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Module 3 La mondialisation économique et financière Partie 3. L’intégration européenne Chapitre 2. L’Europe économique et monétaire 1. La construction d’une Europe sans frontières intérieures : le projet de marché unique et ses conséquences 1.1 Du traité de Rome à l’Acte unique 1.1.1 Le Traité de Rome : de l’Union douanière à l’eurosclérose Document 1 Le Traité de Rome (1957) se fixe comme objectif la création d’un marché commun permettant les échanges sans entraves de biens & services, de personnes et de capitaux. Cette réalisation passe tout d’abord par l’élimination des droits de douanes et des quotas existants ainsi que par le rapprochement des tarifs extérieurs douaniers. L’Union douanière est ainsi achevée le 01 juillet 1968. Sur la décennie 1970, le projet de marché commun progresse peu. Il y a certes l’élargissement de la CEE au Royaume-Uni, l’Irlande et le Danemark, mais l’utilisation par les Etats-membres de barrières non tarifaires persiste. C’est le cas avec les normes techniques ou les aides aux « champions nationaux ». Les contrôles frontaliers des biens et des personnes toujours présents, les marchés de capitaux restent cloisonnés. L’hétérogénéité des réglementations professionnelles empêche l’exercice de certaines activités de services d’un pays à l’autre. Les personnes, à la différence des travailleurs, ne peuvent toujours pas circuler librement dans l’espace européen. Finalement, l’Europe des 6 reste encore un espace économique fragmenté où les frontières comptent. Cette fragmentation alimente la situation d’ « eurosclérose » du début des années 1980. 1.1.2 L’Acte unique (1986) et la finalisation du marché commun Document 2 : la mise en œuvre des quatre libertés Les quatre libertés sont : La liberté de circulation des marchandises et des services ; La liberté d’établissement et la liberté de prestation ; La liberté de circulation des personnes ; La liberté de circulation des capitaux. Le premier instrument sur lequel cette libéralisation des échanges va s’opérer est le principe de reconnaissance mutuelle des législations nationales. Ce principe découle d’un arrêt de la Cour de justice rendu en 1979, l’arrêt « Cassis de Dijon » : si la fabrication d’un produit respecte la législation nationale d’un pays membre, ce produit doit être admis sur les ESH ECE2 Camille Vernet Nicolas Danglade 2016-2017 1

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Module 3 La mondialisation économique et financièrePartie 3. L’intégration européenne

Chapitre 2. L’Europe économique et monétaire

1. La construction d’une Europe sans frontières intérieures : le projet de marché unique et ses conséquences

1.1 Du traité de Rome à l’Acte unique

1.1.1 Le Traité de Rome : de l’Union douanière à l’eurosclérose

Document 1Le Traité de Rome (1957) se fixe comme objectif la création d’un marché commun permettant les échanges sans entraves de biens & services, de personnes et de capitaux. Cette réalisation passe tout d’abord par l’élimination des droits de douanes et des quotas existants ainsi que par le rapprochement des tarifs extérieurs douaniers. L’Union douanière est ainsi achevée le 01 juillet 1968. Sur la décennie 1970, le projet de marché commun progresse peu. Il y a certes l’élargissement de la CEE au Royaume-Uni, l’Irlande et le Danemark, mais l’utilisation par les Etats-membres de barrières non tarifaires persiste. C’est le cas avec les normes techniques ou les aides aux « champions nationaux ». Les contrôles frontaliers des biens et des personnes toujours présents, les marchés de capitaux restent cloisonnés. L’hétérogénéité des réglementations professionnelles empêche l’exercice de certaines activités de services d’un pays à l’autre. Les personnes, à la différence des travailleurs, ne peuvent toujours pas circuler librement dans l’espace européen. Finalement, l’Europe des 6 reste encore un espace économique fragmenté où les frontières comptent. Cette fragmentation alimente la situation d’ « eurosclérose » du début des années 1980.

1.1.2 L’Acte unique (1986) et la finalisation du marché commun

Document 2 : la mise en œuvre des quatre libertésLes quatre libertés sont :

La liberté de circulation des marchandises et des services ;La liberté d’établissement et la liberté de prestation ; La liberté de circulation des personnes ;La liberté de circulation des capitaux.

Le premier instrument sur lequel cette libéralisation des échanges va s’opérer est le principe de reconnaissance mutuelle des législations nationales. Ce principe découle d’un arrêt de la Cour de justice rendu en 1979, l’arrêt « Cassis de Dijon » : si la fabrication d’un produit respecte la législation nationale d’un pays membre, ce produit doit être admis sur les marchés des autres pays de la CEE. Cet arrêt sert de base au travail entrepris par la Commission pour réduire les pratiques protectionnistes des Etats membres et permettre la circulation des biens sans uniformisation préalable des normes nationales. Il va également servir à partir de l’Acte unique pour faciliter les échanges de services financiers (Banques, Bourses, Finances). La Commission obtient que les décisions du Conseil des ministres concernant les normes soient prises à la majorité qualifiée et non plus à l’unanimité. Ce qui agit comme un frein aux comportements protectionnistes. A partir de 1988, la Commission lance une politique de déréglementation et de libéralisation dans les industries de réseaux : les transports, les télécommunications, la distribution postale et l’énergie. Cette politique se traduit en France par la disparition des monopoles légaux et la privatisation progressive des entreprises publiques. Les marchés financiers sont déréglementés et décloisonnés et le 1er janvier 1990, la liberté de circulation des capitaux est totale. La liberté de circulation des personnes est réalisée le 1er janvier 1993. Enfin en 2006, la directive Service (connue également sous le nom de directive Bolkestein) est adoptée par l’UE. Son objectif : permettre à une entreprise installée dans un pays de détacher ses salariés dans un autre pays. Cette directive connaît une seconde version en 2013 afin de limiter les risques de dumping social. Il y a en France en 2016 environ 300 000 salariés détachés.

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Document 3 : la suppression des contrôles douaniers des biens et des personnesLes contrôles frontaliers sont considérablement allégés à partir de 1993. Les contrôles administratifs relatifs au passage de marchandises sont abandonnés et remplacés par un système coordonné au niveau européen et un code douanier commun de l’UE. C’est un gain de temps appréciable, car en moyenne 50% des marchandises échangées au sein de la CEE franchissaient au moins deux frontières. Avec la création de l’espace Schengen en 1993, les contrôles automatiques de passeport sont supprimés au sein des Etats membres ayant signé la Convention de Schengen et les restrictions aux permis de résidence sont supprimés pour permettre la libre circulation des travailleurs.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.123

Document 4 : la diminution des barrières techniques Dès la fin des années 1970, les institutions communautaires s’attaquent aux barrières techniques au commerce qui ont jusqu’alors fragmenté le Marché commun. En 1979, la cour européenne de Justice rend l’arrêt dit « Cassis de Dijon ». (…) La cour affirme que si la fabrication et la commercialisation d’un produit respectent la législation nationale du producteur, ce produit doit être admis sur les autres marchés des Etats membres de la CEE. (…) La Commission s’appuie ensuite sur cet arrêt pour faire consacrer de manière décisive le principe de reconnaissance mutuelle des normes nationales des différents Etats membres. ce n’est pas encore une harmonisation européenne des normes techniques et sanitaires mais cela signifie que les Etats ont moins de marge de manœuvre pour créer des barrières techniques au commerce. (…) La Commission arrive aussi à développer une harmonisation technique européenne dans certaines nouvelles technologies. On assiste ainsi à la création d’institutions européennes qui peuvent émettre des normes techniques européennes (…). Une dernière avancée majeure contre les barrières techniques est réalisée par la ratification de l’Acte unique, qui prévoit que l’unanimité ne soit plus requise pour les décisions du Conseil relatives à l’harmonisation européenne réglementaire et technique. Une simple majorité est désormais suffisante.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.124

Document 5 : la déréglementation des activités de réseau Avant le marché unique certains secteurs, essentiellement de services n’étaient pas concernés par les quatre libertés économiques inscrites dans le traité de Rome et avaient donc conservé une dimension locale. Les activités concernées relevaient fréquemment de monopoles assurant un service public. L’article du traité de Rome interdisant les situations de position dominante avait du reste prévu une exception pour ces entreprises. (…) La Commission a lancé à partir de 1988 une politique de déréglementation-libéralisation, notamment dans les transports, les télécommunications,la distribution d’énergie et la distribution postale. Lorsque dans une industrie les rendements sont croissants, il est souhaitable qu’une entreprise fournisse la totalité du marché. Dans les industries de réseau, ces coûts fixes sont particulièrement élevés en comparaison des coûts variables. (…) Plus l’entreprise produit, plus le coût moyen diminue. (…) Dans la plupart des cas, les monopoles publics étaient intégrés verticalement, assurant à la fois la production et la distribution. Les directives européennes conduisent à redéfinir leur périmètre en séparant les deux fonctions. (…) Ainsi, on peut partager les chemins de fer entre la construction-entretien des voies et la circulation des convois. (…) L’objectif est de permettre la circulation de trains appartenant à plusieurs compagnies concurrentes. Source : ss la direction de M.Dévoluy et G.Keonig « Les politiques économiques européennes », Points Economie, 2015, p.236

Document 6 : la directive Service 2006-2013La directive service englobe des activités de services non concernées par le processus d’ouverture à la concurrence des activités de réseau (télécom, Poste, transport ferroviaire …), n’ayant pas déjà fait l’objet de directives spécifiques (banques, assurances, …) ou celles n’étant pas expressément exclues (santé, sécurité sociale, …). Sont notamment inclus dans cette directive : les services aux entreprises tels que le conseil en management et gestion, les services de certification et d’essai, de maintenance, d’entretien des bureaux, les services de publicité, les services au recrutement et les services des agents commerciaux. Les services fournis à la fois aux entreprises et aux consommateurs comme les services liés à l’immobilier, à la construction (les architectes notamment), au secteur de la distribution, l’organisation des foires et salons commerciaux, la location de voitures et les agences de voyages. Les services aux consommateurs comme le tourisme, les services de loisir, les centres sportifs et les parcs d’attraction.

Document 7 : les problèmes posés par la libre circulation des servicesLes services représentent environ 70% de la valeur ajoutée communautaire (…). Les services étant difficilement exportables, la liberté de circulation, qui prend ici la forme de la liberté de prestation, doit être complétée par celle ESH ECE2 Camille Vernet Nicolas Danglade 2016-2017

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de l’installation. En effet, la possibilité de produire sur place se substitue souvent à la vente à distance. Le principe de reconnaissance mutuelle conduit alors à admettre toute prestation conforme à la réglementation du pays d’origine. Comme ce pays pourrait aboutir à un alignement des exigences réglementaires sur celles qui sont les moins contraignantes, il peut être tempéré par une réglementation minimale de l’UE. Lorsque la vente se fait à distance, ou lorsque le siège social du vendeur est situé à l’étranger, il convient de déterminer les règles qui doivent s’appliquer pour garantir au consommateur le respect des engagements pris par les entreprises.

Source : ss la direction de M.Dévoluy et G.Keonig « Les politiques économiques européennes », Points Economie, 2015, p.41

Document 8 : un marché unique qui s’élargitLa décennie 1990 est une période d’intensification du processus de libéralisation des marchés nationaux. Cette intégration se fait dans un contexte d’élargissement de l’UE qui passe à 15 membres en 1995. L’UE décide également d’intégrer au marché commun les membres de l’AELE (Accord européen de libre-échange, 1960) qui ne sont pas membres de la CEE. La Norvège, l’Islande, le Liechtenstein forment avec l’UE, l’Espace économique européen (EEE) qui est créé en 1994. Ils participent au marché intérieur européen, à l’exclusion de l’agriculture et de la pêche. La Suisse qui refuse de rejoindre l’EEE, signe des accords bilatéraux avec l’UE. A la fin des années 1990, le marché commun concerne tous les pays de l’Ouest du Continent européen. A partir de 2003, l’élargissement de la taille du marché commun se poursuit vers les pays d’Europe centrale et orientale. L’UE passe de 15 à 28 pays membres entre 1995 et 2013.

Document 9 : les gains attendus du passage au marché unique

Document 10 : une meilleure allocation des ressourcesLe marché intérieur vise d'abord à l'établissement d'un vaste espace commercial, sans frontières intérieures, au sein duquel la libre circulation des marchandises, des services, des capitaux et des personnes est assurée. Du point de vue de la théorie économique, il existe deux principaux arguments qui plaident pour une suppression des barrières aux échanges. Premièrement, l'effet commerce, avec la réduction des barrières tarifaires et non tarifaires, générerait une augmentation de la demande adressée au secteur exportateur, des gains d'efficience et, par conséquent, un accroissement du revenu disponible. Deuxièmement, l’effet pro-concurrentiel, du fait de l’ouverture des marchés, conduirait à des baisses de prix favorables aux consommateurs.Ces deux effets seraient source de gains d’efficience. En effet, selon la théorie des avantages comparatifs, l’accroissement des échanges commerciaux conduit à la spécialisation des économies dans les activités où elles sont relativement les plus productives, ce qui a un impact positif sur l’activité et l’emploi. De plus, la hausse de la concurrence pourrait générer une réduction des rentes de monopole et inciter les entreprises à faire des gains de productivité et à innover pour se maintenir sur le marché ou pour limiter leur perte de marges.

Source : Trésor-Eco n°156, octobre 2015ESH ECE2 Camille Vernet Nicolas Danglade 2016-2017

Gains d’efficience : avec la même quantité de facteurs, l’économie produit davantage et pour un prix moins élevé

Baisse coûts de transaction

Hausse de la concurrence

Effet de rationalisation

Baisse des prix

Hausse de la demande

Choix de localisation

Eco. d’échelle / innovation

Diversification offre

DIPP

Recul des contrôles administratifs

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Document 11: les gains tirés de la circulation des capitaux Les gains d’efficience attendus ne concernent pas que le système productif, le système financier aussi est concerné. En relâchant la contrainte de financement des économies fermées, la constitution d’un marché des capitaux européen permet une meilleure allocation de l’épargne des agents à capacité de financement et une baisse du coût d’accès au financement pour les agents à besoin de financement.

1.2 Les conséquences de l’instauration du marché unique sur l’intégration des économiques et la croissance économique

1.2.1 L’impact sur les échanges communautaires et l’intégration des économies

Document 12 : évolution des échanges commerciaux intra-communautaires en % du PIB

Source : Trésor-Eco n°156, octobre 2015

Document 13 : une intégration économique qui progresseJörg König et Ohr Renate ont construit un indicateur agrégé d'intégration économique entre les pays en utilisant des données sur le commerce intra-communautaire et sur la situation macro-économique. On observe ainsi que l'intégration économique a progressé dans la quasi-totalité des pays de l'UE à 15 entre 1999 et 2010 (sauf Espagne), et qu’elle a progressé aussi bien dans des pays déjà très intégrés (Belgique) que dans des pays qui l’étaient moins (Danemark).

Source : Trésor-Eco n°156, octobre 2015ESH ECE2 Camille Vernet Nicolas Danglade 2016-2017

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Document 14 : essor de l’échange intra-branche (en % des échanges manufacturiers totaux)1970 1980 1990 2000

Allemagne 70 75 79 82Belgique 77 86 83 90Espagne 43 69 75 82France 53 65 79 91Italie 70 61 67 71

Source : OCDE

Document 15 : l’importance des échanges intrazone (en % du total des échanges)

Document 16 : la convergence des prix, un indicateur d’intégration des économiesDernier indicateur d’intégration des marchés : la convergence des prix. Dans l’UE à 15 sur la période 1995-2010, on observe que le coefficient de variation des niveaux des prix relatifs a baissé de 16% à 12%. Ce qui va dans le sens d’un prix unique.

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1.2.2 L’impact sur la croissance économique : un bilan globalement positif mais des exceptions

Document 17 : un bilan « globalement » positif de l’approfondissement du marché intérieur Selon la Commission européenne, les réformes entreprises pour approfondir le marché commun entre 1995 et 2003, ont permis d’obtenir en France un PIB, 1,7% plus élevé qu’en l’absence de ces réformes. Mais on constate aussi que le résultat de ces réformes peut s’avérer être « négatif ». C’est le cas de l’Italie. Il y a donc eu des gagnants et des perdants au développement d’une Europe sans frontières intérieures. 

Document 4 : estimations des gains du marché intérieur

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1.2.3 L’UE est toujours économiquement et financièrement fragmentée : les limites de l’intégration des économies européennes

Document 18 : un biais domestique, 3 à 4 fois plus élevé qu’aux Etats-UnisDans un marché totalement intégré, on s’attend à ce que l’origine géographique d’un bien importe peu : le coût d’accès à n’importe quel bien, produit n’importe où, est identique. Les échanges devraient donc être répartis géographiquement de manière proportionnelle. Or, ce n’est pas ce que l’on constate en Europe. Les échanges à l’intérieur des Etats sont privilégiés aux échanges avec d’autres Etats. Cet effet frontière – selon lequel, finalement, les frontières comptent – s’explique par des différences linguistiques, par la distance géographique mais également et surtout par l’incomplétude de l’intégration des marchés. Si on enlève les effets linguistiques et de distance, les européens continuent à avoir un « biais domestique » 3 à 4 fois plus élevé qu’aux Etats-Unis.

Document 19 : l’effet frontière

Source : Trésor-Eco n°156, octobre 2015

Document 20 : les secteurs où l’intégration fait encore défautLes services représentent plus de 71% du PIB et 67% des pays membres de l’UE (2011) et pourtant c’est dans ce secteur que l’intégration reste encore la moins aboutie. L’hétérogénéité encore très présente des réglementations nationales dans les activités de service pénalise les échanges européens. C’est le cas par exemple chez les professionnels du droit et des chiffres (comptabilité … ), les architectes, mais également dans le commerce (de détail et de gros) ainsi que dans les industries de réseaux. Cette fragmentation des marchés prive l’UE de gains d’efficience, en particulier ceux qui découlent du découpage international de la chaîne de valeur. L’hétérogénéité des réglementations nationales dans les services réduit les opportunités d’optimisation des firmes qui font appel à la DIPP. Le cas des industries de réseaux (énergie, transport, télécommunication) est particulier : celles-ci restent encore dans le domaine des transports et de l’énergie sur des structures nationales. Cela limite la taille des économies d’échelle. En ce qui concerne les marchés des capitaux, la double crise des subprimes et des dettes souveraines a montré que les marchés financiers étaient moins intégrés qu’on ne le pensait. Si certaines banques européennes ont acquis une ESH ECE2 Camille Vernet Nicolas Danglade 2016-2017

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taille systémique, les autres acteurs financiers et les circuits de financement hors crédit sont encore très orientés nationalement. Il manque aujourd’hui d’acteurs paneuropéens dans les domaines de la gestion d’actifs ou du capital-risque et une architecture financière capable de transférer davantage les capitaux des agents à capacité vers les agents à besoin de financement dans toute l’Europe. En conséquence, dès qu’un choc affecte une région européenne, les capitaux refluent pour retourner vers leurs territoires d’origine. L’absence d’un véritable marché européen des capitaux rend les systèmes financiers européens peu résilients, leur capacité à encaisser les chocs est insuffisante. C’est pourquoi le plan Juncker (2014) c’est donné pour objectif de réaliser l’Union des marchés des capitaux d’ici 2019. Enfin, la libre circulation des travailleurs reste encore très modeste au sein de l’UE : en 2010, 0,35 % des habitants d'un pays de l'UE-27 habitait dans un autre État au cours de l'année précédente, contre 2,4 % aux États-Unis.

Document 21 : l’intégration des services L'action de l'UE ces dernières années a permis un certain approfondissement du marché unique des services. La mise en œuvre de la directive Services a permis de réduire, en 2009, de 25 % l'hétérogénéité des réglementations entre États membres. Cependant, l'intégration du marché des services apparaît encore en net retrait par rapport au marché des biens. Les services représentent 71 % du PIB européen et 67 % de l'emploi en 2011 mais le biais domestique et local y est naturellement beaucoup plus élevé que dans le marché des biens compte tenu de l'importance relativement plus forte de la relation du fournisseur au client dans la vente d'un service. Au niveau européen, l'intégration du marché des services, si elle progresse, est ainsi plus faible et plus progressive que celle du marché des biens. Depuis 1999, la part des échanges de services dans l'UE a progressé lentement, pour atteindre 6 % du PIB en 2013 (contre 4,8 % en 1999). (…) Certains secteurs sembleraient être particulièrement concernés par un tel approfondissement : services professionnels du droit et du chiffre (services juridiques, comptabilité etc.), autres professions réglementées (architecture, ingénierie), commerce de détail et commerce de gros, ou encore l'économie des réseaux.(…) Ces secteurs, caractérisés par un niveau de réglementation élevé dans la plupart des États membres, pourraient bénéficier de réformes pro-concurrentielles qui seraient poussées dans le cadre du marché intérieur afin d'en assurer la cohérence. En outre, ces secteurs produisent des services qui sont non seulement des intrants importants pour la plupart des autres secteurs de l'économie mais, dans le cadre d'une imbrication accrue de la production des biens et de services, participent également pleinement à la chaîne de valeur des entreprises. Les gains d'efficience potentiels qui pourraient y être réalisés seraient transmis à l'ensemble de l'économie européenne.

Source : Trésor-Eco n°156, octobre 2015

Document 22 : l’intégration des industries de réseauxLe développement de l'intégration des réseaux, structurants pour le marché intérieur, représente en particulier un gisement potentiel de croissance économique au sein de l'UE. Outre les bénéfices directement liés au développement du commerce intra-communautaire, une meilleure interconnexion des réseaux de transport et de télécommunication, en rapprochant les individus et les entreprises, est susceptible d'engendrer des externalités positives au sein de l'espace européen (diffusion des connaissances, meilleur appariement sur le marché du travail, etc.). De plus, une interconnexion plus forte du marché de l'énergie permettrait de tirer parti des moyens de production les moins coûteux.L'intégration des industries de réseaux devrait se poursuivre grâce à la suppression de certains monopoles et la levée de certaines barrières administratives. Dans le domaine des transports, plusieurs chantiers d'intégration ont été lancés et doivent être menés à leur terme (projet « ceinture bleue » dans le transport maritime, « 4ème paquet » ferroviaire, projet de « ciel unique européen »). En ce qui concerne l'énergie, au-delà de la transposition du troisième paquet « énergie », des progrès en matière de sécurité d'approvisionnement électrique sont nécessaires. Au final, l'approfondissement du marché intérieur devrait s'appuyer sur le développement de réseaux transeuropéens d'énergie, de télécommunication et de transport.

Source : Trésor-Eco n°156, octobre 2015

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Document 23 : le marché des capitauxLe marché intérieur des capitaux a fortement progressé depuis les 25 dernières années : interdiction des restrictions aux mouvements de capitaux et aux paiements depuis le Traité de Maastricht, création du passeport unique (en 1989 pour les banques, en 1992 pour les assurances), vaste politique d'harmonisation avec le « plan d'action pour les services financiers », lancé à partir de 1999 puis mesures de régulation depuis 2008. L'intégration des marchés financiers européens a ainsi vivement progressé de 1995 à 2008, avant de chuter fortement avec la crise, retombant aux niveaux du milieu des années 1990. C’est ce que montre notamment l’indicateur FINTEC de la BCE pour la zone euro. La crise de 2008 a mis en lumière que l'intégration européenne n'avait pas permis de prévenir la fragmentation des marchés financiers au sein de l'Union.Dans ce contexte, l'objectif premier de la création d'une union des marchés de capitaux (UMC) sera de favoriser le développement de circuits de financement des entreprises complémentaires au secteur bancaire. De manière générale, l'UMC devrait viser à rapprocher les investisseurs d'une gamme plus large de produits financiers et les entreprises de sources plus diversifiées de financement. Cela suppose de diminuer les incertitudes (asymétries d'information, différences de normes) touchant les investissements, en particulier transfrontières, d'inciter au développement des segments de marché aujourd'hui sous-développés par rapport à leur potentiel (titrisation, capital-risque, placement privé, etc.) et de favoriser l'émergence d'acteurs paneuropéens dans la gestion d'actifs ou le capital-risque.Cet agenda semble particulièrement important pour la zone euro : en accroissant la diversification géographique des portefeuilles financiers, l'union des marchés de capitaux permettra un plus grand partage des risques en zone euro, renforçant ainsi sa résilience. La littérature montre ainsi que le partage géographique des risques sur une base privée est un canal d'ajustement très important au sein d'unions monétaires intégrées comme les États-Unis, la France ou le Royaume-Uni. En particulier, de nombreuses études montrent qu'une part substantielle des chocs affectant une région est diffusée (et donc partagée), via les marchés financiers et le canal du crédit.

Source : Trésor-Eco n°156, octobre 2015

Document 24 : la mobilité des personnesConsacrée dès le Traité de Rome, la libre circulation des travailleurs a depuis fait l'objet de nombreuses mesures législatives européennes visant à en assurer l'effectivité. La mobilité du travail doit permettre d'assurer un meilleur appariement entre l'offre et la demande de travail au sein du marché intérieur, ce qui est d'autant plus important pour la zone euro dans la mesure où la mobilité du travail permet de mieux faire face à un choc asymétrique. Une plus grande mobilité des travailleurs favoriserait également la convergence des conditions de travail et des salaires21.Cependant, à ce stade, la mobilité du travail, dans l'UE comme dans la zone euro, demeure relativement faible, notamment en comparaison des Etats-Unis : en 2010, 0,35 % des habitants d'un pays de l'UE-27 habitait dans un autre État au cours de l'année précédente, contre environ 2,4 % aux États-Unis.

Source : Trésor-Eco n°156, octobre 2015

Document 25 : l’intégration des économies européennes, des résultats inégaux par secteursIntégration des marchés

Des biens Des services Des capitaux Du travail (circulation des personnes)

Elevée / faible ?Freins à l’intégration ?

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2. Les politiques économiques « communautaires » : la politique de la concurrence, la politique industrielle et la politique agricole

2.1 La politique de la concurrence européenne

Document 26 : un marché unique nécessite une régulation unique de la concurrence La politique de la concurrence est une politique fondatrice de l’UE. Elle apparaît avec la CECA. La Haute Autorité est chargée de lutter contre les pratiques déloyales menées par des entreprises mais aussi par des Etats. Elle est présente dans le Traité de Rome qui l’inscrit dans le fonctionnement du marché commun. Mais c’est durant les années 1980 qu’elle devient véritablement un élément moteur de l’intégration européenne. C’est en effet à cette période que les pays européens, en signant l’Acte unique, veulent faire aboutir le projet de marché commun et tournent le dos aux politiques de champions nationaux.

Document 27 : lutter contre les pratiques anti-concurrentielles des entreprises et des Etats-membres La politique européenne de la concurrence vise à combattre les pratiques anti-concurrentielles sur l’ensemble du marché commun. Ses compétences sont donc distinctes des politiques nationales de la concurrence. C’est la Commission européenne qui a le pouvoir d’investigation et la capacité à produire des sanctions. Les objectifs de cette politique sont de :

Contrôler les pratiques anti-concurrentielles des entreprises : la formation de cartel (ententes) et les abus de position dominante. Les ententes se font au détriment des autres entreprises et des consommateurs. La Commission est amenée à les sanctionner (ex : cartel des ascenseurs en 2007) . Pourtant, toutes les formes d’entente entre firmes ne réduisent pas le bien-être global. On sait qu’en raison des économies d’échelles externes, les entreprises ont intérêt à collaborer. Les ententes qui visent à améliorer la R&D, qui contribuent au progrès technique, ne sont donc pas proscrites. Par ailleurs, il ne faut pas confondre position dominante et abus de position dominante. La Commission européenne s’appuie sur la théorie des marchés contestables et la notion de concurrence potentielle pour montrer que ce n’est pas la structure du marché (c’est-à-dire le nombre d’entreprises) qui compte pour définir le degré effectif de concurrence mais le comportement réel des firmes. Une entreprise en monopole peut se comporter comme si elle était en concurrence si elle pense que d’autres entreprises peuvent entrer sur le marché. L’abus de position dominante se fait au détriment du consommateur (tarifs plus élevés qu’en concurrence) mais aussi au détriment des autres producteurs (l’entreprise dominante empêche de manière déloyale leur entrée sur le marché) La Commission ne sanctionne pas les firmes en position dominante mais celles dont elle considère qu’elles en abusent (ex : condamnation de Microsoft en 2013).

Contrôler les fusions ou les concentrations d’entreprises : les fusions et acquisitions peuvent réduire le nombre d’entreprises présentes sur le marché et faire disparaître la concurrence potentielle. Le marché n’est alors plus contestable. Lorsque la Commission juge que cette situation est probable, elle y met son veto (ex  : refus de la fusion Aer Lingus et Ryanair en 2007).

Contrôler les aides publiques : elles peuvent fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou secteurs de production au détriment des autres. Les décisions de la Commission européenne dépendent de l’appréciation, d’un côté, de la mesure des distorsions engendrées par ces aides et, de l’autre, des effets bénéfiques que ces aides peuvent apporter à la collectivité. Il n’y a donc pas d’opposition systématique aux aides publiques. Les aides qui permettent de stimuler la R&D, l’innovation, la formation des salariés, le retour à l’emploi des populations précaires, les aides en cas de catastrophes naturelles sont tolérées. Les aides de la PAC sortent du champ de compétence de la politique de la concurrence. En 2015, la Commission européenne a condamné Fiat et Starbucks pour des accords fiscaux très avantageux passés avec le Luxembourg et les Pays-bas. La Commission a jugé que ces Etats avaient délivré des avantages fiscaux « sélectifs » illégaux en matière d’aides d’Etat. Pour autant ce sont les entreprises qui ont été condamnées pas les Etats.

Document 28 : quelques décisions de la commission européenne de la concurrence1985 Azko, multinationale hollandaise présente sur l’ensemble du marché européen des additifs chimiques a baissé ses

prix sélectivement sur le marché anglais pour contrer la tentative de la firme anglaise ECS de pénétrer le marché européen continental

1991 Tetra pak, leader européen sur le marché du conditionnement aseptique, a vendu à perte ses cartons sur le marché italien dans le but d’éliminer son concurrent local Elopak

2003 Wanadoo a pratiqué des prix prédateurs dans le domaine de l’accès internet haut débit afin de préempter le marché

Source : D.Guellec, « Economie de l’innovation », La Découverte, 2009, p.26-27

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Document 29 : l’entente sur le marché des ascenseursLe 21 février 2007, la commission européenne a infligé une amende de 992 millions d’euros à des entreprises ayant mis en œuvre une entente secrète sur le marché de l’installation et de l’entretien des ascenseurs et des escaliers mécaniques en Belgique, en Allemagne, au Luxembourg et aux Pays-Bas : entre 1995 et 2004, ces sociétés ont truqué les appels d’offres, fixé les prix, se sont réparti les marchés et ont échangé des informations commercialement importantes et confidentielles

Source : D.Guellec, « Economie de l’innovation », La Découverte, 2009, p.26-27

Document 30 : les ententes toléréesLe régime d’exemptions a été profondément modifié en 2004 pour prendre davantage en compte les effets d’efficacité productive et les gains d’efficacité dynamiques. Au titre des exemptions, les accords entre entreprises, qui permettent d’améliorer la production et la distribution de biens ou contribuent au progrès technique et économique, et à condition que les consommateurs en bénéficient, peuvent être considérés comme bénéfiques. Ainsi, les accords horizontaux, qui sont jugés favorables au développement d’un marché plus compétitif, en favorisant la R&D, l’innovation, une meilleure spécialisation, la mise en place de standards ou en proposant des améliorations environnementales , font l’objet d’exemptions. (…)

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.210-244

Document 31 : les aides publiques toléréesL’autorisation et l’interdiction des aides publiques sont conditionnées à l’appréciation d’une part du coût engendré par la distorsion de concurrence due à l’aide et d’autre part du bénéfice apporté à la communauté. (…) Il est à noter que les aides octroyées aux secteurs des transports, du charbon, de l’agriculture et de la pêche ne sont pas gérées par la Direction générale de la concurrence, mais par des directions en charge de ces industries spécifiques. Il existe de nombreuses exemptions, comme par exemples : les aides à l’investissement et l’emploi en faveur des PME, les aides à la création de petites entreprises par les femmes, les aides pour la protection de l’environnement, les aides sous forme de capital-investissement, les aides à la R&D et à l’innovation, les aides à la formation, les aides en faveur des travailleurs défavorisés ou handicapés, les aides exceptionnelles en cas de catastrophes naturelles …. (…)

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.210-244

Document 32 : coopération en recherche et politique de concurrenceL’Etat peut permettre ou même encourager les entreprises à se regrouper autour de projets de recherche d’un intérêt commun.Dans le cadre d’une coopération, chaque partenaire bénéficie des compétences et des découvertes de tous les autres et les fait bénéficier de ses propres capacités. Il y a donc réciprocité, ce qui réduit la propension de chacun à garder pour lui ses technologies. La coopération entre firmes constitue une infraction à la lettre des politiques de concurrence.Les entreprises trouvent des avantages multiples dans ce type d’opération. Elles réduisent le coût de la recherche, elles peuvent bénéficier des compétences spécifiques de leurs partenaires, elles réduisent le risque en le partageant avec d’autres. Cependant, si la coopération s’étend vers l’aval (développement des produits) alors il s’agit plutôt de collusion : les consommateurs se retrouveront captifs d’un cartel, un monopole collectif, qui imposera notamment des prix plus élevés. C’est pourquoi la coopération est autorisée seulement dans les phases en amont, dites de recherche « précompétitives ».

Source : D.Guellec, Economie de l’innovation, La découverte, 2009, p.108-109

Document 33 : Google va ouvrir un "centre d'innovation"Le géant américain de l'internet Google a annoncé cet après-midi l'ouverture à Londres en 2011 d'un "centre d'innovation", le premier du genre en Europe, alors que le gouvernement britannique cherche à attirer les entreprises technologiques.Ce centre accueillera des ateliers de formation et de démonstration de produits destinés aux start-up et aux ingénieurs, et permettra au personnel de Google de travailler avec des développeurs locaux. "On n'a rien d'équivalent en Europe", a déclaré un porte-parole de Google.Il sera basé dans l'est de la capitale britannique, une zone en pleine transformation en vue des jeux Olympiques de 2012 et où le Premier ministre britannique David Cameron compte ouvrir un centre dédié aux entreprises technologiques.ESH ECE2 Camille Vernet Nicolas Danglade 2016-2017

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Trois sociétés américaines, le géant des microprocesseurs Intel, le site de socialisation Facebook et l'équipementier de télécoms Cisco, se sont déjà engagés à s'installer dans ce quartier."On ne va pas simplement soutenir les grosses entreprises d'aujourd'hui, mais aussi soutenir celles de demain", devait dire M. Cameron jeudi à Londres, dans un discours dont l'AFP a obtenu une copie.

Source : Lefigaro.fr /AFP- 04/11/2010

Document 34: l’utilisation de la théorie des marchés contestables dans la politique de la concurrence européenne

Aujourd’hui, la Commission européenne s’appuie largement sur la théorie des marchés contestables. Il s’agit pour elle de ne pas fixer une structure de marché prédéterminée (par exemple une structure atomistique, à l’instar de la théorie de la CPP) mais de pouvoir identifier le niveau de concentration acceptable en fonction de facteurs tels que la structure des coûts (fixes et variables), la différenciation des produits, l’existence de barrières à l’entrée, … (…) La Commission européenne ne contrôle pas si oui ou non une entreprise est en position dominante sur le marché, mais si elle abuse d’une telle position. La Commission européenne n’intervient pas tant qu’une entreprise dominant le marché se comporte comme si elle était sous la menace de la concurrence.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.210-244

Document 35: le contrôle des concentrations (le marché doit rester contestable)Une concentration d’entreprises par fusion, acquisition ou création d’une entreprises conjointe désigne une opération par laquelle deux ou davantage d’entités économiques indépendantes ne deviennent plus qu’une unité économique. une concentration peut être horizontale, verticale ou conglomérale. (…) Comme dans le cas des ententes, ce sont les fusions horizontales qui focalisent l’attention des autorités de la concurrence. En effet, elles signifient nécessairement une plus grande concentration des parts de marché et risque d’aboutir à une structure de marché non contestable. (…) Entre 1990 et 2009, 4129 fusions ont été notifiées à la Commission. Sur les 4129 cas examinés, 3574 fusions ont été autorisées au premier examen, et seulement 20 ont été refusées depuis 1990, soit moins de 0,5% des notifications.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.210-244

Document 36 : Ryanair & Aer LingusLe 27 juin 2007, la Commission européenne a bloqué le projet de fusion entre les deux compagnies aériennes irlandaises Aer Lingus et Ryanair, au motif que cette opération donnerait naissance à un monopole sur 22 lignes à destination et au départ d’Irlande, conduisant sans doute à des hausses de prix des billets dommageables pour les consommateurs.

Source : D.Guellec, « Economie de l’innovation », La Découverte, 2009

Document 37 : la politique de la concurrence, une politique industrielle horizontale En 1990, sous l’impulsion du Commissaire allemand (…), la Commission a élaboré une communication intitulée « la politique industrielle dans un environnement ouvert et concurrentiel » qui prône officiellement une politique industrielle horizontale. Le Commissaire semble rejeter définitivement les politiques industrielles verticales pour générer des champions européens. On insiste surtout sur le rôle de la concurrence et la nécessité de poursuivre l’intégration du marché européen pour améliorer la compétitivité des firmes européennes : « l’objectif même de la politique industrielle est de permettre à la concurrence de jouer. Tout cela est absolument étranger à une politique industrielle interventionniste. Il ne s’agit en aucun cas de fabriquer des champions européens à qui la politique industrielle confierait le soin de damer le pion aux japonais ou aux américains. » Cette position qui soumet la politique industrielle à la politique de la concurrence se maintien jusque dans les années 2000.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.246-279

2.2 La politique agricole commune

Document 38 : les premiers succès de la PACLa PAC est créée par le Traité de Rome (1957) et mise en œuvre à partir de 1962. Le budget de la PAC pèse aujourd’hui environ 43 milliards d’euros dont 10 milliards pour la France. On comprend donc que les crises et réformes de la PAC bénéficient d’une résonance importante dans l’hexagone. L’objectif de la PAC au moment de sa création est d’assurer l’autosuffisance alimentaire de l’Europe grâce à une rationalisation de l’activité qui doit stimuler l’investissement, moderniser l’agriculture, stabiliser le revenu des agriculteurs. La PAC est à l’origine une politique « directive » sur le modèle de la CECA plutôt qu’une politique de libéralisation des marchés comme dans le cadre du marché commun. Cette politique s’appuie sur une «  gestion du ESH ECE2 Camille Vernet Nicolas Danglade 2016-2017

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marché » » qui passe par le contrôle des prix, des subventions et des droits de douanes. Les agriculteurs ne vendent pas leur production au prix du marché (offre/demande) mais à un prix « garanti », c’est-à-dire fixé administrativement. Quand le prix de marché s’écarte de ce prix garanti, la CEE intervient de manière à les faire converger. Dans le cas des importations, des droits de douanes sont mis en œuvre pour empêcher que les prix des biens importés soient inférieurs aux prix garantis. La PAC est exemptée du cadre des négociations du GATT. Les producteurs vendent leur production à un prix inférieur à leurs coûts et sont protégés de la concurrence extérieure. La PAC atteint rapidement ses objectifs : autonomie alimentaire de l’Europe, amélioration de la productivité agricole qui rapproche l’Europe des Etats-Unis, amélioration des conditions de vie des agriculteurs, production de masse favorable aux consommateurs.

Document 39 : les réformes de la PACMais au tournant des années 1980, la PAC est soumise à de nombreuses critiques :

sa place prépondérante dans le budget de la CEE qui empêche d’autres politiques de se développer ; la surproduction engendrée par les mécanismes des prix et des subventions poussent ; les dégradations environnementales provoquées par les pratiques agricoles productivistes ; son absence du cadre des négociations commerciales multilatérales.

Cette crise de la PAC alimente une crise plus générale du projet européen, c’est la période de l’eurosclérose. La question des réformes de la PAC se pose donc avec insistance. La première grande réforme de la PAC est la réforme Mac Sharry (1992). Elle consiste à baisser les prix réglementés, pour rapprocher les prix européens des prix mondiaux, à baisser les subventions aux exportations hors UE et à réduire les surfaces cultivées. Elle vise donc à libéraliser progressivement le secteur agricole pour pouvoir développer les négociations multilatérales dans l’agriculture, mais aussi à réduire la surproduction. La seconde réforme de la PAC a lieu en 2003 (renforcée en 2013), dans un contexte d’ouverture de l’UE vers les PECO. Pour éviter un dérapage des dépenses de la PAC, celles-ci sont gelées de 2006 à 2013. La réforme flexibilise encore davantage les prix. Pour réduire la surproduction, elle effectue un découplage entre les aides et la production réalisée. Le soutien à l’activité agricole passe alors par des aides aux revenus. En France en 2013, en moyenne, les aides représentent 84% des revenus agricoles. Les outils mis en œuvre par la PAC au début des années 1960, c’est-à-dire les mesures de gestion des marchés, reculent. La PAC intègre également de plus en plus l’objectif d’un agriculture soutenable. L’agriculture n’a pas pour seul objectif de nourrir la population, mais doit aussi être associée aux questions de développement régional et d’environnement. Elle devient « multifonctionnelle ». Dans cette optique, les exploitations qui respectent un certain nombre de contraintes environnementales perçoivent depuis 2015 un « paiement vert ». Enfin, signalons qu’avec le Traité de Lisbonne (2007), la PAC est devenue une compétence partagée. Une partie des mesures de la PAC dépend de l’UE mais la marge de manœuvre laissée aux Etats membres et aux collectivités territoriales a augmenté de manière à co-financer « le développement rural » à travers la modernisation des structures, la qualité, la diversification des activités.

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3. La monnaie unique et le passage à l’Union Economique et Monétaire

3.1 L’intégration monétaire avant la monnaie unique

3.1.1 L’UEM, un projet ancien : le rapport Werner Document 40 : crise du système de Bretton Woods et rapport Werner

L’intégration économique européenne passe dans les années 1960 par la réalisation de l’Union douanière et la PAC. Ces deux réalisations bénéficient de la stabilité des taux de change fournie par le système monétaire de l’étalon de change-or. L’agonie progressive de Bretton Woods qui débute à la fin des années 1960 pousse les pays membres de la CEE, et en particulier la France, à chercher des solutions pour maintenir un régime de change fixe. Pour le rapport Werner publié en octobre 1970 l’instauration d’un régime de change fixe est une condition essentielle pour préserver le marché commun et se protéger des déstabilisations monétaires provenant des Etats-Unis. Mais le rapport Werner va plus loin. Il envisage : 1) la création d’une union monétaire avec une banque centrale européenne sur le modèle de la Fed ; 2) une coordination des politiques budgétaires ; 3) la mise en œuvre de transferts interétatiques des pays les plus riches vers les plus pauvres sur le modèle fédérale américain. Ce rapport propose donc la réalisation d’une UEM européenne. Il se pose dans la continuité du communiqué final du sommet européen de La Haye de décembre 1969 : « Les chefs d'État ou de gouvernement, ainsi que les ministres des affaires étrangères des États membres des Communautés européennes (…) sont d'avis que le processus d'intégration doit aboutir à une Communauté de stabilité et de croissance. Dans ce but, ils sont convenus qu'au sein du Conseil, (…) un plan par étapes sera élaboré au cours de l'année 1970 en vue de la création d'une union économique et monétaire. Le développement de la coopération monétaire devrait s'appuyer sur l'harmonisation des politiques économiques. » Le rapport Werner est accepté par le Conseil des ministres de l’Economie et des finances en mars 1971, mais il ne sera en réalité jamais mis en oeuvre. L’Allemagne craint que ses partenaires européens imposent des politiques monétaires laxistes et inflationnistes. La France redoute de son côté que la politique monétaire européenne soit confiée à des experts indépendants du pouvoir politique.

Document 41 : la fin du système de Bretton Woods pousse les européens à réfléchir à l’intégration monétaireJusqu’aux années 1970, le système de Bretton Woods fournit à l’Europe la stabilité monétaire dont elle avait besoin. Stabiliser les monnaies européennes par rapport au dollar les stabiliser les unes par rapport aux autres. Réaliser le marché commun, comme l’Europe l’a fait en 1968, aurait été plus difficile face à des soubresauts des taux de change. Importateurs et exportateurs auraient vu leurs affaires perturbées. Les Etats auraient eu plus de mal à supprimer les barrières commerciales et à établir un tarif douanier commun. (…) On pouvait donc s’attendre à ce que les premiers pas significatifs dans la direction d’une monnaie européenne commune coïncident avec l’agonie de Bretton Woods. (…) En 1968, les troubles du dollar attisèrent les tensions en Europe. La crainte que les Etats-Unis ne dévaluent provoqua un raz de marée de capitaux vers l’Allemagne. Le Deutsch Mark se trouva poussé vers le haut. (…) Avec l’élection du président Nixon (1968) et les politiques de plus en plus unilatérales de son administration (….) les arguments en faveur d’un renforcement de la communauté prirent de la vigueur. (…) En France V.Giscard d’Estaing ministre de l’Economie et des finances sous de Gaulle et Pompidou (…) voyait dans la coopération avec l’Allemagne un moyen de d’affranchir la politique monétaire française des questions de politique intérieure et d’importer la culture de la stabilité allemande. Giscard considérait aussi qu’une monnaie commune européenne était essentielle pour sauvegarder la politique agricole commune, dont les paysans français tiraient de grands avantages. Et il voyait en elle une rivale à part entière du dollar. (…) Publié en octobre 1970, le rapport de la Commission Werner considérait le blocage irrévocable des taux de change comme essentiel pour la préservation du marché commun et pour éviter à l’Europe les déstabilisations monétaires venues des Etats-Unis. Il proposait un système paneuropéen de banques centrales comparable à celui de la Fed. Il soulignait qu’il faudrait coordonner les budgets nationaux des pays cohabitant dans l’union monétaire. Et il insistait sur le caractère désirable d’un système de transferts interétatiques d’aide aux pays faibles analogue au système fédéral d’imposition et de transfert qui assure la péréquation des fonds publics aux Etats-Unis. (…) Mais ne pas préciser exactement qui dicterait la politique monétaire commune de l’Europe, et comment, s’avéra une faiblesse fatale pour le rapport Werner. Cela permit au président de la Bundesbank d’attiser les craintes allemandes de voir la politique monétaire dictée par les politiciens francophones et devenir un moteur d’inflation. En France, on craignait que le pouvoir de décision soit retiré aux politiques, ce qui aurait ruiné les efforts des Français pour reprendre en mains leur destinée monétaire. Bien que les ministres de l’Economie et des finances européens eussent adopté le rapport Werner en mars 1971, ils ne prirent aucune disposition concrète pour l’applique.

Source : Barry Eichengreen « Un privilège exorbitant. Le déclin du dollar et l’avenir du SMI », O.Jacob, 2011, p.102

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Document 42 : le rapport Werner, vers l’UEM (c’est moi qui souligne)Durant les années 1960, la Commission européenne, bien consciente des problèmes monétaires qui entravent le bon fonctionnement de la politique économique de la CEE, s'interroge sur les moyens susceptibles de rétablir la stabilité monétaire des Six. (…) De la coordination efficace des politiques économique, monétaire et sociale qu'appelle le Conseil en octobre 1969 à l'union économique et monétaire il y a un pas considérable. Celui-ci est néanmoins franchi lors du sommet européen organisé à La Haye, en décembre 1969 (…). Aux termes du communiqué final de la conférence : « Les chefs d'État ou de gouvernement, ainsi que les ministres des affaires étrangères des États membres des Communautés européennes (…) sont d'avis que le processus d'intégration doit aboutir à une Communauté de stabilité et de croissance. Dans ce but, ils sont convenus qu'au sein du Conseil, (…) un plan par étapes sera élaboré au cours de l'année 1970 en vue de la création d'une union économique et monétaire. Le développement de la coopération monétaire devrait s'appuyer sur l'harmonisation des politiques économiques. » (…)

Source : http://www.cvce.eu/

3.1.2 Le serpent monétaire et le Système Monétaire Européen (SME)

Document 43 : le serpent monétaire Durant l’année 1971, les chocs monétaires provenant des Etats-Unis s’amplifient. Avec les accords du Smithsonien Institution, le dollar est dévalué et la bande de flottement entre les monnaies passe de +/-1% à +/- 2,25%. Si le DM s’apprécie de 2,25% tandis que le dollar se déprécie de 2,25%, et que le Franc fait l’inverse, le taux de change FF/DM varie de 9% ce qui perturbe le fonctionnement de la PAC et aux exportations allemandes. Or c’est exactement ce qui se passe : le DM a tendance à s’apprécier tandis que le FF a tendance à se déprécier. Les membres de la CEE, plus la Grande-Bretagne, l’Irlande, le Danemark et la Norvège décident alors de maintenir les taux de change de leurs monnaies respectives dans des marges plus étroites. Mais le manque de coopération monétaire a raison de ce système. Ces pays ne se coordonnent pas assez pour défendre les parités ni pour faire converger leurs politiques monétaires. Les troubles monétaires se poursuivent : les anglais se retirent rapidement du serpent monétaire, les français d’abord en 1974 puis de nouveau en 1976.

Document 44 : le Système monétaire européenA partir de 1976, la France rapproche son point de vue à celui de l’Allemagne en matière d’inflation et de contrôle des dépenses publiques. Ce rapprochement s’opère par le président V.Giscard d’Estaing et le chancelier H.Schmidt. Avec le président de la Commission européenne, l’anglais R.Jenkins, ils soutiennent la création du Système monétaire européen en 1979. Le mécanisme de taux de change (MTC) fixe des cours pivots pour chaque devise d’un Etat membre par rapport aux autres devises des autres Etats membres. Chaque monnaie est exprimée en ECU (European currency unit) qui sert d’unité de compte. Les cours pivot ont des marges de +/- 2,25%. Les réévaluations ou dévaluations ne peuvent plus se faire de manière unilatérale et découlent d’un accord entre les pays participants.

Document 45 : du projet de SME à son application Dans un discours à l’Institut universitaire de Florence fin 1977, Roy Jenkins plaida pour une relance des négociations sur une union monétaire européenne. En écho au rapport Werner, il proposa d’élargir le budget de la CEE pour qu’elle puisse venir en aide aux pays qui auraient du mal à s’adapter aux rigueurs d’une politique monétaire allemande. (…) Les idées de Jenkins offraient une ouverture à H.Schmidt et V.Giscard d’Estaing. (…) Leur projet fut dévoilé en juillet 1978. On fixerait pour les taux de change de nouvelles marges de fluctuations de 2,25% sur le modèle du Serpent. Pour que le système ne soit pas une fois de plus dominé par les Allemands, les marges seraient définies par rapport à un panier de monnaies européennes. Un mécanisme de déclenchement imposerait aux pays à monnaie forte d’assouplir leur politique monétaire tandis que les pays à monnaie faible durciraient la leur. Leurs banques centrales seraient obligées d’intervenir pour maintenir leur monnaie dans la grille. Au bout de deux ans, un Fonds monétaire européen serait créé pour administrer les réserves mises en commun par les membres. A une date future non précisée interviendrait un passage à l’union monétaire. (…) Ces propositions n’étaient pas exactement du goût du gouvernement britannique (…) et ne plaisaient pas non plus à la Bundesbank. (…) Les membres du conseil de la Bundesbank exigèrent l’abandon du mécanisme de déclenchement, exclurent toute nouvelle discussion sur la mise en commun des réserves, refusèrent d’envisager la substitution d’un panier de monnaies au DM en guise de pivot du système. Ils demandèrent à ce qu’il ne soit plus question d’union monétaire. Le gouvernement allemand s’inclina sur les points clés. Le SME entra donc en fonctionnement sans mécanisme déclencheur ni obligations claires d’intervention. Sa composante opérationnelle, le mécanisme de change européen ressemblait au Serpent plus que ses fondateurs n’étaient disposés à le reconnaître. ESH ECE2 Camille Vernet Nicolas Danglade 2016-2017

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La principale différence était qu’en cas de problèmes de compétitivité les Etats ajusteraient désormais leur monnaie à l’intérieur du mécanisme au lieu d’abandonner celui-ci.

Source : Barry Eichengreen « Un privilège exorbitant. Le déclin du dollar et l’avenir du SMI », O.Jacob, 2011, p.111-112

3.2 Le passage au marché unique pousse à l’unification monétaire

3.2.1 « One market, one money »

Document 46 : le triangle des incompatibilitésTommaso Padoa-Schioppa, en transposant dans l’espace européen le triangle des incompatibilités de Robert Mundell, montre l’impossibilité d’obtenir simultanément : la libération du commerce, la mobilité des capitaux, la stabilité des changes et l’autonomie des politiques monétaires nationales. Il écrit en 1988, «[i]n the long run, the only solution to the inconsistency is to complement the internal market with a monetary union.» Il fait écho à Jacques Delors qui lors du Conseil européen de décembre 1985 affirme «Vous n'avez pas besoin d'avoir un doctorat en économie pour comprendre le besoin d'une union monétaire pour établir un marché unique.»La libéralisation des mouvements de capitaux, conséquence de l’Acte unique, entraîne en effet immédiatement des crises de change, notamment lorsque les investisseurs anticipent des politiques macroéconomiques incohérentes entre les Etats membres du SME. Cette incohérence est alimentée par la conjoncture allemande liée au choc de la réunification allemande. En 1993, l’Allemagne ressert sa politique monétaire pour éviter l’inflation, au moment où l’économie européenne entre en récession : les français suivent la politique monétaire allemande au prix d’une hausse du chômage, tandis que les anglais privilégient leur objectif interne de croissance. Les tensions sur le marché des changes augmentent. Le SME élargit les marges de fluctuations de 2,25% à 15% durant l’été 1993. Mais rien n’y fait, les spéculateurs anticipent l’incapacité de la Banque d’Angleterre à défendre sa parité. La livre quitte le SME en 1993, les anglais font flotter leur monnaie. Ils choisissent donc de préserver leur autonomie monétaire mais au prix d’une sortie du SME. Les français, quant à eux, restent dans le SME, mais au prix d’une perte d’autonomie de leur politique monétaire.

Document 47  : les attaques spéculatives sur les monnaies déstabilisent le SMEDès qu’il existe d’importantes turbulences sur les marchés monétaires internationaux et que les firmes qui opèrent sur les marchés financiers doutent de la capacité des Etats membres de maintenir cette convergence en matière de politique macroéconomique, ces Etats sont alors soumis à des mouvements brusques de capitaux et à des attaques spéculatives contre leurs monnaies. (…) Les plus importantes ont lieu en 1992 et 1993, conséquence de divergences de politiques macroéconomiques entre les Etats membres induites par les conséquences des politiques économiques allemandes poursuivies dans le cadre de la réunification allemande. Cette volatilité des capitaux est très perturbatrice. Le SME est obligé d’élargir ses marges de fluctuations de 2,25% à 15% au cours de l’été 1993 pour limiter les attaques spéculatives, plusieurs Etats membres sont forcés de quitter le SME après des interventions coûteuses de leurs banques centrales sur le marché des changes.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.478-529

Document 48 : le projet du Comité DelorsLe projet d’Union économique et monétaire, apparu dès la fin des années 1960, revient sur le devant de la scène européenne avec l’Acte unique.Pourtant, le projet porté par J.Delors se distingue en de nombreux points de celui de P.Werner. Delors prévoit d’inscrire la stabilité des prix dans les missions de la nouvelle institution monétaire, affirme la nécessité d’une Banque centrale européenne indépendante. Mais il ne prévoit pas d’élaborer un budget européen capable de réaliser des transferts entre régions riches et pauvres, ni de toucher à la souveraineté des nations en matière fiscale. Il propose même d’interdire ces transferts budgétaires entre Etats. Delors abandonne donc l’intégration budgétaire et sociale présente dans le rapport Werner. Il interdit également l’achat par la banque centrale des titres émis par les Etats membres. C’est le Conseil européen d’Hanovre (1988) qui confirme la réalisation progressive de l’Union économique et monétaire et qui charge J.Delors de proposer des étapes concrètes pour y parvenir. Il adopte la position défendue par l’Allemagne selon laquelle le passage à la monnaie unique vient couronner la convergence des économies. Dans cette conception de la monnaie unique, qualifiée d’ « économiste », plus l’hétérogénéité des économies est élevée, moins l’opportunité d’une monnaie unique est pertinente. Les français défendent une autre approche, qualifiée de « monétariste » (à ne pas confondre avec la théorie monétariste de la monnaie) : la monnaie unique est l’outil qui stimulera les échanges entre économies et en assurera alors la convergence.

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Document 49 : le Comité Delors La décision de créer la commission Delors fut prise au printemps 1988. Son rapport, publié un an plus tard (2009), décrivait un passage à trois étapes à l’union monétaire qui n’était pas sans ressembler à celui du rapport Werner vingt ans plus tôt. Mais contrairement à son prédécesseur, le rapport Delors soulignait qu’il était important d’inscrire la stabilité des prix parmi les missions de la nouvelle institution monétaire. Il affirmait explicitement la nécessité d’une banque centrale européenne et d’une mise en commun des réserves des pays participants. Concession au scepticisme thatchérien, il n’insistait pas sur la nécessité d’une intégration politique accompagnant l’intégration monétaire, même si Delors espérait quant à lui que l’intégration politique suivrait. Il ne préconisait ni élargissement substantiel du budget de la CEE, ni système d’impôts et de transferts couvrant l’union tout entière, ni autre menace sur les prérogatives fiscales nationales, de telles propositions ayant conduit à l’échec du rapport Werner. Bien que politiquement opportunes, ces concessions poseraient ultérieurement des problèmes à l’union monétaire. Et ces problèmes s’avéreraient importants pour limiter la capacité de l’euro à rivaliser avec le dollar. La disposition capitale était l’indépendance de la Banque centrale. L’Allemagne y tenait, mais la France s’y était longtemps opposée. (…) Convaincu par Delors des bénéfices qu’apporterait à la France la discipline du mécanisme de change, Mitterrand était conscient des avantages qu’il y avait à mettre la politique monétaire à l’abri de la politique intérieure. Les membres de la commission Delors, relayant la position allemande, convinrent que le passage à l’union monétaire devait nécessairement être précédé par une convergence économique significative, et qu’il fallait donc fixer des conditions préalables à la participation des Etats.

Source : Barry Eichengreen « Un privilège exorbitant. Le déclin du dollar et l’avenir du SMI », O.Jacob, 2011, p.118

3.2.2 Le passage à la monnaie unique : critères de convergence et Pacte de Stabilité et de croissance

Document 50 : les critères de convergenceLe traité de Maastricht (1992) entérine le passage à la monnaie unique, et le nom d’euro est officialisé en 1995. La position des « économistes » l’emporte et les Etats membres s’entendent sur des critères de convergence que doivent respecter les pays candidats à la monnaie unique pour pouvoir y participer. Ces critères doivent permettre d’atteindre :

- une stabilité des prix : le taux d’inflation dans chaque Etat ne doit pas dépasser de plus de 1,5% le taux moyen des trois meilleurs Etats dans ce domaine ; - une convergence des taux d’intérêt : le taux d’intérêt nominal moyen à long terme dans chaque Etat ne doit pas dépasser de plus de 2,5% le taux moyen des trois Etats présentant les meilleurs résultats en termes de stabilité des prix ;- le respect des marges de fluctuations prévues par le mécanisme de taux de change (avec interdiction de dévaluation) ; - le caractère soutenable de la situation des finances publiques : le déficit public ne doit pas dépasser 3% du pib (sauf situation exceptionnelle) et la dette publique ne doit pas dépasser 60% du pib.

Pourquoi de telles cibles pour ces critères de convergence ? En matière d’inflation, cela s’explique par le fait que c’est la différence entre taux d’intérêt nominal et inflation qui produit le taux d’intérêt réel. Deux pays partageant la même monnaie, mais ayant des niveaux d’inflation différents n’auront donc pas les mêmes taux d’intérêt réels. Or, cela pose problème à une zone monétaire dans le cas suivant  : là où la croissance est plus élevée, l’inflation est plus forte, les taux d’intérêt réels plus faibles, ce qui produit un effet pro-cyclique en favorisant l’endettement, l’investissement, la consommation … Inversement, là où la croissance est moins élevée, l’inflation est plus faible, les taux d’intérêt réel plus élevés, ce qui produit aussi un effet pro-cyclique en déprimant l’activité. Une même politique monétaire dans une zone monétaire où il y a des écarts d’inflation entre des régions renforce les écarts de croissance entre ces régions. Avant d’adopter la même monnaie, il faut donc faire converger l’inflation des différents pays membres. En matière de finance publique, les critères de convergence se justifient car les politiques budgétaires restent nationales. Or, les politiques budgétaires laxistes s’accompagnent d’inflation. Une manière de contrôler l’inflation est donc de contrôler sa source « budgétaire » en empêchant les déficits publics trop importants et l’accumulation de dettes publiques qui en découlent. Force est de constater que tous les pays qui sont entrés dans la monnaie unique n’ont pas respecté l’ensemble de ces critères de convergence. C’est le cas de la Belgique ou de la Grèce par exemple. L’introduction de l’euro se fait progressivement entre 1999 et 2002. On remarquera pour terminer que ces critères de convergence s’appuient sur certains indicateurs macroéconomiques (écarts de taux d’intérêt, écarts d’inflation, maintien de la parité, caractère soutenable des

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déficits publics) mais que d’autres indicateurs n’y figurent. Notamment tous les indicateurs en lien avec l’activité économique et productive (croissance, chômage) ainsi que le commerce international sont absents des objectifs de convergence. Les critères de convergence font davantage référence à une convergence « nominale » (inflation, taux d’intérêt) des économies qu’à une convergence réelle.

Document 51: la coordination des politiques budgétaires dans le cadre de l’UEMLa position adoptée par la Commission et le Conseil ECOFIN est la suivante : la politique monétaire se charge de réagir aux évènements qui ont un impact sur l’ensemble de la zone euro (choc symétrique), tandis que la politique budgétaire se charge de réagir aux évènements qui touche spécifiquement un pays membre (choc asymétrique). On appelle cette doctrine du policy mix, le consensus de Bruxelles. Si les Etats gardent la maîtrise des politiques budgétaires, pourquoi alors chercher à les coordonner une fois le passage à l’euro réalisé ? Lorsqu’un Etat décide de financer ses dépenses publiques par un déficit et qu’il ne partage pas sa monnaie avec d’autres pays, les émissions de titres publics font augmenter les taux d’intérêt. Le coût du financement augmente, ce qui agit comme un garde-fou et empêche les dérapages budgétaires. Mais lorsqu’un Etat partage sa monnaie et son système financier avec d’autres pays, les émissions de titres publics se « noient » dans l’offre de titre déjà existante. Les taux d’intérêt réagissent peu à ces émissions. Les pouvoirs publics ne sont pas incités à contrôler leurs déficits, ce qui peut entraîner un dérapage des finances publiques. En conséquence, aucun Etat n’a intérêt à être vertueux et tous comptent sur les autres pour l’être. Nous sommes bien dans une situation de stratégie de passager clandestin. C’est pourquoi le Traité d’Amsterdam (1997) impose le respect dans la zone euro du Pacte de Stabilité et de croissance qui réutilise les règles de finances publiques des critères de convergence : pas de déficit public au-delà de 3% du PIB, pas de dette publique au-delà de 60% du pib, pas de prêts avec intérêts entre Etats membres, pas d’achat de titres publics sur le premier marché (c’est-à-dire au moment de leur émission) par la Banque centrale européenne. Avec la crise des dettes souveraines, les Etats membres de l’euro ont créé en 2010 le Fonds Européen de Stabilité Financière (FESF), devenu en 2012, le Mécanisme Européen de Stabilité (MES). Ces deux institutions intergouvernementales ont pour mission de venir en aide aux Etats rencontrant des difficultés de financement de leur déficit public sur les marchés financiers. Elles agissent en dehors du budget européen. L’accès au MES est conditionné par l’adhésion à un nouveau traité, le Traité sur la Stabilité, la Coopération et la Gouvernance de l’Union (2012).

Document 52 : les raisons de la coordination des politiques budgétaires Dans le Traité de Maastricht, l’autre grand outil de politique macroéconomique, la politique budgétaire, reste sous le contrôle exclusif des Etats membres. Des Etats pourraient donc adopter des comportements de free riders. Ils pourraient se lancer dans des dépenses publiques inconsidérées, générant ainsi de l’inflation et faisant remonter les taux d’intérêt de l’ensemble de la zone euro, mais de manière beaucoup plus diluée que s’il s’agissait uniquement de leur propre monnaie (…). Les autres Etats subiraient les effets dilués de cette inflation et de ces hausses de taux d’intérêt engendrées par le comportement du seul free rider alors qu’eux auraient correctement maîtrisé leurs dépenses publiques. Ce risque est clairement identifié par plusieurs membres du Comité Delors. Pour lutter contre ce risque, le gouvernement allemand (…) impose sans difficulté le Pacte de stabilité et de croissance dans le Traité d’Amsterdam de 1997. Celui-ci fixe des amendes aux Etats de la zone euro qui auraient un déficit persistant de plus de 3% du PIB.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.478-529

Document 53 : le PSC introduit une règle de finance publique sur un instrument (la politiquer budgétaire) par nature très marqué par le cycle économique

Le rôle de la politique macroéconomique est de stabiliser la demande adressée aux produits nationaux quand celle-ci s’écarte trop, à la hausse ou à la baisse, des capacités de production des entreprises. Cette stabilisation n’a de sens qu’à court terme : une politique prolongée de stimulation de la demande ne se traduirait à terme que par une inflation accrue. Pour élever durablement le niveau d’activité, seules sont efficaces les politiques d’offre  : investissement, éducation et formation, mesures d’incitation au retour sur le marché du travail, … Cette conception s’est généralisée dans les pays développés depuis la Seconde guerre mondiale. (…) Quelle est la conséquence de cette doctrine pour les déficits publics ? On admet généralement que l’activité économique est cyclique, c’est-à-dire qu’elle connaît une succession de phase d’expansion et de ralentissement. L’activité s’écarte ainsi successivement à la hausse ou à la baisse de son niveau potentiel (output gap). L’impact de ces fluctuations cycliques sur les déficits publics est double. Le premier impact est mécanique : en période de forte croissance, les recettes fiscales augmentent et les dépenses diminuent (essentiellement celles liées aux dépenses sociales). Le déficit se réduit donc en haut de cycle économique et se creuse en base de cycle. En retour, cette activité exerce un ESH ECE2 Camille Vernet Nicolas Danglade 2016-2017

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effet stabilisant sur l’activité, même en l’absence de politique budgétaire active : ainsi, en phase haute, la progression des recettes fiscales et la baisse des prestations sociales ralentissent le revenu disponible des ménages et des entreprises, donc la demande de biens et services. On parle de stabilisateurs automatiques. En dehors de cet effet mécanique, l’utilisation active de la politique budgétaire pour stabiliser l’activité peut accentuer l’évolution cyclique du déficit (par exemple, une baisse des impôts soutient la consommation en période de ralentissement)  : on parle alors de politiques contracycliques.

Source : A.Bénassy-Quéré et B.Coeuré « Economie de l’euro », La découverte, 2010, p.71-92Question :

1) remplir tableau : Phase de récession Phase de forte croissance

Recettes fiscales : ______ Dépenses publiques : ________

Recettes fiscales : _________

Dépenses publiques : _______

Déficit budgétaire : ______ Déficit budgétaire : ________Effet multiplicateur Effet multiplicateur

Reprise de l’activité Freinage de l’activité

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4. Le fonctionnement de l’UEM : de la convergence des économies à la crise des dettes souveraines

4.1 Une double dynamique jusqu’à la fin de la décennie 2000 : convergence des niveaux de vie et divergence des structures productives

4.1.1 La dynamique de convergence des niveaux de vie

Document 54 : une convergence des PIB nationaux / hab. au sein de l’Europe des 15 entre 1960 et 2000 (indice 100 pour UE-15)

1960 1980 2000Allemagne 121,1 115,5 106,4Autriche 95,8 106,2 110,8Belgique 95,6 107,9 111Danemark 119,2 108,2 116,8Espagne 59,1 72,7 82,1Finlande 88,2 96,5 100,9France 106,2 112,9 101,3Grèce 43,6 70 67,1Italie 87,3 101,1 98,9Irlande 62,6 65,5 114,3Luxembourg 176,7 132,9 180Pays-Bas 115,7 108,1 113,4Portugal 40,1 55,4 75,7Royaume-Uni 121,6 95,7 102,3Suède 126 113,7 102,8UE (15) 100 100 100

Source : Commission Européenne Document 55

Durant les premières années de la mise en place de l’UEM, on constate que les pays les moins avancés de la zone euro rattrapent les autres : le PIB par habitant des pays du Nord (groupe 1) est 1,26 fois plus grand que celui des pays du Sud (groupe 2) en 1998 contre 1,12 fois plus grand en 2006. La réalisation du marché commun et l’entrée dans la monnaie unique a donc permis une convergence des niveaux de vie. Ce qui est bien un des objectifs attendus.

Document 56 : évolution PIB par habitant Europe du Nord et Europe du Sud

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Document 57 : la période de rattrapage des pays du Sud

4.1.2 La dynamique de divergence des structures productives

Document 58Dans le même temps, on constate que les déséquilibres des balances des paiements au sein de la zone euro se sont creusés avec des montants historiquement très élevés :

Document 59 : évolution des balances courantes

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Document 60 : ces déséquilibres accompagnent une désindustrialisation sévère des pays du Sud

Document 61 : une polarisation géographique des activités à forte valeur ajoutée

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Document 62 : la concentration des activités industrielles dans certaines régions européennes L’intégration européenne mène logiquement à un accroissement de la spécialisation des activités économiques d’un pays, et à un regroupement des activités complexes. Elle génère des rendements croissants au centre du marché, c’est-à-dire dans le cœur géographique de l’UE. de ce point de vue, le fait que les petits pays de la périphérie de l’UE connaissent les pires difficultés à maintenir une industrie compétitive n’a malheureusement rien d’étonnant » (…). Il convient également de noter le rôle des élargissements des années 2000 qui ont eu tendance à déplacer le centre de l’Europe vers le Nord-Est et ainsi à renforcer la centralité de l’Allemagne. Ces élargissements ont accru la marginalisation des pays du sud de l’Europe. Les nouveaux entrants ont pu développer, au détriment des pays du Sud, des synergies industrielles avec l’Allemagne, et les autres pays industrialisés de l’UE, comme le montre le renforcement de leurs spécialisations industrielles. Pour résumé, il y a bien une polarisation ou plutôt une tendance au renforcement de la polarisation des pays européens (et plus encore des régions européennes), mais surtout de spécialisation des activités économiques. Cette tendance existe depuis longtemps et, de façon prévisible, l’élargissement de l’UE, et son approfondissement (euro) l’ont accentué.

Source : Matthieu Crozet « Les défis de l’hétérogéneité de l’UE » in RCE n°11 juin 2012

Document 63 : les inégalités entre régionsOn constate généralement une convergence entre les Etats membres au cours de la période 2000-2009 mais une forte disparité subsiste entre les régions. Les chiffres d’Eurostat mettent en évidence une croissance hypertrophiée des capitales et de certaines régions centrales au détriment de régions périphériques. Ainsi, au niveau régional, il n’y a pas de convergence. La hausse fulgurante de la région de Londres Ouest est compensée par le déclin de la région occidentale du Pays de Galles qui tombe au-dessous des 75% de la moyenne du PIB par habitant de l’UE-27 en PPA. Cette tendance est également vraie au sein des PECO, où certaines régions frontalières plus proches du centre attirent des IDE et accueillent des districts marshalliens. C’est le cas par exemple de Timisoara en Roumanie avec des districts créés notamment par les investisseurs italiens. Mais ce sont surtout les capitales qui ont tendances à concentrer les richesses et la croissance. Les disparités entre régions ou sein de chaque Etat membre ont tendance à se renforcer.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.400-465

Document 64 : l’inefficacité des politiques régionales à faire converger les territoiresLes mécanismes de solidarité actuellement en place au niveau européen - fonds structurels UE, fonds européen d'ajustement à la mondialisation - ne semblent pas adaptés ou être de taille suffisante pour accompagner efficacement un approfondissement du marché intérieur.

Source : Trésor-Eco n°156, octobre 2015

4.1.3 Comment expliquer cette double dynamique de rattrapage des niveaux de vie et de divergence des structures productives ?

Document 65 : la politique monétaire unique renforce les divergences de rythmes de croissance L’entrée des pays du Sud dans l’UEM se fait dans une période de rattrapage économique : le PIB croît plus vite dans ces économies que dans les économies de l’Europe du Nord. Cette croissance plus rapide stimule les effets inflationnistes. La politique monétaire étant unique, elle produit un effet procyclique qui renforce l’activité et l’inflation. Cette inflation se répercute sur les coûts du travail qui s’écartent progressivement de la moyenne dans la zone euro. Du côté des pays à croissance faible, le politique monétaire produit l’effet inverse, ce qui freine au contraire les coûts salariaux unitaires. Alors que le coût salarial unitaire augmente de 17% en moyenne dans la zone euro entre 2002 et 2010, cette hausse est de 38% en Grèce. Ces écarts de coûts salariaux impactent négativement la compétitivité prix des pays concernés, ce qui se traduit par une contraction des exportations et une stimulation des importations.

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Document 66 : une demande plus dynamique dans le Sud

Source : Natixis Flash Economie « Comment ont évolué depuis la création de l’euro les policy mix des pays du Nord et du Sud de la zone euro ?», 09 janvier 2014

Document 67 : et une inflation supérieure

Source : Natixis Flash Economie « Comment ont évolué depuis la création de l’euro les policy mix des pays du Nord et du Sud de la zone euro ?», 09 janvier 2014

Document 68 : dans un contexte de convergence des taux d’intérêt

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Document 69 : conséquence, des écarts de taux d’intérêt réels apparaissent dans la zone euro et conduisent la politique monétaire à être pro-cyclique

(taux d’intérêt réel = taux d’intérêt nominal – inflation)Pays où activité est plus faible Pays où activité est plus forte

Inflation plus faible/forte Inflation plus faible/forteTaux d’intérêt réel plus faible/fort Taux d’intérêt réel plus faible/fort

Freine/Stimule l’activité économique Freine/Stimule l’activité économique

Document 70 : les écarts d’inflation se répercutent sur les coûts salariaux unitaires

Document  71 : au sein des pays du Sud, la position de la Grèce

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Document 72 : le rattrapage économique dans le contexte de la monnaie unique renforce les déséquilibres des balances des paiements

Document 73 : l’effondrement des performances commerciales des pays du Sud est accentué par d’autres facteurs

Cette dégradation des performances commerciales est accentuée par :- les différences de politiques économiques notamment en matière de flexibilité du marché du travail (Lois Hartz par exemple en Allemagne) ; - les phénomènes d’agglomération des activités entre les régions qui accentuent la désindustrialisation de certaines zones, ce qui impacte négativement les capacités exportatrices des ces zones. Selon P.Krugman, les entreprises cherchent à bénéficier d’économie d’échelle externe ce qui les pousse à s’agglomérer. Cette réallocation du capital productif est aussi la conséquence de la concurrence fiscale que se livrent les Etats européens entre eux ; - l’utilisation improductive des capitaux : les circuits de financement de certains pays (Espagne par exemple) n’orientent pas les capitaux vers les secteurs à fort progrès technique mais plutôt vers des secteurs où la PGF est faible (construction). Alors que les investissements sont importants, la PGF progresse peu.

Les déséquilibres des balances courantes est permis par des flux de capitaux entre les pays de l’Europe du Nord (à capacité de financement) et les pays de l’Europe du Sud (à besoin de financement).

Document 74 : le modèle « irlandais », les Etats membres en concurrence Les gouvernements des nouveaux Etats membres imitant en partie le modèle irlandais, les élargissements de 2004 et 2007 mènent au renforcement de la concurrence fiscale et sociale. Cette concurrence existe déjà (Luxembourg, Belgique, îles anglo-normandes) mais elle s’accélèrent avec les 12 nouveaux Etats membres qui adoptent des taux d’imposition des sociétés très faibles. Le rapport Monti de 2010 met en évidence la concurrence fiscale entre Etats membres pour expliquer comment le taux d’imposition moyen de l’impôt sur les sociétés de l’UE-15 est passé de 50% à 30% entre 1980 et 2010, avec une accélération du phénomène depuis 2000. La problématique de la concurrence sociale était également parfaitement prévisible au moment de l’élargissement. Le différentiel de salaire est énorme, (…) bien sûr la productivité du travail y est plus faible, mais le coût unitaire salarial reste plus faible. Par ailleurs, la main d’œuvre ne dispose pas du même niveau de protection sociale sur le plan du marché du travail, la durée du travail y est beaucoup plus élevée, le taux de syndicalisation est y plus faible, le taux de chômage plus élevé. (…) Dans le cadre institutionnel du marché unique qui permet la libre circulation des capitaux et du travail, il est clair que de telles différences permettent aux entreprises de jouer la concurrence entre les travailleurs et entre les Etats sur le plan social et fiscal. On assiste à des délocalisations en masse dans les secteurs manufacturiers et dans certains services. (…) Cette crainte des délocalisations permet à des entreprises de jouer au chantage des fermetures. En 2005, la direction de Bosch France impose à ses salariés d’accroître leur temps de travail de 10% sans compensation salariale sous la menace d’une délocalisation à l’Est. ESH ECE2 Camille Vernet Nicolas Danglade 2016-2017

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Si l’on adopte une perspective dynamique, il est fondamental d’observer la vitesse de convergence des nouveaux Etats membres vers les Etats de l’UE-15 estimée en termes de productivité et de salaire pour voir combien de temps se poursuivront ces disparités génératrices de tensions intracommunautaires et de concurrence sociale.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.400-465

Document 74 : les écarts de politiques fiscales et socialesLes disparités fiscales et sociales au sein de l'UE peuvent constituer une source de distorsions majeure dans l'allocation des facteurs productifs et fausser la concurrence, via l'instauration de régimes préférentiels. Une concurrence accrue entre les politiques sociales et fiscales des États membres peut aboutir à une situation dégradée pour l'Europe prise dans son ensemble. Une impulsion donnée à l'intégration des marchés européens devrait ainsi s'accompagner d'instruments susceptibles de freiner la concurrence entre les standards sociaux qu'elle pourrait générer.En particulier, il serait nécessaire de prévenir une concurrence fiscale sous-optimale (notamment une « course vers le bas »). (…) Ainsi, l'approfondissement du marché intérieur devrait s'accompagner d'une coordination accrue en matière fiscale. (…) Par ailleurs, pour empêcher le « dumping social » et garantir l'équité sur les marchés du travail européen, ce processus d'harmonisation pourrait également se traduire par des standards communs de condition d'emploi, en particulier en termes de taux de salaire minimal (par exemple par rapport au salaire médian du pays).

Source : Trésor-Eco n°156, octobre 2015

Document 75 : les politiques économiques menés dans les pays du Nord de la zone euro renforcent les écarts de compétitivité entre économies européennes

L’Allemagne a mené des politiques qui ont accompagné la spécialisation productive. (…) La progression limitée du coût du travail et les efforts pour contenir les prélèvements obligatoires ont permis d’améliorer la compétitivité-coût des entreprises (capacité à gagner des parts de marché en raison d’un coût de production stable ou en baisse) et les marges des entreprises. De ce fait, les entreprises allemandes disposent de capacités de financement plus importantes, qu’elles peuvent utiliser pour financer notamment les dépenses de R&D, et logiquement, l’augmentation des budgets de R&D permet de réaliser des innovations. Ces innovations améliorent la qualité de la production et par conséquent la compétitivité hors prix des entreprises allemandes, c’est-à-dire leur capacité à gagner des parts de marché pour des raisons autres que le prix. Les réformes entreprises par le gouvernement allemand ont ainsi accompagné les entreprises allemandes en leur fournissant un environnement répondant à leurs besoins.Source : Patrick Artus et Isabelle Gravet « La crise de l’euro. Comprendre les causes. En sortir par de nouvelles institutions »,

A .Colin (2012)

Document 76 : des flux de capitaux entrants qui n’alimentent pas la croissance potentielle

Source : Agnès Bénassy-Quéré « Economie monétaire internationale », Corpus Economie, Economica, 2014, p.18-20

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Document 77 : conclusion de l’intégration européenne avec l’UEM, des économies davantage intégrées, des cycles économiques qui convergent mais des structures économiques et des performances commerciales qui

divergentTraditionnellement, on exige des pays qui veulent participer à une même union monétaire qu’ils aient des cycles économiques similaires, ce qui exclut la présence de chocs asymétriques. Lorsque l’on regarde les pays de la zone euro, on trouve une forte similitude des cycles. (…) Mais la corrélation des cycles est naturelle entre les pays qui échangent beaucoup entre eux, mais pour autant elle n’exclut pas que les pays puissent différer par leur tendance de croissance ; par leur structure productive ; par leur compétitivité. Ces différences expliquent d’ailleurs les divergences quant au commerce extérieur et à la dette extérieure. Ces divergences structurelles, qui n’empêchent pas une forte corrélation des cycles, rendent difficile, si elles sont présentes, la coexistence de cas pays dans une union monétaire. La zone euro est homogène du point de vue des cycles mais, elle est hétérogène du point de vue de l’effort d’innovation, de la productivité, donc de la croissance de long terme, de la spécialisation de l’économie, donc du commerce extérieur. Seuls cinq pays (Allemagne, Pays-Bas, Belgique, Autriche, Finlande) composent une zone euro réellement homogène du point de vue structurel. Source : Patrick Artus et Isabelle Gravet « La crise de l’euro. Comprendre les causes. En sortir par de nouvelles institutions »,

A .Colin (2012)

4.2 De l’endettement croissant à la crise des dettes souveraines

4.2.1 L’endettement augmente dans les économies en besoin de financement

Document 78 : l’endettement croissant des pays d’Europe du Sud

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Document 79: le déclenchement de la crise grecque Le déficit des balances courantes est financé par la circulation des capitaux sur les marchés européens, libéralisée depuis 1992. L’endettement privé et l’endettement public progressent. Et lorsqu’un événement produit chez les prêteurs une perte de confiance dans la capacité des emprunteurs à rembourser, le canal du financement extérieur se referme : c’est le sudden stop. En Europe, cette situation se déclenche progressivement durant l’année 2010, et elle concerne d’abord le financement du déficit public grec puis se diffuse à l’Espagne, le Portugal et l’Irlande. Lorsqu’il s’avère en 2010 que le gouvernement grec ne peut plus financer son déficit sur les marchés des capitaux, la peur qu’il ne puisse plus rembourser ses dettes précédentes apparaît. Or, les créanciers de la Grèce sont les grands acteurs financiers européens déjà sévèrement touchés par la crise des subprimes. Une « faillite » de la Grèce pourrait être le coup fatal porté à plusieurs établissements bancaires européens. Cette faillite serait également la première d’un Etat d’un pays développé depuis 1945 envoyant un mauvais signal sur le fonctionnement de la zone euro. Après plusieurs mois de tergiversations, les Etats membres de la zone euro décident d’intervenir afin de transférer la dette grecque des créanciers privés à des créanciers « publics » : il s’agit donc des Etats membres de la zone euro, mais aussi de la BCE et du FMI. Dans le courant de l’année 2010, des prêts bilatéraux avec la Grèce sont réalisés, sans versement d’intérêt jusqu’en 2022, ce qui permet de respecter le critère de no bail-out dans la zone euro. Les Etats de la zone euro mettent en place un Fonds européen de stabilité financière (FESF) qui consiste à émettre des titres sur les marchés de manière pour ensuite prêter aux Etats de la zone euro privés d’accès aux marchés financiers. Le FMI joue également le rôle de prêteur en dernier ressort. Enfin, la BCE achète à des établissements bancaires européens des titres grecs en contrepartie de liquidité. Progressivement, la dette grecque change de main.

Document 80 : la perte progressive de confiance des investisseurs = augmenter les primes de risques

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Document 81: la hausse de l’endettement dans un contexte de ralentissement de l’activité = hausse ratio d’endettement

Document 82

Source : le Monde, 7 juillet 2015

Document 83 : les plans d’aideLe premier plan (2010) d’aide a donc consisté en une chose très simple : faire passer la dette grecque des mains, ou plutôt des tiroirs caisses, du privé à ceux du public. Le FMI et les Etats de la zone euro prêtent 110 milliards d’euros à la Grèce et la BCE se met à racheter des titres de dette grecque pour éviter que leur prix ne s’effondre. Le premier plan prévoyait que la Grèce reviendrait se financer sur les marchés au premier trimestre 2012. Mais dès 2011, tout le monde voit que c’est impossible, et qu’il faut de nouveau prêter à la Grèce. 

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Le deuxième plan d’aide (2011) est scellé le 27 octobre 2011. Il prévoit une nouvelle aide de 130 milliards d’euros, une annulation de 107 milliards d’euros de ce que doit la Grèce aux créanciers privés (banques, fonds, etc.), et une recapitalisation des banques grecques, c'est à dire un don en capital. 

Le troisième plan (2015) correspond à une aide de 85 milliards d’euros.

Document 84 : la diffusion de la crise à d’autres pays européens en besoin de financementCe qui arrive à la Grèce inquiète les marchés financiers qui s’interrogent sur la solidité d’autres économies « fragilisées » par le choc des subprimes comme l’Irlande, l’Espagne, le Portugal, l’Italie (ou même la France). Ces économies ont vu leur déficit courant se creuser depuis l’entrée dans l’euro et leur déficit public explosé après 2008. Une panique généralisée s’empare des marchés : l’Irlande, l’Espagne, le Portugal doivent à leur tour faire appel au FESF et sont soumis aux mêmes conditions de réforme des dépenses publiques.

Document 85 : comment revenir à l’équilibre des comptes publics et à l’équilibre de la balance courante grecs ?

Les nouveaux créanciers qui assurent dorénavant le financement des déficits grecs demandent à la Grèce des réformes des finances publiques de manière à réduire ses déficits et être en mesure de rembourser la charge annuelle de la dette. Les dépenses publiques sont réduites, les impôts augmentés : en d’autres termes, une politique d’austérité est mise en œuvre. La conséquence sur la croissance est rapide : le PIB s’effondre et le chômage

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explose. La « potion » délivrée à la Grèce plonge l’économie dans une dépression plus sévère que celle des Etats-Unis au début des années 1930. Il paraît clair que la Grèce sera dans l’incapacité de rétablir rapidement ses comptes publics et le risque de défaut grec réapparaît.

Document 86 : les conséquences des plans d’austérité

Document 87 : le ratio d’endettement public ne baisse pas

Document 88 : la Grèce peut-elle encore faire défaut sur sa dette ?La Grèce peut-elle faire défaut sur sa dette dans les proches années à venir ? La spécificité de la dette grecque, et de ses modalités de remboursement, la protège pour quelques années encore, mais à terme se posera un nouveau risque de défaillance de la dette publique, et donc la question du Grexit. Actuellement, les prêts bilatéraux contractés par la Grèce (avec d’autres Etats membres de l’UE) ont une maturité de 30 ans avec non paiements des intérêts jusqu’en 2022. Pour les prêts accordés dans le cadre du MES, le capital ne sera remboursé qu’en 2045 avec non paiements des intérêts jusqu’en 2023. La BCE reverse les intérêts et les plus-values éventuelles à son débiteur (la Grèce) qui ne rembourse finalement que le capital. Seuls aujourd’hui, le FMI et les créanciers privés (qui détiennent 20% de la dette grecque) perçoivent des intérêts sur la dette grecque (mais très faible). La charge de la dette (le paiement des intérêts) pèse environ 2,8% du PIB grec alors qu’elle s’élève à 4,7% pour l’Italie et 5% pour le Portugal. La position de la Grèce est donc finalement à court terme assez ESH ECE2 Camille Vernet Nicolas Danglade 2016-2017

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favorable (si l’on ne tient pas compte des politiques d’austérité que ses créanciers lui ont demandé d’appliquer). Se pose donc la question de la soutenabilité de la position grecque à moyen terme. Cette soutenabilité dépend de la capacité de la Grèce à ramener son ratio dette publique/PIB à 120% contre 180% en 2016. Selon le FMI, il faudrait pour cela que le surplus primaire du budget atteigne 3% à 4% du pib chaque année. Or, actuellement, il atteint 2% (ce qui est historiquement exceptionnellement élevé pour ce pays !). Il ne semble donc pas que la Grèce puisse, d’ici le début des années 2020, réduire significativement le poids de sa dette publique. La question de la dette grecque n’est pas résolue et risque donc de réapparaître à moyen terme. Le remboursement de la dette grecque n’a donc pas été renvoyé … aux calendes grecques. Quelles seraient les conséquences pour la Grèce d’un Gexit ? Dans « Economie du bien commun », Jean Tirole recense les conséquences d’un Grexit. En cas de sortie de l’UE et d’abandon de l’euro, la Grèce verrait ses exportations stimuler en raison de la dépréciation de sa monnaie (retour au drachme), ce qui pourrait faire progresser la croissance et l’emploi. Mais hormis le tourisme, la Grèce exporte peu, et la dépréciation de la drachme aurait des conséquences négatives importantes : 1) augmentation du prix des importations, provoquant une baisse du pouvoir d’achat des grecs ; 2) augmentation du poids des dettes contractées en euro ce qui conduira à un défaut de l’Etat et des banques grecques ; 3) augmentation de la défiance des investisseurs étrangers obligeant l’économie à équilibrer sa balance courante ce qui provoquera une réduction de la demande intérieure ; 4) arrêt des transferts financiers de l’UE vers la Grèce ; 5) augmentation des inégalités provoquée par la hausse du patrimoine financiers détenus par les riches grecs à l’étranger. En résumé, comme l’écrit Jean Tirole (2016) «  Le Grexit est une option risquée, comme l’est la continuation de la tendance actuelle. Il est acceptable de vouloir gagner du temps mais, pour ne pas courir à la ruine, les responsables politiques devront réfléchir à la question plus générale de l’avenir de la zone euro. »

4.3 La crise des dettes souveraines : une crise du fonctionnement de la zone euro

Document 89 : le passage à l’UEM a rendu la zone euro de moins en moins « optimale » Il est possible de tirer un triple constat inquiétant sur le fonctionnement de la zone euro : - l’UEM a renforcé l’hétérogénéité des économies européennes : le marché unique et la monnaie unique sont des catalyseurs d’hétérogénéité des économies de la zone euro. - malgré le PSC, certains pays n’ont pas eu un comportement budgétaire vertueux : l’entrée dans la crise des subprimes a tellement dégradé leur déficit et dette publique, que le remboursement de cette dernière est devenu problématique. Par exemple, en juin 2011, le montant des remboursements prévus de la dette publique grecque pour l’année 2014 s’élève à 58 milliards d’euro, soit un montant supérieur au budget de l’Etat grec ! - même des pays ayant respecté le PSC se sont retrouvés plongés dans cette crise des dettes souveraines (Espagne).

Document 90 : les solutions budgétaires qui répondent aux crises de la dette souveraine renforcent la récession économique

La peur qu’une défaillance d’un Etat n’entraîne à son tour des difficultés pour ses créanciers publics pousse tous les Etats de la zone euro à adopter des politiques budgétaires restrictives durant l’année 2011. Alors que les conséquences de la crise des subprimes ne sont pas effacées, que la demande privée reste inférieure à ce qu’elle était avant 2008, les choix non coordonnés des Etats de la zone euro produisent un puissant choc de demande négatif. La zone euro bascule dans ce que l’OFCE a appelé « l’austérité maniaco-dépressive ».La signature du Traité pour la stabilité, la coordination et la convergence au sein de l’Union en mars 2012 (sauf Grande-Bretagne et Tchéquie) confirme cette stratégie de consolidation fiscale. Il introduit une nouvelle règle de finances publiques : le contrôle du déficit budgétaire structurel. Ce déficit ne peut dépasser 0,5% lorsque la dette publique est supérieure à 60% du pib et 1% lorsque la dette publique est inférieure à 60% du pib. Seuls les Etats membres de l’UE qui ont signé ce traité peuvent solliciter une aide du MES qui remplace en 2012 le FESF. Le TSCG est un nouvel instrument de coordination par la règle, il se rajoute aux critères de Maastricht. La logique du TSCG est double :

- éviter les situations d’aléa moral qui apparaissent dès lors qu’existe un fonds européen d’aide aux pays en difficulté ; - renforcer la crédibilité des gouvernements en matière de contrôle des finances publiques pour compenser les faiblesses du PSC dans ce domaine. En se liant davantage les mains, les gouvernements espèrent envoyer un signal positif aux marchés financiers et faire relâcher la pression sur le coût du financement public ;

Mais l’opportunité de mettre en œuvre le TSCG fait débat. Certains défendent l’obligation de redonner rapidement confiance aux investisseurs de manière à casser un cercle vicieux de propagation des crises de finances publiques.

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D’autres estiment que l’effort budgétaire réalisé arrive trop vite et trop fort, et qu’il ne peut qu’aboutir à un cercle vicieux dépressif : consolidation fiscale / récession / hausse du ratio (dette/pib) / consolidation fiscale …

Document 91 : La mise en place d’un outil de stabilisation macroéconomique pour les pays en crise : le MSF, un instrument intergouvernemental qui fonctionne hors budget européen

Le budget de l’UE et ses objectifs ont peu été modifiés par la crise des dettes souveraines  ; par contre, des solutions sont apparues pour venir en aide aux pays « au bord de la faillite ».Printemps 2010 : Création en 2010 du Fonds européen de stabilité financière (FESF). Le FESF peut contracter des emprunts, avec la garantie des États membres de la zone euro, en faveur d’un pays rencontrant des difficultés de solvabilité (crise de la dette publique). Ces interventions (500 milliards d’euros) peuvent être combinées avec celle du Fonds Monétaire International (250 milliards d’euros), un montant total de 750 milliards d’euros pouvant ainsi être mobilisé. Courant 2012 - le FESF est remplacé par une institution financière internationale, le Mécanisme de stabilité financière (MES). Le budget du MES s’élève à 1000 milliards d’euro (janvier 2012). C’est un organisme intergouvernemental :

- La règle de décision se fait à l’unanimité des 17 pays membres de l’Euro (sauf cas d’urgence / vote à la majorité qualifiée des 85%). Il est prévu, qu’à partir du 1er mars 2013, l’octroi d’une assistance financière dans le cadre du MES soit conditionné à la ratification du « Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l’Union économique et monétaire » (Le Pacte budgétaire) qui a été adopté par 25 des pays membres de l’Union européenne le 30 janvier 2012.

- Chaque Etat est responsable à hauteur de sa contribution ; il ne répond pas du total du risque assumé par le MES ;

- Le budget du MES est hors budget européen, et n’est pas présenté au PE ; Aujourd’hui ce budget existe ; il est intergouvernemental ; mais rien n’interdit de penser qu’il puisse servir de base au développement futur d’un budget « fédéral » / décision politique de transferts de souveraineté.

Document 92  : le TSCG, la mise en place d’une « règle d’or » en matière de finances publiquesLe Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’UEM (TSCG) a été signé par 25 pays de l’UE sur 28 le 2 mars 2012 (entrée en vigueur le 1 janvier 2013). Il concerne essentiellement les pays de la zone euro (et non pas tous les pays de l’UE). La crise des dettes souveraines qui touche certains pays de l’UE est en partie un symptôme de l’échec du PSC. De nombreux pays n’ont pas à partir de 2005 suivi le PSC et certains parmi eux n’ont pas durant les périodes de croissance mis à profit la hausse des recettes publiques pour réduire la part du déficit en pourcentage du PIB. L’entrée dans la crise économique s’est donc mécaniquement accompagnée d’une envolée des déficits au delà des 3%. Ce manque de crédibilité des Etats à suivre le PSC a été sanctionné immédiatement par les marchés qui ont fait augmenter les spreads des Etats les plus touchés par la dégradation de leurs finances publiques. Conséquence : un cercle vicieux de la dette publique. L’idée d’une règle d’or renvoie à la notion d’incohérence temporelle des décisions publiques et à ses conséquences en termes de crédibilité. Adopter une règle d’or en l’inscrivant dans la Constitution (ou dans la législation) est un signal adressé aux prêteurs visant à marquer la fin des comportements opportunistes et incohérents. C’est un moyen de se lier les mains à partir de chaque constitution nationale. La signature du Traité intervient dans une période de crise des dettes souveraines, il est présenté comme la condition nécessaire pour la poursuite des aides aux pays en difficulté (le Mécanisme européen de stabilité). Face aux difficultés de coordination rencontrées par le PSC, le Traité cherche à faire respecter à la fois la souveraineté nationale en matière budgétaire et le respect des critères de déficits et de dette. Il s’appuie sur le pouvoir exécutif de la Commission européenne et demande aux Etats d’intégrer dans leur cadre législatif national les critères de finances publiques définis par l’ensemble des Etats membres de la zone euro. Les Etats doivent donc eux-mêmes se « lier les mains ». En terme de critères de finances publiques, à la différence du PSC, le Traité de Stabilité met l’accent sur le contrôle de la dimension « structurelle » du déficit. En effet, compte tenu de la conjoncture, l’état des finances publiques peut évoluer, il faut donc pouvoir tenir compte de cette dimension conjoncturelle et observer le déficit sous sa forme structurelle. Les critères de finances publiques dans le TSCG :

- Une dette publique qui ne dépasse pas 60% du pib ;- Un déficit public (au sens de Maastricht) qui ne dépasse pas 3% du pib ;- Un déficit structurel (incluant les investissements et lissés des variations conjoncturelles) ne dépassant pas

1% du pib (lorsque la dette publique est inférieure à 60% du pib) ou 0,5% du pib (lorsque la dette publique est supérieure à 60% du pib).

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Document 93 : la seule solution pour les Etats touchés par une crise, la dévaluation interne Il est possible de contrer le choc asymétrique par une relance des exportations sans dévaluer le taux de change nominal de la monnaie, mais en s’attaquant au taux de change réel, c’est-à-dire au niveau des prix des facteurs de production de l’économie nationale, ce que l’on appelle une « dévaluation interne ». Pour gagner ainsi de la compétitivité pour les exportations, il faut qu’il soit possible de faire baisser les salaires et les autres coûts de production dans l’économie nationale (énergie, composantes, télécoms, …). Cette flexibilité à la baisse des salaires et des prix n’est jamais totale, car il existe une série de dispositions législatives qui fixent certains prix et salaires. (…) Ce degré de flexibilité peut donc varier considérablement d’un pays à l’autre selon leur législation sociale, leur politique de la concurrence et leur degré d’ouverture commerciale. La mobilité du travail est le critère développé dans la théorie originelle de Mundell. Un pays qui est touché par un choc asymétrique verra son chômage augmenter. Si les travailleurs de ce pays peuvent librement se déplacer dans le pays voisin de l’union monétaire qui n’est pas touché par ce choc, alors une dévaluation n’est pas nécessaire pour résorber le chômage. Ainsi bien qu’aux Etats-Unis, certains Etats n’ont pas de forte synchronisation de leurs cycles d’affaires, la forte mobilité de la main d’œuvre entre Etats permet d’absorber plus facilement les chocs asymétriques subis par certains Etats. Est-ce que l’Etat touché par un choc asymétrique peut le contrer par un programme de relance des dépenses publiques ? Un choc a généralement a pour effet de fortement dégrader les finances publiques du fait des stabilisateurs automatiques (allocations de chômage, soutien aux entreprises, pertes de rentrées fiscales liées à la baisse de revenus). Si la dette publique du pays est déjà élevée et que son déficit commercial s’aggrave avec la récession causée par le choc, ce pays pourra difficilement faire financer un programme de relance par les dépenses publiques. En effet, les marchés financiers craindront le risque d’un défaut de paiement ou d’une sortie de l’union monétaire, et d’une dévaluation. Cet Etat devra alors emprunter à des taux prohibitifs, ce qui l’empêchera de résorber le choc par des dépenses publiques. C’est ce qui s’est produit en 2010 pour la Grèce. (…) Il est toutefois possible au sein d’une union monétaire d’envisager des mécanismes de transferts financiers entre les Etats. Les pays qui ne seraient pas touchés par ce choc seraient alors solidaires du ou des pays en récession et leur verseraient des transferts pour leur permettre de contrer le choc par un programme de relance par les dépenses publiques. Ce mécanisme existe déjà à l’intérieur de la plupart des grands pays où certaines régions peuvent subir des chocs asymétriques. C’est l’Etat central (par exemple l’Etat fédéral américain) qui réduit les taxes et augmente les dépenses publiques des régions touchées par un choc asymétrique et il répercutera le coût de ces mesures sur les autres régions du pays. Ce mécanisme suppose donc l’acceptation politique d’une solidarité financière par tous les pays de l’union monétaire. Cette dernière sera d’autant plus difficile à accepter si les chocs asymétriques sont récurrents dans certains Etats membres de l’UM et pas dans d’autres.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.478-529

Document 94 : le rééquilibrage de la balance courante passe par une contraction de la demande intérieureLorsque les pays sont touchés par la crise de balance des paiements, ils ne peuvent plus financer leurs déficits extérieurs. (…). On doit donc s’attendre à ce que les pays en difficulté doivent faire disparaître le déficit de la balance courante, c’est-à-dire rééquilibrer l’offre et la demande de biens et services exportables, c’est-à-dire en particulier de produits industriels. A long terme ceci peut se faire par des politiques de l’offre qui stimulent la capacité de production, mais à court terme, ceci ne peut se faire que par la baisse de la demande intérieure de produits industriels, c’est-à-dire par la perte de pouvoir d’achat. La récession européenne (on attend une croissance en 2012 de -3% au Portugal, -2% en Espagne en Italie, -5% en Grèce) s’explique fondamentalement par la nécessité de ramener la demande intérieure au niveau de la capacité de production, ce qui exige des politiques budgétaires restrictives, une baisse des salaires réels, et une hausse des taux d’intérêt. Cette nécessité de récession inévitable explique les craintes d’éclatement de la zone euro. »Source : Patrick Artus et Isabelle Gravet « La crise de l’euro. Comprendre les causes. En sortir par de nouvelles institutions »,

A .Colin (2012)

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Document 95

Source : Natixis, Flash Economie n°510

Document 96A la fin du 20ième siècle, l’intégration européenne s’est accélérée : le passage au marché commun et la mise en place de la monnaie unique ont transformé une CEE des 12 en UEM des 28. L’UEM a fabriqué de l’hétérogénéité des économies et a conduit les balances courantes des Etats membres à diverger jusqu’au déclenchement des crises des dettes souveraines en 2011. Si les pays européens souhaitent garder un marché commun, et certains d’entre eux une monnaie unique, l’existence de cette hétérogénéité est consubstantielle au fonctionnement de l’UE : il n’est pas possible d’empêcher les dynamiques d’agglomération. La question est alors de savoir comment compenser cette hétérogénéité, en particulier lorsqu’elle concerne une zone monétaire, la zone euro. En 2009, Jean Pisani-Ferry (Commissaire général de France Stratégie) écrivait déjà « Si les forêts brûlent en Grèce, l'Union européenne peut intervenir au titre de l'aide face aux catastrophes naturelles. Mais si un pays de la zone euro est confronté à une crise de balance des paiements ou à un défaut de paiement, nous n'avons pas d'outils ». La théorie des zones monétaires indique qu’il existe trois possibilités pour compenser un choc qui affecte une région de la zone :

Soit la population active est très mobile dans toute la zone monétaire : elle quitte la région où le chômage augmente pour aller là où le chômage est faible. Les chocs asymétriques se compensent par la mobilité géographique de la population. Ce n’est pas la caractéristique de la zone euro ;

Soit il existe un gouvernement fédéral qui assure des transferts des régions les plus riches vers les régions les plus pauvres afin que ces dernières puissent financer leur déficit courant et ainsi maintenir le niveau de leur demande. C’est ce que fait par exemple l’Etat fédéral aux Etats-Unis. P.Artus et I.Gravet rappellent ainsi qu’en 2010, la balance commerciale du New Jersey est déficitaire de 15,7% de son PIB, que celle de la Californie est déficitaire de 9,7% de son PIB. Ces déséquilibres sont nettement supérieurs à ceux que connaissent les pays de la zone euro. Cette solution n’est également pas celle de l’UE. Il n’y a pas de fédéralisme budgétaire en Europe.

Soit la région cherche à rétablir sa balance courante afin de ne pas avoir à relâcher la contrainte du financement externe. Pour cela, elle met en place une dévaluation « interne » : elle fait baisser son taux de change réel, c’est-à-dire qu’elle va réduire le prix des biens qu’elle exporte par rapport à ceux des autres régions de la zone monétaire. Cette dévaluation interne s’appuie sur une baisse des dépenses publiques et des salaires. C’est exactement la solution mise en œuvre en Europe : les pays qui ont bénéficié des plans d’aide ont mis en place des politiques d’austérité pour alimenter les mécanismes de dévaluation interne. Les balances courantes se sont rétablies mais au prix d’une récession, voire d’une dépression, de l’activité. Ce mode dépressif de résolution des déséquilibres courants rappelle celui de l’étalon-or. Il apparaît donc qu’en l’état de son architecture et de son fonctionnement l’UEM ne peut qu’entraîner des situations de dévaluation interne et d’appauvrissement des régions concernées par des déséquilibres courants. L’intégration européenne ne peut donc en rester là.

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4.4 Quelles voies de sortie pour la zone euro ? Quel avenir pour l’UE ?

Document 97 : trois voies de sortie possiblesLa première est celle de l’éclatement de l’UE et de la zone euro. Hypothèse peu crédible, elle a pourtant pris de l’ampleur avec le « oui » au referendum britannique pour la sortie de l’UE en juin 2016. La seconde est plus ambitieuse, et sans doute dans le contexte actuelle trop ambitieuse. Elle consiste à rapprocher le fonctionnement de l’UE de celui des Etats-Unis. Dit autrement à créer un gouvernement et un budget fédéral à partir duquel gérer les écarts de développement et d’hétérogénéité des territoires de l’Europe. Cela implique de transférer des compétences budgétaires vers l’UE, comme cela a été fait pour la monnaie. Finalement, cette solution nous renvoie au plan Werner de 1971. Le budget actuel de l’UE est essentiellement constitué de contributions versées par les Etats. Il s’agit ici maintenant de créer une véritable capacité à lever l’impôt et à émettre des titres publics, les eurobonds. Ce faisant, l’euro deviendrait une « monnaie complète » puisqu’il existerait une demande mondiale de titre européen émis en euros, comme il existe une demande mondiale de titres américains émis par le Trésor des Etats-Unis. Pour M.Aglietta, cela permettrait à l’euro d’acquérir un véritable statut de monnaie internationale en devenant une monnaie internationale de réserve. Au final, le fédéralisme budgétaire permettrait de faire fonctionner une zone monétaire hétérogène sans crise de balance de paiements et assoirait le poids de l’euro comme monnaie internationale. Il serait également l’expression de la solidarité des européens entre eux. Cette solution se heurte pourtant au déficit de légitimité que subissent les institutions politiques européennes. Il est peu probable que les peuples européens acceptent de transférer plus de pouvoirs politiques à des institutions dont la crédibilité ne cesse de chuter. Si l’Europe apparaît toujours comme vecteur de paix, elle n’est plus synonyme de croissance, bien-être et prospérité. C’est la panne de la stratégie des petits pas (Schuman, Monnet) selon laquelle la dynamique d’intégration produit des « solidarités de fait » entre les nations qui les conduisent à davantage d’intégration politique. La troisième solution est moins ambitieuse, mais, peut être, plus pragmatique. A défaut d’une Europe fédérale, il est possible de réaliser des transferts budgétaires entre Etats membres en communautarisant certaines dépenses. Ce peut être par exemple le cas d’un système d’assurance chômage. La création d’un marché du travail européen permettrait aux différentes régions européennes d’encaisser plus facilement des chocs asymétriques. Cela peut également passer par le développement des dépenses européennes dans les « investissements sociaux » par exemple la santé, l’enfance, l’éducation et la formation qui font croître le capital humain. En effet, les régions les plus touchées par la crise de l’euro sont celles où ces dépenses sont les moins importantes. La construction d’une Europe sociale apparaît donc comme une condition de fonctionnement pérenne de l’UEM.

Document 98 : l’absence d’un budget fédéral européen est un handicapeJusqu’à maintenant, l’UE a maintenu le mythe d’un objectif de convergence. Les politiques mises en œuvre, conformément d’ailleurs aux principes du Traité de Rome, visaient à favoriser la convergence des niveaux de vie et des structures industrielles, pour arriver à un « développement harmonieux ». Or, l’intégration commerciale et monétaire a produit les effets qui sont les siens : elle a renforcé les spécialisations et généré un mouvement de concentration des activités à rendements croissants vers le cœur du marché. Sans compter que le maintien d’une relative dispersion des activités industrielles au niveau européen a un coût en termes de croissance : elle interdit l’émergence de pôles d’activités spécialisés, disposant de la taille critique pour générer des externalités fortes. Cet argument a d’ailleurs conduit l’UE à réorienter des objectifs politiques et à mettre en place les stratégies de Lisbonne et UE2020, où l’objectif de cohésion passe au second plan pour laisser la place à des politiques de croissance et d’emploi pour l’ensemble de l’UE. La question pour l’UE, et plus encore pour la zone euro, n’est alors pas tant de savoir comment forcer l’ensemble à devenir plus homogène que d’apprendre à gérer l’hétérogénéité des situations nationales. Cela passe, effectivement par la mise en place de politiques industrielles (au sens large, ie incluent tous les secteurs des services) ambitieuses, coordonnées, mais aussi plus libres, pour pouvoir s’adapter aux différentes situations nationales. Cela passe surtout par des politiques macroéconomiques coordonnées et le développement des mécanismes de stabilisation : mobilité des travailleurs, portabilités des droits et transferts.L’intégration ayant généré les problèmes actuels liés à la divergence des pays, le choix est aujourd’hui relativement simple : soit ralentir la marche vers le fédéralisme en renonçant à l’intégration de tous les pays sur un pied d’égalité, soit se doter des outils politiques du fédéralisme pour en traiter les maux.

Source : Matthieu Crozet « Les défis de l’hétérogéneité de l’UE » in RCE n°11 juin 2012

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Document 99 : le fédéralisme budgétaire, une réponse face au déséquilibre structurel « normal » des balances courantes dans la zone euro

Le problème essentiel pour nous est de rendre compatibles les institutions de la zone euro avec l’hétérogénéité « normale » de long terme. L’hétérogénéité normale des pays résulte de la spécialisation productive qui s’opère en fonction des avantages comparatifs, des dotations en facteur de production. Les pays disposant de beaucoup de main d’œuvre qualifiée, de capital et réalisant beaucoup d’innovation se spécialisent naturellement dans l’industrie et les services exportables haut de gamme. (…) Il faut que les institutions de la zone euro soient compatibles avec cette situation ; or, ce n’est pas le cas ; en l’absence de fédéralisme, c’est-à-dire de transferts de revenus organisés entre les pays, les pays de la zone euro sont condamnés à l’équilibre extérieur de leur balance courante. En effet, s’ils se spécialisent dans les services non exportables, ils ont nécessairement un déficit extérieur. Ce déficit extérieur n’est pas compensé par des transferts de revenus liés au fédéralisme et conduit donc à une dette extérieure insuffisante, d’où une crise de solvabilité et une crise extérieure. Dans une union monétaire sans fédéralisme, les pays sont soumis à la contrainte d’équilibre extérieur, ce qui est incompatible avec le processus normal de spécialisation. Si les institutions restent semblables, c’est-à-dire continuent à imposer l’équilibre extérieur des pays de la zone euro, il n’y aura pas d’autre solution pour ces pays que de comprimer leur demande intérieure et leur pouvoir d’achat jusqu’au point où leur déficit extérieur disparaît. (…) Les déséquilibres imposent le fédéralisme, seul moyen de compenser les déséquilibres de balance courante par des flux de revenus entre pays. Sans cette évolution vers le fédéralisme, il ne peut y avoir qu’éclatement de l’euro, les pays de la zone euro étant pris entre la nécessité d’équilibrer leurs comptes extérieurs et celle de respecter la spécialisation productive conforme à leurs avantages comparatifs et à leurs dotations en facteurs de production. le fédéralisme est sans conteste la seule réponse possible à la crise actuelle. C’est même la condition sine qua non de toute union monétaire. Source : Patrick Artus et Isabelle Gravet « La crise de l’euro. Comprendre les causes. En sortir par de nouvelles institutions »,

A .Colin (2012), p.143

Document 100 : le fédéralisme budgétaire aux Etats-Unis

Source : Patrick Artus et Isabelle Gravet « La crise de l’euro. Comprendre les causes. En sortir par de nouvelles institutions », A .Colin (2012), p.143

Document 101 : arguments économiques et politiques en faveur du fédéralisme budgétaire Les dispositifs de coordination ont été conçus pour prendre acte de l’absence d’un budget fédéral qui accomplirait au niveau communautaire la fonction de stabilisation conjoncturelle. Le choix de ne pas doubler l’euro d’un budget fédéral a été fait en 1990-1991 pour des raisons politiques : l’union monétaire constituait déjà un bond dans la direction du fédéralisme, à la limite de ce que pouvaient accepter des gouvernements et des opinions publiques attachés au maintien de la souveraineté nationale. La marge étroite du « oui » français au Traité de Maastricht (1992) comme la décision de trois pays européens de ne pas rejoindre l’euro, et dans les années 2000, le «  non » de plusieurs pays au projet de traité constitutionnel en ont témoigné. Or, la capacité de lever l’impôt, le rôle du

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Parlement en matière budgétaire sont, comme la monnaie, des attributs essentiels de la souveraineté. Toute évolution en ce sens est donc conditionnée par une évolution des Européens en faveur d’un fédéralisme accru. Ceci étant posé, y a-t-il des arguments économiques en faveur du fédéralisme budgétaire  ? Tout dépend du type de redistribution qui serait alors mis en place entre le niveau fédéral et les Etats. Aux Etats-Unis, Sachs et Sala-i-Martin ont estimé que cette redistribution permet d’amortir à hauteur de 30% à 40% l’impact budgétaire des chocs économiques qui affectent les Etats, mais cette évaluation est discutée. En outre, un système de transferts du niveau fédéral vers les Etats pourrait rapidement devenir un système de redistribution permanente concurrent des politiques régionales comme les fonds structurels ou le fonds de cohésion et difficilement acceptable politiquement. En revanche, d’autres motifs que la stabilisation conjoncturelle peuvent conduire à la montée en puissance du budget européen. Dans des marchés de plus en plus intégrés, un nombre croissant de fonctions régaliennes (sécurité, protection du consommateur, autorité de régulation des marchés), sont désormais assurées au niveau communautaire. Dans certains secteurs très intégrés ou comportant une dimension transnationale naturelle (par exemple, les transports) on peut très bien imaginer que le service public soit partiellement financé au niveau européen. Par ailleurs, la crise de 2008-2009 a montré la nécessité de renforcer le fédéralisme dans le domaine de la surveillance financière (…). Enfin, puisque la protection de l’environnement constitue un bien public commun, le principe d’une écotaxe européenne pourrait s’imposer naturellement dans les secteurs non couverts par le marché des droits d’émission, à l’image de la « taxe carbone ».

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014

Document 102 : développer un véritable policy-mix européen La zone euro doit se doter d’une autorité budgétaire permanente, munie d’outils d’analyse et de surveillance des politiques budgétaires nationales dans le cadre d’une procédure complètement renouvelée d’élaboration des budgets nationaux (…). Cela revient à une souveraineté partagée sur le budget agrégé de la zone euro ; ce qui permet de dialoguer avec la BCE pour élaborer un policy mix européen. La banque centrale doit avoir une doctrine monétaire renouvelée en prenant explicitement en compte la stabilité financière dans son mandat. Sur cette base, il sera possible d’émettre des eurobonds. L’ensemble de ses transformations politico-institutionnelles doit être tourné vers le seul objectif à long terme qui puisse stopper le déclin de l’Europe : redresser la croissance potentielle. (…) Il faut à la fois relever la croissance potentielle de l’ensemble de la zone euro et concevoir des politiques industrielles capables de contrecarrer les forces centrifuges qui rendent une partie de la zone euro non compétitive dans l’espace d’une monnaie unique. On peut renoncer à combattre la polarisation qui s’est produite et instituer une union de transferts, comme à l’intérieur de certains pays. L’Etat transfère du revenu des zones riches qui ont profité de la polarisation des activités modernes vers les zones défavorisées qui en ont été victimes, solidarité complètement justifiée par la cohésion de la nation. C’est toute la question de l’acceptation du vivre ensemble qui ne s’est pas manifesté jusqu’ici à l’échelle européenne. Si la zone euro doit être le pivot du projet européen, une mise en commun des politiques budgétaires est certes nécessaire pour maîtriser les dérapages financiers, mais aussi des mécanismes de transfert, indispensables pour que l’euro devienne une monnaie complète. »

Source  : Michel Aglietta  «Zone euro. Eclatement ou fédération » Michalon 2012, p.124

Document 103 : une coordination entre Etats pour réguler la formation des déficits extérieurs mais aussi les transferts entre régions à capacité/besoin de financement

Dès sa conception en 1997, le Pacte de Stabilité a été fortement débattu par les économistes. De ce débat, mais aussi de l’incapacité de l’Allemagne et de la France à le respecter lors de la crise de 2002-2004, est née la réforme du Pacte en 2005. Parallèlement, des efforts ont été faits pour mieux organiser institutionnellement la coordination des politiques macroéconomiques, grâce en particulier au renforcement de la présidence de l’Eurogroupe. La crise de 2008-2009 a cependant mis en lumière la faiblesse récurrente de ces dispositifs : certains pays, comme la France ou la Grèce, ont abordé la crise avec des finances publiques précaires ; d’autres, comme l’Espagne et l’Irlande ont respecté le PSC mais laissé se développer des déséquilibres macroéconomiques majeurs ; tous, à des degrés divers, ont ignoré le risque macrosystémique résultant des prises de risques excessives au sein du système financier  ; enfin, la zone euro a manqué d’un dispositif pour réagir de manière coordonner à la crise. La crise a ainsi montré l’importance d’une coordination plus étroite des gouvernements. La nécessité de cette coordination ne faisait pas consensus avant la crise. (…) La crise a montré l’importance d’une coordination en amont pour empêcher l’accumulation des déséquilibres macroéconomiques et financiers, mais aussi en aval, pour résorber les déficits budgétaires sans étouffer dans l’œuf la reprise économique ni relancer les anticipations inflationnistes. Parallèlement, la nécessité d’une coordination entre les gouvernements et la BCE est apparue moins essentielle, la BCE ayant finalement montré sa capacité à gérer la crise financière dans le cadre de son mandat et sans attendre les gouvernements.

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Plus que jamais, la zone euro se caractérise par un modèle hybride entre une coopération entre Etats (pour les questions budgétaires, pour la surveillance prudentielle) et une fédération (pour la monnaie). Une solution serait d’aller jusqu’au bout du chemin en rendant contraignante la coordination des politiques budgétaires, soit en introduisant des règles automatiques, soit en allant jusqu’au fédéralisme budgétaire.

Source : A.Bénassy-Quéré et B.Coeuré « Economie de l’euro », La découverte, 2010, p.71-92

Document 103 : synthèseL’Europe économique c’est d’abord l’Europe sans frontières intérieures du marché commun. Projet lancé par le Traité de Rome en 1957, il faut attendre les années 1980 et l’Acte unique (1986) pour que les obstacles qui freinent les échanges de biens, services, capitaux et personnes soient peu à peu éliminés par les Etats membres, sans toutefois complètement disparaître. Les économies européennes sont plus intégrées, mais de nombreux effets frontières subsistent encore. L’Europe économique c’est aussi l’Europe des politiques communautaires. La première, aujourd’hui, est la politique européenne de la concurrence. L’UE, devenue le plus grand marché intérieur du monde, se dote d’une politique capable de réguler la concurrence en empêchant les comportements déloyaux des entreprises mais aussi des Etats. La seconde, pendant longtemps la plus importante, est la Politique agricole commune. Conçue sur le principe d’une politique sectorielle interventionniste, son poids dans le projet européen a décru même si elle reste encore un élément prépondérant du budget de l’UE. L’Europe monétaire est un projet qui remonte à la fin des années 1960 et l’agonie du SMI de Bretton Woods. Les membres de la CEE considèrent que le régime de change flottant pénalisent les échanges mais aussi le fonctionnement de la PAC. Dès 1971, ils s’organisent autour de systèmes de change fixe : le serpent monétaire puis le système monétaire européen. Avec la relance du marché commun en 1986, la nécessité d’une monnaie unique s’impose. Elle est entérinée par le Traité de Maastricht de 1992. La création de l’euro nécessite de repenser l’articulation entre la politique monétaire unique et les politiques budgétaires nationales et conduit à la coordination par des règles des politiques budgétaires des Etats membres de la zone euro. L’UEM se caractérise donc par un marché commun, une monnaie unique, des politiques européennes et une coordination des politiques budgétaires. La réalisation de l’Union économique et monétaire a pour objectif de stimuler la croissance et à renforcer l’intégration des économies des pays membres. Le renforcement progressif des interdépendances économiques a conduit les Etats à envisager toujours plus d’intégration politique. La dimension supranationale de l’Europe s’est ainsi largement développée depuis le Traité de Rome, confirmant en cela les espoirs des pères fondateurs fédéralistes du projet européen comme Schuman et Monnet. La situation contemporaine marque une nouvelle étape dans l’évolution de l’UE. La zone monétaire formée par l’euro n’est pas une zone monétaire optimale et la dynamique d’intégration l’en éloigne de plus en plus. Or, les caractéristiques de fonctionnement de l’UE ne permettent qu’une seule solution pour résoudre les problèmes que pose l’usage d’une même monnaie dans des territoires hétérogènes : les politiques de dévaluation interne. Ces politiques ont un coût économique et social tel qu’elle sont légitimement rejetées par les européens qui les subissent. La crise de l’euro qui débute en 2010 et n’est toujours pas terminée en 2016 marque un moment crucial dans l’avenir du projet européen. Peut-on encore affirmer comme J.Monnet « l’Europe se fera dans les crises » ? L’essor de l’europhobie ne permet pas d’assurer avec certitude que l’Europe va encore avancer en répondant aux failles responsables de la crise de l’euro. Le risque aujourd’hui est que la stratégie « des petits pas » se transforme en un grand bond en arrière.

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