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ECONOMIE ET SECURITE 171 ESC 05 F Original : anglais Assemblée parlementaire de l'OTAN LES IMPLICATIONS POLITIQUES DE LA SOCIETE DU RISQUE PROJET DE RAPPORT GENERAL JOS VAN GENNIP (PAYS-BAS) RAPPORTEUR GÉNÉRAL* Secrétariat international 6 octobre 2005 * Aussi longtemps que ce document n’a pas été approuvé par la Commission de l’économie et de la sécurité, il ne représente que les vues du rapporteur. Les documents de l’Assemblée sont disponibles sur son site web, http://www.nato-pa.int

LES IMPLICATIONS POLITIQUES DE LA SOCIETE DU RISQUE P...LES IMPLICATIONS POLITIQUES DE LA SOCIETE DU RISQUE PROJET DE RAPPORT GENERAL JOS VAN GENNIP (PAYS-BAS) RAPPORTEUR GÉNÉRAL*

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ECONOMIE ET SECURITE

171 ESC 05 F Original : anglais

Assemblée parlementaire de l 'OTAN

LES IMPLICATIONS POLITIQUES DE LA SOCIETE

DU RISQUE

PROJET DE RAPPORT GENERAL

JOS VAN GENNIP (PAYS-BAS) RAPPORTEUR GÉNÉRAL*

Secrétariat international 6 octobre 2005 * Aussi longtemps que ce document n’a pas été approuvé par la Commission de l’économie et

de la sécurité, il ne représente que les vues du rapporteur.

Les documents de l’Assemblée sont disponibles sur son site web, http://www.nato-pa.int

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TABLE DES MATIERES

I. LES TENDANCES ECONOMIQUES ET LA POLITIQUE DE L’EVALUATION DU RISQUE.. 1

II. LA THEORIE DE LA SOCIETE DU RISQUE – L’ŒUVRE D’ULRICH BECK ......................... 4

III. MENACES ET OPPORTUNITES ASSOCIEES A LA MONDIALISATION.............................. 7

IV. LES RESSOURCES NATURELLES ....................................................................................... 8

V. SCIENCE ET TECHNOLOGIE .............................................................................................. 10

VI. LA DEMOGRAPHIE .............................................................................................................. 11

VII. L’ENERGIE............................................................................................................................ 12

VIII. LES MALADIES..................................................................................................................... 14

IX. LA GRIPPE AVIAIRE : ETUDE D'UN CAS D'ACTUALITE PRESENTANT UN "MEGA-RISQUE" POTENTIEL.............................................................................................. 15

A. LA NATURE DU VIRUS ............................................................................................... 16 B. LES CONSEQUENCES POTENTIELLES DE L'EPIDEMIE......................................... 17 C. LES REPONSES ET LES DEFIS POLITIQUES EN PERSPECTIVE .......................... 18

X. CONCLUSION PROVISOIRE ............................................................................................... 19

BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................ 24

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I. LES TENDANCES ECONOMIQUES ET LA POLITIQUE DE L’EVALUATION DU RISQUE

1. Notre Commission fait depuis longtemps valoir que la dimension économique de la sécurité est trop souvent reléguée au second plan par les spécialistes de cette même sécurité. Il s’agit-là d’une erreur pour un certain nombre de raisons et peut-être surtout, de manière évidente, parce que la richesse nationale constitue la base essentielle de la puissance nationale. Mais une myriade de facteurs économiques s’immisce dans la sphère de la sécurité, le plus souvent de manière subtile. 2. Les tendances économiques peuvent aussi constituer des outils très utiles pour les praticiens de la planification stratégique à long terme. Pour prendre l’exemple contemporain peut-être le plus manifeste, constatons qu’à lui seul, le rythme actuel de la croissance économique en Chine est appelé à fondamentalement modifier le système international tel que nous le connaissons. Les implications sont multiples et affecteront la planification des politiques occidentales stratégique et étrangère, la stratégie économique et les politiques macro- et microéconomiques nationales pour les décennies à venir. Le défi concurrentiel posé par la Chine modifiera, en fin de compte, la manière dont les sociétés occidentales organisent leurs propres institutions nationales et même celle dont elles éduquent leurs enfants. Et bien sûr, la puissance économique chinoise viendra étayer sa position militaire stratégique. En bref, il se pourrait fort bien que les changements en Asie aient un impact à pratiquement tous les niveaux de la prise de décisions en matière de politique publique en Occident. 3. Il ne s’agit-là que d’une simple illustration de la manière dont les phénomènes économiques dynamiques peuvent rapidement modifier les fondements et les hypothèses sur lesquels repose la politique étrangère. Le cas de la Chine est utile également car il est révélateur du genre de dilemmes auxquels les décideurs politiques et les parlementaires sont confrontés dans leurs délibérations. Les décideurs politiques doivent non seulement prendre en compte les exigences immédiates, mais également s’interroger sur la question de savoir si des politiques particulières sont appropriées aux tendances et aux risques économiques à long terme. 4. En fait, la prise en compte du risque représente l’un des aspects les plus complexes de la prise de décisions politiques au niveau national. Le risque lui-même constitue un phénomène intangible. Sa compréhension réside dans notre aptitude à pénétrer des phénomènes et expériences passés et à projeter les enseignements tirés dans un cadre de réflexion sur l’avenir. Il s’agit-là d’un processus hautement problématique, dont la complexité n’est qu’en partie atténuée par le recours à l’analyse statistique et à la théorie des probabilités : des outils qui peuvent aider les analystes à extrapoler des données pertinentes issues d’expériences passées pour fournir une base à la manière d’aborder les risques ou opportunités futurs. On espère qu’une image raisonnablement claire de l’avenir émergera ainsi des tendances passées, pour permettre aux décideurs politiques de comprendre le risque et pour s’en prémunir ou, en termes stratégiques, pour anticiper les défis potentiels et commencer à les affronter avant qu’ils deviennent explosifs. Pour poursuivre avec notre exemple, projetons les taux de croissance économique de la Chine dans l’avenir et comparons-les aux taux de croissance économique de l’Occident pour parvenir à mieux comprendre la manière dont la puissance économique mondiale sera distribuée dans vingt ans. L’on pourra alors mieux décomposer les implications de ces changements, par exemple en examinant ce que cela signifie pour les marchés énergétiques mondiaux et le « grand jeu » des rivalités internationales en matière énergétique. 5. De telles projections en ligne droite peuvent, naturellement, être fort trompeuses, en particulier si elles ne tiennent pas compte d’autres facteurs : dans notre cas, la stabilité intérieure de la Chine, les événements à Taiwan, les limites que peuvent imposer à la croissance des contraintes en matière d’approvisionnements énergétiques, les politiques menées pour minimiser ces contraintes, les révolutions technologiques ou les catastrophes naturelles imprévues. Le

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nombre de variables et des impondérables rend virtuellement impossible les calculs en ligne droite. Les modèles simplifiés ont néanmoins leur utilité en matière d’analyse du risque, car ils peuvent suggérer la manière dont le monde est susceptible d’évoluer, «toutes autres choses restant égales». 6. A l’instar des tendances démographiques, les tendances économiques sont, statistiquement, relativement simples à déterminer. Les phénomènes économiques fournissent d’ailleurs une foule de données calculables, qui peuvent s’avérer extraordinairement utiles pour anticiper les nouveaux défis. A titre d’exemple, les discussions sur les retraites et les soins de santé en Amérique du Nord et en Europe reposent sur la confluence de trois séries de données qui, ensemble, donnent une idée relativement inquiétante de ce qui se passera si les réformes des régimes de pensions n’interviennent pas suffisamment tôt dans les sociétés occidentales. Ces lignes de tendance renvoient aux taux de croissance économique, aux revenus budgétaires escomptés en fonction de ces taux de croissance, aux taux d’imposition projetés et aux données démographiques de sociétés vieillissantes. L’image que ces lignes de tendance dessinent est d’une telle clarté qu’il n’y a pas à discuter quant aux insuffisances auxquelles les systèmes nationaux de retraite et de soins de santé seront bientôt confrontés dans de nombreuses sociétés occidentales. 7. Le risque futur pour les fonds de pensions nationaux est relativement facile à discerner, parce que les variables qui conduisent à la crise qui se profile exercent déjà leur influence. Même dans ce cas toutefois, trouver de réponses nationales ou internationales à la crise qui s’annonce s’avère infiniment difficile. Aux Etats-Unis, l’administration propose la création d’un système parallèle de comptes de retraite privés, associé à un emprunt public massif (des accroissements des impôts sont exclus pour des raisons politiques) afin d’assurer la période de transition entre un fonds de sécurité sociale unique et un système mixte public-privé. En Europe, les discussions et les propositions sont généralement plus timides encore, bien que la menace de la bombe démographique à retardement soit encore plus apparente. 8. Tout cela permet de penser que, même avec une vision très claire du « risque », les sociétés démocratiques peuvent réagir avec une extrême lenteur. Des intérêts profondément ancrés en faveur du statu quo constituent inévitablement un gigantesque obstacle aux changements, même les plus nécessaires. Il serait intéressant d’examiner la manière dont les autorités publiques américaines ont évalué la résistance du système de digues à mettre en place à la Nouvelle-Orléans, système qui – en fin de compte – s’est avéré inadéquat pour faire face au risque d’inondation dans cette ville aux abois. Pour le monde économique, de tels obstacles sont parfois plus faciles à surmonter. C’est ainsi, par exemple, que les compagnies d’assurance sont plus sensibles au risque et à la gestion du risque que les milieux politiques. Il est intéressant de noter, entre autres, avec quelle célérité les compagnies d’assurance contre les catastrophes ont élargi les risques qu’elles acceptent de couvrir, ces risques étant passés d’événements naturels comme les ouragans ou les inondations aux désastres provoqués par le terrorisme. Parallèlement, des innovations financières sophistiquées comme les marchés des produits dérivés contribuent à l’étalement du risque, afin de le gérer plus efficacement. (Felsted) 9. Il existe aussi des cas paradoxaux où un risque potentiel est beaucoup plus amorphe, ce qui n’empêche pas des sociétés de parvenir à se mobiliser très rapidement et efficacement pour parer à cette éventualité. La réponse de l’Europe aux aliments génétiquement modifiés pourrait constituer un exemple en la matière. Les données scientifiques sur le risque pour la santé et l’environnement des organismes génétiquement modifiés (OGM) semble, dans certains cas, bien moins irréfutables que la preuve que, sous leur forme actuelle, les systèmes nationaux de retraite ne sont pas viables. Or, la capacité du risque OGM de mobiliser la société et ses représentants politiques en Europe offre un contraste saisissant avec l’échec de la mobilisation à l’action politique en vue de résoudre la crise des retraites.

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10. Cette situation pourrait apparaître comme un phénomène totalement irrationnel. Une quasi-certitude ne parvient pas à susciter une réponse impérieuse, alors qu’un argument incertain se retrouve au premier rang de l’agenda politique et du commerce international. Plusieurs éléments peuvent expliquer cette situation. Il est certain que la capacité de répondre aux risques correspond en partie à la corrélation des intérêts engagés. Mais d’autres facteurs plus amorphes, comme la culture, la tradition et les perceptions qu’elles engendrent, jouent également un rôle. Pourquoi les Européens perçoivent-ils les OGM comme tellement risqués alors que ce n’est pas le cas des Américains ? Il est certain que le fait que des entreprises américaines jouent un rôle moteur dans la mise au point de cette technologie fournit l’un des éléments de l’explication. Le risque des OGM ne représente pas seulement un risque pour les consommateurs et l’environnement européens, mais également un risque pour des intérêts commerciaux et agricoles directs en Europe. Ainsi, brandir le risque des OGM peut également constituer un moyen de protéger certains intérêts puissants dans la société. Ajoutons, par ailleurs, le fait que l’Europe ait une culture séculaire liée à la nourriture, et que cette culture n’est guère encline à un changement rapide. Dans de nombreuses sociétés européennes, toute chose pouvant impliquer une révolution dans la manière dont les aliments sont cultivés ou consommés fera l’objet d’un scepticisme marqué, voire d’une hostilité pure et simple. Dans le cas du récent débat sur les OGM, les consommateurs se sont mobilisés plus rapidement que les gouvernements pour marquer leur opposition à une adoption rapide d’aliments génétiquement modifiés et la réaction a été largement conditionnée par la culture. 11. Il convient également de noter que certains pays en développement traitent la question des OGM sous un angle très différent en termes d’intérêts et de besoins. Pour quelques pays en développement au moins, la perspective d’une récolte abondante et riche en vitamines contrebalance les risques potentiels. D’autres pays en développement cependant, pourraient suivre l’exemple des Européens, en grande partie parce qu’ils vendent sur tel ou tel marché et ne veulent pas adopter des technologies susceptibles de mettre ces marchés en danger. Il y a même des pays qui, bien que frappés par la famine, refusent d’accepter une aide alimentaire impliquant des OGM. 12. La notion de risque sociétal est donc fondamentalement de nature politique. Les gouvernements et les parlementaires sont sans cesse tenus de pratiquer l’évaluation des risques et d’élaborer des législations, des réglementations et des politiques conçues pour limiter les risques, voire les éliminer ou même, dans d’autres cas, les ignorer. Cette situation pourrait être perçue comme un processus rationnel par nature, dans lequel toutes les analyses statistiques disponibles sont utilisées pour forger des stratégies appropriées, afin de minimiser ou d’éliminer les risques. Mais, si les choses étaient aussi simples, on pourrait assister à l’abolition des motocyclettes en Europe ou à l’éradication des permis de port d’armes aux Etats-Unis. Comme rien de cela ne semble probable, il convient d’admettre que tout un éventail d’autres facteurs conditionne l’aptitude d’une société à accepter ou à ne pas accepter un risque. 13. Un autre facteur important est, naturellement, le coût. Nous acceptons un certain degré de risque, car le coût lié à l’élimination d’un danger particulier peut tout simplement être trop élevé. Pour prendre un exemple, il pourrait être possible de construire une voiture absolument sûre, mais le coût en serait commercialement prohibitif. Les sociétés établissent des réglementations en matière de sécurité des automobiles en fonction de compromis implicites du ratio coût/risque. Nous acceptons un certain risque parce que les risques et les accidents sont inévitables en ce monde imparfait, et parce que le coût de l’élimination d’un risque – même d’un risque que l’on peut empêcher - s’avère parfois prohibitif. Face à ces contraintes, les sociétés cherchent à minimiser les risques au mieux de leurs capacités. 14. Il en résulte que le risque ne constitue pas un concept objectif ou scientifique, pouvant être systématiquement quantifié, socialement accepté, puis éliminé ou minimisé. La manière d’affronter le risque est conditionnée par la culture ; c’est un processus modelé par les intérêts prépondérants

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dans une société donnée et par les coûts potentiels des différentes options. On parle aussi souvent de « perception du risque ». Il s’agit-là d’un concept important dans le domaine militaire stratégique et certainement pour la politique de l’Alliance. Les Etats répondent à un risque uniquement dans la mesure où il existe une certaine corrélation d’intérêts et de dispositions culturelles dans une société donnée, qui contribue à leur faire admettre ce risque et à s’accorder sur les mesures pour y faire face. Enfin, des sociétés différentes placeront la barre à des niveaux qui diffèrent également. Il s’agit-là d’une dimension évidente dans la controverse sur les OGM : les consommateurs européens perçoivent un risque considérable et veulent l’éliminer, tandis que les consommateurs américains ne voient qu’un faible risque et y décèlent, de surcroît, une opportunité commerciale potentiellement rentable. Ce paradoxe complique par nature la gestion multilatérale des risques. II. LA THEORIE DE LA SOCIETE DU RISQUE – L’ŒUVRE D’ULRICH BECK 15. La mondialisation, la production de masse et les progrès technologiques modifient fondamentalement la manière dont les sociétés occidentales analysent le risque et y font face. D’après certains universitaires, ces facteurs modifient également la nature même du risque. Le risque est de plus en plus perçu par certains sociologues comme le résultat presque automatique de la production de biens et du progrès technologique. Des risques incalculables proviennent des secteurs nucléaire, chimique, génétique et de la défense, ainsi que de l’utilisation généralisée de carburants fossiles. L’industrialisation dans son ensemble engendre d’ailleurs un risque de modification catastrophique du climat de la planète, d’un coût incalculable pour la société humaine. Alors que les risques se multiplient, les institutions conçues pour les gérer et pour protéger les citoyens semblent de plus en plus incapables de le faire. Les menaces commencent à l’emporter sur les normes de sécurité socialement admises et il ne semble exister aucun moyen rationnel disponible de rétablir l’équilibre. (Harries-Jones) Ce phénomène fait l’objet d’un nouveau domaine d’investigations universitaires associées aux sciences économiques, sociologiques et politiques. Le sociologue allemand Ulrich Beck joue un rôle moteur dans le développement de cette nouvelle approche. 16. Ulrich Beck fait valoir qu’un changement fondamental est en cours et qu’il modifiera radicalement la manière dont le risque est identifié et géré ou, plutôt, n'est pas géré. A l’ère industrielle, les Etats-nations ont été les premières entités à affronter le risque. Le progrès, la certitude et la sécurité étaient alors considérés comme se renforçant mutuellement et l’Etat-nation jouait, avec le marché, un rôle central en garantissant les trois. La gestion du risque générait la confiance de la population dans l’Etat, de même qu’au sein des marchés, qui étaient structurés non seulement pour générer la prospérité, mais également pour affronter le risque, une obligation que le secteur des assurances a longtemps contribué à soutenir. 17. D’après Ulrich Beck et ses collègues, une nouvelle forme de modernité émerge actuellement. Elle se caractérise par une accélération, une interdépendance transnationale toujours plus importante et l’émergence d’une «mondialisation» économique, culturelle, politique et sociétale, dans laquelle les lignes de fracture entre les Etats et même entre les sociétés occidentale et non-occidentale disparaissent progressivement. Parallèlement à l’estompement de l’ancien ordre bipolaire, de nouveaux défis résultant du changement technologique et de l’intégration mondiale contraignent les gouvernements et les sociétés à affronter non pas des ennemis, mais plutôt des risques. Le rythme rapide du progrès technologique associé à un réseau toujours plus dense de liens mondiaux entraîne les risques, largement imprévisibles, dans de nouvelles directions. Nombre de ces risques transcendent le contrôle national, car ils sont véritablement mondiaux par nature et parce qu’ils peuvent constituer la conséquence totalement imprévisible de l’innovation rapide et du changement technologique.

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18. Ulrich Beck décrit d’ailleurs le marché mondial actuel comme une forme d’«irresponsabilité organisée». Tout bien considéré, la gouvernance mondiale n’existe pratiquement pas. La gestion du méga-risque transnational sans des institutions de gouvernance véritablement transnationales est devenue quasi impossible. Cette déficience est cependant devenue une question pressante et elle suscite la possibilité d’une refonte ultime de la politique telle que nous la connaissons. Les politiques de la gestion du risque enracinées essentiellement dans des préoccupations très locales ont rapidement revêtu un caractère international. Elles sont de plus en plus perçues comme constituant peut-être la seule manière de gérer le risque transfrontalier, d’autant que la mondialisation et le progrès technologique affaiblissent l’autonomie et le pouvoir de l’Etat moderne. Cela soulève de nouveaux défis pour la gouvernance mondiale ou, comme Ulrich Beck l’appelle, la «démocratie cosmopolite». 19. Ulrich Beck discerne un déplacement de l’équilibre entre ce que l’on considérait jadis comme des problèmes mondiaux et ceux traditionnellement perçus comme des défis locaux. De plus en plus, les derniers ont besoin d’être formulés, discutés et résolus par le biais de cadres transnationaux. Politiques et Etats ne s’alignent pas sur ce nouvel impératif, même si de nombreux acteurs non gouvernementaux commencent à penser et à agir en conséquence. Ulrich Beck est d’avis qu’avec le temps, on pourrait assister à une réinvention de la politique. C’est ainsi, par exemple, que de nouveaux partis cosmopolites, peut-être analogues aux groupes qui existent actuellement au Parlement européen, pourraient être davantage enclins à représenter des intérêts transnationaux au niveau transnational, ainsi qu’aux niveaux national et local. Naturellement, l’existence des groupes de partis paneuropéens s’explique en grande partie par la présence d’une institution qui, par nature, exige de telles structures. L’Europe est, évidemment, liée par des institutions communes et par un sens partagé de la mission. L’on ne peut en dire autant de la communauté mondiale au sens large, bien que le partage des risques puisse en fin de compte entraîner le genre de changements qui rendraient plus probable l’élaboration de réponses véritablement transnationales aux défis mondiaux. 20. Ulrich Beck prédit en effet que la gestion des risques est appelée à devenir le catalyseur central de la politique transnationale. Il parle de l’émergence de «communautés du risque», des groupes de personnes unies par un risque partagé, même s’ils sont divisés par des frontières. Ces communautés du risque apparaissent déjà et sont de plus en plus actives au sein d’un ordre international hautement intégré et technologiquement sophistiqué. De tels groupes sont liés par le fait qu’ils sont contraints d’accepter les risques générés par les actes des autres. Ulrich Beck discerne clairement une nouvelle ligne de fracture dans la vie politique moderne. Au sein de l’ordre mondial émergent, il existe de petits groupes qui génèrent et profitent du risque, tandis que des couches importantes de la société sont exposées au risque sans en retirer d’avantages tangibles. Les conséquences et les dangers de la production industrielle développée sont désormais mondiaux et, de ce point de vue, la «société mondiale du risque» reflète la socialisation mondiale forcée qui résulte des dangers croissants produits par la civilisation et l’économie globale. 21. Ulrich Beck pense que des institutions transnationales capables de répondre à l’envergure mondiale de ces défis seront finalement nécessaires pour faire face aux risques mondiaux. Au vu de ces nouvelles incertitudes, il est cependant important de faire la distinction entre les risques qui, en principe, peuvent être maîtrisés et ceux qui échappent à la capacité de gestion des institutions humaines. Mais même la distinction entre ces deux types de risques reste un exercice difficile. Des crises écologiques par exemple peuvent résulter de lacunes dans les normes et les institutions de la société industrielle, ou, plus probablement, être intrinsèques à la nature même de cette société. Les crises du premier type permettent de penser que des solutions peuvent être trouvées en bricolant les règles du jeu, tandis que celles du second type soulèvent des questions cruciales plus systémiques. 22. Ulrich Beck établit une distinction entre plusieurs types de menaces mondiales pour l’environnement :

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1. Les destructions de l’environnement provoquées par la soif de richesses, entreprises pour

promouvoir la société de consommation (trou dans la couche d’ozone, effet de serre, etc.), 2. Les destructions de l’environnement entraînées par la pauvreté (abattage des forêts

tropicales, déchets toxiques, utilisation de technologies obsolètes nuisibles à l’environnement),

3. L’utilisation potentielle d’armes de destruction massive, nucléaires, biologiques ou chimiques.

23. Il fait valoir qu’il est particulièrement difficile de jauger, quantifier et gérer l’interaction entre la destruction de l’environnement, la guerre et les conséquences d’une modernisation incomplète. Les calculs de sécurité testés et éprouvés semblent désormais inadéquats face aux formes catastrophiques de risques auxquels la société mondiale est actuellement confrontée. Limiter les dommages en cas de réchauffement dramatique de la planète pourrait, par exemple, dépasser les capacités de l’espèce humaine et de ses institutions. 24. Ulrich Beck explique qu’il existe de puissants intérêts ligués contre la mise en place de nouvelles coalitions transfrontalières pour affronter ces défis. Les grandes industries génèrent des niveaux de risque phénoménaux pour l’environnement, mais leurs coûts pour la société ne se reflètent pas dans les prix. Les systèmes légaux contemporains sont inadaptés à la gestion des véritables responsabilités et le débat public minimise souvent la portée des risques réels, d’autant que les interrelations entre divers phénomènes environnementaux et activités humaines ne sont pas bien comprises. Pourtant, lorsque ces questions vitales sont négligées par la politique officielle, c’est aux forces extraparlementaires et aux citoyens qu’il appartient de prendre la relève. Des groupes de ce type semblent aujourd’hui pouvoir transcender les frontières avec une plus grande souplesse, même si le levier politique dont ils disposent est limité. 25. Ulrich Beck est également préoccupé par la manière dont la société calcule les compromis entre la production industrielle ou l’activité militaire et le risque de déclencher des chaînes catastrophiques d’événements qui échappent au contrôle de l’homme. La maladie de la vache folle peut être considérée comme un cas représentatif où les processus agricoles industriels ont contribué à déclencher une maladie qui s’est avérée très difficile à maîtriser. Sa maîtrise est d’ailleurs d’autant plus difficile en raison de modèles d’échanges commerciaux internationaux pratiquement sans entraves. 26. Cela soulève une question qui concerne le genre d’instruments que la société peut utiliser pour gérer les risques. Peut-elle élaborer des moyens financiers pour se protéger contre les «méga-risques» ou pour mettre en place des politiques qui atténuent ces risques ? Ou existe-t-il certains risques trop importants pour s’en prémunir ? D’autre part, les sociétés ne devraient-elles pas concevoir des ententes sociales prévues pour décourager l’apparition de dangers industriels avant que ceux-ci puissent représenter un risque de catastrophe ? 27. Ulrich Beck fait valoir que deux lignes contraires d’évolution historique ont commencé à converger à la fin du XXe siècle : d’une part, un niveau de sécurité fondé sur la perfection des normes techno-bureaucratiques et, de l’autre, l’apparition de «méga-dangers» inédits dans l’histoire, qui ont réussi à s’insinuer au travers des filtres légaux, technologiques, intellectuels et politiques. Depuis le début du XXe siècle, les institutions sociales de la société industrielle ont dû rendre compte de la possibilité historiquement sans précédent pour l’espèce humaine de concevoir la destruction de toute vie sur notre planète. Nous vivons aujourd’hui à une époque de technologies nucléaire, chimique et génétique, qui toutes rendent plus complexe la mise en place de garde-fous contre les pires scénarios de catastrophes imaginables. En fin de compte, il n’existe aucune institution qui soit préparée au pire accident imaginable. D’après Ulrich Beck, la société du risque est ainsi devenue la société sans assurance.

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28. Pour Ulrich Beck, l’avènement de la technocratie du danger sape le calcul des risques. La définition des risques est inadéquate et il n’existe aucune règle standard pour attribuer les causes et les effets dans des conditions où la complexité, l’intégration et l’éventualité sont importantes. Les sociétés modernes estiment qu’il est tout simplement plus facile d’ignorer les risques qu’elles ne peuvent pas évaluer qu’à chercher à les comprendre, surtout lorsque ces risques sont la conséquence d’une action et d’une production industrielles. 29. D’après Ulrich Beck, on constate également d’importants décalages de temps dans la compréhension de la nature du risque. Les dangers auxquels la société est actuellement exposée peuvent remonter à une époque antérieure. De même, l’approche des risques générés par les technologies atomique, génétique et chimique s’effectue à l’aide de concepts dérivés de l’ancienne société industrielle du XIXe et du début du XXe siècle. 30. Une autre dimension intéressante du «méga-risque» réside dans le fait qu’il présente un caractère « démocratique », dans la mesure où tout le monde y est en fin de compte vulnérable. Ceci étant, les pauvres dans le monde demeurent toujours plus vulnérables et seraient les moins à même de s’adapter, par exemple, à des modifications soudaines de l’environnement. La destruction de la Nouvelle-Orléans par l’ouragan Katrina illustre cette situation de manière parfaite et tragique. Ce sont les couches les plus pauvres de la population de cette région qui n’ont pu trouver les moyens de fuir les inondations et dans lesquelles figure un nombre disproportionné de victimes. Cet aspect de la charge asymétrique du partage du risque pourrait conduire à de nouvelles divisions mondiales entre les gagnants et les perdants. Un conflit résultant du risque ou une guerre pour les ressources résultant d’événements catastrophiques pourrait même se révéler la forme ultime de conflit politique. 31. Ulrich Beck s’intéresse à la manière dont ces «méga-risques» modifient la politique. Il prévoit l’avènement d’un nouveau genre de politique «de la vie», aux termes de laquelle la société civile cherchera à se réaffirmer face aux risques générés par l’ordre mondial. D’après Ulrich Beck, l’émergence de dangers à grande échelle et d’«incertitudes manufacturées déclenche une dynamique de changements politiques et culturels qui sape les bureaucraties publiques, remet en question la dominance de la science et redessine les frontières et les lignes de bataille de la politique contemporaine». Ulrich Beck et d’autres théoriciens du risque pensent que les risques mondiaux exacerbés par un ordre libéral échappent au contrôle de l’Etat régulateur. Il en appelle à un nouveau genre de politique «inversée», capable de prendre part aux décisions jadis laissées à la «technocratie occidentale». Il conclut qu’une société mue par l’esprit de clocher et de nouvelles formes de multilatéralisme pourrait constituer le seul moyen pour les individus de regagner un certain contrôle sur les risques qu’ils sont de plus en plus contraints d’accepter. (Harries-Jones) III. MENACES ET OPPORTUNITES ASSOCIEES A LA MONDIALISATION 32. Ulrich Beck s’intéresse à la création de nouveaux champs d’investigations sociales et politiques, de même qu’à une vigoureuse critique de l’ordre mondial libéral. Il a élaboré une base théorique utile pour étudier la manière dont le risque modifie la dynamique politique en Occident et, en particulier, en Europe. Les gouvernements nationaux demeurent très probablement les principaux protagonistes de la prise en charge du risque. En effet, l'Etat-nation continue à jouer un rôle prépondérant dans l’ordonnancement de la société, même si les ONG et les organisations transnationales ont de l’influence et continueront à modifier le contexte au sein duquel les Etats opèrent. Il se peut aussi que la science doive être perçue comme une voie de sortie et pas simplement un moteur du risque. La science, en elle-même, constitue un phénomène neutre ; c’est la société qui fournit le contexte dans lequel elle est utilisée. C’est pourquoi le problème de la gouvernance se situe au cœur même de la gestion du risque et, comme le souligne Ulrich Beck, les méga-risques ne peuvent pas être adéquatement gérés étant donné les cadres nationaux actuels chargés d'évaluer et d'affronter ces risques. A tout le moins, relever ce défi de

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gouvernance modifiera la manière dont les Etats interagissent et pourrait, en fait, jeter la base d’une nouvelle version de multilatéralisme. Les Etats devront également créer de nouveaux partenariats avec le secteur privé, les organisations non gouvernementales et les citoyens. 33. De toute façon, la mondialisation et la révolution technologique posent d’incontestables défis quant à la manière dont les sociétés anticipent et gèrent le risque. Le problème est que, alors que le monde acquiert une plus grande intégration économique et que la technologie devient la véritable trame qui relie des pays et des cultures distants, les points de vulnérabilité se multiplient. C’est pourquoi un certain nombre de gouvernements, de même que des commissions indépendantes, des organisations internationales et des universitaires, tentent pour l’instant d’anticiper certains de ces défis. 34. Les prévisionnistes stratégiques parlent de plus en plus de «catalyseurs» pour désigner les domaines de risque appelés à devenir, selon toutes probabilités, d’importants moteurs de changement stratégique à long terme. Ces catalyseurs incluent la démographie, les ressources naturelles et l’environnement, l’alimentation et l’agriculture, la science et la technologie, l’évolution de l’économie mondiale et la mondialisation, les maladies et la santé, ainsi que la manière dont la gouvernance nationale et internationale affronte les domaines de risque cités et d’autres encore. Il est intéressant de noter que beaucoup de ces domaines ont également des implications sur la manière dont nous comprenons et faisons face au terrorisme, l’une des principales menaces stratégiques auxquelles l’Occident est actuellement confronté et certainement celle qui suscite le plus d’attention. Toutefois, comme beaucoup l’ont appris face aux conséquences de l’ouragan Katrina, une focalisation sélective sur le risque ne constitue pas nécessairement une stratégie rationnelle pour s’en prémunir. IV. LES RESSOURCES NATURELLES 35. Le tout premier inventaire mondial des ressources naturelles a été publié en avril 2005. L’Evaluation de l’écosystème du millénaire (MA), soutenu par les Nations unies, la Banque mondiale et l’Institut des ressources mondiales, a coûté 24 millions de dollars et impliqué 1 300 scientifiques dans 95 pays. D’après cette évaluation, au cours des 50 dernières années, l’activité humaine a modifié plus rapidement et plus profondément les écosystèmes mondiaux qu’à toute autre époque de l’histoire humaine. Soixante pour cent des ressources de la planète qui soutiennent la vie humaine, telle que l’eau, sont dégradés ou utilisés d’une manière qui ne peut durer. En 2032, plus de la moitié de la planète pourrait souffrir d’une pénurie d’eau. (OSCE, mai 2002) Cette dégradation accroît aussi la possibilité de changements dramatiques et soudains de l’environnement avec des conséquences terribles comme la disparition du secteur de la pêche au niveau mondial, comme le laisse peut-être présager l’effondrement des réserves de cabillauds dans l’Atlantique au début des années 90. 36. Les changements les plus apparents des écosystèmes naturels trouvent leur origine dans la conversion de l’habitat naturel en terres de culture et dans la destruction des forêts. Dans 25 pays, la majeure partie des forêts a été totalement éradiquée et dans 29 autres, les zones forestières ont disparu à concurrence de 90 %. Le rapport MA permet également de penser que l’eau et le secteur de la pêche sont actuellement tellement dégradés que la demande ne peut plus être correctement satisfaite et que la situation ne pourra qu’empirer en l’absence d’une profonde modification de politique. L’irrigation a doublé depuis 1960 et a entraîné une forte diminution des ressources des nappes phréatiques. L’utilisation d’engrais explose et conduit à l’appauvrissement en oxygène des lacs et de portions entières de fonds océaniques. Fait plus inquiétant encore : ces processus entrent en corrélation de façon pas toujours parfaitement compréhensible. 37. D’après la CIA, en 2015, près de la moitié de la population mondiale – soit trois milliards de personnes – vivra dans des pays manquant d’eau, situés pour la plupart en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie méridionale et dans le nord de la Chine. Dans les pays en développement,

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80 % de l’eau est utilisé pour la production agricole. Cette situation n'est pas viable. Mille tonnes d’eau sont nécessaires pour produire une tonne de céréales. Les niveaux hydrostatiques chutent parfois précipitamment. Pour prendre un exemple, dans le nord de la Chine, les niveaux hydrostatiques diminuent à un rythme d’un mètre cinquante environ par an. En Inde, les niveaux hydrostatiques diminuent de 90 centimètres à trois mètres par an. De tels taux de diminution ne peuvent tout simplement pas perdurer et l’eau devra être utilisée de manière bien plus efficace dans de nombreuses régions du monde. Le recours à la technologie pourrait représenter une partie de la solution. C’est ainsi, par exemple, que certaines plantes génétiquement modifiées ont besoin de moins d’eau que les variétés normales pour parvenir à maturité. Des stratégies de développement plus durables dans l’ensemble seront toutefois essentielles si l’on veut éviter un manque d’eau permanent. 38. Les pénuries d’eau représentent également des défis potentiels pour la sécurité. Près de la moitié de la surface immergée de la planète se compose de bassins fluviaux partagés entre deux pays au moins et plus de trente pays importent de l’étranger plus d’un tiers de leur eau. Les différends concernant les droits sur l’eau sont devenus une source importante de tensions au Moyen-Orient, en Asie centrale, en Amérique du Nord et ailleurs. On ne peut exclure la possibilité qu’à l’avenir, des tensions concernant les droits sur l’eau puissent dégénérer en conflits militaires dans certaines régions. Jusqu’à présent cependant, la situation ne s’est pas produite et à ce jour, les conflits pour des ressources basées sur l’eau demeure davantage une potentialité qu’une réalité. (Gleditsch & Urdal) 39. La disparition des zones humides en raison du développement et de l’urbanisation pose une autre série de problèmes. Les zones humides constituent un composant vital de la biodiversité, un filtre naturel essentiel et une barrière contre les tempêtes. Leur valeur potentielle est clairement apparue à la suite de l’ouragan Katrina, qui a détruit la plus grande partie de la Nouvelle-Orléans cet été. Si les zones humides en Louisiane n’avaient pas été systématiquement détruites, l’impact de l’ouragan aurait probablement été beaucoup moins dévastateur. En résumé, les zones humides réduisent l’ampleur des vagues lors des tempêtes. Il suffit ainsi de 4,3 kilomètres de zones humides pour absorber trente centimètres de la hauteur des vagues. Le littoral de la Lousiane a reculé de 48 kilomètres vers l’intérieur des terres depuis les années 1930, ce qui a exposé la Nouvelle-Orléans à une montée dévastatrice du niveau des eaux. (Greentree) Quelque 160 000 maisons de la Nouvelle-Orléans sont inhabitables et le coût associé à l’arrêt des activités d’une grande ville américaine aura un impact au niveau national. (Martin Wolf, «How rising oil prices add to the world economy’s fragility», Financial Times, 7 septembre 2005) 40. Parallèlement, la biodiversité représente un autre grave défi à long terme. Les taux d’extinction sont désormais mille fois plus élevés que la norme dans l’histoire de l’évolution et entre 10 et 30 % des vertébrés terrestres de la planète sont menacés de disparition. D’après des modèles récents, les taux d’extinction ne peuvent que s’accélérer, notamment en raison de la destruction des habitats. Il est extrêmement difficile d’établir un modèle des conséquences de ce genre de changement, mais il existe sans aucun doute de nombreux risques pour l’équilibre écologique de la planète lorsque tant d’espèces de la flore et de la faune qui assurent cet équilibre sont en voie de disparition. 41. La MA pourrait faire la même chose pour la crise des ressources planétaires que ce qu’a fait le Comité intergouvernemental pour les changements climatiques en matière de réchauffement de la planète : placer les risques au centre de l’agenda international. La différence cependant est que la MA n’a pas été commandée par des gouvernements, comme l’a été l’étude sur le réchauffement climatique ; elle constitue une initiative de la communauté scientifique elle-même. L’étude fournit néanmoins d’importantes informations de fond concernant quatre traités sur l’environnement, dont la Convention des Nations unies sur la diversité biologique et la Convention de Ramsar relative aux zones humides. (Graham-Rowe & Homes)

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42. La rapide industrialisation des pays en développement, la prolifération des automobiles, le nombre croissant d’indemnités d’assurance liées aux perturbations météorologiques et les preuves scientifiques sans cesse plus irréfutables permettent toutefois de penser que le réchauffement climatique n’est pas seulement une réalité, mais également une réalité qui risque de prélever un terrible tribut sur les habitats humains. L’on ignore si la récente avalanche d’ouragans qui a frappé les Etats-Unis est directement liée au réchauffement de la planète ou si elle s’inscrit simplement dans le modèle cyclique à long terme des tempêtes de l’Atlantique, mais la plupart des scientifiques sont d’avis que le réchauffement permanent des océans est susceptible de déclencher des modèles de perturbations météorologiques considérablement plus graves. Il suffit d’observer la dévastation subie par la Nouvelle-Orléans pour se faire une idée des conséquences potentielles. Avant la révolution industrielle, les concentrations de carbone dans l’atmosphère atteignaient 275 parties par million. Le taux actuel est de 380. Des modèles scientifiques révèlent que lorsque ce chiffre dépassera 550, il entraînera très probablement une catastrophe écologique. Pour de nombreux experts, il s’agit-là de la ligne rouge à ne pas franchir. (McKibben) 43. Un récent rapport du Pentagone sur les implications du réchauffement de la planète pour la sécurité déclare : «Des preuves substantielles indiquent qu’un important réchauffement de la planète surviendra au cours du XXIe siècle.» A des fins spéculatives, ce rapport dépeint un scénario du pire, dans lequel des guerres pour les ressources surviennent dans des régions essentielles à la production de produits alimentaires à la suite d’un réchauffement/refroidissement catastrophique mondial. Certains planificateurs de la défense prennent déjà très au sérieux le risque de réchauffement de la planète, alors que d’autres ne le font pas. (Schwartz & Randall). Le rapport du Pentagone conclut que l’utilisation de combustibles alternatifs, la maîtrise des émissions de gaz à effets de serre et des efforts de préservation de l’environnement pourraient contribuer à améliorer la situation, bien que toute solution entraîne un certain nombre de défis. 44. D’après la plupart des scientifiques, la ratification et même la mise en oeuvre intégrale du Protocole de Kyoto ne suffiront pas à inverser la tendance que nous venons de décrire. Avec l’aggravation de la situation, la communauté internationale sera de plus en plus soumise à des pressions pour qu’elle adopte des mesures plus radicales, à savoir un sevrage des économies totalement dépendantes des carburants fossiles ou, au moins, une diminution de leur consommation par le biais d’économies d’énergie et de nouvelles technologies. De nombreux scientifiques affirment que le réchauffement de la planète a déjà commencé à peser sur l’économie mondiale et qu’il intensifie d’autres défis écologiques, comme les pénuries d’eau et les problèmes liés aux perturbations météorologiques. (McKibben) 45. Ces problèmes servent déjà de catalyseurs à des recherches sur des sources d’énergie non fossiles, telles que les énergies solaire, éolienne et nucléaire. Les investissements dans ces technologies sont probablement appelés à s’accroître parallèlement au renchérissement des prix pétroliers. L’amélioration de la technologie, associée à des prix plus élevés de l’énergie, pourrait faciliter leur introduction à grande échelle. Les progrès technologiques dans ces domaines devraient constituer l’un des piliers de toute stratégie à long terme pour affronter les risques écologiques et pour assurer un équilibre entre ces risques et l’accroissement des exigences énergétiques. Toutes ces technologies ont toutefois leurs limites et aucune d’entre elles n’est en mesure de totalement remplacer les carburants fossiles. V. SCIENCE ET TECHNOLOGIE 46. Le monde demeure plongé dans la révolution technologique, qui entraîne l’apparition de rapides changements en informatique et dans les télécommunications, de même que dans les

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sciences des matériaux et l’ingénierie génétique et biologique. Les implications de ces révolutions scientifiques touchent de nombreux secteurs de l’activité humaine, dont les affaires militaires. Les effets de ces progrès sont difficiles à anticiper. La technologie peut aider à résoudre d’anciens problèmes tout en en créant de nouveaux. L’intégration mondiale et la prolifération de la technologie de l’information assurent une dissémination plus large et plus rapide de la technologie. Le décalage de temps entre l’innovation technologique et son adaptation commerciale se réduit lui aussi. Parallèlement, ces progrès contribuent à forger de nouveaux liens par-delà les frontières nationales et entre les régions rurales et les centres urbains. Ces changements entraînent à leur tour une érosion de la capacité des gouvernements à contrôler l’information et sont susceptibles de promouvoir les mouvements démocratiques dans les pays autoritaires, comme on l’a vu en Europe de l’Est à la fin de la Guerre froide. D’autre part, les groupes terroristes sont, eux aussi, en mesure d’utiliser ces technologies. Le risque que représentent le cyber-crime et le cyber-terrorisme est en général déjà compris, mais eux aussi renvoient aux risques associés à une économie mondiale de plus en plus intégrée. (Reese) Face au nombre croissant des systèmes de communication et d’information en réseau, et aux pouvoirs destructeurs que la technologie peut conférer à un nombre d’acteurs relativement restreint, la capacité d’un nombre réduit de terroristes déterminés à infliger des dommages catastrophiques aux implications mondiales s’accroît de manière presque incalculable. Cela exige une vigilance constante, de même que des efforts pour mettre en place des redondances de sauvegarde pour les réseaux vulnérables. 47. Les sciences génétiques continueront également à progresser et l’on peut s’attendre à des progrès surprenants dans le domaine médical comme dans l’agriculture. Mais même ici, les risques abondent. C’est ainsi, par exemple, que des tests récents sur des graines de colza et des betteraves sucrières génétiquement modifiées et résistant aux herbicides ont montré que ces nouveaux hybrides représentent une plus grande menace pour la biodiversité que les récoltes conventionnelles, alors que le maïs transgénique encourage quant à lui la biodiversité. Ces résultats n’ont été obtenus qu’après des tests approfondis. (Financial Times, 17 octobre 2003) Des formes plus pernicieuses d’ingénierie génétique peuvent également être envisagées. Entre les mains de mouvements terroristes millénaristes, de fanatiques isolés ou même d’expérimentateurs involontaires, ces technologies pourraient menacer des écosystèmes vitaux et la santé publique. Il n’est donc pas surprenant qu’aujourd’hui, de graves préoccupations stratégiques existent face à la capacité d’agents pathogènes conçus par l’homme à porter gravement préjudice à la santé publique, sans possibilité de recours à des remèdes faciles. Les progrès technologiques continueront enfin à poser des dilemmes moraux et éthiques, comme en témoignent les débats récents sur les cellules souches aux Etats-Unis. VI. LA DEMOGRAPHIE 48. La population mondiale a doublé depuis 1961. Bien que la production alimentaire ait augmenté à un rythme encore plus rapide au cours de la même période, la pression sur l’environnement s’est très fortement accrue, elle aussi. L’explosion démographique renvoie à de réels problèmes liés à la capacité de l’environnement à soutenir une telle croissance et à celle de produire suffisamment de richesses pour faire sortir de la pauvreté une part plus importante de la population mondiale, l’un des buts fondamentaux des Objectifs du Millénaire pour le développement. L’un des écologistes participant à la MA a d’ailleurs déclaré que le fait de réduire la pauvreté d’une aussi vaste population renforcera encore, inévitablement, la pression sur l’environnement et compromettra donc la capacité à long terme de réduction de la pauvreté. C’est particulièrement le cas dans les régions arides, où des pénuries d’eau imposent des limites naturelles à la croissance économique visant à l’éradication de la pauvreté. Mais, même en termes généraux, la génération de richesses entraînera presque inévitablement l’imposition de nouvelles exigences aux écosystèmes. Si le processus n’est pas adéquatement géré, cela pourrait conduire à des calamités écologiques.

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49. La population mondiale atteindra 7,2 milliards d’individus en 2015, alors qu’elle n’était que de 6,1 milliards en 2000. Les progrès en cours en matière de soins de santé accroissent l’espérance de vie. Ce sont les pays en développement qui connaîtront la plus forte augmentation de population, bien que certains pays puissent enregistrer un déclin en raison de pandémies telles que le SIDA ou la malaria, ou encore la guerre. Ces tendances démographiques générales engendreront une grave pression dans les pays où les systèmes politiques et économiques sont les moins solides. Un autre élément qui complique davantage encore le défi réside dans le fait que le monde en développement connaît également une migration massive des campagnes vers les centres urbains. L’urbanisation génère à son tour des pressions sans précédent sur l’infrastructure et les ressources environnementales, qui pourraient fort bien entraîner une instabilité sociale et politique. La Chine a, par exemple, récemment dû faire face à une série de manifestations écologiques violentes en raison d’une pollution non contrôlée liée à l’accroissement du nombre de nouvelles usines. Des investissements à grande échelle dans l’infrastructure seront nécessaires pour minimiser le chaos urbain dans la majeure partie des pays en développement si l’on veut leur donner quelque espoir d’instaurer des normes urbaines raisonnables pour la protection de la santé publique. Fournir des emplois aux jeunes est également essentiel à la sécurité ; un taux de chômage élevé est très déstabilisant et peut avoir tout un éventail de répercussions aux conséquences internationales. 50. La plupart des pays en développement enregistreront une importante augmentation de leur population active. Ce processus accroît en théorie le potentiel de croissance économique, mais ne pourra être exploité que si on assiste à la création d’un contexte propice à la croissance et à l’émergence de nouvelles possibilités, tant au niveau national qu’international. 51. Comme nous l’avons dit plus haut, dans les pays développés, les tendances démographiques vont dans la direction opposée et le vieillissement de la population génère de graves difficultés pour les systèmes de retraite et de soins de santé. Les nouvelles tensions sociales et l’avènement d’une politique générationnelle plus dure sont susceptibles de saper les contrats sociaux existants, tellement essentiels pour la stabilité intérieure des pays occidentaux. Il est clair que les pressions sur les budgets de la défense et de l’assistance s’amplifieront en Europe, lorsque les effets financiers d’une société vieillissante commenceront à devenir évidents. De nouveaux pactes devront être imaginés, mais la transition sera sans doute politiquement très difficile. (Rapport de la CIA) 52. Les tendances démographiques divergentes au Nord et au Sud permettent enfin de penser que la migration des pays en développement vers les pays développés se poursuivra probablement, en raison de la disparité des richesses et de l’inévitable besoin de nouveaux travailleurs dans les pays développés vieillissants. Même si des raisons économiques peuvent justifier l’immigration, les politiques d’intégration sont plus problématiques et très délicates. En la matière également, de nouveaux accords politiques et sociaux seront nécessaires pour atténuer les tensions sociales, politiques et militaires qui ne manqueront pas de surgir. VII. L’ENERGIE 53. Anticiper les tendances pour les marchés de l’énergie constitue un processus très aléatoire ; les facteurs essentiels comme les futures conditions de la demande, les nouvelles découvertes, les modifications des politiques énergétiques, la stabilité politique dans les pays fournisseurs, les capacités de raffinage, les modèles météorologiques, l’évolution de la technologie et l’efficacité énergétique sont tous difficiles à prévoir. Ceci étant, il est de plus en plus clair que la demande en pétrole et en gaz au cours des 20 prochaines années dépassera largement les estimations réalisées voici quelques années. La croissance explosive de la Chine, de l’Inde et d’autres pays asiatiques, associée à un développement à forte intensité énergétique, révolutionne les marchés énergétiques mondiaux. Au cours de ces dernières années, les prévisionnistes ont dû considérablement ajuster leurs estimations pour tenir compte de l’évolution à long terme des

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conditions des marchés. Les plus récentes prévisions du département américain de l’Energie (DoE) font apparaître que la demande mondiale en pétrole passera de 80 millions de barils par jour en 2003 à 120 millions de barils par jour en 2025. Au cours de cette période, la production de l’OPEP progressera de 80 %, tandis que celle des pays n’appartenant pas à l’OPEP passera de 49 à 65 millions de barils par jour. Le DoE prévoit dans son modèle de référence qu’en 2025, les prix pétroliers avoisineront les 30 dollars le baril en prix 2003, soit 52 dollars le baril en prix nominal. Son scénario «prix élevé» situe le prix du baril à 48 dollars 2003, ce qui pourrait engendrer une importante activité en matière de production d’énergie alternative. (DoE) 54. Naturellement, pour l’instant, 48 dollars le baril semble vraiment un prix très peu élevé. D’autres analystes s’attendent à une hausse des prix beaucoup plus importante, en raison du dynamisme de la demande et des préoccupations grandissantes en matière d’approvisionnement à long terme. L’on constate plusieurs cas récents de surestimation des réserves par des compagnies pétrolières, pour manipuler le prix de leurs actions ou à la suite d’erreurs de calcul. Enfin, comme l’a démontré la saison des ouragans aux Etats-Unis, les infrastructures de raffinage et de forage sont vulnérables aux catastrophes naturelles, tandis que – dans d’autres régions – les incertitudes politiques et en matière de sécurité peuvent entraîner une cessation des activités. Comme la plus grande partie de l’industrie énergétique approche de sa capacité maximale, il n’existe actuellement aucun moyen d’atténuer l’impact d’interruptions d’approvisionnements majeurs, ce qui a pour conséquence une flambée des cours.

55. Les récentes augmentations de prix indiquent d’ailleurs des conditions très dynamiques de la demande dans certaines parties du monde, que les observateurs internationaux ont peut-être sous-estimées de même que les vrais problèmes d’approvisionnement. (Binks) Les limites des capacités de raffinage fragilisées par les ouragans et les incertitudes politiques contribuent également aux récents problèmes d’approvisionnement. La demande pétrolière chinoise a augmenté de 11 % en 2003 et 15,6 % en 2004. Ces augmentations ont considérablement accru la pression qui pèse sur le marché. (Rapport sur le marché pétrolier, Agence internationale de l’énergie) Parallèlement, la demande d’automobiles en Chine s’est accrue de 50 % pour la seule année dernière et l’usage de l’automobile ne fera que croître inexorablement dans une économie en rapide expansion. L'explosion de la demande chinoise coïncide avec le maintien de l’accroissement de la demande aux Etats-Unis, premier consommateur mondial de pétrole, et l’augmentation de la demande dans d’autres pays d’Asie, dont l’Inde. La capacité ne suit tout simplement pas. (Binks) L’Agence internationale de l’énergie indique que les risques à court terme pour la sécurité énergétique augmenteront au cours des dix prochaines années, étant donné qu’une partie de plus en plus importante du gaz et du pétrole proviendra de régions politiquement instables. L’OPEP bénéficiera d’un retour d’une partie de son pouvoir oligopolistique. (Keven Morrison) 56. Les pays en développement s’adjugeront la majeure partie de l’augmentation de la future demande et représenteront près de la moitié de la demande totale en 2030. Les émissions de gaz carbonique seront en 2030 probablement supérieures de 60 % à ce qu’elles sont actuellement, deux tiers de l’augmentation provenant du monde en développement. Les tendances économiques occidentales indiquent une diminution de l’utilisation énergétique par rapport au PIB. Cela s’explique en partie par le fait que les services sont devenus le moteur de la croissance au détriment de l’industrie de la fabrication et parce que l’innovation technologique renforce l’efficience énergétique - bien que la tendance dans le secteur automobile américain aille dans la direction opposée, en raison du très faible niveau des taxes sur l’énergie et des faibles exigences en matière de consommation pour les types de véhicules [sports utility vehicle (SUV) et fourgonnettes) qui, depuis une dizaine d’années, sont largement utilisés comme voitures familiales. (Bamberger)

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57. Alors que le prix de l’essence augmentent inexorablement, Detroit est désormais confrontée à un véritable casse-tête, car les stratégies des constructeurs automobiles américains se focalisent depuis fort longtemps sur la production de voitures de grande taille plutôt que sur des modèles plus petits d’une plus grande efficience énergétique. Celle-ci ne constitue pas une priorité pour les consommateurs américains, bien que les choses soient en train de changer. Les prix de l’énergie poussent désormais de nombreux consommateurs à exiger des modèles qui consomment moins, le plus souvent importés de l’étranger. Cet état de fait ne pourra qu’amplifier les conséquences des fortes augmentations des prix de l’énergie pour l’économie américaine. L’Europe taxe depuis longtemps l’essence à un taux beaucoup plus élevé et les voitures de faible consommation y sont beaucoup plus répandues. L’augmentation des prix lui confère donc un certain avantage, car – d’une part – les gouvernements sont en mesure de soutirer une partie des profits des pays exportateurs de pétrole par le biais de la taxation et – d’autre part – parce que ces gouvernements disposent également de l’option de réduire les taxes sur les produits énergétiques dans l’éventualité d’un choc pétrolier afin d’atténuer celui-ci. Plusieurs gouvernements européens appliquent d’ailleurs cette politique depuis quelques mois déjà. 58. Aux Etats-Unis, la production pétrolière interne a diminué de 40 % au cours des 30 dernières années, alors que la consommation nationale a progressé de 40 %. En conséquence, la part des importations dans la consommation américaine est passée de 35 à 56 % au cours de la même période. Dans moins de 20 ans, les Etats-Unis importeront plus d’un quart de leur gaz naturel, contre 2 % actuellement. Les producteurs de pétrole du Golfe persique disposent actuellement de la majeure partie de la capacité de production en réserve dans le monde, ce qui rend l’économie mondiale particulièrement dépendante de cette région très instable. Tout cela permet de penser que même le pays le plus puissant du monde est confronté à une grave vulnérabilité énergétique et manque actuellement de stratégie face à la demande, alors que l’approvisionnement échappe de plus en plus à son contrôle. (Buchan & Hoyos) 59. Il existe donc tout un éventail de risques d’approvisionnement énergétique à long terme face auxquels les gouvernements doivent réagir. Le principal d’entre eux réside peut-être dans l’instabilité au Moyen-Orient, où des gouvernements autoritaires ne parviennent pas à répondre aux attentes de leurs citoyens rétifs et privés de leurs droits. Le développement de la demande provenant de pays en développement comme la Chine souligne également l’éventualité de nouvelles rivalités stratégiques portant sur l’accès à l’énergie. Un rapport récent de la CIA révèle que les fournisseurs et les demandeurs d’énergie s’apprêtent à s’associer suivant des schémas inédits. C’est ainsi qu’à terme, le Golfe, la Russie et l’Asie centrale approvisionneront principalement les consommateurs asiatiques, tandis que les producteurs de l’Atlantique desserviront les marchés européen et nord-américain. (CIA) Toutefois, on ne sait trop comment on pourra parvenir à une telle division des tâches. Il est facile d’imaginer une concurrence toujours plus féroce pour les ressources, en particulier si la croissance de la demande commence à dépasser l’augmentation des disponibilités. Enfin, il est manifeste que la dépendance croissante face à l’énergie fossile conditionne les approches occidentales des régimes fortement autoritaires qui disposent d’importantes réserves de gaz et de pétrole. Les pays occidentaux seront peut-être moins enclins à faire pression en faveur de changements politiques positifs lorsqu’ils dépendront de ces régimes et de leurs élites pour s’approvisionner en énergie. L’absence de réaction face aux régimes fortement répressifs conduit toutefois à l’apparition de tout un éventail de nouvelles menaces, dont une instabilité à long terme. VIII. LES MALADIES 60. L’augmentation démographique et la pression sur l’environnement affectent également la vitesse à laquelle les maladies pathogènes se développent et se répandent. Actuellement, la moitié de la population urbaine en Afrique, en Asie, en Amérique latine et dans les Caraïbes souffre de maladies associées à la mauvaise qualité de l’eau et des installations sanitaires. La

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déforestation entraîne un développement de la malaria, car le ruissellement de l’eau accroît les zones marécageuses où les moustiques se multiplient. Près de cinq millions de personnes ont été contaminées par le VIH au cours de la seule année 2004, tandis qu’au cours de la même année, le SIDA a entraîné la mort de 3,1 millions d’individus. Entre 39 et 44 millions de personnes sont désormais séropositifs. La pandémie se répand de différentes manières dans le monde, ce qui rend la prévention d’autant plus difficile. L’Afrique compte aujourd’hui plus de 60 % des séropositifs, tandis que l’Inde et la Chine sont sur le point de connaître une multiplication explosive du nombre de malades. (Fek et. Al) La mondialisation et, en particulier, des moyens de transport toujours plus rapides et efficaces compliquent la maîtrise de l’épidémie. Le SRAS s’est mué en problème mondial lorsque des voyageurs ont contribué à la dissémination rapide de la maladie, ce qui a gravement compliqué les efforts pour la contenir. Les responsables des politiques de santé qui surveillent de près l’apparition des foyers de grippe aviaire ont désormais ce problème à l’esprit. 61. Relever ces défis à l’aide de moyens technologiques représente une arme à double tranchant. Si, d’une part, les percées de la recherche médicale génèrent de nouveaux traitements pour les maladies graves, la résistance virale à certains de ces traitements permet d’autre part de penser que la nature trouve souvent des moyens de contourner l’innovation humaine. La technologie engendre également de nouveaux dilemmes stratégiques. La science et les technologies médicales peuvent, par exemple, donner à des groupes terroristes des moyens d’action de manières imprévues. Le clivage Nord-Sud en matière d’accès aux soins de santé s’exacerbera probablement lui aussi au fil des années. Dans ce contexte, les maladies infectieuses finiront par poser un problème plus important aux pays en développement qu’aux pays développés, bien que – ici encore – la lutte contre les pandémies constitue toujours un défi difficile qui, dans certains cas, peut même déborder l’appareil de santé publique de sociétés hautement développées. De plus, les mesures et traitements onéreux de santé publique préventive demeureront un luxe réservé aux pays riches. La tuberculose, la malaria, l’hépatite et le SIDA continueront à ravager certaines parties du monde en développement et la lutte contre ces maladies consommera des parts importantes du PIB dans les régions les plus pauvres. Suite à ces fléaux, certains pays connaîtront une diminution importante de l’espérance de vie de leurs habitants.

IX. LA GRIPPE AVIAIRE : ÉTUDE D’UN CAS D’ACTUALITÉ PRÉSENTANT UN

« MÉGA-RISQUE » POTENTIEL

62. La grippe aviaire constitue un exemple de risque mondial en plein essor, qui confronte d’ores et déjà les décideurs politiques à une série d’interrogations complexifiées par les déplacements mondiaux de marchandises et de personnes, ainsi que par les conditions sanitaires dans le monde en développement. Le virus de cette grippe, le H5N1, a été pour la première fois détecté à Hong Kong en 1997 et a entraîné, depuis lors, la mort de millions de poulets, de canards et d’autres oiseaux d’élevage en Asie du Sud-Est. Chose plus inquiétante pour les experts de la santé publique, ce virus se transmet des oiseaux aux êtres humains et les taux de mortalité s’avèrent extrêmement élevés dans ce cas. Mi-2005, 59 personnes avaient déjà succombé à cette souche de grippe particulière, pour la plupart après un contact direct avec des oiseaux infectés. Cette souche de grippe aviaire est répandue en Asie, mais – en juillet 2005 – les autorités russes ont fait état des premiers cas parmi des oiseaux domestiques. Elles redoutent qu’avec les migrations aviaires de la Sibérie vers les régions de la mer Caspienne et de la mer Noire, puis vers l’Afrique et la région méditerranéenne, la maladie s’étende rapidement à d’importants centres de populations. (Wall Street Journal, 18 août 2005)

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63. Bien qu’aucune preuve n’existe de la transmission du H5N1 entre êtres humains, les scientifiques redoutent fortement qu’en cas de mutation du virus, la limite qui nous sépare encore d’une véritable pandémie ne soit franchie. Les scénarios du pire prévoient l’infection de 40 % de la population mondiale et la mort de millions de personnes. (Garrett) Naturellement, si le virus ne mute pas, la transmission aux êtres humains peut être limitée en réduisant les contacts avec les oiseaux. Mais de nombreux scientifiques estiment néanmoins qu’une mutation interviendra à un moment ou à un autre. (Osterholm)

64. La grippe aviaire présente les caractéristiques essentielles d’un «méga-risque» planétaire potentiel ; son impact demeure toutefois hautement incertain et dépend de toutes les voies génétiques susceptibles d’être empruntées par la grippe, ainsi que des décisions politiques et de la capacité de la santé publique à élaborer et à distribuer un vaccin. Toute décision politique devra toutefois être internationale ; à elles seules, des réponses nationales ou locales seront inadéquates face au défi. Les scientifiques comparent actuellement la grippe aviaire, tant en termes de symptômes que de taux de mortalité potentiels, à la pandémie de grippe espagnole de 1918. L’on estime que cette maladie a entraîné la mort de 675 000 Américains, soit de 6 % de la population. L’armée fut particulièrement touchée, car les mouvements de troupes vers l’Europe facilitèrent la transmission du virus. Il n’existe aucun chiffre officiel concernant le nombre de décès entraînés par cette grippe, mais des estimations font état de 40 à 50 millions de victimes. (Garrett) Les scientifiques et les gouvernements s’avérèrent impuissants face à cette pandémie, car toutes les mesures sanitaires échouèrent et il n’existait aucun vaccin contre la maladie. 65. Les craintes suscitées par la grippe porcine de 1976 offrent un contre-exemple de pandémie attendue qui ne s’est jamais produite. En 1976, les autorités sanitaires américaines mirent en garde contre l’arrivée d’une épidémie de grippe porcine. Le président Ford ordonna l’affectation de sommes importantes à la production de vaccins et proposa aux sociétés pharmaceutiques une protection de leurs responsabilités, pour les encourager à produire un vaccin. Or, jamais la grippe ne s’est matérialisée. L’on estime que le gouvernement dépensa 90 millions de dollars pour empêcher la dissémination d’une maladie qui n’est jamais devenue une menace. Cela a porté un grave préjudice à la crédibilité des autorités sanitaires américaines et même à la réputation du président Ford. Les implications de ces événements sont inquiétantes, car elles démontrent les inconvénients politiques liés à la surestimation d’une menace. Elles sont également révélatrices de la complexité des questions auxquelles les responsables politiques peuvent être confrontés. A. LA NATURE DU VIRUS 66. La grippe aviaire apparaît généralement parmi les oiseaux aquatiques et est souvent transmise par les oiseaux migrateurs aux oiseaux d’élevage, puis aux êtres humains. Les pays asiatiques sont particulièrement vulnérables à cette grippe, en raison des mauvaises conditions phytosanitaires dans les fermes. Comme nous l’avons dit, un problème majeur réside dans le fait que le code génétique des virus de la grippe mute facilement. Les immunités et les vaccins issus des épidémies précédentes sont donc inutiles face aux nouvelles épidémies. En conséquence, il n’existe aucune immunité humaine connue face au virus de la grippe aviaire (H5N1). Qui plus est, depuis son apparition en 1997, ce virus a muté pour adopter une forme plus résistante, appelée «z+», capable de tuer des rongeurs, des mammifères et des êtres humains. En trois semaines, en janvier 2004, le virus a tué onze millions de volailles au Vietnam et en Thaïlande. Le taux de mortalité chez les volailles atteint 100%. 67. A la mi-2005, l’on comptait 109 cas signalés d’infection humaine par le H5N1, la majorité desquels trouvant leur origine dans une forme ou l’autre de contact avec des volailles. Il existe toutefois un certain nombre de cas où les personnes atteintes n’avaient pas eu de contacts avec des oiseaux. Autre mystère : il n’y a aucun décès parmi les éleveurs de volailles. En résumé, les

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modes de transmission du virus demeurent en grande partie inconnus, ce qui rend plus difficile encore l’élaboration d’une politique. 68. La nature de la grippe aviaire chez les humains est très similaire à celle de la grippe espagnole : en plus de symptômes classiques, tels que toux, maux de tête, fièvre, etc., les personnes atteintes souffrent également de pneumonie, d’encéphalite, de méningite et d’hémorragies internes. La caractéristique la plus dangereuse est le syndrome de détresse respiratoire aiguë (ARDS), qui endommage gravement les poumons. C’est précisément l'ARDS qui a causé la plupart des décès lors de la pandémie de grippe espagnole. Le taux de mortalité entraîné par la grippe aviaire chez les humains atteignait 37 % en 1997, lors de l’apparition de la maladie, puis a grimpé à 68 % en 2003, lors de l’émergence du nouveau type « z+ » plus résistant. En 2004, ce taux de mortalité est retombé à 36 %. (Garrett) Les scientifiques n’expliquent pas encore ces fluctuations. L’une des explications consiste toutefois à considérer que le recul du taux de mortalité peut signifier que le virus s’est adapté à ses hôtes humains, de sorte qu’il est moins virulent, mais que sa transmission est plus aisée. Par le passé, une telle caractéristique a été le prélude à des épidémies de grippe. B. LES CONSEQUENCES POTENTIELLES DE L’EPIDEMIE 69. L’on redoute de plus en plus que l’impact du virus H5N1 soit similaire à celui de la grippe espagnole. Si cela devait être le cas, ce virus entraînerait la mort de quelque 1,7 million de personnes aux Etats-Unis et de 180 à 360 millions à l’échelle planétaire, la plupart ayant entre 18 et 40 ans. Ce chiffre est cinq fois supérieur à celui des décès cumulés provoqués par le SIDA. (Garrett) 70. Outre une pénurie de vaccins, si cette grippe devait se répandre parmi la population humaine, il y aurait aussi très probablement une pénurie en matière de services et d’équipements de soins de santé (respirateurs, tenues de protection, etc.) Autres conséquences potentielles : 1) Il se pourrait que les militaires soient particulièrement vulnérables à cette grippe, en raison

de leurs déplacements et des endroits où ils se trouvent. C’est ainsi, par exemple, que les troupes américaines déployées en Asie sont susceptibles d’être plus vulnérables à la contagion que celles stationnées aux Etats-Unis. Au cours de la Première Guerre mondiale, les épidémies ont entraîné la mort de beaucoup plus de soldats que les combats. Une pandémie catastrophique pourrait donc affecter les opérations militaires et de maintien de la paix internationales, avec des conséquences imprévues pour l’ordre et la paix.

2) L’impact économique planétaire d’une pandémie serait très conséquent. Les différents pays décideraient probablement d’interdire les importations de viande. Les animaux d’élevage devraient être abattus afin de ralentir la propagation de la maladie. L’on estime que, début 2005, l’industrie asiatique de la volaille avait déjà perdu quelque 15 milliards de dollars en raison de la mort des volailles et de la réduction de la demande. (Garrett) Si la grippe s’attaque à l’homme, le nombre de malades parmi la population active pourrait considérablement réduire l’activité économique et le coût des soins de santé pourrait entraîner de graves charges fiscales, en particulier dans les pays en développement.

3) La maladie pourrait également conduire à la restriction des libertés, en raison de quarantaines massives, ainsi qu’à de sérieuses restrictions des voyages internationaux. Au printemps 2005, les responsables américains ont empêché l’accès au territoire des Etats-Unis des visiteurs étrangers suspectés d’être porteurs du SRAS (syndrome respiratoire aigü sévère), une décision qui a perturbé pendant trois mois l’arrivée de voyageurs en provenance d’Asie. La grippe aviaire est potentiellement beaucoup plus dangereuse que le SRAS et son apparition dans la population humaine entraînerait très probablement de

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sérieuses limitations des déplacements, ce qui perturberait le tourisme et les échanges commerciaux mondiaux.

4) La rapide dissémination de la grippe pourrait finalement engendrer une panique massive. Cela représente également un dilemme pour les responsables gouvernementaux, qui doivent respecter un savant équilibre entre les exigences liées à une bonne information et les risques de provoquer des réactions irrationnelles dans le grand public. La réponse du gouvernement chinois à l’épidémie de SRAS en 2003 a consisté à dissimuler des informations sur la maladie, mais cela a également suscité l’anxiété et la panique. D’après un analyste chinois, l’épidémie de SRAS a entraîné la plus grave crise sociale en Chine depuis la crise de la place Tienanmen en 1989. (Osterholm)

C. LES REPONSES ET DEFIS POLITIQUES EN PERSPECTIVE 71. Mi-2005, il n’existait encore aucun vaccin contre le virus de la grippe aviaire. D’après les tests, ce virus pourrait être vulnérable au médicament Tamiflu produit par la société pharmaceutique suisse Roche. Ces tests permettent toutefois de penser que, pour avoir un effet, ce médicament doit être administré dans les 48 heures qui suivent l’infection. En l’absence d’autres options, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande la constitution de stocks de Tamiflu. L’Australie, les Etats-Unis, la Malaisie et le Royaume-Uni, ainsi que plusieurs sociétés multinationales, ont suivi cet avis. Les pays moins développés sont incapables de générer une réponse politique adéquate. Ainsi par exemple, l’Indonésie, où un certain nombre de personnes sont mortes récemment de la grippe aviaire, n’a constitué, à ce jour, aucun stock adéquat de Tamiflu. (Financial Times, 17 septembre 2005) 72. Les scientifiques cherchent également à mettre au point un vaccin «anti-z+», sans résultats à ce jour. Une série de problèmes empêche cette mise au point. La production de vaccins contre la grippe utilise des œufs de poule pour la production d’échantillons viraux. Or, il existe un risque élevé de contamination et des procédures d’hygiène rigoureuses et très coûteuses sont utilisées. La mise au point d’un nouveau vaccin contre la grippe en suivant cette méthode exige généralement deux ans et demi. (European Voice, 28 septembre 2005) La mise au point d’un vaccin «anti-z+», pose le problème supplémentaire que 100 % de volailles infectées en meurent. Cela rend très difficile la culture du virus à l’aide d’œufs de poule et il a fallu cinq ans aux chercheurs pour surmonter le problème. Les recherches pour la production d’un vaccin s’effectuent suivant des méthodes plus efficaces, mais l’on ne prévoit pas que leurs résultats permettent une utilisation pratique dans un avenir prévisible. 73. Un autre problème réside dans le fait que seul un nombre très restreint de sociétés pharmaceutiques sont actuellement désireuses de produire des vaccins contre la grippe. Les récentes fusions ont considérablement réduit le nombre de sociétés pharmaceutiques qui opèrent sur le marché et celles-ci sont très réticentes à assumer le risque financier associé à la recherche et à la production d’un vaccin. Le gouvernement américain n’a pas fourni de protection de responsabilité à ces sociétés en matière de production de vaccins, ce qui pourtant allégerait leurs charges. Le caractère saisonnier de la grippe, qui exige la mise au point de nouveaux vaccins chaque année, dissuade les sociétés pharmaceutiques car cela représente un risque financier si l’épidémie saisonnière présente une faible intensité. 74. Les experts de l’OMS se réunissent chaque année, en février, pour se mettre d’accord sur les types de vaccins nécessaires pour l’année à venir. Le problème est que les épidémies en Asie ont débuté avant la production des vaccins et qu’il semble nécessaire de modifier le cycle de cette production. 75. Signalons enfin que la production de vaccins est un processus lent et que les fabricants sont incapables d’en produire rapidement des quantités importantes. La production mondiale de

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vaccins contre la grippe atteint actuellement quelque 350-450 millions de doses par an, ce qui ne représente qu’une petite partie de la quantité qui serait nécessaire en cas de pandémie. (Financial Times, 23 août 2005) La pénurie de vaccins affectera surtout les pays pauvres, mais il est peu probable que même les pays riches puissent faire totalement face au besoin de vaccins pour leurs propres citoyens. Actuellement, le vaccin contre la grippe n’est produit commercialement que dans neuf pays (Allemagne, Australie, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Pays-Bas et Royaume-Uni ), qui ensemble ne représentent que 12 % de la population mondiale. (Garrett) 76. Très inquiets face à l’apparition de la grippe aviaire en Russie, les Pays-Bas ont pris des mesures de précaution, telles que le maintien des volailles à l’intérieur, pour empêcher tout contact avec des oiseaux sauvages migrateurs venant de Sibérie. L’Allemagne a préparé des réglementations similaires. Qui plus est, le 12 août, la Commission européenne a interdit les importations de volailles vivantes et de plumes en provenance de Russie et du Kazakhstan. (Financial Times, 23 août 2005) L’UE prévoit plusieurs initiatives politiques pour l’automne 2005, dont la communication programmée des tests entre autorités nationales en cas d’épidémie. Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies prévoit la tenue d’un atelier avec l’OMS en octobre, afin de remédier aux points faibles des plans nationaux de réponse. 77. Les sociétés pharmaceutiques européennes se plaignent que les gouvernements de l’UE ne soient pas encore désireux de consacrer les fonds adéquats à la mise au point de nouveaux vaccins. Luc Hessel de Sanofi-Aventis, une société pharmaceutique française, déclare que – même si de nombreuses sociétés ont d’ores et déjà entamé la mise au point de prototypes – des investissements supplémentaires sont nécessaires pour accélérer le processus. La France, l’Italie et le Royaume-Uni ont lancé des appels d’offres pour la production d’un nombre limité de prototypes. (European Voice, 28 juillet 2005) A ce jour, les efforts de lutte contre la grippe aviaire sont, dans une large mesure, entrepris au niveau national. Une réponse véritablement multinationale sera toutefois essentielle. Le président américain George W. Bush réclame ainsi la création d’un partenariat international pour améliorer les informations et le partage d’échantillons relatifs à la grippe aviaire. La Commission européenne propose pour sa part qu’une conférence internationale des donateurs pour la lutte contre la grippe aviaire soit organisée, afin d’aider les pays asiatiques à combattre la maladie et donc d’empêcher une pandémie mondiale. X. CONCLUSION PROVISOIRE 78. Au cours de la décennie à venir, les Etats demeureront l’unité organisatrice la plus importante pour les affaires économiques et sécuritaires. Mais la gouvernance est appelée à devenir un défi majeur au sein d’un environnement sans cesse plus mondialisé, dans lequel des décisions prises au-delà des frontières auront d’importantes implications au niveau local. La circulation toujours plus libre des informations, des capitaux, des marchandises, des services et des personnes, de même que l’augmentation des risques mondiaux, éroderont l’aptitude des gouvernements, des grandes sociétés et des individus à gérer le risque. Un dialogue, une coopération et une action renforcés à l’échelle internationale à propos d’un nombre sans cesse croissant de problèmes transnationaux constituent sans doute la seule manière de maîtriser certains phénomènes qui pourraient autrement échapper à tout contrôle. 79. L’un des grands défis en matière de gestion des risques consiste à parvenir en temps utile à de larges accords sociaux sur la nature de ces risques, afin de pouvoir gérer les défis avant qu’ils ne dégénèrent en catastrophes. Cela s’avère particulièrement difficile lorsque l’on parle de phénomènes extrêmement complexes qui impliquent de nombreuses variables, dont certaines sont liées à des habitudes fondamentales de la civilisation contemporaine. Pour prendre un exemple, il n’existe toujours pas de consensus politique total sur le réchauffement de la planète, bien que la communauté scientifique soit, depuis un certain temps déjà, unanime quant à la nature de la menace. Et même lorsque le risque est compris par tous, l’adoption de mesures pour y faire

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face peut cependant être très controversée, surtout lorsque cela implique des coûts, ce qui est inévitablement le cas. Or, un manque d’accord et des retards dans la mise en œuvre peuvent rendre le risque d’autant plus important. 80. Des politiques proactives plutôt que réactives sont manifestement nécessaires pour maîtriser le risque de catastrophe et réduire à long terme les coûts de sa prévention. On estime, par exemple, que la protection des côtes européennes contre les effets du réchauffement climatique coûtera 32 milliards de dollars, alors que la Tanzanie aura besoin de 14,6 milliards de dollars pour contrecarrer les effets d’une élévation d’un mètre du niveau de la mer. (Harvey) Face à l’importance des sommes en jeu, les politiciens doivent prendre la science de l’écologie plus au sérieux s’ils veulent gérer adéquatement l’avenir de notre fragile planète, ainsi que la capacité croissante de l’humanité à perturber de manière catastrophique l’équilibre de la nature. Ce n’est pas une coïncidence si les mouvements religieux en Occident se préoccupent de plus en plus de l’importante question morale que constitue la gestion de l’environnement mondial. Le laissez-faire en ce qui concerne l’utilisation de l’énergie échoue, car les marchés ne sont pas structurés pour tenir compte du coût réel de la dégradation de l’environnement. 81. Une définition plus exhaustive des coûts externes doit donc devenir une priorité. En d’autres termes, le coût pour l’environnement et la sécurité de la consommation doivent être mieux intégrés dans la fixation des prix. Une estimation récente montre que les pays occidentaux subventionnent l’utilisation du carburant fossile à hauteur de 73 milliards de dollars. (Harvey) Parallèlement, de nouveaux partenariats entre des gouvernements, des scientifiques et des économistes doivent être établis, pour parvenir à une meilleure compréhension du coût réel de la dégradation des écosystèmes et de la perte de biodiversité. Les prix du gaz et du pétrole devraient mieux refléter leurs coûts collatéraux pour l’environnement, ainsi que les immenses coûts pour la sécurité nationale qui résultent des dispositions prises pour assurer le flux ininterrompu de pétrole vers le marché. Dans de nombreux pays, les prix de l’essence ne reflètent pas ces coûts ; les tendances de consommation sont donc dangereuses pour l’environnement et, de manière indirecte, ils exacerbent les vulnérabilités militaires. La fixation des prix de l’énergie devrait refléter ces coûts, même si leur introduction doit s’effectuer par le biais d’une taxation. Les gouvernements devraient également exiger une plus grande efficacité de l’utilisation des carburants dans les véhicules des consommateurs et adopter des politiques pour encourager des alternatives de transport qui économisent l’énergie. De telles mesures peuvent s’avérer extrêmement bénéfiques pour l’environnement et avoir des effets sécuritaires, tout en étant susceptibles de faire naître des entreprises plus écologiques. (Samulson) 82. Si les pays peuvent justifier les dépenses militaires comme un moyen de parvenir à la sécurité, ils devraient également envisager des initiatives qui favorisent une meilleure efficience énergétique et un recours plus limité aux énergies fossiles, en promouvant par exemple le développement de sources d’énergie moins polluantes et renouvelables, dont l’énergie solaire et éolienne. Le marché de l’énergie éolienne double déjà tous les deux ans et demi et, pour autant qu’il fasse l’objet d’une promotion appropriée, il pourrait fournir jusqu’à 12 % de l’énergie mondiale en 2020. Les panneaux solaires deviennent plus efficaces et moins coûteux au fil des années et l’augmentation des prix pétroliers les rendra de plus en plus concurrentiels. Le problème est que leur intermittence intrinsèque entraîne des interruptions d’alimentation, ce qui signifie qu’ils ne peuvent en aucun cas devenir la seule source d’énergie pour la planète. L’énergie nucléaire présente, naturellement, certains avantages, mais elle entraîne également des risques fondamentaux, comme l’a clairement montré la catastrophe de Tchernobyl. Elle est vulnérable aux erreurs humaines et les centrales constituent des cibles très tentantes pour les terroristes. En fin de compte, seules des percées technologiques pourraient aider le monde à se détacher des sources d’énergie fossiles. Parallèlement, les gouvernements doivent soutenir la recherche, tout en faisant tout ce qui est en leur pouvoir pour promouvoir les économies d’énergie. (McKibben)

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83. Par extension, il nous faut mieux comprendre les avantages que l’habitat naturel apporte à l’humanité, de manière à commencer à en tenir compte. La plupart des économies n’intègrent pas à leur vue d’ensemble les avantages qu’apporte à la société une bonne gestion de l’environnement. Cela explique l’antagonisme entre les rapides changements économiques et la mondialisation d’une part et la défense de l’environnement de l’autre, de même que les risques réels que notre activité économique représente pour la planète. Il pourrait même s’avérer utile d’inclure de tels facteurs dans le calcul du PIB. La croissance atteint certes 9 % par an en Chine, mais cette croissance prélève également un gigantesque tribut sur l’environnement de ce pays, tout en générant des coûts affolants que les futures générations devront payer. De tels coûts durables et réels ne devraient-ils pas se refléter dans toute formulation sensée de la prospérité actuelle et future des pays ? L’ancien système communiste était particulièrement connu pour ignorer totalement ces coûts et la facture de remise en état de l’environnement pour les nouvelles démocraties est terriblement élevée. Nous devons tirer les enseignements de cette tragique expérience. 84. Kyoto encourage la création de plans d’échange de droits d’émission qui contribuent à intégrer le coût de la pollution dans les coûts normaux de production. De telles initiatives doivent être élargies à d’autres domaines de l’activité humaine qui précipitent le monde vers des événements potentiellement catastrophiques pour l’environnement. Une réflexion plus systématique est également nécessaire, afin d’élaborer des moyens de créer des richesses qui préservent les écosystèmes plus qu’ils ne les détruisent. Le bien-être et la biodiversité ne doivent plus être considérés comme exclusivement antagonistes. Le partage des informations sur la manière de préserver au mieux l’environnement tout en soutenant la création de richesses doit être développé. Dans ce contexte, la création récente du Private Climate Group, groupe public, fournit un modèle quant à la manière dont des gouvernements, villes, Etats et entreprises peuvent mettre en commun leur expérience en matière d’environnement et créer des coalitions pour réduire les émissions de gaz. (Houlder) Le différend transatlantique au sujet de Kyoto rappelle toutefois également que la gestion des menaces de catastrophes n’unira pas nécessairement des alliés, même proches. Faute d’un accord sur la nature du risque et le remède, de tels défis pourraient d’ailleurs saper la solidarité. 85. La sécurité de l’eau devrait constituer un autre domaine prioritaire. En la matière, des efforts locaux, nationaux et internationaux sont nécessaires pour améliorer la qualité de l’eau et l’accès à l’eau. Des stratégies de protection sont essentielles, car le rythme actuel de diminution des niveaux hydrostatiques est intenable. La protection et la qualité de l’eau doivent donc demeurer une priorité essentielle dans l’agenda de développement mondial. 86. Certains pensent que l’une des manières de réduire les risques présentés par les méthodes de production modernes et la science qui les sous-tend consiste à mieux contrôler la science elle-même. En règle générale, il est très difficile de ralentir le progrès scientifique, bien que des garde-fous soient certainement nécessaires dans des cas spécifiques. Il suffit de se pencher sur le problème de la prolifération des armes nucléaires pour constater les dangers. La prudence comme l’éthique doivent guider les autorités dans ces domaines, mais un dialogue mondial est assurément nécessaire avant la mise en place de moratoires sur certaines recherches. Dès qu’une technologie voit le jour, il devient extrêmement difficile de maîtriser son développement au fil du temps. Le problème réside dans le fait que la technologie progresse plus rapidement encore aujourd’hui qu’à l’aube de l’ère nucléaire. Qui plus est, la plupart des technologies peuvent être utilisées à des fins louables ou iniques, tandis que les applications n’apparaissent pas toujours clairement au stade de la recherche. 87. Cela permet cependant de penser qu’à l’avenir, les scientifiques disposeront d’un formidable pouvoir implicite, surtout ceux qui travaillent sur de nouvelles technologies particulièrement puissantes, mal comprises par le grand public et ses dirigeants, mais néanmoins susceptibles d’échapper à leur contrôle. Le dernier mot ne devrait certainement pas échoir aux scientifiques

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dans les cas où les résultats des recherches risquent d’aboutir à une catastrophe mondiale. D’après Martin Reese, professeur de cosmologie et d’astrophysique à l’Université de Cambridge : «Au vu des capacités scientifiques et technologiques actuelles, on peut s’interroger sur le moyen le plus sûr et le plus responsable de poursuivre leur développement. L’humanité est confrontée à plus de risques qu’au cours de toutes les autres phases de son histoire et l’époque actuelle est critique. Notre avenir en tant qu’espèce pourrait dépendre des choix que nous ferons au cours des 100 prochaines années.» (Reese) (traduction libre) 88. La gestion des risques exige un dialogue approfondi entre les gouvernements et le secteur privé, ainsi que la prise de conscience que la préparation à un scénario catastrophe peut également contribuer à faire face à des événements imprévus. C’est exactement ce qui s’est passé à New York, lorsque la communauté financière a investi des millions de dollars dans des systèmes de sauvegarde pour se préparer au passage à l’an 2000. Celui-ci s’est en fait effectué sans problème pour ce qui concerne les systèmes d’informations, mais ces systèmes à l’approche de la date fatidique se sont révélés extrêmement utiles immédiatement après les attaques du 11 septembre. (Partos) Des systèmes de ce type doivent être étendus au niveau international, étant donné que le risque de catastrophe ne connaît pas les frontières nationales. Dans ce contexte, le risque en cette époque de mondialisation exige des stratégies de gestion à l’échelle mondiale. Des approches strictement nationales pour faire face à des problèmes tels que le réchauffement de la planète, la diminution des réserves de poisson et la gestion des épidémies sont inévitablement vouées à l’échec. L’impératif constitué par le multilatéralisme s’accroît ; il ne diminue pas. Une gouvernance mondiale est de plus en plus nécessaire et il convient de jeter les bases d’un dialogue multilatéral élargi sur toute une série de questions qui vont des menaces pour l’environnement à la gouvernance de la technologie. La gouvernance doit toutefois prendre également racine dans l’activisme local et les préoccupations locales. Comme Ulrich Beck le laisse entendre, il s’agit-là d’une nouvelle direction pour les politiques et des structures doivent être mises en place pour contribuer à inscrire les préoccupations locales à l’ordre du jour international. 89. Si nombre de ceux qui invoquent l’émergence de la société du risque agissent de la sorte pour critiquer des politiques néolibérales et la mondialisation du marché, il ne faut pas négliger le rôle que les marchés peuvent jouer dans l’atténuation des risques. Le défi pour les gouvernements consiste à fournir le contexte au sein duquel les marchés opèrent et il appartient aux Etats de définir les objectifs d’ensemble en matière de réduction du risque, tout en permettant aux marchés eux-mêmes de s’attaquer à la cause, lorsque de nouvelles règles sont mises en place. 90. Quant à la grippe aviaire, plusieurs politiques devraient être mises en œuvre pour atténuer les risques d’une pandémie planétaire :

1) Les gouvernements devraient mettre en place un mécanisme de garanties financières afin d’encourager les sociétés pharmaceutiques à produire des vaccins contre la grippe.

2) Les responsables de la santé publique devraient modifier les cycles de production des

vaccins, afin de mieux les adapter aux cycles de la grippe.

3) Les gouvernements devraient résolument soutenir la recherche et le développement d’un vaccin z+.

4) Il conviendrait de renforcer les modalités d’un mécanisme multilatéral de réponse. L’OMS représente la candidate naturelle pour servir d’instance de coordination, bien qu’à l’heure actuelle, les ressources financières pour jouer ce rôle lui fassent défaut. Son budget annuel s’élève à 400 millions de dollars, dont seule une petite partie est consacrée à la prévention de la grippe. D’après une étude, cette organisation aurait besoin de quelque 600 millions de dollars pour ce programme.

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5) La communauté internationale devrait mettre en place des mécanismes pour fournir le vaccin au monde entier et pas uniquement aux pays les plus riches.

6) Avec le secteur privé et la communauté scientifique, les gouvernements devraient définir la manière de faire face à des épidémies de longue durée (1 à 3 ans).

7) Le monde des affaires internationales devrait également se préparer à la pandémie. Il devrait, en particulier, réfléchir à la manière d’organiser le flux des marchandises et des médicaments nécessaires en cas de perturbations provoquées par la pandémie dans les transports et les échanges commerciaux.

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