l’emploi ») ;

ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES

Marc FIEVET : leçons d’économie leçon 8

18

l’importance des prélèvements fiscaux (impôt direct) et parafiscaux (ONSS) crée

un écart très important entre le salaire-coût (= salaire contractuel brut plus les cotisations

ONSS patronales et autres « surcoûts »), supporté par l’entreprise, et le salaire net (=

salaire contractuel brut moins la cotisation ONSS travailleur et l’impôt), perçu par le

travailleur. Sur le graphique ci-dessous, on constate que si le coût salarial était égal au

salaire net W’, le chômage serait AB ; mais ce coût (W’’) lui est supérieur, et le chômage

est CD. Notons encore que cet écart provoque le développement d’une « économie

noire (ou souterraine) », système frauduleux mis en place pour éviter les

prélèvements. Le taux de chômage recensé surestime donc le chômage réel (puisque des

« chômeurs » travaillent au noir) ;

W

S différence salaire net – salaire coût

C D

W’’

W’ x x

A B

D

LC LD L1 L

il n’y a pas uns, mais « des » marchés ; les salaires évoluent pour réagir aux conditions du

marché ; une pénurie d’informaticiens aura pour conséquence une augmentation de leurs

salaires, par rapport à celui des infirmières, des professeurs ou des ouvriers de la

sidérurgie. Les économistes ont mis en évidence d’autres causes encore, essentiellement

le pouvoir de négociation du travailleur, et la théorie de salaire d’efficience20.

Objectif 5 : analyser l’évolution, les causes, et les conséquences du chômage persistant né

avec la crise des années 1970

POURQUOI CE CHÔMAGE IMPORTANT DEPUIS LES ANNEES 1970 ?

La démographie a joué « contre » le marché du travail, dès le début des années 1970.

Les personnes issues du « baby boom » (≈1946-1956) sont arrivées sur le marché du travail

à partir de 1966 et jusqu’en 1978 environ, c’est-à-dire pratiquement au moment de la

rupture de la croissance « fordiste »21. En outre, les femmes vont rester sur le marché de

l’emploi, alors qu’auparavant, nombre avait généralement tendance à s’en retirer dès leur

mariage ou leur première maternité.

20

Les entreprises peuvent estimer qu’elles réaliseront plus de profit en versant des salaires supérieurs à ceux du marché; en effet,

les salaires sont susceptibles d’influencer trois paramètres importants pour l’entreprise : la qualité de la main-d’œuvre, l’intensité

des efforts consentis par les travailleurs et leur taux de rotation (« turn-over »), facteurs de coûts. 21

Voyez à ce sujet la loi d’OKUN à la section 4.

ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES

Marc FIEVET : leçons d’économie leçon 8

19

Pyramide des âges : Belgique 1971

Source : Philippe Corten – ULB 2004

On voit sur la pyramide de 1971 l’arrivée sur le

marché des classes d’âge 15-24 bien plus importantes

que les précédentes (25-34 – générations de la crise

des années 30 et de la guerre), et suivies par deux

classes encore plus nombreuses

Source : statbel.fgov.be

On retrouve ces générations nées entre 1944 et

1964 étant arrivées ou arrivant à l’âge de la retraite,

alors que les générations suivantes sont moins

nombreuses.

Le marché du travail a donc été dans l’incapacité de fournir une réponse suffisante à cette

explosion de l’offre. Les statistiques confirment ce point de vue :

Belgique 1970 2014

nombre total d’emplois en millions 3,7 4,622

emplois hommes en millions 2,5 2,5

emplois femmes en millions 1,2 2,1

nombre total de chômeurs en milliers 70 598

Amélioration de la situation dès lors que les « baby-boomers » partent à la retraite ? Rien

n’est moins sûr ! Nous ne retrouverons pas les emplois industriels perdus, les services sont

touchés par l’automatisation, le secteur public ne remplace pas tous les fonctionnaires

partants. Et se pose le problème du paiement des retraites, financées par les actifs, pour un

nombre croissant de retraités vivant en moyenne plus longtemps23.

22

Ces chiffres démontrent les élucubrations des politiciens qui régulièrement assènent « on va créer 200.000 emplois en 4 ans

… ». 900.000 emplois nets ont été créés en 45 ans, soit une moyenne de 20.000/an. 23

Nos pays financent effectivement les retraites via les cotisations de sécurité sociale, par un système dit « de répartition ». Cela

signifie que les cotisations des actifs servent à payer les retraités-au contraire d’un système de capitalisation dans lequel les

cotisations sont « épargnées ». Le système semble apparemment gérable tant qu’il y a 4 à 5 actifs pour 1 retraité, ce qui n’est plus

le cas (plus de retraités, vivant plus longtemps). Il n’existe à ce problème guère de solutions : allongement de la durée des

cotisations pour bénéficier d’une retraite à taux plein, accroissement de l’âge de la retraite (ce qui n’est pas tout-à-fait la même

chose même si l’allongement de la durée des cotisations obligera la plupart des gens à prendre leur retraite plus tard), pénalisation

lourde des départs anticipés, bref des mesures politiquement impopulaires. Une autre solution consiste à financer les retraites non

plus par les cotisations, mais directement par l’impôt, mais cela ne résoudra pas le problème du coût. Enfin, il faut encourager les

actifs et leurs employeurs à recourir à l’épargne pension (2ème

et 3ème

piliers). Notez que les politiciens ont « découvert » le

problème dans les années ’90 alors que l’évolution de la pyramide des âges le montrait depuis 1975-1980 au moins !

ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES

Marc FIEVET : leçons d’économie leçon 8

20

L’explication du chômage est également structurelle ; la rupture de la croissance a

provoqué d’importantes mutations dans l’appareil productif ; les très nombreux emplois

d’exécution, caractéristiques de l’organisation fordiste, ont disparu au profit d’emplois

beaucoup plus qualifiés, relativement moins nombreux ; des régions de vieille

industrialisation ont vu disparaître leurs usines, tandis que d’autres devenaient des pôles

technologiques. Dans ce contexte, la faible mobilité géographique des travailleurs, et

surtout le manque ou l’inadéquation des formations24 sont responsables d’une part du

chômage structurel, et constituent un lourd handicap pour l’avenir. Ainsi en Wallonie, sur

230.000 demandeurs d’emploi inoccupés, 119.000 (près de 52%) n’ont pas atteint la fin

de l’enseignement secondaire, se trouvant souvent de ce fait sous le seuil

d’employabilité2526.

c) L’explication a aussi été conjoncturelle ; la crise des années 1970 a cassé la

croissance, ce qui s’est traduit par un net ralentissement de l’évolution du PIB, et donc du

nombre d’emplois disponibles. Le problème est toutefois plus complexe :

les chiffres du chômage ont littéralement explosé après le premier choc pétrolier27 ;

certains Etats européens, pris au dépourvu, ont tenté de limiter les dégâts par une

importante embauche dans le secteur public, et ont vu leurs dépenses de sécurité sociale

(allocations de chômage) augmenter de manière vertigineuse ; la conséquence en a été

une croissance des déficits et de la dette publics, qui pèse sur les générations actuelles ;

pour financer ces dépenses, les gouvernements ont aussi accru la fiscalité directe

(sur les revenus), diminuant par-là le revenu disponible et la consommation, et la

fiscalité indirecte (TVA, accises, …), renchérissant le prix des biens et services ; ils ont

également augmenté les prélèvements sociaux sur les salaires, et les cotisations

patronales, alourdissant systématiquement le coût du travail ;

les entreprises ont alors tenté de limiter le recours à ce facteur devenu coûteux, en lui

substituant du capital, ou en délocalisant leurs unités de production dans le cadre de la

dérégulation et de la mondialisation, créant de ce fait de nouveaux chômeurs, et

accentuant ce mécanisme pervers28 ; aujourd’hui, responsables politiques, économistes,

entrepreneurs sont tous d’accord sur ce point : le coût du travail est beaucoup trop

élevé! Voyez l’info graphique page suivante, qui montre que pour donner un pouvoir

d’achat 100 € à un travailleur belge, l’employeur en dépense 252.

24

La question est plus complexe qu’il n’y paraît, et concerne tout d’abord l’organisation et la flexibilité du système scolaire :

comment anticiper sur une période d’au moins 5 ans les secteurs porteurs et les compétences attendues ? A quel niveau ou âge

commencer la spécialisation des jeunes ? Comment et avec quels moyens transformer les filières scolaires ? 25

FOREM, Marché de l’emploi – Chiffres et commentaires, juillet 2015. 26

Se pose alors le problème des adultes ayant passé l’âge de l’école « classique ». Formation courte visant une mise rapide à

l’emploi (c’est la politique du FOREM), mais non garante de pérennité ? Véritable enseignement plus long, plus approfondi,

transversal, …, avec quelles méthodes (alternance, stages, …) ? Obligation de formation pour conserver les allocations ? 27

En 1973-1974 ; voyez le tableau de l’évolution du chômage en Belgique au début de cette section. 28

Jacques SAPIR(1954), économiste et essayiste français très à gauche, estime qu’environ 4 à 5 % du chômage en France est lié à

la mondialisation.

ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES

Marc FIEVET : leçons d’économie leçon 8

21

ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES

Marc FIEVET : leçons d’économie leçon 8

22

LA SITUATION ACTUELLE : UNE INDISPENSABLE ANALYSE

D.E inocc. (15/07) Tx chô (15/03) Part chô longue durée Tx activité (14) Population (15)

Flandre 245.000 5,5% 33% 69,9 6.444.000

Wallonie 248.000 12,3% 51% 64,2 3.590.000

Bruxelles 101.000 17,8% 11% 66,6 1.175.000

2013 Hommes Femmes

20-29 30-54 55-64 20-29 30-54 55-64

Taux de chômage 16,1 6,8 5,5 15,2 6,4 5,3

Taux d’emploi 61 85 48 54 74 36

Taux d’activité 73 91 50 64 80 38

2013 Sec. inférieur Sec. Supérieur Supérieur

Taux de chômage 16 8,3 4,9

Taux d’emploi 37,5 65,3 81,0

(OCDE) B FR D NL SP DK OST UK USA JAP

Tx chômage 2008 7,0 7,4 7,6 3,0 11,4 3,4 3,9 5,4 5,9 4,2

Tx chômage 2014 8,4 10,2 5,2 7,2 25,2 6,8 4,9 6,7 6,6 3,6

Tx emploi 2014 61,8 64,4 73,4 73,7 55,3 72,0 72,5 71,6 67,8 72,4

Tx d’activité 2014 67,7 71,5 77,5 79,2 74,0 77,5 76,4 76,9 72,7 75,3

Sources : Eurostat, BNB, SPF emploi, FOREM, OCDE

Source : rapport BNB 2014 (taux de CHOMAGE)

Source : IWEPS 2013 (taux d’EMPLOI)

Une lecture attentive des statistiques est indispensable pour comprendre le phénomène. Le

nombre chômeurs complets indemnisés n’est qu’un des indicateurs ; le nombre de

demandeurs d’emploi inoccupés reflète mieux la situation dans la mesure où il reprend les

jeunes en stage d’attente et d’autres inscrits. Il faut aussi tenir compte des prépensionnés,

des personnes en interruption de carrière, des temps partiels qui recherchent un temps plein,

... Il est également nécessaire de se pencher sur les chiffres détaillés : nombre de chômeurs

par sexe, par tranche d’âge, par catégories de diplôme. Elles montrent notamment :

des différences régionales marquées (cartes) ; les taux sont plus favorables en Flandre,

qui compte moitié moins de chômeurs ;

ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES

Marc FIEVET : leçons d’économie leçon 8

23

des différences sous-régionales : les provinces du Hainaut et de Liège, anciens berceaux

industriels, n’ont jamais récupéré les emplois perdus à cause de la désindustrialisation ;

le problème de la région bruxelloise, gisement d’emplois pour les navetteurs, surtout

flamands, mais pas pour ses habitants ; en cause, la nombreuse population issue de

l’immigration ?29

une sur-représentation des non-qualifiés en général (personnes n’ayant pas atteint le

niveau « CESS-CQ6-humanités ») ;

une hausse du chômage chez les plus de 50 ans, et un allongement de la durée du

chômage chez … les chômeurs de longue durée ;

mais aussi les emplois pour lesquels il y a pénurie de main d’œuvre : en Wallonie (FOREM,

juillet 2015) : infirmier, informaticien, ingénieur, boucher, tuyauteur, …

Nous voyons également qu’en termes de taux d’emploi et d’activité, la Belgique fait moins

bien que les pays « forts » de l’Europe, à commencer par l’Allemagne et les Pays-Bas.

En outre, un emploi supplémentaire ne signifie pas un chômeur de moins ; le système de flux

est plus complexe, et peut être schématisé comme suit :

(chiffres 2014, en milliers ; population en âge de travailler [15-64 ans] : 7.269)

EMPLOI : 4.639

CHOMAGE 598 INACTIVITE 2.032

Vous constaterez la masse importante d’inactifs tant par rapport aux chômeurs

qu’aux travailleurs ; c’est une caractéristique typique à la Belgique (hélas !) : le taux

d’activité y est de 67% (contre 70 à 80% chez nos voisins). Depuis plusieurs années déjà,

des institutions internationales (UE, OCDE, FMI) recommandent à notre pays d’augmenter à

la fois son taux d’activité, mais aussi son taux d’emploi, particulièrement dans la tranche

d’âge 50-65, en vue d’éviter le « clash » des retraites (voyez la note en bas de page 19) ! En

effet, si l’âge officiel de la retraite est de 65 ans (et 172 trimestres de cotisations pour une

retraite au taux plein), de nombreux travailleurs sortent « légalement » du marché du travail

avant leurs 60 ans, notamment via le système des pré-retraites30. Notons que le

gouvernement a décidé en 2014 de porter l’âge de la retraite à 66 ans (2025) puis 67 ans

(2030).

29

Cela amène à poser le problème de la discrimination « raciste » sur le marché de l’emploi, cheval de bataille de la gauche. Il

faut pourtant évaluer tous les facteurs : diplômes et compétences, facteurs culturels, … Par ailleurs, il existe bien d’autres types

de discriminations avérées, par exemple envers les demandeurs d’emploi plus âgés ou encore les jeunes mères de famille

« isolées » ; des études montrent que des personnes au physique peu avantageux ou encore les obèses ont moins de chance d’être

embauchés ; lorsqu’ils le sont, leurs rémunérations sont inférieures de 5 à 10% à ceux qui ont un physique « normal » ; quant aux

personnes au physique très avantageux, elles gagneraient 5 à 10% de plus (à diplômes et compétences égaux). 30

Ce système a été mis en place voici plus de 40 ans déjà pour les entreprises en difficulté ; pour éviter les licenciements purs et

simples, le personnel âgé (en général au-delà de 54-55 ans) est mis en pré-retraite ; dans les faits, un pré-retraité est un « chômeur

déguisé » ; l’allocation de pré-retraite est d’ailleurs constituée d’une allocation de chômage versée par l’ONEM, et d’un

complément versé par l’entreprise, et ce jusqu’au moment où le travailleur atteint l’âge de la retraite. Ce système ne doit pas être

confondu avec les régimes spéciaux de retraite, dans lesquels un âge spécifique est prévu (militaires, policiers, …), ou des

dispositions particulières dans certains secteurs (DPPR dans l’enseignement, …).

ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES

Marc FIEVET : leçons d’économie leçon 8

24

Enfin, nous verrons ultérieurement que la « mécanique » européenne « monnaie unique +

limitation des déficits publics » implique que la variable d’ajustement des déséquilibres

économiques est devenue le marché du travail, c’est-à-dire chômage et déflation salariale.

UNE DUALISATION DU MARCHE DU TRAVAIL

Le taux élevé du chômage a d’autres conséquences, à commencer par une dualisation

accrue du marché du travail :

le marché primaire, qui regroupe les emplois « typiques » : travail à temps complet, avec

contrat à durée indéterminée. Ces emplois, dont la sécurité est plus ou moins relative,

offrent de nombreux avantages : salaire correct et évolutif, promotion dans l’entreprise,

avantages sociaux, ... ;

le marché secondaire, regroupant les emplois « atypiques », souvent précaires (stages,

intérims, contrats à durée déterminée, temps partiel, ...) qui sont surtout, mais pas

uniquement, l’apanage des travailleurs moins qualifiés ou moins « adaptés » ; nombre de

jeunes sont également concernés.

Le chômage durable que nous connaissons induit une croissance des emplois sur le second

marché, plus « flexible », au détriment de ceux du premier. Le chômage répétitif s’est

ainsi développé pour les travailleurs du marché secondaire, qui connaissent une alternance

d’emplois précaires et de périodes d’inactivité, dont l’impact psychologique peut se révéler

désastreux. En outre, le chômage dit « d’exclusion » se développe ; il s’agit du chômage de

longue durée (en Wallonie [FOREM juin 2015], 18% des DE chôment depuis plus de 5

ans, et 22% entre 2 et 5 ans), qui frappe les adultes cumulant plusieurs handicaps tels

que l’absence de qualification, de compétences « transversales31 » et de mobilité. Ce

« noyau dur » du chômage est difficile à traiter, car outre l’exclusion professionnelle, ces

personnes souffrent de « désocialisation ».

31

Notamment la connaissance des langues, des TIC, et les « soft skills » (savoir-faire comportemental) : communication, travail

en équipe, créativité, adaptabilité, flexibilité, …

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Marc FIEVET : leçons d’économie leçon 8

25

SECTION 3 : LA RELATION INFLATION – CHOMAGE : LA COURBE DE PHILLIPS

Objectif 6 : dégager la relation à court terme entre inflation et chômage à travers la courbe

de PHILLIPS et en considérer les conséquences à court terme et à long terme.

Nous venons de voir que les taux d’inflation et de chômage sont deux indicateurs

essentiels de la santé d’une économie. Nous savons maintenant que :

l’inflation à long terme dépend de l’évolution de la masse monétaire (MV = PQ) ;

il existe un taux structurel (ou naturel) de chômage (NAIRU), vers lequel le système

tend à long terme.

A priori, chômage et inflation seraient, à long terme, des phénomènes indépendants. Mais à

court terme ? Nous avons démontré qu’une politique stimulant la demande globale réduit le

chômage mais génère des pressions inflationnistes. Nous savons également que durant la

crise des années 1930, le chômage allait de pair avec la déflation, au contraire de la crise des

années 1970, où il y a eu stagflation. Question qui intéresse tous les responsables

politiques : peut-on combattre efficacement à la fois inflation & chômage ?

PHILLIPS : RELATION SALAIRE - CHOMAGE

En 1958, A.W. PHILLIPS32 publie une étude économétrique portant sur la relation entre le

taux de chômage et le taux de variation du salaire nominal en Grande-Bretagne (1861-

1957). Il fait apparaître une relation décroissante entre ces deux variables. Explication :

plus le chômage est faible, plus le marché du travail est tendu ; la difficulté de

trouver de la main-d’œuvre engendre une concurrence entre les entreprises, ce

dont profitent les travailleurs pour obtenir des hausses de salaires.

∆W (W=wage) taux d’inflation

∆W1

NAIRU

μ1 μ (taux de chômage) μ

32

Alban William PHILLIPS (1914-1975), économiste néo-zélandais, Professeur à la London School of Economics, The

Relationship between Unemployment and the Rate of Change of Money Wages in the United Kingdom, 1861-1957, Economica

25, pp 283-299.

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26

LA COURBE DE PHILLIPS : RELATION INFLATION - CHOMAGE

Hypothèse : les hausses du salaire nominal, non compensées par des gains de productivité,

se répercutent sur les prix ▶▶▶ la relation de PHILLIPS devient une courbe « inflation-

chômage » ou « COURBE DE PHILLIPS », qui semble montrer que la stabilité des prix et

le plein-emploi sont deux objectifs paraissant inconciliables ; la hausse des salaires

nominaux, dès que le marché est tendu, crée de l’inflation. Pour les responsables politiques

de l’époque, c’est le nouveau credo : il faudra à l’aide des instruments de politique

économique opérer un « fine tuning » entre chômage et inflation33. L’analyse

keynésienne s’en trouve confortée : une politique de relance de la demande pour combattre

le chômage engendre des tensions inflationnistes.

La courbe de Phillips s’intègre très bien dans le modèle OG-DG analysé à la leçon 7 (nous

utilisons des fonctions linéaires dans un but de simplification).

P DG’ forte Tx inflation

OGCT

P2 E’ Courbe de Phillips

P1 E

DG faible

Y1 Y2 Y μ2 μ1 μ

Une DG forte engendre une croissance forte, et donc un taux de chômage (μ2) faible,

mais avec une tension inflationniste (P2)

Les calculs effectués dans nombre de pays montrent également que le taux de chômage

pour lequel il y a inflation nulle est positif, ce qui correspond bien au concept de

NAIRU.

LA COURBE DE PHILLIPS : CHOCS D’OFFRE ET NOUVELLE VERSION

Les statistiques des années 1960 mises en graphique semblent effectivement confirmer

l’existence de la courbe de Phillips. Dans les années 70, ce n’est plus du tout le cas ; la

courbe de Phillips n’était-elle qu’un mirage ?

Nous avons vu dans le modèle OG-DG à la leçon 7 que ces années 70 avaient été marquées

par un choc d’offre dû à la hausse inédite du prix du pétrole, matière première entrant dans

la production et la distribution de très nombreux biens et services.

33

Par exemple, dans les années 1960, ce fut « maintenir le chômage à un niveau compatible avec une inflation modérée ».

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27

Ce choc d’offre a généré une situation que nous avons qualifiée de stagflation, se traduisant

par une hausse simultanée du chômage et de l’inflation, ce qui paraît à première vue

incompatible avec la théorie de Phillips. Revoyons et complétons le graphique :

P OG’CT Tx inflation

DG OGCT

P2 E’ CP’CT

E

P1

CPCT

Y2 Y1 Y μ1 μ2 μ

Le PIB de Y1 à Y2 et l’inflation de P1 à P2 la du PIB génère une du chômage de μ1 à μ2

Sur le graphique de gauche, le choc d’offre (déplacement de OGCT) fait passer l’économie de E en E’, avec inflation

ET chômage. Sur le graphique de droite, on voit que cette situation ne peut se traduire en restant sur la courbe de

Phillips CPCT ; elle implique au contraire un déplacement vers la droite de cette courbe, en CP’CT, avec un compromis

entre chômage et inflation moins favorable qu’auparavant.

Les responsables politiques ont alors été confrontés à un choix difficile :

en luttant contre le chômage par l’augmentation de la demande globale (politique

keynésienne), on accroît l’inflation, ce que montre le graphique ci-dessous ;

P DG’ OG’CT Tx inflation

P3 DG OGCT

P2 E’ CP’CT

E

P1

CPCT

Y2 Y1 Y μ1 μ3 μ2 μ

Grâce à la politique keynésienne de relance de DG (déplacement en DG’), le PIB revient vers Y1, le chômage

recule vers μ3, mais l’inflation passe à P3.

en luttant contre l’inflation par des politiques restrictives, on accroît le chômage.

Comme le montre le graphique ci-dessous, les politiques restrictives réduisent la demande globale (DG’) et le

chômage augmente en μ3 ; on constate évidemment que l’inflation recule, en P3, et on peut se poser la question

du retour de la courbe de Phillips dans sa position initiale en CPCT ; mais si les agents économiques considèrent le

choc est « durable », ils anticipent une inflation plus élevée, et la courbe de Phillips ne revient pas vers sa

position première.

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28

P OG’CT Tx inflation

DG OGCT

P2 E’ CP’CT

P3 E

P1

DG’ CPCT

Y2 Y1 Y μ1 μ2 μ3 μ

Considérant que le chômage était le pire des maux, les autorités ont laissé croître la masse

monétaire, pour tempérer la récession, d’où la persistance d’une inflation importante à cette

époque.

Une des explications sous-jacentes est donc : alors que l’inflation est restée basse durant des

années (<2%), elle devient subitement forte (>8-10%). Les partenaires sociaux ont

alors modifié la façon de former leurs anticipations : le taux auquel les salaires

augmentent, quel que soit le niveau de chômage, dépend des anticipations concernant

l’inflation ; lorsque celle-ci est stable et basse, on anticipe sur celle des années précédentes ;

quand elle se fait plus pressante, on anticipe un taux plus important pour la suite34. Le taux

d’inflation ne dépend plus seulement du chômage, mais aussi de l’inflation passée ►► le

taux de chômage n’affecte plus le taux d’inflation, mais bien la variation de celui-ci :

UN CHÔMAGE FAIBLE ACCELERE L’INFLATION, UN CHÔMAGE FORT LA RALENTIT.

Tx inflation

CP CP’

λ1

0

μ1 μ* μ*’ μ

La CP bleu correspond à une inflation anticipée nulle et le chômage se trouve à son taux naturel μ*. Si le

gouvernement veut faire descendre le chômage réel sous ce taux (μ1), il doit accepter une inflation λ1. Les

travailleurs, face à une inflation maintenant positive, anticipent en exigeant des augmentations salariales afin de

maintenir leur pouvoir d’achat, ce qui va renforcer l’inflation ; pour éviter cela, et stabiliser l’inflation à λ1, il faut

accepter un accroissement du chômage, disons vers μ*.

34

Ce raisonnement est surtout valable lorsque les salaires ne sont pas automatiquement indexés sur l’inflation. Les salariés sont

alors obligés d’anticiper pour maintenir leur pouvoir d’achat.

ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES

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29

Nous voyons que cela correspond à un déplacement de la CP initiale en CP’, qui correspond à une inflation anticipée

λ1 ; la situation est moins favorable qu’auparavant, puisque l’ancien NAIRU μ* coexiste avec une inflation positive λ1,

et que le nouveau NAIRU μ*’ est plus élevé qu’auparavant.

En fait, dès que le taux de chômage descend sous le NAIRU, l’inflation s’accélère ;

pour la stabiliser, il faut accepter un chômage plus élevé (TCEPA) ; pour la faire baisser, il

faut un chômage réel au-dessus du NAIRU. Les gouvernements ont donc intérêt à prendre

les mesures nécessaires pour « flexibiliser » le marché du travail afin que le NAIRU soit bas.

Selon le Bureau du Plan35, le NAIRU se situerait actuellement autour des 13% ! Or, le taux de chômage réel est à

8,4%, soit en-dessous du NAIRU, en particulier en Flandre. Cela amène les critiques de la politique néo-libérale à

penser que le but des mesures prises (activation des chômeurs âgés, augmentation du taux de participation, …) est

d’augmenter le taux de chômage réel afin de l’amener plus près du NAIRU de façon à éviter les tensions salariales.

Complot ??? De même, en France, certains intellectuels n’hésitent pas à affirmer que le MEDEF (patronat français)

est favorable à l’immigration de masse que nous connaissons, car elle contribue à maintenir un chômage élevé

proche ou au-delà du NAIRU, tout bénéfice pour le entreprises … ?

Notons encore que certains économistes ont avancé une théorie dite « hystérèse »36,

affirmant que le NAIRU et le taux de chômage réel n’étaient pas indépendants ; en cause, le

chômage de longue durée. Tout se passe comme si la plupart des chômeurs de longue durée

étaient définitivement « hors jeu », et ne participaient plus au marché. Dans ce cas, même

avec un taux de chômage élevé, le marché du travail peut être tendu (offre faible), et

l’inflation ne baisse pas. Cette situation correspond de fait à une augmentation du NAIRU,

qui dépendrait ainsi de l’évolution du taux réel37.

35

« Le Bureau fédéral du Plan (BFP) est un organisme d'intérêt public. Il réalise des études et des prévisions sur des questions de

politique économique, sociale, environnementale et leur intégration dans une perspective de développement durable. A cette fin, le

BFP rassemble et analyse des données, explore les évolutions plausibles, identifie des alternatives, évalue les conséquences des

politiques et formule des propositions. Son expertise scientifique est mise à la disposition du gouvernement, du Parlement, des

interlocuteurs sociaux ainsi que des institutions nationales et internationales. Le BFP assure à ses travaux une large diffusion. Les

résultats de ses recherches sont portés à la connaissance de la collectivité et contribuent au débat démocratique. ». Page d’accueil,

http://www.plan.be/index.php?lang=fr 36

Ce terme est généralement utilisé pour caractériser des systèmes dont la position dépend de leur histoire. 37

Et si le taux réel ou conjoncturel est inférieur au NAIRU, l’inflation s’accélère.

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30

SECTION 4 : LA RELATION PRODUCTION – CHOMAGE : LA LOI D’OKUN

Objectif 7 : découvrir succinctement la relation entre la croissance et le chômage à travers la loi d’OKUN.

Analysons une dernière relation fondamentale, la LOI D’OKUN38, qui relie39 le taux de

croissance du PIB et le taux de chômage.

UN TAUX DE CROISSANCE NECESSAIRE (α) …

Selon OKUN, un « certain » taux de croissance réel positif (appelons-le α - alpha) est

nécessaire pour éviter une hausse du chômage. Ce taux provient essentiellement de

deux facteurs : l’évolution de la population active et celle de la productivité.

Autrement dit, une croissance réelle zéro peut générer une hausse du chômage !

Ainsi, en France, entre 1970 et 1989, il fallait un taux de croissance du PIB de 4,94% pour

que le chômage commence à baisser ; entre 1990 et 2007, ce taux est passé à 1,9%. Le

calcul est le suivant :

la hausse de la population active est en moyenne de 0,9% par an ;

la hausse de la productivité horaire est en moyenne de 1,7% ;

il faut tenir compte d’un impact négatif de -0,7% dû aux « 35 heures40 ».

On comprend aisément que ce taux de croissance varie d’un pays à l’autre et dans le temps,

puisqu’il dépend notamment de l’évolution démographique et de la législation sociale au sens

large (obligation scolaire, durée hebdomadaire du temps de travail, âge de la retraite, …).

Remarquez que cet aspect de la loi d’OKUN valide l’explication démographique que nous

avons donnée ci-dessus à la section 2. L’augmentation de la population active due au baby-

boom a fait monter α, en même temps que la croissance réelle s’est tassée.

La variation du chômage va donc se mesurer en terme d’écart du taux réel de croissance par

rapport au taux α. Autrement dit, peut-on mesurer par une formule (et donc prévoir) la

variation du taux de chômage lorsque la croissance réelle est par exemple de 1% en-deça ou

au-delà d’α ?

38

Arthur Melvin OKUN (1928-1980), économiste américain, Président du Council of Economic Adviseur de J.F. KENNEDY

(Président des USA de 1961 à 1963) : Potential GNP: Its measurement and significance, American Statistical Association,

Proceedings of the Business and Economics Section, 1962 39

Dans sa version simple. 40

Etude de l’INSEE. La France est passée en 2000 de la semaine des 40 heures (ou 39) à celle des 35 heures.

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31

… ET LE COEFFICIENT D’OKUN (φ)

La variation du chômage résultant de l’écart du taux de croissance par rapport à α est

mesurée par le coefficient d’OKUN (φ - phi)41. Si ce coefficient est par exemple de 0.6, un

taux de croissance de (α+1)% diminue le chômage de 0.60%. Ce coefficient s’explique par

deux phénomènes cumulatifs :

quand les entreprises sont confrontées à une stagnation ou une baisse provisoire de la

demande, elles décident parfois de ne pas licencier (concept de thésaurisation du

travail), ce qui crée en fait un « chômage déguisé » ; elles n’ajustent pas l’emploi

strictement proportionnellement à la production, car d’une part, certains travailleurs sont

indispensables quelle que soit la production, et d’autre part, des opérations telles que le

licenciement, l’embauche ou la formation de travailleurs coûtent cher ; lors d’un

ralentissement conjoncturel, les entreprises préfèrent garder leurs employés dans l’attente

de la reprise ;

lorsque l’emploi est en hausse, le taux de participation augmente également ; cela signifie

que des inactifs (donc « non chômeurs ») se mettent à chercher activement de l’emploi et

sont dès lors comptabilisés en tant que chômeurs. Attention donc : comme nous l’avons

signalé plus haut, un emploi en plus n’égale pas un chômeur de moins.

Lorsque l’on connaît les valeurs de α et de φ, il est simple de déterminer toutes choses

égales par ailleurs le taux de croissance du PIB nécessaire pour faire baisser le taux de

chômage d’un certain montant. Si nous supposons α=2% et φ=0.6, et que l’on souhaite une

baisse du chômage de 2.5%, le taux de croissance nécessaire x sera tel que ∆μ = -φ(x – α)

soit -2.5=-0.6(x-2) ► x6% ; 2% sont indispensables pour éviter une hausse du chômage,

et 4% au-dessus de ce taux font baisser le chômage de (0.6 * 4), soit 2.4%.

Les analyses économétriques montrent également pour ces dernières années une

augmentation du coefficient d’Okun dans un certains nombre de pays : les variations du

taux de chômage seraient plus élastiques au taux de croissance du PIB ; explications :

la compétition accrue sur le marché des biens et des services a forcé les entreprises à

réduire la thésaurisation du travail, afin de comprimer les coûts ;

sous la pression du secteur privé, les Etats ont dû « déréguler » le marché du travail ;

moins celui-ci est rigide, plus le chômage est effectivement élastique au taux de

croissance : contrats court terme, facilités de licenciement, …

En France, les chiffres de l’INSEE indiquent un coefficient de 0.19 pour la période 1970-1989,

et de 0.57 actuellement. Cela signifie que lorsque la croissance dépasse α d’un point, le taux

de chômage diminue 3 fois plus vite qu’avant. Mais ce n’est pas une bonne nouvelle : en cas

de faible croissance ou de récession, les entreprises licencient aussi 3 fois plus qu’avant. A

titre de comparaison, le coefficient est de 0.85 en Espagne et de 0.19 au Japon42.

41

Ce coefficient est calculé par une droite de régression sur les séries annuelles de variation du taux de chômage et de variation du

PIB – voyez le graphique à la page suivante. 42

Ce faible coefficient est le reflet du concept japonais « d’emploi à vie ».

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32

CONSEQUENCES

Les conséquences de la loi d’Okun sont d’une importance vitale :

une croissance économique faible ne fera pas baisser le chômage ;

paradoxalement, on peut donc avoir une économie « en bonne santé » et un chômage qui

augmente ;

la hausse de la productivité, qui est bonne pour les entreprises, est mauvaise pour

l’emploi ; tout aussi paradoxalement, prôner l’augmentation de la productivité pour assurer

la compétitivité de nos entreprises peut conduire à la destruction d’emplois ;

certains politiciens et économistes estiment que la réduction du temps de travail

constituent un remède contre le chômage ; l’exemple français ci-dessus montre qu’une

réduction de plus de 10% du temps de travail produit des effets très limités, notamment

parce qu’elle permet des augmentations de productivité (réorganisation du travail, …) ;

l’augmentation de la population active (forte natalité, flux migratoire important)

est un phénomène tout aussi mauvais pour la réduction du chômage. Le baby-

boom des années d’après-guerre nous a appris que les enfants engendrent d’abord des

coûts importants pour la société (système scolaire), puis sont les demandeurs d’emplois de

demain et les retraités d’après-demain. A défaut d’une forte croissance, tous les pays qui

connaissent une natalité « galopante » ont de sérieux problèmes de chômage, notamment

chez les jeunes. Ceux qui acceptent une immigration massive suivent le même chemin, ils

vont le comprendre, trop tard ? Retour aux idées Malthusiennes43 ???

La loi d’Okun fait régulièrement l’objet d’études ; on constate sur les séries quelques

anomalies, comme le montre le graphique44 ci-dessous pour les USA ; en 2009, le PIB baisse

de 0.5 point ; la loi d’Okun prévoyait une hausse du chômage de 1.2%, il a augmenté de

3% ; en 2011, le PIB croît de 1.6%, le chômage baisse de 0.9 point, alors qu’il aurait dû

augmenter. Cela peut s’expliquer par les décalages qui existent entre la perception de la

variation de croissance et la réaction des entreprises. En 2009, elles auraient ainsi surréagi à

la crise en licenciant beaucoup, et auraient dû se « rattraper » en 2011.

43

Voyez les leçons 1 et 7, la croissance est aussi un problème démographique. 44

Emily Burgen, Brent Meyer et Murat Tasci, An elusive relation between unemployment and GDP (Gross Domestic Product)

growth: Okun’s law, 2012, Federal Bank of Cleveland; la technique utilisée est celle de la régression linéaire par la méthode des

moindres carrés (OLS, ordinary least square) ; cette méthode donne l’équation de la droite de régression; dès lors que l’on dispose

de la prévision du taux de croissance du PIB, on peut en déduire la variation du taux de chômage.

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33

SECTION 5 : POLITIQUE ECONOMIQUE

Objectif 8 : analyser les politiques économiques de lutte contre l’inflation et le chômage

LUTTE CONTRE L’INFLATION : POLITIQUE MONETAIRE

Nous avons analysé à la section 1 de cette leçon les causes de l’inflation. La première de ces

causes étant d’origine monétaire, il apparaît naturel d’utiliser la politique monétaire pour

tenter de maintenir la stabilité des prix (MV = PQ).

La Banque Centrale fournit les liquidités nécessaires au bon fonctionnement du

système économique en veillant à la stabilité de la monnaie et des prix.

Pour cela, la BC (la BCE en zone Euro) fixera des objectifs quantitatifs visant les agrégats

monétaires (M1, M2, M3) et donc les taux d’intérêt 45 et éventuellement un objectif de taux

de change, par intervention sur le marché des changes46 ;

Objectifs monétaires Objectifs globaux

Baisse du taux d’intérêt Relancer l’investissement et la consommation, et donc DG

Hausse du taux d’intérêt Favoriser l’épargne, freiner DG (via C & I)

Contraindre la croissance de M Lutter contre l’inflation (ralentir C)

Apprécier la monnaie nationale Lutter contre l’inflation importée

Déprécier la monnaie nationale Favoriser les exportations

La quantité de monnaie peut difficilement être contrôlée avec précision par les

autorités monétaires. Elle dépend en effet de facteurs qu’elle ne contrôle pas :

l’entrée de devises47 ;

les taux d’intérêt étrangers : i ne peut être fixé sans en tenir compte, sinon il y aura

d’importants mouvements de capitaux, impactant la BTO48 et le taux de change.

Une politique monétaire restrictive est discriminatoire dans ses effets :

la hausse des taux pénalise les investissements qui y sont les plus élastiques

(construction, PME, secteurs où les consommateurs achètent à crédit,…) ;

les banques doivent réduire leurs prêts ; certaines entreprises se retrouvent en

insuffisance de liquidités ; pour éviter des faillites, la Banque Centrale doit alors

réinjecter des liquidités.

45

Ces concepts ont été vus à la leçon 6 de même que le fonctionnement du marché monétaire 46

Leçon 6 : le marché des changes fonctionne selon le schéma offre-demande ; la banque centrale, en se positionnant comme

offreur ou comme demandeur de grandes quantités de devises, va influer sur les cours. 47

Bilan de la BC, leçon 6. 48

Balance des transactions officielles, voyez leçon 5.

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34

LUTTE CONTRE L’INFLATION PAR LES COÛTS : POLITIQUE DE REVENUS

En situation d’inflation par les coûts et de stagflation, la politique monétaire est

inefficace car elle ne s’attaque pas à la cause de l’inflation, qui est due à un choc d’offre.

Gouvernements et entreprises sont tributaires de l’évolution des marchés mondiaux,

notamment des matières premières., et donc peu armés contre une inflation importée.

Toutefois, si la hausse des coûts est la conséquence d’un taux de change défavorable, la BC

pourra intervenir sur le marché des changes, afin de stabiliser le cours de sa monnaie49.

Cette position ne sera pas nécessairement du goût des entreprises exportatrices, pour qui la

baisse du cours de la monnaie nationale est une aubaine.

Le problème de la hausse des coûts salariaux, que les entreprises répercutent sur les prix,

nécessite la mise en œuvre d’une politique des revenus, qui rencontre deux objectifs :

prévenir une inflation par les coûts & assurer la compétitivité des entreprises au

niveau international.

L’instrument extrême en ce domaine est le blocage des salaires, très impopulaire ; c’est

pourquoi on l’accompagne en général d’un blocage des prix. Mais dans une économie

ouverte, le blocage absolu des prix est impossible, vu l’augmentation du prix des produits

importés. Il faut donc laisser de la marge aux entreprises, ce qui mécontente les salariés.

Notre gouvernement préfère utiliser la norme d’évolution salariale (modération) ; il

fixe pour deux ans un pourcentage maximum d’augmentation des salaires (indexation

comprise) en fonction des évolutions dans les pays voisins (F, NL, D), de façon à éviter tout

dérapage dommageable. Il appartient alors aux partenaires sociaux (patronat, syndicats) de

discuter dans le cadre de cette norme, et de trouver un consensus, l’Etat intervenant en

dernier ressort. En Belgique, les salaires sont automatiquement indexés en fonction de

l’évolution de l’indice des prix à la consommation. Ce mécanisme est critiqué à la fois par le

patronat et les organismes internationaux (UE, FMI, …), car il est facteur d’inflation inertielle :

PRIX INDEX SALAIRES

Néanmoins, ce mécanisme est peut-être moins pervers qu’il n’y paraît :

d’une part, la norme salariale inclut l’indexation ;

d’autre part, on constate quand l’indexation automatique n’existe pas, les salariés

négocient les augmentations salariales nécessaires au maintien de leur pouvoir d’achat.

Toutefois, il est clair qu’il empêche la baisse des salaires réels dans les secteurs où elle

s’imposerait.

49

Cela dépend tout d’abord du régime de change (fixe ou flottant), problème abordé dans la leçon 6. Il faut également que la BC

dispose de moyens suffisants pour une telle intervention. Par ailleurs, si le problème persiste, la cause en est structurelle, et il

appartiendra aux autorités de prendre des mesures en conséquence.

ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES

Marc FIEVET : leçons d’économie leçon 8

35

La fixation de normes d’ensemble a l’inconvénient de clicher les structures et de

diminuer les facultés d’adaptation du système : si l’augmentation des salaires est fixée

de manière uniforme pour tous les secteurs, les secteurs à forte productivité ne peuvent

octroyer les augmentations qui leur seraient nécessaires pour attirer de la main-d’œuvre à

partir des secteurs à faible croissance ou à faible productivité. Les « supply-siders » estiment

que la fixation de normes d’ensemble au niveau national doit être évitée ; les négociations

devraient se faire au niveau de l’entreprise.

Des considérations d’équité font que le contrôle des salaires devrait être étendu à

d’autres formes de revenus (tarifs de certains indépendants tels que les notaires,

médecins, …, rémunération des placements, profits,…), ce qui est très compliqué en pratique.

Enfin, les « supply-siders » estiment que la fixation d’un « salaire minimum garanti » est à

éviter car elle freine l’embauche des moins performants (les jeunes non qualifiés, par

exemple)50.

LA LUTTE CONTRE LE CHÔMAGE

La loi d’Okun montre que la condition première pour éviter une hausse du chômage est que le

PIB croisse à un taux suffisant pour absorber les augmentations de population active et de

productivité. Toutes les politiques économiques favorisant la croissance du PIB constituent le

fondement de la lutte contre le chômage. Elles ne sont toutefois pas suffisantes.

POLITIQUE BUDGETAIRE ET FISCALE

En matière de politique budgétaire et fiscale, les responsables doivent veiller à prendre des

mesures qui favorisent la capacité des entreprises à créer et à maintenir de l’emploi ; ces

mesures s’intégreront harmonieusement dans la politique globale de l’emploi analysée ci-

dessous. Pour les visualiser, reprenons les tableaux synthétiques de la leçon 7 :

au niveau des dépenses :

Instruments Objectifs

Aide aux entreprises (production,

investissements, exportations, …)

Augmenter l’investissement et l’emploi ; assurer la

croissance et la compétitivité des entreprises

Investissements d’infrastructure (routes,

rail, ports, aéroports, ……)

Améliorer l’infrastructure du pays au profit des entreprises

tout en les faisant travailler

Enseignement, aides à la recherche Assurer la formation du capital humain.

50

La majorité des pays de l’UE ont un SMIC. En 2013, il est en Belgique de 1.500 €/mois, mais par exemple seulement de 158 €

en Bulgarie et 752 € en Espagne (source : entraide-socuiale.com). Jusqu’en 2014, l’Allemagne n’en avait pas. Depuis le début

des années 2000, les lois HARTZ (Peter Hartz, ancien directeur RH de Volkswagen, salarié du syndicat IG Metall) modifiaient la

notion « d’emploi convenable » et permettaient d’embaucher des chômeurs pour des mini-jobs à 400 €/mois, voire pour des

travaux d’intérêt public à 1 €/heure, le tout concernant près de 3 millions de personnes. A partir de 2015 un SMIC est instauré, à

8,50 € de l’heure, inférieur aux SMIC belge et français.

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36

au niveau des recettes (impôts, sécurité sociale)

Instruments Objectifs

Fiscalité directe vs indirecte Taxer plus ou moins les revenus ? le travail ? la consommation ?

Réductions d’impôt ciblées idem, mais visant certains secteurs clés (secteurs dits

« d’entraînement », comme la construction, les nouvelles

technologies, …)

Aides fiscales ciblées Favoriser la création et le développement des entreprises,

pourvoyeuses d’emplois

Réduction des cotisations sociales Alléger le coût du facteur travail pour lutter contre le chômage.

Comme nous l’avons déjà signalé, la politique budgétaire et fiscale a ses limites : dette et déficit publics sont « réglementés » par les traités européens (respectivement

60% et 3% max. du PIB) ;

l’endettement public constitue un poids pour les générations futures ;

l’emprunt public peut produire un effet d’éviction de l’investissement privé.

Si l’Etat dépense et investit beaucoup, l’équilibre des budgets publics nécessite une

pression fiscale accrue. Inévitablement, cette pression pèse sur les agents économiques :

les entreprises hésitent à investir, et pour les plus grandes, à s’installer dans le pays ; les

ménages voient leur revenu disponible diminuer.

Les agents mettent en œuvre « trucs et astuces fiscales » (légales ou pas) pour éluder

l’impôt : ingénierie fiscale, fuite de l’épargne, travail au noir, … C’est ce qu’explique la

théorie de LAFFER51 :

La courbe de Laffer (qui dans la réalité est asymétrique) montre qu’au-delà d’un certain taux

d’imposition, les revenus de l’Etat DIMINUENT, parce que les agents pratiquent l’évasion ou la

fraude fiscales. En résumé, « trop d’impôt tue l’impôt ».

51

Arthur LAFFER (1940), économiste américain, considéré comme le chef de file des « supply siders ».

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POLITIQUE GLOBALE DE L’EMPLOI

Créer les conditions d’adéquation de l’offre à la demande sur le marché du travail,

favoriser la création de postes de travail dans les entreprises (utilisation du facteur

travail) et lutter contre le chômage.

L’adéquation de l’offre à la demande sur le marché du travail passe par l’éducation

et la formation qui prennent en compte les « compétences » requises par les employeurs ;

le système éducatif développe à temps les filières adéquates et supprime les filières « cul-de-

sac » ; les opérateurs d’enseignement et de formation adaptent les compétences des

chômeurs et des travailleurs, dans une perspective de « lifelong learning » (LLL) .

L’incitation à la création d’emploi passe par la flexibilisation du marché du travail :

réduire les freins à l’embauche par la simplification des procédures liées à l’occupation

de travailleurs : dispositions imposant des obligations aux différentes catégories

d’entreprises (par exemple, en matière de représentation syndicale), durée de préavis,

réglementation des licenciements collectifs, … ;

assouplir les possibilités de recours aux contrats CDD ou intérimaires, … ;

flexibiliser le temps de travail, en moyenne annuelle, avec un maximum hebdomadaire

(ex. : moyenne de 38h/semaine avec possibilité de 45h et RTT52), afin de permettre aux

entreprises de réagir rapidement aux fluctuations de la demande ;

Il est impératif réduire la part des salaires indirects (cotisations patronales de sécurité

sociale) qui augmente le « salaire coût » supporté par l’entreprise et accroît le chômage

« classique ». Le « salaire indirect » étant fixé par l’Etat et donc soustrait aux négociations

entre patrons et travailleurs diminue la flexibilité des salaires réels.

Les supply-siders proposent dès lors de repenser le système de sécurité sociale afin d’en

diminuer la charge pour les entreprises par la « privatisation » de certains risques

(assurances volontaires) et la « fiscalisation » des autres (couverts par l’impôt et

non par des cotisations uniquement à charge du facteur travail).

Il n’est sans doute pas inutile de s’interroger sur le système d’évolution des salaires hors

index. Lorsqu’il dépend de l’âge ou de l’ancienneté, les travailleurs les plus âgés ou les plus

anciens coûtent plus chers, sans qu’il y ait nécessairement un lien avec leur productivité. Les

entreprises ont tendance à les licencier en premier, et n’embauchent que rarement des

travailleurs au-delà de 50 ans. Une évolution salariale liée aux compétences, à la

productivité et au mérite serait sans aucun doute plus correcte.

La lutte contre le chômage nécessite un ensemble de mesure (certaines impopulaires)

telles que l’amélioration des performances du système éducatif ou encore la limitation des

allocations de chômage dans le temps, et l’obligation pour les percevoir de prouver

recherche active d’emploi et formation (« activation des demandeurs d’emploi »).

52

Récupération du temps de travail.

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On le voit, ces mesures sont essentiellement structurelles, visant le moyen et le long terme.

Nous avons déjà débattu de la capacité d’adaptation du système éducatif au marché de

l’emploi, qui se heurte à nombre de contraintes : anticipation des compétences, prises de

décision, financement, statut du personnel enseignant, orientation des jeunes, … Il n’est pas

simple non plus d’intégrer les opérateurs d’enseignement et ceux de la formation, dont les

objectifs et les méthodes sont très différents.

La flexibilisation du marché du travail se fait en général au détriment des conditions de

travail, et n’est donc pas très « sociale ». Elle accentue la dualisation du marché du travail.

Le travailleur a l’impression d’être considéré comme une marchandise, utilisé puis jeté au gré

de l’évolution conjoncturelle ; la succession de contrats précaires empêchent les travailleurs

(jeunes surtout) de se projeter dans l’avenir. Dans une économie mondialisée, au sein d’une

Europe « sociale » inexistante, chaque Etat restant indépendant en la matière, le dumping

social de certains pays (d’Europe centrale notamment) ne laisse pourtant guère le choix.

La diminution du coût du travail nécessite une refonte complète du financement de la sécurité

sociale d’une part, et de la détermination des salaires d’autre part. Il s’agit donc d’un

problème normatif, qui paralyse le monde politique peu enclin à ouvrir la boîte de pandore.

La limitation des allocations de chômage dans le temps et les contreparties exigées pour

les percevoir constituent un débat de même nature. Sont-elles un droit fondamentalement

inaliénable ? Comment vivront les chômeurs en fin de droit ? Paupérisation des individus et

charges insoutenables pour les CPAS53 ? Enfin, la multiplication de contrats spécifiques pour

certaines catégories de demandeurs d’emploi génère des effets pervers ; malheur à qui n’est

pas dans les « bonnes » conditions d’embauche.

LA POLITIQUE DE L’EMPLOI ET DES REVENUS EST POURTANT CRUCIALE POUR LES

PAYS DE LA ZONE EURO :

ILS NE DISPOSENT PLUS DE LEUR POLITIQUE MONETAIRE NI DE CHANGE ;

ILS SONT CONTRAINTS DANS LEUR POLITIQUE BUDGETAIRE ET FISCALE ;

ILS NE CONTRÔLENT PLUS LEURS FRONTIERES (Schengen – immigration) ;

L’AJUSTEMENT DES DESEQUILIBRES PASSE PAR LE MARCHE DE L’EMPLOI :

CHÔMAGE ET DEFLATION SALARIALE54.

53

Centre Public d’Aide Sociale, dépendant des communes, allouant des allocations aux sans revenu. 54

A la suite de la crise de 2008, les exemples grec, espagnol, portugais sont édifiants.

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Portefeuille de lecture/12 : réflexion sur le chômage

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RESUME

1. L’inflation est la hausse du niveau général des prix ; l’inflation galopante est une hausse de plus de 20 % l’an ; l’hyperinflation est une situation dans laquelle les prix augmentent de plusieurs milliers (au moins) % par an. La vraie mesure de l’inflation est le déflateur du PIB. Néanmoins, pour ajuster le pouvoir d’achat des ménages, on utilise l’indice des prix à la consommation (index), qui reprend les produits les plus courants composant le panier de la ménagère. 2. Les économistes classiques ont analysé l’inflation à partir de l’équation quantitative de la monnaie MV = PQ. L’excès d’offre de monnaie génère la hausse des prix ; elle provient souvent d’une monétisation de la dette publique. D’autres théoriciens affirment que l’excès de demande crée aussi de l’inflation. Keynes parle d’écart inflationniste qui apparaît lorsque le revenu disponible est trop élevé par rapport à la disponibilité des biens de consommation. L’inflation peut être déclenchée par une hausse des coûts de production : augmentation du prix des matières premières, accroissement des salaires supérieur à la hausse de la productivité. Enfin, l’analyse néo-libérale apporte ses explications : la concurrence imparfaite régnant sur la plupart des marchés permet aux entreprises de pratiquer des prix au-dessus du « prix naturel » ; les agents économiques prévoient l’inflation future et l’intègrent dans leur comportement (anticipations rationnelles). 3. L’inflation provoque une redistribution des richesses des créanciers vers les débiteurs. Plus exactement, avec une inflation équilibrée et anticipée (prix et salaires variant tous dans la même proportion), personne n’est lésé. L’inflation non prévue favorisera les débiteurs, qui voient le poids de leurs dettes s’amenuiser. Les contribuables sont aussi victimes de l’inflation, dès lors que les barèmes fiscaux ne sont pas indexés. 4. Les théoriciens distinguent trois types de chômage : frictionnel, structurel et conjoncturel. Le premier découle de la « mobilité » des travailleurs, le second de l’inadéquation entre l’offre et la demande sur le marché du travail, le dernier de la demande insuffisante de la part des entreprises. Un chômeur volontaire est une personne qui refuse de travailler au taux de salaire courant ; un chômeur involontaire est une personne qui ne trouve pas d’emploi à ce taux. Les économistes classiques ont fait appel à la théorie des marchés pour expliquer le chômage ; l’offre émane des travailleurs, la demande des entreprises, et le salaire est le prix. Si la demande baisse, soit les salaires sont flexibles et diminuent, soit ils ne le sont pas et apparaît un chômage involontaire (excès d’offre). Pour expliquer la rigidité des salaires, les économistes s’appuient sur diverses théories : administration du marché par les syndicats, existence d’un salaire minimum légal, indemnisation trop généreuse du chômage, surcoûts dûs aux prélèvements fiscaux et parafiscaux, pouvoir de négociation des travailleurs, théorie du salaire d’efficience, …

5. L’important chômage des 30 dernières années du XXème siècle peut s’expliquer par plusieurs facteurs : la démographie (baby-boom d’après guerre) a joué contre le marché du travail, dès le début des années 1970, alors que survenait la rupture de croissance fordiste, entraînant d’importantes mutations dans l’appareil productif ; de plus, à la même époque, la crise induit un net ralentissement de la croissance, diminuant le nombre d’emplois disponibles. Pour financer les dépenses liées au chômage croissant, les Etats ont accru la fiscalité … sur le travail, rendant celui-ci beaucoup trop onéreux entraînant restructurations d’entreprises, substitution en capital et délocalisations. Le taux élevé du chômage a dualisé le marché du travail, en un marché »primaire », aux emplois « typiques » et en un marché « secondaire », aux emplois « atypiques ». Ce second marché s’est développé au détriment du premier ; les travailleurs les moins qualifiés sont les plus concernés, et connaissent une alternance d’emplois précaires et de périodes de chômage difficile à gérer.

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6. L’économiste PHILLIPS a montré qu’il existait a priori une relation décroissante entre le taux de chômage et le taux de variation du salaire nominal. Celui-ci pouvant se répercuter sur les prix, la relation implique a priori le taux d’inflation et le taux de chômage. La courbe de Phillips semble démontrer que la stabilité des prix et le plein-emploi sont deux objectifs inconciliables à court terme. Des calculs ultérieurs ont montré que la courbe de Phillips de court terme implique non pas le taux d’inflation, mais sa variation ; en outre, la courbe n'est pas stable, mais se déplace. Pour expliquer cela, les économistes utilisent le concept du taux naturel de chômage (NAIRU). Lorsque l’économie entre en expansion, le chômage tombe sous le taux naturel, le taux d’inflation s’accroît, et les anticipations des agents poussent la courbe de Phillips vers le haut ; lorsque la récession arrive, le taux de chômage revient au taux naturel, mais avec un niveau d’inflation plus élevé. La courbe de Phillips de long terme est donc verticale, et correspond au NAIRU. 7. La loi d’OKUN montre que les variations de l’emploi ne sont pas proportionnelles à celles de la production, ce qui implique de la part des entreprises une forme de thésaurisation du travail. Des études économétriques ont démontré qu’une certaine croissance positive du PNB était indispensable pour éviter une montée du chômage ; ce taux dépend de la croissance de la population active et de celle de la productivité. Au-delà joue le coefficient d’OKUN : chaque fois que le taux de croissance effectif s’écarte du « taux indispensable », le coefficient permet de calculer la variation du chômage. Les études montrent un accroissement de ce coefficient, dû notamment à la concurrence accrue sur le marché des biens et services et à la dérégulation sur le marché de l’emploi. 8. Pour lutter contre l’inflation et le chômage, les gouvernements mettent en œuvre des politiques économiques. Traditionnellement, la politique monétaire est utilisée pour lutter contre l’inflation ; la banque centrale fixe un objectif de croissance de la base monétaire, et joue sur les taux d’intérêt, ce qui va impacter sur le marché du crédit. Mais cette politique n’est pas efficace lorsque l’on a affaire a une inflation par les coûts. Il est difficile d’agir contre une inflation importée, si ce n’est en manipulant le taux de change. Pour lutter contre l’inflation par les coûts, il faut agir sur l’évolution des salaires : blocage (très impopulaire), fixation de normes d’augmentation, … En Belgique, les salaires sont automatiquement indexés sur un indice des prix « santé » (indice dont on a sorti quelques produits « nocifs ») et lissé (moyenne sur 4 mois). Ce système d’indexation, pratiquement unique en Europe, est très critiqué par les instances internationales, qui y voient un mécanisme générateur d’inflation inertielle et de dérapage des salaires par rapport notamment aux pays voisins. 9. La politique budgétaire et fiscale est un instrument de lutte contre le chômage. Les pouvoirs publics embauchent du personnel, font travailler les entreprises, accroissent le revenu disponible des ménages par des transferts sociaux ou des réductions d’impôt, favorisent la création d’emploi par les entreprises. Néanmoins, l’équilibre budgétaire est de rigueur : si l’Etat accroît ses dépenses, il lui faut augmenter la pression fiscale sur les agents économiques. Arthur LAFFER a montré que lorsque cette pression est trop forte, les agents mettent en œuvre des stratégies d’évasion fiscale, et le rendement de l’impôt est moindre. 10. Autre arme de lutte contre le chômage : la politique de l’emploi. Il s’agit de créer les conditions d’adéquation de l’offre et de la demande sur le marché du travail et de favoriser l’utilisation par les entreprises du facteur travail. L’adéquation offre-demande passe par les systèmes éducatifs et de formation qui doivent prendre en compte les compétences requises par les entreprises et organiser la formation continuée des travailleurs et des demandeurs d’emploi. La création de postes dans les entreprises nécessite la mise en place de conditions favorables : facilité d’embauche, mais aussi de licenciement, flexibilité du temps de travail, réduction des coûts salariaux par la révision des grilles de salaires et du financement de sécurité sociale. La lutte contre le chômage passe également par la limitation des allocations dans le temps et l’obligation de recherche d’emploi et de formation. Ces mesures se heurtent à de nombreuses contraintes (inertie du système éducatif, financement), et la flexibilisation du marché du travail n’est en général pas très « sociale ». Mais n’est-ce pas indispensable dans une économie mondialisée, et face au dumping social de certains pays, notamment d’Europe Centrale ?

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QUESTIONS DE REVISION ET PROBLEMES.

NOTIONS A MAÎTRISER : inflation par la demande et par les coûts, fixation des salaires sur le marché du travail, chômage volontaire et involontaire, causes du chômage, courbe de Phillips, loi d’Okun.

QCM 1. Indiquez la proposition incorrecte : en période d’inflation :

a) les emprunteurs de fonds sont avantagés, sauf indexation de leur contrat b) les détenteurs d’obligation reçoivent toujours un intérêt réel positif c) les prêteurs de fonds voient baisser le pouvoir d’achat des capitaux prêtés d) la non indexation des barèmes fiscaux fait baisser le revenu disponible

2. Indiquez la proposition incorrecte : en plein emploi, des pressions inflationnistes peuvent surgir si :

a) la masse monétaire diminue b) les pouvoirs publics augmentent fortement leurs dépenses c) la demande de biens et services augmente fortement d) les entreprises (offreurs de biens et services) développent des monopoles

3. Indiquez la proposition incorrecte :

a) le chômage frictionnel est lié à la mobilité du facteur travail b) le chômage conjoncturel est lié au déclin de certains secteurs ou régions c) le chômage peut être engendré par une demande globale insuffisante d) le chômage peut être engendré par une insuffisance d’investissements

Questions 1. Ces affirmations sont-elles vraies ou fausses ; justifiez votre réponse ! a) à moyen terme, te taux d’inflation est égal au taux de croissance de la masse monétaire ; b) le taux de chômage a tendance à être élevé en récession et faible en expansion ; c) une baisse du chômage requiert une hausse sensible du PIB ; d) le taux de chômage reste constant tant que la croissance de la production est positive ; e) le taux de chômage structurel n’est pas affecté par des changements de politiques économiques. 2. L’objectif fondamental de la BCE est de contraindre l’inflation au plus près d’un taux nul. En supposant que la vitesse de circulation de la monnaie est constante, doit-elle pour atteindre cet objectif maintenir un taux de croissance de la masse monétaire nul ? Pourquoi ? (revoyez également leçon 6) 3. Le Ministère du travail annonce que sur les 12 derniers mois, le nombre d’emplois a augmenté de 50.000 unités, et que le chômage a baissé de 32.000 unités. Comment expliquez-vous cette différence dans les statistiques ? 4. Discutez les sujets suivants : a) il peut être dans l’intérêt des employeurs de payer les travailleurs au-dessus du salaire d’équilibre. b) comparaison entre le pouvoir de négociation d’un informaticien de haut niveau spécialisé en réseau et celui d’un livreur de pizzas.

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5. Quel sera l’impact sur la courbe de Phillips des évènements suivants ? Expliquez. a) une baisse du prix du pétrole ; b) une hausse des dépenses publiques G. (utilisez le schéma OG/DG). 6. Supposons dans la loi d’OKUN le taux α = 2,5% et le coefficient d’Okun = 0,4%. a) quel est le taux de croissance du PNB qui peut entraîner une hausse du chômage de 1% ? Expliquez ; b) quel taux de croissance faut-il maintenir pour diminuer le chômage de ½ point par an ? c) que se passera-t-il à terme si on assistait aujourd’hui à un nouveau « baby-boom » ?

Réponses au QCM : 1) b ; 2) a ; 3) b Quelques éléments de réponse : 1. a) F b) V c) V d) F e) F 6. Loi d’OKUN : a) 0% (1 point sous α = + 0,4% chômage ; il faut donc 2,5% sous α) b) 3,75% (1,25 point au-dessus de α) c) à terme : toutes choses égales par ailleurs, une augmentation de α