32
INTERSECTION// Jacques Glowinski, Christian de Portzamparc PERSPECTIVES// Vincent Renard, Pascal Auzannet, Antoine Frérot TERRITOIRES//Daniel Canepa/ Jean-Paul Huchon/Jacques Marsaud CITIES// Robert Fitzpatrick OCTOBRE 2011 N °01

OCTOBRE 2011 - AURBSE

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: OCTOBRE 2011 - AURBSE

intersection// Jacques Glowinski, Christian de Portzamparc PersPectives// Vincent Renard, Pascal Auzannet, Antoine Frérotterritoires//Daniel Canepa/ Jean-Paul Huchon/Jacques Marsaudcities// Robert Fitzpatrick

OCTOBRE 2011N°01

Page 2: OCTOBRE 2011 - AURBSE

CONTRIBUTIONS

daniel canepa,préfet de la région d’Île-de-france. préfet de paris.

Jean-Paul Huchon,président de la région Île-de-france.

Jacques Marsaud,directeur général des services de la communauté d’agglomération plaine commune.

robert Fitzpatrick,consultant en politiques culturelles publiques et privées. ancien élu de baltimore et du maryland.ancien p-dg d’euro disney (1987/1993).

Jacques Glowinski,professeur & administrateur honoraire au collège de france.

christian de Portzamparc,architecte & urbaniste, prix pritzker (1994).

christel LefÈvre,directrice de l’agence descartes développement à marne-la-vallée.

vincent renard,économiste, conseiller à la direction de l’iddri (sciences po), directeur de recherche au cnrs.

Pascal auzanet,ancien directeur du rer, chargé de mission par le ministre de la ville en charge du grand paris.

antoine Frérot,président-directeur général de veolia environnement.

Bertrand ousset,directeur général adjoint en charge du pôle stratégique de marne la vallée.

Laurent Batsch,professeur de finance, président de l’université paris-dauphine.

david BÉrinque,ingénieur des ponts et chaussées. directeur général du campus condorcet.

dominique vernay,membre des conseils d’administration du cnrs et de la fcs du campus paris-saclay.

La revue du Grand Paris. Magazine trimestriel gratuit. Édité par la Mission Métropole du Grand Paris/Veolia Environnement S. A. au capital de 2 486 811 960 €, immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 403 210 032, 36/38 avenue Kléber, 75016 Paris, Tél. : 01 71 75 00 00 - [email protected]/Directeur de la publication - Lionelle Maschino/Rédacteur en chef & direction éditoriale - Michel Parmentier/Comité éditorial - Lionelle Maschino, Jacques Glowinski, Olivier Pascal, Fabien Garnier, Michel Parmentier/Conception & réalisation graphique/JBA Antoine Massari - 2 rue des Francs-Bourgeois 75003 Paris – [email protected]/Ont collaboré à ce numéro - Alexandra de Panafieu, Françoise Bourgoin, Antonia Morisot - Photos - Olivier Roller, Sindbad Bonfanti, Patrick Laforêt, Joël Fitz-patrick. Tous droits réservés Veolia Environnement & auteurs. Impression : DEJALINK (certifiée Iso 14001). ZA de la Cerisaie, 19-27 rue des Huleux, 93240 Stains, tél. : 0 175 620 475, [email protected] - Pour le papier : Satimat green 60 % de fibres recyclées et 40 % de fibres vierges certifiées Forest Stewardship Council FSC, issu de forêts bien gérées. Encres à base d’huile végétale. Le vernis acrylique est à 90 % à base d’eau. Dépôt légal : 4e trimestre 2011.

Page 3: OCTOBRE 2011 - AURBSE

LE GRAND PARIS cÔtÉ cŒurAlors qu’il est difficile de prévoir de quoi demain sera fait, comment imaginer ce que sera notre environnement urbain dans 20, 30 ou 50 ans ? A fortiori com-ment agir sachant que notre pensée, un plan ou un simple geste peuvent avoir des répercussions, en bien ou en mal, sur une, voire deux générations à suivre… ?C’est pourtant ce que nous sommes en train de vivre avec cet extraordinaire

« chantier » que le Grand Paris nous pro-pose d’imaginer d’abord et de modeler ensuite. Extraordinaire parce que jamais un projet aussi ambitieux, à l’échelle d’une ville monde, n’a été abordé, à l’échelon régional, avec autant de passion et de concertation, au regard de notre his-toire administrative et politique.Les débats organisés par la CnDP, la consultation du Grand Pari(s) qui a per-mis la création de l’AIGP, l’émergence du syndicat mixte Paris Métropole, la coor-dination de la SGP, l’implication de la Région, des collectivités locales comme de l’État, via le ministère de la Ville et le pré-fet de Région, témoignent d’une conver-gence inédite incarnée par l’approba-

tion du schéma d’ensemble du réseau de transport public du Grand Paris.À cela s’ajoutent les entreprises, souvent citées, et on l’espère plus souvent asso-ciées à la genèse des projets de dévelop-pement territorial.Là aussi, l’avenir des territoires se dessine en y associant les acteurs économiques qui contribuent à son développement.C’est donc de l’ensemble des probléma-tiques urbaines, économiques, sociales et environnementales que cette nouvelle revue va parler avec le renfort des plus grands spécialistes de ces questions.Si La Revue du Grand Paris est issue de la réflexion menée au sein du groupe Veo-lia Environnement, au sein d’une direc-tion spécifique, la Mission Métropole du Grand Paris (MMGP), rattachée à la direc-tion des Collectivités publiques, elle n’en est pas moins ouverte aux débats et à la prise de parole des acteurs, élus et experts concernés par ce projet.Il s’agit d’une véritable plate-forme d’expression au service du Grand Paris, inédite parce qu’au cœur du dialogue public/privé.

Par LioneLLe MascHino, directeur de La mission métropoLe du grand paris de veoLia environnement

ÉDITO//01

02/intersection/LE CERvEau ET La viLLE/Jacques gLowinski et chris-

tian de portzamparc/06/un ŒiL sur…/08/PersPectives/GRand paRis viLLE mOndE, viE dE quaRTiER/vincent renard/pascaL auzan-net/antoine Frérot/cLuster/Bertrand ousset/david Bérinque/Lau-rent Batsch/dominique vernay/19/territoires/interviews danieL canepa/CdT « nOus invEnTOns dE nOuvELLEs méThOdEs dE TRavaiL »/Jean-pauL huchon/LE LOGEmEnT, EnjEu fOndamEnTaL/Jacques mar-saud/pLainE COmmunE au sOmmET paR La faCE nORd/25/cities/roBert Fitzpatrick/nEw YORk paRis suR La mêmE LiGnE ?/

SOMMAIRE

Page 4: OCTOBRE 2011 - AURBSE

02//INTERSECTION

La revue du Grand Paris// Comment en êtes-vous arrivé à faire une compa-raison entre le fonctionnement du cer-veau et celui de la ville ?

Jacques GLowinski// Je me suis tou-jours intéressé à l’architecture et puis j’ai remarqué l’existence de plusieurs ana-logies entre les principales modalités du fonctionnement cérébral et la diver-sité des problèmes rencontrés dans les domaines de l’architecture et de l’urba-nisme. Dans les deux cas, les approches multidisciplinaires et les stratégies de

l’analyse des systèmes complexes sont indispensables.

cHristian de PortzaMParc// C’est très intéressant et surprenant ! On est tous passé par un apprentissage de l’es-pace, dès la naissance, ce domaine qui se partage, où l’on vit ensemble, et c’est pour chacun le réservoir des rêves et de la mémoire. Les époques précédentes s’occupaient sans doute beaucoup plus de cela que la nôtre, qui est dominée par l’écran universel et l’abolition des dis-tances. Or, nous sommes toujours des

êtres d’espace, c’est notre condition, des êtres parlant et des êtres d’espace. C’est pourquoi l’urbanisme m’a tou-jours semblé crucial et, depuis la révolu-tion industrielle, la ville est en mutation structurelle constante et c’est le domaine que la technique, avec ses innovations brillantes, n’est pourtant pas parvenue à maîtriser.L’urbanisme du milieu du xxe siècle rêvait de cette ville zonée par fonctions et sans rues que Le Corbusier a défendue. Mais la rue a un grand avenir : c’est une forme extrêmement ouverte qui dans son uni-

LE cerveau ET LA viLLea priori, rien ne semblait pouvoir réunir ces deux hommes sinon le collège de france. christian de portzamparc, architecte et urbaniste, inaugura en 2006 la chaire de « création artistique ». jacques glowinski y fit carrière, titulaire de la chaire de neuro-pharmacologie. le rapprochement entre le fonctionnement de la ville et de notre cerveau était tentant. rencontre et révélations.

entretien avec Jacques GLowinski, professeur honoraire au collège de france & cHristian de PortzaMParc, architecte et urbaniste. photos// oLivier roLLer

← Christian de Portzamparc

Page 5: OCTOBRE 2011 - AURBSE

INTERSECTIONEntretien avec Jacques Glowinski & Christian de Portzamparc//03

cité toute simple est capable d’agréger la plus grande pluralité. On y mélange tout : l’air, la lumière, les passants, les voitures, les chevaux, les commerces, les services, l’habitat, les bureaux, les réseaux : l’eau, le gaz, l’électricité, les arbres, les trams… C’est ce que l’esprit moderne du milieu du xxe siècle a rejeté : dans un mimétisme de la méthode industrielle, pour analy-ser, séparer les problèmes, et les traiter comme performances. En réaction, il y a eu dans les années 1970, un retour à la ville classique des îlots fermés… Or, je voyais que tout avait changé : la taille des opérations, l’aspiration à l’air et à la lumière, à la vue, on ne pouvait plus refaire comme avant. C’est peu à peu,

pour réinventer une rue d’aujourd’hui, que je suis arrivé à la notion d’îlot ouvert*.Je regardais la ville comme un organisme, un système vivant, c’est là que je rejoins Jacques. L’urbanisme c’est une perpé-tuelle lutte entre la pulsion des indivi-dus et un ordre théorique qui vient d’une commission, d’un prince ou d’un tyran… qui fixe une limite. Et les changements viennent de cette lutte, dans les souks de Damas comme sur les Champs-Élysées.

JG// À ce propos, en dehors des facteurs génétiques, les interactions avec l’en-vironnement jouent un rôle important dans le développement et le fonctionne-ment du cerveau dont l’une des spécifi-

cités est sa très grande plasticité.

cdP// La plasticité caractérise le vivant. La ville n’est pas une machine. Dans cet urbanisme du milieu du siècle der-nier, on croyait tenir la méthode, pouvoir décider le futur une fois pour toutes et réussir enfin la ville. Mais alors, le temps

était arrêté, l’évolution future inter-dite à la différence de la ville des rues et des parcelles. La ville de l’après-guerre

– dessinée selon les fameux « plans masses » assemblant des bâtiments pleins, les barres et les tours – est un sys-tème qui ne porte en lui aucune faculté d’évolution. Cet âge de la ville n’a duré que 30 ou 40 ans mais il abrite la plus grande partie de la population en Europe, et on pourrait dire qu’il a un « code géné-tique » très pauvre pour s’engendrer. Il n’est plus la référence planétaire qu’il fut, mais les choses ne se sont pas par-tout éclaircies pour autant. Je l’ai appelé

« l’âge 2 » dans les années 1980, sachant que « l’âge 1 », lui, marqué par le sys-tème de la rue, a duré, sous des formes incroyablement variées, depuis l’inven-tion de cette rue par les Grecs cinq ou six siècles avant JC. Dans la ville à rues : on dessine l’accessibilité, l’espace public d’abord, et cela détermine des îlots dans lesquels se sont bâties aussi bien des maisons à atrium chez les Grecs et les Romains que des immeubles haussman- niens à fenêtres extérieures ou à cours. Pendant plus de 2 000 ans, ce code a permis ventes, achats, reconstruc-tion, passage de relais de générations en générations… La reproduction du vivant… →

← Jacques Glowinski

L’URBANISME, C’EST UNE PERPÉTUELLE LUTTE ENTRE LA PULSION DES INDIvIDUS ET UN ORDRE ThÉORIqUE.cHristian de PortzaMParc

Page 6: OCTOBRE 2011 - AURBSE

INTERSECTIONEntretien avec Jacques Glowinski & Christian de Portzamparc04//

rGP// Mais « l’âge zéro » c’est quoi ?

cdP// C’est la médina et même, aujour-d’hui, la favela. Là, il n’y a pas de pré-disposition de l’espace public, il y a une cellule de base, la maison à atrium. Ces cellules sont agglomérées, accolées. Entre elles passent des corridors, et lorsque la population s’accroît, on coupe du bâti pour pouvoir prolonger le corri-dor passage, et on reconstruit pour l’ha-bitant les pièces qu’on lui a supprimées. Ces villes à rues installent une intercon-nexion repérable entre toutes, selon un tissu homogène, comme un « moteur de recherche » spatial. Les grandes métro-poles actuelles présentent des systèmes de connexions très perturbés. Il y a les réseaux à grande vitesse qui coupent le territoire, enferment des dessertes en boucles, en impasses et les télécommu-nications se jouent de l’espace physique.La question des échanges d’informations et des relations matérielles devient alors un problème considérable.

JG// En simplifiant, le cerveau est consti-tué de trois sphères interconnectées et sollicitées simultanément dans nos conduites comportementales. Il s’agit des sphères sensori-motrice, émotion-nelle et cognitive. La première est celle de la perception et de l’action. La deuxième gouverne les sensations de plaisir, de récompense ou de répulsion, de peur ou de défense. Précédant souvent l’action, la troisième fait appel à la mémoire et aux anticipations. Elle est celle des choix et des décisions. Tout déséquilibre impor-tant entre ces trois sphères se traduit par des anomalies plus ou moins pro-noncées. D’une certaine façon, ces trois sphères interviennent dans nos percep-tions ou réflexions sur la ville : sensations spatiales, visuelles ou auditives, orien-tation et déplacements, relations entre habitat et travail qui prédominent dans nos actions, plaisir ou répulsion, sécurité ou insécurité, mémoire, histoire, choix et projets.

cdP// Et puis aussi l’antirépulsion, le rêve ou l’attraction, l’attirance. Et c’est ce qui m’a toujours passionné parce que c’est ce qu’il y a de spécifique dans l’espace.

JG// Les propriétés anatomiques et fonc-tionnelles et les interactions multiples de trois principaux réseaux fournissent une autre image schématique de l’orga-nisation complexe du cerveau. Il s’agit des réseaux « exécutif » et « régulateur » constitués de neurones plus ou moins longs qui communiquent entre eux par des messagers chimiques au niveau des synapses, et du réseau « énergé-tique » constitué de cellules gliales qui protègent les neurones et autorisent les échanges avec la circulation sanguine. Le réseau « exécutif » comprend de mul-tiples ensembles neuronaux reliant plusieurs structures cérébrales. Ces ensembles neuronaux distribués sont impliqués dans l’exécution de fonctions conscientes ou inconscientes, des plus simples au plus complexes. Moins nom-breux et organisés en systèmes de popu-lations de neurones divergents qui se projettent sur plusieurs structures céré-brales, les neurones du réseau « régula-teur » exercent des effets permissifs ou restrictifs sur les capacités opération-nelles des ensembles neuronaux du réseau « exécutif ». Grand consomma-teur d’énergie, le fonctionnement céré-bral est étroitement tributaire de l’ap-port en glucose délivré par la circulation sanguine. Les cellules gliales du réseau « énergétique » transfère le glucose aux neurones et éliminent certains ions libé-rés par l’activité nerveuse.Par comparaison, dans une ville, le réseau « exécutif » est représenté par des ensembles distribués de lieux ou zones qui se caractérisent par leur organisation spatiale, leurs spécificités fonctionnelles et leurs relations : zones de logements ou d’activités artisanales ou industrielles, centres administratifs et commerciaux, écoles et universités, hôpitaux et dispen-saires, commissariats, centres culturels et de loisirs, etc. Le fonctionnement et les interactions de ces ensembles dépendent non seulement de leur organisation topographique, mais sont aussi facilités ou au contraire perturbés par une grande diversité de facteurs du réseau « régu-lateur » : lumière, éclairage, émissions sonores, végétation ou pollution, trans-ports, signalisation, informatique, etc. Par exemple, les régulations spatiales

Jacques GLowinski est le père de la

neuropharmacologie

qui étudie les

mécanismes d’action

des substances

pharmacologiques,

naturelles ou non, sur

le cerveau. Pour lui,

ville et cerveau ont

des fonctionnements

similaires.

cHristian de PortzaMParc

a développé

le concept d'îlot

ouvert* comme

alternative dans

la mutation des

quartiers et de

rhizome favorisant

la pluricentralité

dans les grandes

métropoles.

Pour lui, la rue

a un grand avenir

devant elle.

Page 7: OCTOBRE 2011 - AURBSE

INTERSECTIONEntretien avec Jacques Glowinski & Christian de Portzamparc//05

et temporelles des différents moyens de transport ou des systèmes de signa-lisation illustrent le rôle déterminant du réseau « régulateur » dans la vie de la cité. Enfin, le réseau « énergétique » est représenté par les systèmes de dis-tribution de l’eau, de l’électricité, du gaz, du chauffage, et des divers moyens de communication (lignes téléphoniques, fibres optiques) ou encore d’élimination des déchets.Pour un fonctionnement équilibré de la ville, ces trois réseaux doivent être étroi-tement interconnectés et pouvoir évo-luer en fonction de nouvelles demandes. Certains changements, liés à des pro-blèmes de société, auront des réper-cussions importantes et méritent d’être anticipés dans l’évolution d’une ville : les modes de communication avec le déve-loppement foisonnant de l’informatique ou encore, par exemple, l’allongement rapide de la durée de vie, et par consé-quent l’augmentation importante des personnes âgées et souvent handicapées.

cdP// En ce sens, la ville à rues est une merveille de « cerveau ». Car au fond « l’exécutif », la régulation et les cel-lules gliales y sont partout en parfaite connexion, la rue dépassant le rôle de l’accessibilité, et permettant de décou-vrir, connaître, de mémoriser tout de la communauté. C’est la vertu des adresses d’ouvrir aussi le commerce immobilier, donc la plasticité et les transformations constantes.Derrière ces évidences, on réalise les fonctions que « l’âge 2 » a éliminées au nom d’une efficacité fonctionnelle et de cette capacité merveilleuse de l’ère tech-nique à s’affranchir de l’espace, de ses limites et des distances. Les chemins de fer et l’autoroute qui font les grands liens rapides coupent le territoire en enclaves parce qu’on n’a pas toujours l’argent pour faire les ponts comme dans Paris intra-muros.Cela distribue des poches d’habitats loin des centres avec lesquelles on se débrouille comme on peut depuis 50 ans. Il y a un grand gâchis d’espace. Les fonctions sont distribuées par à-coups à tel point que, sur la zone Orly-Run-gis sur laquelle nous travaillons, vous

avez un territoire grand comme Paris intra-muros dans lequel vous n’avez que 250 000 habitants.Avec les télécommuni-cations et le câble, c’est une sorte de dé-spa-tialisation de l’humain qui se produit. Toute notre évolution, avec le langage, l’abstrac-tion, nous a ouverts à la connaissance rationnelle, et cette étape nous éloigne encore plus de notre être archaïque, animal, à l’intelligence et la mémoire orientée par la percep-tion de l’espace. Et on voit qu’une part de notre savoir-faire sur l’espace phy-sique se perd car il n’est plus supposé apporter de la plus-value. nous croyons en avoir « moins » besoin. Et, à part dans nos pays plus anciens, où l’on voit des projets et des recherches comme celle du Grand Paris, le monde actuel accorde peu de considération pour l’urbanisme et l’architecture. C’est le commerce foncier rapide qui « pilote » le devenir dans d’immenses périphéries urbaines qui se présentent comme des cerveaux distendus, qui auraient des lignes de connexions manquantes.

JG// Cela me fait penser aux accidents vasculaires cérébraux qui limitent de façon plus ou moins prononcée et réver-sible certaines fonctions cérébrales. Le développement de la maladie de Parkin-son qui résulte de la dégénérescence pro-gressive d’une population de neurones du réseau « régulateur » permet d’illustrer l’importance de la plasticité mais aussi de ses limites. Plus de 70 % de la population des neurones de ce système régulateur doivent être détruits pour que les prin-cipaux symptômes de la maladie appa-raissent ; auparavant par leur plasticité, les neurones intacts suppléent les neu-rones en phase de dégénérescence, mais le système devient de plus en plus fragile.

cdP// Le Grand Paris c’est exactement ça ! Les cités les plus pauvres sont les

moins bien connectées aux transports, ce n’est pas autour de cela non plus que vont s’installer des gens moins pauvres.Pour ces grandes étendues périphériques des métropoles, j’ai parlé de rhizome. C’était une image pour répondre à ceci : autour de cette ville de « l’âge 1 », jusqu’aux années 1970, se produisait dès l’exode rural une croissance pauvre et en tache d’huile centrifuge, étouf-fant bientôt son cœur historique. Paris est une toile d’araignée. Le seul exemple réussi d’aménagement extérieur, c’est La Défense. Elle a sauvé Paris, sinon les sièges sociaux seraient partis ailleurs. Mais récemment, avec les échanges mondiaux, sont apparues les grandes fonctions métropolitaines : la bourse, les systèmes Internet, les porte-containers et les aéroports ont fait que des villes ont des fonctions de relation en réseau, plus qu’avec leur arrière-pays. Il s’est créé des activités de bureaux qui n’ont plus besoin d’être au centre, des liens qui n’ont plus besoin de passer par le centre. Le lien en rhizome, c’est une racine qui n’est pas arborescente, que vous pouvez couper du centre et qui aura sa vie propre. M

*L’îlot ouvert rassemble des bâtiments autonomes autour d’une rue ouverte. La hauteur des immeubles est limitée sans être identique d’un bâtiment à l’autre. Les façades sont en général alignées sur rue mais sans continuité d’une construction à l’autre. Il s’oppose au bloc hauss-mannien, une façade sur rue, une cour fermée, et aux grands ensembles.

LE CERvEAU fONCTIONNE COMME LA vILLE GRâCE à TROIS RÉSEAUx : « ExÉCUTIf », « RÉGULATEUR » ET « ÉNERGÉTIqUE ».Jacques GLowinski

Page 8: OCTOBRE 2011 - AURBSE

06//UN ŒIL SUR

crasH test « Espaces-loisirs », « Pauses-détente », « Haltes-fraî-

cheur », « Aires de repos », la ville est pleine de ces

faux endroits, la plupart du temps ventés ou caniculaires, bétonnés jusqu’aux sièges, aussi

indestructibles qu’anti-ergonomiques, qui se veulent accueillants et pimpants. Essayez d’y sur-

vivre quelques courts instants mais surtout n’espérez pas y rencontrer âme qui vive, personne

n’y vient jamais. | Patrick Laforêt est photographe. Grand Parisien, il porte son regard sur ces

espaces « entre deux » sans destination particulière qui font partie de notre univers urbain.|

cuLture le grand paris au rapport

Daniel Janicot, conseiller

d’État, qui avait été chargé

en janvier de cette année par

Nicolas Sarkozy, Président de

la République, d’une mission

d’études et de propositions

sur la dimension culturelle

du Grand Paris, a terminé

la première phase de ses

travaux et devrait remettre,

ces jours-ci, son rapport au

Président de la République.

Un rapport très attendu et

déterminant pour l’avenir

du Grand Paris. Veolia

Environnement a suivi avec

attention le déroulement de

cette mission.

tourisMe paris capitale mondiale malgré la criseParis continue de battre des records de fréquentation touristique avec

une progression de 3,3 % de touristes au premier semestre 2011. Parmi

les facteurs de progression évoqués par la Mairie de Paris et l’office du

tourisme, la part importante du tourisme d’affaires, l’attractivité cultu-

relle et romantique de la capitale entretenue par un tourisme alternatif

comme le couchsurfing, les greeters et des chambres d’hôtes.

axe seine la normandie au bout de la ligneC’est le 1er mars 2012 que l’on devrait connaître les

conclusions du rapport du commissaire général

pour le développement de la Seine, Antoine Rufe-

nacht, portant sur « les mesures et les initiatives pour

le développement de la vallée de la Seine et des terri-

toires associés ». Si les grandes lignes de ce rapport

devraient s’appuyer sur le développement durable

et le « sentiment d’appartenance » à ce territoire,

l’ancien maire du Havre, comme les acteurs écono-

miques et les élus de la Région voient dans le lance-

ment de la nouvelle ligne à grande vitesse un élément

déclencheur du développement de la région. Un point

d’étape devrait être présenté au Premier ministre mi-

décembre.

iL y a ans naissait La sociÉtÉ Française des urBanistes

PATR

ICK

LA

FO

T

Ph

OTO

ThÈ

qu

e V

eO

LIA

— C

hR

IsTO

Ph

e M

AjA

nI d

’Ing

uIM

be

RT

Page 9: OCTOBRE 2011 - AURBSE

UN ŒIL SUR//07

Cœur de cluster c’est un nouveau concept marketing ?Christel lefÈvre, directrice de l’agence Descartes

Développement à Marne-la-Vallée — C’est plutôt une

synthèse : notre agence de développement, prési-

dée par Frédéric Rosès, se situe

au cœur du cluster Descartes

dédié à la ville durable, l’un des

pôles franciliens retenus par

l’État dans le cadre du Grand

Paris. Nous voulons dévelop-

per le « noyau dur », la techno-

pole située sur la cité Descartes,

à Marne-la-Vallée : un pôle

scientifique reconnu (25 % de

la recherche française sur la

ville durable, au sein du PRES

université Paris-Est, et la pré-

sence du pôle de compétitivité

Advancity) auquel s’ajoutent un

pôle économique capable d’accueillir les entreprises,

sans oublier le pôle d’enseignement supérieur avec,

notamment, l’École des Ponts et Chaussées.

Un territoire, c’est aussi une marque ?Cl- Le Grand Paris, en tant que métropole tête de

réseau, donne une adresse de référence mondiale

aux territoires franciliens qui y sont associés. Les

élus et nos partenaires économiques ont souhaité

que nous réfléchissions à une marque territoriale

qui nous incarnerait tout en exprimant notre ambi-

tion dans ce nouveau contexte.

le critère pour faire venir une entreprise ?Cl- L’accessibilité et le foncier sont nécessaires mais

de moins en moins suffisants.

L’image de marque, la stratégie de développement

du territoire, l’adéquation avec le positionnement de

l’entreprise… Tout cela compte aussi. Outre le métro

automatique qui améliorera l’accessibilité, nous

favorisons les services technopolitains (incubateur,

services d’accès à l’innovation…) avec deux projets

majeurs : un think tank « ville durable » et la création

d’un événement mondial emblématique du Grand

Paris sur ce thème.

| *www.descartesdeveloppement.fr |

droit de questions descartes développement* invente le cœur de cluster

exPo edf sur un plateauEDF a décidé d’implanter le plus grand centre de recherche

du groupe sur le site du plateau de Saclay. Elle a retenu début

avril 2010 le projet de l’architecte Francis Soler, à la suite d’un

concours d’architecture et d’ingénierie lancé en octobre 2009

auprès de six agences : Cuno Brullmanet et Jean-Luc Crochon ;

Odile Decq et Benoît Cornette ; Francis Soler ; Emmanuel Comba-

rel et Dominique Marrec ; Dominique Perrault Architecture et Ber-

nard Tschumi. Les résultats de la consultation seront présentés au

public du 12 octobre au 20 novembre à la Cité de l’architecture &

du patrimoine. | Exposition coproduite par la Cité de l’architecture

& du patrimoine/Ifa et EDF. |

© F

RA

nC

Is s

OLe

R A

RC

hIT

eC

Te —

gR

AP

hIs

Me

: CA

PA

YAn

n P

IRIO

u

Page 10: OCTOBRE 2011 - AURBSE

MONDE

qUARTIER

vILLEvIE DELe Grand Paris

unE méTROpOLE EsT un paRadOxE ET LE GRand paRis n’Y éChappE pas.

assOCiER LEs visiOns GLOBaLE ET LOCaLE dans unE LOGiquE dE dévELOp-

pEmEnT éCOnOmiquE ET TERRiTORiaL mOnTRE quE La viLLE ET sEs TRans-

fORmaTiOns sOnT un OBjET diffiCiLE à appRéhEndER.

08//PERSPECTIvES

Page 11: OCTOBRE 2011 - AURBSE

vILLE « Observer la région métropolitaine comme entité, coder les flux, discerner l’hétérogène dans la nappe urbaine : cette réflexion sur la structure à grande échelle est une nécessité de l’action sur la métropole, explique l’architecte Christian de Portzamparc*. Elle est couplée […] avec un tra-vail sur le volet spatial au niveau des quartiers, qui s’attache à agir sur la texture des espaces, sur la pratique et la perception sensorielle des espaces physiques. Il n’y a pas de continuité entre ces deux volets. Ces deux échelles traitent de deux raisons différentes, et cette disjonction entre les échelles est caractéristique de l’espace métropo-litain. » La question d’une ville monde compa-tible avec la vie de ses quartiers est ainsi posée.Le Grand Paris, en tant que projet d’aménage-ment, associe développement économique, et rayonnement international, avec la qualité de vie, le logement, une mixité fonctionnelle et sociale. Une ville compacte, densifiée, économe en éner-gie, avec l’appui de services urbains intégrés, paraît la solution la mieux appropriée, capable d’endiguer l’étalement urbain. D’un côté, il y a les territoires, leur découpage en grandes thé-matiques fonctionnelles – les clusters – et leur vocation de pôles d’excellence qui entend récon-cilier les mondes académiques, de la recherche et de l’université, avec l’entreprise. De l’autre, il y a leur destination et leur intégration dans les futurs schémas de développement en matière de densification, de connexité, d’offre de logements ou de solutions high-tech sans oublier l’essen-tiel : leur attractivité, savant équilibre entre leur passé et leur promesse, notamment dans l’op-tique d’une ville durable, qui réponde, et même anticipe, vis-à-vis des défis sociaux et environ-nementaux du temps.

* Extrait du projet de l’Atelier Christian de Portzamparc soumis à la consultation de 2008 initiée par le ministère de la Culture et le Pré-sident de la République.

«

Page 12: OCTOBRE 2011 - AURBSE

Le patron, c’est le maire ! C’est lui qui approuve le plan local d’urbanisme et qui signe le permis de construire. On peut ainsi considérer qu’il existe au moins 800 centres de pouvoir dans le Grand Paris. Par comparaison, la région paraît faible, alors que certains départe-ments peuvent être puissants.

un maire pour le Grand Paris ?Le schéma institutionnel du Grand Paris est donc complexe : c’est un mille-feuille. Quand un investisseur veut s’implanter dans la capitale, il n’a pas de guichet unique à sa dispo-sition. L’absence de régulation globale qui s’ajoute à une décision urbaine frag-mentée devient un facteur d’inefficacité. L’agglomération de Paris reste pourtant très attractive mais sa gouvernance est faible, c’est un paradoxe. Peut-être un point de passage serait-il qu’un maire soit élu à sa tête ?Depuis 1939, avec la laborieuse élabo-ration du plan Prost, le premier plan d’aménagement de la région pari-sienne, le développement de l’ag-glomération parisienne a connu des difficultés récurrentes au niveau ins-titutionnel. Dans la parenthèse spéci-fique des années 1960, l’État avait pris

PERSPECTIvESLe Grand Paris, ville monde, vie de quartier10//

la main, on renouait à travers Delou-vrier avec l’esprit d’Haussmann. C’est l’époque où il était encore possible de faire beaucoup de choses, comme ache-ter des terrains à des prix bas… Le pou-voir étatique avait certaines vertus.C’est plus compliqué en démocratie, bien sûr, lorsqu’il faut consulter tout le monde. Il est d’abord impossible de jouer contre les élus locaux, qui sont aujourd’hui un point de passage obligé. Beaucoup en ont parlé, beaucoup ont sorti des rapports intéressants sur le Grand Paris, comme le rapport Dallier, par exemple, et une loi a finalement été votée en 2010. Mais la mise en œuvre est lente et incertaine… D’autant que la question financière est omniprésente : au bout d’un quart d’heure, on parle d’argent (taxe professionnelle, péré-quation…) au lieu de stratégie.

Le foncier au cœur de la stratégie urbaineMobilité, densification, emplois, mixité, on oublie parfois que la structure de la propriété foncière et immobilière pèse sur ce qui va se passer en matière d’aménagement. Le cas de Paris intra-muros pose un problème spécifique, la demande est infinie, l’offre est fixe. À la mi-2011, le prix moyen du m2 a dépassé

8 000 euros, pesant progressivement sur la composition sociale. Ce mouve-ment s’accompagne d’un phénomène de « pied-à-terrisation » : étrangers, hauts revenus investissent tant pour un usage intermittent pour eux que pour la plus-value à la revente, attractive sur le long terme, plus rarement pour le don-ner en location.Dans le même temps, ceux qui n’ont pas accès en pratique aux HLM (bien que 70 % de la population y ait droit en théo-rie !) se font construire une maison loin du centre et des transports. La banque leur octroie un prêt de 100 000 € sur 20 ans. Le remboursement mensuel peut être du même ordre qu’un loyer HLM… Cet étalement urbain – pas celui qui consiste à s’acheter une belle maison dans la vallée de Chevreuse – est une véritable bombe à retardement. Pour les gens qui s’engagent dans cette voie, ce sera pire que de vivre dans des grands ensembles où, au moins, peuvent exister des formes de solidarité. C’est problématique en termes de ser-vices publics. Et que dire de leur situa-tion quand le prix de l’essence va finir par augmenter, dans une aggloméra-tion bâtie sur un prix de l’essence qui est aujourd’hui plus bas qu’il y a 30 ans ?De nos jours, on ne dispose pas des leviers pour adapter finement la construction aux besoins qui appa-raissent. La loi SRU, par exemple, avait une large ambition en la matière, mais sa mise en œuvre est restée modeste.L’avenir de l’agglomération va dépendre dans une large mesure des stratégies adoptées par les villes de la petite cou-ronne, en particulier en matière de

L’économie foncière et immobilière s’intéresse aux mécaniques écono-

miques, politiques et juridiques de fabrication d’une ville. En France, elles

sont compliquées et opaques. La ville et ses transformations forment

un objet qu’on ne sait pas par quel bout prendre. C’est en fait comme du

mercure qui coule entre les doigts. Si le foncier est la clé du système en

matière de développement, le poids du local y est essentiel.

Le MiLLe-FeuiLLe GLocaLvincent renard, économiste directeur de recherche au cnrs

MÉTROPOLE

L

Page 13: OCTOBRE 2011 - AURBSE

cohésion sociale et de développement du logement. Pour beaucoup de conseils municipaux, l’élection s’est faite sur un consensus : limiter la croissance. Et en matière de logement social, la loi SRU n’a atteint ses objectifs que de façon limitée. Rien d’étonnant lorsqu’on dit aux électeurs qu’il leur suffit de payer une pénalité de 10 € pour limiter la construction de HLM, ils sont alors enthousiastes ! Cette ségrégation à Paris et dans l’ensemble de la région pari-sienne reste préoccupante.En matière de formes urbaines, alors que la densification est un pré-requis chez les urbanistes et les aménageurs de territoires, elle n’est en réalité pas vrai-ment désirée dans la mesure où elle ne rapporte pas grand-chose, ni au maire, ni au promoteur, ni aux acquéreurs en termes de qualité de vie. La den-

PERSPECTIvESLe Grand Paris, ville monde, vie de quartier//11

sité n’est pas un concept attractif en soi.Et, face au déficit de construction de logements neufs, on doit se souvenir que, en termes strictement financiers et de rendement, le logement n’est pas un bon investissement, sauf dans les seg-ments extrêmes, qui va du grand luxe aux franges de l’insalubrité.Hormis ces extrêmes, le rendement locatif d’un logement normal peine à atteindre 3 %, ce qui représente un pla-cement à long terme mais sur sa valo-risation seulement : le locatif n’est pas rentable. On observe d’ailleurs que les investisseurs institutionnels s’en sont retirés.

Faire entrer le global dans le localIl est important d’avoir une conception globale de la politique du logement au

niveau de l’agglomération, d’intégrer cette dimension au Grand Paris avec les problématiques de transports, de mixité et d’emplois. Les key workers, par exemple, les infirmières et autres personnels de service, aux petits reve-nus, doivent pouvoir vivre à proximité de leur travail. Un mécanisme fluide s’impose pour que le logement social puisse s’adapter rapidement.Le problème, c’est ce qu’on en fait, com-ment on passe du global au local lorsque le fonctionnement des marchés fon-ciers n’est pas maîtrisé. Les disponibi-lités foncières, les friches urbaines ne manquent pas mais la libération de ter-rains est complexe. Résultat : il y a des « dents creuses », des bouts de banlieue qui se dégradent par contagion.

Il manque à cet égard au Grand Paris un schéma directeur intégrant le transport, le logement et l’activité. Celui dont on dispose n’est pas opérationnel – alors force est de se référer au précédent. Dif-ficile d’avoir d’une vision globale dans ces conditions. Mais une fois encore, cette vision globale requiert une gou-vernance adaptée, le Grand Paris ne pourra devenir une réalité opératoire que dans le cadre d’une réforme insti-tutionnelle. M

← Vincent Renard// Paris compte 20 % de logements sociaux, la petite couronne 50 %.

« L’étalement urbain – pas celui qui consiste à s’acheter une belle maison dans la vallée de Chevreuse – est une véritable bombe à retardement. »

sIn

db

Ad

bO

nFA

nTI

Page 14: OCTOBRE 2011 - AURBSE

La revue du Grand Paris// Pour beaucoup de Franciliens, le Grand Paris, c’est uniquement une question de transports, qu’en pensez-vous ?PascaL auzannet// Le point d’entrée, c’est évidemment l’aménagement du territoire. Les transports doivent pou-voir répondre à cet enjeu qui condi-tionne ensuite le choix des infrastruc-tures. Mais dans le même temps, il y a des problèmes de transport qu’il convient de traiter. Dans Paris intra-muros, 64 % des déplacements méca-nisés se font en transports collectifs mais quand on franchit le périphé-rique, les déplacements banlieue-ban-lieue chutent à 23 %. Il y a incontesta-blement un déficit d’offre en transports collectifs en banlieue.Autre enjeu majeur : la saturation de la zone centrale. Actuellement, le réseau métro-RER de Paris est confronté à un problème de saturation qui ne peut que s’accentuer notamment parce que la politique volontariste de la Ville de Paris tend à réduire la place de la voi-ture. Cette baisse du trafic automobile

– 22 % depuis 2001 – qui est une très bonne chose pour l’environnement et la qualité de vie se traduit par une aug-mentation « quasi mécanique » de la fréquentation sur les transports col-lectifs. À l’heure de pointe, cela pose un problème technique car on ne peut pas augmenter les fréquences au-delà du niveau actuel. Sachant que 10 à 15 %, voire plus, d’utilisateurs du métro et du RER sont des banlieusards qui tra-versent Paris pour rejoindre une autre banlieue, il est évident dans ces condi-

PERSPECTIvESLe Grand Paris, ville monde, vie de quartier12//

une ville dense, compacte, économe en énergie pour des transports efficaces

pascal auzannet, chargé de mission pour Le ministère de La viLLe en charge du grand paris

tions, qu’une rocade de métro répondra efficacement à cette demande et désa-turera en même temps la zone centrale. D’où l’intérêt du projet Arc Express proposé par la Région désormais inté-gré au Grand ParisAutre enjeu encore – et là ça, c’est une question d’aménagement du territoire – l’Île-de-France connaît un phénomène d’étalement urbain qu’il convient de stopper. Il faut donc une vision globale qui intègre les transports, l’urbanisme et l’aménagement du territoire.

rGP// Cela s’est produit justement parce que la ville n’a pas été pensée

dans sa globalité : par ses transports, jamais par ses activités, ses logements, son activité économique ou écologique ?Pa// Oui c’est pourquoi en définissant le projet de métro du Grand Paris Express, on pense aussi aménagement de la ville. Toute l’approche des contrats de développement territorial, qui accom-pagnent le projet, est une opportunité de densifier autour des gares, créer des activités économiques, des logements.Par ailleurs, le choix de réaliser un métro dans des territoires de la poli-tique de la ville dans l’Est Parisien, à Clichy sous Bois, Montfermeil, Aulnay et Sevran, notamment, est une contri-

INTERVIEW

← Pascal Auzannet// L’artisan du consensus autour du Grand Paris Express estime que ce projet va désaturer le cœur de la capitale.

sIn

db

Ad

bO

nFA

nTI

Page 15: OCTOBRE 2011 - AURBSE

d’augmenter, comment faire ? A-t-on une idée du coût de l’étalement urbain ?Pa// C’est toute la question du rôle et de l’importance du SDRIF. C’est un document prescriptif qui définit une stratégie d’aménagement du territoire. L’offre de logements insuffisante par-ticipe à l’augmentation des prix. D’où l’ambition de construire 70 000 loge-ments par an tout en favorisant la mixité sociale. La densité ne doit pas faire peur. De ce point de vue, il ne faut pas confondre densité urbaine et forme urbaine. L’étalement urbain est parti-culièrement coûteux pour la collectivité parce que, lorsque la densité est divi-sée de moitié, le coût des transports et le coût environnemental au titre de l’énergie sont majorés de 50 %. Dans une ville dense on sort de chez soi, on a tout à portée de main, les déplacements se font à pied ou à vélo. Cela favorise les modes doux.

rGP// La question est aussi celle de la définition des centres-villes. Les nou-velles gares seront suffisantes pour créer ces nouvelles centralités dont on parle et favoriser l’activité économique ?Pa// Avec du logement et des activi-tés économiques et commerciales, les gares seront des lieux de vie. La pensée architecturale et urbanistique est évi-demment importante mais c’est une contribution à l’aménagement du ter-ritoire dans le cadre d’une démarche globale. Le futur métro, notamment en proche banlieue, traversera des terri-toires qui ont souffert de la désindus-trialisation de ces 30 dernières années. On va donc accélérer la reconstruction de la ville sur elle-même là ou il y a des friches industrielles, notamment dans la boucle nord des Hauts-de-Seine ou les Ardoines dans le Val-de-Marne. Il convient aussi de rappeler que le gain en accessibilité est un puissant facteur de croissance économique donc de création d’emplois. Toutes les études macro-économiques le montrent. Cette accessibilité du réseau s’étend bien sûr à l’Europe et au-delà puisque le réseau sera maillé avec les aéroports Roissy/Orly/Le Bourget et avec les gares TGV actuelles et futures. M

Paris. Les études montrent que le gain obtenu par un logement moins cher en périphérie est contrebalancé par un coût plus élevé du transport. Plus on s’éloigne du centre et plus le taux d’équipement en voitures – alors indis-pensables pour aller travailler et accéder aux commerces et activités culturelles – par ménage est élevé. Lorsqu’on fait la consolidation des budgets transports et logement, on constate un phénomène de péréquation. Le montant global est quasiment identique entre le centre et la périphérie sauf que la relation est inver-sée entre le transport et le logement. À Paris le logement est cher, et le trans-port faible. En périphérie, c’est l’inverse sachant que l’espace habitable par habi-tant est quasiment identique, la taille des ménages étant plus élevée.Il y a comme « une main invisible » qui génère toutes ces péréquations. Il n’y a pas de gains individuels mais incon-testablement un coût pour la collectivité lié à l’étalement urbain. D’où l’intérêt d’une véritable régulation par les pou-voirs publics afin de promouvoir l’inté-rêt général c’est-à-dire une ville dense, compacte, économe en matière d’éner-gie et d’environnement.

rGP// Cette régulation, comment opère-t-elle face à la « pied-à-terrisa-tion » ? Le raisonnement est séduisant mais face au prix du m2 qui ne cesse

bution forte à la lutte contre la fracture territoriale.Enfin, tant qu’on éloignera les popu-lations de leur lieu de travail, on aura une saturation des réseaux comme c’est notamment le cas sur le RER A. Il faut donc inverser cette tendance. L’autre problème, c’est le déséquilibre Est-Ouest qui reste à régler.

rGP// Ne risque-t-on pas d’avoir une contradiction entre le prix du foncier en zone centrale, qui incite à l’exode, et la nécessité de densifier via une organisa-tion rationnelle des transports ?Pa// C’est tout l’enjeu de la politique d’aménagement du territoire et d’une nécessaire régulation. nous sommes confrontés à plusieurs illusions voire idées fausses. La première c’est le gain de temps. On justifie les investisse-ments par des gains de temps. Avec le développement du réseau en radiales, les voyageurs se déplacent plus vite et vont habiter plus loin. Or les enquêtes menées montrent que le budget temps du Francilien reste stable de l’ordre de 80 min depuis des années. Donc on se déplace plus vite – les vitesses de dépla-cement ont augmenté de 25 à 30 % en une trentaine d’années – mais on ne gagne pas de temps !Deuxième illusion : on pense faire une économie en allant vivre en périphérie parce que le foncier est moins cher qu’à

PERSPECTIvESLe Grand Paris, ville monde, vie de quartier//13

Les voies rapides d’Île-de-France connaissent en moyenne 4 à 6 h par jour d’embouteillages (STIF). ↓

PATR

CIK

LA

FOR

êT

Page 16: OCTOBRE 2011 - AURBSE

Un projet ambitieux et visionnaire, c’est incontestablement ce qu’est le Grand Paris au regard de la nature et de la mul-tiplicité de ses objectifs : consolider le statut de ville monde de Paris ; renforcer son attractivité, que celle-ci soit écono-mique, scientifique, artistique ou envi-ronnementale ; accroître la compétiti-vité de l’économie nationale ; réduire les fractures sociales et culturelles ; renou-veler l’habitat ; mettre fin à un urba-nisme laxiste de l’étalement. Le tout en tenant compte de la nouvelle donne sur le climat et l’énergie… Il n’existe pas de modèle de ville monde répondant de manière sûre et univoque à l’ensemble de ces objectifs. Aussi le Grand Paris nous entraîne-t-il vers une nouvelle frontière du développement métropo-litain, vers une terra incognita.

À nouvelles villes, nouveaux services urbainsLa nature des villes change et, avec elle, celle des services urbains. En effet, la ville de demain fonctionnera selon une logique d’intégration maximale de ses services publics. Ils s’imbriquent déjà

SERvICES URBAINSdes viLLes nouveLLes aux nouveLLes viLLes

antoine Frérot, président-directeur généraL de veoLia environnement

PERSPECTIvES14//

de plus en plus les uns dans les autres. Ici, la chaleur des eaux usées est réin-jectée dans les réseaux de chauffage urbain. Là, les huiles usagées se font biodiésel pour alimenter en biocarbu-rant une flotte de bus urbains. Ailleurs, les déchets deviennent électricité.Le Grand Paris nous emmène égale-ment vers une ville plus connectée, plus informée et plus intelligente. Une « ville plus connectée », car elle procurera à ses habitants des données en temps réel. Une « ville plus informée », grâce à des compteurs qui dialogueront avec les consommateurs et leur permettront d’optimiser leur alimentation en eau, en électricité ou en chaleur. Une « ville plus intelligente » dans la tarification de ses services urbains, car elle incitera davantage les habitants à adopter des comportements respectueux des res-sources naturelles.

de nouveaux liens entre territoires et entreprisesLes rapports entre les différents acteurs de la ville évoluent eux aussi. Sous l’égide du Sdrif, une relation

plus étroite se noue, en amont, entre maîtres d’ouvrage, aménageurs, architectes, urbanistes, construc-teurs d’infrastructures, opérateurs de services urbains… Le Grand Paris leur donne l’occasion d’exprimer leur créativité et leurs talents au ser-vice d’une nouvelle « ergonomie des territoires ». Au-delà de ces secteurs d’activité, le rôle des entreprises s’af-firme, au sein du Grand Paris, par une filiation renforcée au territoire. Filiation qui fait d’elles à la fois des acteurs économiques reconnus, des vecteurs d’intégration par les emplois et les services qu’elles proposent, des représentants de la cité à l’internatio-nal. En retour, ce projet leur confère une valeur ajoutée supplémentaire : le

« label Grand Paris ».

Cette symbiose entre territoires et entreprises est fondamentale pour leurs succès : ils ne peuvent réussir sans elles, elles ne peuvent se développer sans eux. Le Grand Paris crée une dynamique, il ouvre de nouvelles coopérations entre territoires et entreprises, il est source d’enthousiasme. M

UP

hO

TOTh

Èq

ue

Ve

OLI

A —

sA

Mu

eL

bIg

OT/

An

dIA

— je

An

MA

RIe

RA

s —

dId

IeR

RO

bC

Is/I

nTe

RLI

nK

s IM

Ag

e —

sTé

Ph

An

e L

AVO

Page 17: OCTOBRE 2011 - AURBSE

CLUSTERL’économie de la connaissance, moteur de développement du Grand ParisLes systèmes économiques accordent un rôle de plus en plus

important à des services et biens immatériels ainsi qu’aux

ingrédients nécessaires à leur création : la technologie, le

savoir-faire, la connaissance. L’économie de la connaissance

constitue une valeur de plus en plus importante au sein de nos

systèmes économiques à tel point que les grands territoires de

projets, repérés par les géographes et les sociologues et inhé-

rents aux grandes métropoles, affichent leurs ambitions en

faveur de la connaissance, moteur de développement. Ce n’est

pas parce qu’une part de ses composants est souvent déma-

térialisée que l’économie de la connaissance ne se concrétise

pas dans des organisations territoriales.

Que leur spécificité économique précède ou dérive des savoir-

faire qui s’y développent, les clusters, ces « écosystèmes éco-

nomiques », développent des savoirs et des compétences de

toutes sortes qui forment le cœur de leur dynamique et de

leur pérennisation, qu’il s’agisse d’instituts de formation théo-

rique ou appliquée, de centres de recherche, d’entreprises d’in-

novation.

Si les modèles sont multiples, aucun n’est abouti, comme en

témoignent trois responsables de pôles académiques : David

Berinque du campus Condorcet, Dominique Vernay du cam-

pus Saclay et Laurent Batsch, président de Paris Dauphine, la

« clusterisation » se nourrit du mélange des genres comme le

raconte Bertrand Ousset, dg – adjoint d’Epamarne, à propos du

double cluster tourisme et environnement de Marne-la-Vallée.

PERSPECTIvESLe Grand Paris, ville monde, vie de quartier//15

Le Grand Paris mise sur ses 17 universités et ses 53 grandes écoles pour promouvoir son excellence économique. ↓

Ph

OTO

ThÈ

qu

e V

eO

LIA

— é

RIC

Le

Feu

VR

e

Page 18: OCTOBRE 2011 - AURBSE

marne-la-vallée

PERSPECTIvESLe Grand Paris, ville monde, vie de quartier16//

Face à Bertrand Ousset, présent dès l’origine du projet et directeur général adjoint d’Epamarne, en charge du pôle stratégique, il faut se demander si le pro-jet de Marne-la-Vallée (MLV) ne portait pas en lui les prémisses d’un Living Lab* du Grand Paris ? « Le concept est né de deux projets initiaux qui ont été réu-nis dans le schéma directeur de 1965 de Delouvrier. Il y avait à la fois le pôle restructurateur de Noisy-le-Grand, et celui de la ville nouvelle de la vallée de la Marne devenu par la suite Marne-la-Vallée. Dans un autre contexte, nous avons mis en œuvre des démarches proches de celles que Haussmann a inventées pour refaire Paris. » Deux réa-lisations majeures ont permis de trans-cender ce projet initial, légitimant MLV vers un positionnement métropolitain : La cité Descartes consacrée à l’envi-

ronnement et le pôle touristique du Val d’Europe avec les parcs Disney.

du projet de territoire au territoire de projetsLa problématique du Grand Paris, telle qu’elle a été exprimée, a fait basculer MLV d’une dynamique de territoires à une échelle dépassant largement l’infra- régional. « Nous avons le potentiel de

recherche le plus important d’Europe et peut-être même du monde en matière d’ingénierie du développement durable concentré sur la cité Descartes. À partir de ce point d’appui, nous avons proposé l’idée d’un cluster. D’autre part, la réus-site du pôle touristique qui s’est constitué dans le Val d’Europe autour de Disney, nous autorise à changer d’échelle en termes de projet touristique mais aussi de formation aux métiers du tourisme. Cela nous a amené au cluster du tou-risme. » Cette métropolisation a pour effet de maintenir les populations près de leur lieu de travail. Une grande partie des résidents actifs travaille sur place : 60 % à l’est de MLV et 40 % à l’ouest.

Bienvenue à Clusterlandbertrand ousset, directeur généraL adJoint d’epamarne

marne-La-vaLLée = 1 x ½ paris en surFace27 communes sur 3 départements

près de 300 000 haBitantspLus de 107 900 Logements répartis

sur tout Le territoire, dont 72 098 Logements produits depuis L’origine

pLus de 130 000 empLois

Exemple réussi d’une urbanisation programmée et modèle d’adminis-

tration « à la Française », Marne-la-Vallée ajoute à ses projets d’aména-

gements une dimension académique et culturelle d’envergure nationale

et internationale. Epamarne mise sur deux clusters : l’un consacré à la

ville durable, l’autre au tourisme.

ChIffRES CLÉS

F

← Descartes +, futur bâtiment à énergie positive sur le campus de la cité Descartes à Champs-sur-Marne.

© A

RC

hIT

eC

Te : A

TeLI

eR

Th

IeR

RY

RO

Ch

e e

T A

ssO

CIé

s/

InFO

gR

AP

hIe

: jé

Me

dA

nIÈ

Re

— é

CO

Le d

es

PO

nTs

PA

RIs

TeC

h

Page 19: OCTOBRE 2011 - AURBSE

PARIS-DAUPHINE« Être une excellence, devenir une référence »Laurent Batsch, président de paris-dauphine

Une nouvelle université est née à Paris, par l’alliance d’établissements presti-gieux : normale Sup’Ulm, Collège de France, université Paris-Dauphine, ins-titut Curie, écoles d’ingénieurs (Chimie et ESPCI), Observatoire de Paris, écoles d’art et de création, et organismes de recherche (CnRS, InSERM, InRIA).Le 4 juillet dernier, un jury international a sélectionné PSL* Research University comme Initiative d’excellence, éligible à ce titre au financement des « Investis-sements d’avenir ». PSL* est à ce jour le seul projet francilien élu au rang d’Ini-tiative d’excellence. En rapprochant des établissements d’excellence scien-tifique, en faisant converger des écoles et une université, toutes sélectives, et en jouant de la complémentarité de leurs champs de connaissance, PSL construit à Paris et dans sa région (La Défense, Meudon, Saint-Ouen, Ivry…) un acteur capable de figurer dans le Top 20 mon-dial des universités. Il serait paradoxal qu’une université à vocation internatio-

nale se laisse enfermer dans des fron-tières locales étroites. Vu de Boston ou de Shanghai, et même de Londres ou de Berlin, Paris n’est pas réduit à l’es-pace clos du périphérique. Et la tradi-tion estudiantine du Quartier latin ne saurait occulter la diversité des localisa-tions universitaires franciliennes. C’est pourquoi PSL Research University pense son développement à l’échelle du Grand Paris. En particulier, PSL participe à tra-vers Dauphine au dynamisme de la place

d’affaires internationale de la Défense, qui doit encore se doter d’une grande business school. La volonté de PSL d’of-frir des solutions de logement pour les étudiants, les chercheurs et les visiting professors fait place à une large ouver-ture sur les territoires franciliens. Enfin, les partenariats économiques et scienti-fiques de PSL mobilisent des acteurs lar-gement répartis dans l’espace du Grand Paris. M

*Paris Sciences et Lettres.

un territoire de services au service des territoiresPour Bertrand Ousset, le Grand Paris se conçoit avec une agglomération centrale structurée et quelques grandes agglo-mérations périphériques également structurées « pour donner du sens à une décentralisation, à un polycentrisme. Mais il y a besoin d’une structuration institutionnelle aussi, et ce sont peut-être les assises de cette structure qui se posent en ce moment ». Encore faut-il en avoir les moyens, le modèle finan-cier est à cet égard prépondérant. Au départ, l’EPIC a emprunté pour ache-ter les terrains, faire les études, les via-biliser, aujourd’hui tous les emprunts sont remboursés et l’ensemble de la démarche s’autofinance. « Il y a dans le Grand Paris plusieurs territoires de

grandes agglomérations potentielles où ce modèle financier est transpo-sable ; mais cela implique des échelles pertinentes pour mutualiser les inves-tissements publics dont l’importance dépasse le niveau des agglomérations existantes en Île-de-France. »La genèse et le résultat de MLV démontrent que, lorsque les grands aménagements atteignent un cer-tain niveau de réussite et dégagent des moyens, il faut se poser des questions sur la façon de mutualiser. « Pour l’ins-tant, l’organisation politico-adminis-trative française dissocie la conception et la réalisation de la ville de l’intégra-

tion des problématiques des grands ser-vices. Nous, aménageurs, ne sommes pas en situation d’établir des parte-nariats de longue durée associant, à la conception de la ville, une vision des services urbains à la même échelle alors même que c’est indispensable. Mais nous réfléchissons avec le PRES Paris-Est à la mise en place de Living Labs** urbains dans le cadre d’un institut d’ex-cellence pour les économies décarbonées qui permettront de croiser les logiques de service et de construction, de réseaux et de bâtiments, afin d’avoir des réponses intégrées et donc des approches trans-versales. » M

PERSPECTIvESLe Grand Paris, ville monde, vie de quartier//17

UForte de son entrée dans le campus d’excellence Paris Sciences et Lettres (PSL), l’université Paris-Dauphine entend séduire l’élite étudiante du monde entier. ↓

*Un Living Lab réunit acteurs publics et privés afin de favoriser l’innovation et d’associer les pouvoirs publics, les entreprises avec les laboratoires de recherche. La certification Living Lab est accordée par la Commission européenne.

** PRES, pôle de recherche et d’enseignement supérieur, celui de Paris-Est regroupe les universités de Marne-la-Vallée et de Créteil ainsi qu’une dizaine de grandes écoles dont l’EnPC et l’ESIEE.

Ph

OTO

ThÈ

qu

e P

AR

Is-d

Au

Ph

Ine

Page 20: OCTOBRE 2011 - AURBSE

Jusqu’ici, le plateau de Saclay était com-posé de diverses entités posées sur son territoire : le Commissariat à l’énergie atomique, les grandes écoles que sont HEC, Polytechnique, Supelec et l’uni-versité Paris-Sud. Chacune de ces uni-tés avait sa vie propre. La collaboration avec les voisins s’est longtemps canton-née à quelques grands axes scientifiques

– malgré tout, ont émergé un prix nobel et plusieurs médailles Fields. Mais pas un endroit pour prendre un café, pas de vraie vie… Créer le campus de Paris-Saclay, c’est une rupture à double titre. D’une part, ce vaste chantier – qui permettra de rejoindre en 6 min, soit deux stations de métro, les sous-cam-pus les plus éloignés et relier le plateau de Saclay à Paris en une demi-heure – métamorphosera Paris-Saclay en une ville universitaire où il fait bon vivre, où l’on peut étudier, travailler, faire du sport et se divertir.

Tout cela en liaison avec les villes voisines – les moyens culturels ne manquent pas à Versailles, à Palaiseau ou à Massy, par exemple. D’autre part, développer les coopérations donnera une vision unifiée des grands domaines d’excellence et plus de visibilité à l’in-ternational. En simplifiant les commu-nications, on améliorera la coopération scientifique. À nous aussi de proposer des offres pertinentes au monde éco-

nomique pour l’inviter à participer à la vie scientifique. En France, on aime bien être maître chez soi.Mais pour ce projet qui dépasse chacun d’entre nous, il faut que chacun apporte sa pierre à l’édifice. C’est à ce prix que l’on pourra attirer les meilleurs – étu-diants, profs et chercheurs. La compéti-tion est féroce, Cambridge, Boston, San Francisco, Pékin et Shanghai ont une longueur d’avance… M

PARIS-SACLAY« Un cluster, c’est un écosystème »dominique vernay, président du campus de paris-sacLay

Ce projet est original*. D’une part, par sa spécialisation en sciences humaines et sociales, qui en fera le premier cam-pus européen dans ce domaine. D’autre part, parce que c’est la première fois que l’on bâtit ex nihilo un campus universi-taire entièrement neuf parmi les pro-jets sélectionnés dans le cadre de l’Opé-ration Campus financée par l’État. Cela permet de réfléchir, bien en amont, à son intégration dans son territoire. Avec les collectivités locales, nous travaillons avec la ferme volonté de l’ouvrir sur son environnement afin qu’il contribue plei-nement à l’animation urbaine.Il accueillera naturellement des étudiants, des enseignants, des chercheurs, des

personnels administratifs… mais aussi un large public souhaitant se former tout au long de la vie. Le campus sera aussi un lieu d’expérimentation pour les services numériques, par exemple. En termes d’image, ce nouveau quartier universi-taire, de visibilité internationale, per-mettra sans nul doute de transformer la perception de ce territoire et d’attirer de nouvelles entreprises et activités.Pour éviter que la vie sur le site ne se fasse en vase clos, le développement de

logements étudiants aux alentours sera assuré par les différentes collectivités locales — le campus lui-même en pro-posera 150 -, de même que des lieux de restauration. Sur le site d’Aubervilliers, une très grande bibliothèque réunira près d’un million d’ouvrages. Une mai-son des chercheurs invités, un centre de colloques, des équipements sportifs et sociaux, etc. s’implanteront sur près de 6 hectares dont 40 % seront non bâtis. La respiration, c’est vital ! M

CONDORCET« Un lieu de spécialisation et de partage »david Bérinque, directeur généraL du Futur campus universitaire condorcet

PERSPECTIvESLe Grand Paris, ville monde, vie de quartier18//

C

J← Les parcs campus, conçus comme de véritables quartiers, ont pour ambition d’être attractifs et stimulants.

*Le campus universitaire Condorcet Paris-Aubervilliers va constituer un pôle international de formation et de recherche en sciences humaines et sociales. À partir de 2016, il accueillera 15 500 personnes sur deux sites – porte de La Cha-pelle et Aubervilliers. Il a été lancé par neuf établissements et organismes (CnRS, École des hautes études en sciences sociales, École des chartes, École pratique des hautes études, Fondation Maison des sciences de l’homme, InED, Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, Paris 13 nord).

gR

Ou

Pe

Me

nT

Md

P-X

dg

A-F

AA

Page 21: OCTOBRE 2011 - AURBSE

La revue du Grand Paris// Après l’annonce du lancement des Contrats de développement territorial (CDT) par Maurice Leroy, le 22 juin dernier, où en sont les CDT en cours d’élaboration ?danieL canePa// J’ai devancé de plus de 6 mois la sortie du décret et ai débuté les travaux de concertation sur les CDT dès fin 2010. Les pro-jets sont complexes, les négociations longues et les délais fixés par le législateur sont extrê-mement courts. En effet, chaque CDT doit faire l’objet d’une enquête publique au plus tard 18 mois après la publication du décret sur le schéma d’ensemble du réseau de transports du Grand Paris, soit en janvier 2013.nous avons aujourd’hui 17 sites susceptibles de faire l’objet de CDT, des territoires qui vont for-mer, je l’espère, les 17 nouveaux « grands quar-tiers » du Grand Paris. L’avancement des projets n’est pas homogène, certains sont plus avancés que d’autres.

rGP// Quel bilan tirez-vous cette première phase de développement ?dc// Beaucoup de sujets restent sur la table avec notamment des points importants : sur Plaine

Commune, la gare Pleyel ; à Sarcelles-Gonesse, la cité européenne portée par le secteur privé ; le développement durable autour de n oisy-le-Grand/Champs-sur-

Marne ; au nord avec Plaine Commune le territoire de la création et le sud avec la bio-tech-nologie qui est un vecteur fort de toute la vallée de la Bièvre. Autre synergie possible, encore au sud, avec le campus Cancer. Concernant les CDT de Saclay, les objectifs vont être atteints dans les semaines ou les mois qui viennent.À cela s’ajoute un élément important : l’intégra-tion des campus sur les territoires. Pour Saclay, c’est évidemment très fort. Ça l’est également pour Condorcet au nord. Il ne faut pas oublier l’aspect culturel des contrats avec, par exemple, le projet de création de la villa Médicis à Clichy-Montfermeil porté par le ministre de la Culture. De même, la ministre des Sports intègre les équi-pements sportifs dans la réflexion du Grand Paris.

rGP// Pensez-vous, comme beaucoup d’habitants, qu’il est temps désormais de faire entrer le Grand Paris dans les faits ?dc// Certains projets vont se concrétiser rapide-ment C’est le cas à Roissy où des aménagements sont déjà en cours. La durée du chantier Grand Paris est de l’ordre d’une génération. nous sommes sur des thématiques d’aménagement de long terme qui seront scandées par des réa-lisations tout au long de ces prochaines années.

rGP// Comment valorisez-vous votre démarche ?nous avons l’intention de lancer un label Grand Paris pour identifier et mieux faire connaître les réalisations à la population comme aux pays et investisseurs étrangers, sans attendre 15 ans.Par ailleurs, nous avons lancé une réflexion col-lective avec tous les acteurs concernés sur les →

TERRITOIRES//19

« Dans toutes les grandes entreprises, il y a des personnes qui se consacrent à ce projet, cela veut dire qu’elles y croient comme les pouvoirs publics y croient aussi. »

daniel canepa,préFet de La région d’ÎLe-de-France

contrat de déveLoppement territoriaL

« nous inventons de nouvelles méthodes de travail »

Page 22: OCTOBRE 2011 - AURBSE

Nous inventons de nouvelles méthodes de travail20//

futures gares du Grand Paris qui comme à Paris intramuros doivent être symboliques, notam-ment en matière d’architecture. D’autres groupes de travail portent sur le fret, les maté-riaux, les réseaux d’électricité, l’eau, le traite-ment des déchets et le très haut débit. Beaucoup d’entreprises privées sont impliquées et ont un rôle essentiel à jouer.

rGP// Qui y réfléchissent déjà…dc// Oui et c’est un signe, d’ailleurs, de suc-cès du concept Grand Paris. Dans toutes les grandes entreprises il y a des personnes qui se consacrent à ce projet, cela veut dire qu’elles y croient comme les pouvoirs publics y croient aussi. Il est très important que chaque acteur s’approprie le Grand Paris.

rGP// Comment les CDT vont-ils s’intégrer au Sdrif ?dc// Je rappelle que la loi prévoit que le CDT une fois signé s’impose au Sdrif et au PLU. Et cela s’impose de manière assez logique puisqu’il intègre la volonté des collectivités territoriales, associée à une enquête publique. nous sommes dans la même mécanique que les documents d’urbanisme. Dans le porté à connaissance que donnera l’État, il y aura bien sûr le respect des CDT qui devra être pris en compte par le futur SDRIF.

rGP// Quel impact les CDT auront-ils sur les financements des projets ?dc// Le schéma de transport, ce sont plus de 20 milliards ! S’agissant des CDT, nous essayons de faire progresser l’idée d’une aide aux maires bâtisseurs. Cette discussion devrait commencer cet automne. Et puis il y a les fonds européens, les crédits d’État, les constructions nouvelles de type sportif ou culturel. nous sommes d’ailleurs en train de réfléchir aux conditions de mise en œuvre d’un 1 % culture en référence à ce qui a été fait dans les constructions publiques.[…] Je dirais également que nous antici-pons les réflexions qui seront menées dans

← Daniel Canepa// Le Grand Paris a dégagé des options de gouvernance à travers la SGP, l’AIGP et le syndicat Paris Métropole.

« On ne peut pas dire que les CDT constituent une défiance vis-à-vis du pouvoir local : le CDT est un contrat qui engage ceux qui souhaitent s’y engager. »

sIn

db

Ad

bO

nFA

nTI

Page 23: OCTOBRE 2011 - AURBSE

le prochain projet de contrat État-Région.La Caisse des dépôts et consignations s’implique aussi dans la démarche avec la convention que nous avons signée pour accompagner financiè-rement un certain nombre de choses*.

rGP// Le Grand Paris va-t-il changer les modes de collaboration et de concertation entre les collectivités locales, avec les habitants ou les entreprises ?dc// Le Président de la République a souhaité privilégier concrètement la mise en œuvre du Grand Paris plutôt que d’entamer ce chantier par un débat sur le mode de gouvernance. Ce débat, par sa complexité, aurait occulté et retardé les réalisations. Le Grand Paris a lui-même dégagé des options en matière de gouvernance à travers la SGP et d’autres instances comme l’AIGP et le syndicat Paris Métropole.Pour autant, la gouvernance est une ques-tion essentielle du Grand Paris, l’essentiel des

« briques » de cette nouvelle gouvernance existe déjà aujourd’hui, il convient de les ajuster, de les réagencer pour construire la structure de pilo-tage du Grand Paris de demain. Aujourd’hui, une phase de projets s’ouvre pour les 15 prochaines années et appelle une organisation spécifique dans laquelle État et collectivités travaillent de concert pour construire le Grand Paris. C’est la logique partenariale et contractuelle qui est mise en place dans le cadre de la démarche des Contrats de développement territorial.

rGP// Comment faire pour que le CDT ne soit pas vu comme une défiance vis-à-vis du pouvoir local ?dc// On ne peut pas dire que les CDT constituent une défiance vis-à-vis du pouvoir local : Le CDT est un contrat qui engage ceux qui souhaitent s’y engager. Les collectivités locales sont libres de faire ou de ne pas faire. Comme l’État est libre aussi de contractualiser en fonction de ce qui fait l’objet du contrat. C’est plus long et plus complexe, certes, mais cela présente l’avantage d’être admis et voulu par le territoire avec plus de force.

rGP// La période électorale va-t-elle avoir un impact sur le déroulement des CDT ?dc// Ma conviction, c’est une quasi-certitude : il n’y aura pas de remise en cause de l’impli-cation des collectivités territoriales dans les projets. La période électorale peut éventuelle-ment ralentir le rythme des discussions. Pour ma part, je ferai en sorte d’éviter un trop long ralentissement…

rGP// Quelle est votre ambition pour le Grand Paris ?dc// Mon ambition est de construire les quar-tiers de demain. nous sommes en train d’in-venter, ou d’essayer d’inventer, de nouvelles méthodes de travail. L’État est à la fois moteur-initiateur mais rien n’est imposé aux collecti-vités locales. nous sommes dans une situation complexe mais passionnante. J’ajouterai que nous avons deux concepts : le Grand Paris de l’Île-de-France et le Grand Paris de l’axe Seine jusqu’au Havre. C’est un point important et inté-grateur de tout un développement à l’ouest avec la confluence Seine-Oise de Cergy à Achères. M

* L’État et la Caisse des dépôts ont signé le 29 juin 2011 une convention de partenariat pour accompagner la réalisation du projet du « Grand Paris ». La convention couvre une première période mi-2011-fin 2012, le temps de l’élaboration des Contrats de développement ter-ritorial (CDT). Une enveloppe totale de 5 millions d’euros a été réser-vée sur ses fonds propres afin de contribuer au financement d’études préalables pour préparer les CDT.

les territoires de projet et les Contrats de développement territorialLa démarche qui a abouti à 17 CDT portait principalement sur 3 dimensions :

→ Le développement économique au service de l’emploi.

→ L’habitat avec pour objectif 70 000 logements/an libres, intermédiaires ou

sociaux en Île-de-France, (40 000 logements/an construits à ce jour). Il s’agit

de répondre à un besoin de 400 000 logements. Il faut également intégrer

cette augmentation de logements et donc de la population dans un

équilibre en matière d’équipement public, voiries, espaces verts et autres

infrastructures.

→ La mobilité incarnée par le grand schéma de transports qui a été

arrêté avec l’ensemble des acteurs de la Région, des départements et des

collectivités. Cela concerne également la mobilité de proximité qui consiste

à réajuster tous les outils de transports sur les réseaux existants.

Le CDT a une durée de 15 ans. Il est soumis à enquête publique avant sa

signature. L’ouverture à enquête publique doit intervenir dans les 18 mois

suivant la parution du décret sur les transports du Grand Paris.

Territoire Cône de l’innovation3 CDT : CDT campus de la santéCDT les grands ArdoinesCDT OrlyTerritoire Confluence1 CDTTerritoire Plaine Commune St-Ouen1 CDT de la création

Territoire Est Seine-Saint-Denis1 CDTTerritoire La Défense et les 2 Seine1 CDTTerritoire Le Bourget1 CDTTerritoire Roissy1 CDT : cluster des échangesTerritoire de Saclay2 CDT + 1 schéma de cohésion territorial

Territoire Val-de-France/Gonesse1 CDTTerritoire Ville durable/Est parisien4 CDT : CDT cité DescartesCDT NordCDT SudCDT Ouest

TERRITOIRESnous inventons de nouvelles méthodes de travail//21

Page 24: OCTOBRE 2011 - AURBSE

22//TERRITOIRES

La revue du Grand Paris// L’aménagement sera-t-il le deuxième volet majeur du « Grand Paris », après les transports ?Jean-PauL HucHon// L’aménagement et les transports sont nécessairement liés. Rappelons-nous que c’est par le vote du schéma d’aména-gement de la Région (Sdrif) que « l’aventure » du Grand Paris a commencé ! nous allons en effet réviser notre schéma directeur pour y intégrer notamment les projets de transports votés una-nimement par le Conseil de la société du Grand Paris en mai dernier.C’est un énorme chantier et je souhaite que nous profitions de retravailler le Sdrif pour aller plus loin. nous avons par exemple voté en juin der-nier notre stratégie régionale en matière de déve-loppement économique : nous allons mettre cela en musique dans le schéma directeur, c’est un travail colossal !

rGP// Quelle est la priorité en ce qui concerne les transports ?JPH// La première priorité est le prolongement de la ligne 14 du métro au nord pour « désa-

turer » la ligne 13, aujourd’hui totale-ment engorgée. Le STIF, avec la SGP, tra-vaille d’arrache-pied pour que l’enquête publique ait lieu dans les prochains mois et que les travaux com-mencent au plus vite. Et je n’oublie pas

l’amélioration des RER C et D : cela fait l’objet de nouveaux engagements financiers de la part de l’État et de la Région, conformément à l’ac-cord passé sur le Grand Paris.Dans les cinq prochaines années, nous allons récolter les fruits de l’important travail du STIF, de la Région et de ses partenaires depuis dix ans : rénovation complète du RER B au nord, prolon-gement du RER E à l’ouest, mise en service d’une ligne tangentielle au nord, mise en service des tramways T5 et T7, prolongement des tramways T1 et T3, prolongement des lignes 8 et 12, mise en service de nouvelles lignes TZen… Je souhaite que nous ne relâchions pas nos efforts pour tenir les calendriers que nous avons fixés : les Fran-ciliens attendent ces nouveaux projets depuis trop longtemps.Enfin, il faut tenir nos engagements sur le métro automatique : les premiers tronçons du métro en rocade autour de Paris devraient être livrés dès 2018, notamment pour les parties Sud et Est. Il nous faut être collectivement au rendez-vous.

rGP// Qu’en est-il du schéma d’aménagement de la Région Île-de-France ?JPH// La loi Sdrif a été adoptée le 15 juin dernier. Et, comme je m’y étais engagé, j’ai immédia-tement mis le schéma en révision afin de pou-voir inclure le projet de transports Grand Paris Express mais aussi les Contrats de développement territorial (CDT) que nous négocions avec l’État.

rGP// Quelle forme la participation de la Région va-t-elle prendre dans les CDT ?JPH// Le préfet souhaite que la Région soit signa-taire de ces contrats, ce que la loi Grand Paris ne prévoit pas. Je trouve que c’est un signe de bonne volonté de la part de l’État mais j’attends un véritable partenariat. nous ne nous laisse-rons pas imposer des projets sans concertation. Le Sdrif doit être le cadre de cohérence des CDT. Je souhaite que ces contrats, par la négociation, soient des outils pour la mise en œuvre du Sdrif.

rGP// Qu’attendez-vous de l’AIGP ?JPH// C’est un lieu de réflexion qui réunit des archi-tectes, la Région, la Ville de Paris, Paris Métro-pole et l’État. Cela va nous permettre de confron-ter notre vision de la métropole. Je me suis engagé

Jean-PauL HucHon,président de La région ÎLe-de-France

schéma directeur

Le logement, enjeu fondamentalSi les transports restent une priorité pour la Région, le Grand

Paris est entré dans une phase où les questions d’aménagement,

et notamment le logement, seront de premier plan.

« Le Sdrif prévoit 30 % de logements sociaux à l’échelle régionale. »

Page 25: OCTOBRE 2011 - AURBSE

Le logement, enjeu fondamental//23fortement dans cette structure. Je souhaite porter un projet pour le développement d’une métropole humaine, durable et solidaire. Dans cet objectif, la Région doit jouer un rôle de fédérateur.

rGP// Quels seront les enjeux de la prochaine révision ?JPH// Au-delà des transports, le logement reste l’enjeu fondamental : nous allons définir la localisation des 70 000 logements à construire chaque année. Le Sdrif définit également la localisation des principaux pôles d’emploi et de développement économique. Alors que nous connaissons une crise économique aiguë, cette dimension est essentielle.Il nous faudra également définir des territoires stratégiques, qui seront les moteurs du dévelop-pement sur le long terme et devront accueillir logements, activités, commerces, équipements et loisirs, dans des nouveaux quartiers durables. Et, bien sûr, préserver les espaces naturels, agri-coles et forestiers.En effet, la lutte contre l’étalement urbain est un enjeu considérable : l’équivalent de la surface de Paris en espaces naturels ou agricoles disparaît tous les dix ans. L’objectif de densification des constructions et de renforcement de l’attractivité du cœur d’agglomération, déjà prévus au Sdrif de 2008, garde toute son actualité.Ces réflexions devront être menées en partena-riat avec l’État, les Départements, Paris Métro-pole, les acteurs socio-économiques, les élus locaux et les Franciliens. Le Sdrif devra être approuvé fin 2013, nous avons près de deux ans pour mener à bien cet important chantier.

rGP// La crise du logement frappe les Franci-liens. Comment comptez-vous y répondre ?JPH// La Région est devenue un acteur incon-tournable des politiques du logement en Île-de-France. Pour 2011, nous consacrons un budget de 271 millions d'euros au logement, dont 115 millions réservés à la création de nouveaux logements familiaux sociaux et très sociaux. D’ici la fin de la mandature, la Région va investir 1 milliard d'euros en faveur du loge-ment.De plus, la loi Grand Paris prévoit la construc-tion de 70 000 logements par an : 60 000 selon la répartition déjà prévue dans le Sdrif de 2008 et 10 000 supplémentaires dans les CDT. Cet objec-tif serait à même de résoudre la crise et nous y souscrivons donc naturellement.La Région, dans le cadre du Sdrif, réfléchit à la localisation des futurs logements mais aussi à la mixité sociale que nous voulons créer. Le Sdrif prévoit 30 % de logements sociaux à l’échelle régionale. Il nous faudra aussi faire des propo-sitions sur les formes architecturales des loge-ments à construire : le travail avec l’AIGP devrait être riche sur ce point.Enfin, nous travaillons actuellement à la créa-tion d’un syndicat du logement en Île-de-France qui regrouperait l’ensemble des acteurs du secteur et les élus locaux. La gouvernance de la politique du logement est en effet beau-coup trop éclatée : il faut trouver le moyen efficace de relever véritablement le défi de la construction de logements. Paris Métropole sera un des acteurs prépondérants de cette réflexion. M

À Pierrefitte, 20 logements sociaux, dont 14 en collectifs et 6 maisons, face à la mairie, seront livrés en mars 2013. La maison individuelle représente 34 % des programmes

de logements sociaux locatifs de la région. Architecte : arc/pôle — Maître d’ouvrage : Immobilière 3F.

© A

RC

/Pô

Le

Page 26: OCTOBRE 2011 - AURBSE

24//TERRITOIRES

Au mot cluster, Jacques Marsaud, directeur général des services de Plaine Commune, lui préfère celui de pôle de développement plus explicite, selon lui, pour les élus et les acteurs du terri-

toire qu’il rencontre chaque jour. Toujours est-il que Plaine Commune est considéré comme pôle majeur et structurant du Grand Paris. Ses atouts ? « Bien située par rapport au cœur de la métropole, Plaine Commune est un territoire au riche passé, tant au point de vue historique que social et économique. Les friches héritées d’une des plus grandes zones industrielles du début du xxe siècle ont constitué un foncier disponible, pas immédiatement valorisable mais bien des-servi, bien situé et peu cher. » Voilà pour les bases objectives mais qui ne suffisent pas pour faire une dynamique. Une intercommunalité de pro-jet, le partenariat économique – l’idée de génie qui perdure grâce à Plaine Commune Promo-tion créé dans les années 1980 (250 entreprises aujourd’hui) – et une gouvernance territo-riale fondés sur un partenariat actif avec l’État, la Région, le Département, les acteurs écono-miques et culturels, les maîtres d’œuvre et les investisseurs…

de l’interco au pôle de la création« Le processus passe d’une intercommunalité de projet à une intercommunalité tout court après la coupe du Monde de football et le coup de pouce du Stade de France, précise Jacques Marsaud. Il est tout à fait naturel qu’aujourd’hui sur ces bases la communauté d’agglomération ait fait émer-ger autour de la gare Pleyel ce pôle de la création légitimé notamment par 80 % de la production

audiovisuelle française réalisé sur son territoire et l’établissement de la future cité du cinéma de Luc Besson, cela va atti-rer des activités complé-mentaires également. » Autour de cette tête de réseau qu’est Pleyel, sept ou huit zones d’intensité urbaine vont accréditer cette conception multipo-laire du cluster de la créa-tion. « Le campus Condor-cet est un de ces pôles d’appui comme Paris 13

avec la tangentielle Nord, la zone des Tartres avec l’université Paris 8 et les archives natio-nales, la gare sur le grand réseau express des six routes de La Courneuve… À chaque fois ce sont des projets urbains. Nous allons enclencher une deuxième étude/réflexion pour voir comment ces points d’appui et cœur de cluster de Pleyel s’arti-culent entre eux et font sens au niveau d’un projet de territoire du pôle de la création. Nous sentons à travers le Grand Paris que, dans un contexte de crise, la dynamique est là. Tout cela converge, il y a une vraie dynamique. C’est passionnant. » Pour autant, il y a un point négatif. « Cette dynamique de développement ne profite pas assez aux popu-lations du territoire. Nous avons beaucoup d’em-plois transférés. C’est pour ça que nous aime-rions qu’un volet de développement social soit mentionné dans les Contrats de développement territorial pour faire en sorte que nos popula-tions, souvent très défavorisées, bénéficient de ces opportunités d’inclusion sociale. » C’est cer-tainement, selon lui, l’aspect le plus difficile de ce projet. M

*Aubervilliers, Épinay-sur-Seine, La Courneuve, L’Île-Saint-Denis, Pierrefitte-sur-Seine, Saint-Denis, Stains, Villetaneuse.

**L’entente du « nord Métropolitain » en cours de constitution regroupe aujourd’hui quatre communautés d’agglomération (Argen-teuil-Bezons, Plaine Commune, Val-de-France, Vallée de Montmo-rency) ; sur deux départements : le Val d’Oise et la Seine-Saint-Denis. Elle concerne au total 22 communes et 726 535 habitants.

pLaine commune

La Plaine au sommet par la face nordPrécurseur en matière de développement territorial concerté, la communauté d’ag-

glomération de Plaine Commune* incarne déjà le Grand Paris par son histoire et

son dynamisme entretenus grâce à une intercommunalité réussie. Un Contrat de

développement territorial entre l’État, Plaine Commune et la Ville de Saint-Ouen

sur le cluster de la création est en cours d’élaboration, en attendant l’entente inter-

communautaire du « Nord métropolitain »**.

Jacques Marsaud, directeur généraL des services de pLaine commune

http://www.plainecommune.fr/page/p-510/art_id-/

Page 27: OCTOBRE 2011 - AURBSE

Si les deux métropoles ont très peu de similitudes géographiques, comme en matière de gouver-nance, elles n’en ont pas moins des traits communs

de comportements : gentrification des centres, saturation des voies de circu-lation et des transports en commun aux heures de pointe, exode des key workers, pression foncière… L’une inspire sou-vent l’autre d’ailleurs. Paris lorgne sur les méthodes de densification de la « grande pomme » alors que new York respire les bénéfices d’une bonne implantation des espaces verts dans et hors de la capitale. Les Américains, et particulièrement les new-yorkais, ont une relation spéciale avec les espaces, les objets, les murs qui les entourent. Ils aiment surtout être des acteurs de la transformation de leur

ville, lorsque cette possibilité leur en est offerte ou… vendue. Alors que Manhat-tan referme à peine la cicatrice des Twin Towers, le projet d’urbanisme le plus marquant de ces dix dernières années n’est pas un nouveau building mais celui d’un ancien viaduc ferroviaire réamé-nagé en promenade plantée à l’ouest de la ville dans Greenwich Village et Chel-sea, presque au bord de l’Hudson. C’est d’ailleurs un drôle de signe, quelques mois après le 11 septembre 2001, de voir émerger un projet qui consiste à sauve-garder l’infrastructure d’une ligne fer-roviaire des années 1930 pour la rendre à un usage public. Alors que la ville se relevait encore mal de cette attaque ful-gurante, des habitants, de l’autre côté, pansaient une autre cicatrice, du passé industriel cette fois, en réinstallant une nature urbaine, faites d’herbes folles et

de tranquillité, comme une demande de paix en quelque sorte.

Mise au vertAu départ donc, la High Line est un ancien viaduc ferroviaire dans un quar-tier en transition avec des résidents tenaces qui veulent un espace vert. new York est une ville où il y a peu de jar-dins privés, les espaces verts sont donc des espaces communaux fort appréciés et jalousement protégés. Il y a un phé-nomène new-yorkais : en période de crise économique ou de malaise moral, période où les gouvernements sont sou-vent paralysés, est né le Community Garden Movement. Pour recapturer les terrains vagues et les chantiers abandon-nés, les résidents des quartiers en diffi-culté ravagés par les drogues, les crimes, et les déchets ont créé une culture de jar-

CITIES//25

Paris new yorkSUR LA MêME LIGNE ?

robert Fitzpatrick, consuLtant et superviseur de programmations artistiques puBLiques et privées,

Wildflower Field, vue Ouest, 28th Street. ©Iwan Baan, 2011.

Page 28: OCTOBRE 2011 - AURBSE

dinage urbain pour apporter un peu de calme et de beauté.Dans une soif de verdure légitime des new-yorkais, l’idée est donc née d’une « coulée verte », projet qui s’est inspiré de la promenade plantée, réalisée en 1988 à Paris – première mondiale du genre ! – sur le viaduc des Arts depuis l’opéra Bas-tille. La High Line, comme un jardin sus-pendu, loin des jardins à la française, avec de « jolies mauvaises herbes », est un peu sauvage, mais domestiqué. Grâce à sa surélévation de deux étages, le point de vue est différent, la perspective n’est pas la même, c’est une vision boulever-sante de beauté à travers les bâtiments, surtout avec la rivière Hudson invisible au ras du sol. La High Line, à cet égard, fait redécouvrir la rivière et la ville aux habitants de façon complètement inha-bituelle.Si le concept n’est pas facilement repro-ductible cette « ligne verte » a créé le buzz : Philadelphie, Chicago, Saint-Louis et Atlanta ont lancé des pro-jets similaires. La raison est écono-mique d’abord. Il était, en effet, moins coûteux de réaménager que de démo-lir. Les raisons sont socio-économiques ensuite, par l’impact positif sur le déve-loppement de certains quartiers délais-

sés. Il y a dix ans, personne ne voulait habiter ce quartier. Maintenant, com-merces, entreprises et espaces culturels se battent pour s’y installer, sous la haute surveillance du Zoning Board, le bureau qui régule les proportions des activités. Les surfaces mises en vente dans le voi-sinage atteignent des prix voisins des immeubles les plus cotés, généralement situés près des accès aux transports en commun. Le coup de génie a été de sai-sir cette coïncidence historique et éco-nomique, mais c’est surtout l’obstina-tion des habitants qui a permis de gagner le pari.

voix citoyennes pour voies ferréesCar le projet de la High Line a directe-ment et clairement été imposé par les habitants à des promoteurs et déve-loppeurs incrédules. Aux États Unis, la municipalité n’est pas la seule source d’intelligence ou de bonnes idées. L’ex-pression citoyenne est importante et beaucoup de choses intéressantes ne sont pas venues d’initiatives de la Ville, mais de son acceptation des propositions extérieures.Cette concertation citoyenne, typique-ment américaine, a permis d’appor-

ter cette dimension socio-économique qui propulse vers la réussite. L’origi-nalité des propositions et la ténacité de leurs auteurs ont eu raison du projet de reconstruction du quartier. Pendant huit ans, Rudolph Giuliani, le maire de new York avait comme but urbanistique de démolir ce chemin de fer, rouillé et vétuste, qui nuisait au développement du quartier et qui empêchait son déve-loppement commercial.Le projet de la High Line a été conçu en 1999 par deux résidents du quartier, Jos-hua David and Robert Hammond. Ils ont commencé par une étude qui définissait le cadre urbanistique pour préserver et réutiliser la High Line mais c’est seule-ment en 2002, après le départ de Giu-liani et une bataille acharnée contre le projet de démolition que les orientations ont pu changer avec l’arrivée de Michael Bloomberg, le nouveau maire,Lors d’un dîner pour exposer le concept, Barry Diller et Diane von Furstenberg ont été séduits et ont fait un don de 10 000 000 US$. Un autre couple, Phi-lip et Lisa Falcone, a décidé spontané-ment de faire un don semblable. Le rêve devenait réalité : un concours était orga-nisé ; 720 équipes de 36 pays ont répondu et, en 2004, les paysagistes James Corner

CITIESParis new York, sur la même ligne26//

Washington Grasslands, vue aérienne de la High Line au-dessus de Little West 12th Street. ©Iwan Baan, 2011// Vue aérienne de West 30th Street, vue Sud vers la statue de la Liberté et le site du World Trade Center. ©Iwan Baan, 2009

Page 29: OCTOBRE 2011 - AURBSE

CITIESParis new York, sur la même ligne

Field Operations et les architectes Dil-ler Scofidio et Renfro ont été selection-nés. Dès l’exposition du projet, la ville y a adhéré et est entrée dans le montage financier.La magie de cette proposition tient au fait d’avoir utilisé ce ruban au niveau des 2es étages des immeubles voisins pour s’y promener. Joshua David and Robert Hammond, doués et intelligents dans leurs relations publiques, et les habitants des quartiers concernés, ont sollicité les intervenants habilement selon les inté-rêts des uns et des autres pour défendre au mieux leurs objectifs.La première tranche a été inaugurée en 2009, puis tout s’est développé très vite.

Il n’y avait pas eu un tel succès urbanis-tique à new York depuis fort longtemps.Devant le succès de cette opération et les promesses qu’elle comportait, le dépar-tement des parcs de la Ville en est devenu partenaire. Les deux tiers du budget sont en réalité des fonds publics. Le tiers privé provient d’une Fondation Friends of the High Line, créée spécifiquement pour sa gestion par Joshua David and Robert Hammond. Elle regroupe plusieurs contributeurs : des habitants (mini-mum 75 US$ mais très souvent beaucoup plus), des entreprises et des boutiques partenaires (de 2 500 US$ à 25 000 US$ minimum selon le statut de partenariat). L’entretien et les activités sont payés par

cette Fondation et non sur le budget de la Ville. D’ailleurs, aucun développeur n’aurait dépensé un dollar pour créer la High Line, mais ils en profitent désor-mais et contribuent également à cette Fondation.

créateur de mixitéSi Manhattan bénéficie de ce projet urbain, new York en profite-t-elle ? En dehors de la presqu’île, certains quar-tiers sont peu prisés. Il subsiste des zones dangereuses notamment en raison des ghettos qui s’y sont créés, phénomène historique inhérent à l’histoire de new York mais qui s’est amplifié et devenu plus complexe avec la crise, depuis 2008. Mais c’est la force des new-yorkais, et la voix qui leur est attribuée, qui crée au sein de la ville un semblant de mixité, certes plus fonctionnelle que sociale. La High Line fait figure d’exemple. Si la mixité fonctionnelle est plutôt une réus-site dans cette ville, c’est parce qu’il y a une mixité économique avant tout. nous n’aurions pas voulu recréer l’avenue Foch qui est mortelle pour une métro-pole de ce type.Cela donne par endroits des situations inimaginables à Paris. Dans le quartier de nolita, les logements pour SDF sont

//27

Les friches, de l’or vert pour les villes américainesRéussite marquante d’une urbanisation à l’américaine, la High Line de New York illustre

une nouvelle manière d’aborder et d’entreprendre la ville. Le budget des deux sections

de la High Line a atteint les 153 millions US$ mais a généré près de 2 milliards US$ en nou-

veaux projets de développement dont 2 500 logements, 1 000 chambres d’hôtel et près

de 50 000 m2 de bureaux et de galeries d’art. 29 nouveaux projets sont en cours dans le

quartier. Son succès a inspiré d’autres municipalités comme Philadelphie sur le viaduc

de Reading, Chicago pour le sentier de Bloomingdale, Saint-Louis pour le chevalet Iron

Horse, Atlanta pour le réaménagement d’un corridor ferroviaire encerclant la ville.*

*Sources New York City – département de l’urbanisme ; New York Times, Philadelphia district City Center.

Radial Bench, le virage en banc de bois et son sentier courent tout le long du quartier entre West 28th and West 29th Streets, vue Sud. ©Iwan Baan, 2011// Robert Fitzpatrick sur la High Line. ©joel fitzpatrick

Page 30: OCTOBRE 2011 - AURBSE

CITIESParis new York, sur la même ligne

situés à côté d’un hôtel « ultra chic » où se retrouve le milieu de la mode. On voit donc cohabiter, sans qu’ils s’adressent la parole, et plus encore lors des fashion week, des mannequins superbes face à des clochards qui eux-mêmes croisent des traders et les bobos qui résident là aussi, près de la caserne des pompiers devenue célèbre par les pertes humaines qu’elle a enregistrée lors de l’effondre-ment des tours. Toujours est-il qu’une fois par an, le 11 septembre, à 9 heures précises, les pompiers, les policiers, les bureaucrates, les top models, les habi-tants et les SDF descendent dans la rue pour la minute de silence, se regardent puis se parlent en se tenant par la main et finissent par s’embrasser…

La french touchSi l’initiative citoyenne est une force et forme le socle de la société nord-améri-caine, la puissance des pouvoirs publics, telle que nous la connaissons en France, est une notion qui n’existe pas aux États-Unis. Par exemple, au cours de l’éta-blissement d’Euro Disney en 1987, rien n’aurait été possible sans la présence d’un délégué interministériel chargé de coordonner tous les protagonistes : cinq Premiers ministres successifs, des

ministres, le préfet de Région, les maires, le conseil régional, le conseil général, les maires, la RATP, la SnCF…

vers un modèle d’urbanisation à l’américaineL’atout du système français est là : dans la centralisation du pouvoir et sa capa-cité à créer des structures temporaires pour gérer les grands projets (comme l’EPAD pour la Défense ou Epamarne pour Marne-la-Vallée), ce qui permet d’intégrer les pouvoirs locaux dans les processus de décisions. C’est un plus, mais c’est aussi parfois un désavantage car tout le pouvoir est public. Les acteurs, les promoteurs, les opérateurs, les habi-tants, les usagers n’ont ni les moyens de contrôler ni de se faire entendre. L’initia-tive semble entièrement publique alors que les projets intègrent les délégations de services ou les partenariats publics-privés – le privé est reconnu plus efficace que le public – c’est une contradiction bizarre et délicieuse des Français.À new York, beaucoup d’initiatives inté-ressantes ne sont pas venues de la Ville, mais par l’acceptation de la Ville des pro-positions des uns et des autres. C’est une différence importante.

Les projets de développements urbains semblent souvent plus opportunistes aux États-Unis qu’en France. L’initia-tive peut être privée, défendue et exposée, pour finalement s’imposer. Le règlement d’urbanisme est contrôlé par plusieurs départements de la Ville. Ils reçoivent des propositions, et après consultations et concertations, viennent des séries de tractations et de négociations. Ce n’est pas toujours aussi cohérent qu’à Paris, mais ce qui est mieux, c’est la prise en compte des points de vue des habitants, des passionnés de leur quartier.Pour la High Line qui n’avait pas la moindre valeur au départ et dont la démolition était prohibitive, il s’agis-sait de trouver une réponse à une situa-tion particulière, un one shot sur mesure.Dans ses mutations successives, new York, comme d’autres métropoles amé-ricaines a cette part improvisée d’urba-nisation. La vision globale est un peu floue mais ça fonctionne, la culture de la ville passe avant tout, après on est plus ou moins inspiré…Dans l’utopie, pour développer un projet de ville, je prendrais les éléments d’une délégation interministérielle à la fran-çaise et j’ajouterais l’initiative indivi-duelle à l’américaine. M

28//

Un sentier serpente à travers les architectures anciennes et modernes dans West Chelsea, entre West 24th and West 25th Streets, vue Sud. ©Iwan Baan, 2011// Paris a inspiré la High Line ? La capitale cache aussi des lignes ferroviaires désaffectées qui pourraient très bien s’inspirer à leur tour de l’initiative new-yorkaise tel ce tronçon Buttes-Chaumont/La Chapelle qui enjambe le canal de l’Ourcq à hauteur de la rue de Flandres. © Patrick Laforêt.

Page 31: OCTOBRE 2011 - AURBSE

BIBLIO| Intercultural

Architecture, The Philosophy of Symbiosis

| Kisho Kurokawa, | The American Institute

of Architects Press

| Paris Métropole Formes et échelles du Grand Paris,

| Philippe Panerai, | Éditions de la Villette.

LIens utiles*

les baseswww.societedugrandparis.frwww.ateliergrandparis.comwww.iau-idf.frwww.ville.gouv.frwww.parismetropole.frwww.apur.org

les blogswww.pierremansat.comgrandparis.blogs.liberation.fr/vincendonplanningforparis.blogspot.com/www.villemondeviedequartier.comlesechos.fr/echos-de-paris/

les comparaisonswww.london.gov.ukwww.thehighline.orggreaterny.blogspot.com/

les facswww.campus-paris-saclay.frwww.campus-condorcet.frwww.dauphine.frwww.college-de-france.frwww.iddri.org

les clustersCréation : www.plainecommune.frDéveloppement durable & tourisme : projets.epa-marnelavallee.frRecherche & innovation : www.cluster-paris-saclay.fr

*sélection non-exhaustive et renouvelée à chaque édition suivante.

La déliquescence des portes et des abords de villeVU PAR Élodie Cottrell, ARchitecte à PARis. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent de la masse bâtie en France reste celle formée par cette constellation de constructions de moins de 170 m2 qui émaille nos entrées de villes. C’est elle qui dessine le véritable paysage urbain au-delà des « quartiers clos ». Hypocritement, on pourrait prétendre que c’est là une expression de la démocratie en s’appuyant sur la beauté naturelle de l’habitat Vernaculaire avec un grand V. Mais, en réalité, ces nappes décousues et sans pensée ne sont ni libres ni ordonnées, contrairement à l’habitat populaire, vernaculaire ancien, qui a su former un tissage urbain complexe, formé de nappes successives et adapté à son environnement.Elles sont au contraire, tristement uniformes, le reflet d’un catalogue, et défigurent plus sûrement les zones urbaines et périurbaines qu’un plan de masse ou qu’un plan directeur que l’on aurait voulu volontairement rater. Kisho Kurokawa dans son livre, déjà ancien, évoque l’élément manquant essentiel de ces constructions urbaines, indépendamment de leur échelle : la symbiose, cet « entre-deux » entre architecture individuelle et urbanisme.

Grand Paris mode d'emploiArchitecte et urbaniste Philippe Panerai donne des clés d’une lecture pertinente en fournissant des repères, accessibles y compris aux profanes, « pour décrire l’agglomération parisienne et imaginer son avenir au XXIe siècle au sein des grandes métropoles mondiales ».

Page 32: OCTOBRE 2011 - AURBSE

À suivre…

Le Grand Paris sur mern°02//Janvier 2012