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Myotonies non dystrophiques G Serratrice S Attarian Résumé. Groupe hétérogène, les myotonies non dystrophiques sont dues principalement à des anomalies génétiques responsables d’une dysfonction de l’excitabilité des canaux ioniques membranaires. Les canaux chlore sont encodés par le gène ClcN1 sur le chromosome 7 q35. Des mutations de ce gène ont été mises en évidence dans les myotonies de Thomsen et de Becker. Les myotonies et paramyotonies aggravées par le potassium résultent d’une inactivation du canal sodium ; l’anomalie se situe sur le gène SCN 4A sur le chromosome 17 q23. Le syndrome de Schwartz-Jampel résulte d’une déficience du protéoglycane perlecan. La localisation chromosomique du gène HSPG2 est sur le chromosome 1 p34-p36-1. © 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots-clés : canalopathies chlore, canalopathie sodium, syndrome de Schwartz-Jampel, déficit en perlecan. Introduction Dix fois moins fréquentes que la myotonie dystrophique, elles sont le plus souvent de transmission autosomique dominante, dues aux anomalies génétiques d’un des types de canaux ioniques des membranes musculaires. Elles se séparent des myotonies dystrophiques de Steinert en raison de l’absence habituelle de dystrophie musculaire, c’est-à-dire de destruction musculaire progressive. Elles sont également à différencier des pseudomyotonies ou neuromyotonies, qui sont des activités musculaires continues à point de départ vraisemblablement axonal. Les avancées récentes de la génétique moléculaire aboutissent à une meilleure compréhension des myotonies non dystrophiques. Attribuées à une dysfonction des canaux ioniques membranaires, elles se séparent actuellement en deux groupes principaux selon le type de canal ionique altéré : – les canalopathies chlore ; – les canalopathies sodium. Les canaux chlore sont impliqués dans la maintenance du potentiel membranaire de repos. Les canaux sodium sont responsables de l’initiation et de la propagation du potentiel d’action. Les mutations du gène des canaux chlore, situé sur le chromosome 7, sont à l’origine de la plupart des myotonies congénitales. Les mutations du gène des canaux sodium, situé sur le chromosome 17, causent la plupart des cas de paramyotonie congénitale et myotonie aggravée par le potassium. Myotonies congénitales (canalopathies chlore) La myotonie congénitale (MC) est de transmission autosomique dominante ou récessive. La myotonie se traduit par une difficulté à la décontraction musculaire, en rapport avec un état d’hyperexcitabilité de la membrane de la fibre musculaire. C’est dans les formes récessives que l’intensité de la myotonie est la plus grande. Une hypertrophie musculaire, qui pourrait être le résultat d’un effet positif de l’activité musculaire sur la trophicité du muscle, lorsqu’elle est présente, confère un aspect athlétique au patient. Les deux variétés sont causées par des mutations du gène du canal chlore. MYOTONIE CONGÉNITALE À TRANSMISSION AUTOSOMIQUE DOMINANTE OU MALADIE DE THOMSEN La description de Thomsen, en 1876, de la sémiologie observée sur lui-même et sur sa propre famille est toujours valable. Les garçons sont plus sévèrement atteints. La révélation de la maladie est parfois précoce (cris étranglés du nouveau-né ou myotonie palpébrale lors de l’éternuement). Le début est souvent plus tardif chez la fille. C’est surtout après la puberté que la maladie est découverte, lors de la scolarité ou du service militaire. Les symptômes initiaux apparaissent surtout sur les mains, les jambes et les paupières. Comme au cours des atteintes dominantes, la sémiologie est très variée à l’intérieur d’une même famille. La myotonie est diffuse, avec une raideur indolore du corps au repos qui s’accentue lors d’un mouvement brusque. Elle est alors généralisée. Le sujet est enraidi « comme une statue ». Lorsqu’il veut avancer, la myotonie entraîne une chute immédiate. Puis, la myotonie disparaît à l’exercice, (phénomène d’échauffement), ce qui fait souvent douter de l’organicité des symptômes. La myotonie est augmentée par le froid, le repos, la fatigue, la menstruation, la grossesse et les facteurs psychiques. La myotonie peut être spontanée, facilement mise en évidence lors d’une poignée de main. Elle peut être mécanique et mise en évidence par la percussion des masses musculaires, en prenant la forme d’une indentation du muscle, persistant pendant quelque secondes ou plus. La localisation de la myotonie est parfois trompeuse, lorsqu’elle entraîne des troubles de l’élocution, de la déglutition, de la mastication ou même une diplopie. La myotonie, maximale à la puberté, s’améliore par la suite. L’hypertrophie musculaire est fréquente. L’aspect est athlétique, herculéen. L’hypertrophie porte surtout sur les quadriceps et sur les Georges Serratrice : Professeur émérite de neurologie. Sharham Attarian : Praticien hospitalier de neurologie. Service de neurologie et maladies neuromusculaires (J Pouget), centre hospitalier universitaire de La Timone, 1, chemin de l’Armée d’Afrique, 13005 Marseille, France. Encyclopédie Médico-Chirurgicale 17-179-A-10 17-179-A-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Serratrice G et Attarian S. Myotonies non dystrophiques. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Neurologie, 17-179-A-10, 2003, 6 p.

Myotonies Non Dystrophiques

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Page 1: Myotonies Non Dystrophiques

Myotonies non dystrophiquesG SerratriceS Attarian

Résumé. – Groupe hétérogène, les myotonies non dystrophiques sont dues principalement à des anomaliesgénétiques responsables d’une dysfonction de l’excitabilité des canaux ioniques membranaires. Les canauxchlore sont encodés par le gène ClcN1 sur le chromosome 7 q35. Des mutations de ce gène ont été mises enévidence dans les myotonies de Thomsen et de Becker. Les myotonies et paramyotonies aggravées par lepotassium résultent d’une inactivation du canal sodium ; l’anomalie se situe sur le gène SCN 4A sur lechromosome 17 q23. Le syndrome de Schwartz-Jampel résulte d’une déficience du protéoglycane perlecan.La localisation chromosomique du gène HSPG2 est sur le chromosome 1 p34-p36-1.© 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : canalopathies chlore, canalopathie sodium, syndrome de Schwartz-Jampel, déficit en perlecan.

IntroductionDix fois moins fréquentes que la myotonie dystrophique, elles sontle plus souvent de transmission autosomique dominante, dues auxanomalies génétiques d’un des types de canaux ioniques desmembranes musculaires. Elles se séparent des myotoniesdystrophiques de Steinert en raison de l’absence habituelle dedystrophie musculaire, c’est-à-dire de destruction musculaireprogressive. Elles sont également à différencier despseudomyotonies ou neuromyotonies, qui sont des activitésmusculaires continues à point de départ vraisemblablement axonal.Les avancées récentes de la génétique moléculaire aboutissent à unemeilleure compréhension des myotonies non dystrophiques.Attribuées à une dysfonction des canaux ioniques membranaires,elles se séparent actuellement en deux groupes principaux selon letype de canal ionique altéré :

– les canalopathies chlore ;– les canalopathies sodium.Les canaux chlore sont impliqués dans la maintenance du potentielmembranaire de repos. Les canaux sodium sont responsables del’initiation et de la propagation du potentiel d’action. Les mutationsdu gène des canaux chlore, situé sur le chromosome 7, sont àl’origine de la plupart des myotonies congénitales. Les mutationsdu gène des canaux sodium, situé sur le chromosome 17, causent laplupart des cas de paramyotonie congénitale et myotonie aggravéepar le potassium.

Myotonies congénitales(canalopathies chlore)La myotonie congénitale (MC) est de transmission autosomiquedominante ou récessive. La myotonie se traduit par une difficulté àla décontraction musculaire, en rapport avec un état

d’hyperexcitabilité de la membrane de la fibre musculaire. C’estdans les formes récessives que l’intensité de la myotonie est la plusgrande. Une hypertrophie musculaire, qui pourrait être le résultatd’un effet positif de l’activité musculaire sur la trophicité du muscle,lorsqu’elle est présente, confère un aspect athlétique au patient. Lesdeux variétés sont causées par des mutations du gène du canalchlore.

MYOTONIE CONGÉNITALE À TRANSMISSIONAUTOSOMIQUE DOMINANTE OU MALADIE

DE THOMSEN

La description de Thomsen, en 1876, de la sémiologie observée surlui-même et sur sa propre famille est toujours valable. Les garçonssont plus sévèrement atteints. La révélation de la maladie est parfoisprécoce (cris étranglés du nouveau-né ou myotonie palpébrale lorsde l’éternuement). Le début est souvent plus tardif chez la fille. C’estsurtout après la puberté que la maladie est découverte, lors de lascolarité ou du service militaire. Les symptômes initiauxapparaissent surtout sur les mains, les jambes et les paupières.Comme au cours des atteintes dominantes, la sémiologie est trèsvariée à l’intérieur d’une même famille.La myotonie est diffuse, avec une raideur indolore du corps au reposqui s’accentue lors d’un mouvement brusque. Elle est alorsgénéralisée. Le sujet est enraidi « comme une statue ». Lorsqu’il veutavancer, la myotonie entraîne une chute immédiate. Puis, lamyotonie disparaît à l’exercice, (phénomène d’échauffement), ce quifait souvent douter de l’organicité des symptômes. La myotonie estaugmentée par le froid, le repos, la fatigue, la menstruation, lagrossesse et les facteurs psychiques. La myotonie peut êtrespontanée, facilement mise en évidence lors d’une poignée de main.Elle peut être mécanique et mise en évidence par la percussion desmasses musculaires, en prenant la forme d’une indentation dumuscle, persistant pendant quelque secondes ou plus. La localisationde la myotonie est parfois trompeuse, lorsqu’elle entraîne destroubles de l’élocution, de la déglutition, de la mastication ou mêmeune diplopie. La myotonie, maximale à la puberté, s’améliore par lasuite.L’hypertrophie musculaire est fréquente. L’aspect est athlétique,herculéen. L’hypertrophie porte surtout sur les quadriceps et sur les

Georges Serratrice : Professeur émérite de neurologie.Sharham Attarian : Praticien hospitalier de neurologie.Service de neurologie et maladies neuromusculaires (J Pouget), centre hospitalier universitaire de La Timone,1, chemin de l’Armée d’Afrique, 13005 Marseille, France.

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Toute référence à cet article doit porter la mention : Serratrice G et Attarian S. Myotonies non dystrophiques. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Neurologie, 17-179-A-10,2003, 6 p.

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muscles des mollets, mais s’étend également aux muscles de lanuque, aux deltoïdes, aux biceps et aux muscles des avant-bras.L’hypertrophie musculaire persiste toute la vie, alors que lamyotonie a plutôt tendance à diminuer.L’électromyogramme (EMG) montre des averses myotoniquesabondantes et diffuses. La myotonie électrique est le reflet del’anomalie sarcolemmique. L’averse myotonique est un train dedécharges répétitives à haute fréquence, de 20 à 80 Hz, de potentielsde fibres musculaires, survenant après insertion de l’aiguille dans lemuscle, après contraction musculaire ou après percussion.Initialement, la fréquence et l’amplitude des premiers potentielsaugmentent. Puis, elles diminuent progressivement, donnant unbruit d’avion en piqué au haut-parleur, jusqu’à disparaître. Lesaverses sont abondantes et diffuses. Des décharges plus brèves, avecaugmentation de fréquence et diminution d’amplitude, sontégalement visibles. La stimulation répétitive peut entraîner unediminution de l’amplitude des potentiels d’action, due au fait que lemuscle devient réfractaire. Cet aspect diffère du décrémentmyasthénique, car il ne diminue pas et réagit à une stimulation plusrapide. Lors de la contraction volontaire, les tracés sont normaux.Le taux de créatine-kinase sérique est normal ou peu élevé. Lesmodifications histologiques du muscle sont peu importantes et engénéral peu spécifiques. On peut tout au plus noter uneaugmentation de diamètre des fibres de type II, parfois une absencedes fibres de type II B, parfois quelques fibres atrophiquesdisséminées ou quelques centralisations nucléaires. La microscopieélectronique ne met pas en évidence de modifications majeures.

MYOTONIE CONGÉNITALE DE TRANSMISSIONAUTOSOMIQUE RÉCESSIVE

Décrite par Becker (1971), elle est de transmission autosomiquerécessive ou sporadique. La consanguinité est fréquente. Larévélation est plus tardive que dans la forme précédente. La maladiese manifeste habituellement entre 5 et 12 ans. Le début est insidieux.La myotonie porte sur les membres inférieurs, puis s’étendsecondairement aux membres supérieurs et à la face. Plus sévèrequ’au cours de la maladie de Thomsen, elle s’accompagned’épisodes généralisés de rigidité, survenant en particulier après uneémotion ou une chute.L’hypertrophie musculaire est beaucoup plus marquée qu’au coursde la maladie de Thomsen. Les muscles sont fermes, mal relâchés,avec une limitation de la flexion dorsale des extrémités.L’hypertrophie s’étend aux muscles masticateurs et cervicaux.Une faiblesse musculaire coexiste dans la moitié des cas. De siègeproximal, elle est corrigée par l’exercice.Parfois, elle s’associe à une atrophie distale des membres supérieurs,entraînant des difficultés de diagnostic avec la maladie de Steinert,particulièrement lorsque coexiste une atrophie des muscles del’avant-bras et même des muscles sterno-cléido-mastoïdiens. Unearéflexie est présente dans un tiers des cas. L’évolution générale sefait vers une aggravation vers 20 ou 30 ans.L’EMG enregistre des averses myotoniques abondantes, mais parfoisaussi des tracés myogènes sur le tracé volontaire, surtout sur lesavant-bras, principalement s’ils sont atrophiques. Aux fréquences destimulation élevée du nerf moteur, l’amplitude de la réponseélectrique diminue. Ce décrément, souvent important dans lesformes récessives avec faiblesse musculaire, est corrigé par l’exercice.Indépendant d’un trouble de l’excitabilité nerveuse ou de latransmission neuromusculaire, il est à rattacher à la dépolarisationmembranaire qui finit par aboutir à une inexcitabilité musculaire.Une activité myotonique infraclinique est parfois enregistrée chezles sujets hétérozygotes.La biopsie musculaire montre des images non spécifiques, aumaximum des centralisations nucléaires, rarement des aspectsdystrophiques dans les muscles de l’avant-bras.

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL

Le diagnostic différentiel des myotonies congénitales se pose engénéral avec les myotonies dystrophiques.

Chez un adulte, il est en général facile de distinguer une myotoniecongénitale d’une myotonie dystrophique au cours de laquelle ledébut est plus tardif ; la myotonie est en général modérée etprédomine sur les muscles de la main ; la faiblesse musculairedistale est importante et progressive ; des anomalies cardiaques, unecataracte et des anomalies systémiques sont habituelles ; latransmission est constamment de type autosomique dominant,l’anomalie génique portant sur le chromosome 19.Une autre entité d’identification récente est le PROMM (proximalmyotonic myopathy) décrite en 1994 [30]. Il s’agit d’une affectionautosomique dominante caractérisée par une myotonie, une faiblessemusculaire proximale, une cataracte, une possible atteinte cardiaqueet un hypogonadisme. Elle présente donc des similarités cliniquesavec la maladie de Steinert, mais elle est souvent liée auchromosome 3q21 ; il s’agit d’une répétition de séquence CTG [21].La myotonie clinique est moins franche dans le PROMM où elle estsouvent fluctuante au cours du temps, y compris à l’EMG, et peutn’affecter que quelques muscles. La faiblesse proximale et lesdouleurs musculaires sont les symptômes les plus fréquents. Il n’y apas d’atteinte intellectuelle, mais des anomalies diffuses de lasubstance blanche sur l’imagerie par résonance magnétique (IRM)cérébrale ont été rapportées chez quelques patients [14].

PHYSIOPATHOLOGIE

Les MC sont des canalopathies chlore. La myotonie est laconséquence d’une instabilité membranaire due à une diminutionde la conductance du chlore (gCl). La gCl, qui représentenormalement 80 % de la conductance totale, s’abaisse ici à 20 % dufait de la réduction du nombre des canaux Cl-. Cette réduction degCl observée chez la chèvre myotonique se reproduit par blocagedes canaux chlore par des acides aromatiques carboxyliques.Lors de la propagation d’un potentiel d’action le long du tubule T,le K+ sorti de la fibre musculaire s’accumule à l’intérieur de cedernier. Chez un sujet normal, cette accumulation n’a pas d’effetdépolarisant grâce à l’entrée rapide, compensatoire, des ions Cl-

dans la cellule, assurant un potentiel membranaire de repos. En casde réduction de la gCl, l’accumulation d’ions K+ n’est pluscompensée. Une dépolarisation membranaire survient,s’autoentretient, et crée un phénomène de postdépolarisation (afterspasm) avec réactivation des canaux sodium, déclenchant un autrepotentiel d’action. Une correction secondaire se produit par mise enjeu de la pompe Na/K+ sensible au K+ réduisant l’accumulation deK+ [2, 8, 33].Le gène responsable de la MC, aussi bien dans la forme dominanteque récessive, a été localisé sur le chromosome 7q35 [18] contenant legène humain CLC-1. La détection d’une mutation au sein de laséquence codante du CLC-1 démontre qu’il est bien le gèneresponsable des deux formes, dominante et récessive, de la MC [9].De nombreuses mutations ont par la suite été mises en évidencedans le gène CLC-1 :

– des mutations faux-sens, présentes à la fois dans les formesdominantes et récessives ;

– des mutations non-sens, ainsi que des délétions et des insertionsentraînant soit un changement, soit un arrêt de la phase de lecturede l’acide ribonucléique (ARN) messager codant pour le canalchlore.Le produit du CLC-1 est une protéine de 988 acides aminés d’unemasse moléculaire de 110 kDa [16, 26]. La MC est une maladie due à laperte de fonction du canal chlore. Les études de relation structure-fonction du gène CLC-1 ont montré que le canal chlore fonctionnesous forme d’un oligomère [5, 25, 34], et qu’il suffit qu’une sous-unitésoit porteuse d’une mutation faux-sens pour abolir l’activité del’ensemble du tétramère, même si les autres sous-unités lecomposant sont normales [6].Les mutations sont distribuées tout au long du gène, et peu d’entreelles sont communes à plusieurs familles [9, 11, 12, 22, 24]. Certainesmutations, notamment faux -sens, peuvent être mises en évidence

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dans les formes récessives ou dominantes. La nature de la mutationne permet pas de prédire le mode de transmission pour une familledonnée. L’examen clinique et EMG des parents, et éventuellementdes germains, contribue de façon plus efficace à l’établissement dumode de transmission de la maladie dans la famille étudiée. Unegrande prudence s’impose donc devant une forme sporadique, quipeut s’observer aussi bien dans le cadre d’une maladie dominanteque récessive.Le traitement des MC repose sur la prescription de médicamentsdiminuant, par des mécanismes encore mal compris, l’excitabilité dela membrane musculaire. La méxilétine (Mexitilt), la carbamazépine(Tégrétolt) et la diphénylhydantoïne (Di-Hydant) sont efficaces surles symptômes et signes des patients.

Paramyotonie congénitale et myotonieaggravée par le potassium(canalopathie sodium)

Traditionnellement et historiquement séparées, ces deux affectionsont été peu à peu rapprochées, en raison de formes cliniques depassage. La génétique moléculaire les a définitivement associées entant que variantes alléliques, lors de mutations géniques affectantune région précise du chromosome 17 et exprimées dans une mêmeprotéine : la sous-unité alpha du canal sodium voltage-dépendant,la première étant sensible à la température, la seconde sensible aupotassium [13]. Elles sont groupées sous le terme de « complexeadynamie-paramyotonie » [20].

PARAMYOTONIE CONGÉNITALE(MALADIE D’EULENBURG)

Les caractéristiques de la paramyotonie congénitale (PC) sont lessuivantes :

– c’est une myotonie aggravée par l’effort (myotonie paradoxale) ;

– elle est en plus sensible au froid ;

– elle prédomine sur le visage et peut être plus discrète sur lesmembres ;

– des accès paramyotoniques suivis ou non d’une fatiguemusculaire généralisée.La PC débute dans l’enfance dès la naissance, sans amélioration avecl’âge, de transmission autosomique dominante. On observe alors unaspect « d’yeux de Chinois ». Celui-ci est essentiellement noté lorsde l’exposition au froid. La myotonie des paupières entraîne undécouvrement de la sclère lors du regard brusque vers le bas (lid-lagsign). En plus des manifestations myotoniques, des accès de faiblessemusculaire transitoire sont provoqués par le froid.Deux tests diagnostiques peuvent être utilisés. Le premier consiste àimmerger l’avant-bras du patient dans de l’eau à 15 °C pendant unedemi-heure. On observe alors l’association d’une myotonie et d’undéficit moteur du côté du membre refroidi. Le second consiste enl’ingestion de chlorure de potassium (3 g de KCl, puis 8 g de KClune demi-heure après en absence de réponse clinique pour unadulte de 60 kg). Le test est positif en cas d’aggravation franche dela myotonie. Il permet de distinguer les myotonies du canal sodiumde celles liées à des mutations du canal chlore. La réponse au test decharge au potassium est inconstante dans les PC, au contraire desmyotonies aggravées par le potassium (MAP).L’accès est déclenché par le froid. Sa topographie cheiro-facio-linguale est particulière. La main se place en attitude d’abductiondu pouce et du cinquième doigt, et de flexion des articulationsmétacarpophalangiennes des deuxième, troisième et quatrièmedoigts. À la face, le sourire se fige, l’ouverture des paupières estdifficile, la langue devient dure. Il se produit une dysphagie lors del’absorption d’une glace, parfois une dysarthrie. L’accès durequelques minutes, rarement plus de 1 heure, et cède auréchauffement. Il est parfois suivi d’une période de fatigue

musculaire généralisée, donnant une parésie plutôt qu’une véritableparalysie flasque, susceptible de durer plusieurs jours. Lorsque lemembre supérieur est plongé dans l’eau à 12 °C, la myotonie estimmédiate, suivie d’une paralysie après 30 minutes.En dehors des accès, une myotonie, d’action ou de percussion, estprésente sur les muscles des paupières, de la bouche, des logespéronières ou de la main, exagérée à l’exercice. Des accèsmyotoniques localisés sont déclenchés par l’application d’un glaçon,sur la paupière ou sur la langue. Les examens biologiques pendantl’accès montrent une augmentation du taux de créatine-kinasesérique et parfois, contrairement aux notions traditionnelles, unehyperkaliémie caractérisant les « paralysies périodiquesparamyotoniques ». De même, il est fréquent qu’une charge enpotassium déclenche un accès. L’EMG montre, dans l’intervalle desaccès, des averses myotoniques diffuses, prédominant dans lesmuscles proximaux. Celles-ci augmentent lorsqu’on abaisse latempérature, deviennent maximales à 29 °C, et sont suivies par unsilence électrique à 18 °C. L’amplitude de la réponse évoquée parstimulation à 25 ou 50 Hz est réduite du fait de l’anomaliemembranaire. La biopsie musculaire montre des anomalies peuspécifiques : inégalité de taille des fibres, centralisations nucléaires,faible différenciation des types de fibres.L’évolution générale ne se fait habituellement pas versl’amélioration. L’évolution des accès est souvent dissociée. Tandisque la paramyotonie disparaît au réchauffement, une positionbizarre des membres persiste, parfois pendant des heures. L’accèsparalytique dure quelques heures, parfois un à plusieurs jours. À lalongue, des périodes prolongées de paralysies indépendantes dufroid, dites parfois paralysies périodiques paramyotoniques, sontsusceptibles de s’installer.

MYOTONIES AGGRAVÉES PAR LE POTASSIUM(MYOTONIA FLUCTUANS ; MYOTONIA PERMANENS ;

MYOTONIE CONGÉNITALE SENSIBLEÀ L’ACÉTAZOLAMIDE)

Les MAP se distinguent des PC par la moindre sensibilité au froidde la myotonie, la plus grande constance des manifestationsmyotoniques, et l’absence de faiblesse musculaire. Toutefois, lamyotonie peut fluctuer d’un jour à l’autre. Les PC et les MAP ontpour particularité une grande variabilité clinique, dans l’intensitédes manifestations cliniques et la topographie des muscles touchés.Un certain nombre de cas particuliers doivent être connus. Lamyotonie est parfois si intense qu’elle en impose alors pour unsyndrome de Schwartz-Jampel. Le test de charge au potassium estalors contre-indiqué, en raison du risque de myotoniediaphragmatique. La myotonie diaphragmatique peut être la seulemanifestation clinique pouvant conduire à des accès dyspnéiques,lors de tentatives d’intubation ou d’explorations fonctionnellesrespiratoires. La myotonie peut s’exprimer préférentiellement sur lesmuscles pharyngés, à l’origine d’une dysphagie à la glace.Dans certains cas, des myalgies peuvent s’associer auxmanifestations myotoniques. Comme dans toutes les maladies descanaux ioniques, les désordres hydroélectrolytiques et l’utilisationd’anesthésiques dépolarisants de membrane peuvent être sourced’aggravation des signes et symptômes. Ainsi, un trismusressemblant à celui observé au cours de l’hyperthermie maligne peuts’observer lors de l’anesthésie de patients porteurs d’une mutationdu canal sodium.

PARALYSIE PÉRIODIQUE HYPERKALIÉMIQUE(MALADIE DE GAMSTORP)

La paralysie périodique hyperkaliémique (PPhyperK) estactuellement indissociable, du fait des acquisitions de la biologiemoléculaire, de la PC. La maladie de Gamstorp (1956) estcaractérisée par des accès paralytiques rapidement résolutifsrégressant avec l’âge. La maladie débute dans la deuxième enfanceou l’adolescence. La fréquence des crises est maximale entre 15 et25 ans, et décroît après 30 ans. La transmission génétique est

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autosomique dominante. La PPhyperK présente trois variantesdistinctes :

– sans myotonie ;

– avec myotonie ;

– avec paramyotonie.L’accès est déclenché par un court repos après un exerciceimportant. Il peut être provoqué par le froid ou le jeûne glucidique.L’attaque débute par des acroparesthésies des membres, avecparesthésies péribuccales. Un léger exercice musculaire, oul’ingestion de glucides, peuvent prévenir le passage au stadesuivant, adynamique. Sinon, la paralysie débute aux extrémités, puisatteint les muscles des ceintures, ceux de la nuque, peut intéresserles muscles innervés par les nerfs crâniens, rarement les musclesrespiratoires. L’accès dure d’une dizaine de minutes à 1 heure, ets’accompagne d’un malaise général intense. Pendant l’accès, lesréflexes tendineux sont abolis. Il existe une hyperkaliémie (6 à7 mmol) par fuite du potassium dans le plasma, avec hyperkaliurieresponsable de modifications électrocardiographiques (T ample etpointu). L’EMG montre parfois des averses myotoniques. Le muscleest inexcitable lors de la stimulation.Entre les accès, la myotonie, pratiquement constante, variable selonles familles, prédomine sur la face, la langue, l’éminencethénarienne. L’EMG montre fréquemment des déchargesmyotoniques. Des myalgies sont parfois persistantes. Unehypertrophie des mollets est fréquente. Une faiblesse musculaire etparfois une amyotrophie surviennent tardivement, après 40 ans.L’accès d’adynamie peut être déclenché par une charge enpotassium (4 à 6 g de KCl per os), ou réduit par l’injection decalcium intraveineux. Une charge en glucose avec ou sans insuline,avant le test de charge en potassium, prévient ou réduitconsidérablement l’accès.L’évolution générale se fait vers l’amélioration. Le début, entre 5 et10 ans, a parfois été précédé de périodes d’hypotonie précoce, defaiblesse musculaire ou de fixité du regard au froid. Les accès sontbrefs, résolus en 10 à 20 minutes, et reproduits plusieurs fois dans lajournée. Une aggravation est habituelle à la puberté. Les accèsdeviennent plus brefs et plus sévères. La gravité est maximale entre15 et 35 ans. Puis une amélioration apparaît. Les thérapeutiques del’accès sont diverses : boissons sucrées, en évitant les jus de fruitcontenant du potassium, parfois perfusions de glucose et injectiond’insuline, gluconate de calcium, produits évitant la fuite de calcium(adrénaline), tolbutamide, inhalation de salbutamol. Le traitementpréventif augmente la diurèse du potassium.

VARIANTES DE CANALOPATHIES SODIUM

Rosenfeld et al ont rapporté récemment la première mutation dansle segment D1 du SCN4A, qui était associée à une formedouloureuse de PC [32].Jurkat-Rott et al ont rapporté des cas de paralysie périodiquehypokaliémique (PPhypoK) par mutation SCN4A [15]. En effet, laPPhypoK est transmise sur un mode autosomique dominant maisparfois sporadique. La localisation génique est sur le chromosome 1(1 q3 1 -q32). Le produit génique est le récepteur dihydropyridinedu canal calcium. Une deuxième étude a confirmé ces données, et aestimé qu’environ 10 % des PPhypoK sont liés à une mutationSCN4A [3].

PHYSIOPATHOLOGIE

Le canal sodium, fait de protéines membranaires responsables de lagénération de potentiels d’action musculaire [10], contient une grandesous-unité alpha support de cette activité, la sous-unité bêta ayantun effet sur l’amplitude et surtout sur la vitesse d’inactivation. Lesprotéines codées par le gène du canal sodium contiennent quatredomaines qui modulent le flux ionique.Dans la paramyotonie d’Eulenburg, le potentiel de repos est normal(-80 mV) à 37 °C. Si la température s’abaisse, les fibres se

dépolarisent. Une activité spontanée apparaît à -60 mV. Ladépolarisation s’étend à toutes les fibres à -40 mV. Puis les fibresdeviennent inexcitables. Ce phénomène de dépolarisation au froidest prévenu par blocage des canaux sodium voltage-dépendantsgrâce à la tétrodotoxine. On l’interprète donc comme une sensibilitéanormale au froid des canaux sodium, avec une augmentation de laconductance du sodium (gNa) température-dépendante. Laconductance du sodium, qui est normale à 37 °C, s’élèveanormalement à 27 °C (de même que la conductance du chlore),alors que la conductance du potassium reste normale. Ainsi, dans laparamyotonie, la dépolarisation et l’inexcitabilité des fibres sont liéesà des anomalies température-dépendantes des canaux sodium [19].

Au cours de la maladie de Gamstorp, le potentiel membranaire derepos est anormalement bas (-46 mV) et déplacé vers le seuil dedépolarisation membranaire spontané entre les accès, en raison del’augmentation de concentration du potassium extracellulaire. Dansles formes avec myotonie, l’augmentation de concentration depotassium in vitro entraîne une dépolarisation, puis uneinexcitabilité des fibres, qui est bloquée par la tétrodotoxine. Cephénomène indique une anomalie des canaux sodium, avec uneaugmentation anormale de la conductance du sodium avec ladépolarisation.

Les études de « patch clamp » [19] montrent l’augmentation du nombrede canaux sodium ouverts ou l’augmentation de leur tempsd’inactivation rapide, ou les deux phénomènes. Ceci explique ladépolarisation persistante et l’hyperexcitabilité membranaire. Lesions sodium continuent à pénétrer dans la fibre à travers les canauxnon inactivés, et entretiennent ainsi la dépolarisation. Ceci, en retour,provoque l’inactivation des canaux sodium normaux, ce qui est àl’origine d’une inexcitabilité des fibres et d’une paralysie.Parallèlement à l’entrée du sodium, de l’eau entre dans la fibre,causant une hémoconcentration et une augmentation de laconcentration sérique du potassium qui, à son tour, atteint les fibresmusculaires dont le potentiel de repos est élevé. Une paralysie enrésulte. Enfin, l’excrétion urinaire de potassium augmente.

GÉNÉTIQUE

Le gène de la sous-unité alpha du canal sodium voltage-dépendantdu type IV est localisé sur le bras long du chromosome 17 (q23.1-q25.3) [17]. L’identification de polymorphismes de restriction àl’intérieur du gène a démontré une liaison génique à 17q23.1- q35.3entre le gène et le phénotype PC, MAP ou PPhyperK. Au total, unevingtaine de mutations ponctuelles ont été décrites dans le gèneSCN4A [4, 7, 28, 29, 31]. Le produit du SCN4A est une protéine constituéede 1836 acides aminés [35]. Les mutations de la PC (segments S3 ouS4 domaine IV, ou boucle entre les domaines III et IV) et de lamaladie de Gamstorp (segment S5 du domaine II et segment S6 dudomaine IV) ont été déterminées. Il s’agit souvent du remplacementde thréonine par de la méthionine [28, 31].

Dans les deux maladies, la sous-unité alpha du canal sodium estanormalement inactivée, et le canal reste trop longtemps ouvert.L’influx de sodium entraîne un efflux de potassium. Les deuxformes de la maladie sont des variations alléliques de mutation àl’intérieur du même gène du canal sodium. Selon le type demutation se produit, soit l’hyperactivité électrique de la PC, soit laMAP et la PPhyperK. Ce concept clarifie la confusion qui régnait àpropos de la nosologie de ces maladies. L’augmentation, mêmemodérée, du taux de potassium extracellulaire (par l’effortmusculaire par exemple) dépolariserait la membrane de la fibremusculaire. Les canaux mutés, s’inactivant anormalement,provoqueraient une fuite de sodium conduisant à maintenir unedépolarisation membranaire. Cette hyperexcitabilité membranaireconduirait à une myotonie. Une dépolarisation plus importante dela membrane musculaire, par exemple lors d’un effort musculaireintense, activerait de façon prolongée l’ensemble des canaux sodiumen raison du défaut d’inactivation des canaux mutés. Cetteinactivation massive des canaux se traduirait par un accès deparalysie.

17-179-A-10 Myotonies non dystrophiques Neurologie

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Le diagnostic moléculaire des myotonies du canal sodium est utile,en raison de la variabilité de la symptomatologie, source dedifficultés diagnostiques, et à titre présymptomatique en raison desprécautions anesthésiques à prendre.

SYNTHÈSE PATHOGÉNIQUE

La synthèse des données électrophysiologiques et génétiquesdébouche sur un modèle pathogénique [1, 27]. La sous-unité alpha ducanal sodium qui comporte le changement d’acide aminé estanormalement inactivée. Le canal s’ouvre normalement, mais resteouvert pendant une période prolongée. À l’état normal, 1 % descanaux sodium fonctionne ainsi sur le mode « non inactivé ». Unemutation augmente la proportion des canaux fonctionnant sur lemode « non activé ». Il suffit que 2 % des canaux fonctionnent ainsipour que des courants ioniques pathologiques soient générés. Cetinflux de sodium abaisse le potentiel membranaire de repos,augmentant ainsi l’excitabilité du muscle, et créant une myotonie.L’influx anormal de sodium entraîne réciproquement un effluxanormal de potassium, une diffusion de l’excès de potassium au-delà du tubule T. Ces perturbations ioniques retentissent sur lepotentiel membranaire de repos. Deux seuils sont critiques :

– un premier seuil de dépolarisation membranaire potassium-dépendant dans le tubule T, au-dessus duquel surviennent despotentiels d’action répétitifs et une myotonie (-50 mV) ;

– un second seuil de potentiel de membrane, au-dessous duquel lamembrane devient inexcitable et une paralysie se produit (-40 mV).Les facteurs exogènes, comme le repos après exercice, l’absorptionde potassium, le froid, agissent en modifiant le potentielmembranaire de la fibre musculaire. Par exemple, une chute de10 °C dans la température musculaire peut entraîner une chute de3,3 mV dans le potentiel membranaire, selon l’équation de Nernst.Un tel effet n’a pas de conséquence sur un muscle normal. Enrevanche, sur un muscle dont les canaux sodium fonctionnentanormalement, le seuil myotonique peut être atteint.Il apparaît donc que les diverses formes de maladie de Gamstorp etde maladie d’Eulenburg sont des variations alléliques de mutationsà l’intérieur du même gène du canal sodium. Selon le type demutation se produit, soit l’hyperactivité électrique de la maladied’Eulenburg, soit la paralysie intermittente de la maladie deGamstorp. Ce concept clarifie la confusion qui régnait à propos dela nosologie de ces maladies. De la substitution de tel ou tel aminédépend un mécanisme similaire produisant un état tantôthyperexcitable, tantôt hypoexcitable de la membrane musculaire.Le traitement des PC et des MAP repose sur l’associationd’acétazolamide (Diamoxt) et de méxilétine (Mexitilt), efficacesdans plus de 90 % des cas.

Chondrodystrophie myotoniquede Schwartz-JampelTrès différent des précédents, de transmission autosomiquerécessive, ce syndrome est caractéristique dès la petite enfance.À l’extrémité céphalique, le rétrécissement de la fente palpébrale sefait dans les deux sens, vertical et horizontal. Il s’agit d’un

blépharophimosis, d’un blépharospasme ou d’un ptosis. Lesanomalies oculaires sont inconstantes : cataracte, subluxation ducristallin, strabisme. L’implantation des oreilles et des cheveux estbasse. Le front est bas et lisse. Les joues sont rondes et saillantes. Labouche est petite. Les lèvres sont pincées. Le menton est fuyant,plissé.Un retard statural s’associe à des malformations multiples etvariées : microcéphalie, voûte ogivale, aplasie laryngée avec voixnasillarde, aiguë, cou court, thorax en carène, épaules en avant,clavicules sinueuses, cyphoscoliose, hernies, anomalies coxales (coxavara ou valga), anomalies de la tête fémorale, anomalies des os longsen haltère, pieds en varus équin. Parfois sont signalés des soufflescardiaques, une hyperthermie maligne.Une hypertrophie diffuse est à l’origine d’un aspect herculéen. Lesmuscles sont enraidis, tendus et fermes, limitant l’ampleur desmouvements, rendant la marche lente et laborieuse, le sujet étantpenché en avant, les genoux et les coudes fléchis. La myotonie estspontanée ou mécanique. L’EMG montre à la fois une myotoniespontanée et une pseudomyotonie. Cette activité ne disparaît paslors du sommeil, ni après curarisation, ni après benzodiazépines. Labiopsie musculaire ne comporte que des anomalies non spécifiques.La physiopathologie est mal connue. La localisation chromosomiqueest 1 p34-p36-1.Le syndrome de Schwartz-Jampel est classé en S J S1 débutant dansl’enfance (avec deux sous-groupes S J S1 A à prédominancemyotonique et S J S1 B chondrodysplasique), et S J S2 plus sévère,dès la naissance, évoluant rapidement vers la mort. Le locus de S JS1 est situé sur le chromosome 1. La protéine est le perlecan, unprotéoglycane présent dans la membrane basale et la matriceextracellulaire jouant un rôle important dans la distributiond’acétylcholinestérase à la jonction neuromusculaire. Les mutationsdu gène HSPG2 sont à l’origine de S J S1.

Conclusion

Les syndromes myotoniques non dystrophiques sont dus à desmutations des canaux ioniques :– canal chlore pour les myotonies congénitales : le non-fonctionnementde ce canal entraîne une hyperexcitabilité de la membrane de la fibremusculaire ;– canal sodium pour la paramyotonie congénitale et la myotonieaggravée par le potassium : l’inactivation massive du canal sodiumentraîne une paralysie ; l’inactivation partielle une myotonie.Myotonie congénitale : il existe une forme dominante et une formerécessive ; le gène CLC-1 est situé sur le chromosome 7. Ce sont lesexamens cliniques et électromyographiques, plus que l’étude en biologiemoléculaire, qui permettent d’établir le mode de transmissiongénétique.La paramyotonie congénitale entraîne une myotonie aggravée parl’effort et par le froid. Le froid peut être aussi responsable d’un accès defaiblesse majeure. Une charge en potassium augmente inconstammentles symptômes.La myotonie aggravée par le potassium est moins sensible au froid quela paramyotonie, et il n’existe pas de faiblesse musculaire.L’anomalie génétique se situe sur le gène SCN4A sur le chromo-some 17.

Références ➤

Neurologie Myotonies non dystrophiques 17-179-A-10

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