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NORD-SUD_1918-03_01

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Nord-Sud

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  • NORD-SUDREVUE LITTRAIRE

    UN NUMERO

    PAR MOIS

    1 fr.

    N" 13 Mars 1918

    PIERRE REVERDY L'image

    Tradition

    MAX JACOB 3 pomes en prosePAUL DERME En cellule

    PHILIPPE SOUPAULT 2 pomes

    LOUIS ARAGON Soifs de l'Ouest

    TRISTAN TZARA Petite ville en Sibrie

    GEORGES BRAQUE Deux hors-texte

    originaux

    NOTES ET EXTRAITS

  • NORD-SUD

    12, rue Cortot Paris (18e

    )

    VWVVWWWVWNWn

    Pierre REVERDY, Directeur

    DEUXIME ANNE

    Abonnements pour TROIS MOIS seulement

    A PARTIR DU MOIS DE MARS

    dition ordinaire,. 3 fr.

    dition de luxe............. 8 fr.

    En prvision d'une transformation de la revue, nou

    avons dcid de n'accepter momentanment que des

    abonnements de trois mois. Nous reviendrons aux abon-

    nements annuels ds que l'organisation du nouvel exer-

    cice sera dfinitive.

  • L'IMAGE

    L'Image est une cration pure de l'esprit.

    Elle ne peut natre d'une comparaison

    mais du rapprochement de deuxralits plus ou

    moins loignes.

    Plus les rapports des deux ralits rappro-

    ches seront lointains et justes, plus l'image

    sera forte plus elle aura de puissance

    motive et de ralit potique.

    Deux ralits qui n'ont aucun rapport ne

    peuvent se rapprocher utilement. Il n'y a pas

    cration d'image.

    Deux ralits contraires ne se rapprochent

    pas.Elles s'opposent.

    On obtient rarement une force de cette

    opposition.

    Une image n'est pas forte parce qu'elle est

    brutale ou fantastique mais parce que

    l'association des ides est lointaine et juste.

    Le rsultat obtenu contrle immdiatement

    la justesse de l'association.

  • L'Analogie est un moyen de cration

    C'est une ressemblance de rapports;

    or de la nature de ces rapports dpend la

    force ou la faiblesse de l'image cre.

    Ce qui est grand ce n'est pas l'image

    mais l'motion qu'elle provoque ; si cette

    dernire est grande on estimera l'image sa

    mesure.

    L'motion ainsi provoque est pure, poti-

    quement, parce qu'elle est ne endehors de

    toute imitation, de toute vocation, de toute

    comparaison.

    Il y ala surprise et la joie de se trouver

    devant une chose neuve.

    On ne cre pas d'image en comparant (tou-

    jours faiblement) deuxralits dispropor-

    tionnes.

    On cre, au contraire, une forte image,

    neuve pour l'esprit, en rapprochantsans

    comparaison deux ralitsdistantes dont

    l'esprit seul a saisi les rapports.

  • G.

    BRAQUE

  • L'esprit doit saisir et goter sans mlange

    une image cre.*

    * *

    La cration de l'image est donc un moyen

    potique puissant et l'on ne doit pas s'ton-

    ner du grand rle qu'il joue dans une posie

    de cration.

    Pour rester pure cette posie exige que

    tous les moyens concourent crer une

    ralit potique.

    On ne peut y faire intervenir des moyens

    d'observation directe qui ne servent qu'

    dtruire l'ensemble en dtonnant. Ces moyens

    ont une autre source et un autre but.

    Des moyens d'esthtiques diffrentes ne

    peuvent concourir une mme uvre.

    Il n'y a que la puret des moyens qui

    ordonne la puret des uvres.

    La puret de l'esthtique en dcoule.

    PIERRE REVERDY

  • TRADITION

    (Notes)

    Il s'agit de continuer et non de recommencer.

    Imiter un art classique ou tout autre art class,

    ce n'est, pas resterdans la tradition, mais recom-

    mencer inutilement une chose dj cre.

    En admettant mme qu'il intervienne quelque

    talent (ici c'est plutt habilet qu'il faudrait crire)

    dans cette imitation, c'est toujours un effort vain

    et sans profit pour l'art.

    Crer grce une sensibilit nouvelle, servie

    par des moyens nouveaux appropris, des uvres

    qui, par leur diffrence, sont un apport de plus

    au domaine de l'art c'est rester dans la tradition.

    C'est le seul effort qui soit utile.

    Une sensibilit nouvelle n'est rien en soi si le

    rsultat n'est pas une production neuve.

    On reconnat que des uvres d'poques diff-

    rentes sont de mme tradition, certaines qua-

    lits communes qui apparaissent malgr la dif-

    frence de ces uvres.

    La tradition n'est pas un genre ou une forme

    particuliers mais un niveau dj obtenu que cer-

    taines qualits communes dans des circons-

    tances donnes nous permettent d'atteindre.

    P. R

  • DEUX OLAIRS DE LUNE

    I

    La lune parat derrire la montagne : courons voir

    l'il du lac s'ouvrir sous sa clart.

    Il n'y a point de lac ! mle-toi des jeux de l'astre et

    du brouillard.

    Voyez l'angle de ces trois arbres gros et plats au bord

    de l'eau ! Je veux sentir le mystre de leur feuillage.Gourons !

    Mfie-toi de la pneumonie.- Ne sommes-nous pas des anges?

    Lesanges volent et ne courent point.

    II

    La concierge disait, en tapant sur sa fille paresseuse, aux

    voisins venus pour la dfendre : (( Ma mre tapait sur moi

    et je n'en suis pas morte. C'est bien dommage! dit la

    fille plore. Voyez comme elle est ! je t'apprendrai

    rpondre quand on te .bat. )) Or l'hlice de l'avion croyaitpurifier le clair de lune en abattant mille dmons de l'air

    inspirateurs des pchs.

    LA GRANDE POLITIQUE

    Un habile conomiste qui a crit plusieurs livres surl'avenir des nations n'y prvoyait pas la guerre. Un jouril dit sa matresse : Tiens ! le monsieur de la porte verte

    est mort. La matresse finit les mains sur le cur et

    mourut. M. Polad, un camarade, lui dit: Et votre amie?

    Elle est morte ! . M. Polad mit la tte mains

    et devint fou. Quand l'conomiste parle de cette tragdie,son sourire tend faire croire qu'il est un assassin et

    non un imbcile.

    MAX JACOB

  • EN CELLULE

    Vitre brise

    poing sanglant

    Des bouts de papier qu'on dchire

    Une voilette

    des gants ts

    le souffle humide

    et des lvres exsangues qui prient

    Ces vestiges mouls dans la'lboue

    jusques aux clous

    Ils vont parler...

    v.

    Mais toi et ta gorge tranche

    L'il regarde quelqu'un dans le coin

    Quelle singulire machine que la main

    faite pour prendre

    Mes empreintes digitales sur ce papier

    Le verre clabouss

    et le couteau de Langres

    Ce matin froid est plus aigu que ma sueur

  • mains fivreuses d'une nuit blanche

    Les tiroirs retourns ,

    Que de choses tranges

    on accumule au cours des annes

    L'inconnu vient petits pas

    photos

    une enfant dlaisse

    Midi luira pour l'me abandonne

    et pour ses paupires tragiques

    Rideau qu'on baisse

    plus que le souvenir

    La paix feutre

    ronfler au soleil

    l'auverpin

    boire aux lumires

    les bars de Saint-Sverin

    Goter enfin l'inpuisable oubli...

    Mais ces empreintes sanglantes l'ont trahi

    PAUL DERME

  • MARCHE

    Le 17 Fvrier je suis parti

    O

    A l'horizon des fumes s'allongaient

    J'ai saut par dessus des livres

    Des gens riaient

    Mon dsir me prend par le bras

    Je voudrais repousser les maisons

    Aller plus vite

    Le vent

    Il a bien fallu que je tue mes amis

    La nuit ne m'a pas fait tomber

    Je me suis envelopp dans ma joie

    Le cri des remorqueurs m'accompagnait

    Je ne me suis pas retourn

    Il y avait tant de lumires dans la ville sonore

    En revenant toutest chang

    J'ai cass mes ides immobiles

    Mes souvenirs maculs je les ai vendus

    janvier-fvrier

    PHILIPPE SOUPAULT

  • POME

    Us se sont assembls

    De leurs petits cris qu'entend-on

    leurs rires m'claboussent

    Je passe

    des mots poisseux s'attachent

    et l'ennui m'asphyxie

    On ne peut pas partir

    On trane tant de choses qu'on croit voir derrire soi

    l'encrier bille sur ma table

    un bruit seul a gliss

    contre le mur des espoirs rampent

    je me ptrifie

    O sauter

    une crainte s'vapore

    Le silence

    puis une lettre gluante s'insinue

    Il faudrait arracher des nuages

    S'en aller

    dcembre-janvier

    PHILIPPE SOUPAULT

  • SOIFS DE L'OUEST

    Dans ce bar dont la porte

    sans cesse bat au vent,

    une affiche carlate

    vante un autre savon.

    (Dansez, dansez, ma chre,

    nous avons des banjos)

    qui me donnera seulement mcher

    le chewing-gum inutile

    qui parfume trs doucement

    l'haleine des filles des villes ?

    Epices dans l'alcool mesur par les pailles

    et menthes sans raison barbouillant les liqueurs,

    il est des amours sans douceurs

    dans les docks sans poissons o la barmaid dfaille

    sous le fallacieux prtexte

    que je n'ai pas ras ma barbe

    aux relents douteux d'un gin

    que son odorat devine

    d'un bar du Massachusetts

    Au trente-troisime tage

    hallucin des fentres,

    arrte :

    mon cur est dans le ciel et manque de vertu.

    Mais les ascenseurs se suivent

    et ne se ressemblent pas,

    le groom ngre sourit tout bas

    pour ne pas salir ses dents blanches

    Ha! si j'avais mon revolver

    pour interrompre la musique

    de la chanson polyphonique

    des cent machines crire !

    LOUIS ARAGON

  • G.

    BRAQUE

  • PETITE VILLE EN SIBRIE

    Une lumire bleue qui nous tient ensemble aplatis sur

    le plafond

    C'est comme toujours mon camarade.

    Comme une tiquette, des portes infernales colles

    sur un flacon de mdecine

    C'est la maison calme; mon ami tremble.

    Et puis la danse, lourde courbe, offre la vieillesse

    sautillant d'heure en heure sur le cadran.

    Le collier intact des lampes de locomotives coupes

    descend quelquefois parmi nous

    Et se dgonfle; tu nommes cela silence. Boire, toits

    en fer-blanc, lueur de bote de hareng et mon cur

    descend sur des maisons basses, plus basses, plus

    hautes, plus basses sur lesquelles je veux galoper et

    frotter la main ; contre la table dure aux miettes de

    pain; dormir, oh oui si l'on pouvait seulement.

    Le train de nouveau, le veau, spectacle de la tour du

    beau. Je reste sur le banc.

    Qu'importe, le veau, le beau, le journal, ce qui va

    suivre; il fait froid, j'attends. Parle plus haut.

    Des curs et des yeux roulent dans ma bouche

    "FflTsT MARCHE

    Et de petits enfants dans le sang, est-ce l'ange ? je

    parle de celui qui s'approche.

    Courons plus vite encore

    Toujours partout nous resterons entre des fentres

    noires

    TRISTAN TZARA

  • NOTES ET EXTRAITS

    De UIntra.nsigea.nt :

    Les jeunes revues furent toujours les ttes du mouvement littraire

    Voici qu'on veut dnaturer leur rle, qui est de servir la posie et les potes,et qu on prtend les employer au service d'un certain mouvement -

    main, dont le chef est inculp d'intelligence avec l'ennemi.

    * m

    *# #

    Il [le confrencier) a commis des erreurs et des oublis inattendus.

    Le

    Divan, qui honore nos morts, s'est vu considrer comme une revuette ngli-

    geable. Les revues d'art comme La Presqu'le, Sic, ont t peine nommes.

    Ceux-l ne suivent pas les tendances nettement suspectes d'une certaine

    catgorie de revues, qui n'ont aucun droit prtendre reprsenter notre litt

    rature la littrature franaise.

    Nous pouvons regretter un peu de n'avoir pas t cits parmi les rares

    revues dont on a si lgrement parl la soire dont YIntransigeant rend

    compte, Non pas certes pour la reclame qu'une citation peut faire j mais parce

    qu'il nous serait vraiment peu agrable d'tre, par confusion, mis du mme ct

    et au mme rang que ces revues dont le rle, le but et l'esprit de ceux quicollaborent nous sont si trangers.

    De la Vrit :

    Nous avons t invits nous prononcer contre ce qui est appel, par

    certains, la littrature cubiste . Pourquoi cette mise en demeure ; et ne

    conviendrait-il pas plutt de laisser une littrature qui prtend tre nou-elle manifester elle-mme qu'elle est capable d'uvres viables... ou qu'elledurera ce que durent les roses ? Nous ne saurions trop ici, o la vrit inspirenos efforts, nous lever contre tout misonisme. Personne pas mme la

    langue franaise qui en a vu bien d'autres n'est en pril parce que de

    nouvelles formes littraires nous sont proposes. Tchons plutt a juger sans

    passion ; et, pour vous y inviter, nous reproduisons, du dernier numro du

    Nord-Sud, que l'on renomme pour l'organe de la

  • appele cubiste pour des raisons et dans des circonstances que nous n'avons

    pas relater aujourd'hui ; mais pourquoi vouloir dsigner un art du nom quidsigne dj un autre art? Je sais bien que c'est faute d'un terme propre; et

    celui-l ce n'est pas nous de le crer. On ne se baptise pas soi-mme. La dsi-

    gnation s'imposera, elle jaillira de la caractristique de l'art que nous reprsen-tons. Mais jusque-lnous trouverons mauvais l'usage que l'on fait, du mot cubiste, notre intention. Les ignorants marchent fond de train, les autres sont plusprudents.

    Nous nous rattachons une pure tradition de posie.

    Dans les premires annes de notre poque artistique, c'taient encore lesides et les uvres des matres du mouvement symboliste qui taient en honneur.

    Elles ont prsid mme la naissance d'autres arts que la posie.Un heureux dveloppement dans les arts plastiques de quelques personna-

    lits qui se sont dgages et ont repris les traditions pures de ces arts ne peutfaire que la posie d'aujourd'hui soit autre chose qu'un art indpendant dont le

    dveloppement vient son heure, parce que le mouvement prcdent n'avait pasplus de raison qu'un autre d'puiser la veine littraire jusqu'au nant. On nesaurait loyalement nier l'existence des racines

    parce qu'elles sont plus profondes

    que d'autres. Au contraire.P. R.

    Est paru

    LES ARDOISES DU TOIT

    POMES INDITS

    PAR

    PIERRE REVERDY

    Exemplaire sur Simili-Japon g fr sur Hollande Van Gelder 30

    sur vieux Japon Imprial 50

    Edition orne de reproductions de dessins originaux de

    GEORGES BRAQUE-- -

    l^oaparaltrt

    UNE DEUXIME DITION

    DE

    L LUCARNE OVALE

    Pomes par PIERRE REVERDY

    Petit format in-32 jsus. Prix 3 francs.

    Envoi franco contre mandat adress; 12, Rue Cortot (18j.

  • 16

    BIBLIOGRAPHIE

    GUILLAUME APOLLINAIRE.

    L'enchanteur pourrissant, luxe, 1909, bois

    d'Andr Derain. L'Hrsiarque et Cu,

    nouvelles, in-18, 1910. Le Bestiaire ou

    Cortge d'Orphe , in-4, luxe, 1911, bois de

    R. Duffy. Mditations esthtiques, les

    peintres cubistes, in-4, 1912. Alcools,

    pomes, 1913. Le pote assassin,

    1916.

    MAX JACOB.

    La Cte. Recueil de chants celtiques, 1911.

    Saint Matorel, roman, 1910. Les uvres

    mystiques et burlesques de frre Matorel,

    mortau couvent,

    1912. Le sige de Jrusa-

    lem, 1911 Le cornet a ds,

    1917.

    PIERRE REVERDY.

    Pomes en Prose. Edition de luxe 1915.

    La Lucarne Ouate (Pomes), 1916, puis.

    Quelques Pomes,

    Plaquette 1916. Le

    Voleur de Talan, roman, 1917. Les

    Ardoises du toit, pomes, 1918. La

    Lucarne Ovale, pomes 1918, (2 e dition).

    PAUL DERME.

    Spirales,

    pomes 1917.

    PHILIPPE SOUPAULT

    Aquarium, pomes, 1917.

    DPOSITAIRES

    Librairies : Monnier, 7, rue de l'Odon ; Ferreyrol, 3, rue Vavin ; Lutetia, 66, boule-

    vard Raspail; Crs, 115, boulevard Saint-Germain; Weill, rue Taitbout ; Boutique verte,

    rue Notre-Dame-de-Lorette, 34 ; Belnet, 96, boulevard Montparnasse, etc.

    Adresser tout ce qui concerne la Revue

    Pierre REVERDY, Directeur, 12, Rue Cortot, Paris (18*)

    Les manuscrits ne sont PSLS rendus.

    Dirteltur- Grant : PI1KR1 K1VE1DT. Frii. lmp. 1.1YI, n* il RMIM, 7t.

    ARGUS DE LA PRESSE

    Les plus anciens bureaux d'extraits

    de presse

    37, rue Bergre, Paris (IX 9)

    LE COURRIER DE LA PRESSE

    LIT TOUT - RENSEIGNE SUR TOUT

    Ch. Demogeot, Directeur

    21, boulevard Montmartre, Paris (2).

    Il ne reste plus que quelques rares collections compltes

    Les 12 numros 20 francs.

    La collection sans le numro i 10

    Toute demande de spcimen doit tre accompagne de 8o centimes en timbres poste

    DEUXI E SRIE

    Abonnement pour TROIS MOIS

    Edition Ordinaire 8 francs.

    Edition de luxe 3

    Nord-Sud no. 13 03.1918PIERRE REVERDY L'imageL'IMAGETRADITION (Notes)DEUX OLAIRS DE LUNELA GRANDE POLITIQUEEN CELLULEMARCHEPOMESOIFS DE L'OUESTG. BRAQUEPETITE VILLE EN SIBRIENOTES ET EXTRAITSDe UIntra.nsigea.nt :

    BIBLIOGRAPHIEGUILLAUME APOLLINAIRE.MAX JACOB.PIERRE REVERDY.PAUL DERME.PHILIPPE SOUPAULT

    DPOSITAIRES