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1/ 2010 Une politique environnementale orientée vers la culture > Efficacité ou sobriété? > Le paysage comme bien culturel, produit de consommation et support de publicité > Scénarios d’avenir > Prise de température à l’école Entre nature et culture Les ressources naturelles en Suisse environnement

Magazine «environnement» 01/2010 - Entre nature et culture

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Une politique environnementale orientée vers la culture > Efficacité ou sobriété? > Le paysage comme bien culturel, produit de consommation et support de publicité > Scénarios d’avenir > Prise de température à l’école

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Une politique environnementale orientée vers la culture > Efficacité ou sobriété? > Le paysage comme bien culturel, produit de consommation et support de publicité > Scénarios d’avenir > Prise de température à l’école

Entre nature et culture

Les ressources naturelles en Suisse

environnement

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Sommaire

> Dossier Nature, culture et styles de vie > Hors dossier

03 Editorial de Christine Hofmann,

sous-directrice de l’OFEV

04 George Steinmann Fenêtre artistique

06 Article de fond Pour une politique de l’environnement orientée

vers la culture

08 Efficacité ou sobriété? Un débat

12 Gerda Steiner & Jörg Lenzlinger Fenêtre artistique

45 Activités de plein air canalisées La Lombachalp protège sa faune sauvage.

49 Rapports environnementaux internationaux

Des impulsions utiles

52 PCB dans cours d’eau et poissons Un legs toxique d’une autre époque

55 Sur la trace des polluants Le SwissPRTR au service de la transparence

14 Loisirs Le local a la cote.

18 Reto Rigassi Fenêtre artistique

20 Visions La conception de la nature à travers les siècles

22 Michel Huelin Fenêtre artistique

24 Préservation du paysage La Confédération et l’IFP veillent.

28 Geneviève Favre Petroff Fenêtre artistique

30 Les écoliers de plus en plus écolos L’école reflète et influence les styles de vie.

34 Pierre-Philippe Freymond Fenêtre artistique

36 Publicité La nature et le paysage comme vecteurs

40 Monica Studer / Christoph van den Berg Fenêtre artistique

> Rubriques

42 A notre porte 44 En politique internationale 57 Filières et formations 58 Du côté du droit / Paru récemment 60 Faits et gestes 61 Impressum 62 A l’office 63 Portrait

> Infos pratiques

A part les rubriques, le contenu de ce numéro est

également disponible sur Internet:

www.environnement-suisse.ch/magazine2010-1

Les articles sont pour la plupart accompagnés d’une

liste de liens et de sources bibliographiques.

L’OFEV sur Internet: www.environnement-suisse.ch

> En couverture

Gerda Steiner & Jörg Lenzlinger: Eau et sel, pain pé­

trifié et fleurs artificielles. Dans beaucoup de cultures,

le pain et le sel sont les symboles de l’amitié.

> Abonnement gratuit / commandes > Dans le prochain numéro

environnement, Zollikofer SA Le numéro 2/2010, qui sortira à la mi-mai, se con-

service lecteurs sacrera aux aspects économiques, écologiques et

9001 Saint-Gall éthiques de la diversité biologique. Le dossier

tél. 071 272 74 01 / fax 071 272 75 86 montrera que la conservation des diverses formes de

[email protected] vie sur Terre n’est pas un luxe mais une condition de

www.environnement-suisse.ch/magazine survie de l’humanité.

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Une question de valeurs Les définitions du terme culture ne manquent pas

et chacun emploie cette notion de différentes ma­

nières. Son étymologie est pourtant claire: culture

vient du verbe latin colere, qui signifie « soigner »,

« cultiver », des activités typiques de l’être humain.

Le sens du terme environnement varie lui aussi. Il

peut évoquer un cadre sociologique ou économique,

mais son usage le plus fréquent est lié à l’écologie.

Souvent, environnement et nature sont utilisés l’un

pour l’autre.

Nature et culture, un dualisme classique? L’art

et la théorie esthétique de la civilisation occidentale

sont éloquents à ce sujet. A l’époque de Platon, déjà,

on polémiquait sur les importances respectives de

l’art et de la nature. Pour lui, l’affaire était entendue:

les artistes ne sont que des imitateurs de la nature,

tout au plus des artisans de troisième classe. En ef­

fet, la nature elle-même ne fait que reproduire, dans

la mesure où elle ne correspond qu’à une emprein te

de la vérité, des idées, d’une réalité supérieure.

D’après Platon, seul le philosophe peut toucher di­

rectement la vérité. Les artistes sont ainsi restés de

simples artisans jusqu’à la Renaissance, tandis que

même dans l’art, la nature était reléguée à l’arrière­

plan.

A la Renaissance, la nature a retrouvé l’avant­

scène avec l’essor des sciences et la découverte

de la perspective, qui a permis au paysage de de­

venir un genre pictural en soi. Mais un vif débat a

repris sur la priorité à accorder à l’art ou à la nature,

jusqu’à ce que Hegel attribue clairement plus d’im­

portance au premier qu’à la seconde. Selon lui, les

beautés naturelles sont inachevées et ne constituent

que de la matière sensible, alors que les beautés

Champs labourés dans la vallée de la Wigger (LU): le mot « culture » a des racines paysannes. Photo: AURA

artistiques permettent de représenter l’apparence

sensible des idées et ont ainsi un rapport à la vérité.

Hegel reste pourtant d’accord avec Platon sur un

point: seule la philosophie permet de percevoir de

manière immédiate les idées, la vérité, l’absolu.

Même si, du vivant de Hegel, l’enthousiasme pour

la nature était déjà en pleine expansion – le tourisme

commençait alors à se développer en Suisse –, la

réflexion du philosophe allemand est symptomatique

d’un acquis de la pensée occidentale qui peut avoir

des conséquences dévastatrices pour la nature, l’en­

vironnement et surtout pour nous-mêmes: la rupture

entre sujet et objet, entre esprit et matière. Lorsque

la nature devient un objet, de la matière, on la traite

en conséquence. On peut la construire, la soigner, la

« cultiver », mais aussi la maltraiter et l’exploiter.

Certes, depuis que le dualisme existe (ou pres­

que), l’être humain se languit de l’unité du sujet

et de l’objet, du matériel et du spirituel. Hegel lui-

même voit la finalité de l’histoire universelle dans

la réconciliation de la nature et de l’esprit. Il semble

excessif, cependant, de faire appel au transcendan­

tal ou au souffle de l’esprit absolu. Le bon sens suf­

firait pour éviter de scier – à long terme – la branche

sur laquelle on est assis, s’il n’y avait pas l’égoïsme

et son goût pour le profit immédiat. Il est donc in­

dispensable de mener un débat sur la valeur que

nous voulons attribuer à l’environnement. Or chaque

fois qu’on discute de valeurs, c’est de culture qu’on

parle. C’est dans cet esprit que doivent être lus les

articles qui suivent.

Christine Hofmann, sous-directrice de l’OFEV

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Carte mentale « Oneness of Duality », 2001 Jus de myrtille, antiseptique et stylo-bille sur papier, 21 x 29,7 cm

Les cartes mentales sont des croquis que l’artiste réalise durant ses longs processus plastiques. Cette feuille fait partie des recher­ches pour « Metalog », œuvre créée pour l’Institut Max Planck de biologie cellulaire moléculaire et de génétique à Dresde. In: Hyman et al., Gentle Bridges: Art, Architecture and Science. Zwi­schen den Räumen: Architektur, Kunst und Wissenschaft, édi­tions Birkhäuser, Bâle, Boston, 2003 (bilingue anglais / allemand).

George Steinmann « Découvrir des liens entre les choses. Plonger dans les phénomènes. Croître au-delà de l’accumulation. »

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« The World and the Mind » est le résultat d’une recherche de dix-huit ans sur l’eau minérale de la Basse-Enga dine. Cette installation mixed media – présentée ici par une photo de l’exposition au Helmhaus de Zurich en 2007 – est composée entre autres de substances élémentaires, d’échantillons de mi­néraux, de plantes médicinales, de jus de plantes, de bouteilles, de croquis et de pigments.

« The World and the Mind », 1989 – 2007

George Steinmann, né à Berne en 1950, est à l’origine musi­cien. Depuis 1978, il est également plasticien et chercheur. Ses œuvres ont été exposées en Suisse, en Allemagne, au Danemark, en Finlande, en Suède, au Canada, en Australie et aux Etats-Unis. Entre 1992 et 1995, il a rénové le Musée des beaux-arts de Tallinn, en Estonie, faisant de ce bâtiment une sculpture permanente. La monographie Blue Notes est parue à l’occasion d’une exposition au Helmhaus de Zurich (Verlag für moderne Kunst, Nuremberg, 2007). www.george-steinmann.ch

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CONCEPTIONS DE LA CULTURE

L’environnement est le miroir de notre civilisation Les problèmes écologiques sont la conséquence de comportements profondément enracinés dans nos traditions. Les progrès techniques ne suffisant pas à les résoudre durablement, il faut des solutions qui prennent en considération la condition humaine au sens large.

Effondrement. Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie: tel est le titre percu­tant de l’ouvrage du biologiste américain Jared Mason Diamond, directeur régional du WWF, publié en 2005 et traduit l’année suivante en français. Prenant l’exemple de différentes socié­tés anciennes et actuelles, cet auteur démontre que notre comportement face à la nature et à l’environnement est déterminé par les valeurs de notre civilisation. Selon Diamond, les pro­blèmes écologiques sont le résultat des décisions erronées d’une société, et les réponses qu’elle y apporte dépendent elles aussi de son contexte culturel. Lorsqu’un groupe ne s’aperçoit pas d’une évolution critique ou qu’il n’essaie pas de trouver une solution efficace et durable pour y remédier, les suites peuvent être fatales.

La contradiction entre savoir et action ne peut donc guère être résolue au niveau de l’in­dividu. Souvent, le développement durable se heurte à des structures résultant d’une longue histoire. Dans ses études sur les biens communs, Elinor Ostrom, prix Nobel de l’économie 2009, montre que la protection de ressources natu­relles comme l’eau ou les pâturages ne peut être assurée ni par la privatisation ni par un contrôle centralisé de l’Etat, mais bien plutôt par un com­promis: sur place, les intéressés doivent pouvoir fixer ensemble les droits d’utilisation et être en mesure de les adapter si nécessaire, ainsi que d’en sanctionner toute violation. Elinor Ostrom associe les principes de l’économie à ceux de la science politique, de la théorie des jeux et de la sociologie. Transposée à l’environnement, cette approche interdisciplinaire nous invite à ex­plorer toutes les pistes et mentalités afi n d’inté­grer dans nos réflexions les divers facteurs cultu­rels qui influencent l’action humaine (voir aussi page 44).

Nouvelles donnes. La politique environnementale a évolué au cours des dernières décennies. Dans la deuxième moitié du XXe siècle, elle a été do­minée par les mesures techniques (pour la pro­tection des eaux, par exemple) et les solutions scientifiques (pour l’élimination de polluants). Mais depuis les années 1980, l’accent s’est dépla­cé vers la gestion des ressources. Dans l’acception actuelle, l’environnement relève ainsi de la poli­tique des ressources, et donc de l’économie.

Cette dernière est sans doute un élément im­portant et marquant de notre civilisation. Mais peut-être faudrait-il, dans une prochaine étape, tenir compte aussi d’autres facteurs. D’autant plus que certains aspects de l’économie sont ac­tuellement très critiqués.

L’Unesco a une définition très étendue de la culture: « Dans son sens le plus large, [elle] peut aujourd’hui être considérée comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intel­lectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fonda­mentaux de l’être humain, les systèmes de va­leurs, les traditions et les croyances. »

Les publications scientifiques d’hier et d’aujourd’hui proposent de nombreuses appro­ches susceptibles de compléter la politique de l’environnement et des ressources par d’autres éléments culturels.

Quatre façons d’intégrer les cultures dans la politique environnementale. 1. La théorie de la motivation d’Abraham H. Maslow

s’intéresse au comportement humain. Elle postule que ce dernier est influencé par des besoins superposés de façon pyramidale en fonction de leur urgence – Maslow parle d’une hiérarchie des nécessités. Les exigences supé­

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rieures, au nombre desquelles figure un envi­ronnement préservé, ne s’expriment que lors­que les exigences fondamentales, comme la nourriture et la sécurité, sont satisfaites. L’ar­ticle « Croissance intelligente ou modération avisée? » (p. 8) développe cet aspect. Son but est de donner de nouvelles impulsions à la po­litique de l’environnement et des ressources en regardant plus loin que l’« homo œconomi­cus ».

2. A la recherche d’une « éthique pour la civilisa­tion technologique », l’ouvrage de Hans Jonas pose la question de la responsabilité. Pour Jonas, l’environnement est plus qu’une simple matière utilisée pour satisfaire les désirs et les besoins humains. Au-delà de sa valeur uti li-taire, il possède une valeur propre qui échappe

du paysage prend depuis longtemps en consi­dération ce genre de réfl exions.

4. Enfin, la théorie intégrale de Ken Wilber se penche sur l’évolution de la culture et de la conscience. Selon Wilber, ces deux éléments s’influencent réciproquement pour s’élever à un niveau supérieur englobant les précéden­tes façons de concevoir le monde. Le passage d’une conscience traditionnelle, moderne et postmoderne à une conscience intégrale offri­rait pour la première fois la chance de saisir l’être humain dans sa totalité – biologique, in­tellectuelle, émotionnelle et spirituelle. Cela permettrait d’envisager de nouvelles solutions pour résoudre les problèmes de l’environ­nement et des ressources. L’article « Visions d’hier et d’aujourd’hui » (p. 20) présente diver­

Au-delà de sa valeur utilitaire, l’environnement possède une valeur propre qui échappe en grande partie à l’argumentation économique.

en grande partie à l’argumentation écono­mique. Dans quelle mesure notre mode de vie et nos valeurs évoluent-ils? C’est la question à laquelle tente de répondre l’article « Les éco­liers passent au vert » (p. 30); il recueille les ré­cits des enseignants, sismographes de ces dé­veloppements au quotidien.

3. Dans leur théorie de la culture, Michael Thomp­son et John Adams s’intéressent aux représen­tations de la société. Ils partent du principe que notre comportement est formé par des modèles culturels donnés. Parmi ceux-ci fi ­gurent les images de la nature, c’est-à-dire la façon dont elle est perçue par la collectivité. Cette question est traitée dans les articles « La couleur locale comme label » (p. 14), « L’IFP, gardien des identités régionales » (p. 24) et « La nature fait vendre » (p. 36). A la lecture, on constate que la protection de la nature et

ses visions du monde dans leur devenir histo­rique.

L’art, source d’impulsions. Au-delà des ouvrages scientifiques, les artistes ont depuis toujours contribué à faire progresser la conscience hu­maine. Ils perçoivent les problèmes avec sensibi­lité, participent de manière créative à la recher­che de solutions et confrontent la société avec des connaissances scientifiques souvent diffi ciles à expliciter. Des œuvres d’art ayant pour thème l’environnement et ses ressources servent de fi l conducteur dans ce numéro du magazine. La politique serait bien inspirée de mieux écouter à l’avenir ce que les artistes ont à nous dire. Ils jouent un rôle important dans nos efforts pour surmonter le fossé qui sépare le sujet de l’objet, l’esprit de la matière.

Arthur Mohr www.environnement-suisse.ch/magazine2010-1-02

Né en 1947 à Bâle, Arthur Mohr y a fait ses études et obtenu un doctorat en sciences économiques et sociales comme assistant du professeur René L. Frey. En 1975, il entre au service de la planification de la ville de Thoune en tant que secrétaire à l’économie du président de la municipalité. Dès 1978, il travaille à l’office qui est aujourd’hui l’Office fédéral de l’environne­ment, en dernier lieu à la tête de la division Climat, économie et observation de l’environnement. Depuis son départ à la retraite en 2009, il est notam­ment chargé par l’OFEV d’organiser une journée scientifique sur le thème « Culture et environnement ». Il enseigne à l’Université de Berne et à la Haute école spécialisée du Nord-Ouest de la Suisse, et dirige le réseau de bénévoles Innovage Berne-Soleure.

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EFFICACITÉ ET SOBRIÉTÉ

Croissance intelligente ou m Efficacité et sobriété désignent deux modes de vie différents. La solution à de nombreux problèmes environnementaux réside-t-elle dans des technologies performantes ou faut-il, pour parvenir à une société durable, faire preuve de modération et de renoncement? Béatrice Born, animatrice radio à DRS 2, en discute avec Conrad U. Brunner et Marcel Hänggi, experts de l’énergie et du climat.

Béatrice Born: D’abord, je voudrais vous poser une Etre contre l’efficacité, ça n’a pas plus de sens question toute simple: nous sommes nombreux à que d’être contre la météo. posséder un réfrigérateur datant des années 1980. Qu’est-ce qui est mieux pour l’environnement: l’utiliser Vous devriez donc aussi vous réjouir que des appareils jusqu’à ce qu’il rende l’âme ou le remplacer? plus effi caces consomment moins de courant? Conrad U. Brunner: Pour les frigos, c’est facile: s’ils ont plus de dix ans, il faudrait les changer. Les nouveaux modèles consomment moitié moins de courant que les anciens et ménagent par ailleurs beaucoup plus l’environnement, car ils ne con­tiennent pas de CFC, des gaz qui nuisent bien da­vantage au climat que le CO2.

Remplacer signifi e acheter. Ça ne vous dérange pas, M. Hänggi? Marcel Hänggi: Non, pas du tout. Je n’ai évidem­ment rien contre l’efficacité. Elle ne fait qu’ex­primer le rapport entre investissement et profi t.

M. Hänggi: Il faut savoir si la consommation dimi­nue vraiment. Une ville allemande a ainsi choisi de remplacer, pour ses illuminations de Noël, les ampoules à incandescence par des diodes électro­luminescentes (DEL), beaucoup plus effi caces. Là-dessus, le maire, enthousiaste, a décidé d’étendre les illuminations de Noël à tout l’hiver, de novem­bre à avril. Une baisse de la consommation d’éner­gie entraîne une diminution des prix qui, de son côté, fait augmenter la demande. On appelle ça l’effet rebond. Ce phénomène important est sou­vent totalement ignoré, notamment lorsqu’on part du principe que des appareils consommant

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odération avisée?

30 % d’énergie en moins entraînent une réduction de 30 % de la consommation énergétique.

M. Brunner, est-il possible que vous ignoriez un

Beatrice Born (au milieu) est géographe. Elle travaille notamment comme animatrice et ré­dactrice à la radio suisse DRS 2, où elle aborde surtout des sujets sociaux et scientifi ques.

Conrad U. Brunner (à gauche) travaille dans le conseil en effi cacité énergétique, après une lon­gue carrière comme architecte et planifi cateur d’énergie. Au sein d’un réseau international, son équipe essaie de susciter des améliorations écologiques dans le monde entier.

Marcel Hänggi (à droite) est actuellement jour­naliste indépendant. Il a monté la rédaction scientifique de l’hebdomadaire WoZ, où il était notamment responsable du thème du climat. En octobre 2008, il a publié « Wir Schwätzer im Treibhaus » (« Effet de serre: belles paroles et réalités »). Photos: OFEV/AURA, E. Ammon

paramètre important dans vos calculs d’effi cacité? C. U. Brunner: Absolument pas. Nos modélisations tiennent compte de l’effet rebond avec ses diffé­rentes variantes. Outre la progression quantitative mentionnée par M. Hänggi, il y a d’autres expres­sions de ce phénomène. Par exemple: je remplace mon frigo qui a dix ans par un autre, plus effi ­cace, mais aussi plus grand, avec un casier de congélation plus volumineux. Cela entre dans la

même catégorie que l’extension de notre surface habitable ces dix dernières années ou celle de no­tre prestation de transport quotidienne. Ce n’est pas à proprement parler un effet rebond, mais une multiplication insidieuse de nos besoins: les gens en veulent toujours plus, et ce toujours plus coûte de moins en moins cher. Deuxième catégo­rie: si j’aménage tout mon intérieur au meilleur

« Une baisse de la consommation d’énergie entraîne une diminution des prix qui, de son côté, fait augmenter la demande. On appelle ça l’effet rebond. » Marcel Hänggi

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niveau d’efficacité possible, les revenus dont je dispose augmentent, puisque je dépense moins pour l’énergie. Je peux mettre cet argent de côté ou l’investir en consommant un peu plus. Mais alors, c’est ma façon de le faire qui dira si je pol­lue vraiment plus que si je n’avais pas économisé de l’énergie chez moi.

Mais si nous nuisons à l’environnement en utilisant l’argent économisé grâce à des appareils plus effi ­caces pour consommer de la viande ou voyager en avion, l’approche de la sobriété est une meilleure façon de parvenir au développement durable. C. U. Brunner: Nous ne devons pas oublier que nous parlons de sobriété dans un pays où on vit bien. En Chine ou en Inde, les problèmes sont tout à fait différents: de nombreuses personnes n’attei­gnent même pas le niveau de ce qui serait notre sobriété. Là, il ne faut pas débattre du rebond, mais de la répartition équitable de la prospérité!

naissons aujourd’hui à tous le droit de profi ter d’acquis techniques et mécaniques qui, dans de nombreux pays, restent réservés à quelques-uns.

L’effi cacité technique serait donc un moyen de résoudre le problème mondial de la répartition. Qu’est-ce qui vous dérange dans cette vision des choses, M. Hänggi? M. Hänggi: Ce qui me gêne, c’est la façon dont on parle de l’efficacité. Aujourd’hui, les débats se concentrent sur la performance technique des appareils, laissant les autres aspects de côté. Si nous prenons comme exemple les transports, il s’agit d’un système complexe composé de véhi­cules, d’infrastructures, d’armatures urbaines, de règles commerciales, d’attentes sociales et culturelles en matière de mobilité. Se limiter à l’efficacité des moteurs en ignorant tout le reste est une approche très restrictive.

A quoi ressemblerait une mobilité sobre? Dans ce cas, la sobriété ne vaut-elle que pour les pays prospères, où tout le monde a ce qu’il faut? M. Hänggi: L’exemple de l’Inde, justement, mon­tre le contraire. Il y a là-bas sept voitures pour 1000 habitants, alors qu’en Europe on atteint presque les 500 voitures pour 1000 habitants. 993

M. Hänggi: Une société sobre serait une société à courtes distances. Nous interprétons le dévelop­pement de notre prestation kilométrique comme une amélioration de notre mobilité. C’est absur­de! Chaque nouveau chantier nous vaudrait alors un surplus de mobilité, puisqu’il faut le con­

« La voiture n’est pas seulement un moyen de transport. On le voit aussi dans la publicité: l’automobile idéale est principalement un signe d’aisance. »

Conrad U. Brunner

Indiens sur 1000 vivent donc déjà, plus ou moins tourner. L’augmentation des kilomètres parcou­volontairement, de manière sobre, en circulant à rus n’est pas le signe d’une plus grande liberté, pied ou à vélo. Mais le gouvernement, lui, pour­ elle reflète simplement l’obligation de se dépla­suit une politique opposée: il soutient de grands cer. Et cette contrainte nous vient des infrastruc­projets autoroutiers, essaie d’attirer des sociétés tures construites par l’Etat. d’automobiles, mise tout sur la motorisation. Une petite partie de la population, la classe su- C. U. Brunner: Mais l’Etat, c’est nous tous! Dans une périeure, ignorant toute modération, complique société démocratique libre, on ne peut pas impo­ainsi la vie de ceux qui étaient jusqu’à présent ser des déplacements courts, même si l’aménage-assez mobiles sans voiture. Leur situation est ment du territoire travaille depuis trente ans à ré-encore pire qu’avant: certains ne peuvent même duire les trajets. Si nous regardons ce qui se passe plus rejoindre leurs champs, parce que le che­ effectivement, nous constatons que la distance min est barré par une autoroute. parcourue pour aller travailler s’est allongée et

que le trafic de loisirs a véritablement explosé. C. U. Brunner: C’est bien le problème de la répar- Ce qui veut dire que la mobilité est un phéno­tition sociale: une minorité empêche la majorité mène en soi et qu’elle est aussi un plaisir. La voi­de se développer normalement et de passer de ture n’est pas seulement un moyen de transport. l’insuffisance à la sobriété. Dans le monde tel On le voit aussi dans la publicité: l’automobile que la plupart des gens le conçoivent, chacun a idéale est principalement un signe d’aisance. accès à la santé, à la formation, à la nourriture, à Avoir les moyens et pouvoir le montrer est de-un logement sûr. Dans presque tous les pays, un venu une valeur dans notre société. Et je ne crois frigo fait partie de ces besoins fondamentaux, pas que des lois puissent y changer quoi que ce tout comme un vélo ou une moto. Nous recon­ soit. Pas dans une société libre.

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Effi cacité vient du latin « efficacitas » (force, vertu). Pour les ingé­nieurs, ce mot exprime le rapport entre investissement et profi t. La technique la plus effi cace est ainsi celle qui produit le plus d’effet en utilisant un minimum de ressources.

Sobriété vient du latin « sobrietas » et évoque la tempérance, la modéra­tion, la retenue. On considère généralement comme sobre ce qui est nécessaire à un système pour fonc tionner. Vivre de manière sobre con siste à s’efforcer de consommer le moins d’énergie et de matières premières possible tout en suffi sant à ses besoins.

Nous touchons là un point essentiel. Nous voulons tous toujours plus, plus de bien-être, plus de sécurité, plus de consommation, et ce « plus » est aussi un garant de paix sociale. M. Hänggi, n’est-ce pas une entre­prise dangereuse que de dire maintenant ce qu’est la sobriété, ce qui en fait partie et ce qui en est exclu? M. Hänggi: Il n’est pas vrai que nous voulions « tous » toujours plus. Si nous ne nous limitons pas par des règles, ce sont les problèmes écolo­giques qui nous forceront un jour, brutalement, à adopter un mode de vie sobre. Mais cette contrainte-là sera alors très injustement répartie.

C. U. Brunner: Cette notion de justice est très im­portante. Derrière les théories de la sobriété et de l’efficacité se cache en effet la répartition équi­table des biens. C’est une question fondamentale, qui peut aussi déclencher des guerres. Les confl its de ces dix dernières années et ceux qui se pro­filent à l’horizon du siècle à venir ont ce mobile en commun: il s’agit toujours du partage des res­sources et de l’accès à des choses rares.

M. Hänggi, si nous approfondissons votre approche, il faudrait imposer la sobriété. En tant que citoyenne et consommatrice, je remarque surtout des appels, des invitations. Mais on a souvent l’impression que ça donne juste mauvaise conscience. M. Brunner, avons-nous besoin d’exhortations plus effi caces? C. U. Brunner: Les sollicitations morales sont sans effet. Elles provoquent plutôt des résistances dont nous ne pouvons pas venir à bout par des moyens démocratiques. Par contre, nous pou­vons proposer aux gens des produits et des ser­vices plus efficaces. Nous nous adressons ainsi à la partie économique du cerveau, qu’on peut influencer. Et ça marche.

M. Hänggi: Je ne suis pas non plus pour les appels. Il ne sert à rien de vouloir réduire la demande en passant par le comportement individuel. Il vaut mieux travailler sur l’offre: nous devons fi xer un objectif politique et, à partir de là, définir de com­bien elle doit être réduite. On parle d’un système de plafonnement et d’échange: une limite supé­rieure est fixée, un plafond au-dessous duquel on peut travailler. On devrait par exemple prendre la loi sur le CO2 au sérieux et fi xer la quantité de combustibles fossiles qui peut encore être utilisée. Cela signifierait que la Suisse ne pourrait pas im­porter plus de carbone fossile que ce que permet l’objectif de la loi. Il existe trois stratégies pour gérer les conséquences de cette limitation: la pre­mière est justement l’amélioration de l’effi cacité, qui permet de faire autant avec moins d’éner­gie. La substitution, qui consiste à faire la même chose avec un autre type d’énergie, est la se conde. La troisième est la sobriété, c’est-à-dire faire

moins. Je suis convaincu que nous aurons besoin des trois.

C. U. Brunner: Le problème dans ce système, c’est le plafond. S’il est fixé à un niveau effi cace, on entre tout de suite dans le marchandage poli­tique. On le relève donc un peu. Les tentations individuelles et économiques sont telles qu’on n’arrive pas à imposer un plafond valable.

Si la politique ne parvient pas à limiter l’offre, pourrait-on envisager d’augmenter le prix des matières premières? M. Hänggi: Cela passerait par la taxe sur le CO2.

C. U. Brunner: Le pétrole est déjà plus cher, il fau­drait faire de même avec le cuivre, les métaux dits « terres rares ».

M. Hänggi: C’est exactement ce que je veux dire. Qu’on passe par le système de plafonnement et d’échange ou par l’imposition des matières pre­mières, c’est sur l’offre qu’il faut agir. Des appa­reils plus effi caces ne suffi ront pas à faire baisser la demande au point de réduire la production et donc la charge pour l’environnement.

C. U. Brunner: Nous sommes au début d’un long processus de négociations. Nous avons trop, nous devons éliminer notre surplus, et d’autres ont trop peu. Il ne s’agit donc pas de sobriété ni d’efficacité, mais de convergence. Et cela signifi e que les taxes doivent tenir compte du pouvoir d’achat des différents pays et qu’un mécanisme de compensation doit être élaboré. C’est ainsi qu’on obtiendra une répartition équitable.

M. Hänggi: Je suis d’accord avec vous. Mais y arri­verons-nous?

C. U. Brunner: Les protestations collectives sont un bon moyen, nous l’avons vu pour les bonus des banquiers. Cela peut au moins provoquer un dé­bat public et peut-être aboutir un jour à un chan­gement. En tous cas, un processus politique sera lancé. C’est bien pour rendre la répartition plus équitable que la politique a été inventée.

M. Hänggi: Effectivement, la politique environ­nementale est d’abord une politique de distribu­tion: il s’agit de partager les droits d’utilisation. La technologie peut bien sûr apporter sa contri­bution, mais le problème ne peut être résolu par la technique. La solution doit être politique.

Entretien enregistré par Lucienne Rey www.environnement-suisse.ch/magazine2010-1-03

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Gerda Steiner & Jörg Lenzlinger « Avec notre art, nous voulons transformer les préjugés en compost et faire sauter les barrières mentales grâce au biogaz produit par ces excréments. »

« Chantier à Taiwan »

Que peut bien être la nature aujourd’hui? Un touriste mange des huîtres d’élevage sauvage sur une nappe à fleurs tandis que des poissons hérissons transformés en lampes moi sissent, verts et bleus, au-dessus de sa tête. Il est assis dans une cabane à toit de chaume installée dans l’entrée d’un hôtel, dans un parc national. Sur la table, un cendrier fa briqué dans un vieux pneu de tricycle héberge une petite famille de mille-pattes oc cupés à recueillir les pellicules qui tombent de la tête du touriste. Ce dernier vient d’avoir l’idée d’entourer d’immenses photos de forêt le chantier qu’il projette en ville.

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« O Escritório » (Le bureau), 2007, Centro cultural Banco do Brasil, Brasilia

La fertilité s’empare d’un bureau paysager dans le centre administratif du Brésil. Les câbles téléphoniques se transforment en lianes, les termites construisent leurs nids avec de la monnaie et les ongles peints des secrétaires rejoignent le monde sauvage. Les forces originelles des plantes de bureau ripostent et une chaleur tropicale fait fleurir les buissons de roses de la Belle au bois dormant de manière encore plus fantastique que dans la vieille Europe. Les broussailles poussent et poussent, jusqu’à l’opacité administrative totale.

Gerda Steiner & Jörg Lenzlinger, nés à Ettiswil (LU) en 1967 et à Uster (ZH) en 1964, collaborent depuis 1997. Ils ont représenté la Suisse à la Biennale de Venise de 2003 avec leur installation « Jardin tombant », dans l’église San Stae. Ils ont exposé leurs projets de 2008/2009 à Rio de Janeiro (Brésil), Arnheim (Pays-Bas), Melbourne (Australie), Moscou (Fédération de Russie) ainsi que dans la forêt d’ifs d’Aix-la-Chapelle et au Musée Gropius de Berlin (Allemagne), et finalement en Suisse, à l’Institut Paul Scherrer à Villigen (AG), au Centre Paul Klee à Berne, et à Bienne. Leur nouvel ouvrage The Mystery of Fertility est paru en janvier 2010 aux éditions Christoph Merian, à Bâle.

www.steinerlenzlinger.ch

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CULTURE DES LOISIRS

La couleur locale comme label Aujourd’hui, « local » n’est plus synonyme de « provincial ». L’enracinement dans le familier révèle au contraire de nouveaux potentiels. En redonnant à son entourage proche sa place dans le monde, on apprend aussi à l’apprécier.

A Altdorf, l’emblème de la Suisse trône au bord de la route principale. Indifférent au fl ot dense de voitures, Guillaume Tell, héros intrépide de la liberté, tient fièrement son arbalète sur l’épaule. Sur le socle de la statue figure encore l’année 1307, comme une pique dirigée contre le Parlement fé­déral qui, dans la Berne lointaine et contre la vo­lonté de la Suisse centrale, avait décidé de fi xer la naissance de la Confédération en 1291. C’était en 1895, lors de l’inauguration du monument.

En tant qu’emblème de propagande pour l’éco­nomie nationale, l’arbalète ne s’est jamais vrai­ment imposée à l’étranger. En revanche, la croix suisse a connu un énorme succès, récemment encore dans le contexte de la « suissitude », sur des casquettes, t-shirts, porte-clés et pochettes de disques. Expo.02 a contribué à ce regain d’intérêt pour la patrie et les traditions qui se manifeste dans les films et la musique, les destinations de voyage, la nourriture et bien d’autres domaines. Et ce retour aux sources est débarrassé du carcan de la défense spirituelle qui, jusque dans les années 1990, monopolisait le nationalisme suisse.

Faire résonner les Alpes. Mais revenons à Altdorf, où s’est déroulée en août 2009 la cinquième édition du Festival international de musique des Alpes. A côté du restaurant Schützenmatt, sous un impo­sant marronnier, un trio hors programme inter­prétait des tyroliennes endiablées. Sous la grande tente de la Lehnplatz et sur les autres scènes, des formations de tout l’arc alpin se sont succédées pendant trois jours.

Pour Johannes Rühl, directeur artistique du fes­tival, les Alpes ne représentent pas seulement la région géographique d’où viennent les musiciens

invités. Ce qu’il souhaite avant tout, c’est com­muniquer « la forme musicale de ce paysage ». Si les montagnes elles-mêmes ne sont d’abord guère plus que des tas de rochers, elles sont de­venues le berceau d’une culture « qui s’exprime entre autres au travers de la musique, qu’elle soit folklorique ou contemporaine: hommes et femmes y font vibrer les émotions que le pay­sage leur inspire ».

Les morceaux sont rarement aussi coutu­miers que les danses du jardin de la Schützen­matt. « La nouvelle musique populaire se réfère beaucoup à ses racines, mais des infl uences de jazz, de folk et de musique classique viennent s’y ajouter », explique Johannes Rühl. Et la diversité de ce pro gramme se reflète dans le public, où l’on retrouve pêle-mêle costumes folkloriques, pantalons à pin ces et chemises à carreaux, dreadlocks et queues de cheval.

La tradition sans cliché. La redécouverte du local a aussi gagné la scène suisse de la culture pop. Des musiciens chantent avec succès le pays natal et lui réservent une place dans le titre de leurs chansons, à l’exemple de Baschi ou du rappeur Bligg. Des instruments traditionnels comme le handörgeli ou le hackbrett sont re­mis à l’honneur. Dans sa chanson « Marzili », la chanteuse Sandee avoue préférer la pelouse bernoise de l’Eichholz à une plage lointaine: à quoi bon aller chercher la mer quand on peut se baigner dans l’Aar?

En quête de vrai. La diversité culturelle cons­titue le fondement du festival de musique folk­lorique que Martin Hess a organisé en été 2009

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Christian Zehnder, participant du festival de musique alpine: « Je vis dans ce paysage, je suis imprégné par sa topogra­phie. En montagne, il y a l’écho, une résonance. A la mer, c’est le bruit des vagues, dans le désert, le silence absolu. En forêt, la nuit, on se croirait presque dans une cathédrale. » Photos: Oliver Graf

à Obwald pour la quatrième fois consécutive. Ancien manager de Stephan Eicher, il a voyagé dans le monde entier à la découverte de sono rités qui « donnent la chair de poule ». Ses contacts avec le Mali, le Viêtnam, le Mexique, l’Inde ou Sansibar ont débouché sur la création de la mai­son de la culture « Mondial » à Expo.02.

Aujourd’hui, Martin Hess parcourt une à une les vallées de Suisse centrale à la recherche du jodel naturel, forme première de cet art où, l’es­pace de quelques minutes, l’interprète amateur se transforme en génie. « Ce qui m’intéresse dans mon festival, c’est l’authenticité. » Et, bien qu’il s’agisse d’une espèce en voie de disparition, il finit toujours par dénicher des gens « qui ne se mettent pas en scène, qui ne se déguisent pas simplement le soir en jodleur, mais qui vivent pleinement cette musique ».

Toni Büeler en est un exemple. Agé de 67 ans, il est le dernier à maîtriser encore tous les jodels

naturels de sa vallée de Muota, des mélodies dont la plupart n’ont jamais été notées sur pa­pier. Le jodel naturel est diffi cile à apprendre. Toni Büeler doute même que cela soit possible pour quelqu’un qui n’a pas baigné dans cet art depuis sa plus tendre enfance et ne l’a pas as­similé lentement en grandissant. Selon Martin Hess, la « suissitude » est une notion beaucoup trop générale. « Quand je franchis la crête de mon alpage d’Emmetten (NW) et que je me re­trouve à Uri, je découvre une vallée toute dif­férente. Tout regrouper sous l’étiquette ‹ suisse › ne sert pas à grand-chose. L’essentiel, selon moi, est de se connaître soi-même. »

Plus près et plus naturel. « La nostalgie du pays de­vient plus importante que l’appel du lointain »: c’est aussi l’avis des auteurs d’une étude com­mandée en 2006 par l’agence de voyages Kuoni à l’occasion de son centenaire. La nature se fait

La croix suisse connaît un énorme succès, dans le contexte de la « suissitude », sur des casquettes, t-shirts, porte-clés et pochettes de disques.

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toujours plus rare, donc plus précieuse, et les paysages sauvages, intacts, sont toujours plus demandés. Les personnes qui changent souvent de lieu de travail et de domicile et qui se dépla­cent beaucoup ne les cherchent plus dans des pays exotiques, mais chez eux, dans leur propre région. Selon l’étude, cette évolution s’accom­pagne d’un retour général au naturel, à l’authen­tique. C’est pourquoi Kuoni entend miser sur ce besoin croissant d’expériences vraies et sans cliché, sur cette quête d’authenticité, de pureté, de tradition.

L’étude relève par ailleurs que les marchés de masse tendent à se transformer en un grand nom­bre de débouchés spécialisés. « Demain, la branche du tourisme sera constituée de 10 000 nouvelles niches. Sur Internet, il est facile de trouver rapide­ment des offres exclusives. Les individualistes as­soiffés d’inédit peuvent affi ner indéfi niment leurs désirs. » En tout état de cause, Suisse Tourisme a

Vers une réglementation de l’origine suisse

Le 18 novembre 2009, le Conseil fédéral a approuvé le message concernant la révision législative dite « Swissness ». Le projet, qui vise tant à renforcer la protection de la désignation « Suisse » et de la croix suisse au niveau national qu’à faciliter l’application du droit à l’étranger, pose les bases per­mettant de préserver durablement la valeur de la « marque Suisse ».

réagi à cette nouvelle orientation: des offres spé ­ciales telles que des voyages culinaires ou des se­maines de découverte dans des hôtels historiques suisses séduisent une clientèle épicurienne, alors que des publicités proposent, sous le label « voyages nature », des activités taillées sur mesure promettant les expériences les plus diverses dans les neuf parcs naturels du pays.

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L’ère des locavores. Sur le plan géographique, la différenciation et l’individualisation des offres et des besoins reflètent une tendance au régio­nalisme. Pour l’historien Jakob Tanner, « la Suisse possède une formule très séduisante dans la me­sure où elle se définit par l’unité nationale dans la diversité culturelle. Ce qui incite toujours à se demander s’il s’agit de diversité culturelle, de diversité des cultures ou d’une culture de la diversité. »

La consommation renforcée de produits lo­caux remet également en question la référence à une origine « suisse ». Pour Katrin Schmid, de l’organisme de commercialisation « Les délices de la région », l’ordre qui prévaut ne fait aucun doute: « On achète de préférence légumes, fruits ou viande à la ferme voisine. » Viennent ensuite les denrées régionales, et puis seulement les produits suisses. D’une manière générale, on s’intéresse davantage à la provenance. « Les gens

Une technique alimen­taire moderne fondée sur une longue tradition: la fromagerie de démons­tration d’Affoltern, dans l’Emmental, propose dans ses locaux des visites découvertes qui favorisent les échanges culturels entre les habitants de la région et les visiteurs suisses ou étrangers. Des vidéos placées sur son site internet permettent aussi de suivre la fabrication du fromage sans se déplacer. Photos: Christian Koch

veulent connaître l’origine de ce qu’ils achètent. Savoir où a poussé un aliment et qui l’a cultivé crée une certaine confiance. Le produit a soudain un visage, une identité. »

Lancé à San Francisco et actif aujourd’hui dans toute l’Europe, le mouvement « Locavore » poursuit un objectif similaire. Il encourage le recours aux aliments issus de la production locale, sachant qu’elle se passe de longs trajets et présente ainsi un bilan de CO2 favorable – même si cet avantage est réduit à néant dans certains cas par le transport des emballages ou les mé­thodes agricoles appliquées. Pour beaucoup de consommateurs, une indication de provenance précise est également un gage de qualité. Il est loin le temps où « local » était synonyme de « pro­vincial »!

Un lien qui responsabilise. Cette approche nou­velle et décomplexée du pays, de la tradition et du local déborde donc largement la sphère de la culture au sens strict et influence d’autres do­maines de l’existence, comme la consommation ou les loisirs. Quand ce qui nous est proche perd sa connotation de provincialisme et que notre re­gard devient plus nuancé, notre rapport au pay­sage, à la nature et à nos ressources naturelles change aussi. Que cette évolution se fasse ou non sous le label « Suisse » ne joue fi nalement qu’un rôle secondaire.

« Beaucoup de gens parlent de ‹ pays › quand ils veulent exprimer un sentiment de profonde familiarité avec leur environnement », explique Matthias Stremlow, chef de la section Paysage et infrastructure de l’OFEV. « Ce lien émotionnel est essentiel pour qu’ils assument leurs responsabi­lités de consommateurs ou de citoyens face au bien public que représente le paysage. Ils pour­ront alors contribuer à le modeler et empêcher qu’il soit seulement le résultat fortuit des utili­sations diverses. Par ailleurs, nos objectifs de dé­veloppement doivent pouvoir s’appuyer sur un terreau culturel fertile pour s’affirmer face à des modèles exclusivement tournés vers le passé. »

Oliver Graf www.environnement-suisse.ch/magazine2010-1-04

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« Heureuserose », mai 2004, Sabbione, Val Bavona

Reto Rigassi

« Testo », novembre 2009

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Reto Rigassi permet à la nature d’intervenir dans son travail. S’inspirant de Sophie Taeuber-Arp, il a photographié la plage de la Bavona près de Sabbione (TI), puis a plongé le cliché dans l’eau de la rivière afin que les grains de sable y laissent leur trace. Son œuvre « Testo » est une allusion à la confusion souvent babylonienne du mouvement écologiste et à son (in)effi cacité. Reto Rigassi, né à Bâle en 1951, vit et travaille à Auressio (TI).

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CONCEPTIONS DE LA NATURE

Visions d’hier et d’aujourd’hui Conception de la nature et compréhension de la société sont indissociables. Les scénarios d’avenir des ouvrages consacrés à ce sujet le montrent: les utopies ont profondément changé au cours des siècles, et avec elles la place occupée par la nature.

Entourée d’écueils et de falaises invisibles, l’île 1802 après sa mort et qui relate le voyage d’un « présente la forme d’un croissant ». Elle est jeune homme, Novalis utilise l’image de la fl eur très éloignée du continent. « Les habitants seuls bleue qui réconcilie l’être humain avec la nature connaissent les passages navigables, et c’est avec et la réalité avec le rêve, et amène à la connais-raison qu’on ne peut pénétrer dans ce détroit sance de soi. sans avoir un pilote utopien à son bord. » Thomas Cela étant, les romantiques ne parviennent More, homme politique anglais, décrit ainsi en pas à chasser la vision utilitariste. Friedrich En­1516 l’île d’Utopie, qui donnera son nom à tout gels lui-même, qui accorde au moins à la nature un genre littéraire. Les « utopies » sont des re­ d’être « le banc d’essai de la dialectique » et ho-présentations de sociétés fi ctives, généralement nore les sciences naturelles pour avoir prouvé destinées à dénoncer les dérives du présent et à qu’elle vit sa propre histoire, la réduit dans dépeindre d’autres solutions. La plupart de ces Socialisme utopique et socialisme scientifique à un sim­pays imaginaires ne se situent pas dans l’espace ple terme de comparaison: « Les forces sociale-mais dans le temps, quelque part dans un avenir ment agissantes opèrent tout à fait comme les meilleur. forces de la nature: aveugles, violentes, destruc­

trices tant que nous ne les connaissons pas et ne Une fonction utilitaire. Ce sont les us et coutumes – comptons pas avec elles. Mais une fois que nous l’économie, le système politique et juridique, les avons reconnues, que nous en avons saisi l’ac­bref, la culture – du peuple imaginaire qui sont tivité, la direction, les effets, il ne dépend plus que habituellement au centre de l’utopie. L’environ­ de nous de les soumettre de plus en plus à notre nement naturel y joue un rôle secondaire et, volonté et d’atteindre nos buts grâce à elles. » dans le meilleur des cas, lui fournit un cadre poétique. Thomas More a choisi de décrire les ca- Projetée au premier plan. Le mouvement de 1968 ractéristiques géopolitiques de l’île: « … on trouve a tenté une synthèse entre la critique de Marx des ports fréquents, et l’art et la nature ont telle- et d’Engels et la conception sentimentale de la ment fortifié les côtes qu’une poignée d’hommes société et de la nature qui était celle des roman-pourrait empêcher le débarquement d’une tiques, choisissant la fleur comme emblème de grande armée. » Dans cette société idéale, la na- l’explosion sociale. Et au plus tard à la parution ture est au service de l’être humain. du premier rapport du Club de Rome, Halte à la

Cet état d’esprit a longtemps prédominé chez croissance? (1972, trad. 1973), il est devenu évident les poètes et les philosophes. Lorsqu’elle n’est pas que sans ressources naturelles, la société ne peut ignorée, la nature est un facteur de production se développer. économique ou fait office de décor mobile ser- Les analyses sociologiques actuelles, comme vant d’arrière-plan à la critique de société. Il faut La société du risque d’Ulrich Beck (1986, trad. 2001), attendre le romantisme pour que soit pris le reprennent cette constatation. Il semble même contre-pied de cette perception prosaïque: dans qu’au tournant du siècle, les utopies cri tiquant son roman inachevé Henri d’Ofterdingen, publié en la société aient cédé la place aux scénarios envi-

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ronnementaux. Tandis que Francis Fukuyama an­nonce en 1992 La fin de l’histoire, arguant qu’avec l’effondrement du socialisme, les principes de la démocratie et de l’économie libérale de marché ne sont plus remis en question nulle part, les sciences naturelles sont encore loin d’avoir mar­qué le point final: elles décrivent des mondes pos­sibles dans les modèles climatiques et prévoient des changements de température, avec toutes leurs conséquences pour les res sources naturel­les et l’économie.

Mondes virtuels. La philosophie sociale et l’imagi­nation débordante des auteurs cèdent progressi­vement la place à des modèles de simulation scientifiques et à la puissance de calcul des super­ordinateurs. Ceux-ci permettent aussi à l’indi­vidu de se construire une vision personnelle de l’avenir: une industrie entière réalise de gros bénéfices en créant des mondes virtuels et en

sur un consensus social: « Les systèmes menacés, qu’il s’agisse du climat ou de la biodiversité, ne pourront être protégés que par une combinaison de règles négociées sur le plan politique et d’en­gagement individuel », déclare Kathrin Schlup, de la division Communication de l’OFEV. Pour elle, l’utilisation de la protection de l’environ­nement comme argument de vente n’en est pas moins positive: « Les citoyennes et les citoyens d’aujourd’hui veulent connaître l’impact écolo­gique de leur comportement. »

Nano-bio-info-cogno. Les futurologues qui étudient la nature profonde de l’être humain soulignent encore davantage la dimension individuelle de la vision contemporaine de l’avenir. Dans son ouvrage Wie wir leben werden. Unsere Zukunft beginnt jetzt (« Comment nous vivrons. Le futur com­mence maintenant »), paru en 2005, Matthias Horx prédit qu’en 2050, 15 % environ de tous les

« Les systèmes menacés, qu’il s’agisse du climat ou de la biodiversité, ne pourront être protégés que par une combinaison de règles négociées sur le plan politique et d’engagement individuel. »

fournissant aux utilisateurs les outils nécessaires pour vivre une deuxième vie sur mesure, bâtir leurs propres empires voire reconstituer toute l’évolution dans des jeux en ligne. Les pessimis­tes ne sont pas seuls à craindre que, confrontés aux problèmes planétaires et à un environne­ment fragilisé, nous soyons de plus en plus tentés de nous réfugier dans l’utopie personnelle.

De la vision sociétale au guide de vie. L’apparition relativement récente d’un métier nouveau, l’étude de tendances, confirme que le diagnostic des sensibilités individuelles l’emporte peu à peu sur la vision critique de société. Bien que les ana­lyses de tendances, tel le Rapport Popcorn du début des années 1990, intègrent la nature en tant qu’espace de découverte pour les amateurs de trekking ou comme niche de repli sur soi-même, l’utopie se transforme de projet de société en mode d’emploi pour les individus adaptés aux marchés.

Les styles de vie personnels promus par les pu­blicitaires, comme le LOHAS (« Lifestyle of Health and Sustainability ») ou le LOVOS (« Lifestyle of Voluntary Simplicity »), font défi nitivement pas­ser la préservation de l’environnement naturel de l’échelon politique à l’échelon de l’individu. Or, de l’avis des spécialistes, le développement durable ne peut dépendre uniquement du mode de vie de chacun, mais doit absolument reposer

enfants seront engendrés in vitro, dont un tiers pour corriger des anomalies génétiques. Depuis longtemps pourtant, l’optimisation de notre organisme n’est plus l’apanage de la médecine. La convergence « nano-bio-info-cogno », fusion de plusieurs disciplines, est très prometteuse. L’Union européenne et les Etats-Unis ont consa­cré à ces nouveaux horizons deux rapports de prospective technologique ( Technologies conver­gentes – Façonner l’avenir des sociétés européennes et Converging Technologies for Improving Human Per­formance ) qui examinent dans quelle mesure le corps, l’esprit, la perception, les sentiments voire le comportement communicatif peuvent être « réparés » et améliorés. L’utopie sous sa forme la plus saisissante!

Bien que le sujet abordé soit quasiment le même dans les deux rapports, les différences culturelles ressortent clairement: alors que l’étude américaine voit d’un œil bienveillant les possibilités d’« amélioration de l’être humain » (« human enhancement »), le ton du document européen s’avère beaucoup plus sceptique. Si l’utopie est le miroir de la culture, l’héritage culturel conditionne donc bien aussi les réac­tions face à l’utopie.

Lucienne Rey www.environnement-suisse.ch/magazine2010-1-05

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Environnement 1-10.indd Abs1:22Environnement 1-10.indd Abs1:22 8.2.2010 8:39:53 Uhr8.2.2010 8:39:53 Uhr

« Xenobiosis 7 », 2008, 111 x 188 cm, tirage Lambda, édition 3 ex.

Michel Huelin « La nature, c’est notre espace de vie dont il faut préserver la biodiversité! »

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Les œuvres actuelles de Michel Huelin mettent en scène un biotope virtuel formé d’objets hybrides, d’êtres à la limite entre le végétal, l’animal et le minéral, de végéta­tions luxuriantes et composites. Modelées par ordinateur, ces espèces prolifèrent de manière à la fois déroutante et fascinante. Images de science-fiction, elles expriment ce à quoi pourrait ressembler notre monde suite aux mul­tiples manipulations génétiques de l’écosystème. Loin d’une vision cauchemardesque, l’artiste propose un futur psychédélique dans lequel plus rien ne semble pouvoir

freiner la créativité: « Les mutations aléatoires, les anoma­lies calculées et les catastrophes imminentes sont autant de probabilités dans cet univers emprunt d’une sérénité trompeuse. »

Michel Huelin, né à Saignelégier (JU) en 1962, vit et tra­vaille à Genève. Il est représenté par les galeries suivantes: Galerie Zürcher, Paris; Galerie Fabian & Claude Walter, Zurich; Galerie Blancpain Art contemporain, Genève; Zür­cher studio, New York.

www.huelin.ch

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PAYSAGE

L’IFP, gardien des identités régionales La diversité culturelle qui caractérise la Suisse se manifeste également dans ses paysages. La préservation de ce bien est inscrite dans la Constitution et assurée par l’Inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels d’importance nationale (IFP).

Il y a quelques années encore, la matière « Natur, sation du sol, les légendes et les coutumes – tout Mensch und Mitwelt » (nature – société – environ- cela contribue à faire vivre l’héritage culturel nement) enseignée dans les écoles primaires de d’une région. Suisse alémanique s’appelait « Heimatkunde », une expression que l’on peut traduire très im- Une référence identitaire. La dimension sociocultu­parfaitement par « connaissance du pays natal ». relle fait depuis longtemps partie intégrante du Englobant vie des abeilles, noms des fl eurs, pro- travail de l’OFEV. « Les paysages sont un facteur duits des champs mais aussi batailles entre Hel­vètes et Romains, géographie du canton et his­toire de la cathédrale érigée dans sa capitale, la « Heimatkunde » était un véritable patchwork. Un atout émotionnel indéniable

Une loi aux interprétations diverses. La version al­lemande de la loi sur la protection de la nature et du paysage (LPN) utilise elle aussi la notion de « Heimat ». Parmi ses nombreux objectifs, on trouve la protection et la préservation du « heimat­liches Landschaftsbild ». Dans cette acception, le terme désigne toutes les choses visibles et invi­sibles qui rendent un environnement familier. Ou bien, comme le formule Matthias Stremlow, chef de la section Paysage et infrastructure de l’OFEV, l’ensemble de ce qui inspire « un senti­ment d’appartenance à un territoire ».

« Ce sentiment traduit le désir d’établir un lien personnel et porteur de sens avec la so­ciété et les milieux qu’elle utilise et façonne », dit Matthias Stremlow. « Ce lien est un élément émotionnel essentiel à la perception consciente du paysage et à sa préservation » (voir environne­ment 1/2006, pages 12–14).

Le paysage reflète la diversité culturelle de la Suisse. Les spécifi cités de chaque animal, plante, cours d’eau, plaine, formation montagneuse qu’on y rencontre, mais aussi les formes d’ha­bitat humain, l’architecture des villages, l’utili-

En 2002, une étude réalisée sur mandat du Secré­tariat d’Etat à l’économie (SECO) évaluait à un mi­nimum de 2,4 milliards de francs par an la valeur – autrement dit l’utilité économique – du paysage suisse pour le tourisme. Cela étant, ni sa beauté ni sa dévalorisation rampante n’ont d’effet financier direct pour personne. Et comme pour la plupart des biens sans valeur marchande intrinsèque, il est traité à la mesure de l’importance que lui ac­corde la société. C’est le sentiment d’appartenance liant la popu­lation au milieu environnant qui constitue la meilleure garantie pour sa protection. Dans la pu­blication « Paysage 2020 », qui définit les grandes lignes d’une évolution optimale, l’OFEV consacre à cet atout émotionnel deux champs d’action sur un total de huit. « Perception et vécu » présente le paysage en tant qu’espace mémoire de la société. « Participation » souligne la nécessité d’impliquer autant que possible la population dans tous les processus d’évolution.

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d’identifi cation; ils contribuent à la valorisation de régions dont l’importance ne se limite pas au tourisme », ajoute Matthias Stremlow. « C’est pourquoi le mandat défini dans la LPN comprend la prise en compte des processus naturels, mais aussi économiques, sociaux et culturels qui agissent sur les sites. »

Presque intégralement utilisé, façonné et en­tretenu, notre paysage est un produit de notre culture. Son utilisation traditionnelle par les générations précédentes lui a donné des visages multiples: les terrasses de la Basse-Engadine, la mosaïque de forêts et de prés de l’Emmental avec ses fermes dispersées, les vignes et les villages

vignerons des bords du Léman, les cours d’eau et leurs anciennes usines témoignant des débuts de l’industrialisation, les marais et les prairies sèches avec leurs granges à foin. Tous sont issus de notre civilisation.

1⁄5 du pays dans l’IFP. Cette variété se refl ète dans les 162 objets recensés par l’Inventaire fédé­ral des paysages, sites et monuments naturels d’importance nationale (IFP). Ces éléments pay­sagers uniques, typiques ou particulièrement appréciés en tant qu’espaces de détente repré­sentent un cinquième du territoire suisse. Par l’intermé diaire de l’autorité d’exécution, c’est­

L’objet IFP « Rive gauche du lac de Bienne » se situe sur le territoire de quatre communes: on parle l’allemand à Gléresse et à Douanne (photo), le français à La Neuveville et les deux à Daucher-Alfermée. C’est dans cette région qu’au cours du VIIIe siècle, les cultures linguistiques burgonde et alémane se rencon­trèrent. Les pittoresques villages vignerons sont encore empreints de cette cohabitation.

« Le mandat défini dans la LPN comprend la prise en compte des processus naturels, mais aussi économiques, sociaux et culturels qui agissent sur les sites. » Matthias Stremlow

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Environnement 1-10.indd Abs1:26Environnement 1-10.indd Abs1:26 8.2.2010 8:40:05 Uhr8.2.2010 8:40:05 Uhr

à-dire l’OFEV, la Confédération veille à leur pré­servation et à ce que leur spécifi cité demeure intacte. Certains objets IFP abritent des biens cul­turels ou des sites historiques qui leur confèrent leur importance nationale: les vestiges de l’âge du bronze dans le Jura tabulaire de Bâle-Cam­pagne et de la vallée de Frick (« Baselbieter und Fricktaler Tafeljura »), le Grütli, indissociable du mythe de la création de la Confédération, dans la région du lac des Quatre-Cantons (« Vierwald­stättersee mit Kernwald, Bürgenstock und Rigi »), ou encore, au bord du lac de Brienz, les chutes imposantes du « Giessbach » et le Grand Hôtel du même nom construit en 1875, qui témoignent de la première apogée du tourisme alpin en Suisse.

Les devoirs de la Confédération. L’IFP engage avant tout la Confédération elle-même. Tout ce qu’elle construit, subventionne ou autorise doit mé­nager la nature et le paysage, et c’est la tâche de l’OFEV d’en effectuer l’examen. Lorsque des biens culturels d’importance nationale sont concernés, l’OFEV collabore avec d’autres offi ces, notamment avec l’Office fédéral de la culture (OFC), respon­

sable de tous les objets figurant à l’Inventaire des sites construits à protéger en Suisse (ISOS), et avec l’Office fédéral des routes (OFROU), qui gère l’Inventaire des voies de communication histo­riques de la Suisse (IVS). L’ISOS et l’IVS jouissent du même statut juridique que l’IFP.

Nombre de tâches fédérales ont des inciden­ces sur le territoire puisqu’elles comprennent, entre autres, l’ensemble de l’activité des Che­mins de fer fédéraux (CFF), le réseau auto routier ou encore le trafic aérien. La Confédération construit des hautes écoles et possède des places d’armes. Elle subventionne les dessertes fores­tières et alpines, les paravalanches et les me sures de protection contre les crues. Elle accorde les autorisations pour les lignes à haute tension ainsi que les concessions pour les téléphé riques et autres installations de transport touristiques.

Dès qu’une réalisation faisant partie des tâches de la Confédération est prévue dans une zone IFP, la Commission fédérale pour la pro­tection de la nature et du paysage (CFNP) doit vérifier si et sous quelle forme elle est compa­tible avec les objectifs de conservation. L’OFEV

Tout ce que la Confédération construit, subventionne ou autorise doit ménager la nature et le paysage.

LPN: apatride en français et en italien

Autant de langues, autant de modes de pensée. « Heimat » se dit « patrie » en français et « patria » en italien, mais ces termes ont un autre champ sé­mantique. Alors qu’étymologiquement, l’allemand provient de « Heim » (le foyer), les notions ita­lienne et française dérivent du latin « pater » (le père). C’est ainsi qu’en cherchant la traduction de « Vaterland », on trouvera également « patrie » ou « patria ». Or la patrie n’est à l’évidence pas le bien que la loi sur la protection de la nature et du paysage (LPN) a pour objectif de préserver. D’où l’intitulé français du texte, qui se distingue de l’allemand « Natur- und Heimatschutzgesetz ». En français, le « heimatliches Landschaftsbild » de­vient « l’aspect caractéristique du paysage ». Mais par-delà ces différences, la notion de paysage re­couvre dans les trois langues les mêmes dimen­sions naturelles, sociales et culturelles.

traite lui-même les dossiers simples. La CFNP a pour mandat de conseiller le gouvernement. Elle compte actuellement quinze membres, parmi lesquels trois biologistes, un architecte paysa­giste, une historienne d’art, quatre architectes et deux géographes.

Créée en 1936, la CFNP est beaucoup plus an­cienne que la LPN qui est entrée en vigueur en 1967. La LPN n’a pas rendu la CFNP inutile, bien au contraire: la conservation du paysage né­cessite la prise en compte de toutes les valeurs, naturelles comme culturelles, et la commission assure l’indispensable vue d’ensemble.

Un outil à renforcer. La pesée des intérêts de la pro­tection et de l’utilisation dépend essentiellement des objectifs concrets de préservation fi xés pour le site concerné. S’agit-il principalement d’en protéger l’esthétique, l’aspect? A-t-on affaire à un habitat de grande taille abritant des espèces ani­males et végétales ou à une zone de détente très appréciée par la population de l’agglomération? A un monument géologique naturel comme les chutes du Rhin ou encore à un site culturel digne d’être conservé?

Dans la version actuelle de l’IFP, la descrip­tion des objets est succincte et les objectifs de

CONTACTS

Maria Senn

Section Paysages

d’importance nationale

OFEV

031 322 80 58

[email protected]

Matthias Stremlow, voir page 17

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protection imprécis. C’est une des raisons de son manque actuel d’effi cacité, a conclu la Com­mission de gestion (CdG) du Conseil national en 2003. Le Conseil fédéral a donc décidé de le valoriser. Il a chargé l’OFEV de différencier les descriptions et de formuler des objectifs de pro­tection explicites pour chaque objet. Les travaux, effectués en collaboration avec les cantons, sont en cours. En plus de l’aspect esthétique, les des­criptions mentionnent désormais d’autres élé­ments de perception: la valeur de découverte d’un objet est fonction de critères tels que le calme ou des bruits spécifiques (par exemple le murmure d’une chute d’eau), l’obscurité noc­turne ou la splendeur d’un panorama. Le man­dat de la Confédération charge également l’OFEV

d’identifier comment mieux intégrer l’IFP dans tous les domaines politiques à incidence spatiale, notamment dans l’aménagement du territoire et les plans directeurs. Un arrêt du Tribunal fédé­ral (TF) est venu soutenir ces efforts: le 1er avril 2009, le TF a conclu que les inventaires paysa­gers, et parmi eux l’IFP, entraînent aussi certai­nes obligations pour les cantons. Ceux-ci devront désormais les reprendre dans leur planifi cation directrice (voir aussi page 58). La manière exacte de mettre en œuvre cette nouvelle disposition est encore à l’étude, dit Maria Senn, responsable du projet de valorisation de l’IFP à l’OFEV.

Hansjakob Baumgartner www.environnement-suisse.ch/magazine2010-1-06

L’objet IFP situé dans la vallée de la Reuss (« Reuss-landschaft »), où se dresse l’abbaye d’Hermetschwil (AG), regroupe des surfaces proches de l’état naturel dans une densité unique sur le Plateau: sept zones alluviales, plus de vingt bas-marais, plus de qua­rante sites de reproduction des batraciens, ainsi que le site marécageux « Maschwander Allmend ». Toutes sont d’importance nationale et constituent les valeurs naturelles de cet objet. Photos: OFEV/Andreas Gerth,

Binningen (BL)

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« Chœur des Alpes », 2009, têtes en résine, socles en bois, haut-parleurs, composition musicale

Geneviève Favre Petroff « Pour mes interventions en plein air, je m’inspire de la nature environnante, mais aussi de la région, de son histoire et de son patrimoine culturel. »

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« ‹ Chœur des Alpes › a été présenté de juin à septembre 2009 devant la Cabane du Mont-Fort (2457 m), à Verbier (VS), dans le cadre de l’exposition ‹ But de randonnée: vue imprenable sur l’art ›. J’ai composé une vingtaine de chansons, des hymnes dé­diés à la montagne, que j’ai donné à chanter à cinq créatures hybrides, créées à partir d’un moule de mon visage et repré­sentant une vache d’Hérens, une marmotte, un aigle royal, un bouquetin et un loup. Tel un chœur polyphonique, où ma voix s’est adaptée au timbre de chaque animal, les têtes sur socles

accueillent et surprennent le promeneur. Elles s’expriment également sur des sujets plus graves comme la protection de la faune ou le réchauffement climatique. »

Geneviève Favre Petroff, née à Lausanne en 1978, est diplô­mée de l’Ecole supérieure d’art visuel de Genève (actuellement Haute école d’art et de design). Depuis 1998, elle crée des per­formances visuelles et musicales qu’elle présente dans le cadre de festivals d’art internationaux. Elle expose régulièrement ses installations sonores en plein air en Suisse et à l’étranger.

www.genevievefavrepetroff.ch

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TÉMOIGNAGES D’ENSEIGNANTS

Les écoliers passent au vert Remarque-t-on de réels changements de comportement face à l’environnement en Suisse? Pour le savoir, nous avons rencontré trois enseignants dans différentes régions du pays. La première œuvre dans le Jura bernois, le second à Thoune, le troisième près de Lugano. Ils nous ont raconté les modifications perçues chez leurs élèves et expliqué ce qu’ils entreprennent pour les sensibiliser.

Moussia de Watteville Enseigne la biologie, la physique et la géographie et dirige les travaux pratiques de sciences et de physique à l’école secondaire (septième, huitième et neuvième degrés) du Bas-Vallon, à Corgémont, dans le Jura bernois. Suit parallèlement les cours d’ECOFOC à Neuchâtel.

En général, les adolescents sont plutôt diffi ­ciles à sensibiliser. Mais si on les écoute bien, on remarque qu’être « écolo » est presque de­venu la norme. Les élèves se disent en majorité attentifs au tri des déchets et nombre d’entre eux affirment regarder la provenance des ali­ments qu’ils achètent, ce qui dénote une in­fluence certaine de la famille. Côté vêtements et choix des collations, par contre, ils consom­ment sans considérer l’aspect éthique, social ou environnemental. Concernant la mobilité, ils viennent à l’école en bus, en train, en vélo ou en vélomoteur. Cette année, pour les vacan­ces, beaucoup sont restés en Suisse, mais il est

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difficile de savoir si c’est en raison d’une prise de conscience écologique ou de la crise. Côté loisirs, pour se rendre au foot ou au cours de violon, certains prennent le vélo, mais pour beaucoup, la voiture reste inévitable. C’est peut-être dû au fait qu’ils habitent à la cam­pagne. Les élèves se montrent inquiets face au réchauffement climatique et au recul de la biodiversité. Un reportage sur la menace qui pèse sur l’ours polaire les a ainsi fortement ébranlés.

Nous cherchons ensemble des solutions. Je leur montre des petits gestes à faire au quo­tidien en faveur de l’environnement. Je leur demande par exemple de composer des affi ­ches sur le thème « moi et ma chambre », « une journée d’énergie ». Ils aiment bien ça et ont toujours de bonnes idées. L’argument le plus porteur pour les mobiliser est de leur dire qu’ils sont « la génération qui va subir le grand changement ». Avec les élèves de septième, il est plus aisé d’aborder ces thèmes qu’avec ceux de huitième et de neuvième. Lorsqu’ils sortent à peine de l’enfance, on peut encore les motiver à observer la terre, ses couleurs, sa texture, les insectes qui y vivent, avec un binoculaire. Prochainement, nous allons avoir la visite d’un intervenant pour explorer la vie sauvage autour de l’école. Le message passe souvent mieux avec une personne venant de l’extérieur.

Le canton a mis récemment une heure de formation générale au programme des cours et l’un des volets qu’on propose d’aborder est l’environnement. Pour ma part, pendant les travaux pratiques de sciences et de physique, je traite depuis plusieurs années déjà ce genre de sujets. Nous avons notamment étudié l’énergie au fil de la Suze, la rivière de notre vallon, ou encore élevé des cloportes. Le clip de Stress « On n’a qu’une terre » a rencontré un grand écho auprès des élèves. Cette année, pour la semaine hors-cadre, nous avons choisi pour thème le développement durable. Nous avons intitulé ce projet « Ma terre, demain ». Au menu: une fresque avec des déchets, un jeu de l’oie grandeur nature, les fi lms d’Yann Arthus-Bertrand, la visite d’une ferme pra­tiquant l’agriculture bio dynamique, où les élèves feront leur pain avec de la farine de la région pour les sandwichs du lendemain, et la visite d’une carrière avec ses surfaces de compensation. Je trouve important de tou­cher les élèves par quelque chose de proche, de concret, pour leur permettre de (re)trouver la valeur des choses. Ainsi, depuis deux ans, pour les camps ou les voyages de classe, nous restons en Suisse et en Franche-Comté.

Thomas Baumann Enseigne à l’école primaire de Thoune. S’y occupe d’une classe de sixième primaire avec laquelle il participe au programme Globe.

Les enfants viennent à l’école à pied ou à vélo. Ils se sentent très concernés par le climat, la santé, la justice et s’intéressent beaucoup aux coutumes des autres pays. De nombreuses na­tionalités sont représentées dans ma classe. Je ne sens pourtant pas une grande différence en­tre les cultures dans la façon d’appréhender les problèmes écologiques. Depuis que j’ai discuté avec eux de l’achat des produits, ils sont beau­coup plus sensibles à l’aspect environnemental de ce qu’ils consomment. Pour en parler, j’ai eu recours à l’ouvrage So essen sie! (« C’est ainsi qu’ils mangent! »). Ce n’est pas un livre qui fait partie

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du programme scolaire: je l’ai choisi de ma propre initiative. Le thème des déchets leur est très fami­lier. Les enfants savent en principe ce qu’il faut trier, ce qui se recycle et ce qu’on peut jeter aux ordures. Ils amènent de plus en plus leurs goûters dans des Tupperware ou des boîtes à pique-nique. Les collations sont très diverses. Chaque mercredi, nous montons un stand « Goûter santé » à l’école. Les enfants peuvent y acheter quelque chose pour 50 centimes. On y trouve par exemple des bro­chettes de légumes crus, des sandwichs maison, de la tresse, des pommes ou des fruits de saison. Qu’est-ce que la notion de santé signifi e? J’essaie de ne pas être trop rigide et de leur dire que c’est la dose qui fait le poison. Le message passe mieux ainsi. Côté mobilité, j’ai l’impression que, dans les

« J’essaie de ne pas être trop rigide et de leur dire que c’est la dose qui fait le poison. Le message passe mieux ainsi. »

Thomas Baumann

familles, on utilise moins la voiture. La crise béné­ficie en quelque sorte à l’environnement. J’observe par contre qu’on voyage meilleur marché, et qu’on prend donc peut-être plus l’avion (compagnies à bas prix).

Avec mes classes, je participe au projet Globe depuis plus de dix ans. Il s’agit d’un réseau de collaboration mondial d’élèves, d’enseignants et de chercheurs ainsi que de personnes concernées par une meilleure compréhension des liens com­plexes qui animent notre système Terre. L’idée d’un tel réseau est d’agir pour favoriser des com­portements et des actions durables, à l’échelle lo­cale, régionale et globale. Tous les jours, avec mes élèves, nous exécutons les travaux du programme intitulé « Atmosphère, temps et climat ». Ce sont eux qui mesurent la température minimale, maxi­male et actuelle. Ils déterminent la concentra­tion des nuages, le risque de pluie, la quantité de précipitations et leur taux de pH. Ils le font tous les jours, même pendant le week-end et les va­cances. Jusqu’à maintenant, je n’ai jamais eu de pro blèmes à les motiver. Je suis convaincu que si l’on donne aux enfants une responsabilité qui cor­respond à leur âge et à leur savoir, ils l’assument avec ferveur. Grâce à cette expérience, ils sont ca­pables d’observer le temps qu’il fait et d’élaborer des prévisions météo. Ils sont également à même d’établir des liens entre les différents phéno­mènes. Leur engagement dans le programme Globe leur plaît d’autant plus que cette activité est liée à l’utilisation de l’ordinateur et de pro­grammes informa tiques.

Danilo Fontana Enseigne en première année primaire et intervient également dans une classe de cinquième à l’école primaire de Taverne, dans le canton du Tessin.

Au cours de mon expérience éducative, j’ai pu remarquer, surtout dans la dernière décennie, la montée d’une conscience écologique chez les écoliers. Celle-ci s’est développée plus nettement depuis que les défis environnementaux sont dis­cutés au niveau international. Je note ainsi nom­bre de changements dans la manière d’agir et de penser, non seulement chez les enfants, mais également dans leurs familles. Beaucoup d’élèves se rendent ainsi à l’école à pied, alors qu’aupara­vant, ils étaient souvent véhiculés par leurs pa­rents. Le trajet entre la maison et l’école leur per­met de communiquer avec leurs camarades, de se faire de nouveaux amis et surtout d’observer ce qu’il y a autour d’eux. Au niveau alimentaire, il semble que les familles optent davantage pour des nourritures plus saines, se tournent vers le bio ou cultivent même leur propre jardin pota­ger. En outre, on observe que la nature occupe plus de place pendant les loisirs: promenades dans la forêt, activités sportives en plein air, vi­sites dans les parcs.

Il reste cependant encore beaucoup à faire pour modifi er les habitudes et vaincre les appré­hensions qui naissent face à cette transformation nécessaire. Je pense que ces peurs peuvent juste­ment être la clé de voûte qui poussera les enfants à vouloir ce changement. Les enfants sont très sensibles à la nature et à sa préservation. Quand ils observent par exemple que les espaces verts sont peu à peu grignotés par des constructions ou transformés en parkings, ils expriment leur désapprobation. « Ils nous volent tous nos prés et nous n’avons plus de place pour jouer! » s’est exclamé un de mes élèves récemment. La fonte des glaciers ne leur est pas non plus indifférente. « Nous n’aurons plus d’eau à boire », a relevé un autre. Préoccupés par la disparition des arbres et des prairies, ils craignent que « un jour, nous manquerons de fruits et les paysans n’auront plus de terrain pour faire paître les vaches ». Ils se rendent compte qu’il faut faire quelque chose pour éviter la catastrophe.

C’est là qu’à mon avis, l’école a son rôle à jouer. Au niveau politique, on a en effet constaté que convaincre les adultes d’agir était diffi cile. Par contre, intéresser les enfants dès leur plus jeune âge à ces problèmes peut les amener à se sentir responsables et à s’impliquer concrète-

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ment. Notre établissement attache beaucoup d’importance à cet aspect. Pendant des années, nous avons ainsi sensibilisé les élèves au pro­blème des déchets. Une fois par semaine, une classe (du jardin d’enfants à la cinquième) était chargée de nettoyer les environs de l’école. Paral­lèlement, nous avons observé le type des ordures jetées, mesuré leur quantité et effectué des statis­tiques sur le sujet. L’an dernier, nous avons éga­lement abordé le thème de l’eau potable et mis en exergue son importance en tant que source de vie et pourvoyeuse de sels minéraux. Cela nous a conduits à évoquer les dangers qui la guettent, tels le gaspillage, la surexploitation et la pollu­

tion. Cette année, nous nous penchons plus spé­cifi quement sur la nourriture et la santé dans le cadre d’un projet cantonal intitulé « Mouvement et goût ». Nous avons commencé par parler du petit déjeuner et de sa composition. Nous allons travailler sur les snacks du matin et de l’après­midi ainsi que sur les fruits. Il sera notamment question du trajet que doivent effectuer les fruits tropicaux pour arriver jusqu’à nous. Mais il ne suffit pas de dire les choses aux élèves, il faut également être conséquent soi-même et montrer l’exemple.

Propos recueillis par Cornélia Mühlberger de Preux www.environnement-suisse.ch/magazine2010-1-07

« Il reste encore beaucoup à faire pour modifier les habitudes et vaincre les appréhensions qui naissent face à cette transfor­mation nécessaire. » Danilo Fontana

Photos: Christian Koch

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Pierre-Philippe Freymond « Nous vivons dans un monde global comme dans un grand jardin. Alors que même les éléphants dans les parcs africains portent des numéros matricules, que reste-t-il de naturel dans la nature, de sauvage dans la vie sauvage?»

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« Chimère 1 », 2003

Cent dix tulipes sont cultivées hors sol selon des techniques horticoles industrielles dans deux incubateurs installés côte à côte. Un réseau de tubes débite lentement dans chaque struc­ture le contenu d’un flacon posé sur l’un des incubateurs. Le liquide injecté contient en solution de l’ADN de veau (génome complet), des farines animales (bovins) et des substances mu­tagènes extraites de l’alimentation humaine, préparées et concentrées à partir de viande saumurée (nitrosamines).

Sur chaque incubateur, un moniteur vidéo diffuse des images de veaux d’élevage et un haut-parleur transmet par in­termittence des pulsations de basses dérivant d’un fragment ralenti de l’opus 163 de Schubert.

Pierre-Philippe Freymond, né à Morges en 1961, vit et travaille à Genève. Il a une double formation de plasticien et de bio­logiste moléculaire. Docteur ès sciences, chercheur en géné­tique microbienne, il s’est ensuite formé à l’Ecole supérieure des beaux-arts de Genève. Depuis une dizaine d’années, il poursuit son travail dans le domaine des arts plastiques. Il a notamment exposé au Musée d’art moderne et contemporain (MAMCO) et dans l’espace Attitudes à Genève, au Musée des beaux-arts de Lausanne, au centre Pasquart de Bienne et au Musée des beaux-arts de Berne. En 2007, il obtient la bourse et la résidence de la fondation GegenwART à Pékin. Il enseigne actuellement à la Haute école d’art et de design à Genève et poursuit une formation de chinois à l’Université de Genève.

www.freymond.info

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LE PAYSAGE DANS LA PUBLICITÉ

La nature fait vendre

La publicité joue avec nos images de la nature. En haut: ce paysage qui communique une impression d’authenticité et de naturel est en réalité une composition savamment étudiée. En bas à gauche, une photo non traitée du Fählensee; à droite, ce même motif transformé en paysage féerique dans la réclame pour « Wonder », une eau aromatisée de la ligne « Blütenquell ».

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Le paysage suscite des émotions variées, positives pour la plupart. Cela le rend intéressant pour la publicité, qui peut s’appuyer sur les habitudes visuelles de la société et y puiser des formules efficaces pour transmettre ses messages.

Des prairies vertes accrochées aux fl ancs des collines, parsemées de bosquets ou de fermes, une chaîne de montagne en arrière-plan, dont la perspective aérienne atténue le profi l escarpé – un paysage de rêve. Mais des éléments inatten­dus révèlent le caractère fictif de cette beauté: de l’eau scintille là où devrait se voûter le ciel et des bulles d’air perlent sur le paysage. Ce mon­tage est possible grâce à la technologie. Mais ici, elle n’a pas seulement été utilisée pour ajouter des effets irréels au tableau: le paysage rural lui-même a été composé. « Pour réaliser cette image idéale d’Appenzell, nous avons utilisé une di­zaine de photos », indique Gabriela Manser, direc­trice des sources minérales de Gontenbad (AI).

Appenzell: entre tradition et émotion. L’Appenzell, un éden, un lieu nostalgique, une terre d’Arca­die: ainsi les voyageurs allemands et britanni­ques décrivaient-ils autrefois le paysage de col­lines qui s’étend entre le lac de Constance et le Säntis. Au grand étonnement des agriculteurs locaux, qui travaillaient dur pour gagner leur pain quotidien. Mais les habitants ont vite ap­pris à faire des affaires avec les étrangers. Ainsi est née, avec l’émergence du tourisme, l’image d’Appenzell telle qu’on la connaît aujourd’hui: une région avenante, terroir du célèbre fro­mage, source de traditions bien vivantes. Havre de liberté aussi, car le peuple de bergers pou­vait décider démocratiquement de son destin en assemblée communale (lands gemeinde), comme c’est encore le cas en Appenzell Rhodes-Intérieures. « Ce paradis appenzellois évoque une image caractéristique », dit Gabriela Manser,

« mais chacun la voit différemment. » Ce sont ces perceptions et ces représentations qu’elle utilise pour vanter son eau minérale.

Le paysage a une longue tradition dans la pu­blicité. « Il est surtout très répandu dans les ré­clames pour des produits fortement liés à une région », constate Matthias Stremlow, chef de la section Paysage et infrastructure à l’OFEV. Cette relation est évidente dans le cas de spécialités telles que le fromage d’Appenzell, de Gruyère ou d’Emmental, le pain aux poires glaronais ou la tarte aux noix des Grisons, ainsi que dans la pu­blicité pour des destinations touristiques.

Même le consommateur qui cherche des biens de masse sans origine spécifique est attiré par une belle image de nature. « Les paysages éveillent les sentiments positifs les plus divers; ils sont notamment associés à la santé et à la pu­reté », dit Matthias Stremlow. Si la publicité par­vient à conférer à un article des valeurs positives liées au paysage, la clientèle sera même prête à l’acheter plus cher. Selon un sondage mené par l’EPF de Zurich en 2006, les consommateurs ac­ceptent de payer 13 centimes de plus par litre de lait suisse si les mots « alpage » ou « montagne » figurent sur l’emballage.

Surprendre et faire rêver. Le paradis appenzellois ne se présente pas toujours sous la même forme dans la publicité de Gontenbad. Alors que pour l’eau minérale, le paysage idyllique de collines vient souligner explicitement sa pureté natu­relle et sa provenance géographique, la réfé­rence au terroir est plus discrète pour la ligne de produits « Blütenquell ». Ici, il fallait éviter

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un lien régional trop direct car, comme le men­tionne clairement l’étiquette des bouteilles de « Flauder », il existe un remplisseur agréé hors du canton. C’est pourquoi cette boisson aroma­tisée n’est pas associée aux collines appenzel­loises. En revanche, l’origine de la ligne « Blü­tenquell » transparaît au travers des diverses appellations. Les trois boissons de table tirent en effet leur nom du dialecte: « Flauder » dé­signe un papillon, « Himml » le ciel et « Wonder » signifie à la fois « miracle » et « colère ».

L’appenzellois sur l’étiquette – et un paysage de conte de fées sur les affi ches publicitaires. Les personnes étrangères aux lieux ne réalisent pas que l’eau scintillante et mystérieuse qui leur est présentée est celle du Fählensee, dans la région d’Alpstein (AI). « Ici aussi, l’ambiance a été composée. Nous avons fondu un soleil levant avec un soleil couchant, et pour le brouillard, nous avons utilisé des canons à fumée », raconte Gabriela Manser. « Cette photo que les gens per­çoivent comme la nature à l’état pur a en fait représenté un travail énorme! »

Femme d’affaires expérimentée, Gabriela Manser applique ici un principe de l’histoire de l’art et de la culture. « Le paysage est l’objet de visions et de représentations collectives spé­cifiques à chaque culture. Le regard que nous

mique nous forcent à remettre nos valeurs en question. » Dans ce contexte, les adeptes d’un style de vie sain et durable, ou LOHAS (« Life­style of Health and Sustainability »), se font tou­jours plus nombreux. Cette tendance se refl ète aussi dans la publicité. « La nature va prendre plus de place dans la communication », prédit Frank Bodin, membre du Club de Rome. Pour ce spécialiste, les paysages idéaux composés à l’ordinateur ne sont pas contradictoires avec la quête du naturel: « Ce qui compte pour vivre l’authenticité, c’est l’image intérieure. Comme chez les impressionnistes, qui ont aussi remar­qué qu’on ne peut pas rendre une ambiance par une simple copie. »

Quand une agence met sur pied une cam­pagne publicitaire, elle ne part pas de l’image mais de l’idée. Il faut d’abord définir dans une stratégie ce que doit exprimer la campagne, à qui elle s’adresse et quels canaux elle va utiliser. Puis on élabore les concepts adéquats. « La publi­cité vit du concept – et la mise en œuvre se fera éventuellement dans le paysage. On réfl échit au ton, au style, à ce genre de choses », explique notre interlocuteur.

Assemblages incongrus. Il est dès lors possible d’associer au paysage des produits qui n’ont a

« Le regard que nous portons sur le paysage est celui de notre société, et ce fi ltre détermine l’importance que nous lui accordons. »

portons sur lui est celui de notre société, et ce filtre détermine l’importance que nous lui ac­cordons », constate Matthias Stremlow. Autre­ment dit, pour nous, la nature est ce que nous considérons comme naturel – même si ce sont des images idéalisées générées à l’écran par des logiciels de traitement photographique. Mais pour vendre un produit, il ne suffit pas de confirmer des habitudes visuelles qui nous sont chères et familières. « La publicité doit surpren­dre – et évoquer un bon moment. Nous créons du rêve, du beau », dit Gabriela Manser. Le suc­cès de « Blütenquell », qui dépasse largement les frontières du canton, lui donne raison.

Créer l’authenticité. Les produits du terroir, sym­boles de santé et de naturel, sont de plus en plus appréciés. Frank Bodin, publicitaire de l’année 2009 et directeur de l’agence Euro RSCG Suisse, observe lui aussi l’importance crois sante de l’authenticité: « Nous vivons une époque de réorientation; la raréfaction des ressources, les changements climatiques et la crise écono-

Matthias Stremlow

priori guère de rapport avec un environnement naturel. Une voiture par exemple, plutôt vue d’habitude comme l’antithèse d’une nature vierge. « Si on décide d’en photographier une dans un paysage, il faut établir une corrélation du décor avec le véhicule. Les montagnes et les virages, par exemple, peuvent évoquer sport, agilité ou 4x4 », explique Frank Bodin.

Même les techniques dont la fonction est plus intellectuelle que matérielle peuvent être mises en scène dans la nature. La campagne de lancement de l’entreprise de télécommunica­tions Orange – élue « campagne de l’année » en 1999 – s’articulait autour d’images froides. Les photos avaient été prises dans un désert de sel et dans le paysage de glace du Groenland. « Nous avions sciemment opté pour un langage visuel un peu technoïde. Par ces images claires, nous voulions insister sur le fait que l’opérateur per­mettait des contacts sans brouillages – à un mo­ment où la télécommunication ne fonctionnait pas toujours au mieux. »

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La publicité travaille en général avec des pay­sages simplifiés, accrocheurs, qui placent le message au centre. « Nous nous limitons à l’es­sentiel », résume Frank Bodin. Selon lui, le sec­teur se préoccupe peu de psychologie: « Quand des étudiants analysent les images, ils risquent souvent de surinterpréter. La psychologie ne joue pas un grand rôle – le bon sens est bien plus important. »

Transmettre du beau et du positif. Le publicitaire ne nie pas toutefois que la nature aide à trans­mettre des sentiments: « Le paysage éveille une sensation de bien-être et de calme; nous re­courons beaucoup aux clichés associant la na­ture à la liberté, à l’air frais dont on s’emplit les poumons. » Pas étonnant donc que de telles images soient souvent rabaissées au rang de simples illustrations. « Dans ce cas, elles sont utilisées pour interrompre les chaînes de ca­ractères imprimés et transmettre un symbole positif. »

Les photos de nature – une goutte de ro­sée suspendue à un brin d’herbe, un ruisseau pétillant, un champ de coquelicots – servent aussi à alléger des sujets trop abstraits ou bien déprimants, notamment dans les brochures d’entreprises pharmaceutiques consacrées aux traitements du cancer ou de l’épilepsie. Utili­sées comme images de veille à l’écran – feuilles d’automne qui virevoltent, champs de fl eurs ou monde sous-marin –, elles font entrevoir l’éva­sion et le repos dans le stress du travail quoti­dien. Que le conseil en communication soit em­preint ou non de psychologie, il se fonde pour ses créations sur les habitudes visuelles établies dans notre culture. Et la contemplation d’un beau sujet naturel relie le spectateur à la com­munauté de ses semblables. « Empiriquement, la beauté n’est intéressante qu’en société », af­firme Kant dans sa Critique du jugement. D’après lui, un individu abandonné sur une île déserte ne soignerait pas son apparence, ne nettoierait pas son logis et n’y mettrait pas de fl eurs pour le décorer. C’est seulement en société qu’il lui vient à l’idée d’être plus qu’un simple indi­vidu, d’être aussi un homme distingué. Selon l’interprétation du philosophe de Königsberg, quiconque apprécie la beauté de la nature est cultivé et appartient à une collectivité aux mœurs évoluées et au mode de vie raffi né.

Lucienne Rey www.environnement-suisse.ch/magazine2010-1-08

La publicité met à profit les sensations que transmettent les représentations de la nature. Un paysage peut évoquer la légèreté, la liberté, la pureté, la continuité et la tradition ou tout simplement la beauté: le consommateur reporte alors inconsciemment ces proprié- CONTACT

tés sur l’article vanté dans ce décor. Matthias Stremlow, voir page 17

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« Wasser 40 », 2009, numérique, adaptation d’une œuvre de la série « Wasser » pour le magazine environnement.

Monica Studer / Christoph van den Berg « Ce qu’on entend aujourd’hui par environnement n’a plus grand-chose à voir avec ce qu’on entendait par là il y a trente ans. Il en va de même de l’art. Lorsque nous reproduisons la nature sur ordinateur, nous tentons de laisser ces changements s’exprimer et de les mettre en valeur. »

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Environnement 1-10.indd Abs1:41Environnement 1-10.indd Abs1:41 8.2.2010 8:40:47 Uhr8.2.2010 8:40:47 Uhr

Monica Studer et Christoph van den Berg entraînent depuis des années déjà les spectateurs de leurs œuvres dans un jeu jubilatoire et séducteur. Ce couple d’artistes crée des représentations de la nature qui oscillent entre un réalisme photographique d’une minutie obsessionnelle et une artificialité froide et abstractionniste.

Monica Studer, née à Zurich en 1960, et Christoph van den Berg, né à Bâle en 1962, vivent et tra­vaillent à Bâle. Ils gèrent un hôtel virtuel à l’adresse www.vuedesalpes.com.

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Environnement 1-10.indd Abs1:42Environnement 1-10.indd Abs1:42 8.2.2010 8:40:49 Uhr8.2.2010 8:40:49 Uhr

A notre porte

FR/VD

Au secours de la Broye

mise à disposition

Berges déboisées, pompages agricoles, raré­

faction des arbres, manque d’empierrements

naturels, réchauffement de l’eau: la Broye est

une rivière qui souffre de maux divers. D’où

la récente création de l’association « Broye

source de vie », qui se donne pour but de chan­

ger la physionomie du cours d’eau sur plus de

35 kilomètres. Pour ce faire, elle sollicite no­

tamment un plan directeur intercantonal pour

sa renaturation ainsi que la gestion des eaux de

la plaine broyarde. Elle fédère déjà nombre de

milieux concernés par la rivière, l’association

Aqua Nostra, le WWF, Pro Natura, la Fondation

suisse pour la protection et l’aménagement

du paysage, des organisations ornithologiques

comme l’ASPO, Pro Castor, les pêcheurs et

les chasseurs de la région ainsi que plusieurs

communes.

> Eric Chatelanat, président de l’association

« Broye source de vie », 079 229 65 85

VD/FR

Tourbière réhabilitée Classée réserve naturelle tout récemment, la

tourbière des Mosses à La Rogivue fait l’objet

de gros travaux de remise en eau. Ces opé­

rations mettent en œuvre un vote populaire

de 1987 assurant la protection des marais

d’importance nationale. Il s’agit avant tout de

restaurer l’étang du Devin, asséché depuis les

années 1960 en raison de drainages effectués

par la commune. L’objectif est de recréer un

biotope pour de nombreuses espèces faunis­

tiques, comme les grèbes castagneux, les foul­

ques ou les rousserolles, ainsi que pour une

vingtaine de sortes de libellules, dont la raris­

sime leucorrhine à gros thorax.

> Jacques Trüb, responsable de la tourbière

des Mosses à La Rogivue, commune de Maracon,

021 921 73 27

VS

Site pilote pour la forêt protectrice

mise à disposition

Le hameau de Sarreyer, situé dans la com­

mune de Bagnes, et la forêt de six hectares

qui le surplombe font figure de site d’expé­

rimentation transfrontalier dans le cadre du

programme européen Interreg IV. Le projet

consacré à la gestion durable des forêts de

protection rallie la France, l’Italie et la Suisse

ainsi que leurs réseaux professionnels. Il s’est

donné pour mission de rappeler la fonction vi­

tale des forêts qui nous servent de boucliers

contre les dangers naturels. L’idée est de met­

tre à la disposition des collectivités des outils

rable et sauver des vies, il faudra, entre autres,

de planification permettant une amélioration de

la sécurité. Pour gérer cette forêt de façon du­

amener de la lumière et de la chaleur jusqu’au

sol, renforcer la biodiversité, abattre les arbres

instables ou menaçants et favoriser le rajeunis­

sement du peuplement.

> Roland Métral, Service cantonal des forêts

et du paysage, arrondissement forestier du

Bas-Valais, 027 720 62 82; www.europe74.cg74.fr

> projet « Forêts de protection »

BE

Programme pour les sols agricoles

mise à disposition

Le canton de Berne a lancé un programme de

promotion des sols pour mieux protéger cette

précieuse ressource tout en réduisant les émis­

sions d’ammoniac. Les agriculteurs qui y par­

ticipent appliquent des mesures destinées à

préserver l’environnement. En plus d’offres de

formation et de conseil, le programme comprend

des contributions accordées dans le domaine de

la préservation des sols et de l’efficacité des nu­

triments azotés, ainsi qu’un service de contrôle

et de monitoring. Quelque 1500 exploitants se

sont déjà annoncés pour la première année de

projet.

> Regula Schwarz, Service de la protection des

sols du canton de Berne, 031 910 53 30,

[email protected]; www.vol.be.ch > OAN >

Agriculture > Protection des sols

environnement 1/2010 42

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Environnement 1-10.indd Abs1:43Environnement 1-10.indd Abs1:43 8.2.2010 8:40:52 Uhr8.2.2010 8:40:52 Uhr

VD du canton de Berne (économies d’énergie se­

lon la norme Minergie-P).

de tourbe, le nouveau lac d’environ 3000 mè­

tres carrés et 2,5 mètres de profondeur n’aura

Les TL font une fl eur aux jeunes > npg AG für nachhaltiges Bauen, Berne, pas besoin d’étanchéité artificielle. La zone

031 991 22 44, www.gruener-wohnen.ch protégée, agrandie d’un hectare et demi, sera

entourée d’un chemin pour faciliter l’accès des

GE visiteurs.

> Fabian Peter, Office schwytzois de la protection

de l’environnement, 041 819 20 84,

Encore plus durable [email protected]

La ville de Genève signera prochainement les

Engagements d’Aalborg, qui exigent d’une col-

Dès la rentrée 2010, les écoliers lausannois qui

habitent à plus d’un kilomètre de leur établis­

sement scolaire auront droit à la gratuité des

transports publics et tous les autres enfants

et jeunes entre 11 et 20 ans obtiendront un

bon de réduction de 50% sur un abonnement

Mobilis. L’initiative lausannoise vise à encou­

rager les habitants de la capitale vaudoise à

pratiquer une mobilité responsable dès le plus

jeune âge. Elle s’inscrit également dans un

contexte plus large, celui de la promotion de

la mobilité douce, de la sécurité et de la santé

des enfants en milieu urbain.

> Gérard Dyens, chef du service des écoles

primaires et secondaires de la Ville de Lausanne,

021 315 64 11

mise à disposition

lectivité qu’elle mène une politique durable,

notamment en matière d’émissions polluantes

et d’espaces naturels. Concrètement, Genève a

pour objectifs d’assainir son parc de véhi cules

et d’installations de chauffage, ainsi que de

développer des espaces naturels et des habi­

tats de qualité. Elle entend également réduire

de moitié sa consommation d’énergie, favori­

ser au maximum les énergies renouvelables

sur son territoire et, en matière de politique

d’achats, privilégier les produits locaux et de

saison dans ses restaurants.

> Valentina Wenger, chargée de communication

du Département des finances et du logement de la

Ville de Genève (DFL), 022 418 22 35

SZ

JU

Première usine de bioéthanol

Le parlement jurassien a apporté son soutien

au projet d’usine de raffinage de bioéthanol

à Delémont. L’usine de la société Green Bio

Energy devrait voir le jour dans la zone indus­

trielle de la ville et produire près de 100 000

tonnes de biocarburant et 30 000 tonnes d’al-

Canne à sucre flickr

Un lac reprend ses droits cool pharmaceutique. Il s’agirait de la première

BE

Se mettre au vert en pleine ville La première cité sans voiture de Suisse va voir

le jour à la Burgunderstrasse de Bümpliz. Ses

locataires devront garantir qu’ils renoncent à

posséder une voiture. Le passage concerné

dans le contrat de location a fait l’objet d’une

expertise juridique: il peut être comparé à

l’interdiction des animaux domestiques. Les

propriétaires des logements ne sont donc pas

tenus de mettre des places de stationnement à

disposition. Des espaces sont cependant pré­

vus pour les véhicules d’autopartage et pour

les visiteurs. Le projet bénéficie du soutien de

la Confédération (construction de logements) et

Un lac est en train de se former au Seeboden­

alp, en dessous de Rigi Kulm. On y trouvait

déjà des eaux stagnantes par le passé, mais

la rupture d’une moraine latérale – en 1886 –

en avait provoqué l’écoulement. Il y a dix ans,

le paysage marécageux qui y avait subsisté a

été classé réserve naturelle. Grâce à son sol

mise à disposition

usine du genre en Suisse. Les promoteurs de­

vront toutefois respecter la législation suisse

en la matière, soit adopter des normes écolo­

giques et sociales strictes. En sus de l’éthanol

à base de canne à sucre, Green Bio Energy en­

tend raffiner d’autres types de produits, dits de

deuxième génération et issus de petit-lait, de

déchets verts ou de bois indigènes.

> Jean-François Gnaegi, 032 421 96 76,

www.greenbioenergy.ch

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Environnement 1-10.indd Abs1:44Environnement 1-10.indd Abs1:44 8.2.2010 8:40:53 Uhr8.2.2010 8:40:53 Uhr

En politique internationale

La cogestion pour des biens publics durables « Je suis sous le choc! » Elinor Ostrom n’a pas trouvé d’autres mots lorsqu’on lui a annoncé, par té­

léphone, qu’elle était la lauréate 2009 du Prix Nobel d’économie. Cette distinction n’avait encore

jamais été attribuée à une femme, ni à aucun économiste de l’environnement.

Dans son travail intitulé Governing the Commons, la politologue américaine analyse comment gérer

les biens publics pour éviter leur surexploitation. Les ressources communes sont librement acces­

sibles, mais elles doivent être utilisées avec modération si on souhaite les préserver pour les généra­

tions futures. C’est le cas, par exemple, des populations de poissons dans les océans. Elinor Ostrom Keystone

a étudié des cas concrets dans différentes régions du globe, notamment les pâturages alpins de

Suisse. Elle parvient à la conclusion que les structures administratives de petite taille – par exem­

ple au niveau communal ou cantonal – permettent mieux d’éviter la surexploitation, parce que les

personnes qui abusent du système sont alors plus faciles à identifier et à sanctionner. Il est en outre

essentiel que les gens de la région, qui connaissent les conditions locales, participent à la défi nition

des règles de gestion du bien commun. On a d’ailleurs constaté, en Suisse, que les renaturations Amira Ellenberger

Section Economiede cours d’eau fonctionnent mieux lorsque la population concernée a été impliquée. Les résultats OFEV

obtenus par Mme Ostrom ne valent toutefois qu’à petite échelle. Il faudra donc trouver de nouveaux 031 323 24 44

instruments pour les biens publics de plus grande dimension – le climat, notamment. [email protected]

L’eau en point de mire

En 1992, la Suisse a ratifi é la Convention sur la protection et l’utilisation des cours d’eau transfron­

tières et des lacs internationaux. Ce traité de la Commission économique pour l’Europe des Nations

Unies (CEE-ONU) vient renforcer les dispositions locales, régionales et nationales adoptées pour pro­

téger les eaux de surface et souterraines transfrontières, et entend garantir leur utilisation durable.

Il a aussi pour but de prévenir les rejets de substances dangereuses dans les eaux et de veiller à ce

que les mesures nécessaires soient prises en cas d’accident mettant en cause des produits toxiques.

Lors de la dernière session de la convention, du 10 au 12 novembre 2009 à Genève, Sibylle

Vermont, de l’OFEV, a été élue présidente pour trois ans. L’un des thèmes principaux durant cette

période sera la gestion des eaux dans le contexte des changements climatiques, y compris dans les

régions transfrontières. Les pays membres veulent élaborer conjointement, dès maintenant, des stra­

tégies appropriées afin de mettre sur pied des projets pilotes et d’échanger leurs expériences. Une

priorité portera également sur les pays d’Asie centrale, notamment en vue de la prochaine confé­

rence ministérielle paneuropéenne « Un environnement pour l’Europe », qui se tiendra à Astana

(Kazakhstan) en octobre 2011 et sera consacrée à la gestion de l’eau. En effet, une gestion effi cace et Sibylle Vermont

durable de l’eau et de l’énergie au Kazakhstan, au Kirghizistan, au Tadjikistan, au Turkménistan et Section Affaires globales

Division Affaires internationales en Ouzbékistan constitue une condition importante du développement politique, écologique et éco-OFEV

nomique de ces pays. Seuls le Kazakhstan et l’Ouzbékistan étant membres de la convention, leur rôle 031 322 85 47

doit être renforcé pour assurer le développement durable de toute la région. [email protected]

OFEV

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Environnement 1-10.indd Abs1:45Environnement 1-10.indd Abs1:45 8.2.2010 8:40:54 Uhr8.2.2010 8:40:54 Uhr

FAUNE SAUVAGE

Promeneurs et skieurs canalisés Sur la Lombachalp, les sports de neige hors piste sont en plein essor. Le nombre de visiteurs en raquettes, skis de randonnée ou skis de fond a énormément augmenté au cours des dernières années. Pour réduire les impacts de ces activités sur l’environnement, un plan de gestion assure depuis 2007 la cohabitation de l’homme et de la faune.

Un paysage de montagne fascinant, une vue spectaculaire sur les Alpes bernoises avec Eiger, Mönch et Jungfrau: hiver comme été, la Lombachalp, au-dessus de Habkern (BE), attire de nombreux visiteurs en quête de détente.

Il y a vingt ans encore, la Lombachalp, au nord d’Interlaken (BE), était le calme même en hiver. Après les premières grosses chutes de neige, il fallait deux heures pour monter à Lägerstutz à skis et peaux de phoque. Et ce n’était là que l’orée du vaste paysage de forêts, de ro­chers et d’alpages qui s’étend entre l’Augstmatthorn et le Hohgant. Les ani­

maux sauvages y restaient donc entre eux. Seule la fonte des neiges mettait fi n à des mois d’isolement, brièvement in­terrompus parfois par une compétition de ski de fond ou de biathlon.

Aujourd’hui, c’est au cœur de l’hiver que la fréquentation est la plus forte. Depuis le début des années 1990, la petite route qui mène à Lägerstutz est

ouverte toute l’année. Le nombre de vi­siteurs atteint son maximum autour du Nouvel An. Par beau temps, on compte jusqu’à 80 voitures sur le parking d’où essaiment des centaines de personnes sur raquettes, skis de fond ou skis de randonnée.

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Faune sauvage > environnement 1/2010 45

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Quelques règles

• Respectez les zones de tranquillité et de protection de la faune: les animaux sauvages s’y retirent pour se nourrir et se reposer.

• En forêt, restez sur les sentiers et les chemins balisés: les animaux peuvent ainsi s’habituer à la présence de l’homme.

• Evitez les lisières de forêt et les surfaces non enneigées: les animaux sauvages apprécient particulièrement ces endroits.

• Tenez les chiens en laisse, en parti­culier en forêt: les animaux sauvages fuient en présence de chiens en

liberté.

www.respecter-cest-proteger.ch

Un biotope hors pair. La Lombachalp est une région riche en espèces animales. Les populations de chamois, cerfs et bouquetins y sont importantes: les flancs de la chaîne de l’Augstmatthorn sont interdits à la chasse. On y trouve tous les tétraonidés indigènes: la géli­notte des bois, le lagopède alpin, le té­tras lyre et le grand tétras, très menacé – un rassemblement exceptionnel en Suisse. Les forêts à caractère naturel, les grandes prairies de montagne, les lapiés et les nombreux marais font de ce pay­sage un biotope unique pour la faune al­pine.

La solitude hivernale revêtait na­guère une qualité particulière. Les es­paces appréciés en cette saison par les animaux, immenses et déserts, sont de­venus rares en Suisse. Aujourd’hui, sur la Lombachalp, la faune doit partager son habitat avec l’homme toute l’année. Un plan de gestion entend permettre leur coexistence sans faire de perdants. Il a été adopté par l’assemblée commu­nale de Habkern en mai 2006 et est en­tré en vigueur début 2007.

Les animaux sauvages de la Lombachalp – comme ce tétras lyre perché sur la cime d’un sapin (photo du milieu) – devraient être dérangés le moins possible par les touristes et les amateurs de

Un ranger sur le terrain. Andreas Zurbu­chen doit veiller à ce que le projet se concrétise. A l’intitulé officiel de sa fonction – surveillant du site maréca­geux de Habkern –, il préfère le terme américain de « ranger ». Il a été en 2008 l’un des premiers diplômés de cette fi ­lière proposée par le Centre forestier de formation Lyss, qui prépare ceux qui la suivent à jouer un rôle de médiateur en-

Andreas Zurbuchen est employé par la commune, qui a pu l’engager grâce aux subventions versées par la Confédéra­tion et le canton pour ce site d’impor­tance nationale. Son entrée en fonction a ouvert un nouveau chapitre dans sa vie professionnelle. Né à Habkern, il a appris l’électronique avant de parcourir le monde en tant qu’ingénieur électri­cien. De plus en plus souvent cloué à son

Les espaces appréciés en cette saison par les animaux, immenses et déserts, sont devenus rares en Suisse.

tre la nature et la société. « Ce spécialiste des contacts avec le grand public déve­loppe les compétences clés qui lui sont indispensables: communication, gestion des visiteurs et mise en valeur de la na­ture et du paysage », peut-on lire sur le portail internet du centre. Le pro­gramme des cours comprend aussi bien des thèmes d’écologie que la transmis­sion de ces connaissances et la législa­tion en vigueur.

bureau, il avait envie depuis longtemps de se réorienter. La mise au concours du nouveau poste a été pour lui un cadeau du ciel. En bon chasseur, il connaît la Lombachalp comme sa poche.

Itinéraires balisés et espaces de tranquillité. L’essentiel du plan de gestion consiste à délimiter de grandes zones protégées pour la faune. Les randonnées en raquet­tes n’y sont autorisées que sur des itiné­

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Environnement 1-10.indd Abs1:47Environnement 1-10.indd Abs1:47 8.2.2010 8:41:00 Uhr8.2.2010 8:41:00 Uhr

sports d’hiver. Skieurs de randonnée, skieurs de fond et randonneurs en raquettes sont donc dirigés sur des itinéraires balisés qui contournent les vastes zones de protection de la faune.

raires balisés, parfois le long des pistes de ski de fond. La montée des skieurs de randonnée sur le Hohgant est également tracée. Et la descente de l’Augstmatt­horn passe par un corridor, loin des principales populations de lagopèdes alpins.

L’interdiction de quitter les chemins dans les zones protégées s’applique éga­lement au printemps et au début de l’été, car les femelles supportent mal d’être dérangées pendant la période de reproduction. Le réseau des sentiers de randonnée est largement identique à ce­lui des itinéraires de sport d’hiver. Dès que les oiseaux savent voler, l’interdic­tion est assouplie. Le jour J est fi xé au 8 août. C’est une époque où le nombre de visiteurs atteint de nouveaux records, car la Lombachalp est un paradis pour les amateurs de champignons.

Le régime de stationnement de voi­tures a lui aussi un effet régulateur. L’hiver, la route se termine à Lägerstutz; le reste de l’année, elle mène jusqu’à Schwarzbach, au cœur de la région. Là se trouve un second parking, dont les ta­

rifs sont nettement plus élevés qu’à l’en­trée de la zone: laisser son véhicule pen­dant quatre heures y coûte 12 francs. Les résultats semblent concluants. « J’ai l’impression que le trafic a diminué », dit Andreas Zurbuchen. Les décomptes permettront de le vérifi er.

Un travail d’information remarquable. Il y a un petit restaurant à Lägerstutz, où on peut acheter du fromage et du beurre d’alpage. Près du parking, des panneaux d’information accueillent les visiteurs. Ils se trouvent au point de départ de deux « sentiers d’observation » qui per­mettent chacun de faire deux heures de marche riches en enseignements sur la flore, la faune et l’histoire de la Lom­bachalp. Les curieux peuvent se procu­rer un guide auprès de la commune de Habkern (www.lombachalp.ch).

Le « ranger » est là quand il y a du monde. Ce travail exige un sens des contacts humains. Andreas Zurbuchen a toutes sortes de choses à raconter sur les animaux de la région. Il renseigne les visiteurs sur le plan de gestion, donne

des conseils. « Je touche beaucoup plus de gens ici qu’en faisant des tournées de contrôle pour punir les infractions », dit-il. Il propose également des visites guidées pendant ses loisirs. Son excur­sion s’intitule « Sur les traces des fl ot­teurs de bois » et conduit à travers les marais jusqu’aux ruisseaux que le bois descendait jadis en direction de Kemme­riboden.

« Grosso modo, la stratégie fonc­tionne », dit Andreas Zurbuchen. « Dans leur grande majorité, les gens compren­nent qu’ils doivent respecter la nature et s’en tiennent aux règles. » Mais il y en a toujours qui ne les observent pas et qui, par les traces qu’ils laissent en de­hors des itinéraires balisés, en incitent d’autres à faire de même.

Le tétras lyre comme indicateur. Ce plan de gestion est-il efficace? Garantit-il que les espèces les plus sensibles restent dans la région? Ces questions relèvent du suivi de la protection des sites marécageux assuré par la Confédération. Les recense­ments annuels des tétras lyres consti-

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Devant les panneaux d’information installés près du parking de Lägerstutz, Andreas Zurbuchen renseigne les visiteurs sur le plan de gestion visant à protéger la faune sauvage.

Ainsi s’intitule une campagne lan­cée par l’OFEV et le Club alpin suisse (CAS) au début de la saison 2009/2010 pour promouvoir un comportement respectueux de la faune chez les ama­teurs de sports d’hiver. Y sont associés les services cantonaux de la chasse, les moniteurs de sport, les organisateurs de tours, les stations, les mouvements de protection de la nature, les groupe­ments de chasseurs et les équipemen­tiers sportifs. La campagne montre pourquoi les animaux ont besoin d’espaces tranquilles pour se retirer, ce qui représente une menace pour eux et ce que les sportifs doivent ob­server pour ne pas trop les déranger.

tuent un des volets de ce travail. Le pre­mier a été réalisé en 1990 par un groupe de l’Université de Berne sous la conduite de Paul Ingold. Ce profes­seur de zoologie a pris sa retraite depuis, mais il continue de rassembler ses troupes chaque année. Il faut une bonne dizaine de personnes qui se répartissent aux mêmes points d’observation, entre l’Augstmatthorn et le Hohgant.

En 1992, quand le grand essor des sports d’hiver hors piste a commencé, on enregistrait 58 mâles. Par la suite, leur nombre est tombé à 14 à la fin des années 1990. Puis il a recommencé à augmenter, pour atteindre 26 en 2009. Ces fortes variations sont normales chez les tétras lyres et principalement dues au climat. Mais les effectifs vont-ils ja-

Photos: Andreas Zurbuchen, Habkern

mais retrouver leur record de 1992 ou vont-ils se stabiliser à un niveau plus bas? On ne le saura que dans quelques années. Du moins n’observe-t-on plus de tendance à la baisse.

Hansjakob Baumgartner www.environnement-suisse.ch/magazine2010­

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Section Chasse, faune sauvage et

biodiversité en forêt

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RAPPORTS ENVIRONNEMENTAUX INTERNATIONAUX

De puissants leviers La politique environnementale de la Suisse a déjà fait l’objet de deux évaluations par des experts étrangers. A l’inverse, des spécialistes helvétiques participent à de tels examens dans d’autres pays. Martine Rohn-Brossard, de la division Affaires internationales de l’OFEV, a ainsi récemment pris part à l’analyse des performances environnementales du Kirghizistan.

L’agriculture kirghize au banc d’essai: pour assurer l’irrigation artificielle pratiquée dans 80 % des champs, elle accapare 93 % de l’eau consommée dans le pays. Près de la moitié s’infiltre ou s’évapore sans avoir été utilisée.

Un examen par des pairs peut-il avoir de la division Affaires internationales Unies (CEE-ONU). « Les recommandations une influence positive sur la politique de l’OFEV. Elle représente la Suisse dans d’un tel rapport peuvent avoir un im­environnementale d’un pays? Autrement le groupe d’experts de l’Organisation pact considérable », dit-elle. « Surtout dit, un rapport portant le sceau d’une de coopération et de développement dans des pays où les préoccupations éco­organisation internationale permet-il éco nomiques (OCDE) chargé d’évaluer logiques sont moindres et où les auto-d’avancer vers une gestion de l’environ- les performances environnementales rités en charge de l’environnement nement plus efficace? « Oui, absolu- ainsi qu’au sein de la Commission éco- manquent d’influence face aux priorités ment », répond Martine Rohn-Brossard, nomique pour l’Europe des Nations économiques de leur gouvernement. »

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Environnement 1-10.indd Abs1:50Environnement 1-10.indd Abs1:50 8.2.2010 8:41:09 Uhr8.2.2010 8:41:09 Uhr

Martine Rohn-Brossard, collaboratrice de l’OFEV (première femme à partir de la droite), faisait partie de la délégation internationale d’experts qui a évalué sur place les performances environnementales du Kirghizistan. Le service de voirie semble tout aussi archaïque que la jolie tente de nomades

C’est le cas des pays du Caucase ou d’Asie centrale. Martine Rohn-Brossard a participé au second examen du Kirghi­zistan en 2008, avec dix autres experts internationaux. Le rapport de la CEE­ONU est paru en automne 2009. « Les représentants du gouvernement, fi ers de nous accueillir, ont d’abord mis en avant les progrès accomplis. A en croire leurs discours et la multitude de textes législatifs adoptés, j’avais d’abord l’im­pression que la situation environnemen­tale du pays était excellente », remarque-t-elle avec un peu d’ironie. « En réalité, les autorités craignaient que nous met­tions le doigt sur certains problèmes, ou qu’elles soient accusées de ne pas faire leur travail. » Car les problèmes sont considérables. « Il ne suffit pas d’adop­ter des lois, il faut veiller à ce qu’elles soient mises en œuvre. Leur application au niveau régional et local est souvent déplorable, avant tout par manque de moyens et de volonté politique. »

Pression sur une ancienne république so­viétique. Le Kirghizistan a plutôt une

bonne législation environnementale – calquée sur des exemples occidentaux, notamment la Suisse – et peut compter sur des gens relativement bien formés. Toutefois, les employés du ministère de l’environnement sont peu rémunérés –

fortement dépendant de l’aide interna­tionale, aurait tout intérêt à renforcer la coopération entre ses ministères, puis­que le domaine de l’environnement en touche plusieurs. Ainsi, il parviendrait à optimiser l’utilisation des moyens dis­

« Le ministre kirghize de l’environnement aura plus de chance que son gouvernement l’écoute s’il peut s’appuyer sur les recommandations onusiennes. »

ils ont un salaire moyen de 80 dollars américains par mois. Voilà pourquoi ils quittent souvent leurs postes pour des emplois mieux rétribués auprès d’or­ganisations internationales de coopé­ration ou d’ONG. « Les gardes des parcs nationaux du Kirghizistan par exemple sont très mal payés », explique Martine Rohn- Brossard. « Ils risquent d’être sou­doyés et, en cas d’infraction, de fermer les yeux. » Elle souligne que le pays,

Martine Rohn-Brossard

ponibles et à être plus crédible auprès des donateurs.

Dans ce contexte, des recommanda­tions d’experts peuvent-elles être effi ca­ces? Martine Rohn-Brossard insiste sur le fait qu’un rapport émanant de l’OCDE ou, dans le cas du Kirghizistan, de la CEE-ONU représente un poids important lors d’une négociation politique. « Le mi­nistre kirghize de l’environnement aura plus de chance que son gouvernement

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Qui examine quoi?

Depuis le début des années 1980, tous les pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) subis­sent régulièrement une évaluation environne-mentale de la part de leurs pairs. Un groupe d’experts internationaux est chargé d’exami­ner, lors d’un séjour sur place, les évolutions, les stratégies et les performances du pays concerné, puis de formuler une soixantaine de recommandations.

La Commission économique pour l’Eu­rope des Nations Unies (CEE-ONU) se charge, quant à elle, des pays non membres de l’OCDE en Europe de l’Est, dans le Caucase et en Asie centrale. Sur mandat de l’OCDE et d’après son modèle, elle évalue leurs performances envi­ronnementales. Là aussi, un groupe d’experts rencontre des représentants du gouvernement, du Parlement, d’organisations non gouverne­mentales (ONG) et du secteur privé, puis rédige montée devant un hôtel. A droite, des guides attendent les touristes dans la réserve de

biosphère d’Issyk Kul.

l’écoute s’il peut s’appuyer sur les re­commandations onusiennes », con state­t-elle. « De même, c’est un outil non né­gligeable pour mettre le pays face à ses responsabilités en matière de poli tique internationale, ce qui permet d’accé­lérer le processus de ratification et de mise en œuvre de conventions globales ou régionales. Comme la CEE-ONU effec­tue plusieurs examens par pays et peut ainsi faire état des progrès accomplis ou non, elle exerce une certaine pression sur le pays examiné, qui doit pouvoir présenter des résultats. »

Des impulsions pour la Suisse. En Suisse également, « l’examen environnemen­tal est un vrai outil, un allié externe critique », explique Stefan Schwager, de la division Affaires internationales de l’OFEV. Il a participé à la mise en place du premier examen de la Suisse par l’OCDE en 1998. Par la suite, en se fondant sur une des recommandations des experts internationaux, l’OFEV a incité les communes à appliquer le prin­cipe de causalité dans le fi nancement

Photos: Martine Rohn-Brossard,OFEV un rapport contenant une série de recomman­dations.

de l’élimination des déchets urbains. « Avec un certain succès », constate Stefan Schwager. « Grâce à ces systèmes, les taux suisses de collecte séparée et de recyclage comptent aujourd’hui parmi les plus élevés du monde. »

Des progrès ont également été faits dans le domaine de la biodiversité: le second rapport de l’OCDE publié en 2007 a donné les impulsions décisives pour l’élaboration d’une véritable stratégie nationale. Jean-Michel Gardaz, de la division Gestion des espèces de l’OFEV, confirme: « Le rapport de l’OCDE jouit d’une grande crédibilité. On a pu l’uti­liser pour accélérer le rythme dans l’avancement de différents dossiers. » Il était responsable de la coordination des travaux du côté suisse lors du second examen. Les recommandations des spé­cialistes internationaux ont également suscité l’intérêt au niveau politique. En 2008, une interpellation du conseiller national Kurt Fluri a demandé de « ces­ser de remettre à plus tard l’élaboration d’une stratégie ad hoc » en matière de biodiversité.

Les rapports de l’OCDE et de la CEE-ONU se présentent donc comme des outils de travail utiles pour une politique envi­ronnementale plus efficace, quelle que soit la situation du pays en question. Toutefois, pour que les recommanda­tions des experts aient de l’effet, il faut un minimum de volonté poli tique. En Suisse comme ailleurs.

Anna Hohler www.environnement-suisse.ch/magazine2010­

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SITES CONTAMINÉS

Rivières et poissons: encore trop de PCB! Ces dernières années, les rejets de dioxines et de polychlorobiphényles (PCB) ont nettement reculé. Il arrive néanmoins que des sites contaminés polluent certains tronçons de cours d’eau. Cela a notamment été le cas pour la Sarine, au niveau de la décharge de La Pila.

En 2007, les services de l’environnement du canton de Fribourg ont eu une mau­vaise surprise: des analyses ont révélé une grave contamination des poissons de la Sarine par des PCB de type dioxine. Les valeurs mesurées étaient nettement supérieures aux teneurs maximales fixées par l’Union européenne (UE), et reprises en Suisse depuis janvier 2009, pour les dioxines et les PCB de type dioxine dans la viande de poisson. Les spécialistes ont rapidement identifi é l’origine de la pollution: l’ancienne dé­charge de La Pila, sur la Sarine près de Hauterive, au sud-ouest de Fribourg. Entre 1953 et 1975, elle a accueilli non seulement des ordures ménagères, mais aussi des déchets industriels probléma­tiques, notamment des condensateurs de divers types et tailles dans lesquels les PCB liquides servent d’isolant. Selon les analyses, le site contiendrait environ 20 tonnes de PCB. En s’échappant gra­duellement de la décharge, ces toxiques contaminent peu à peu la rivière toute proche.

Les poissons absorbent les polluants soit directement, soit par contact avec les matières en suspension et les sédi­ments ou encore par la chaîne alimen­taire, et les stockent dans leur graisse. Or, des études toxicologiques ont mon­tré que, même en petites quantités, les PCB peuvent constituer un risque pour la santé des personnes qui mangent régulièrement du poisson contaminé,

d’autant plus que la dose quotidienne de dioxines et de PCB de type dioxine considérée comme inoffensive une vie durant est généralement déjà atteinte par la consommation d’autres aliments.

Les zones touchées. Sur mandat de l’OFEV et de l’Office fédéral de la santé pu­blique (OFSP), des spécialistes fédéraux, cantonaux et des milieux de la pêche ont examiné la gravité et les causes de cette pollution dans toute la Suisse, puis élaboré des mesures destinées à réduire les risques pour l’homme et l’environne­ment. Comme on s’y attendait, ce sont les poissons de la Sarine, à la hauteur

grands et les vieux poissons, contien­nent en général plus de PCB. La plupart des cours d’eau ne sont toutefois pas gravement contaminés: dans l’ensemble, les concentrations moyennes en PCB de type dioxine mesurées chez les poissons ne dépassent pas les teneurs maximales fixées dans la législation sur les denrées alimentaires.

Mesures et mises en garde. En janvier 2009, l’OFEV et l’OFSP ont formulé des recommandations pour aider les can­tons à prendre les mesures requises concernant la pêche et la consommation de poisson dans les régions particulière-

Les poissons dont les muscles sont riches en matière grasse, comme l’anguille, l’agone et l’omble chevalier, de même que les grands et les vieux poissons, contiennent en général plus de PCB.

de La Pila, et ceux du lac de Schiffenen (FR), mais aussi ceux de la Birse, en aval de Choindez, qui révélaient les plus for­tes teneurs de PCB (voir tableau page 54). D’assez fortes valeurs ont également été mesurées chez les agones, espèce du lac Majeur et du lac de Lugano. Les pois­sons dont les muscles sont riches en ma­tière grasse, comme l’anguille, l’agone et l’omble chevalier, de même que les

ment touchées. Outre les résultats des analyses, ils leur ont conseillé de publier des mises en garde concernant l’inges­tion des poissons pêchés si leur teneur en PCB de type dioxine devait dépasser le seuil de tolérance. Tel est le cas lors­que la concentration totale des dioxines et PCB de type dioxine est supérieure à 8 picogrammes (pg ou bil lionièmes de gramme) par gramme de poids frais (g PF).

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Environnement 1-10.indd Abs1:53Environnement 1-10.indd Abs1:53 8.2.2010 8:41:12 Uhr8.2.2010 8:41:12 Uhr

Le seuil est fixé selon la toxicité de la dioxine, exprimée en équivalents to xiques (pg TEQ/g PF). Des règles plus strictes s’appliquent aux jeunes enfants, aux adolescents et aux femmes en âge de procréer, qui sont particulièrement sensibles aux effets de ces substances. Si, chose exceptionnelle, les concentra­tions devaient dépasser 25 pg TEQ/g PF pour une espèce de poisson donnée, la Confédération conseille d’interdire la pêche dans la région concernée.

Se basant sur ces indications, plu­sieurs cantons ont distribué une notice explicative aux pêcheurs à la ligne, les appelant à réduire leur consommation en connaissance de cause. Les contami­nations s’avérant parfois trop élevées, la pêche de quelques espèces de pois­sons a par ailleurs été restreinte dans certains tronçons de cours d’eau.

Selon la législation sur les denrées alimentaires, les pêcheurs profession­nels et les poissonniers ne doivent pas vendre du poisson dépassant la teneur maximale de 8 pg TEQ/g PF. Une direc­tive de l’OFSP règle l’application par les cantons des nouvelles limites pour les dioxines et PCB de type dioxine dans les aliments.

REACH à la rescousse. En concentra­tions élevées, les PCB représentent un danger non seulement pour l’homme, mais aussi pour les poissons et les ani­maux piscivores, comme la loutre ou

Lorsque les condensateurs se désagrègent, comme ici dans l’ancienne décharge de La Pila à Hauterive (FR), ils dégagent des PCB. Des travaux ont été entrepris d’urgence en 2009 pour éliminer correctement ces déchets spéciaux gisant à même le sol. Photo: Josef Tremp, OFEV

le cormoran. Ils peuvent notamment entraver la reproduction, dérégler le système hormonal et accroître la mor­talité parmi les œufs fécondés et chez les embryons.

« Le cas des PCB prouve l’impor­tance qu’il y a à vérifier les risques éventuels présentés par les produits chimiques avant de les mettre en vente », déclare Josef Tremp, de la sec­tion Produits chimiques industriels à l’OFEV. « On évite ainsi que des subs­tances très dangereuses parviennent dans l’environnement. » C’est cette éva­luation préalable que vise le nouveau règlement européen REACH. « Il sert à prévenir ce genre de cas. Des substan­ces présentant un tel degré de toxi­cité ne passeraient plus ces contrôles renforcés », souligne le spécialiste. Le Conseil fédéral examine actuellement si la Suisse doit entamer des négocia­tions avec l’UE en vue de conclure un accord sur les produits chimiques et sur sa participation à REACH.

Assainissement et investigations en cours. Dans le corps de la décharge de La Pila, les concentrations de PCB attei­gnent par endroits des valeurs extrê­mes: plus de 1000 milligrammes par kilo (mg/kg) de matériaux entreposés. Pour que ces polluants ne parvien­nent plus dans la Sarine, il faut à présent excaver les déchets spéciaux fortement contaminés et en incinérer

Des polluants sur le déclin

LG. Depuis le milieu des années 1980, la pollution de l’environnement, des ali­ments et du corps humain par des poly­chlorobiphényles a sensiblement diminué en Suisse. Jusqu’à leur interdiction géné­rale, en 1986, les PCB toxiques connais­saient de nombreux usages. De nos jours encore, ces substances sont parfois libé­rées à la suite de manipulations inappro­priées et peuvent atteindre des concentra­tions excessives.

Sur tous les PCB produits jusqu’ici dans le monde (1,5 million de tonnes), un tiers environ sont parvenus dans l’en­vironnement. Pour limiter les dégâts, la Suisse, Etat partie à la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants (Convention POP), a défini des tâches à différents niveaux: • traiter et éliminer correctement les

appareils et les installations électri­ques;

• éviter les émissions lors de travaux de construction et d’assainissement, par exemple quand les masses d’étan­chéité des joints et les revêtements contiennent des PCB ou que l’acier est protégé par un enduit anticorrosion;

• identifier et éliminer d’autres sour­ces ponctuelles, notamment les sites contaminés comme celui de La Pila;

• restreindre la pollution transfrontière.

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Environnement 1-10.indd Abs1:54Environnement 1-10.indd Abs1:54 8.2.2010 8:41:13 Uhr8.2.2010 8:41:13 Uhr

Aar et ses affluents Sarine jusqu’à Arconciel; Aar près de Thoune et canal de Hagneck, Sarine à la hauteur de La Pila et

Aar jusqu’à confluence de la Sarine, Emme Gérine, Glâne, Sarine à partir de Laupen du lac de Schiffenen

Jura Allaine, Areuse, Doubs, Orbe, Seyon, Soulce, Birse jusqu’à Choindez, Birsig, Ergolz Birse à partir de Choindez

Vendline, Vermes

Plateau Broye, Glatt (SG), Limmat, canal de la Linth, Seez, Sitter, Thur Glatt (ZH) jusqu’à l’Aubrücke, Töss Glatt (ZH) à partir de l’Aubrücke

Rhin Rhin alpin et ses affluents Rhin supérieur et Haut-Rhin

Inn Inn et ses affluents jusqu’à Sent

Cantons du Valais, Rhône près de Verbois, Rhône dans le canton du Valais, canal Stockalper, canal Sion-Riddes, Dranse, Venoge

de Genève et de Vaud Vispa, affluents du Léman dans le canton de Vaud

Canton du Tessin tous les cours d’eau analysés

Lacs

Suisse romande Léman (espèces à faible teneur en graisse), lac de Bienne, Léman (omble chevalier), lac de Neuchâtel (corégone)

lac de Thoune

Suisse centrale et orientale lac de Walenstadt, lac de Zurich, Greifensee lac de Constance

Canton du Tessin lac de Lugano (espèces à faible teneur en graisse) lac Majeur (toutes les espèces excepté l’agone), lac Majeur (agone)

lac de Lugano (agone)

Contamination des poissons dans certains cours d’eau suisses

Eaux, région Contamination de fond Contamination diffuse plus élevée < 4 pg TEQ/g PF autour de 8 pg TEQ/g PF

Cours d’eau

Préalpes et Alpes lacs de l’Alpstein, lacs de montagne du Tessin et des Grisons

Ce tableau se base sur quelque 1250 valeurs mesurées dans des échantillons de poisson depuis 1994. Les données manquent toutefois pour la plupart des cours d’eau du Plateau. Les résultats antérieurs non confirmés par des mesures récentes n’ont pas été pris en compte. Les cours d’eau sont classés dans trois catégories selon les concentrations en PCB de type dioxine découvertes chez les poissons, conformément aux critères de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). La contamination est expri­mée en picogrammes (pg ou billionièmes de gramme) par gramme de poids frais (pg TEQ/g PF).

une partie dans des fours à haute tem­pérature. Une première intervention d’urgence, réalisée en été 2009 pour près d’un million de francs, a empêché la masse de déchets qui contient des condensateurs et qui se trouve au bas du talus de continuer à glisser dans la Sarine. L’assainissement total de la dé­charge coûtera sans doute encore plu­sieurs millions. L’affaire fribourgeoise a remis en question l’évaluation d’autres sites pollués. Jusqu’ici, on assainissait surtout les terrains contenant des pol­luants solubles qui risquaient de por­ter atteinte aux eaux souterraines. Or, à La Pila, la contamination est due aux PCB, peu solubles, et touche des eaux superficielles (poissons et sédiments), comme dans le cas du DDT décelé dans les poissons du lac Majeur en 1996. La Confédération compte donc inviter les cantons à élargir leurs investigations: outre mesurer les PCB dans les eaux, ils devront analyser systématiquement les sites suspects et leurs alentours. Il s’agit de décharges, mais aussi de terrains

d’entreprises qui ont utilisé du matériel contenant des PCB: notamment les fer­railleurs, ainsi que les sociétés qui pro­duisent, entretiennent et éliminent des transformateurs et des condensateurs. Les plus gros problèmes se posent lors­que le site est proche d’un cours d’eau, comme à Bodio (TI), sur le Ticino. « Des investigations ciblées sur des sites pol­lués ou potentiellement pollués par les PCB à proximité de cours d’eau peuvent révéler des points chauds », affi rme Christoph Wenger, chef de la nouvelle division Sols à l’OFEV. « Nous dressons en ce moment une liste des types d’ac­tivités et des catégories de sites à risque, que nous allons mettre à la disposition des cantons. »

L’OFEV veille. Pour l’expert qu’est Hans-Peter Fahrni, de l’OFEV, assainir des sites contaminés coûte à coup sûr beau­coup plus cher qu’éliminer les déchets de manière adéquate. « La Pila illustre toute l’ampleur des erreurs du passé: trente-cinq ans après sa fermeture, la dé-

Contamination élevée > 8 pg TEQ/g PF

Source: OFEV

charge constitue encore un danger pour l’homme et l’environnement. » En sui­vant la devise qui prévalait à l’époque ( « Se débarrasser vite des déchets et pour pas cher! »), on a de toute évidence fait fausse route. Selon Hans-Peter Fahrni, l’autorégulation n’assure pas le recours à des solutions environnementales dans le domaine des déchets. « Pour garantir à long terme le bien-être des hommes et de la nature, il faut des prescrip­tions légales claires, valables pour tous et appliquées à tous. » Et un organe de surveillance comme l’OFEV, qui pilote et surveille ce secteur avec compétence, sans parti pris et surtout à l’abri des in­térêts politiques.

Georg Ledergerber www.environnement-suisse.ch/magazine2010­

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environnement 1/2010 > Produits chimiques 54

Page 55: Magazine «environnement» 01/2010 - Entre nature et culture

Environnement 1-10.indd Abs1:55Environnement 1-10.indd Abs1:55 8.2.2010 8:41:13 Uhr8.2.2010 8:41:13 Uhr

REGISTRE DES POLLUANTS SWISSPRTR

Un outil formidable Avec le SwissPRTR, la Suisse dispose d’un registre accessible à tous qui concerne les rejets de quelque 90 substances nocives dans l’air, l’eau et le sol. Les informations disponibles sur le site internet de l’OFEV permettent de connaître les sources de pollution ainsi que leur importance locale, régionale ou même nationale. Une transparence qui doit contribuer à réduire la charge environnementale de ces produits.

Le toluène (C7H8) est un liquide facile­ment inflammable et nuisible pour la santé, qui entre notamment dans la composition du pétrole. En cas de for­tes expositions, il peut irriter la peau et occasionner des lésions des reins et du système nerveux. Dans l’industrie, cet hydrocarbure est surtout utilisé pour initier différents processus chimiques et comme solvant. Suivant les entre­prises, des milliers de tonnes de toluène atterrissent chaque année dans les eaux usées en Suisse. Même à faible dose, cette substance représente un danger pour l’eau. Elle se décompose cependant relativement vite dans la nature.

Pour connaître les établissements qui émettent le plus de toluène dans notre pays, il suffit maintenant de faire une recherche sur www.bafu.admin.ch/swiss­prtr. Autrefois, il était très difficile de se procurer pareille information. Doréna­vant, ce genre de données figure dans le Registre suisse des rejets et transferts de polluants SwissPRTR (« Swiss Pollutant Release and Transfer Register »).

Comme d’autres entreprises dont les émissions dépassent un certain seuil de tolérance, les installations utilisant du toluène sont régies par l’ordonnance sur le registre des rejets de polluants et des transferts de déchets et de polluants dans les eaux usées (ORRTP). Leurs ex-

Une recherche dans les données du SwissPRTR, sur le site de l’OFEV, renseigne entre autres sur le volume des émissions polluantes dégagées par les quelque 200 entreprises enregistrées.

ploitants sont donc soumis à l’obliga­tion de notifier, pour autant que les émissions de toluène soient supérieures à 200 kilogrammes par an.

Pour un rapport de confiance. « L’obligation de notifier facilite l’accès à des infor­mations claires sur le rejet de certains polluants et contribue à instaurer un rapport de confiance entre entreprises,

autorités et public », explique Christoph Moor, chef d’état-major de la division Déchets, substances et biotechnologie de l’OFEV et responsable du registre. « Elle vise également à faire diminuer l’impact des installations sur l’environnement », ajoute-t-il. La mention d’une société ou d’un polluant dans le SwissPRTR ne si­gnifie toutefois pas que la valeur limite établie pour ce polluant a été dépassée

Produits chimiques > environnement 1/2010 55

Page 56: Magazine «environnement» 01/2010 - Entre nature et culture

Environnement 1-10.indd Abs1:56Environnement 1-10.indd Abs1:56 8.2.2010 8:41:15 Uhr8.2.2010 8:41:15 Uhr

par l’établissement en question. Les seuils de rejets fixés dans l’annexe 2 de l’ORRTP sont en effet indépendants des valeurs limites définies dans d’autres or­donnances touchant l’environnement.

En inscrivant leurs émissions de to­luène dans le SwissPRTR, les entreprises se mettent donc en règle avec l’ORRTP. Comme le registre est ouvert à tous, les

« Aux directeurs d’entreprise, les indi­cations disponibles donnent une base de décision pour améliorer leur effi ca­cité écologique et leur productivité; aux autorités, elles permettent d’identifi er des foyers régionaux et locaux et de planifi er des stratégies de réduction des polluants à long terme. Le principe de précaution peut donc être durablement

« Les indications disponibles permettent aux autorités d’identifier des foyers régionaux et locaux et de planifier des stratégies de réduction des polluants à long terme. »

autorités des communes où les entre­prises ont leur siège peuvent, par une recherche ciblée, s’informer directe­ment sur les polluants générés.

Accessible, transparent et fouillé. Le Swiss-PRTR offre une vue d’ensemble des rejets de polluants, de leur répartition géogra­phique et chronologique. Il fournit des renseignements sur les mouvements de déchets et de déchets spéciaux ainsi que sur les apports toxiques dans les eaux, qu’ils proviennent d’entre prises ou de sources diffuses. Les domaines couverts sont nombreux: les industries chimique et minérale, la métallurgie, la production et la transformation de pro­duits d’origine animale et végétale ou encore le secteur de l’énergie. Le regis­tre regroupe ainsi les données relatives à environ 200 entreprises et à près de 90 polluants dans tout le pays.

Christoph Moor

consolidé », note Christoph Moor. Et de préciser que plusieurs autres pays ex­ploitent avec succès de tels outils depuis longtemps.

La liste des polluants proposée par le SwissPRTR a été élaborée par un groupe de travail de la Commission économique pour l’Europe des Nations Unies (CEE­ONU) et inscrite en 2003 dans le proto­cole de Kiev. Les propriétés des subs­tances notifiées sont diverses: certaines nuisent à la santé, d’autres portent at­teinte aux écosystèmes ou contribuent à accroître l’effet de serre.

Sensibilisation des acteurs. Les chiffres re­censés dans le registre proviennent à la fois de mesures, de calculs et d’estima­tions. Si l’ORRTP prévoit que, sous cer­taines conditions et lorsque sont en jeu des intérêts privés ou publics dignes de protection, certaines données du Swiss-

PRTR restent confidentielles, ces cas sont exceptionnels. Ce répertoire existe en effet pour faire la lumière sur les pol­luants et renseigner tant les différents acteurs concernés que le public, afi n de contribuer au développement durable des établissements de production.

Les milieux intéressés peuvent dé­sormais se faire une opinion et pren­dre leurs décisions en matière d’envi­ronnement en s’appuyant sur des faits communiqués par les entreprises puis validés par les autorités cantonales. Il est d’ailleurs prévu de peaufi ner l’in­formation fournie et d’interpréter les chiffres, afi n d’améliorer la compréhen­sion des données. Celles qui ont trait aux émissions provenant de sources diffuses seront étoffées chaque fois que cela s’avérera possible et utile. « De plus, la communication devra aller dans les deux sens: nous nous attendons en ef­fet à des réactions ou des questions de la part de la population. Elles peuvent concerner à la fois les données elles-mêmes et leur présentation sur Inter­net », estime Christoph Moor.

Serge K. Keller www.environnement-suisse.ch/magazine2010­

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Christoph Moor

Division Déchets, substances

et biotechnologie

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environnement 1/2010 > Produits chimiques 56

Page 57: Magazine «environnement» 01/2010 - Entre nature et culture

Environnement 1-10.indd Abs1:57Environnement 1-10.indd Abs1:57 8.2.2010 8:41:15 Uhr8.2.2010 8:41:15 Uhr

Filières et formations

Un nouvel institut de l’environnement à Genève L’Université de Genève a inauguré son Institut des sciences environnementales (ISE). Dédié à l’enseigne­

ment et à la recherche pluridisciplinaires, il doit créer des passerelles entre l’environnement naturel et

l’environnement construit, avec des thématiques englobant aussi bien le climat ou la protection des

ressources naturelles que le développement économique, le bien-être social, la santé, la sécurité ou les

politiques de gouvernance. Le nouvel institut mise notamment sur le dialogue entre les sciences « dures »

et les sciences économiques et sociales. Il compte mettre en réseau les compétences disponibles sur les

plans national et international. En matière de formation académique, il propose un master sur deux ans.

> www.unige.ch/environnement

Les hautes écoles spécialisées se tournent vers l’avenir L’une des tâches attribuées aux HES consiste à « assurer un développement économique, social et écolo­

gique durable » (art. 3, al. 5, let. c, de la loi sur les hautes écoles spécialisées). Lors d’une conférence tenue

l’automne dernier à Zurich, les participants ont formulé une série de postulats pour que ce mandat puisse

être mis en œuvre de manière efficace. Les hautes écoles pédagogiques sont également concernées puis­

que l’éducation en vue du développement durable est au cœur de cette réflexion.

> www.phzh.ch/tagung-nachhaltigkeit > Dokumente/Download (allemand)

Chauffez futé! Les bâtiments absorbent près de la moitié de notre consommation d’énergie. Améliorer l’exploitation des

installations de chauffage constitue donc un bon moyen de réduire les coûts et les atteintes à l’environne­

ment, en utilisant mieux le combustible. En collaboration avec les services cantonaux compétents, l’Office

fédéral de l’énergie (OFEN) organise des cours décentralisés sur le thème « Chauffez futé! » à l’intention

de toute personne chargée de gérer une chaudière (propriétaires, concierges, etc.). Les participants qui le

désirent peuvent par la suite compléter leurs connaissances dans un module d’approfondissement. Des

cours « Electricité futée » et « Rénovez futé + Energie solaire » sont aussi proposés.

> www.chauffer-fute.ch/cours-fute

BLOC-NOTES

En campagne pour la diversité biologique

En cette Année internationale de la biodiversité, la Confédération, les cantons, les associations, les zoos et les musées organisent une série de manifestations pour sensibiliser à la richesse de la vie. Les écoles sont in­vitées à y participer. Les diverses ac­tivités sont annoncées dans le Journal de campagne édité par l’OFEV et le Forum Biodiversité Suisse. > www.biodiversite2010.ch >

Organiser > Journal de campagne

Apprendre en dehors de l’école

Le numéro 3/2009 d’éducation en­vironnement CH se penche sur la question des apprentissages extra-scolaires. Dans la forêt, au musée, au jardin botanique ou autour de l’école: quelles sont les conditions nécessai­res à l’intégration réussie de ce genre d’expériences dans l’enseignement? > www.educ-envir.ch/infos/bulletin/

sommaire.asp

Tourisme et développement durable

En collaboration avec le canton du Jura, le Service de la formation conti­nue de l’Université de Neuchâtel or­ganise une nouvelle série de cours sur le développement durable dans le secteur touristique. Début en février 2010. > www.unine.ch/foco

Ateliers verts intergénérations De mars à juin 2010, les Conserva­toire et Jardin botaniques de Genève proposent des cours de découvertes du monde végétal – et parfois ani­mal – pour les enfants de huit à onze ans. Ces ateliers sont animés par des retraités bénévoles, ce qui permet de véritables échanges entre les généra­tions. > www.ville-ge.ch/cjb > Nouveau

programme 2009-2010

environnement 1/2010 5757

Page 58: Magazine «environnement» 01/2010 - Entre nature et culture

Environnement 1-10.indd Abs1:58Environnement 1-10.indd Abs1:58 8.2.2010 8:41:16 Uhr8.2.2010 8:41:16 Uhr

Du côté du droit

Protection du paysage: le TF rappelle leurs obligations aux cantons

Appelé à statuer sur la conformité d’un plan d’aménagement local, le Tribunal fédéral (TF) en a profité pour rappeler aux cantons leurs devoirs en matière de protection du paysage et des localités.

En 2005, l’assemblée communale de Rüti (ZH) a approuvé le plan d’aménagement du centre-ville. Par la suite, un voisin du secteur concerné a attaqué la décision canto­nale avalisant ce plan, au motif que ce dernier nuisait aux objectifs de conservation d’un site construit d’impor­tance nationale, en violation de la loi sur la protection de la nature et du paysage (LPN). La zone protégée inclut une partie de la bourgade historique de Rüti, ainsi que le village de Tann, sur la commune de Dürnten. Dans l’In­ventaire des sites construits à protéger en Suisse (ISOS), ces deux domaines adjacents constituent l’objet « Rüti avec Untertann en tant que village urbanisé ».

Le Tribunal administratif du canton de Zurich a rejeté le recours. Comme la commission cantonale compétente, il a estimé que les bâtiments et installations prévus dans le plan d’aménagement n’allaient pas à l’encontre des objectifs de protection définis. Le recourant s’est alors tourné vers le TF.

Dans son arrêt, le TF rappelle les cantons à leurs obli­gations. Le respect des dispositions de protection des paysages, des localités, des sites évocateurs du passé, des curiosités naturelles et des monuments n’est pas qu’une tâche fédérale, il concerne aussi les cantons et les com­munes. Les prescriptions contenues dans les inventaires fédéraux présentent le caractère de plans sectoriels et de conceptions au sens de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire. Elles doivent donc être prises en compte dans les plans directeurs cantonaux.

Le TF a aussi défini les règles de protection pertinen­tes pour l’objet ISOS « Rüti avec Untertann ». Il s’agit sur­tout des dispositions concernant la zone centrale II, dans laquelle « aucune activité de construction » ne doit plus être autorisée. Avec son immeuble de sept étages et de plus de 22 mètres de haut, notamment, le plan d’amé­nagement enfreint les objectifs de protection de l’ISOS. Il doit être entièrement abrogé.

Informations complémentaires: Christoph Fisch, division Droit,

OFEV, 031 324 78 35, [email protected],

TF: arrêt 1C_188/2007

Paru récemment

environnement 1/2010 58

Page 59: Magazine «environnement» 01/2010 - Entre nature et culture

Environnement 1-10.indd Abs1:59Environnement 1-10.indd Abs1:59 8.2.2010 8:41:18 Uhr8.2.2010 8:41:18 Uhr

Biotopes Régénération des hauts-marais. Bases et mesures techniques. 96 p.; F, D; gratuit; UV-0918-F;

téléchargement: www.environnement-suisse.ch/uv-0918-f.

Climat Switzerland’s Fifth National Communication under the UNFCCC. Second National Communication under the Kyoto Protocol to the UNFCCC. 248 p.; E; pas de version imprimée;

téléchargement: www.environnement-suisse.ch/ud-1014-e.

Economie Wiederbeschaffungswert der Umweltinfrastruktur. Umfassender Überblick für die Schweiz. 94 p.; D, résumé F; pas de version imprimée;

téléchargement: www.environnement-suisse.ch/uw-0920-d.

Education à l’environnement Die Zukunft in der Tasche. Unterrichtseinheit zu Umwelt, Konsum, Ökobilanzen. Ab 9. Schuljahr. Heft für Lehrpersonen. 56 p. avec

21 fiches de travail volantes; D; 30 francs; commande: hep Verlag AG, case

postale, 3000 Berne 7, [email protected];

téléchargement: www.environnement-suisse.ch/ud-1010-d.

Electrosmog Téléphonie mobile: guide à l’intention des communes et des villes. Edité par l’OFEV, l’Office fédéral de la communication (OFCOM), l’Office fédé­

ral du développement territorial (ARE), la Conférence suisse des directeurs

des travaux publics, de l’aménagement du territoire et de l’environnement

(DTAP), l’Union des Villes Suisses (UVS) et l’Association des Communes

Suisses. 60 p.; F, D, I; gratuit; UD-1013-F;

téléchargement: www.environnement-suisse.ch/ud-1013-f.

Etude de l’impact sur l’environnement (EIE) Manuel EIE. Directive de la Confédération sur l’étude de l’impact sur l’environnement (art. 10b, al. 2, LPE et art. 10, al. 1, OEIE). 160 p.; F, D; pas de version imprimée;

téléchargement: www.environnement-suisse.ch/uv-0923-f.

Forêts et bois Annuaire La forêt et le bois 2009. 190 p.; bilingue D/F; 20 francs;

UW-0925-F; téléchargement: www.environnement-suisse.ch/uw-0925-f.

Parcs Parcs d’importance nationale: Label Produit. Directives sur les conditions d’attribution et d’utilisation du label Produit. 35 p.; F, D;

pas de version imprimée;

téléchargement: www.environnement-suisse.ch/uv-0924-f.

Produits chimiques Substance flow analysis for Switzerland. Perfluorinated surfac­tants perfluorooctanesulfonate (PFOS) and perfluorooctanoic acid (PFOA). 144 p.; E; pas de version imprimée;

téléchargement: www.environnement-suisse.ch/uw-0922-e.

Protection de l’air Filtres à particules pour machines de chantier. La solution propre. Dépliant; F, D, I; gratuit; UD-1012-F;

téléchargement: www.environnement-suisse.ch/ud-1012-f.

Protection contre les crues Ereignisanalyse Hochwasser August 2007. Analyse der Meteo- und Abflussvorhersagen; vertiefte Analyse der Hochwasserregulierung der Jurarandgewässer. 209 p.; D, résumé F; pas de version imprimée;

téléchargement: www.environnement-suisse.ch/uw-0927-d.

Protection des eaux Schutz- und Nutzungsplanung nach Gewässerschutzgesetz. Erfah­rungen, Beurteilungskriterien und Erfolgsfaktoren. 74 p.; D, résumé

F; pas de version imprimée;

téléchargement: www.environnement-suisse.ch/uw-0931-d.

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Toutes les publications de l’OFEV sont disponibles sous forme élec­tronique; les fichiers PDF peuvent être téléchargés gratuitement sous www.environnement-suisse.ch/publications.

Certains ouvrages existent également en version imprimée; ils peuvent être commandés à l’adresse suivante: OFEV

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Indications bibliographiques: Titre. Sous-titre. Editeur (autre que l’OFEV). Nombre de pages; langues

disponibles; prix (pour les versions imprimées); numéro de commande pour

les versions imprimées ou code à saisir pour le téléchargement gratuit du

fi chier PDF.

environnement 1/2010 59

Page 60: Magazine «environnement» 01/2010 - Entre nature et culture

Environnement 1-10.indd Abs1:60Environnement 1-10.indd Abs1:60 8.2.2010 8:41:19 Uhr8.2.2010 8:41:19 Uhr

Faits et gestes

Tenue de travail équitable Même les habits de travail, ceux qui sont por­

tés sur les chantiers ou par les employés de la

voirie, peuvent être respectueux de l’environ­

nement et des personnes qui les fabriquent. La

preuve en est donnée par l’entreprise vaudoise

spécialisée Importexa, qui propose une nou­

velle gamme de vêtements certifiée équitable

et écologique dans toutes les phases de la

chaîne de fabrication, du champ de coton à

l’usine de couture.

> www.fairwell.ch

Biodiversité?

par l’Office vétérinaire fédéral (OVF) et par le

programme jeunesse de la Protection suisse

des animaux (PSA).

> www.passibete.ch

Pick Up

Recyclons!

Au lieu de jeter, donnez. Telle est la devise de

Gaya.ch, qui met en relation donneur et rece­

veur dans toute la Suisse, avec un souci de

proximité. La recherche se fait en fonction des

catégories d’objets et des cantons. Gaya.ch

veut ainsi promouvoir le recyclage et offrir une

seconde vie aux objets. Le portail, disponible en

français, sera sous peu traduit en allemand et

en italien. Son utilisation est gratuite; une par­

ticipation modique est néanmoins demandée

pour obtenir les coordonnées d’une personne,

afin de garantir la qualité du site.

> www.gaya.ch

Eau, où es-tu? Orage, petite bruine ou averse? Cela change

tout pour le débit de l’eau. D’où l’importance

de Swissrivers.ch, qui a pour vocation de mon­

trer sur toute la Suisse les prévisions de dé­

bit des cours d’eau pour les trente prochaines

heures. Tout le réseau hydrographique suisse a

été découpé en tenant compte des installations

hydrologiques, barrages, prises d’eau, centra­

les, etc. Cela donne 4000 points de calcul ré­

partis sur l’ensemble du territoire.

> www.swissrivers.ch

A l’occasion de l’Année internationale de la

biodiversité, l’Association suisse pour la pro­

tection des oiseaux (ASPO/BirdLife Suisse)

pu blie une brochure intitulée « Biodiversité:

source de richesse ». Ce document montre de

manière attrayante ce qu’est la diversité biolo­

gique et où la découvrir. Il explique aussi pour­

quoi l’homme ne saurait se passer d’elle.

> A commander (en français ou en allemand)

auprès de l’ASPO, 044 457 70 20, www.birdlife.ch.

Prix: 4 francs (exemplaire unique: gratuit); 3 francs

pour les écoles et les sections de l’ASPO; rabais dès

200 exemplaires

Choyer son animal Le site internet www.passibete.ch présente

aux enfants et aux jeunes des trucs et astuces

pour bien s’occuper d’un animal de compa­

gnie. Il leur permet aussi de choisir l’animal qui

leur conviendra le mieux. Il a été mis en ligne

L’Agence d’information agricole romande (AGIR)

édite régulièrement Pick Up, un maga zine sou­

vent consacré à des thèmes écologiques et

destiné aux élèves du degré secondaire. Pick

Up se présente de façon colorée et ludique, et

privilégie l’interactivité. Le dernier numéro s’in­

titulait « Consomm’acteurs » et le prochain se

penchera sur la biodiversité.

> Commande gratuite ou téléchargement d’exem­

plaires anciens ou actuels: www.agirinfo.com >

Enseignement > Pick Up

La nature sans obstacles

On trouve déjà chez nous des chemins de ran­

donnée balisés qui peuvent être parcourus en

chaise roulante. Mobility International Suisse

fournit une vue d’ensemble des destinations ne

mise à disposition

environnement 1/2010 60

Page 61: Magazine «environnement» 01/2010 - Entre nature et culture

Environnement 1-10.indd Abs1:61Environnement 1-10.indd Abs1:61 8.2.2010 8:41:22 Uhr8.2.2010 8:41:22 Uhr

présentant pas d’obstacles pour les personnes

handicapées: chalets de vacances accessibles

en chaise roulante, logements pour person­

nes souffrant de handicap mental, agences de

voyages spécialisées, etc.

> Mobility International Suisse, Olten,

062 206 88 35, [email protected], www.mis-ch.ch

(en allemand avec quelques pages en français)

Tués en plein vol

mise à disposition

Les collisions contre des vitres constituent

l’une des principales sources de mortalité des

oiseaux: rien qu’en Suisse, on compte plusieurs

centaines de milliers de cas chaque année. En

collaboration avec l’Association suisse pour la

protection des oiseaux (ASPO/BirdLife Suisse),

la Station ornithologique suisse de Sempach a

édité un document qui montre comment éviter

de créer des pièges mortels pour l’avifaune.

> A télécharger (en français, allemand ou italien)

sous www.windowcollisions.info ou à commander

auprès de l’ASPO, 044 457 70 20, ou de la Station

ornithologique suisse, 041 462 97 00

Reste sur ta trace

Cet hiver, le long d’une trentaine de sentiers

raquettes balisés de Suisse, on peut décou­

vrir des panneaux d’information à caractère

environnemental. Cette initiative d’EcOtrace

a pour objectif d’éclairer les promeneurs sur

la fragilité des écosystèmes et de leur donner

des conseils concrets pour mieux respecter la

nature lors de leurs balades. Sont notamment

traités les sujets suivants: déchets, protection

de la faune, de la flore et de la forêt, ou en­

core comment arriver sur les lieux de loisirs

en transports publics ou en ayant recours au

covoiturage.

> www.sentiers-raquettes.ch

Joue et regarde

Le service des parcs et promenades de la Ville

de Lausanne a créé un jeu de cartes des fa­

milles, dans le but d’inviter les enfants à être

attentifs à la nature et à respecter plantes et

animaux. Les petits sont ainsi incités à ramas­

ser leurs déchets, à ne pas casser les bran­

ches et à tenir les chiens en laisse. Le jeu a

été lancé à l’occasion des journées publiques

organisées à Sauvabelin fin octobre 2009 pour

présenter les projets de mise en valeur du lac,

qui comprennent notamment une renaturation

de l’étang.

> Commande: Service des parcs et promenades

de la Ville de Lausanne, 021 315 57 15

Impressum 1/10, février 2010 / Le magazine environnement paraît quatre fois par an; l’abonnement est gratuit; n° ISSN 1424-7135 / Editeur: Office fédéral de l’environnement

(OFEV). L’OFEV est un office du Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) / Direction du projet: Bruno Oberle,

Thomas Göttin / Conception, rédaction, production: Georg Ledergerber (direction); Lucienne Rey et Kathrin Schlup (coordination du dossier Nature, culture et styles de vie);

Hansjakob Baumgartner, Luc Hutter (version en ligne), Beat Jordi, Gregor Klaus, Cornélia Mühlberger de Preux; Valérie Fries (secrétariat de la rédaction) / Collaborations externes: Oliver

Graf, Anna Hohler, Serge K. Keller, Arthur Mohr; Peter Bader et Nicole Bärtschiger (rubriques); Danielle Jaurant (coordination et rédaction linguistique de la version française) / Traduc­

tions: Anne Anderson, André Carruzzo, Nadine Cuennet, Stéphane Cuennet (éditorial, rubriques), Milena Hrdina, Tatiana Kolly, Stéphane Rigault, Catherine Trabichet / Réalisation et mise

en page: Atelier Ruth Schürmann, Lucerne / Délai rédactionnel: 7 décembre 2009 / Adresse de la rédaction: OFEV, Communication, rédaction environnement, 3003 Berne,

tél. 031 323 03 34, fax 031 322 70 54, [email protected] / Langues: français, allemand; italien (extraits) uniquement sur Internet / En ligne: sauf les rubriques, le contenu du

magazine se retrouve sur www.environnement-suisse.ch/magazine / Papier: Cyclus Print, 100 % de vieux papier sélectionné / Tirage: 17 500 environnement, 46 000 umwelt /

Impression et expédition: Zollikofer SA, 9001 Saint-Gall, www.swissprinters.ch / Abonnement gratuit, changement d’adresse et commande de numéros supplémentaires:

environnement, Zollikofer SA, service lecteurs, 9001 Saint-Gall, tél. 071 272 74 01, fax 071 272 75 86, [email protected], www.environnement-suisse.ch/magazine /

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environnement 1/2010 61

Page 62: Magazine «environnement» 01/2010 - Entre nature et culture

Environnement 1-10.indd Abs1:62Environnement 1-10.indd Abs1:62 8.2.2010 8:41:24 Uhr8.2.2010 8:41:24 Uhr

A l’offi ce

Programme Bâtiments: assainir, profi ter et réduire le CO2

Depuis le début de cette année, les propriétaires immobiliers peuvent solliciter des subventions auprès

du Programme Bâtiments de la Confédération et des cantons. D’une durée de dix ans, celui-ci doit fa­

voriser l’assainissement énergétique des immeubles et le recours aux énergies renouvelables. Grâce

à l’affectation partielle de la taxe sur le CO2 et aux programmes cantonaux d’encouragement, 280 à

300 millions de francs sont disponibles chaque année.

Les propriétaires peuvent ainsi gagner sur trois tableaux: ils obtiennent une subvention, réduisent

durablement leurs dépenses de chauffage et contribuent de manière significative à la protection du cli­

mat. Lorsqu’on assainit un bien immobilier de manière adéquate, la diminution des besoins en chauf­

fage et des rejets de CO2 peut atteindre 50%. Simultanément, la valeur vénale de l’objet s’accroît.

Le Programme Bâtiments prend le relais du soutien apporté par le centime climatique. Désormais,

on encourage également l’assainissement d’éléments particuliers (remplacement de fenêtres ou isola­

tion thermique des murs, du toit et des sols). Le site www.leprogrammebatiments.ch fournit de plus

amples renseignements. Les personnes intéressées y accéderont en quelques clics aux formulaires de

demande. Le programme est une œuvre commune des cantons et de la Confédération, avec le concours

de l’OFEV, notamment.

Deux chefs de division ont pris leur retraite Deux collaborateurs de longue date ont récemment quitté l’OFEV pour raison d’âge: Georg Karlaganis et Arthur Mohr.

Georg Karlaganis dirigeait la division Substances, sol, biotechnologie. Chimiste, il était passé de l’Uni­

versité à l’Office fédéral de la protection de l’environnement en 1987 et y avait repris la direction

de la division chargée des substances et de la protection des sols. Après plus de 22 ans de service,

son bilan est considérable: c’est lui qui a lancé le registre de polluants SwissPRTR (voir page 55) et

défini les bases de l’ordonnance sur la dissémination dans l’environnement, qui règle la question des

organismes génétiquement modifiés. Avec son équipe, il a également joué un rôle déterminant dans

l’élaboration de la banque de données sur les polluants du sol NABODAT et la réalisation du plan

d’action « Evaluation et gestion des risques associés aux nanoparticules synthétiques ». En tant que

professeur honoraire, il continue à suivre les travaux des étudiants à l’Université de Berne.

Arthur Mohr a dirigé la division Climat, économie et observation de l’environnement jusqu’en 2008.

En 1978, il a été le premier économiste à entrer à l’Office fédéral de la protection de l’environne­

ment. Son intérêt marqué pour les relations entre l’environnement, la société et l’économie lui a

permis, entouré de ses collaborateurs, de mettre en place des domaines essentiels de la politique de

l’office. Jusqu’à sa retraite, il est resté à la disposition de l’OFEV comme conseiller. Il s’est notamment

consacré à l’analyse exhaustive des rapports entre pollution, politique environnementale et culture

(voir aussi page 7).

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Portrait

La passion des papillons: le dessinateur bernois Hans-Peter Wymann. Photo: OFEV/AURA, E. Ammon

Un illustrateur de la richesse du vivant Hans-Peter Wymann vit entouré d’ailes délicates et colorées. Trois jours par semaine, cet institu­teur de Jegenstorf (BE) travaille au Musée d’his­toire naturelle de Berne comme illustrateur scientifique. Il y dessine des papillons. En un quart de siècle, il a ainsi couché sur le papier les voilures d’écaille de quelque 4000 créatures. Son œuvre reflète la richesse de cet ordre d’insec­tes. Elle illustre de manière exemplaire, en cette Année internationale de la biodiversité, ce que la notion recouvre. En effet, les lépidoptères réa­gissent de manière sensible aux modi fi cations de leur environnement et servent ainsi d’indi­cateurs fiables. « Un monde sans papillons ne serait pas seulement plus triste », dit M. Wymann, « il serait aussi moins accueillant pour de nom­breux autres êtres vivants. »

L’ordre des lépidoptères compte quelque 3700 espèces en Suisse, dont à peine 200 de papillons diurnes. Certaines, que l’on ne rencontrait qu’en Valais ou sur le versant méridional du Jura il y a peu, profitent désormais du réchauffement climatique pour coloniser le Plateau. A l’aide d’un fin outillage de dessinateur et de peintre,

Hans-Peter Wymann reproduit des noctuelles (Noc tuidae). S’il parvient à terminer une feuille par jour (ou parfois deux ), il est satisfait. Mais pourquoi, à l’ère de l’image numérique, les scien­ti fiques continuent-ils de croquer à la main des centaines de papillons? « La photographie esca­mote de nombreux détails », explique l’artiste. Malgré la qualité de certains clichés, les fi nesses qui permettent de distinguer les diverses espèces sont plus faciles à représenter par le dessin. L’il­lustrateur scientifique peut les décrire dans une langue accessible au lecteur.

Lorsqu’on lui demande quel est son papillon préféré, M. Wymann hésite un instant. « Actuel­lement, je dirais Pieris mannii, la piéride de l’ibé­ride », finit-il par répondre. « C’est une espèce méditerranéenne que nous avons rencontrée dans l’Oberland bernois pour la première fois l’an passé. » Pour le reste, il n’a pas vraiment de favori. « Même les espèces les plus discrètes ont leurs beautés particulières. »

Walter Däpp

www.environnement-suisse.ch/magazine2010-1-13

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> Actuellement sur le site de l’OFEV: manifestations 2010 sur le thème « Culture et environnement » www.environnement-suisse.ch/manifestations-culturelles 2010, Année internationale de la biodiversité www.environnement-suisse.ch/biodiversite2010