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Fédération des Organisations Service du soutien aux politiques agricoles, Non-ouvernementales du Sénégal Organisation des Nations Unies pour (FONGS) l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) Thiès, Sénégal Rome, Italie Téléphone: 221 951 12 37 Téléphone: 39 06 5705 4838 Fax: 221 951 20 59 Fax: 39 06 5705 5107 e-mail: [email protected] e-mail: [email protected] Juillet 1999 Projet TCP/6713/SEN FONGS/FAO Renforcement des capacités techniques et d’analyse des Organisations paysannes Formation en matières de politiques agricoles Manuel 2 : Politiques agricoles Les instruments stratégiques de politique agricole

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Fédération des Organisations Service du soutien aux politiques agricoles, Non-ouvernementales du Sénégal Organisation des Nations Unies pour (FONGS) l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) Thiès, Sénégal Rome, Italie Téléphone: 221 951 12 37 Téléphone: 39 06 5705 4838 Fax: 221 951 20 59 Fax: 39 06 5705 5107 e-mail: [email protected] e-mail: [email protected]

Juillet 1999

Projet TCP/6713/SEN

FONGS/FAO Renforcement des capacités techniques et d’analyse des Organisations paysannes

Formation en matières de politiques agricoles

Manuel 2 : Politiques agricoles

Les instruments stratégiques de politique agricole

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Manuel 2 : Les instruments stratégiques de politique agricole

1 PROJET FAO/FONGS (TCP/SEN/6713)

Préface Ce manuel de formation a été conçu dans le cadre du projet TCP/6713/SEN financé par le programme de Coopération Technique (PCT) de l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO). Ce projet qui a débuté en septembre 1997 à la demande du gouvernement sénégalais, consiste en un appui technique de la FAO au Conseil de Coordination et de Coopération des Ruraux (CNCR) et à la Fédération des Organisations Non Gouvernementales du Sénégal (FONGS) et vise le renforcement des capacités techniques et d’analyse de ces organisations paysannes. Ce renforcement des capacités techniques des organisations paysannes prend tout son sens dans le contexte du désengagement de l’état, du processus de décentralisation et de restructuration des services agricoles où les producteurs sont de plus en plus impliqués dans les processus de décisions qui les conduisent à formuler et mettre en œuvre les politiques agricoles en collaboration avec leur gouvernement. Ce deuxième ouvrage sur les instruments stratégiques des politiques agricoles, est issu d’une série d’activités menées en collaboration entre plusieurs divisions techniques de la FAO, l’Unité de Politique Agricole (UPA) du Ministère de l’Agriculture sénégalais, le CNCR et la FONGS pendant 2 ans. Ce manuel a été élaboré pour permettre à l’équipe de formateurs de la FONGS de créer et d’adapter des matériaux pédagogiques en langue locale pour l’organisation de formation avec les agriculteurs. Il est donc destiné à un public non spécialisé ayant cependant quelques connaissances sur l’agriculture et les politiques agricoles. Il pourra aussi être utilisé avec profit par des fonctionnaires ou des représentants de la société civile qui ne souhaitent pas rentrer dans des détails trop techniques mais souhaitent avoir une compréhension globale des enjeux et des questions liées aux politiques agricoles et économiques et à leur formulation. De même, des enseignants du secondaire ou du premier cycle universitaire pourraient utiliser cet ouvrage pour des présentations à caractère général.

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2 PROJET FAO/FONGS (TCP/SEN/6713)

L’objectif de ce manuel est de présenter les instruments de politiques agricoles. Le premier chapitre est tout naturellement consacré aux instruments de politiques qui interviennent sur les prix des marchés agricoles. Le second chapitre est consacré aux instruments de politiques d’accompagnement qui permettent de renforcer le développement de l’agriculture et qui peuvent accompagnés les mesures de politiques présentées au chapitre 1. Le troisième chapitre est consacré aux politiques de crédit et leur lien avec le développement de l’agriculture. Enfin, le dernier chapitre présente les filières agricoles et agro-alimentaire comme moyen de coordination et de création de valeur ajoutée. Ce manuel de formation traduit la volonté de la FAO de s’impliquer de manière croissante dans le soutien et l’assistance technique à tous les acteurs de la société civile. Nous espérons qu’il permettra aux professionnels agricoles du Sénégal, d’avoir une meilleure compréhension de leur environnement économique national et international afin qu’ils puissent pleinement jouer leur rôle dans l’élaboration de politiques agricoles qui prennent en compte les contraintes et les opportunités générées dans ce nouveau contexte.

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3 PROJET FAO/FONGS (TCP/SEN/6713)

Sommaire Chapitre 1: Instruments de politique agricole agissant directement sur les prix p.4 Le rôle des prix p4. Instruments macro-économiques p.7 Instruments fiscaux p.9 L’aide alimentaire p.12 Limite des politiques agissant directement sur les prix p.12 Chapitre 2: Mesures d’intervention complémentaires aux politiques de prix p.16 Le rôle des mesures complémentaires p.16 Identification et choix des mesures complémentaires : un cadre conceptuel p.17 Domaines et mesures d’intervention p.26 Chapitre 3: Politiques de crédit et de finances rurales p.35 Le contexte macroéconomique des politiques de crédit p.35 Du crédit agricole aux finances rurales p.38 Chapitre 4: La filière comme outil de gestion de l’économie agricole p.48 Qu’est ce qu’une filière ? p.48 L’approche filière pour mieux comprendre le fonctionnement de l’économie agricole p.49 L a filière : un cadre de gestion de l’économie agricole p.53 Les limites de l’approche filière p.55 Conclusion p.56 Annexes

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Chapitre 1

Instruments de politique agricole agissant directement sur les prix

Le rôle des prix Dans une économie de marché1, les prix jouent trois rôles

principaux: • ils sont un facteur essentiel de choix de production pour les

producteurs et de consommation pour les consommateurs; • ils contribuent à la répartition des revenus entre agents

économiques; • ils déterminent les domaines vers lesquels l’investissement va

être orienté. Par rapport au choix des producteurs et des consommateurs, ce qui compte le plus n’est pas le niveau absolu des prix, mais leur niveau relatifs. Par exemple, un producteur ne sera prêt de diminuer sa superficie en arachide pour produire du maïs, que si le prix du maïs est très intéressant par rapport à celui de l’arachide. De même, le consommateur diminuera par exemple sa consommation de riz en faveur d’une autre céréale, si le prix du riz augmente de façon importante par rapport au prix de cette autre céréale. Bien entendu, le prix n’est pas la seule variable déterminant les choix des producteurs et consommateurs, mais c’est certainement un élément de plus en plus important, au fur et à mesure que se développe l’accès et la participation au marché des agents économiques.

1 voir cadre No.1

Objectifs du chapitre Les objectif de ce chapitre sont: • de préciser l’importance des prix dans une économie de marché; • de passer en revue divers instruments de politique agissant directement sur les prix tout

en indiquant l’impact probable sur les prix, les producteurs et les consommateurs.

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Les prix déterminent aussi la répartition des revenus entre agents économiques. Il est clair qu’au moment de l’échange entre un producteur et un commerçant, plus le prix reçu par le producteur sera élevé, plus son revenu sera élevé. Inversement, toute augmentation du revenu du producteur se fera au détriment du commerçant2. Le prix sera fixé par négociation entre producteurs et commerçants. Pour que le prix reflète la valeur réelle du produit, il faut qu’il y ait concurrence entre plusieurs producteurs et plusieurs commerçants. Au cas où il n’y aurait qu’un seul commerçant, celui-ci constituant l’unique débouché pour les producteurs, pourrait profiter de cette situation pour payer un prix excessivement bas aux producteurs.

Enfin, des prix relativement favorables à l’agriculture, par rapport l’industrie ou au commerce, auront tendance augmenter les profits dans l’agriculture, et à attirer des investisseurs. Au contraire, des prix bas risquent de faire baisser l’investissement agricole, d’entraîner une agriculture plus extensive et de pousser la population à se consacrer des activités non-agricoles, voire migrer de façon irréversible vers les villes.

Le niveau (même relatif) des prix n’est pas le seul aspect qui influence les opérateurs économiques. Leur variation est un autre aspect important. Un prix très variable d’une année sur l’autre constitue un risque et peut décourager la production. Des prix très stables tout au long de l’année, au contraire, découragent ceux qui font l’effort de stocker le produit.

2 le commerçant cherchera bien entendu à répercuter toute augmentation du prix au producteur au niveau du

consommateur en augmentant son prix de vente, mais cette répercussion ne sera que partielle et dépend des condition du marché, notamment de l’ouverture du marché sur l’extérieur.

Cadre 1: Qu’est-ce qu’une économie de marché? Une économie de marché est une économie où les échanges sont fondés sur des prix résultant de l’interaction d’une multitude de choix de produire effectués par les producteurs et de consommer effectués par les consommateurs. Cette notion s’oppose à celle d’une économie où les prix sont fixés par l’état et/ou la production et la consommation sont déterminées par d’autres facteurs (par exemple: objectifs de production imposé par l’état, consommation fondé sur le rationnement ou la tradition, etc.).

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De ce qui vient d’être dit, il est clair que les prix sont un facteur important conditionnant le comportement des agents économiques. Ce sont aussi des facteurs que l’état peut relativement facilement influencer par des mesures de politiques. Dans ce texte, nous allons brièvement passer en revue les divers instruments à la disposition de l’état pour influencer directement les prix, et part conséquent la production agricole, le revenu ainsi que le niveau d’investissement dans le secteur.

3 Prix FOB (Free On Board: à l’embarquement) : prix mondial - frais de transport et d’assurance

(exportations) 4 Prix CAF (Coût Assurance et Fret): prix mondial + frais de transport et d’assurance (importations)

Cadre 2: Comment les prix sont-ils déterminés? Les prix, dans un marché libre, sont le résultat d’un processus de négociation entre le vendeur et l’acheteur. Cette négociation s’opère cependant à l’intérieur d’une fourchette de prix déterminée par les conditions objectives de l’offre et de la demande pour le produit concerné. Du point de vue de l’offre, à un prix de marché donné, seuls les producteurs dont le prix de revient est inférieur au prix du marché peuvent l’approvisionner de façon durable (en faisant des bénéfices). Ceux des producteurs dont les coûts de production sont plus élevés opéreront à perte et, à terme, chercheront à produire d’autres biens pour lesquels le marché sera plus favorable. Du point de vue de la demande, plus les prix seront élevés, moins les consommateurs seront prêts à le payer pour satisfaire leurs besoins. Plus les prix d’un produit augmentent, plus nombreux seront les consommateurs qui se détourneront du produit concerné pour acheter autre chose. A l’intérieur d’un pays, considéré comme un système fermé, les forces de l’offre et de la demande tirent donc les prix dans des directions opposées, et leur interaction aura tendance à aboutir à la fixation d’un prix où l’offre et la demande seront égales. En fait, les pays sont en général ouverts sur l’extérieur et ils échangent leurs produits avec le reste du monde. Le prix mondial et l’offre et la demande extérieure au pays agiront alors aussi sur le prix observé sur le marché local. Pour un produit librement exporté, le prix intérieur sera égal au prix mondial FOB3 ajusté des éventuelles taxes ou subventions à l’exportation. Pour un produit importé le prix intérieur sera égal au prix mondial CAF4 ajusté des éventuelles taxes ou subventions à l’importation.

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Instruments macro-économiques

Les principaux instruments macro-économique influençant les prix sont (i) le taux de change; (ii) le taux l’intérêt; et (iii) les instruments de la politique de commerce extérieur.

Le taux de change Le taux de change détermine le prix des produits offerts ou demandés sur le marché mondial en monnaie nationale. L’importance du taux de change s’est bien vu au moment de la dévaluation du Franc CFA: les prix locaux des produits importés ont augmenté immédiatement et les recettes d’exportation (en FCFA) ont également augmenté5. Ceci a eu pour conséquence une tendance générale à l’augmentation des prix relatifs des produits échangés par rapport à ceux non-échangés (services notamment). En général, on estime qu’une dévaluation est favorable aux prix relatifs agricoles, et à la rentabilité financière de l’agriculture (ceci est d’autant plus vrai que l’agriculture utilise relativement peu d’intrants importés). L’état dispose cependant de certains mécanismes qui peuvent réduire la transmission des effets de la dévaluation sur les prix observés dans le pays. En absence d’intervention de l’état, l’effet d’une variation du taux de change peut être très fort.

Le taux d’intérêt Le taux d’intérêt est le prix de l’argent. Une augmentation du taux d’intérêt contribue à l’augmentation des charges des exploitations endettées et à la réduction de leur bénéfice. Ces exploitations chercheront donc à augmenter le prix de leurs produits pour maintenir leur bénéfice. Il n’est cependant pas certain qu’elles y parviennent: cela dépend de la nature du marché et notamment de son degré d’ouverture vers le marché mondial. Il faut note également que cette hausse aura comme effet bénéfique d’encourager l’épargne et d’orienter l’investissement vers les activités les plus rentables

Les instruments du commerce extérieur

Dans une situation de commerce extérieur totalement libéralisé, les prix observés dans le pays pour les produits échangés varient en fonction du prix mondial. Il est cependant rare d’observer une telle situation de libéralisation totale dans la réalité, la plupart des pays intervenant d’une façon où une autre sur leurs échanges extérieurs. Les tarifs ou taxes à l’importation viennent s’ajouter au prix mondial. Ils contribuent à augmenter les prix intérieurs. En ce sens ils constituent une protection pour les producteurs nationaux et une taxe sur les consommateurs.

Les taxes à l’exportation captent une partie des recettes obtenues 5 il faut noter cependant qu’une dévaluation s’accompagne presque toujours d’inflation qui a pour effet de

diminuer l’augmentation “réelle” des prix, c’est la raison pour laquelle la dévaluation pour être efficace doit être accompagnée de mesures anti-inflation (contrôle de l’offre de monnaie et des dépenses publiques).

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par les ventes sur le marché mondial. Elles contribuent donc à diminuer le prix domestique pour le produit concerné et agissent comme taxes sur les producteurs et subvention pour les consommateurs.

Les quota d’importation sont une limitation des quantités importées. Ils tendent à limiter l’offre disponible sur le marché intérieur et par conséquent ont pour effet d’augmenter les prix. Ce sont donc des mesures déguisées de protection des producteurs et de taxation des consommateurs, comme les tarifs. Ces quotas peuvent être soit géré directement par un organisme public ayant le monopole de l’importation, soit par un système de licences d’importation.

Les quota d’exportation sont une limitation (en général imposée par des accords internationaux) des exportations. Ils contribuent, en limitant l’offre extérieure, à une diminution des prix domestiques et sont donc équivalents à une taxe d’exportation (sauf qu’ils ne constituent pas une recette pour l’état!). Les interdictions d’exporter, et dans certains cas les monopoles d’état de l’exportation, ont un effet similaire.

Les dépôts de garantie sont une obligation pour les importateurs de déposer auprès d’un organisme financier un montant équivalent à une proportion de la valeur des importations qu’ils comptent effectuer. Ce sont là sont d’autres mesures réduisant les importations et agissant comme des tarifs, et contribuant donc à une augmentation des prix intérieurs

Les obligations de change imposent aux exportateurs de convertir en monnaie locale une partie au moins de leur recettes d’exportation en monnaie locale. Pour les exportations ces obligations peuvent agir comme freins aux exportations et contribuer à une diminution des prix intérieurs.

Les règles sanitaires et phytosanitaires peuvent constituer des mesures protectionnistes déguisées et ainsi contribuer à protéger les produits nationaux et augmenter leur prix intérieur.

En vue de stabiliser leur prix domestiques, certains pays à politique des échanges extérieurs libérale adoptent des mesures de stabilisation des prix de frontière connue sous la dénomination de bandes de prix. La taxe d’importation ou d’exportation est ajustée la baisse ou à la hausse pour réduire l’impact de fortes variations du prix mondial. On peut s’assurer que le système ne constitue pas une mesure de protection (importations) ou de taxation (exportations) supplémentaires en calculant l’ajustement des taxes en fonction d’une moyenne du prix mondial calculée sur une période

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suffisamment longue (60 mois), et en déclenchant cet ajustement que si la variation du prix mondial dépasse la moyenne calculée de plus d’un pourcentage prédéterminé. Dans le passé, d’autres systèmes de stabilisation ont souvent abouti soit à une taxation trop importante des exportations soit à des coûts trop importants qui ont grevé de façon excessive le budget de l’état.

Les instruments fiscaux

Les taxes

Les taxes sur les produits et le intrants agricoles ont un effet direct sur les prix de ces produits sur le marché intérieur. Ces taxes, surtout appliquées aux produits d’exportation, ont été traditionnellement une source majeure de revenu pour les états. Elles peuvent être levées à différents niveaux de la filière: pour des raisons de commodité, les taxes sur les produits exportés sont souvent simplement des taxes à l’exportation (plus facile à gérer). Les taxes sur les intrants agricoles font augmenter les prix de ces produits pour le producteur agricole et lui sont donc défavorables. Elles tendent à réduire l’utilisation d’intrants par les agriculteurs ce qui peut avoir des conséquences graves sur la production et le revenu des producteurs, et un effet considérable sur la conservation des ressources naturelles6. D’ailleurs, un nombre croissant de pays font recours à des taxes sur l’utilisation de ressources naturelles ou des taxes compensatoires pour la pollution de l’environnement: ces taxes ont pour vertu de réguler l’utilisation des ressources naturelles et leurs recettes peuvent servir à recouvrer les coûts encourus (cas d’infrastructure d’irrigation) et de financer des mesures de protection de l’environnement. Ces taxes peuvent être perçues par l’état central ou par les collectivités locales.

Les subventions L’état a souvent eu recours à des subventions sur les produits agricoles, surtout alimentaires, en vue d’en abaisser le prix à la consommation. La politique des prix subventionnés pour les produits alimentaires a en général surtout bénéficié aux consommateurs résidant dans les zones urbaines et aux secteurs autres qu’agricole qui les employaient. Les subventions (directes ou par l’intermédiaire de subventions sur les intrants) peuvent aussi servir à encourager la production ou l’intensification de la production de certains produits agricoles qui autrement ne seraient pas très rentables financièrement, ce qui réduit l’efficacité économique du secteur. Ces politiques de subvention sont en perte de vitesse du fait des restrictions budgétaires que subissent la plupart des états. Mis à part leur poids très important dans le budget, ces politiques pouvaient aussi entraîner la prolifération d’activités de production non efficaces. De plus, les subventions sur les produits ont en général un caractère socialement régressif, sauf si

6 Cet effet peut être néfaste, dans les pays où l’utilisation d’intrants est faible (perte de fertilité du sol,

extension des superficies et mise en culture de terres marginales) ou bénéfique en cas d’utilisation excessive d’intrants (réduction de la pollution de l’eau et des phénomènes d’acidification de la terre).

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elles sont bien ciblées: ce sont en effet les plus gros producteurs qui le plus souvent bénéficient davantage des subventions. La tendance, à l’heure actuelle est de limiter le plus possible les subventions agissant directement sur les prix au profit de paiement direct aux producteurs auxquels on veut venir en aide. Ceci permet de mieux cibler l’aide et évite d’influencer le fonctionnement des marchés. D’après les experts en économie, il est préférable de taxer où subventionner les producteurs agricoles en utilisant des outils qui ne soient pas liés directement à une culture. Ainsi, un système de taxation sur la terre ou un système de subvention par actif agricole peut générer des ressources où venir en aide à des producteurs pauvres sans influencer les choix de production des producteurs qui fonderaient leur choix sur les indications du marché. Il faut cependant noter que de tels instruments d’intervention qui n’agissent pas directement sur les prix demandent une bonne organisation et sont relativement coûteux à mettre en oeuvre.

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Cadre 3: Politiques sectorielles ou politiques par produits? Il faut être conscient que le choix entre une approche sectorielle ou une approche par produits n’est pas neutre en matière de politiques des prix agricoles. Approche sectorielle Une approche sectorielle implique de définir des règles générales pour tous les produits agricoles: même fiscalité, mêmes règles pour le commerce extérieur, etc. Tous les produits étant logés à la même enseigne, leurs prix relatifs seront alignés sur les cours mondiaux: c’est là une approche qui privilégie le marché et caractérise une économie ouverte cherchant à utiliser ses ressources au mieux par rapport aux conditions du marché international . Approche par produits L’approche par produit, au contraire traite chaque produit différemment, protégeant ou taxant un produit selon des critères particuliers. Les prix relatifs des produits seront donc différents de ceux existant si l’on suit une approche sectorielle, et par conséquent la composition de la production agricole nationale sera différente. La conséquence d’une telle politique est d’entraîner une augmentation de la production des produits les plus protégés au détriment de la production des produits qui le sont moins. La modification de la structure de la production ainsi induite peut avoir des effets sociaux positifs mais se traduira par une croissance de la production moins importante et une balance commerciale agricole moins bonne (moins excédentaire ou plus déficitaire).Une approche par produit a également pour conséquence de favoriser certaines catégories de producteurs ou certaines zones de production spécialisées au détriment d’autres.

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Les investissements et autres mesures de

facilitation

L’état peut également utiliser ses ressources fiscales pour financer d’autres moyens d’intervention sur le secteur agricole qui affectent indirectement les prix agricoles: il s’agit là notamment d’investissement dans les infrastructures, la mise en place d’institutions et de mécanismes permettant un fonctionnement plus efficace du marché. L’état finance également des activités de vulgarisation, de recherche et d’autres biens et services qui sont mis à disposition du secteur et qui affectent les prix de façon souvent très indirectes : elles seront discutées dans un autre document.

L’aide alimentaire La méthode de disposition de l’aide alimentaire peut influencer grandement les prix des produits agricoles. Bien que le volume de l’aide alimentaire est relativement modeste au Sénégal (1 à 2% des disponibilités) il peut avoir un effet sur les prix. Une distribution gratuite ou fortement subventionnée pendant une période critique peut ainsi abaisser fortement le prix de marché et peut éventuellement dissuader les opérateurs économiques de faire le stockage et le commerce de certains produits. La façon la plus neutre de mettre en marché l’aide alimentaire est de la mettre en vente sur le marché de façon progressive, les recettes pouvant être utilisée pour créer des infrastructures utiles à l’agriculture. Cette mise en marché affectera le prix du marché et tous le consommateurs en profiteront. Alternativement, le gouvernement peut décider de distribuer l’aide alimentaire à des groupes plus ciblés particulièrement défavorisés ou dans des zones sinistrées. Le marché en sera affecté seulement indirectement (diminution de la demande des groupes bénéficiaires et revente éventuel d’une partie des produits distribués).

Limite de politiques agissant directement

sur les prix

L’expérience montre que les producteurs agricoles sont sensibles aux variations des prix agricoles. La réaction des producteurs à une variation des prix de certains produits agricoles fortement commercialisés (notamment les produits d’exportation) peut être très forte, même à court terme. La production agricole totale, ne réagit que peu à une variation des prix dans le court terme. Une telle variation n’influence le niveau de production que si elle est confirmée dans le temps: ses conséquence peuvent mettre plusieurs années à se concrétiser.

Il faut s’accorder à dire que le prix n’est qu’un des facteurs expliquant l’évolution de la production agricole, surtout dans une agriculture dominée par les petites et moyennes exploitations à caractère traditionnel. Ces exploitations n’ont en général pas comme seul objectif la rentabilité financière: la réduction du risque d’un déficit alimentaire grave y est souvent l’objectif dominant. De plus ces exploitations rencontrent beaucoup de contraintes limitant leur capacité de réponse aux incitations du marché: manque d’accès au marché, à l’information et la formation, difficulté d’accès aux

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intrants, manque de capacité financière et de technologies bien adaptées aux petites exploitations, faiblesse du niveau de formation, problèmes de santé, et, accès limité au facteur primortdial de production, la terre.

Il faut noter que les conséquences de l’augmentation des prix agricoles sur la gestion des ressources naturelles et l’environnement peuvent être très importantes. Le cadre 3 en présente les principales telles qu’identifiées par Cleaver.

Cette situation suggère autant d’autres domaines auxquels les politiques doivent s’attaquer afin de créer un environnement économique favorable à la croissance du secteur agricole. Ces domaines sont traités dans le chapitre 2 de ce manuel.

Tableau des impacts probables des instruments de politique agricoles agissant

directement sur les prix

Cadre 4

(basé sur Cleaver 1985)

Possibles impacts sur l’environnement d’une augmentationdes prix agricoles

Augmentation des prix aux producteurs

Réaction des producteurs

Changement de lastructure de la production

Substitutionentre culturescommerciales

L’impactdépend de

La nature descultures favorisées etleur impact surl’environnement etdes techniques deconservation

Substitution entrecultures commerciales

et cultures vivrières

L’impactdépend de

La nature descultures favorisées etleur impact surl’environnement etdes techniques deconservation

Le déplacementde la productionvivrière vers deszonesmarginales

Augmentation de laproduction totale

Dans le casd’une agriculture

intensive

Dans le casd’une agriculture

extensive

Possibilité dedégâts dus aux

intrants (engrais,eau, pesticides)

Risque dedéforestation et

d’érosion

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Manuel 2: Les instruments d’une politique agricole Chapitre 1: Instruments de politique agricole agissant directement sur les prix

PROJET FAO/FONGS (TCP/SEN/6713) 14

Impacts Instruments

Prix Impact sur producteurs

Impact sur consommateurs

Dévaluation

augmentent

favorable

défavorable

Taux d’intérêt ? défavorable défavorable Tarif

augmentent

favorable

défavorable

Taxe sur exportations baissent défavorable favorable Quota sur exportations baissent défavorable favorable “ sur importations augmentent favorable défavorable Dépôt de garantie augmentent favorable défavorable Obligation de change baissent défavorable favorable Bandes de prix

moins de risques

prix + stables

Taxes sur produits

augmentent

défavorable

défavorable

Taxes sur intrants ? défavorable ? Subventions sur produits

baissent

?

favorable Aide alimentaire

baissent

défavorable

favorable

Schéma récapitulatif

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PROJET FAO/FONGS (TCP/SEN/6713) 15

Pays

Frontière

Aide Alimentaire

Marché Mondial

Taux de changeTarifsQuota

Taxe exportationRègles sanitaires et

phytosanitairesBandes de prix

Taux d’intérêtTaxes sur produitsTaxes sur intrants

Subventions sur produitsSubventions sur intrants

Taxes sur ressources

Dépot de garantieObligation de change

Taxes sur produisSubventions sur produits

Taux d’intéretTaxes sur produis

Subventions sur produits

Producteurs

Consommateurs

Exportateurs/Importateurs

Commerçants/Transformateurs

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Chapitre 2

Mesures d’intervention complémentaires aux politiques des prix

Le rôle des mesures

complémentaires

Les raisons pour lesquelles les Gouvernements font recours aux mesures complémentaires aux politiques des prix ont déjà été expliquées dans le manuel 1, chapitre 1 “Politiques économiques: une politique agricole dans son contexte national et international – Stratégies, politiques, programmes et projets”. Nous nous limiterons ici à rappeler les deux raisons les plus importantes et à souligner dès à présent que les politiques des prix et les mesures complémentaires sont toutes les deux des conditions nécessaires mais non suffisantes pour atteindre les objectifs de développement d’un pays donné. Une politique de libéralisation des prix, par exemple, pourrait ne pas atteindre les objectifs souhaités tant que subsistent des obstacles non liés directement au marché, tels que une circulation insuffisante de l’information sur les marchés ou une mauvaise infrastructure des transports. Les mesures complémentaires sont nécessaires pour deux raisons principales: (i) le marché n’est pas toujours en mesure de prendre en compte la juste valeur des ressources employées dans les activités de production, transformation et consommation (défaillances du marché). Ceci est vrai surtout pour les ressources naturelles et l’environnement, la valeur économique desquels est souvent sous-estimée; (ii) l’objectif principal des politiques de marché est de créer les conditions pour optimiser l’efficience dans l’allocation des ressources économiques du pays, alors que les objectifs de développement d’un pays peuvent avoir une dimension autre que économique, notamment sociale, politique, stratégique, environnementale. Le concept de développement durable, par exemple, suggère que les politiques de développement devraient viser à atteindre un équilibre entre trois fonctions/objectifs différents, souvent en conflit entre eux: efficience économique, préservation de l’environnement, équité sociale.

Objectifs du chapitre • préciser le rôle des mesures d’intervention complémentaires aux politiques des prix ; • définir un cadre conceptuel pour l’identification des mesures d’intervention de l’état ; • proposer une revue des domaines ainsi que des mesures d’interventions principales ; Ce chapitre complète la revue et l’analyse des mesures que le Gouvernement a à disposition pour améliorer le fonctionnement du marché et atteindre ses objectifs de développement. Alors que les chapitres 1 et 3, respectivement “Instruments de politique agricole agissant sur les prix” et “Politique de crédit et finances rurales”, se sont concentrés sur les politiques des prix et de marché proprement dites, le chapitre 2 sera consacré tout particulièrement aux mesures complémentaires aux politiques des prix.

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En bref, l’on peut affirmer que le rôle des mesures complémentaires est d’une part d’“aider” les politiques des prix et de marché à mieux fonctionner, et de l’autre de créer un environnement propice pour atteindre des objectifs non directement économiques mais tout aussi importants.

Identification et choix

des mesures complémentaires :

un cadre conceptuel

Une panoplie de mesures complémentaires sont à disposition du Gouvernement pour assurer les deux rôles rappelés ci-dessus. L’identification et le choix des mesures les plus appropriées dépendront de plusieurs facteurs. En premier lieu des nombreuses fonctions exercées par l’agriculture. Ensuite des priorités de développement que s’est donné un pays (par exemple, sécurité alimentaire, réduction de la pauvreté) et des contraintes qui en entravent la réalisation (par exemple, niveau de scolarisation des agriculteurs, insuffisance des infrastructures, etc.). Enfin des interactions entre l’agriculture et toutes les autres activités en amont (approvisionnement en intrants et équipement) et en aval (transformation, commercialisation, consommation, etc.) de la production, au niveau local (district/sous-région) et national. Les interactions, à leur tour, seront influencées par les facteurs de développement: capital naturel, capital technique, capital humain (savoirs locaux), capital social (institutions), ainsi que par le fonctionnement du marché. En fonction de tous les éléments évoqués, les mesures d’intervention choisies pourront avoir un effet à court, moyen ou long terme. Une représentation graphique de ce cadre complexe est offerte par la Fig. 1. Trois dimensions principales à la base du développement des systèmes agricoles et ruraux peuvent être retenues: les facteurs de développement, le fonctionnement de la production, les objectifs/fonctions des systèmes agricoles. Pour des raisons de simplification, il a été décidé, dans ce document, de restreindre l’examen aux mesures adressées directement au secteur agricole et au monde rural, en les isolant du monde extérieur. Toutefois, il ne faut pas oublier, comme il ressort clairement des manuels 1 et 3, ainsi que des autres chapitres de ce manuel, que le secteur agricole agit à l’intérieur d’un environnement composé par d’autres secteurs économiques avec lesquels l’agriculture entretien des relations plus ou moins intenses. Il en découle que toute intervention du gouvernement, indépendamment du secteur (agricole ou non) ou du niveau (local, district, national) auquel elle est mise en place, se répercutera sur le développement agricole et rural. D’autre part, dans la plupart des pays en développement, l’agriculture représente le secteur économique le plus important et dans plusieurs d’entre eux, y compris le Sénégal, le niveau de développement est fortement dominé par l’agriculture de subsistance. Il en découle que les interventions de politique les plus importantes intéressent particulièrement le secteur agricole et rural.

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Cadre conceptuel pour l’identification des mesures d’appui

• Biologie • Exploitant • Exploitation • Spéculations

Capital Naturel • Température • Humidité • Lumière • Sols • Eau • Air • Flore • Faune

Facteurs de développement

Production Fonctions/Objectifs

Economiques Directs • Production

alimentaire • Matières premières Indirects • Loisirs • Tourisme • Artisanat

Capital Humain • Capacité • Aptitude • Santé • Education • Savoirs

Capital Social • Croyances • Traditions • Organisations

sociales • Règles et lois

Sociaux • Cohésion sociale • Culture, tradition,

identité • Pauvreté • Migrations • Inégalités • Scolarisation • Institutions

(organisations, règles,lois)

Capital technique • Recherche • Infrastructures • Communication • Electrification

Environnementaux • Fertilité naturelle des

sols • Qualité eau • Qualité air • Biodiversité

Politiques • Investissements physiques directs • Programmes d’appui • Réformes institutionnelles

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Facteurs de développement Capital naturel

Capital humain et social

La croissance des plantes et des animaux est le résultat de processus biologiques dépendant fondamentalement des conditions naturelles (exposition des sols, lumière, température, humidité, caractéristique physiques et chimiques des sols, etc.). En dépit des résultats considérables obtenus par l’homme dans le contrôle des processus biologiques, l’agriculture reste encore, surtout dans les pays en développement, fortement influencée par les aléas du climat (inondations, sécheresse, pluies torrentielles, etc.) et par la qualité des ressources naturelles qui en constituent les intrants principaux : sols, eau, air. La dégradation de ces ressources dans beaucoup de pays en développement (érosion des sols, eaux salines, pollution de l’eau et de l’air, etc.) est une des causes principales de la baisse de fertilité des sols. La prise en compte de l’environnement est donc un impératif qui se pose aussi bien au niveau des exploitations qu’au niveau des Gouvernements. La présence du capital humain est ce qui fait la différence entre la végétation et la faune à l’état sauvage et l’agriculture ou l’élevage. L’homme se propose de maîtriser les facteurs naturels qui permettent la croissance des plantes et la vie des animaux pour satisfaire ses besoins en nourriture. L’exploitant agricole est appelé à remplir deux fonctions principales en agriculture : celle du cultivateur/éleveur et celle de gérant de l’exploitation. Autrement dit, il doit associer le travail physique des pratiques culturales au travail mental de la gestion et de la prise de décision. Le développement de l’agriculture est fortement lié à la capacité et l’habileté des exploitants agricoles à exercer ces fonctions. Le développement de ces capacités est un processus complexe qui dépend des aspirations personnelles des exploitants (ambition d’une vie meilleure que celle de leur parents) de la propension à l’apprentissage (non seulement des savoirs des parents ou du village mais aussi des progrès techniques) de l’imagination dans l’expérimentation de nouvelles pratiques, du goût pour le risque (dans l’introduction, par exemple, de nouvelles cultures). Le capital humain dépend aussi de l’influence de l’évolution de la démographie, l’état de santé de la population et l’importance de la pauvreté. Le rôle de la femme dans ce cadre est particulièrement important. Au niveau du ménage, c’est en général la femme qui prend en charge l’éducation, la santé, l’alimentation des enfants. Or, les femmes ont souvent moins accès que les hommes à l’éducation, à la nourriture et à l’assistance sanitaire. Des programmes publics spécifiques adressés aux femmes ainsi qu’une plus grande considération des exigences des femmes dans les projets/programmes publics (vulgarisation, crédit, formation, etc.) peuvent trouver une justification à la fois sociale et économique. L’agriculteur est enfin un être social façonné par la famille et la

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Capital technique et physique

Technologie

communauté à laquelle il appartient. Le capital social représenté par les mœurs, les coutumes, les croyances, les formes d’organisation et les règles que se donne la collectivité est aussi important que le capital humain dans le développement agricole car il influence le comportement et le choix des individus. Le bon fonctionnement du capital social peut faciliter, par exemple, la collaboration, la participation et la solidarité entre les membres de la collectivité. Toute mesure visant à développer le capital humain dans le secteur agricole doit donc être capable d’identifier parmi les facteurs ci-dessus ceux qui constituent des obstacles au développement et de créer un environnement (capital social) favorable à leur élimination. Le capital technique et physique est composé par tous les outils, machines, bâtiments, main d’œuvre, terre, infrastructures (routes, électricité, communication, réseau d’irrigation, etc.) nécessaires à exercer l’activité de production agricole et de stockage. Deux aspects importants du capital technique et physique sont la disponibilité et l’accès. L’adoption de nouvelles techniques qui requièrent l’emploi d’engrais et d’eau d’irrigation ne seront pas adoptées par les agriculteurs si la quantité nécessaire d’eau et d’engrais n’est pas disponible à un moment donné et à des prix acceptables ou si les prix des produits agricoles ne sont pas suffisamment rémunérateurs à cause, par exemple, de la difficulté d’accès aux marchés. Ici aussi, l’état peut jouer un rôle décisif. Il peut, par exemple, intervenir sur le système des prix des facteurs de production et des produits agricoles si ceux-ci ne reflètent pas leur coût réel (voir politiques des prix au chapitre 1). Il peut aussi intervenir au niveau de la fourniture de services de marché (notamment crédit agricole) et des grandes infrastructures pour favoriser la circulation des marchandises, des hommes et des informations, ce qui, en général, entraîne aussi une diminution des coûts de production et de commercialisation. Bien que la technologie n’apparaisse pas dans le schéma de la figure 1 elle est aussi à considérer comme un facteur de développement dans la mesure où elle représente la façon dont les facteurs techniques et physiques, les facteurs humains et sociaux, les facteurs naturels examinés plus haut sont utilisés dans l’activité de production agricole; de la préparation des sols à la récolte. Le progrès technologique est une condition indispensable pour le développement de l’agriculture. Il consiste à éliminer les facteurs limitant, par exemple, l’augmentation des rendements. Ainsi, si les rendements sont faibles à cause d’une fertilité naturelle des sols insuffisante, l’apport d’engrais représente une amélioration technologique. Si, au contraire la fertilité naturelle des sols est

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Les particularités du fonctionnement de la production agricole

Biologie

bonne mais les rendements sont quand-même faibles, une solution technologique pourrait consister à introduire une nouvelle variété de culture capable de mieux utiliser la fertilité naturelle. L’innovation technologique peut avoir plusieurs origines: (i) imitation des pratiques culturales des agriculteurs les plus performants de la même région; (ii) importation de technologies développées dans d’autres régions ou pays ayant les mêmes caractéristiques agro-écologiques; (iii) expérimentation ciblée (par exemple, recherche d’antiparasitaires plus efficaces, machines agricoles plus efficientes, variétés de plantes plus résistantes, etc.). Toutes ces sources d’innovation technologique font l’objet d’une activité de recherche et développement (R&D), que ce soit au niveau de l’exploitation agricole (imitation des pratiques culturales du voisin), d’industries spécialisées (industrie agro-chimique, etc.), ou de l’état (recherche de base, recherche appliquée). Si d’une part l’importance du secteur privé dans les activités de R&D augmente avec le niveau de développement du pays, il est vrai aussi que l’état reste un acteur clé non seulement dans la définition des stratégies et des politiques nationales de R&D mais aussi dans certains domaines de recherche spécifiques (voir encadré 2). Certaines caractéristiques de l’activité agricole font que ce secteur ne peut pas être comparé à d’autres secteurs économiques souvent plus maîtrisables par l’homme. De ce fait, il demande des interventions publiques. Nous examinerons ci-dessous les particularités les plus importantes de l’activité agricole. En dépit des résultats considérables atteints dans le contrôle des processus biologiques qui affectent la croissance des plantes et des animaux, l’homme n’est pas encore capable de modifier certaines particularités de l’agriculture comme, par exemple, la nécessité de grands espaces, la dépendance des conditions climatiques et des sols, le respect des calendriers de production. Tous ces aspects font que, l’activité agricole, contrairement à, par exemple, l’activité industrielle, dépend fortement de toute une série d’investissements et services qui ne peuvent pas être assurés par le secteur privé à lui seul. Ainsi les grands espaces comportent la présence d’une infrastructure de transport efficiente si l’on veut que les exploitations soient approvisionnées en intrants et que les produits de l’agriculture arrivent sur les marchés de destination. Une grande variété de conditions climatiques et de sols dans de petits espaces suggère qu’il existe des services de vulgarisation efficaces, capables d’orienter les agriculteurs dans le choix des cultures et des pratiques culturales les plus appropriées (par exemple diversification de la production plutôt que monoculture).

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Encadré 1 Facteurs de développement au Sénégal: un aperçu

Facteurs naturels1 Pendant les vingt dernières années, les ressources naturelles du Sénégal ont subi une dégradation croissante qui met en cause la préservation de la base productive du pays. Quelques indicateurs de base peuvent aider à mieux apprécier l’envergure du problème. La dégradation des ressources en eau se manifeste notamment par l’intrusion marine. A cela s’ajoute la pollution des eaux douces souterraines par l’infiltration des eaux de ruissellement drainant des pesticides, des germes pathogènes provenant de mauvais systèmes d’assainissement. Les sols convenant à l’agriculture sont limités et sont estimés à 19% de la surface totale. Ils se dégradent sous l’effet conjugué de la sécheresse, de la diminution de la couverture forestière et de l’utilisation insuffisante ou inapropriée de fertilisants, ce qui engendre une forte réduction des rendements agricoles. La déforestation est évaluée à 80.000 ha par an. Les forêts naturelles qui, en 1980, représentaient 8,1 millions d’hectares sur un total de 11 millions d’hectares de ressources forestières ne constituaient plus en 1990 que 7,5 millions d’hectares, soit une disparition de quelque 7,4% des ressources végétales en 10 ans. Entre 1980 et 1990, les ressources ligneuses ont accusé une baisse moyenne annuelle d’environ 2 millions de m3. Au même moment, la productivité naturelle des formations forestières en voie de dégradation a connu une baisse de 0,1 à 0,4 m3. par hectare par an dans la moitié Nord et 1,5 à 3 m3 par hectare par an dans la moitié Sud. Facteurs humains2 Education. Le taux d’analphabétisme de la population âgée de 15 ans et plus atteint 62%; le taux d’analphabétisme féminin se situe à environ 77%, l’enseignement secondaire ne touche globalement que 11% de la population d’âge scolaire (7% seulement des filles). Santé publique. Le paludisme, les maladies respiratoires, les maladies diarrhéiques, toutes véhiculées par l’eau, auxquelles s’ajoute le SIDA occupent la première place des causes de morbidité et de mortalité au Sénégal. Le paludisme en particulier est particulièrement préoccupant dans la mesure où il touche les femmes enceintes, les jeunes enfants, les couches les plus défavorisées, entraînant par là de lourdes pertes économiques dans le monde rural. A celles-ci s’ajoutent d’autres maladies plus ou moins importantes selon les régions telles que la biharziose qui a fait son apparition récemment dans la zone du bassin de l’Anambé et l’onchocercose qui sévit à Vélingara. Par ailleurs, les indicateurs principaux du service sanitaire révèlent que seulement 40% de la population ont accès aux soins de santé et que la population par médecin atteint 31.903 personnes. Population. Même selon les hypothèses les plus optimistes de baisse de la fécondité, en 2020 la population du Sénégal aura doublé pour dépasser les 16 millions d’habitants. A cette époque, la population urbaine sera de 9 millions. Cela intensifiera les pressions sur les services aux consommateurs et le secteur social. La résistance traditionnelle au changement dans le domaine de la fécondité et la faible disponibilité de services dans le domaine de la santé familiale surtout en milieu rural constituent des contraintes majeurs dans ce domaine. Pauvreté. Près de 43,9% des ménages au Sénégal ont moins de 600 000 F CFA de revenu par

1 FAO, 1999, Stratégie de développement de la petite irrigation au Sénégal, Version provisoire 2 Guissé M., 1999, Les instruments stratégiques de politique agricole: les instruments de politiques non liées aux prix, Preojet de Renforcement des Capacités Techniques et d’Analyse des Organisations Paysannes, FAO TCP/SEN/6713

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an soit 50000 F CFA par mois. Plus précisément en milieu rural cela touche 61% des ménages. Il faut constater par ailleurs que la part de l’agriculture dans le revenu du ménage est faible (3,2%). Il est même dépassé par celui de l’élevage (11,2%). En milieu rural les ressources non agricoles prédominent également (39,2%). L’agriculture et l’élevage ont un poids de 22,7% . Au Sénégal des tendances préoccupantes se dessinent indiquant que les pauvres sont à la fois victimes et auteurs de la dégradation de l’environnement. La diminution des terres de culture et leur appauvrissement associés à une croissance démographique de 2,6% par an sont en grande partie à l’origine de l’exode rural accéléré. Entre 1990 et 1996 la proportion des citadins est passée de 35% à 42% avec tout le lot de problèmes environnementaux qui en découlent : i) infrastructures sanitaires insuffisantes; ii) pollution à l’intérieur des bâtiments; iii) insuffisance des services d’enlèvement et de gestion des déchets; iv) précellence des maladies transmises par l’eau et des maladies contagieuses. Facteurs techniques et physiques3 Engrais chimiques. En général, en Afrique subsaharienne les engrais sont encore peu employés par rapport aux autres régions du monde. Ceci est dû à l’insuffisance des infrastructures routières, ce qui rend les coûts de distribution plus élevés, à l’absence de débouchés commerciaux pour la production, et souvent à la faible réponse des rendements aux risques élevés que comporte l’utilisation des engrais dans des systèmes de culture traditionnels de subsistance. Bien que la consommation d’engrais au Sénégal soit aussi assez faible par rapport aux autres régions du monde, le pays se positionne néanmoins à un niveau plus élevé que les pays voisins et en particulier des pays de la Commission Economique des Pays de l’Afrique de l’Ouest (ECOWAS). La consommation par hectare d’engrais était en effet de 2,8 tonnes au Sénégal contre 1,96 tonnes dans la région ECOWAS (Nigéria exclu). La consommation du Sénégal a toutefois connu une forte baisse à partir de 1994, lorsque elle avait atteint 3,2 tonnes/ha. Cette baisse se justifie par la dévaluation du FCFA. Machines. L’utilisation de machines agricoles est aussi très faible en Afrique subsaharienne par rapport aux autres régions du monde. Avec un nombre de tracteurs de 550 unités environ, le Sénégal présente un coefficient de machines agricoles par 1000 hectare (0,068 en 1997) plus faible que la moyenne des autres pays ECOWAS (0,089 la même année). Le coefficient est resté quasiment stable au cours de la décennie. Irrigation. La surface irriguée au Sénégal représente en moyenne environ 1% de la surface agricole totale contre 0,3% en moyenne dans la région ECOWAS (Nigéria exclu). En chiffres absolues, les surfaces irriguées effectivement exploitées au Sénégal se situent aux environs de 61.000 hectares, alors que le potentiel irrigable est de 350.000 hectares et les surfaces aménagées représentent 102.000 hectares.

Exploitant

Comme il a été rappelé plus haut, l’agriculteur est appelé à exercer plusieurs fonctions, alors que les travailleurs des autres secteurs économiques sont généralement spécialisés dans une fonction. Ces fonctions sont d’autant plus compliquées que les conditions des sols et du climat varient considérablement et que les activités menées par l’agriculteur sont fortement diversifiées. L’éducation, la formation, la communication, la création

3 FAO, 1999, Stratégie de développement de la petite irrigation au Sénégal, Version provisoire et Statistiques FAO

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Exploitation

Spéculations

d’associations de producteurs, la vulgarisation, la décentralisation, la participation, la bonne gouvernance, constituent autant de domaines d’intervention de la part du secteur public qui pourraient contribuer au développement de conditions favorables à l’amélioration des savoirs des paysans. L’exploitation est composée de (i) un groupe humain qui met en valeur des (ii) ressources naturelles (sols, eau, etc.) à l’aide de (iii) moyens techniques et matériels, ainsi que de (iv) savoirs. L’exploitation n’est pas une entité fixe. L’extension et la composition même des structures qui la composent changent avec les conditions naturelles et les méthodes et techniques de production employées. Ainsi dans une même région peuvent cohabiter des types d’exploitation très différentes entre elles avec des modes de production aussi différents que l’agriculture itinérante ou sédentaire, l’utilisation de communs. L’introduction de nouvelles technologies peut comporter une transformation des dimensions et des systèmes de production. Ces transformations ont des implications importantes en termes de politique car elles mettent en cause des domaines tels que les droits de propriété, la recherche, le cadastre foncier, jusqu’à la réforme agraire lorsque, par exemple, persistent dans un pays donné des situations de rente très importantes. Lorsque des politiques de développement agricoles sont identifiées, il ne faut pas oublier de considérer leur possible impact sur les réactions des exploitants quant au choix des spéculations et des systèmes de production. Les décisions des exploitants sont toujours prises sur la base des coûts et des recettes ou bénéfices. Ces coûts et bénéfices peuvent être monétaires et non monétaires (prestige, respect, satisfaction morale, responsabilité à l’intérieur de la communauté, etc.). Autrement dit, les exploitants vont toujours se demander non pas si de nouvelles technologies vont être efficaces, mais si leur introduction va leur permettre d’augmenter leur bénéfices nets. Le critère de décision sur les spéculations d’une exploitation qui produit principalement pour l’autoconsommation sera sans doute basé sur la possibilité d’obtenir assez de produit pour la satisfaction des besoins de la famille. Le critère de décision d’une exploitation ouverte au marché sera au contraire basé sur la possibilité d’accès au marché et sur les prix relatifs des produits. Enfin, le critère pour un exploitant qui a, par exemple, des opportunités de travail à l’extérieur du secteur agricole pendant une période de l’année sera celui de choisir des spéculations qui ne demande pas de travail pendant la saison où il est absent.

Les rôles de l’agriculture Economique

La contribution de loin encore la plus importante de l’agriculture à l’économie des pays en développement est la production d’aliments pour nourrir une population en forte croissance. S’ajoute ensuite la production de matières premières destinées à l’exportation et en moindre partie à la transformation domestique. Les revenus des exportations représentent une part considérable des réserves en

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Social

Environnemental

devises étrangères avec lesquels les pays peuvent financer les importations. Dans beaucoup de pays, le secteur agricole est une source de capitaux pour le développement des secteurs non agricoles, que ce soit sous forme de taxes payés à l’état, transferts en argent ou en espèce aux membres de la famille émigrés en ville, main d’œuvre. Enfin, les populations des zones rurales constituent encore le principal consommateur de produits non agricoles. Avec le développement agricole se développent aussi d’autres valeurs économiques dans les zones rurales, telles que le tourisme/loisir et l’artisanat, qui peuvent être complémentaires ou en conflit avec la production agricole. L’agriculture n’a pas qu’une fonction productive. Dans beaucoup de pays, elle est encore associée à des valeurs perçues comme positives, telles que culture, langue, tradition, identité, qui représentent le fondement de la cohésion sociale non seulement pour les résidents dans les zones rurales mais aussi pour les membres de la famille émigrés en ville qui restent, au moins dans un premier temps, fortement liés à leur terroir. L’évidence montre que souvent le développement agricole est accompagné par une déstructuration plus ou moins importante de ces valeurs due principalement aux phénomènes d’exode rural. D’autre part, il est vrai aussi que le développement introduit d’autres valeurs sociales telles qu’une meilleure éducation des résidents dans les zones rurales, un plus grand dynamisme des agriculteurs, qui peuvent se traduire ensuite par une réduction de la pauvreté, ainsi que des inégalités sociales (sexe et classes d’âge). L’environnement assure trois fonctions économiques principales : intrants pour la production agricole (sols, eau, oxygène, lumière) ; absorption des déchets produits par les activités économiques ; aménités (beauté du paysage, etc.). La dégradation de ces fonctions se répercute sur le développement économique et social des pays. En prenant l’exemple de l’agriculture, des systèmes de production comportant un recours excessif aux produits chimiques, à l’irrigation et au travail mécanisé du sol peuvent entraîner des effets néfastes comme la pollution de l’eau, l’érosion des sols, la réduction de la capacité de résistance et de la diversité des écosystèmes. Ceci augmente la vulnérabilité des sols aux aléas climatiques (sécheresse, inondations, pluies torrentielles, etc.) et les risques liés à la production agricole avec toutes les conséquences sociales et économiques qui en découlent. Le respect de l’environnement est donc une condition nécessaire pour un développement durable de l’agriculture. Les politiques d’intervention seront choisies en fonction des priorités de développement du pays. Selon la situation spécifique du pays, celles-ci pourront porter une préférence sur l’une ou l’autre fonction de l’agriculture. Mais ce qui est important est que les mesures de politique retenues soient mise en place en pleine

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conscience des répercussions en termes de coûts et d’avantages qu’elles peuvent avoir sur l’une ou l’autre fonction de l’agriculture. Ainsi si la priorité de développement d’un pays donné est de augmenter la production agricole à travers une utilisation accrue de produits chimiques, les possibles coûts ou avantages économiques, environnementaux et sociaux en termes, par exemple de sécurité alimentaire, doivent être également pris en considération.

Domaines et mesures

d’intervention

Investissements publics directs en projets de développement

Aux paragraphes précédents nous avons analysé les raisons pour lesquelles l’intervention de l’état peut se rendre indispensable pour le développement agricole et rural. Des implications possibles en termes de mesures d’intervention ont aussi été évoquées. Dans ce paragraphe sont proposées une classification des mesures de politique possibles et l’analyse du cadre dans lequel elles peuvent être appliquées. Les mesures de politique peuvent être classifiées sur la base des objectifs visés (par exemple, politiques des ressources naturelles, politiques d’accès aux intrants, marchés, crédit), ou sur la base des modalités de mise en œuvre. Dans ce document nous avons opté pour cette dernière classification parce qu’elle permet une distinction plus nette entre les différentes catégories qui la composent. Trois grandes catégories peuvent être retenues: (i) investissements directs en projets de développement; (ii) programmes d’appui; (iii) législation et réformes institutionnelles. En général, ces mesures sont adressées au développement du capital humain, capital naturel et capital technique et physique. Depuis quelques années on assiste à un désengagement progressif de l’état de la production de biens et services. Ceci est en général justifié d’une part par les hauts niveaux de l’endettement et des déficits de budget des pays en développement et de l’autre par les résultats pas toujours satisfaisants du contrôle direct des activités de production, transformation, commercialisation et services de support de la part de l’état lors des décennies précédentes. Dans des conditions spécifiques il se peut, toutefois, que l’état puisse jouer aussi un rôle important comme producteur et fournisseur de biens et services. C’est le cas, par exemple, de certaines activités qui demandent des investissements qui: (i) ne sont pas rentables du point de vue financier mais qui ont une rentabilité économique élevée; (ii) concernent des biens publics ou qui génèrent beaucoup d’externalités4; (iii) supportent des coûts élevés au début du projet et produisent les bénéfices à long terme.

4 Les externalités sont des coûts ou des bénéfices générés par une activité économique et imposés à des tiers en dehors de toute compensation monétaire. Ainsi, par exemple, un investissement en infrastructures routières utilisera des matériaux de constructions, des machines, de la main d’oeuvre pour lesquels l’entreprise de construction assume un coût monétaire (prix d’achat ou salaire). Mais la réalisation du projet entraîne d’autres coûts possibles, cette fois non compensés, tels que la pollution de l’eau, la dégradation des sols, etc., qui sont assumés par toute la collectivité sous forme de pertes économiques (eau non potable), de loisirs (eau impropre à la baignade), etc. Ces coûts ne sont pas compensés car l’entreprise de construction n’indemnise pas les populations victimes de cette pollution. Ces coûts non indemnisés sont en général dénommés “externalités” ou

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Programmes d’appui

Ces types d’investissements peuvent intéresser les trois catégories de facteurs de développement identifiés à la Fig.1. Ainsi les grands ouvrages qui concernent le capital naturel (projets de conservation des sols, de protection de la biodiversité, de reboisement, etc.) mais aussi le capital humain (formation, vulgarisation, assistance technique, R&D, etc.) et le capital physique et technique (infrastructures routières, irrigation, chemins de fer, communication, électricité, écoles, centres de recherche, etc.) seront très probablement pris en charge par le Gouvernement car ils présentent tous une ou plusieurs des caractéristiques évoquées ci-dessus. Ceci ne veut pas dire toutefois que les privés ne puissent pas être impliqués dans ces investissements. Au contraire, l’expérience montre qu’il existe des complémentarités et des synergies possibles entre les investissements privés et les investissements publics. Les meilleurs résultats en termes de rendements aussi bien financiers que économiques sont souvent atteints lorsque les politiques d’investissements publics sont accompagnées par un système d’incitations aux investissements privés et par une implication et une responsabilisation directe des bénéficiaires. Une approche de ce type a été adoptée, par exemple, dans la formulation de la « Stratégie de développement de la petite irrigation et plan d’action »5 pour le Sénégal, qui prévoit la prise en charge par l’état de l’élaboration du cadre normatif , l’étude, la programmation et la réalisation des ouvrages structurants, l’entretien et la réhabilitation des aménagements structurants, et la mise en place d’un système d’incitations à l’investissement privé, alors que le secteur privé et les collectivités locales sont appelées à mettre en œuvre les périmètres irrigués, de gérer les ressources (foncières et hydriques) et les ouvrages, de mettre en place les actions d’appui, de formation et de sensibilisation. Une revue des investissements directs généralement pris en charge par l’état est proposée à l’encadré 2. Bien que les programmes d’appui ne visent généralement pas directement le développement du secteur agricole, ils peuvent jouer un rôle d’accélérateur du développement, surtout lorsque ils intéressent des domaines tels que l’éducation et la formation, la santé publique, la démographie, la lutte contre la pauvreté. L’éducation, par exemple, est sans doute un facteur essentiel pour le développement durable du secteur agricole dans la mesure où elle permet la mise à jour des connaissances et l’amélioration des compétences et de l’habilité dans la mise en œuvre des connaissances acquises. Dans les pays en développement, le bas

“déséconomies externes”. Les externalités peuvent être négatives (coûts), comme dans notre exemple, ou positives (bénéfices). 5 FAO, 1999, Stratégie de développement de la petite irrigation au Sénégal, Rapport N. 99/025 CP-SEN, Version provisoire

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niveau d’instruction des agriculteurs et le manque d’expertise des techniciens agricoles comptent souvent parmi les contraintes les plus importantes à l’adoption de technologies de production plus productives. Ce problème est particulièrement important au Sénégal (voir encadré 1). La santé aussi représente souvent une contrainte au développement agricole. Celle-ci n’affecte pas seulement la productivité des personnes atteintes lorsqu’elle touche la population active, mais elle peut coûter très cher aux ménages affaiblis et aux institutions, notamment pour les raisons suivantes: réorientation des fonds d'investissement vers les soins de santé, coûts des funérailles, absentéisme, coûts de recrutement et de remplacement du personnel, perte de personnel qualifié ou non, baisse de productivité due au manque de personnel expérimenté (voir encadré 1 sur la situation de la santé publique au Sénégal). La population des pays en développement augmente à des taux plus élevés que le produit intérieur brut. Ceci se répercute sur les revenus des ménages (surtout des plus pauvres) et sur la capacité de ceux-ci de s’approvisionner en intrants. Par ailleurs, la croissance rapide de la population pose un problème de pression sur les ressources naturelles d’où une chute de la productivité qui s’accompagne d’un taux d’adoption de nouvelles technologies très bas. La réduction du taux de croissance de la population devient donc un élément fondamental dans toute stratégie de l’état visant au développement agricole et à la réduction de la pauvreté. La pauvreté dans les pays en développement touche surtout les populations rurales. La difficulté d’accès de celles-ci à la terre et aux intrants fait qu’elles se trouvent à exploiter les sols plus fragiles, d’où une baisse de productivité et une insécurité alimentaire croissante, soit elles “sortent” du secteur agricole pour s’engager dans des activités non agricoles (c’est le cas, par exemple, du Sénégal). Par ailleurs la fécondité des couches les plus pauvres est beaucoup plus élevée que la moyenne, ce qui accentue le problème de pression démographique et de dégradation des ressources naturelles. Il a déjà été rappelé plus haut que la femme joue un rôle essentiel dans la lutte contre la pauvreté. Des programmes publics spécifiques adressés aux femmes pourraient se révéler les plus efficaces à ce sujet. Un programme d’éducation des jeunes femmes actives pourrait, par exemple, avoir des effets bénéfiques sur la productivité des femmes ainsi que sur la santé, l’alimentation et l’éducation des enfants. Les mesures prises par le Gouvernement du Sénégal pour faire face aux problèmes de l’éducation, de la santé, de la démographie et de la pauvreté sont résumées à l’encadré 3.

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Encadré 26 Quelques investissements publics directs typiquement pris en charge par l’état dans les

pays en développement Recherche & Développement (R&D). Le développement agricole d’un pays est strictement lié à la capacité de celui-ci d’adapter les technologies de production aux changements des conditions de marché et de l’évolution générale de la société. La R&D est le moyen par le biais duquel cette adaptation peut être réalisée. Celle-ci vise en général trois objectifs: (i) augmentation des rendements; (ii) meilleur accès à la nourriture; (iii) amélioration de la qualité des produits agricoles. Les impacts des résultats de la recherche se répercutent au niveau économique, social et environnemental. Les gains de productivité, par exemple, peuvent faire baisser les prix des denrées alimentaires et réduire les importations (économique), améliorer la sécurité alimentaire des groupes sociaux les plus vulnérables (social), réduire l’exploitation des terres agricoles les plus sujettes à dégradation (environnement). Le Sommet Mondial de l’Alimentation (SMA) résumait ainsi les résultats de R&D des dernières décennies dans les pays en développement: (i) des disponibilités alimentaires accrues et plus stables au niveau national et dans les ménages; (ii) la baisse des prix céréaliers sur les marchés internationaux et nationaux; (iii) une moindre dépendance vis-à-vis de l’aide alimentaire, mesurée en pourcentage de la consommation totale d’aliments; (iv) l’accroissement de l’emploi et des revenus grâce à une croissance économique induite par l’agriculture; (v) le recul de la pauvreté. La prise en charge par l’état de ces activités est en général justifiée sur la base de deux éléments: (i) les coûts considérables d’investissement et de fonctionnement et les risques élevés associés aux résultats; (ii) aspect multifonctionnel de la recherche (technique, économique, social, environnemental). Bien que la tendance soit vers un transfert progressif de ces activités vers le secteur privé (dans les pays industrialisés, 30 à 40% de la recherche est assurée par des groupes privés, alors que ce pourcentage se situe encore aux environs de 5% dans les pays en développement), l’état conservera toujours un rôle important dans la recherche et tout particulièrement dans les domaines qui intéressent de plus près les impacts sociaux et environnementaux des technologies mises au point (par exemple, les impacts environnementaux de l’intensification). Au Sénégal la politique de R&D ainsi que définie dans le cadre du Programme des Services Agricoles et d’Appui aux Organisations des Producteurs (PSAOP) mis en place par le gouvernement sur financement de la Banque mondiale et avec l’assistance technique de la FAO ne révèle pas une tendance vers la privatisation de ces services mais souligne l’importance d’une plus grande implication des organisations paysannes et des services de conseil agricole et rural dans la définition des stratégies de recherche agricole. Irrigation L’accroissement de la production qui permettra de satisfaire la demande alimentaire croissante de la population mondiale sera assurée en grande partie par l’irrigation. D’après les experts, 80% des gains de production vivrière proviendront de l’agriculture irriguée. Mais beaucoup de pays en développement, surtout en Afrique, n’ont pas suffisamment de ressources en eaux ou elles sont difficilement exploitables. Dans ce continent, un nombre toujours plus grand de personnes est menacé par les effets de sécheresses inévitables, d’ampleur variable. En Afrique subsaharienne, la productivité agricole par habitant n’a pas progressé aussi vite que la population et la situation nutritionnelle de la région est moins bonne aujourd’hui qu’il y a 30 ans: la production vivrière a progressé d’environ 2,5 pour cent par an, alors que la population a augmenté au rythme de

6 Guissé M. (op. cit.) et Documents techniques du Sommet Mondial de l’Alimentation (1996)

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plus de 3 pour cent l’an. Auparavant, l’Afrique continuait à produire davantage d’aliments grâce à l’expansion des superficies cultivées, mais comme les bonnes terres encore disponibles se raréfient dans la région, elle devra intensifier les systèmes de production pour accroître les rendements. La mise en valeur des ressources en eau sous ses diverses formes, allant de la récolte de l’eau à l’irrigation moderne par canalisation, est appelée à jouer un rôle de premier plan dans la transformation de l’efficacité et de la sécurité des approvisionnements alimentaires en Afrique. L’état continuera à jouer un rôle important dans la mise en valeur de cette ressource surtout en ce qui concerne la réalisation des infrastructures, mais encore plus important sera le rôle qu’il sera appelé à jouer dans la mise en place d’incitations (droits de propriété, association d’usagers, responsabilisation des usagers, législation appropriée, etc.) capables d’assurer une bonne gestion des structures. Faute de quoi, les agriculteurs (et les consommateurs) auront beaucoup moins de possibilités de bénéficier de toutes les techniques agricoles existantes. Infrastructures physiques (routes, électrification, communication, hydraulique rurale, dispensaires, écoles). La nécessité de favoriser le désenclavement des zones de production, de faciliter l’évacuation des produits agricoles et le transport des intrants et marchandises, d’améliorer le stockage, la conservation , la transformation des produits agricoles et les conditions de vie ont une influence importante sur la compétitivité du secteur agricole. L’expérience montre que, pour assurer la durabilité de l’infrastructure et des services ruraux, il est essentiel que les bénéficiaires et les communautés concernés se sentent propriétaires et qu’ils assument (comme pour l’irrigation) les plus grandes responsabilités possibles de l’exploitation et du maintien en état dans la phase après-investissement. Les investissements dans la transformation après-production, la commercialisation et la distribution doivent être planifiés conjointement, plutôt que partagés entre les secteurs public et privé. Le secteur privé ne pourra être efficace que si ses investissements concordent en lieu et en temps avec les investissements faits par l’état dans la création de routes, marchés et autres infrastructures. Réformes institutionnelles

Le système institutionnel d’un pays est l’ensemble des organisations et groupements, publics ou privés, ainsi que des règles qui sous-tendent leur fonctionnement. Le système institutionnel joue un rôle de premier ordre dans le développement rural et du secteur agricole en particulier car il: (i) influence l’efficacité et la qualité du cadre législatif intéressant le secteur agricole; (ii) fournit les bases pour une meilleure prise de conscience, circulation et communication de l’information (voir, par exemple, l’importance dans le développement agricole des informations sur les prix des produits agricoles, sur les prévisions météo, sur les droits de propriété, etc.); (iii) assure le respect de l’application des règles; (iv) peut encourager et faciliter la participation et la négociation entre les parties intéressées. En général, toutefois, le système institutionnel des pays en développement, et particulièrement celui des zones rurales, n’est pas suffisamment développé pour assurer efficacement les services mentionnés à cause d’une série de problèmes tels que la dispersion et la fragmentation des exploitations, les difficultés d’accès des agriculteurs aux marché et aux services, le manque de personnel qualifié, la faible collaboration et coordination des institutions, la compétition entre les institutions, l’insuffisance des ressources

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financières, la désignation des responsabilités peu claire, le peu ou pas d’implication des organisations privées. En outre, le système institutionnel souffre très souvent d’une centralisation excessive, ce qui fait que il ne reflète pas toujours les exigences réelles venant de la base ou bien il n’assure pas suffisamment d’autonomie et de ressources aux institutions locales. L’état peut intervenir à deux niveaux en ce qui concerne les politiques institutionnelles: la réforme du cadre législatif et la réforme des organisations. En ce qui concerne le cadre législatif, il est important de souligner qu’un système de lois clair, solide et fiable est essentiel dans le développement agricole ainsi que pour tout autre activité économique. Les droits de propriété, les obligations contractuelles, les groupements et associations doivent être supportées par un système de règles et de lois capables d’éviter ou réprimer les transgressions. Le réforme du cadre législatif entraîne aussi généralement une réforme de l’organisation de l’administration publique et la création ou adéquation des organisations privées pour en assurer la mise en œuvre, le respect et le suivi. Les réformes institutionnelles qui ont intéressé de plus près les pays en développement dans ces dernières décennies sont: (i) la décentralisation; (ii) la libéralisation; (ii) la privatisation; (iii) la réforme du régime foncier; (iv) gestion des ressources en eau. Les politiques envisagées par le gouvernement du Sénégal dans ces domaines sont présentées à l’encadré 4.

Encadré 37

Programmes nationaux : éducation, santé et pauvreté au Sénégal Le Programme de Développement des Ressources Humaines (PDRH) cofinancé par l’état, les collectivités locales et leur partenaires au développement, a permis la construction et l’équipement de 2.482 classes pour l’enseignement scolaire, le recrutement annuel de 500 maîtres et 1 200 volontaires de l’éducation. Ce programme a permis de faire passer le taux de scolarisation à 61,7% en 1998 contre 54,6% en 1994, avec un accroissement plus substantiel du taux de scolarisation des filles, et la correction de disparités régionales. Au niveau de l’éducation de base (alphabétisation des adultes et promotion des langues nationales), le Gouvernement a adopté la stratégie du « faire faire » aux travers des projets d’opérateurs en alphabétisation. Les effectifs des auditeurs ont progressé de 44.749 en 1993 à 160.039 en 1997 et ont plus que triplé en 5 ans (1993 – 1997) avec un cumul de 583.965 auditeurs dont 382.972 femmes (79%) dans les 6 langues nationales et dans 5.300 classes. L’objectif final est l’éradication de l’analphabétisme par la réduction de 5% par an du taux d’analphabétisme estimé à 52,78%, ceci à travers une démarche qui privilégie la correction

7 Guissé M. (op. cit.)

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des disparités entre sexes, âges et régions. Lettre de Politique Sectorielle (LPS). Le Gouvernement a adopté une Lettre de Politique Sectorielle (LPS), qui doit être mise en œuvre dans le cadre du Programme de Développement Intégré de la Santé (PDIS, 1998 – 2002). La LPS comporte les principales réformes suivantes : (i) la réorganisation du Ministère de la Santé et le renforcement de ses capacités, (ii) la réforme hospitalière, (iii) la réforme pharmaceutique, (iv) le financement de la santé, (v) la réforme du système d’information et de gestion, (vi) le développement du partenariat. Un guide du partenariat contenant les différents éléments contractuels devant lier la Ministère de la santé et les ONG a été défini. Par ailleurs, la communauté rurale reçoit la compétence relative à la construction, la gestion, l’entretien et l’équipement de postes de santé, de maternités et de cases de santé ruraux. En matière de dépenses publiques, l’état a pris l’engagement depuis 1992 d’augmenter chaque année de 0,5% la part du budget de la santé, qui a atteint 8,25% du budget national en 1998. La participation financières des populations aux frais de santé est passée de 300 millions en 1980 à plus de 4 milliards en 1996. Plan de développement économique et social. Dans le cadre du 9° plan de développement économique et social (1960-2001), le gouvernement a retenu un projet de programme national de lutte contre la pauvreté comprenant des stratégies et un plan d’action. Les stratégies sont axées sur des programmes d’investissements sectoriels qui seront complétés par des activités génératrices de revenus et de création d’emplois pour les groupes vulnérables (notamment les femmes et les jeunes chômeurs). Ce programme sera fortement décentralisé et consultatif. La stratégie du Gouvernement pour atteindre ces objectifs repose sur un principe de cogestion et de partage des coûts de réalisation et de maintenance entre l’état et les collectivités décentralisées. L’état, au travers des administrations déconcentrées, veillera au respect de la légalité par les collectivités décentralisées et structures associatives à la base dans leur décision, mode de fonctionnement, et gestion des programmes de développement; mettra à la disposition de ces structures des appuis, notamment en matière de réglementation; facilitera la concertation entre les différents acteurs du développement local; veillera à la cohérence des instruments, actions et programmes d’aménagement et de développement à l’échelon national, régional et local (harmonisation entre les plans locaux de développement, les schémas régionaux d’aménagement du territoire et le plan d’aménagement du terroir). Les populations, par le biais de leurs collectivités décentralisées et de leur structures associatives à la base ont la compétence s’occuperont de: (a) choisir et mettre en œuvre les priorités du développement communautaire en matière d’infrastructures sociales et de services sociaux essentiels ; et (b) promouvoir un environnement local, notamment en termes d’infrastructures économiques essentiels, qui soit propice aux initiatives privées génératrices de revenus.

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Encadré 4

Politiques de réforme institutionnelle au Sénégal Décentralisation8. Les réformes économiques des années 1990 ont été accompagnées par l’élargissement et la clarification du cadre législatif et réglementaire de la décentralisation. L’évolution institutionnelle en matière de décentralisation remonte à l’époque coloniale avec la mise en place de 4 communes urbaines à la fin du siècle dernier (Dakar, Rufisque, Gorée et Saint-Louis). C’est seulement en 1972 que la décentralisation fut élargie aux zones rurales avec la promulgation des lois 72-02 et 72-25, sous une forme toutefois fort limitée. En effet malgré la mise en place du conseil rural (CR), c’est le sous-préfet qui préparait et exécutait le budget, en tant qu’ordonnateur des crédits. Ce pouvoir ne sera atténué qu’en 1990 à travers la loi 90-37 qui confère désormais la compétence de la gestion financière des communautés rurales aux présidents de CR. En outre les compétences des CR en matière de développement local étaient peu claires. La dernière étape de ce processus est constituée par l’adoption en 1996 de nouvelles lois de la décentralisation, accompagnées par plusieurs décrets d’application, qui prévoient trois types de collectivités territoriales décentralisées : la région, la commune et la communauté rurale qui sont dotées de la personnalité morale et de l’autonomie financière et s’administrent librement par des conseils élus. Les textes prévoient aussi : (i) le transfert de 9 domaines de compétences aux régions, communes et communautés rurales ; (ii) la transformation de la majorité des contrôles à priori en contrôles de légalité à posteriori. Libéralisation et privatisation9. La libéralisation du secteur agricole, mise en œuvre en 1984 avec la NPA (Nouvelle Politique Agricole) et se poursuivant jusqu’à maintenant avec le PASA (Programme d’Ajustement du Secteur Agricole-1994), vise globalement à réformer le système d’administration des prix, de taxation et de subvention, mais aussi le système institutionnel, le mode d’investissement et de distribution des intrants, de vulgarisation, de commercialisation et de financement de l’agriculture. Avec l’avènement de la NPA en 1984, la fonction de crédit , assurée jusque là essentiellement par les sociétés Régionales de Développement Rural (SRDR) et les projets, est confiée au secteur privé. La CNCAS, créée dans ce cadre en 1985, constitue la pièce maîtresse du système de crédit agricole mis en place. Les actions menées dans le cadre de la nouvelle politique agricole ont porté sur une plus grande responsabilisation du paysan avec un transfert de certaines missions anciennement dévolues aux organismes publics grâce à la réforme du système coopératif et à la révision du mode d’encadrement; une révision de la politique en matière d’intrants axée sur : (i) la suppression progressive des subventions engrais jusqu’en 1990 ; (ii) le transfert au secteur privé des fonctions de distribution ; (iii) la libéralisation des importations d’intrants; (iv) une réduction du rôle des organismes publics et des subventions qui leur étaient octroyées. Cette politique est renforcée en 1994 par le PASA. Au niveau du secteur agricole, la politique d'ajustement s'articule autour des axes ci-après: Désengagement de l'Etat des activités marchandes, de production, de transformation et de

commercialisation. Exercice effectif et efficient par l'Etat des missions de service public que sont la définition

des politiques et programmes, la réglementation des activités agricoles, la recherche agricole, l'appui-conseil aux producteurs, la promotion d'un système de crédit rural viable, adapté et sécurisé et la réalisation d'investissements structurants et collectifs.

8 Guissé M. (op. cit.) 9 Guissé M. (op. cit.)

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La privatisation des activités marchandes et, par suite, la responsabilisation des producteurs dans la conduite de leur exploitation. La libéralisation des prix et du commerce des produits agricoles. La promotion d'organisations de producteurs, légalement constituées et fortement

représentatives capables de prendre en charge efficacement les intérêts et préoccupations de leurs mandants.

Régime foncier10. La loi foncière au Sénégal (Loi n. 64/46 du 17 juin 1964, revue et corrigée) divisait le domaine national en quatre catégories: les zones urbaines, les zones classées, les zones de terroir, et les zones pionnières. Avec l’introduction de la loi sur le domaine national, les droits traditionnels de tenure étaient en principe supprimés, et les conseils ruraux investis du pouvoir en matière foncière, y compris celui d’allouer les droits d’usage de terres disponibles selon la capacité de mise en valeur des paysans en quête de terre. Dans une première phase, qui culmine avec la réforme territoriale de 1972, l’Etat sénégalais assure son monopole foncier sur les terres du domaine national, dont, en 1964, il n’assurait que la détention. Par le contrôle du fonctionnement des communautés rurales, l’état sénégalais va orienter les pratiques foncières locales. A partir de 1981, l’administration sénégalaise a préféré favoriser la libre entreprise et l’émergence d’une catégorie de petits propriétaires agraires. Les lois de décentralisation de 1996 ont modifié certaines dispositions relatives aux compétences foncières entre l’état et les collectivités locales dans la gestion du domaine de l’état. La loi nouvelle associe les collectivités locales à la procédure de prise de décisions relatives à leur occupation et leur utilisation. Tout le système a été conçu dans l’esprit de privilégier la participation paysanne dans la gestion de la ressource foncière et de promouvoir un développement réalisé à la base par les paysans au sein de leur terroir. Mais paradoxalement, avec les lois de décentralisation, le pouvoir foncier des conseils ruraux est à nouveau transféré à l’état. Cette démarche se justifie par la volonté de l’état d’attirer dans le secteur agricole des acteurs nouveaux avec des capacités financières et entrepreneuriales, capables de mettre en valeur les ressources foncières et les aménagements réalisés par l’état. Gestion des ressources en eau. Les modalités de gestion de l’eau au Sénégal fait l’objet d’une réglementation récente (Loi 81-13 portant Code de l’eau), mais la mise en œuvre du code ne paraît pas encore satisfaisante, à cause surtout de procédures trop lourdes d’autorisation pour le captage de l’eau, la non application des décrets (par exemple, les redevances prévues par le code ne sont pas prélevées), la séparation des utilisateurs de la gestion de l’eau (cette dernière de compétence exclusivement de l’administration centrale déconcentrée). Ces contraintes suggèrent une révision des procédures de gestion de la ressource. Autres réformes11. A ces réformes s’ajoutent au Sénégal une série de mesures visant: - à la restructuration de la recherche agricole et agro-alimentaire; - à la réorganisation du Ministère de l’Agriculture et notamment au renforcement des

capacités d’analyse de conception et de formulation des politiques agricoles et à l’amélioration des statistiques agricoles;

- au renforcement des capacités d’impulsion, d’orientation au niveau central et d’exécution au niveau local;

- à la réorganisation du système de vulgarisation agricole pour mettre en cohérence l’offre globale en conseil agricole (acteurs publics, organisations paysannes et acteurs privés compris).

10 Fao, 1987, La réforme du droit de la terre dans certains pays d’Afrique francophone, par E. Le Roy. Etude législative n. 44, Rome; http://www.fao.org/WAICENT/FAOINFO/SUSTDEV, Accès à la terre pour tous en Afrique noire: une utopie?, par G. Ciparisse; FAO, 1999, Stratégie de développement de la petite irrigation au Sénégal, Version provisoire 11 Guissé M. (op. cit.)

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Manuel 2: Instruments de politiques agricole Chapitre 3. Politique de crédit et finances rurales

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Chapitre 3

Politique de crédit et finances rurales

Objectifs du chapitre: • donner un aperçu du contexte macro-économique qui détermine les politiques en matière

de crédit agricole et finances rurales; • expliquer le rôle des banques dans la collecte de l’épargne et le crédit; • expliquer le mécanisme du taux d’intérêt et sa fonction dans l’ajustement entre épargne et

investissement; • donner un aperçu de l’expérience des politiques de crédit agricole; • donner des informations et exemples sur les finances rurales. Partie I. Le contexte macro-économique des politiques de crédit

Relation entre épargnes,

investissements et croissance

Nous avons vu dans le chapitre 2 du Manuel 1 Une politique agricole dans son contexte national et international la balance des ressources ou encore la balance épargne-investissement. Dans une économie fermée, (n’entretenant aucun échange avec le reste du monde), le volume total des investissements qui peut être réalisé au cours d’une année par l’ensemble des agents investisseurs correspond exactement au volume de l’épargne constituée par les agents économiques. L’épargne, constituée par des biens (par exemple animaux et bijoux) ou argent, est la différence entre le revenu total et la consommation. Plus la part des revenus consacrée à la consommation est importante, plus la source des investissements sera faible et, en conséquence, plus la croissance sera faible; à son tour une croissance faible se traduira à l’avenir par une médiocre progression des revenus qui ne permettra pas d’augmenter de beaucoup la consommation. A l’inverse, si une part importante des revenus est épargnée cette part peut être investie et la croissance pourra être plus forte si les investissements sont rentables, ce qui se traduira à l’avenir par des revenus plus élevés et, par la suite, par la possibilité de consommer davantage.

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Manuel 2: Instruments de politiques agricole Chapitre 3. Politique de crédit et finances rurales

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Besoin en financement Si l’investissement envisagé est supérieur à l’épargne disponible on aura un besoin de financement. En règle générale, les ménages, considérés globalement, ont une capacité de financement (leur épargne est supérieure aux investissements), tandis que les administrations et les entreprises dégagent un besoin de financement (leurs investissements dépassent le volume de leur épargne).

Comment mettre en communication les

capacités d’épargne et les besoins en financement?

Sans avoir recours à l’extérieur, il existe trois moyens par lesquels les capacités d’épargne peuvent se mettre en communication avec les besoins en financement. Ce sont: la collecte de l’épargne et le crédit bancaire; l’émission et la souscription d’obligations et l’émission et la souscription d’actions1.

La collecte de l’épargne et le crédit

bancaire

Le ménage qui désire un prêt ou l’entreprise qui souhaite procéder à un investissement peuvent s’adresser à une banque pour obtenir de celle-ci un crédit à moyen ou long terme. La banque, cependant, ne peut consentir ce crédit, et par suite immobiliser des fonds pour une durée de 5 à 10 ans, voire davantage, que si elle dispose de ressources stables. Cela suppose donc que la banque, dans le même temps où elle accorde des crédits aux agents économiques ayant besoin du financement, doit se préoccuper d’attirer vers elle l’épargne des agents économiques ayant des capacités de financement.

La collecte de l’épargne est le

complément nécessaire à l’attribution de crédit à moyen et long terme

La collecte de l’épargne est donc le complément nécessaire à l’attribution de crédits, particulièrement à moyen et long terme. C’est dans la mesure où les banques font l’un et l’autre qu’elles assurent la mise en correspondance des capacités et des besoins de financement. Il n’y a pas dans ce cas de relation directe entre le prêteur et l’emprunteur. Les banques collectent des fonds auprès des premiers et prêtent aux seconds. Cela implique, en particulier, que les risques du prêt sont entièrement supportés par les banques. Si l’entreprise ou le ménage à qui une banque a consenti un crédit est dans l’incapacité de rembourser celui-ci à l’échéance, la banque en supporte seule les conséquences. Cela ne diminue en rien l’obligation où elle est de restituer le moment venu l’argent qu’elle a reçu en dépôt des épargnants.

1 Ce mode de financement s’applique aux entreprises cotées en bourse ou aussi en dehors de la bourse. Les actions sont des titres émis par les entreprises à destination des épargnants. Elles représentent une part du capital de l’entreprise. La souscription d’une action donne droit au souscripteur, non pas à des intérêts comme les obligations , mais à une part des bénéfices, ou si elle décide de les utiliser pour financer des investissements plutôt que de les distribuer à ses actionnaires, ceux-ci ne percevront aucune rémunération. En outre, les actions, à la différence des obligations, ne donnent pas lieu à remboursement, de sorte que le souscripteur désireux de récupérer son argent ne peut le faire qu’en revendant ses actions à d’autres épargnants.

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Manuel 2: Instruments de politiques agricole Chapitre 3. Politique de crédit et finances rurales

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L’analyse des risques par les banques

Cela suppose donc que les banques procèdent, avant de consentir un crédit, à une analyse attentive des risques de l’opération qu’elles vont financer. Les banques peuvent également demander aux emprunteurs que ceux-ci leur fournissent des garanties. Par exemple, dans le cas où une banque finance l’acquisition ou la construction d’un logement, il sera prévu dans le contrat entre la banque et l’emprunteur que, dans le cas où celui-ci serait dans l’incapacité de faire face au paiement des intérêts et au remboursement du prêt, la banque sera en droit de faire vendre le logement et de prélever ce qui lui est dû sur le produit de cette vente. Dans le cas d’un crédit consenti à une exploitation agricole, la banque pourra de la même manière exiger qu’une partie des terres appartenant à l’agriculteur serve de garantie au prêt.

La viabilité des banques

Les banques sont des entreprises qui ont des recettes et des coûts d’opération (bâtiments, salaires, etc.); comme toute entreprise elles doivent se préoccuper d’avoir une situation financière saine. Les banques sont rémunérées pour leurs activités de crédit par la différence entre le taux d’intérêt qu’elles versent aux épargnants (taux créditeur) et le taux d’intérêt plus élevé (taux débiteur) qu’elles facturent aux emprunteurs. Le taux débiteur peut varier en fonction du risque de l’opération financée et de la nature des garanties apportées par l’emprunteur : plus l’opération est risquée et moins il y a de garanties, plus le taux d’intérêt du crédit sera élevé.

Emission et souscription d’obligations

A la différence du crédit, l’émission d’obligations établit une relation directe entre l’emprunteur et le prêteur. Dans beaucoup de pays, le gouvernement invite les prêteurs (les souscripteurs - nationaux ou étrangers-) à mettre à sa disposition tout ou partie de leur capacité de financement; il s’engage, en contrepartie, à lui verser annuellement un intérêt et à lui rembourser le capital prêté à une date convenue à l’avance (10 à 20 ans).

Par exemple, en 1994, le gouvernement sénégalais a émis des obligations pour une durée de 12 ans qui ont été achetées par les investisseurs du Sénégal et des autres pays de l’UMEOA.

Comment se fait

l’ajustement entre épargne et

investissement?

Le taux d’intérêt est le mécanisme par lequel les agents économiques disposant d’une capacité de financement acceptent de mettre celle-ci, pour un certain temps, à la disposition des agents économiques qui ont un besoin de financement. C’est la rencontre entre l’offre d’argent (agents excédentaires) et la demande d’argent (agents déficitaires) qui constitue le marché. Le taux d’intérêt est donc le prix de l’argent pour une période donnée, généralement un an.

Les défaillances du marché

Néanmoins il faut dire que toute l’épargne disponible dans l’économie n’est pas soumise aux mécanismes de marché. Une partie importante des investissements est autofinancée: des

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ménages, entreprises et gouvernements utilisent leur propre épargne pour financer la plus large part de leurs investissements et ne recourent au crédit bancaire ou au marché financier que pour financer le complément. En outre, les banques prêtent plus volontiers aux grandes entreprises qui leur paraissent offrir plus de garanties que les petites entreprises et agriculteurs, avec moins de risque de non-repaiement et moins de coûts administratifs dus aux problèmes de joindre des populations rurales très dispersées. Cette situation a amené l’état à intervenir en créant des établissements bancaires spécialisés dans le financement des exploitations agricoles, par exemple, ou prenant à sa charge une partie des intérêts des prêts consentis par les banques aux petites entreprises afin de faciliter l’accès de celles-ci au crédit. Le but de ces interventions a été de promouvoir le développement de l’agriculture et d’atteindre les ménages agricoles, qui pour leur dispersion dans le territoire, les risques qu’ils encourent et leurs besoins en crédit particuliers (par exemple le crédits de campagne, le crédit pour des services spécifiques, le besoins de formes de garantie non traditionnelles) nécessitent une attention particulière.

PARTIE II. Du crédit agricole aux finances rurales

Les politiques de développement mises en place dans la plupart des pays en voie de développement ont été caractérisées jusqu’à récemment par une intervention très répandue du gouvernement dans l’économie agricole pour promouvoir les investissements, réguler les prix, les marchés et les conditions de production. Au niveau financier, cette politique s’est manifestée par des mesures cherchant à pallier les défaillances du marché. Il s’agit de: • la création de banques de développement et ayant la tâche de

distribuer un ensemble de ressources et services au secteur rural;

• la promotion de lignes de crédit en faveur du secteur, à des taux d’intérêt bonifiés; et

• l’octroi de crédit par organismes paraétatiques de commercialisation dont le repaiement par les agriculteurs se faisait en cédant une partie de la récolte de l’année suivante;

La raison d’être de ces mesures était de donner du crédit agricole bon marché pour atteindre les agriculteurs et les stimuler à adopter des techniques de production modernes, et à augmenter la production et les exportations.

Les taux d’intérêt bonifiés

Le taux d’intérêt bonifié signifie qu’il est au dessous du taux du marché (c’est-à-dire le taux déterminé par l’équilibre entre l’offre et

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la demande d’argent). Il représente donc un transfert de ressources du prêteur (celui qui offre l’argent) vers l’emprunteur (celui qui demande l’argent) et ses activités. La politique de crédit agricole à un taux d’intérêt bonifié a été conçue dans l’objectif d’atteindre le plus grand nombre de bénéficiaires de la population cible, généralement les petits producteurs pauvres, pour permettre leur développement. Mais les dépenses implicites (le coût alternatif du temps perdu en procédures et démarches longues qui exigent des déplacements multiples à la banque) et explicites (frais de transport pour aller et revenir de la banque, frais et commissions fixes de crédit, fonds de garanties qu’il faut payer ou hypothèques qu’il faut inscrire) représentent une somme plus ou moins fixe par rapport au montant de crédit; ce qui fait que l’impact de ces dépenses sur le coût du crédit est inversement proportionnel au montant du prêt. Ces dépenses ont donc une incidence plus grande sur les petits crédits que sur les grands, ce qui fait que les coûts non financiers et la multiplication des démarches sont des facteurs défavorables au petit emprunteur. L’expérience montre qu’en réalité ce sont surtout les grands agriculteurs qui ont bénéficié le plus du crédit à des taux d’intérêt bonifiés. (Il est estimé que seulement 5% des petits agriculteurs en Afrique et 15% en Amérique Latine et Asie ont eu accès au crédit formel; le revers de la médaille est que 5% des emprunteurs ont bénéficié de plus de 80% du crédit agricole).

A l’intérieur des discriminations de facto du crédit vers les petits emprunteurs, il existe en plus une discrimination vers les femmes. Par exemple, en 1991, au Sénégal, les femmes ont emprunté seulement 1.1% du crédit formel, malgré leur présence et leur rôle dans le commerce. Elles ont reçu seulement 6.2% du crédit octroyé par la CNCAS (en 1992) malgré le fait qu’elles constituent 45% de la force de travail 2.

Les risques Lorsque le crédit bonifié est distribué par les banques d’état - ou parfois même par des banques privées mais sur des ressources publiques - il peut être dévié par des pressions externes ou internes à l’institution, vers les secteurs ou groupes qui ont plus de pouvoir, au détriment des groupes plus pauvres. Le crédit bonifié peut se prêter aussi à être utilisé comme instrument politique lors de campagnes électorales.

Le crédit ciblé

L’expérience et les enquêtes montrent aussi que les petits producteurs et les ménages ruraux (surtout les femmes) demandent du crédit pour l’utiliser à des fins décidés par eux-mêmes et non exclusivement pour la production et la commercialisation agricoles,

2 World Bank, Sénégal. An assessment of Living Conditions, 1995, p. 20 (Report No. 12517-SE)

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comme c’est le cas de certain crédit ciblé. Ainsi certains ménages demandent du crédit pour des dépenses de consommation liées à l’éducation/formation ou la santé.

Conclusions générales Par contraste aux problèmes rencontrés dans l’octroi du crédit bonifié et du crédit ciblé par les banques de développement agricoles, qui constituent le système bancaire formel d’un pays, il faut dire que dans beaucoup de pays ce système a servi à établir un réseau spatial d’institutions bancaires, à créer des capacités de gestion du crédit et aussi à introduire des technologies nouvelles. C’est l’expérience du secteur formel qui a amené à réfléchir sur comment appuyer son mode d’intermédiation financière avec le mode d’intermédiation couvert par le concept de ‘finances rurales’.

De la notion de crédit aux finances rurales

Ce concept s’appuie sur l’idée que tout producteur agricole a des épargnes, ou des périodes dans lesquelles il a des excédents de liquidité et des périodes où il a des besoins de financement. En l’absence d’un système financier adapté, les épargnes sont placées en investissements comme animaux, bijoux, etc. Donc il y a un espace pour la mobilisation de cette liquidité, comme source de financement. Cependant, une condition sine-qua-non pour ce processus est l’existence d’un système financier proche et adapté en dimension, rentabilité et sécurité, aux petits producteurs du secteur traditionnel. La différence la plus importante entre crédit agricole et finances rurales se trouve dans la conception du monde rural comme un tout composé par agriculteurs et non-agriculteurs; agriculteurs occupés à temps complet en agriculture et agriculteurs occupés à temps partiel dans le secteur; ménages et entreprises agricoles et non-agricoles, qui ont besoin de services financiers et non seulement de crédit pour des buts de production agricole.

Les institutions financières

En plus des institutions financières reconnues par le gouvernement sujettes aux réglementations et contrôles bancaires, on trouve aussi dans la majorité des pays un secteur semi-formel et un secteur informel. Les intermédiaires financiers semi-formels se situent en dehors des réglementations bancaires, mais habituellement disposent d’une licence et sont supervisés par d’autres organes gouvernementaux. Les intermédiaires financiers informels (c’est-à-dire sans contrats légaux formels) opèrent hors du cadre réglementaire et de tutelle du gouvernement. Le tableau à l’Annexe 1 indique la gamme d’opérateurs existant dans chaque groupe, même si les frontières ne sont pas absolues.

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Le secteur financier semi-formel

Les intermédiaires du secteur financier semi-formel ne sont pas des établissements financiers agréés, mais ils sont habilités ou autorisés à fournir des services et des produits financiers. Ces opérateurs possèdent des licences et sont surveillés par d’autres organismes gouvernementaux. Ils disposent normalement de règlements, de statuts, de constitutions ou de normes de fonctionnement. Dans beaucoup de pays ces intermédiaires financiers reçoivent le soutien et les subventions de donateurs et du gouvernement pour leurs opérations. Des exemples de tels établissements sont: les caisses de crédit mutuel; les coopératives d’épargne et de crédit et les banques villageoises.3

Le secteur informel

Le secteur informel est constituées par des individus qui, comme occupation principale ou à temps partiel, prêtent de l’argent. Ils peuvent être des propriétaires de terres qui pratiquent le fermage ou le métayage combiné ou non avec le crédit, des commerçants ou des agro-industriels qui font des avances en intrants aux agriculteurs contre la vente de la production, les “garde-monnaie” ou les “banquiers-ambulants”, des prêteurs traditionnels (usuriers), etc. Traditionnellement, ils chargent des taux bien plus élevés que le taux d’intérêt du marché; cela est dû, selon certains à leur situation de monopole et aussi, selon d’autres, au risque de ne pas être remboursés. Le marché informel du crédit est hétérogène et dispersé et agit hors du contrôle des autorités monétaires. Durant ces dernières années, il y a eu un intérêt accru à connaître et étudier certains systèmes de finances semi-formelles et informelles (de type non-usurier) qui ont fait preuve d’efficacité et de pertinence par rapport aux besoins en financement des petits producteurs et des couches les plus pauvres de la population. Le succès relatif de certains systèmes de crédit rural informel - mis en place souvent sans contrat écrit - prouve non seulement une bonne connaissance entre prêteur et emprunteur et une meilleure adaptation aux intérêts mutuels des deux intervenants, mais aussi une confiance dans les rapports personnels, qui normalement n’existent pas dans les contrats des institutions formelles. Néanmoins en général il existe peu de documentation concernant l’échelle des activités dans le secteur informel, car les écritures ne sont pas communiquées aux autorités centrales. Il est donc difficile et, à ce stade des connaissances, prématuré de tirer des leçons conclusives sur leur potentiel pour le développement vis-à-vis du secteur semi-formel et du secteur formel.

3 Pour une revue de l’intermédiation financière et la mobilisation de l’épargne voir la publication FAO, La protection de l’épargne. Les leçons de l’expérience, Bulletin des services agricoles de la FAO, 1995.

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Selon une étude conduite par l’IFPRI4, les facteurs les plus importants à la base de la bonne performance, de la viabilité et de l’atteinte des objectifs des systèmes semi-formels et informels peuvent être synthétisé de la façon suivante: • le crédit est alloué en réponse à une demande spécifique de la part

d’individus ou de groupes; • la possibilité d’ouvrir des comptes d’épargnes, et non seulement du crédit; • le crédit est alloué au taux d’intérêt du marché; • des formes de garantie adaptées • le crédit donné à de petits groupes

le crédit en réponse à une demande

Le crédit est alloué en réponse à la demande des individus/groupes. Comme nous l’avons vu dans la section précédente, cette demande est souvent liée à la résolution de problèmes contingents, ou à une demande de services sanitaires ou d’éducation/formation et non seulement à une demande de crédit pour la production. Cette possibilité de répondre aux exigences des individus est très importante surtout dans un contexte où il existe des possibilités d’accroître les revenus en dehors de l’agriculture au sens strict (ce qui est le cas dans la majorité des pays en Afrique aujourd’hui).

Au Sénégal, par exemple, seulement 10,9% du revenu des ménages dépend de l’agriculture (23,1% si l’on y adjoint l’élevage [11,8%] et la cueillette/chasse [0,4%]) tandis que 39,2% du revenu provient d’activités non-agricoles.

l’offre de

services d’épargnes L’ offre de services de comptes d’épargnes. Ceci est très important pour les petits producteurs et les femmes rurales qui ont des liquidités à certaines périodes de l’année et qui, par des comptes d’épargnes, peuvent réduire le risque d’insécurité alimentaire.

taux d’intérêt du marché Le taux d’intérêt est celui du marché ou même plus élevé; celui-ci permet d’attirer l’épargne et peut contribuer à la viabilité financière de l’institution, c’est-à-dire à couvrir les coûts et le risque des opérations.

garanties adaptées Les formes de garantie sont adaptées aux groupes cibles et au contexte dans lequel l’organisme opère; par exemple, la garantie peut être donnée par un groupe qui s’engage à repayer au cas où un des membres de ce groupe n’a pas la capacité de repayer. Certains systèmes de finances informelles demandent qu’un certain pourcentage du montant demandé soit mis dans un compte d’épargne. Dans certains cas, les individus demandant le crédit déposent des objets de valeurs qui leur seront restitués après le remboursement.

crédit aux groupes Le crédit à des groupes, plutôt qu’à des individus, a marché dans certains cas. Généralement, les groupes sont homogènes, caractérisés par une cohésion sociale et culturelle qui est à la base de la caution solidaire du groupe; ce n’est pas l’intermédiation financière en elle-même et en elle seule qui peut assurer le sens de responsabilité dans le repaiement et la solidarité du groupe (voir Annexe 2).

Rôle de l’état dans les finances rurales5

En principe, quel est le rôle que doivent jouer l’état et la banque centrale6 dans la promotion et le développement des finances

4 IFPRI, Rural Finance for Food Security for the Poor, Food Policy Review 4, 1997 5 Pour informations sur la politique d’assistance de la FAO en matière d’intermédiation financière pour le secteur rural se référer à FAO, Les financements ruraux à la FAO, Document d’information, Service de la Commercialisation et des Financements Ruraux, Juin 1994. (Nouvelle version en préparation).

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rurales? La banque centrale dans la majorité des systèmes constitutionnels doit être aussi indépendante que possible de l’état, pour éviter toute interférence de type ‘politique’. Quant à l’état, comment doit-il ou peut-il intervenir, pour répondre aux besoins en financement des petits producteurs et pour assurer la viabilité des intermédiaires financiers? Les imperfections et les faiblesses structurelles des marchés financiers dans les pays en voie de développement demandent une ample contribution de l’état. L’absence de concurrence et de diversification dans l’offre des services financiers; les “barrières sociales” implicites dans le caractère urbain de la plupart des intermédiaires financiers formels; l’information imparfaite sur les emprunteurs et les faiblesses des rapports contractuels; les coûts d’intermédiation élevés comme conséquences des risques élevés et d’une population traditionnellement composée de petits épargnants et emprunteurs; la rareté des projets “bancables” (due au manque de capacités d’une part de préparation de projets et de l’autre d’appréciation de leur rentabilité) sont autant de problèmes qui militent en faveur d’un état jouant encore un rôle important destiné à réduire les imperfections, améliorer le fonctionnement et jouer un rôle “incitatif” au développement des marchés financiers ruraux, grâce à des mesures tant directes qu’indirectes.

Appui indirect

Contrôle de l’expansion monétaire et de

l’inflation

Comme mesure indirecte il est important de retenir d’abord le besoin d’une politique de concertation gouvernement - banque centrale dans leur responsabilités respectives, destinée à maintenir sous contrôle l’expansion monétaire et l’inflation. Par ailleurs il faut avoir une réglementation qui garantisse les déposants et exerce une surveillance des institutions financières afin de maintenir la confiance du public dans le système. Il est aussi important d’avoir un système d’appui aux petits organismes de financement par les grandes banques.

règles de surveillance C’est la responsabilité de l’administration d’autoriser et encourager la création de nouvelles institutions financières et de stimuler une saine concurrence entre elles. L’appui indirect aux institutions privées (ONG, fondations, etc.) qui travaillent pour le développement des marchés financiers ruraux et, en particulier la mise en place d’un cadre juridique-institutionnel adapté au fonctionnement de ces institutions, est nécessaire dans beaucoup de pays. L’importance des systèmes de financement informels a été un point important de la réforme du secteur bancaire au Sénégal en 1988.

6 En tant que membre de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) le Sénégal n’a pas sa banque centrale indépendante mais dépend de la Banque centrale des états de l’Afrique de l’ouest (BCEAO) (cf. Chapitre 2, Manuel 1).

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Manuel 2: Instruments de politiques agricole Chapitre 3. Politique de crédit et finances rurales

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cadre juridique

exemption d’impôts

Un cadre adapté devrait garantir avant tout, la liberté d’action de ces institutions qui est à la base de leur capacité innovatrice. Il doit donc appuyer l’autonomie de gestion et les décisions administratives des organismes non-gouvernementaux qui font des efforts pour atteindre la population rurale. Le cadre doit exiger par contre l’information et la transparence dans la gestion de comptes comme n’importe quelle autre entreprise privée; pour ceux qui n’ont pas de buts lucratif, une mesure convenable serait l’exemption d’impôts.

Appui direct

pour l’établissement de l’institution

et non pas pour des

taux d’intérêt bonifié

D’après l’analyse de plusieurs exemples d’institutions financières performantes en Afrique sub-saharienne, les conclusions sont que l’intervention publique a été utile dans l’établissement des institutions de crédit. Cette intervention peut se faire, pendant la phase initiale du développement de l’institution, par des ressources financières ou par des programmes de formation à la comptabilité et à la gestion. Cette assistance technique peut demander beaucoup de temps et ressources et donc la phase d’établissement coûte souvent assez cher. Néanmoins, c’est l’assistance à l’établissement de l’institution qui paraît fondamentale plutôt que la subvention du taux d’intérêt.

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Chapitre 4

La filière comme outil de gestion de l’économie agricole

Qu’est-ce qu’une filière?

Une filière est constituée des agents économiques qui participent à la mise à disposition d’un produit final donné. Elle retrace la succession des opérations qui, partant d’une matière première agricole, aboutit, après plusieurs échanges et transformations éventuelles, à un ou plusieurs produits finaux au niveau du consommateur ou de l’exportateur.

Exemple de schéma-

type d’une filière agricole simple

Objectifs du chapitre Les objectifs de ce chapitre du Manuel sont: • de définir et expliquer le concept de filière; • de montrer comment l’approche filière peut servir à mieux comprendre le fonctionnement

de l’économie agricole; • de suggérer comment la filière peut servir de cadre pour la gestion du secteur agricole.

Pays

Frontière

Marché Mondial

Producteurs

Consommateurs

Exportateurs/Importateurs

Commerçantsde gros

Commercants de collecte

Transformateurs

Commercants de détail

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Manuel 2: Les instruments d’une politique agricole Chapitre 4: La filière comme outil de gestion de l’économie agricole

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Exemples de filières: la

filière arachide, la filière riz, la filière

coton, la filière maïs, etc...

Il est évident que dans la réalité, les filières ne constituent pas des entités indépendantes: elles se recoupent souvent. Ainsi, la filière coton a des relations très fortes avec la filière huile, au sens large. De même, au fur et à mesure du développement des industries de transformation agro-alimentaires, les filières ont tendance à converger vers des processus de transformation complexes: par exemples la filière céréale s’intègre étroitement aux filières sucre et matières grasses au niveau des unités de biscuiterie. Il est donc important, quand on parle de filière de bien délimiter la filière en question. Cette délimitation dépendra de l’objectif que l’on cherche à atteindre quand on fait recours au concept de filière.

L’approche filière: pour mieux

comprendre le fonctionnement de l’économie agricole

La filière constitue un cadre très utile pour analyser le fonctionnement de l’économie agricole d’un pays, surtout dans le cas où l’économie est une économie de marché. Ce sont en effet les différentes opérations effectuées tout au long de la filière qui permettent de mettre en contact l’offre de produits agricoles au niveau des paysans et la demande provenant des consommateurs et du marché mondial. L’analyse des différentes opérations faites par les agents de la filière permet d’en analyser: (i) le fonctionnement technique; (ii) la situation financière de chaque agent économique et la distribution des revenus entre eux; (iii) la nature des mécanismes à l’oeuvre sur les marchés où les produits sont échangés; ainsi que, (iv) l’évolution des prix des produits lors de leur cheminement vers les utilisateurs finaux. Avant d’entrer dans le détail de l’analyse d’une filière, il est utile d’en analyser l’importance dans l’économie nationale (valeur de la production, emplois créés, etc.), et d’analyser l’évolution récente de la production, de la consommation et du commerce extérieur de ses principaux produits.

L’analyse du fonctionnement

technique d’une filière

L’analyse d’une filière comprend normalement tout d’abord une analyse des flux physiques entre agents économiques, depuis les producteurs jusqu’aux consommateurs ou exportateurs. Cette analyse permet: • d’identifier tous le produits (y compris les produits dérivés de la

filière); • de distinguer les différents circuits de la filière et de déterminer

leur importance relative; • de spécifier les paramètres techniques de chaque agent

économique: utilisation d’intrants, rendement, taux d’autoconsommation/commercialisation, taux d’extraction, pourcentage de pertes, etc. Ceux-ci constituent des informations

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précieuses sur l’efficacité technique des opérateurs. Cette dernière dépend notamment de leur possibilité d’accès à des technologies plus performantes.

Elle nécessite la collecte d’une quantité importante d’information. Celle-ci se fait à partir de sources secondaires (statistiques de production/consommation, système d’information sur les marchés) et grâce à des interviews d’opérateurs économiques (producteurs, transformateurs, commerçants, importateurs/exportateurs, etc.).

L’analyse financière des agents de la filière

L’analyse financière de la filière consiste à construire un compte pour chaque agent (voire chaque opération, dans le cas où un agent effectue plusieurs opération) pour identifier les dépenses, recettes et bénéfices de chaque agent. Cette analyse permet notamment d’identifier si certains agents font des sur-profits par rapport aux autres, ou, au contraire, s’ils sont à la limite de la rentabilité et risquent donc de ne plus continuer à participer à la filière à moyen terme -- ce qui pourrait avoir des conséquences graves pour l’ensemble des agents et pour le pays tout entier. Elle permet également de voir dans quelles proportions les profits créés par la filière sont répartis entre diverses catégories d’agent économiques. D’un point de vue dynamique, les informations prises en compte lors de cette analyse permettent de se faire une idée de l’effet immédiat qu’aurait un éventuel changement du système de taxes et de subventions sur divers agents de la filière (par exemple quels sont les agents qui seraient “dans le rouge” au cas d’une diminution/ suppression d’une subvention ou de l’instauration/augmentation d’une taxe).

L’analyse des marchés Dans une économie de marché, chaque échange entre agent économique peut être qualifié de marché. La situation des agents par rapport au marché et leur stratégie déterminent dans une large mesure le mode d’interaction existant entre eux et le prix payé (ainsi que les modalités de paiement) par l’acheteur au vendeur. La situation par rapport au marché des agents échangeant un bien dépendent du volume qu’ils manipulent, de leur connaissance du marché et des conditions d’opération de leur partenaire dans l’échange, ainsi que de leur possibilité d’accès à un acheteur/vendeur concurrent. Plus ils manipulent un volume important et plus grand est leur zone d’action géographique, mieux ils connaîtront les conditions du marché dans le pays. Si de plus ils ont connaissance des coûts encourus par leurs partenaires dans l’échange, et s’ils ont le choix entre un assez grand nombre d’agents économiques avec qui ils peuvent traiter (concurrence), leur situation sera plus favorable encore.

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Par exemple, un petit paysan isolé dans la brousse est en position de faiblesse par rapport à un commerçant collecteur: il vend une faible quantité par rapport au volume brassé par le commerçant; il connaît mal les prix qui ont cours sur les marchés importants du pays1; et il se peut fort que le commerçant soit le seul qui vienne au village. Au contraire le commerçant traite avec une multitude de paysans, il connaît peu près le prix auquel il pourra revendre le produit, et il connaît également souvent le prix de revient du produit pour les producteurs. Dans ces conditions, le paysan risque d’accepter de vendre à un prix inférieur à celui qu’il accepterait s’il était sur un pied d’égalité avec le commerçant, car: • s’il ne vend pas, cela constitue pour lui une perte capitale de

source de revenu monétaire; • il n’a pas suffisamment de données pour avoir un prix de

référence assez valable pour juger si le prix proposé par le commerçant est juste ou non; et,

• s’il ne vend pas au commerçant, il devra se déplacer au marché ce qui lui coûtera du temps et des ressources financières2.

Les mesures qui peuvent contribuer à améliorer la symétrie de ces relations sont bien connues, par exemple: (i) les ventes groupées par les paysans; (ii) la mise en place d’un système d’information sur les marchés et sur les coûts des autres agents économiques géré par l’état et/ou les organisations professionnelles et qui tient les producteurs informés sur les prix sur les principaux marchés du pays; et, (iii) l’organisation de ventes directes sur les marchés d’importance régionale. Ce type de problématique n’est pas spécifique aux relations entre producteurs et commerçants et est valable pour les autres échanges effectués au sein de la filière. La stratégie des agents joue un rôle déterminant dans la formation des prix et dépend de toute une série de facteurs qu’il est impossible de tous énumérer ici. Par exemple, un commerçant qui est nouveau dans une zone, peut essayer, s’il en a les moyens, de payer un prix excessif pour chercher à éliminer les concurrents et contrôler le marché tout seul dans l’avenir (il récupérera alors des sur-profits qui lui permettront de rattraper les achats à perte effectués en phase d’installation). Au contraire, un commerçant (ou un transformateur) qui a le monopole pourra chercher à faire baisser le prix à la limite inférieure (plancher) où la poursuite de la production reste tout juste intéressante pour les paysans: ces prix peuvent être très bas dans le

1 il ne connaît souvent que les prix pratiqués sur le marché le plus proche 2 ces coûts seront nettement supérieurs par unité de produit vendu à ceux encourus par le commerçant car ce

dernier manipule des quantités plus importantes (économies d’échelle)

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cas de cultures pérennes et nettement inférieurs au prix minimum nécessaire pour convaincre les paysans de mettre en place la culture. De même l’éventail des possibilités de production et des sources de revenus alternatives disponibles au producteur pèsera lourd dans la détermination des prix qu’il pourra accepter pour ses produits. D’autres facteurs jouant un rôle déterminant dans le fonctionnement du marché et la fixation des prix sont le prix de revient pour le vendeur (qui déterminent la limite inférieure au-dessous de laquelle le vendeur opérera à perte) et les possibilités de revente par l’acheteur qui dépendent de la demande nationale (consommateurs) et des opportunités d’exportation (demande mondiale).

L’analyse des prix aux divers stades de la

filière

L’analyse des prix aux divers stades de la filière et de leur composition (coût de production primaire, coût de transformation, coûts de transports, autres coûts, taxes et subventions, profits) donne des informations précieuses sur le mode de fonctionnement de la filière et les opportunités existant pour en améliorer l’efficacité. Les économistes comparent généralement également les prix observés avec des prix économiques qui prévaudraient si le marché était parfaitement concurrentiel et efficace, et les échanges extérieurs entièrement libres. Cette comparaison leur permet d’identifier les stades de la filière où l’on observe des distorsions et d’en préciser la source (intervention de l’état sous forme de taxes et subventions, imperfection de la concurrence, taux de change, etc.). L’on peut alors pousser l’analyse au niveau de ses stades, et faire des propositions précises visant à améliorer le fonctionnement des marchés. Ainsi, par exemple, la FAO a récemment participé à l’étude de la filière sucre dans un pays membre. Cette étude a permis de déterminer la proportion des divers types de coûts dans le prix du sucre au consommateur et du profit effectué par les agents de la filière dans le prix du sucre au consommateur. Cette étude a notamment montré l’importance capitale des frais de transport dans la formation du prix au consommateur.

Structure des coûts de la filière sucre

Taxes/sub-ventions

0% Coût de transport

20%

coût de transforma-

tion21%

Coût de production primaire

27%Profits32%

Coût de commercia-

lisation0%

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L’étude a montré comment les bénéfices créés dans la filière étaient répartis entre les agents de la filière, paysans, sucreries, grossistes et détaillants. Les chiffres ont montré que ce sont les transformateurs qui captent la plus grande partie des profits de la filière. Enfin, l’étude a permis de montrer dans quelle proportion les différents agents de la filière bénéficiaient de la protection qui est donnée à la filière. Il faut en effet savoir que dans le pays concerné, la filière sucre est fortement protégée contre les importations et le prix au consommateur est plus de 50% supérieur à ce qu’il serait si les importations de sucre étaient libres. Ils s’avère que plus de la moitié du supplément de prix payé par les consommateurs va aux sucrerie et seulement un peu plus du tiers aux paysans.

Cette étude montre que l’idée que les commerçants tirent un profit

excessif de leur activité ne peut pas être généralisée, loin s’en faut. En fait, les commerçants fonctionnent souvent avec un bénéfice très réduit qui peut se justifier par les risques qu’ils prennent et la fonction très utile qu’ils jouent de lien indispensable entre la production et la consommation. Les commerçants sont aussi souvent accusés d’être des "spéculateurs”. En fait, si la spéculation n’est simplement que l’achat de produits au moment de la récolte, la prise en charge de leur stockage pendant une partie de l’année, et la remise en vente au moment de la période “creuse’, c’est là une fonction très utile permettant de limiter les fluctuations saisonnières des prix. Il ne faut pas oublier que le stockage coûte (perte de produits, bâtiments, produits de traitement, frais financiers, etc.). Bien sûr, il faut aussi reconnaître que dans certaines conditions, des excès se sont produits...

La filière: un cadre de gestion de

l’économie agricole

La filière peut également être un cadre de gestion de l’économie agricole. Les divers agents économiques actifs dans une filière (ainsi qu’éventuellement l’état) peuvent se retrouver au sein d’une organisation interprofessionnelle pour discuter et négocier des mesures ayant pour but d’améliorer le fonctionnement de la filière3. Bien qu’ayant souvent des intérêts apparemment divergents, ils ont un intérêt fondamental en commun, celui de voir la filière se développer. Les structures interprofessionnelles peuvent contribuer à identifier

3 notons qu’en cas de différentiation suffisamment forte, il peut s’avérer nécessaire d’avoir dans

l’interprofession des représentants de chacune des sous-catégorie d’agents, par exemples: transformateurs industriels/artisans, commerçant collecteurs, grossistes, détaillants, exportateurs/importateurs, paysans de diverses catégories de taille ou d’origine géographique différente, etc.... On pourra également avoir la participation d’agents offrant des services à la filière, tels que les transporteurs, les banques, les producteurs d’emballage, la recherche, la vulgarisation, certains donateurs, etc...

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les actions nécessaires à une amélioration de l’efficacité économique de la filière (sa compétitivité) et notamment proposer à l’état des nouvelles mesures de politiques favorables à une telle évolution. L’interprofession peut aussi, en cas de dysfonctionnement évident du marché, chercher à trouver un accord entre les parties prenantes sur certaines améliorations à apporter aux mécanismes opérant à différents stades du marché, voire à fixer d’un commun accord des prix intermédiaires dans la filière permettant une rémunération équitable des divers agents. Elle peut aussi aider à mettre en place des systèmes de commercialisation plus efficaces. Ce type d’accord est particulièrement important dans le cas de produits dont les caractéristiques rendent difficile le développement de marchés compétitifs tels que les produits périssables (canne à sucre, fruits et légumes) ou certains produits d’exportation où les économies d’échelle sont très importantes et où une forte concentration du commerce de gros et d’exportation est nécessaire pour que les produits du pays soient bien placés en arrivant sur le marché mondial. Parmi la multitude de fonctions que peut assurer une organisation interprofessionnelle, on peut citer: • l’information des agents de la filière sur les conditions du marché

national et mondial; • leur formation (aspects techniques et de gestion); • la détermination et la mise en oeuvre d’un système de normes de

qualité visant, au travers notamment d’incitation de prix, à encourager une progressive amélioration de la qualité des produits de la filière (ce rôle peut être particulièrement important pour les filières d’exportation et peut être partagé avec ou cofinancé par l’état;

• la recherche de nouvelles formes contractuelles entre les agents de la filière;

• l’organisation de la négociation sur les prix internes à la filière; • la recherche de nouveaux produits ou techniques de

transformation des produits de la filière; • la recherche de nouveaux marchés au plan national, régional ou

mondial; • la proposition à l’état d’effectuer certains investissements à

caractère public susceptibles de contribuer à la stratégie de développement de la filière;

• la formulation de suggestions en matière de politiques agricoles ou commerciales (notamment lors de négociations internationales dans le cas de filières fortement importatrices ou exportatrices).

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Les limites de l’approche “filière”

A côté de tous les avantages cités, cette approche filière a également des faiblesses. La principale faiblesse de l’approche est qu’elle tend à négliger le fait que la filière fait partie intégrante d’un ensemble économique plus vaste. Ainsi, les décisions prises par les divers agents économiques travaillant dans la filière ne sont pas uniquement déterminées par des facteurs internes à la filière, loin s’en faut. Ainsi au niveau de l’exploitation agricole, la spéculation produisant le produit primaire de la filière fait partie d’un système de culture dans lequel des liens étroits l’unissent avec d’autres productions: système de rotation/assolement, complémentarités ou compétition au niveau du calendrier et de l’organisation du travail, de l’utilisation de la terre, des besoins alimentaires ou monétaires de l’exploitation. De façon similaire, les commerçants sont rarement spécialisés en un produit spécifique, mais au contraire commercialisent toute une série de produits, afin de bénéficier d’économie d’échelle et de répartir les risques. Chez eux, les divers produits agricoles qu’ils manipulent peuvent par exemple être en compétition pour les capacités de stockages limitées (en espace tant qu’en capacité de financement). Même les transformateurs (les moulins par exemple) disposent souvent d’unités de transformation polyvalentes pouvant traiter plusieurs produits. Jusqu’au consommateur, qui peut substituer certains produits, selon l’évolution des prix et des goûts. Tous ces liens et facteurs font que, souvent, les mesures prises au niveau d’une filière ne sont pas traduites effectivement en les résultats escomptés. Enfin, l’expérience montre, qu’au fur et à mesure qu’un pays se développe, et notamment que son marché se développe, la fonction de production (offre) d’un produit, que l’approche filière privilégie fortement, se trouve de plus en plus dominée par la fonction commercialisation. C’est cette dernière qui prend le dessus, en modifiant la logique de fonctionnement de l’économie agro-alimentaire, la restructurant en réglant les flux de produits de façon nouvelle, en déterminant le regroupement de la production et de la transformation dans certaines zones particulières et en révolutionnant l’organisation de la commercialisation et de la distribution des produits agro-alimentaires. Ce phénomène bien avéré en Europe commence à être observé dans un certain nombre de pays en développement fortement urbanisés, notamment en Amérique Latine.

Conclusion L’approche par filière sert mieux comprendre le fonctionnement de

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l’économie agricole, surtout dans des pays où l’offre reste le facteur déterminant et les marchés sont encore en phase de développement. L’analyse du fonctionnement technique de la filière, de la situation des agents économiques y opérant et des mécanismes de marchés régissant les échanges en son sein aident à formuler des recommandations pour son développement. La filière peut également être un cadre de gestion efficace, notamment grâce à la mise en place d’organisme interprofessionnels où tous les agents économiques peuvent faire valoir leurs intérêt et négocier avec leurs partenaires. Il faut cependant veiller à se souvenir qu’une filière n’existe pas de façon indépendante dans l’économie, et que les décisions qui y sont prises résultent également d’événements affectant des produits qui y sont extérieur.

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Manuel 2: Instruments de politiques agricole Chapitre 3. Politique de crédit et finances rurales

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Annexe 1 Les fournisseurs des services d’intermédiation financière

Secteur formel Secteur semi-formel Secteur informel

Banque centrale

Coopératives d’épargne et de crédit

Associations d’épargne

Banques commerciales

Tontines

Banques de commerces Caisses d’épargne Banques Rurales

Cooopératives à buts multiples

Caisses d’épargne Postales Caisses de crédit mutuel Entreprises financières informelles

Banque des Travailleurs Banques coopératives

Cooopératives à forme bancaire • banquiers locaux • sociétés financières • sociétés d’investissements

villageois

Banques de développement • étatiques • privées

Fonds de placement d’épargne du personnel

Associations d’auto-assistance

Sociétés d’investissement et de crédit immobilier

Banques populaires Banques villageoises

Prêteurs sur gages • commerciaux • non commerciaux (amis,

voisins, parents) Caisses de crédit mutuel

Projets de développement

Institutions de sécurité sociale Groupes d’auto assistance et clubs d’épargne

Institutions d’épargne contractuelle • fonds de pension • compagnies d’assurance

Négociants et commerçants

Autres institutions non bancaires • sociétés financières • sociétés de prêts à durée

déterminée

Marchés financiers • actions et titres

__________________ Source: La protection de l’épargne - Les leçons de l’expérience, 1995, FAO, Bulletin des services agricoles No 116.

Annexe 2

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PROJET FAO/FONGS (TCP/SEN/6713) 46

Les groupes solidaires Avec cette approche on cherche à réduire le coût unitaire et le risque de chaque opération, étant donné que • pour le prêteur il n’y a qu’un emprunteur - le groupe - et • chaque membre offre sa garantie indivisible et solidaire, c’est-à-dire que tous

les membres du groupe sont débiteurs avec la même responsabilité du total dû par le groupe

De cette manière le prêteur peut toucher en principe un nombre plus important de bénéficiaires de la population cible, avec prêts de dimension très minime. Cette approche fonctionne généralement avec petits groupes de 3 à 10 participants, souvent des femmes, avec l’appui de trois composantes principales: le crédit et autres services financiers y compris les facilités d’épargne; la formation et l’assistance technique des membres du groupe et la promotion à l’organisation et au développement social. Le groupe choisit lui-même sa composition et décide collectivement le montant de crédits de chacun des associés et, par la somme des demandes individuelles, la dette de tout le groupe. Les membres du groupe doivent assumer eux-mêmes la responsabilité de collecter les remboursements et de payer au prêteur. Cette participation collective aux opérations augmente la responsabilité mutuelle, stimule le dynamisme et la confiance des rapports internes au groupe et fait jouer la pression sociale comme un puissant instrument pour les remboursements. Les opérations sont généralement très décentralisées, avec un agent de crédit qui habite dans la même communauté ou dans une communauté voisine et qui dispose d’une grande autonomie, ce qui fait les déboursements assez expéditifs. Même si la plupart de ces expériences commence avec le crédit, elles établissent toutes comme condition pour continuer les opérations, la constitution d’une épargne qui est propriété du groupe, à titre collectif ou individuel. Ces ressources sont utilisées par la suite pour faire des petits prêts d’émergence à l’intérieur même du groupe. Les prêts suivent une méthodologie très standardisée. En général, ils sont accordés pour une durée de trois à quatre mois - ce qui est appelé un cycle. Les remboursements sont très fréquents - normalement hebdomadaires-, en sommes égales qui incluent le capital, les intérêts, les coûts d’opération du promoteur et parfois même, un montant destiné à l’épargne. Les taux d’intérêts sont assez élevés et peuvent arriver jusqu’à 25% et 50% réels. Etant donné que la dette est du groupe, lorsque l’un des membres ne rembourse pas, tous les autres doivent concourir à couvrir la différence pour que le groupe puisse avoir accès à un nouveau cycle de prêts. En général, les prêts au groupe augmentent à chaque cycle, commençant avec des sommes très petites: de 15.000 à 18.000 FCFA par cycle par bénéficiaire, et augmente progressivement de cycle en cycle selon le comportement de chaque groupe.

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Glossaire

Agent économique Catégorie d’opérateur qui interviennent dans l’économie : par exemple les producteurs

Balance des ressources

Voir définition p.15 du chapitre 2

Biens échangeables / non échangeables

Voir définition p19 et 20 du chapitre 2 manuel 1

Dévaluation

Dans un régime de change fixe, politique consistant à ajuster le taux de change de la monnaie nationale pour le faire correspondre à la valeur d’échange de la monnaie sur un marché ou les prix des monnaies s’ajustent librement. Concrètement la monnaie étant surévaluée, la dévaluation consiste en une dépréciation de la monnaie nationale par rapport aux autres monnaies.

Exploitation agricole ou système d’exploitation

Les exploitations agricoles peuvent être comprises comme un système composé de trois éléments (i) un groupe humain généralement une famille qui met en valeur (ii) des ressources naturelles à l’aide de (iii) moyens techniques et matériels

Externalités Les externalités sont des coûts ou des bénéfices générés par une activité économique et imposés à des tiers en dehors de toute compensation monétaire. Ainsi, par exemple, un investissement en infrastructures routières utilisera des matériaux de constructions, des machines, de la main d’oeuvre pour lesquels l’entreprise de construction assume un coût monétaire (prix d’achat ou salaire). Mais la réalisation du projet entraîne d’autres coûts possibles, cette fois non compensés, tels que la pollution de l’eau, la dégradation des sols, etc., qui sont assumés par toute la collectivité sous forme de pertes économiques (eau non potable), de loisirs (eau impropre à la baignade), etc. Ces coûts ne sont pas compensés car l’entreprise de construction n’indemnise pas les populations victimes de cette pollution. Ces coûts non indemnisés sont en général dénommés “externalités” ou “déséconomies externes”. Les externalités peuvent être négatives (coûts), comme dans notre exemple, ou positives (bénéfices).

Inflation dépréciation de la monnaie due à la hausse des prix

Intrants Les intrants sont les produits qui rentrent dans la production agricole comme les engrais, les semences etc..

Libéralisation La libéralisation de l’économie fait référence à une école de la pensée économique qui voit le rôle de l’état dans l’économie comme devant être réduit au strict minimum (armée, police, justice ...). Une économie libéralisée idéale serait une économie dans laquelle les

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Glossaire

agents économiques (consommateurs et producteurs) ont toute la latitude pour prendre des décisions de production et de consommation. Dans ce type d’économie, les prix jouent le rôle principal dans l’orientation des décisions des producteurs et des consommateurs. Ce concept s’oppose à celui d’économie planifiée dans laquelle l’état joue un rôle plus ou moins important suivant les cas dans les choix de production et de consommation (société d’état, prix régulés, planification comme en URSS avant 1989...). En Afrique, on parle de libéralisation à partir des années 1980, pour parler du processus de désengagement de l’état dans l’économie qui doit conduire à laisser plus de place et de marge de décisions aux opérateurs privés dans la conduite de l’économie des pays.

Monopole Situation économique où une entreprise contrôle entièrement le marché d’un produit sans aucune concurrence. L’entreprise se trouve de fait dans une position de force vis à vis de ses fournisseurs ou clients et peut fixer des prix plus avantageux pour elle de ce qu’ils seraient dans une situation concurrentielle. Exemple : Monopole de la SONACOS au Sénégal pour l’arachide jusque dans les années 80.

Obligation Forme d’emprunt dans lequel l’emprunteur verse des intérêts sur le capital emprunté annuellement et s’engage à rembourser le Capital au bout d’une période généralement assez longue (10-20 ans)

Prix CIF (CAF) Prix Coût Assurance Fret, prix d’une marchandise à la frontière du pays importateur avant débarquement. Le prix CAF est égal au prix FOB de la marchandise plus les frais de transport et le coût de l’assurance.

Prix FOB (FAB) Prix Franco à Bord du navire au départ du pays exportateur toutes taxes et frais de chargement payés

Taux d’intérêt bonifié

Le taux d’intérêt bonifié signifie qu’il est au dessous du taux du marché (c’est-à-dire le taux déterminé par l’équilibre entre l’offre et la demande d’argent). Il représente donc un transfert de ressources du prêteur (celui qui offre l’argent) vers l’emprunteur (celui qui demande l’argent) et ses activités.

Taux de Change Prix de référence d’une monnaie : le Taux de change Dollar Franc CFA était en juillet 1999 de 625 CFA pour un Dollar