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Distribution limitée SS-78/CONF.606/3 Paris, juin 1979 Original : Français ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR L'EDUCATION, LA SCIENCE ET LA CULTURE REUNION REGIONALE SUR LA JEUNESSE EN AFRIQUE Statut des jeunes dans l'Afrique moderne par rapport aux valeurs traditionnelles et aux choix africains en vue du développement social et économique. DOCUMENT DE BASE Les programmes nationaux de jeunesse en Afrique axés sur l'emploi : situations,, problèmes et perspectives a partir de quelques cas significatifs. Cette étude a été préparée par une équipe de l'Institut international de Recherche et de Formation pour l'Educa- tion et le Développement (IRFED) dont la composition était la suivante : M. Roland Colin (France), Directeur général de 1'IRFED : coordinateur et rédacteur principal ; MM. Antoine Richard (France) et Luiz de Sêna (Brésil), experts de 1'IRFED : responsables de certaines études de cas. Les opinions qui sont exprimées dans ce document, ainsi que le choix et l'interprétation des faits qui y sont rapportés ne reflètent pas nécessairement les points de vue de 1'Unesco.

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Distribution limitée SS-78/CONF.606/3 Paris, juin 1979 Original : Français

ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR L'EDUCATION, LA SCIENCE ET LA CULTURE

REUNION REGIONALE SUR LA JEUNESSE EN AFRIQUE

Statut des jeunes dans l'Afrique moderne par rapport aux valeurs traditionnelles et aux choix africains en vue du développement social et économique.

DOCUMENT DE BASE

Les programmes nationaux de jeunesse en Afrique axés sur l'emploi : situations,, problèmes et perspectives a partir de quelques cas significatifs.

Cette étude a été préparée par une équipe de l'Institut international de Recherche et de Formation pour l'Educa­tion et le Développement (IRFED) dont la composition était la suivante : M. Roland Colin (France), Directeur général de 1'IRFED : coordinateur et rédacteur principal ; MM. Antoine Richard (France) et Luiz de Sêna (Brésil), experts de 1'IRFED : responsables de certaines études de cas. Les opinions qui sont exprimées dans ce document, ainsi que le choix et l'interprétation des faits qui y sont rapportés ne reflètent pas nécessairement les points de vue de 1'Unesco.

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S O M M A I R E

Avant-Propos

Introduction

PROBLEMES DE TERMINOLOGIE ET DE CONCEPTUALISATION

A/ La conceptualisation s'appliquant à la réalité

sociale africaine __ 5

a) Le concept de jeunesse dans la société africaine 7

t>) Le concept de travail dans la société africaine 9

c) L'éducation et la formation dans le milieu 12

S/ Les interventions, les systèmes du temps de la décolonisation et de l'indépendance et la nouvelle conceptualisation H

a) Les "programmes a haute intensité de main d'oeuvre" et 1 '"investissement-travail" . H

b) Les "programmes spéciaux d'emploi et de formation de la jeunesse en vue du développement" 16

c) Les concepts liés au changement éducatif 19

UN DOSSIER DE REFERENCE : SIX ETUDES DE CAS 21

A/ Le problème du choix d'un dossier de référence 21

B/ Six études de cas . 24

1) Le S ervice national de la jeunesse au Kenya et la situation de l'éducation et de l'emploi 24

2) Le Service civique de Côte d'Ivoire et l'insertion économique et sociale des jeunes. 42

3) Le Service civique national de participation au développement et la problématique d'éducation et d'emploi au Cameroun 57

4) Les Centres d'animation rurale au Mali. L'emploi et la formation des jeunes » 68

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5) L'éducation rurale et la participation des jeunes au développement » Une expérience voltaîque 77

6) Les Centres d'éducation populaire intégrée en république de Guinée-Bissau. La formation participante des jeunes et des adultes pour une prise en charge du développement 93

C/ Esquisse d'une typologie raisonnée 109

m . PROBLEMATIQUE ET PERSPECTIVES D'ENSEMBLE 113

A/ Les stratégies observées. Leur portée, leurs limites 114

l/ Les stratégies face à la crise sociale 114

2/ Les stratégies face à la crise économique 117

3/ Les stratégies face à la crise culturelle 119

fi/ Les démarches institutionnelles et leurs cadres 120

C/ Les pratiques de formation et de production.

Méthodes et contenus 122

1/ Pratiques de formation 122

2/ Problèmes de production .124

D/ La signification économique. L'analyse des coûts face à la portée sociale actuelle 125

1/ Difficulté et importance de l'évaluation

en termes économiques 125

2/ Les catégories de coûts et d'avantages 126

3/ Une distinction utile 128

PROPOSITIONS 130

Bibliographie

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AVANT-PROPOS

Jeunesse, éducation, emploi - voilà trois domaines qui, pris

séparément et à fortiori ensemble, ne cessent de préoccuper les gou­

vernements et les populations des pays africains depuis l'accession

de ceux-ci à l'indépendance il y a une vingtaine d'années. Conscients

des imperfections de leurs systèmes scolaires et en même temps qu'ils

s'efforçaient d'y remédier, nombre de gouvernements de ce continent ont

essayé d'apporter, ou tout au moins d'esquisser, une solution à la pro­

blématique complexe qui sous-tend ces trois notions, en créant des pro­

grammes spéciaux dont l'objet était de permettre aux jeunes analphabètes

ou déscolarisés de participer concrètement au développement national

tout en leur dispensant une formation pratique pouvant déboucher sur un

emploi. Or, force est de constater aujourd'hui que si des services

civiques, brigades nationales et autres programmes de ce type continuent

à travailler un peu partout en Afrique, les organisateurs mêmes de tels

programmes abordent une phase de remise en question des approches et

options antérieures.

C'est pourquoi l'Unesco juge opportun, à l'occasion de la réunion

régionale sur la jeunesse africaine qu'elle organise en 1979 sur le thème

du "Statut des jeunes dans l'Afrique moderne par rapport aux valeurs tra­

ditionnelles et aux choix africains en vue du développement social et

économique", de tenter d'élucider les problèmes auxquels se heurtent les

programmes spéciaux de formation de la jeunesse liés à l'emploi.

A cette fin, 1'Unesco a demandé à l'Institut international de

Recherche et de Formation pour l'Education et le Développement (IRFED),

dont le siège est à Paris, de procéder à la présente étude. Cette étude

vise à identifier les problèmes d'ensemble qui se posent en Afrique à

la grande masse de jeunes sans éducation ni emploi, à analyser un cer­

tain nombre de programmes de formation extra-scolaire liés à l'emploi

en situant cette analyse dans le contexte socio-culturel propre aux

pays intéressés, et à proposer des hypothèses de solutions qui semblent

à la fois réalistes et d'une portée suffisante pour permettre le dépas­

sement effectif de l'étape actuelle de mise en question que connaissent

les programmes visés.

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li est important de signaler que cette étude est conçue de

façon à contribuer à l'action que déploie 1'Unesco pour mieux cerner -

et aider ses Etats membres à réaliser dans les faits - le potentiel

à la fois pédagogique et économique du travail productif considéré

comme partie intégrante de l'éducation de la jeunesse.

L'Unesco tient à remercier les Etats membres africains qui

ont collaboré à cette étude soit en recevant des visites de spécialis­

tes de l'IRFED, soit en lui fournissant une documentation. Le Bureau

International du Travail a également fourni une contribution précieuse

tant en ce qui concerne la conception de cette étude qu'au niveau de

sa réalisation ; 1'Unesco lui en sait gré. Elle exprime, enfin, à

l'IRFED sa reconnaissance pour avoir préparé dans des délais extrême­

ment brefs un texte qui constitue une contribution stimulante à la

réunion régionale mentionnée plus haut.

Juin 1979

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Les programmes tendant à l'intégration des jeunes dans Remploi

se situent au confluent de trois lignes de préoccupations majeures pour

les pays du Tiers Monde et notamment les pays africains :

. Tenter d'assurer l'emploi optimal dans des contextes où

les paramètres capital et technologie sont, d'une façon assez générale,

en situation faible tandis que le paramètre main d'oeuvre -sans préjuger

du niveau de qualification au départ- est en situation forte (t).

. S'efforcer de faire face au problème de l'accroissement

démographique rapide des classes de jeunes et de l'évolution dominante

de leur poids relatif dans ces mêmes contextes -le groupe des moins de

25 ans atteignant 60 % de la population globale- en permettant à ces

classes jeunes une insertion économique productive et une participation

sociale équitable.

. Contribuer, selon les cas, à la transformation des niveaux

et contenus d'éducation et de formation pour qu'ils répondent sur de

plus grandes masses aux exigences du développement, en sortant des

cycles de reproduction socio-culturels inadaptés résultant des systèmes

scolaires classiques.

Ces programmes n'ont pu rejoindre ces objectifs que de façons

très inégales dans le temps et dans l'espace, mais ils n'ont pas été

étrangers .à cette triple problématique. Le niveau des intentions affirmées

le montre clairement, même si l'on observe, comme dans toutes les poli­

tiques de développement sujettes aux pesanteurs des contradictions hu­

maines et matérielles, de sérieux décalages entre les projets annoncés

et les réalisations constatées autant par les experts que les respon­

sables institutionnels.

(1) Voir, en particulier, la ligne d'action soutenue par le Bureau inter­national du travail et exprimée notamment dans son document : Pro­grammes spéciaux à haute intensité de main d'oeuvre .- Doc. BIT 92-2-OOI703 X, Genève, mars 1977-

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L'objet de la présente étude, rapide et limitée dans son exten­

sion géographique, n'est pas d'introduire un procès aussi stérile qu'in­

justifié autour des contradictions qui séparent les objectifs des réali­

sations, mais d'identifier, à travers quelques expériences significatives

étayées sur une information extensive plus large, les stratégies, les

organisations, les méthodes, les résultats susceptibles d'inspirer des

développements utiles pour le présent et l'avenir, en tenant compte des

spécificités africaines.

Cette mise en perspective appelle, pour prendre tout son sens,

un bref rappel du passé. D'abord, il faut souligner l'importance, dans

la tradition culturelle africaine, des organisations de travail des

classes d'âge -telles, par exemple, les "Ton" des Bambaras et des Malin-

kés du Mali- qui ont eu pour fonction, et ont encore par ce qui en sub­

siste, de réaliser l'intégration sociale d'une classe d'âge, garçons

et filles, entre l'enfance et l'âge adulte, tout en effectuant un tra­

vail productif socialement utile. Les organisations collectives de mise

au travail des jeunes suscitées par les politiques modernes de développe­

ment ont rencontré, donc, sans parfois le mesurer consciemment, une

mémoire socio-culturelle encore vivace et puissante.

La dernière étape de l'ère coloniale, au lendemain de la seconde

guerre mondiale, a vu se poser, dans les pays africains, le problème de

l'organisation moderne des mouvements de jeunesse, marquée par la volonté

de promotion culturelle et aussi de participation aux luttes politiques

de la décolonisation. Les pouvoirs coloniaux en place mettaient en oeuvre

des "conseils de coordination" de la jeunesse et favorisaient la création

de mouvements dérivés des systèmes européens, tel le scoutisme, cependant

que les mouvements politiques lançaient leurs organisations de jeunes. La

trace du "travail forcé" colonial interdisait que l'on s'engage facile­

ment dans la voie des grands chantiers de jeunes.

Par contre, dès l'avènement des indépendances politiques, l'on

vit surgir, dans tous les horizons, une mystique de 1'"investissement

humain" liée à la volonté de construction nationale -telle, par exemple,

la réalisation de la "route de l'Unité" au Maroc, au milieu des années 50

Ce travail volontaire libéré, appelé ordinairement par le truchement

d'une mobilisation politique, avait surtout valeur symbolique plus

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qu'économique. C'est dans la première moitié des années i960 que l'on

verra la tentative d'une organisation plus systématique de l'investisse­

ment travail en le liant à la mobilisation de la jeunesse : ainsi les

premiers chantiers de jeunes du Sénégal en 1961-62, ainsi aussi les

"Services civiques" du Niger, du Kenya, de Côte d'Ivoire, qui se répan­

dent très largement et sont soutenus par l'assistance technique multi­

latérale et bilatérale (en particulier l'aide israélienne qui se réfère

au mouvement de pionniers "G-adna"). Les espoirs mis dans ces entreprises

s'annonçant comme d'envergure nationale furent vite mêlés de déception, et

l'on reprenait l'idée, à partir du début des années 70, de rechercher par

des programmes s'adressant à la jeunesse la solution de problèmes d'inté­

gration à l'emploi. Ainsi, la Conférence générale de l'Organisation inter­

nationale du travail adoptait, dans sa 54e session, une recommandation

(n° 136) "concernant les programmes spéciaux d'emploi et de formation de

la jeunesse en vue du développement".

Cette période récente a été, tant pour les responsables africains

que pour les experts qui se sont associés à leurs efforts, marquée de

déconvenues, de réajustements de leurs illusions, sans exclure pour au­

tant certaines réalisations sérieuses. Arthur Gillette a pu écrire ainsi :

"En dépit de leurs réalisations antérieures et de l'enthou­siasme qu'ils continuent à susciter, peu de programmes, cependant, semblent avoir dépassé une sorte de stade d'essai, considération faite de l'importance des jeunes touchés et de l'impact produit. La boule de neige semble s'être arrêtée de grossir et il est même possible qu'elle ait commencé à fondre sous le chaud soleil de la réalité" (*)

Cependant, la problématique initiale n'a pas pour autant perdu de

sa force. Le mouvement d'urbanisation galopante sans croissance techno­

logique établie à la même échelle et appropriée aux besoins sociaux effec­

tifs, avec sa contrepartie d'amplification sans précédent des flux d'exode

(*) GILLETTE (A.).- Les Services civiques de jeunesse dans le dévelop­pement de l'Afrique rurale. Nouvelles réflexions sur l'art de coiffer saint Pierre sans décoiffer saint Paul.- In Les Cahiers de l'Anima­tion, n° 18, 4e trim. 1977-- p. 31.

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rural, fait du problème de l'emploi lié à la formation et à l'insertion

socio-économique et socio-culturelle la pierre d'achoppement de toute

politique de développement.

A partir de ces considérations liminaires, on peut interroger

les expériences observables pour tenter d'en tirer quelques enseigne­

ment s/út i les . L'étude présente développe ainsi sa réflexion en trois

étapes :

. la clarification d'une terminologie et d'une conceptualisation pour

l'analyse des faits ;

. l'examen d'un dossier de référence permettant, à partir de six

études de cas significatives, d'esquisser un typologie ;

. l'élaboration d'une problématique raisonnée et d'une interprétation fon­

dant un ensemble de recommandations.

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- 5 -

- I -

Première partie

PROBLEMES DE TERMINOLOGIE ET DE CONCEPTUALISATION

Avant d'aborder l'examen des dossiers d'opérations réunis à

l'occasion de la présente étude, il convient de préciser la terminologie

de base et la conceptualisation qui seront employées, afin de dissiper

les malentendus ou les équivoques fondés sur des interprétation diver­

gentes, largement tributaires des différences dans les traditions de

recherche et les elaborations théoriques.

Nous nous efforcerons surtout de clarifier plutôt que de mener

des développements théoriques, en nous référant, dans toute la mesure du

possible, a des faits et des notions sur lesquels existe un consensus

suffisant, tant chez les chercheurs que chez les praticiens spécialistes

des problèmes socio-culturels africains.

Nous aborderons successivement les données du contexte social

lui-même, puis les interventions et les systèmes d'organisation qui ten­

dent à sa transformation dans la visée du développement.

A/ LA CONCEPTUALISATION S'APPLIQUANT A LA REALITE SOCIALE AFRICAINE

Il s'agit d'identifier les données de la réalité socio-culturelle

africaine dans sa spécificité, et dans la mesure donc où elle se distingue

des phénomènes comparables observés dans des systèmes non africains, et

particulièrement des pays industrialisés de l'hémisphère Nord. Ceci conduit

souvent à opposer tradition et modernité. Derrière ces concepts, il semble

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que se cachsnb nombre d'ambiguïtés. Le premier terme prend souvent une

valeur péjorative par rapport au second qui serait porteur des images du

progrès. Le premier s'opposerait au changement, le second appellerait le

développement. En réalité, si l'on pénètre à l'intérieur du système social,

on constate que ce qui sépare le monde traditionnel du projet de la moder­

nisation est très souvent la différence entre l'intelligible et le non

intelligible, entre le monde de l'identité culturelle et celui de l'alté-

rité culturelle. L'écrivain sénégalais Cheikh Hamidou Kane a proposé une

interprétation de cette différence et des moyens de la dépasser :

"Les gens de chez moi ne sont hostiles au changement que parce qu'ils ont compris que le changement, revêtu des oripeaux de la modernité, qu'on leur proposait de l'exté­rieur, consistait précisément à renoncer à leur caractère (...), a leur personnalité, et donc à leur dignité d'hommes. On les conviait à devenir esclaves de modèles étrangers qu'ils ne maîtrisaient pas. Il n'y a pas de tradition chez nous : ce qui prime, c'est l'intelligible de la raison et de la sensibilité étroitement unies. Les comportements sociaux et personnels traduisent la façon la meilleure, la plus digne, la plus efficace d'être un homme. L'exemple des anciens est une donnée fondamentale ; mais les anciens, les aînés, ont le devoir strict de rechercher la meilleure réponse aux besoins de tous dans le moment présent. Toute innovation sera bonne, qui paraîtra comme un éclairage plus profond ou plus large de la capacité d'agir, de maîtriser les moyens et l'environnement dont dispose le groupe dans une complète intelligibilité culturelle."(2)

On peut partager ou non l'analyse précédente, on ne peut pas

échapper de toute manière à la problématique entre tradition et modernité.

Certains la posent en termes de rupture nécessaire, d'autres en termes

de continuité et de dépassements possibles. Chaque politique de dévelop­

pement traduit un choix implicite ou explicite concernant cette alterna­

tive. Ce choix affectera particulièrement les politiques touchant la jeu­

nesse, le travail, l'éducation.

(2) KANE (Cheikh Hamidou).- Economie et culture africaine. Rapports entre tradition et modernité.- Rapport à l'Assemblée générale constitutive de l'Internationale africaine des Forces pour le Développement.-Dakar, 13 avril 1975-

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a) Le concept de .jeunesse dans la société africaine

La réalité sociale africaine est profondément marquée par le

découpage des générations et les relations inter-générationnelles. Les

classes d'âges sont un phénomène quasi général qui module profondément

la vie de toutes les sociétés (3). Ainsi, chaque homme, chaque femme, dès

leur itinéraire d'enfance, se voient intégrés dans un groupe au sein du­

quel ils franchiront les étapes de la vie sociale jusqu'à leur mort. Les

classes d'âge ainsi constituées sont à la fois le lieu de l'apprentissage

et de l'action. Les classes d'âges des jeunes sont souvent organisées de

façon spécifique. Ainsi les "samaria" du pays haoussa du Niger, décrites

par Patrick Gallaud (4), qui couvrent l'organisation des jeunes à partir

de 15 ans, jusqu'à souvent 30 ans pour les hommes, jusqu'au mariage pour

les filles.

On constate qu'en Afrique on est perçu comme appartenant à une

classe "jeune" jusqu'à 30 ou parfois même 35 ans, ce seuil d'âge marquant

l'accès aux responsabilités sociales. En Guinée-Bissau, dans le pays balante,

les jeunes de la classe d'âge des "Blufo" ne sont admis à ces responsabi­

lités que lorsqu'ils sont passespar le "fanado", rite essentiel de l'ini­

tiation, qui se situe vers 25 ans et plus. On note donc une différence

importante avec les systèmes issus des modèles occidentaux, par exemple,

où la majorité civique et sociale se voit reconnue officiellement entre

18 et 21 ans.

Chez les Sénoufo de Côte d'Ivoire, le système d'initiation du Poro,

décrit par Sinali Coulibaly, couvre les étapes de la jeunesse telle qu'elle

est perçue socialement et culturellement. On passe ainsi, à l'âge d'entrée

au Poro, 6 à 10 ans, par la phase initiale "Poworo", la phase intermé­

diaire "Kwonro", et l'on accède enfin au "tyolog", phase

"obligatoire si l'on veut jouir de sa citoyenneté à part entière. A ce stade, l'âge des novices varie entre 30 et 35 ans. L'ini­tiation est centrée sur l'intégration totale de l'individu au groupe et sur l'étude concrète d'une déontologie sociale com­plexe et astreignante. C'est à ce niveau que les vieillards, les maîtres choisis parmi les anciens initiés entrent

(3) Voir, en particulier, EISENSTADT (S. N.).- From generation to generation.-London, 1956.- Et, plus récemment, PAULME (P.) éd.- Classes et associa­tions d'âge en Afrique de l'Ouest.- Paris, Pion, 1971.

(4) GALLAUD (Patrick).- La renaissance des Samaria au Niger. In Les Cahiers de l'Animation, n° 18, 4e trim. 1977.

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réellement en action et jouent, avec les novices, le rôle dévolu aux doctes professeurs des universités européennes."

(5)

L'ensemble du cycle, à travers les trois phases, dure d'ordinaire 21 ans

(trois étapes de 7 ans chacune).

Au Kenya, dans le système antérieur à la colonisation, on ren­

contre une organisation comparable, qui a été décrite par le président

Jomo Kenyatta (6), chez les Gikuyu. Les classes d'âge de jeunesse pré­

parent au rite de la circoncision qui avait lieu autrefois vers vingt

ans. Le mariage est alors possible et ouvre l'accès à la classe des

"kamatimo", qui n'auront la plénitude d'accès au pouvoir social à tra­

vers le "kiama", le Conseil des Anciens, que lorsqu'ils auront eux-mêmes

un fils en âge d'être circoncis.

Les classes d'âge de la jeunesse ont un rôle socialement utile.

Elles exécutent un service pour le compte de la communauté. Ainsi, les

sociétés de jeunes gens et de jeunes filles de la même classe d'âge

chez les Malinké et Bambara du Mali, dénommées "Tô", décrites par

Emile Leynaud qui note que

"dans la notion de tô_, les idées de 'service' et même de service public, d' 'activité obligatoire', sont fonda­mentales... (...). Auti^ois, les travaux agricoles étaient effectués par les _tô_ pour le compte des vieillards et des nécessiteux du village, il s'agissait d'une espèce de 'service social' et un cadeau symbolique récompensait cette aide bénévole." (7)

Les "Tô", tout comme les Samaria du Niger, ont survécu dans la

période contemporaine et ont servi de référence aux dirigeants politiques

pour l'organisation de la jeunesse. Nous retrouverons ce phénomène pour

(5) COULIBALY (Sinali).- Le paysan Sénoufo.- Nouvelles Editions africaines, Abidjan, 1978.- pp. 98 et suivantes.

(6) KENYATTA (jomo).- Facing Mount Kenya. The tribal life of the Gikuyu.-London, Seeker and Warburg, 1937.- Ed. française, Paris, Maspéro, I960.

(7) LEYNAUD (Emile).- Fraternités d'âge et sociétés de culture dans la Haute-Vallée du Niger. In Cahiers d'Etudes africaines, n° 21, I966, Paris, EPHE.- pp. 41-68.

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les sociétés de jeunes en pays Mossi de Haute-Volta, les Naam, qui cons­

tituent le support des nouvelles "pré-coopératives" et qui font l'objet

d'un des dossiers de référence de la présente étude. Tous ces mécanismes

mettent en jeu le travail communautaire, sur lequel il faut porter quelque

éclairage.

b) Le concept de travail dans la société africaine

Ce concept ne peut se comprendre, dans le contexte africain, en

dehors d'une perspective historique. Si l'on donne au concept de travail

la signification générale d'effort productif de biens ou de services en

vue de la satisfaction de besoins humains, on mesure la difficulté soulevée

par la finalité du processus. Il est cependant impossible d'éluder ce pro­

blème, qui rejoint toute la réflexion contemporaine sur les objectifs du

développement. Le travail est un phénomène économique, mais c'est en même

temps un phénomène social et culturel, qui est perçu différemment et ré­

pond à des besoins différents selon les différences des contextes sociaux

et culturels (8).

Depuis une période récente, or/constate la tendance généralisée

à poser les problèmes du travail à partir du choix et de l'adaptation

des technologies.

Pour tenter de clarifier ces données en fonction de l'objet de

notre étude, nous distinguerons les grandes périodes qui affectent le

sens donné au statut social et culturel du travail en Afrique.

1. Dans les systèmes de la période pré-coloniale, pré­

industrielle et pré-capitaliste, on rencontre de sensibles différences

selon la nature des productions dominantes et des pouvoirs politiques

en place. A travers ces différences, on peut identifier des "unités de

production de base", qui sont à peu près généralisées et étroitement

(8) Ce problème n'a pas fait l'objet d'études en rapport avec son impor­tance depuis le premier dossier constitué par Présence africaine en 1952. Le travail en Afrique noire. N° spécial, 13, Présence africaine, Paris, 1952.

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liées au cadre de la parenté. Ce niveau de base est profondément intégré

dans le système écologique et, d'ordinaire, très sensible au respect des

régulations entre les établissements humains et l'environnement. Tous

les processus de travail productif sont régis par des lois socio-

religieuses dont l'un des objectifs est de préserver le caractère repro­

ductible des ressources de l'environnement, dans des groupes sociaux

profondément conscients du rapport, fragile et fondamental à la fois,

entre l'homme et l'éco-système. Ainsi, les techniques agricoles, la ges­

tion des pâturages chez les éleveurs, mettent en jeu du travail humain

socialement contrôlé pour préserver la satisfaction des besoins du groupe.

Il existe, dans ce cadre, une division du travail entre sexes, entre

générations et classes d'âge, parfois entre castes, avec des rapports

d'inégalité, mais aussi des contre-poids sociaux et la loi reconnue par

tous qui exige la satisfaction des "besoins essentiels".

Cette observation est valable surtout pour les sociétés rurales

ne connaissant pas le pouvoir d'Etat. Dès que naît le système d'Etat, la

division sociale du travail s'élargit, de même que s'accroissent les

échanges au-delà des cellules de base et jusqu'au commerce à longue dis­

tance. On sort donc des modèles d'auto-subsistance, et le travail commence

à prendre un sens quelque peu différent. Dans le premier cas, l'organi­

sation du travail entre les sexes et les générations se faisait sur la

base d'une réciprocité immédiate et dans le cadre de 1'"auto-suffisance"

(self reliance) du groupe se considérant comme une"société globale" en

miniature dont le système, les valeurs, les règles du jeu, sont connues

et acceptées de la quasi-totalité des membres de cet ensemble social, et

sans "médiation monétaire". Dans cet univers, le concept d'"emploi salarié"

n'a aucun sens.

Dès que les échanges socio-économiques et les rapports de pro­

duction débordent le cadre des groupes élémentaires inscrits dans l'espace

familial et villageois, l'échange du travail contre des biens destinés à

couvrir les besoins du travailleur prend un sens différent. Un autre

rapport de pouvoir s'établit. Le système d'inégalité n'est plus rééqui­

libré par la réciprocité directe des services et la connaissance tota­

lement partagée des règles du jeu.

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2o La période coloniale accentuera de façon radicale les

systèmes d'inégalité, sans a"bolir totalement les rapports sociaux pré­

coloniaux. On se trouve alors dans un univers où fonctionnent plusieurs

logiques contradictoires,, Le concept de travail est profondément affecté

par ces contradictions. D'une part, dans le monde villageois continue

d'exister le travail en réciprocité immédiate. D'autre part, l'appareil

colonial ouvre la voie à l'économie marchande déterminée par les dépen­

dances extérieures.

Dans un premier temps, le nouveau rapport de domination passe

par d'énormes ponctions de forces de travail par le système esclavagiste (9).

Ensuite, au XIXe siècle s'amorce en Afrique l'ère des grandes conquêtes

territoriales. On exploitera alors la force de travail sur place par de

nouveaux mécanismes.

L'introduction, la plupart du temps par la contrainte, des cul­

tures de rente ("cash crops") aboutit à donner une valeur monétaire à

du travail paysan par l'intermédiaire d'un marché contraint où se ven­

dent les produits : coton, arachide, cacao, etc. Dans le même temps, le

phénomène urbain se développe à l'image des villes de la société indus­

trielle et s'y institue le travail directement salarié. Il s'y ajoute

le "travail forcé", comme prestation directement effectuée au bénéfice

de l'appareil d'Etat colonial ou des appareils privés extérieurs soutenus

par l'Etat colonial, sans rémunération (ou, parfois, avec une rémunéra­

tion permettant la reconstitution élémentaire de la force de travail).

3. L'accession à l'indépendance n'a pas effacé toutes ces

images du travail colonial» Si le "travail forcé" a disparu dans les pays

décolonisés, par contre subsiste le travail non salarié des unités so­

ciales gardant une forme d'auto-subsistance, mais avec l'interférence

quasi généralisée du travail lié à l'économie marchande : travail paysan

du producteur rémunéré par le marché, travail directement salarié qui

prend place dans le domaine agricole ou industriel, dans le milieu

urbain et rural, dans le secteur public et privé, l'accession au salariat

(9) L'esclavage introduit par la traite des navigateurs se distingue des systèmes d'esclavage observés dans les Etats ou Empires africains pré-coloniaux. Dans le premier cas, l'esclave est une pure marchan­dise. Dans le second cas, l'esclave a un statut social qui n'exclut pas l'accès à un certain pouvoir ou contre-pouvoir (ainsi dans les armées de l'Empire du Mali ou des royaumes sénégambiens).

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s'accompagnant d'une législation du travail d'inégale portée selon les

Etats.

Ainsi, le concept de travail est rattaché à différents systèmes

socio-culturels, "modernistes" ou traditionnels, endogènes ou exogènes,

et le problème de l'emploi (qui est'la somme de travail humain effecti­

vement engagée et rémunérée dans un système économique", pour reprendre

une définition proche de celle de Keynes) est lui-même profondément

affecté par les modèles et systèmes socio-culturels qui régissent les

rapports sociaux de la population considérée.

Les programmes tendant à l'insertion des jeunes dans l'emploi

ne peuvent être compris hors de cette problématique.

c) L'éducation et la formation dans le milieu

L'éducation traditionnelle, l'éducation coloniale et ses séquelles.

Le concept d'éducation, indissociable de celui de formation,

dans la tradition africaine, renvoie, comme celui du travail, à une per­

ception globale de la société. Jomo Kenyatta insiste à la fois sur ce

point et sur l'intégration complète de l'éducation dans la vie sociale.

Il écrit, en prenant l'exemple de son ethnie :

"... L'éducation chez les Gikuya n'est jamais achevée ; elle commence le jour de la naissance et ne se termine qu'avec la mort. A chaque degré d'âge correspond un statut parfaitement défini. Les parents sont responsables de l'édu­cation de l'enfant jusqu'à ce qu'il ait atteint le stade de l'éducation tribale. Ils tendent à inculquer aux enfants la notion que les Gikuyu appellent otaari wa mocie ou kerero kia mocie, c'est-à-dire grandir dans les tradi-tions/aela famille et du clan. Si l'on exclut les établis­sements ouverts par les Européens, il n'existe pas, chez les Gikuyu, d'école au sens habituel du terme : le foyer est l'école." (10)

Dans nombre de sociétés africaines, l'éducation et la formation

sont prises en charge, dans le schéma traditionnel, à l'intérieur du sys­

tème des classes d'âge que nous avons déjà évoqué et qui permet la com­

binaison de l'apprentissage avec la participation au travail productif.

(10) KENYATTA (j.).- Au pied du Mont Kenya.- Déjà cité. Ed. franc, p. 98.

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On trouve là certains points de rencontre avec la problématique moder­

niste des services civiques. Mais il faut souligner l'intégration dans

le village, dans l'unité sociale de base. Un chercheur africain a parlé

récemment, à ce titre, de "micro-université villageoise" (11). Le temps

fort de cet itinéraire éducatif est le rite de l'initiation, la plupart

du temps lié à la circoncision.

Dans les pays d'Islam, de nouvelles formes d'éducation viennent

remplacer ou recouvrir plus ou moins complètement le système pré-islamique.

L'éducation islamique est essentiellement religieuse, mais dans la con­

ception d'une religion profondément intégrée aux réalités sociales.

L'école coranique n'est pas une école professionnelle, mais elle tend

à déterminer les comportements individuels et collectifs.

La période coloniale a apporté une nouvelle strate aux systèmes

éducatifs, s'articulant très difficilement avec les précédentes. L'école

coloniale a comme objectif initial de former des auxiliaires du pouvoir

colonial. Elle se caractérise donc par des contraintes de sélection, de

spécialisation et de plafonnement du cursus en fonction du rôle qui lui

est assigné. On verra ainsi se mettre en place deux filières d'éduca­

tion et de formation modernisantes : une filière de type urbain, destinée

a former des petits et moyens fonctionnaires, et également des petits

et moyens cadres du secteur commercial ou des entreprises ; une filière

de type rural, destinée à préparer le monde paysan ou celui des éle­

veurs à recevoir les consignes de promotion de nouvelles techniques (no­

tamment pour les cultures de rente) permettant l'intégration au marché

en fonction de l'intérêt des métropoles (12). Le schéma, à travers des

variantes françaises, britanniques, belges, portugaises, espagnoles,

reste dans la même logique, même s'il laisse apparaître souvent des

contradictions ou des compétitions entre les écoles privées mission­

naires et les écoles publiques„

(11) DIACK amadou).- Les aléas de l'alphabétisation et de l'éducation des adultes au Sénégal.- Mémoire pour le Diplôme de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales.- Paris, 1978.

(12) Voir, par exemple, pour l'Afrique occidentale : BOUCHE (D.).-

L'enseignement dans les territoires français de l'Afrique occi­dentale de 1817 à 1920.- Paris, Libr. Champion, 1975.

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- H -

Au moment des indépendances -et déjà dans la période de transition

précédente- on observe une tentative d'intégration des deux filières dans

des "systèmes d'éducation nationale" qui ont une difficulté certaine à

éliminer les effets de la phase antérieure. L'articulation des concep­

tions coloniales de l'éducation et de la formation des jeunes en vue de

leur intégration à l'emploi s'opère de façon logique. La transformation

de ces conceptions ouvre la voie à de nouvelles pratiques et l'on voit se

forger de nouveaux concepts.

B/ LES INTERVENTIONS, LES SYSTEMES DU TEMPS DE LA DECOLONISATION ET DE L'INDEPENDANCE ET LA NOUVELLE CONCEPTUALISATION

Nous pouvons les explorer à partir de trois types principaux de

données :

a) Les "programmes à haute intensité de main d'oeuvre" et 1'"investissement-travail"

L'investissement-travail représente un facteur de développement

dont l'importance a été mise en valeur à partir des années 50 plus spé­

cialement. Les économistes qui ont le plus contribué à en étudier l'in­

térêt ont fait valoir que, dans des pays où les ressources en capital

sont faibles et où existe une main d'oeuvre inemployée ou sous-employée

très importante, on pouvait obtenir des effets d'investissement consi­

dérables à partir de l'utilisation prioritaire du travail humain dans

des projets d'intérêt collectif, à la condition de respecter des méthodes

appropriées. L'exemple du développement de la Chine dans la période à

laquelle nous nous référons a apporté des éléments convaincants pour

illustrer cette thèse.

Un ouvrage récent, élaboré par une équipe du BIT dans le but de

fixer les principes et les cadres méthodologiques devant servir de

support aux "Programmes spéciaux de travaux à haute intensité de main

d'oeuvre", rappelle les analyses de R. Nurkse justifiant sur le plan

théorique l'investissement-travail :

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"R. Nurske constate tout d'abord que 'même sans changement dans les techniques de production, une grande partie de la population agricole pourrait être déplacée sans que la production agricole en soit réduite' et, par là, il vise essentiellement la main d'oeuvre familiale des petites exploitations, largement sous-employée. Cette formule (...) pourrait s'appliquer aussi de manière comparable au sec­teur informel urbain. La main d'oeuvre sous-employée pen­dant une partie de l'année peut donc être utilisée pour l'exécution de travaux d'infrastructure tout en étant nourrie, comme elle l'était auparavant, par le reste de la population agricole, pour autant que celle-ci n'augmente pas sa consommation ; c'est dire que le chômage déguisé cachait une épargne potentielle. Epargne potentielle dont le montant, d'après Nurske, est bien supérieur aux res­sources que pourraient procurer l'imposition de la con­sommation visible ou un apport de capitaux étrangers. Ainsi, l'accumulation du capital peut-elle être financée dans le cadre même du système existant." (13)

Les "programmes à haute intensité de main d'oeuvre", dans l'esprit

de la recommandation de la Conférence internationale du travail de 1964,

doivent toucher notamment "l'organisation de travaux d'équipement local",

spécialement dans le monde rural. Mais les auteurs de l'étude du BIT de

I977 insistent sur le fait qu'il ne s'agit pas uniquement d'un "grand

programme de petits travaux", mais que ces programmes peuvent comprendre

des "travaux d'aménagement urbain et des travaux de plus grande portée :

routes principales, barrages, etc.", l'important étant que ces projets

puissent s'intégrer dans la planification nationale du développement

d'une part, et que, d'autre part, ils permettent "l'organisation d'une

formation technique progressive, au sein des actions de mobilisation,

des travailleurs sans qualification ainsi utilisés."

Une partie de ces programmesse sont spécifiés pour s'adresser à

la jeunesse.

(13) COSTA (E.), GUHA (S.), HUSSAIN (M.I.), THUY (N.T.B.) PARDET (A.).-L'organisation des programmes spéciaux de travaux a haute intensité de main d'oeuvre : principes directeurs.- Bureau international du travail, Genève, 1977«- Introd. p. 3, citant NURSKE (R.).- Problems of Capital Formation in Underdeveloped Countries.- Oxford, Basil Blackwell, 1953.- Et:LE¥IS (W.A.).- Economie Development with unli­mited Supplies of Labour. In The Manchester School of Economie and Social Studies, May 1954=- pp. 139-191.

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b) Les "programmes spéciaux d'emploi et de formation de la .jeunesse en vue du développement"

La définition de ces programmes figure dans la recommandation

136 adoptée par la Conférence internationale du Travail à Genève le

23 juin 1970. Aux termes de cette recommandation, les programmes spé­

ciaux ont pour objet de

"permettre aux jeunes gens de prendre part à des activités tendant au développement économique et social de leur pays et d'acquérir une instruction, des qualifications et une expérience propres à leur faciliter ultérieurement et d'une manière durable l'exercice d'une activité économique et à favoriser leur intégration dans la société. (...) Peuvent être considérés comme programmes spéciaux (...) ceux qui :

a) répondent à des besoins, en matière d'emploi et de formation des jeunes, qui ne sont pas encore satisfaits par les programmes nationaux d'enseignement ou de forma­tion professionnelle existants ou par les débouchés nor­maux du marché de l'emploi ;

b) permettent à des jeunes gens -en particulier ceux qui sont en chômage- qui possèdent une instruction ou des qua­lifications techniques dont la communauté a besoin aux fins du développement, notamment dans les domaines écono­miques, sociaux, de l'enseignement ou de la santé, d'uti­liser ces qualifications au service de la communauté."

A partir de cette définition générale, on relève une série de

réalisations qui, tout en gardant des objectifs généraux comparables,

varient sensiblement dans leurs formes. On peut faire mention des princi­

paux travaux qui ont contribué à éclairer la conceptualisation se rap­

portant à ces programmes.

L'une des premières études significatives est celle de Georges-

Edouard Bourgoignie, en janvier 1964, "Jeune Afrique mobilisable", où

l'auteur distingue deux grandes optiques dans l'intégration de la jeu­

nesse "désoeuvrée ou sous-employée dans l'action harmonisée de dévelop­

pement". La première implique une participation spécifique et isolable

de la jeunesse :

"On peut tout d'abord concevoir la création de nombreux petits' centres, chantiers volontaires ou autres, avec un but de résorption du désoeuvrement et d'éducation complé­mentaire. Ces centres se multipliant et faisant apparaître dans leurs résultats des bases solides quant à une action

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mobilisatrice, se muent alors éventuellement en service obligatoire. Ce service civique encadre les jeunes, les éduque, pour ensuite les/renvoyer dans leurs milieux res­pectifs qu'ils animeront par leur exemple."

La seconde optique préconise une participation plus diffuse, plus in­

tégrée au milieu social :

"On débutera par une animation globale de la population, jeunes et adultes, en vue de provoquer une prise de cons­cience de la situation réelle du pays, de la région, du village, et par là pousser à l'action, au self-help. Dans ces résultats concrets, on intégrera les centres de jeu­nesse, les chantiers, volontaires d'abord, éventuellement obligatoires par la suite dans le cadre d'un service ci­vique. La mobilisation de la jeunesse se voit ainsi in­tégrée à l'animation de base, bien plus, à ses résultats, et, par là, elle participe aux travaux, à l'effort gra­tuit issu de la prise de conscience." (14)

En janvier 1966 paraît le numéro spécial de la Revue interna­

tionale du Travail : "Special Manpower Mobilisation Schemes and Youth

Programmes for Development Purposes" (15), qui donne un échantillon

d'études de cas très éclairants.

En 1972, les problèmes de la jeunesse africaine et de son inté­

gration dans les processus du développement sont abordés dans deux ren­

contres importantes : la Table ronde "Formation, Action pour le Déve­

loppement", organisée par le Bureau régional de 1'UNESCO de Dakar, et

la Conférence de 1'UNICEF qui se tient à Lomé sur le thème "Enfance,

Jeunesse, Femmes et Plans de Développement".

En I977, paraît à Washington, une importante étude d'évaluation

sur les "Services pour le Développement" ("Service for Development")

qui étudie, à travers un large déploiement international d'études de

cas ordonnées selon une typologie, les objectifs, l'organisation, les

politiques, les rapports de coopération, des systèmes tendant à la mobi­

lisation de la jeunesse pour le développement (16).

(H) BOURGOIGNIE (Georges-Edouard).- Jeune Afrique mobilisable.- Mont­réal , 1964.- pp. 108-109.

(15) Revue internationale du Travail.- Vol. 93, nc 1, janv. I966.

(16) PINKAU ( Irène).- Service for Development. An Evaluation of Deve­lopment Services and their Cooperative Relationships. (Vol. i).-Washington DC, August 1977.- Compendium of Development Services. (Vol. IE).- Washington DC, June 1976

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Dans le même temps, les Cahiers de Recherche en sciences so­

ciales "Rural Africana" de l'Université de Michigan, publient deux

numéros spéciaux dirigés par John ï. Hanson et Robert C. Morris sur

"Les schémas nationaux de mobilisation de la jeunesse pour la forma­

tion et l'intervention dans le développement rural." (17)

Dans la recherche d'une clarification de la conceptualisation,

nous nous référerons à l'analyse faite par Archibal Callaway, dans ses

études rassemblées par Rural Africana , sur les programmes nationaux

des services de jeunesse, qui embrasse un large ensemble de données.

" (ï) Les dénominations des programmes comprennent : les 'Jeunes pionniers', le 'Service civique', les 'Camps de travail', les 'Corps de Jeunesse', le 'Service national de Jeunesse'. La durée du service varie d'une période de trois mois à deux ans. Dans certains cas, le service est orga­nisé par périodes intermittentes. Le nombre des jeunes recrutés varie de plusieurs centaines à plusieurs milliers. Il y a de profondes différences touchant l'origine, l'âge, le niveau d'éducation, et le statut d'emploi des parti­cipants. Les jeunes femmes ne sont touchées que dans cer­tains de ces programmes et, même dans ce cas, seulement en petit nombre. Les programmes de service à plein temps pour les jeunes de haut niveau d'éducation sont rares.

" (2) La majorité des programmes met l'accent sur le dé­veloppement rural. Les jeunes provenant de familles ru­rales constituent la majorité des recrues de la plupart des programmes.

" (3) Quelques programmes cherchent à remédier aux défi­ciences d'éducation générale des participants en intro­duisant une éducation civique. D'autres apportent de façon dominante une formation professionnelle', soit dans des cours formels soit comme partie du travail. Ainsi note-t-on d'importantes différences dans les proportions entre l'éducation générale et la formation spécialisée, dans l'insistance que l'on met sur l'éducation civique orientée vers les objectifs nationaux et dans les méthodes d'édu­cation.

" (4) Dans certains programmes, les participants sont im­pliqués dans des travaux liés à des projets. Dans d'autres, principalement dans les zones rurales, le service envers la communauté prend la forme d'une fonction d'encadrement après une période de formation.

(17)HANS0N (J.W.) and MORRIS (R.C.) (éd.).- National Youth Mobilization Schemes for Training and Service in Rural Development. Part I. In Rural Africana, n° 30, Spring 1976. Part I, n° 31, Pall 1976.-Publications of the African Studies Center, Michigan State University.

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" (5) Des variations apparaissent dans l'accent mis sur les projets ruraux ou urbains, sur les modalités adminis­tratives, le contenu du programme, et dans l'assistance donnée aux jeunes pour leur établissement, une fois ter­miné leur temps de service, et également dans le paiement de leur travail.

" (6) Presque tous les programmes sont fondés sur un re­crutement volontaire ; peu ont un recrutement obliga­toire, peu également un régime para-militaire..." (18)

Ces analyses mettent en évidence l'importance de la dimension

éducative dans la plupart des "Services des jeunes pour le développement".

c) Les concepts liés au changement éducatif

Nous avons évoqué la crise éducative comme l'un des éléments

essentiels des contradictions sociales léguées par la période coloniale.

L'une des tâches essentielles que vont s'assigner les politiques de

développement, dès le début des décolonisations africaines, vers le

milieu et la fin des années 1950, consistera à promouvoir de nouveaux

systèmes d'éducation pour sortir de la dépendance. Dans un premier temps,

on met l'accent sur les aspects quantitatifs, on évoque le "retard", la

faiblesse des taux de scolarisation et la nécessité d'une généralisation

rapide de l'accès à l'éducation moderne. Ce grand mouvement est contraint,

au bout d'une décennie à peine, à des révisions déchirantes.

On mesure, d'une part, les limites économiques de l'effort en­

trepris. En effet, nombre de pays africains atteignent un plafond dans

l'investissement éducatif sans avoir pu scolariser la moitié de la popu­

lation visée (ainsi, au Sénégal, pour un taux de scolarisation avoisi-

nant 40 %, le budget de l'Education nationale représente plus de 30 fo

du budget général de l'Etat). On ne peut donc maintenir l'objectif de

la généralisation de l'enseignement sans transformer profondément le

système, en allégeant la charge qu'il représente. Mais le problème est

également et surtout qualitatif. Les systèmes éducatifs classiques ne

(18) CALLAWAY (Archibald).- Objectives and General Principles of Na­tional Youth Service Programs.- In Rural Africana, n° 30, jam cit., p. 17.

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peuvent assumer les objectifs du développement, la participation so­

ciale et l'intégration à l'emploi. La Conférence de l'UNESCO des Mi­

nistres de l'Education des Etats membres d'Afrique (MINEDAF) qui s'est

tenue à Lagos du 27 janvier au 4 février 1976 s'est tout particulière­

ment saisie du problème de la transformation des systèmes éducatifs

afin de voir comment assurer une "éducation de base" pour tous. L'un

des documents préparatoires à la Conférence note :

"Dans maints pays d'Afrique, nombre de jeunes terminent leur scolarité primaire, mais beaucoup d'entre eux ne parviennent pas à trouver d'emploi parce qu'ils possèdent en fait très peu ou pas de connaissances professionnelles. La tâche principale de nombreux gouvernements est donc de leur donner un bagage qui leur permette de s'intégrer aux structures de production sans dépeupler les zones rurales." (lg)

Le même document présente ainsi neuf expériences africaines

d'innovations éducatives tendant à répondre à ces exigences. On voit,

par là, à quel point la problématique des réformes éducatives rejoint

celle des "services pour le développement" et des "programmes spéciaux

d'emploi et de formation des jeunes en vue du développement".

Ainsi, procédant d'un certain désenchantement, la conviction

semble s'établir, dans la fin des années 70, chez de nombreux respon­

sables politiques, administratifs ou experts, que ces différentes

lignes d'action ne peuvent fonctionner seules, qu'il est nécessaire de

procéder à des analyses globales pour fonder des réformes plus profondes.

Cette exploration des données de base et des concepts nous

permet d'aborder plus solidement le dossier des études de cas que nous

avons rassemblées pour fonder une réflexion critique et prospective.

(19) Bureau international d'Education. UNESCO. Paris, 1977.- Réformes et innovations éducatives en Afrique. Etudes préparées pour la Conférence des Ministres de l'Education des Etats membres d'Afrique. (Expériences et innovations en éducation, n 0 34).

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- II -

Deuxième Partie

UN DOSSIER DE REFERENCE

- SIX ETUDES DE CAS -

LE PROBLEME DU CHOIX D'UN DOSSIER DE REFERENCE

Il n'était pas possible, dans le cadre de la présente étude, de

réunir les éléments originaux d'un dossier rigoureusement représentatif

des programmes nationaux de jeunesse axés sur l'emploi. Il aurait fallu

engager des moyens beaucoup plus importants et disposer d'un délai très

sensiblement plus long pour aboutir à un travail de plus grande ampleur.

Cependant, nous nous sommes efforcés de rassembler un certain échantillon

parmi les expériences qui nous étaient accessibles, permettant d'explorer

les problèmes essentiels que l'on peut se poser sur les programmes qui

nous intéressent, à travers une gamme de contextes suffisamment divers.

Il est clair que ce que nous présentons comme"études de cas" proprement

dites dans un dossier de référence, et qui ont pu fait l'objet, à une

exception près, d'investigations récentes sur le terrain, ne nous dis­

pense pas de recourir à l'ensemble des données disponibles sur ce thème

qui a fait l'objet de travaux estimables dont nous avons donné un aperçu

dans le paragraphe précédent. Notre objectif, en menant ce travail de

terrain complémentaire, était de pouvoir actualiser les analyses con­

cernant quelques expériences importantes, afin de saisir l'évolution de

la problématique de la formation et de l'emploi des jeunes dans ses

développements les plus récents. Nous ne pouvons dire en aucune façon que

l'ensemble d'investigations faites couvre nécessairement tous les cas les

plus significatifs et les plus importants.

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Il y aurait donc danger à procéder à une extrapolation trop

rapide et non compensée par le recours à un système de références

élargi « Sur ce dernier point, nous avons pu bénéficier de consulta­

tions précieuses auprès des banques de données informatisées du BIT à

Genève et du Bureau international de l'Education de l'UNESCO, également

à Genève. Les points les plus importants de ces consultations documen­

taires seront repris en annexe bibliographique.

Le dossier de référence concerne le Kenya, la Côte d'Ivoire,

le Cameroun, le Mali, la Haute-Volta, la Guinée-Bissau. Entre janvier

et avril 1979, des experts de l'IRFED se sont rendus en mission dans

ces différents pays, à l'exception de la Haute-Volta. Pour ce dernier

cas, en effet, des études récentes ont été menées sous les auspices de

1'UNESCO et ont fait l'objet d'un document publié par la Division de

l'Etude du Développement (20) et qui touche précisément l'opération

d'organisation-formation des jeunes en vue de leur insertion économique

et sociale. Des travaux de recherche universitaire s'y sont ajoutés, qui

nous ont permis d'aboutir à une synthèse pouvant s'intégrer dans la

gamme de référence.

Les expériences de ces pays touchent :

- des pays francophones (Côte d'Ivoire, Mali, Haute-Volta et, pour par­

tie, Cameroun) ;

- des pays anglophones (Kenya et, pour partie, Cameroun) ;

- un pays lusophone (Guinée-Bissau).

Par ailleurs,elles mettent en jeu des pays d'Afrique de l'Est

et d'Afrique de l'Ouest (Kenya d'une part, Mali, Haute-Volta, Côte

d'Ivoire, Guinée-Bissau de l'autre, avec le Cameroun plus proche de

l'Afrique centrale).

(20) OUEDRA0G0 (L.B.) et MIGNOT-LEFEBRE (Y.).- Participation et auto-développement. Le cas des groupements NAAM au Yatenga en Haute-Volta.- UNESCO, Division de l'Etude du Développement, Paris, 1978. Rapports/Etudes PAR. 1.

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Elles concernent des pays du Sahel (Mali, Haute-Volta) et des

pays côtiers (Guinée-Bissau, Côte d'Ivoire, Cameroun) ; des pays du

monde bantou (Cameroun, Kenya pour partie) et de civilisation souda-

nienne (Mali, Haute-Volta). Enfin, des différences marquantes séparent

les politiques économiques et sociales, se référant au libéralisme éco­

nomique (Kenya, Côte d'Ivoire) ou à l'économie socialiste planifiée

(Guinée-Bissau).

Telle est la lecture que l'on peut faire de la stratification

d'un échantillon dont on peut ainsi mieux percevoir la richesse et les

limites. Des circonstances contraires ne nous ont pas permis de pouvoir

compléter comme nous l'avions projeté notre dossier de travail par cer­

taines études de cas de grand intérêt. Cependant, les données déjà

accessibles sur les programmes de jeunesse de ces pays ne seront pas

absentes des réflexions de synthèse prolongeant l'étude des références

rassemblées.

Pour chaque étude de cas, il n'était pas possible, dans le

cadre d'un document de format restreint, de présenter un tableau complet.

Nous nous sommes efforcés, à partir de la matière rassemblée, d'élaborer

une fiche de synthèse donnant l'essentiel et construite, dins toute la

mesure du possible, selon un schéma comparable sinon rigoureusement iden­

tique, mettant en évidence successivement :

1 . la structure démographique et la place de la jeunesse

en son sein ;

2. la situation de l'économie et de l'emploi ;

3. la situation de l'éducation formelle et non formelle (21 )

4. le programme de jeunesse axé sur la formation et l'emploi,

objet particulier de l'étude.

Les références bibliographiques devraient permettre de se repor­

ter aux sources d'informations complémentaires pour chaque pays.

(21) Nous n'avons pas abordé la situation de l'enseignement de niveau universitaire qui ne concerne pas directement les problèmes évoqués dans la présente étude.

N.B. Au 22 mai 1979> les taux de conversion des monnaies des pays évoqués dans les études de cas étaient pour un dollar des Etats-Unis : 218 F CFA (Haute-Volta, Côte d'Ivoire) - 416 F Maliens — 7,43 shillings kenyan — 34,50 pesos de Guinée-Bissau.

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@ SIX ETUDES DE CAS

0 Le Service national de la jeunesse au Kenya et la situation de l'éducation et de l'emploi

1/ Les données démographiques et leur évolution

Le Kenya est un des pays africains où la croissance démogra­

phique est la plus forte. Les services d'études statistiques du minis­

tère des Finances et du Plan ont proposé quatre scénarios d'évolution

de la population selon les hypothèses d'un taux de croissance en pro­

gression ou en régression (ï). On peut présenter les deux extrêmes.

Projection forte Projection faible

Années Population totale

(en milliers)

Taux annuel de croissance

1o

Population totale

(en milliers)

Taux annuel de croissance

1970

1975

1980

1985

1990

1995

2000

11 247

13 413

16 053

19 310

23 302

28 213

34 286

3,58

_ _ 3,65 - -

3,76

3,82 __-

__ 3,90

3,98

11 247

13 413

15 752

18 186

20 521

~22 626

24 249

3,58

3,27

2,97

2,44

.1,97

-1,35

(ï) Ministry of Finance and Economie Planning. Statistic Division.- The Future of the Growth of Kenya's Population and its Consequences.- In Kenya Statistical Digest, June 1971, pp. 1-7-

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L'évolution des classes d'âges sur la même période et selon les

mêmes sources donne, en conservant les deux scénarios extrêmes :

0) hypothèse forte (?) hypothèse faible

(en milliers)

Années

I97O

I98O

I99O

2000

Population pré-scolaire

(0-5 ans)

(1) 2 556

fc) 2 556

0) 3 780

fc) 3 480

(1) 5 536

© 3 618

(1) 8 192

(2) 2 920

Population scolaire primaire (6-12 ans)

(1) 2 235

(2) 2 235

(1) 3 235

(2) 3 235

(1) 4 795

(?) 3 997

(1) 7 067

(2) 3 908

Jeunes entrant sur le marché de l'emploi (15-19 ans)

(1) 1 187

(?) 1 187

(1) 1 162

® 1 162

(1) 2 448

(?) 2 448

(1) 3 627

(?) 2 847

La population rurale représentait environ 90 % au début des

années 1970 (2)0 La croissance urbaine a tendance à s'accélérer, sur­

tout au profit de Nairobi (pour cette dernière ville, le taux passe

de 6,5 % par an pour la période 1948-1962 à 10,5 % pour 1962-1969).

2/ L'économie et l'emploi

Indépendant depuis décembre 1963, le Kenya a choisi une poli­

tique de capitalisme libéral. Le taux de croissance de l'économie a été

élevé, restant dans les moyennes de 6,5 à 7 % par an au long des quinze

dernières années (7,3 % en 1977, à prix constants), avec une certaine

chute entre 1970 et 1974- Le taux de formation brute de capital fixe a

dépassé 23 % à partir de 1970»

(2) International Labour Office-- Employment, incomes and equality. A Strategy for increasing productive employment in Kenya.- Geneva, 1972.

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La dominante du secteur agricole reste forte, mais l'importance

de l'industrie et du tourisme s'accroît considérablement.

En 1977, la part de l'agriculture dans le produit intérieur

brut atteint 38,3 $>, contre 32,9 en 1976 (3). La forte croissance en

valeur a été due en particulier à l'aug>-mentation sensible du prix du

thé et du café. La production agricole est très diversifiée (céréales,

café, thé, sisal, pyrèthre, sucre, bétail, etc.).

L'agriculture reste encore profondément marquée par la poli­

tique des grands domaines d'exploitation modernes donnés à des colons

blancs du temps de la colonisation.coexistant avec une agriculture tra­

ditionnelle faiblement équipée et aux exploitations très réduites

(2 à 5 hectares). Au début des années 70, on notait que les paysans

pauvres rejoignaient le groupe des paysans moyens ou émigraient vers

les villes (4).

Dans le domaine de l'industrie, la plus grande part de l'appa­

reil de production est sous le contrôle des sociétés multinationales,

mais la bourgeoisie d'affaires nationale joue un rôle croissant. La

part de l'industrie dans le PIB est de l'ordre de 15 % et le taux annuel

de croissance industrielle a atteint régulièrement 8 ou 9 /». Les objec­

tifs fixés par les plans de développement ont été surtout de faire une

politique d'"import-substitution" en transformant les matières pre­

mières locales.

La croissance de l'économie kenyane, tant dans le domaine de

l'agriculture et de l'industrie que dans celui des services (tourisme

en particulier), ne supprime pas pour autant le problème de l'emploi.

En effet, il existe un déséquilibre sérieux, mis en évidence par le

rapport du BIT de 1972 (2), qui tient pour une bonne part à la non-

(3) Republic of Kenya.- Economie Survey 1978.- Ministry of Finance and Planning, Central Bureau of Statistics.

(4) Voir : COWEN (M. P.).- Notes on Capital, Class and Household Production.- University of Nairobi, 1976.

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concordance des créations d'emploi effectives et des aspirations des

demandeurs d'emplois que l'influence des modèles socio-culturels du

monde urbain et modernisé tend à détourner des emplois ruraux de

moindre prestige» Les données de l'éducation éclaireront mieux ce pro­

blème .

Le tableau de la structure de l'emploi en 1969 donne une

bonne idée du système socio-économique kenyan (5) :

1 . Seçtgu.r_moderne

. Agriculture et forêts 179

. Secteur privé autre 211

. Entreprises publiques ou para-publiques 58

. Gouvernement central et local 179

- Total du secteur moderne

2. Secteur_traditionnel

. Agriculture„ Emploi non salarié familial 1 300

. Emploi salarié 400

. Artisanat traditionnel et services 250

. Eleveurs 350

- Total du secteur traditionnel

3. Seçteur_in^termédiaire

. Auto-emploi rural 110

. Travail salarié rural 80

- Sous-total rural I90

. Auto-emploi urbain 55

. Travail salarié urbain 45

- Sous-total urbain 100

- Total du secteur intermédiaire

- Emploi_total

Population totale

(en milliers)

627

2 300

.220.

3 200

10 942 —Estimation de la force de travail 3 700

(5) CHILD (Frank C,).- Employment, Technology and Growth. The Role of the Intermediate Sector in Kenya. Occasional Paper, n° 19« Institute for Development Studies. University of Nairobi, 1976.- p. 6.

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L'enquête du BIT de 1972 présente la situation du chômage comme

sensiblement plus grave en milieu urbain qu'en milieu rural (mais le

milieu rural souffre de sérieux courants d'émigration) :

"En premier lieu, pour les trois villes au sujet desquelles on dispose de statistiques (Nairobi, Mombasa, Kisumu), les taux de chômage se situent dans la gamme de 8 à 14 pour cent, avec une moyenne pondérée de 11,5 pour cent. En se­cond lieu, l'incidence du chômage est plus lourde pour les femmes que pour les hommes. En troisième lieu, ce sont les membres les plus jeunes de la population adulte qui ont le plus à souffrir du chômage. En quatrième lieu, dans tous les groupes d'âge, y compris les plus jeunes, ce sont les personnes dont le niveau d'instruction est le plus bas qui pâtissent le plus du chômage. La pire des situations, lors­que l'on recherche un emploi est d'être femme, jeune et sans instruction." (pp. 70-71)

"Très approximativement, 80 pour cent de l'ensemble des jeunes vont se retrouver en train de chercher, dans le sec­teur non structuré de l'économie, les moyens qui leur per­mettront de subsister à l'âge adulte. Sauf exception, les 20 pour cent restant seront constitués par ceux qui auront mené à bien leur scolarité primaire et qui auront été sé­lectionnés pour poursuivre leurs études ou leur formation ou pour occuper directement un emploi salarié. Les 80 pour cent dont il vient d'être question seront composés d'environ 30 pour cent qui auront achevé leur scolarité primaire, 15 pour cent qui auront reçu une certaine instruction dans le primaire et 35 pour cent qui n'auront pas été scolarisés."

(p. 82)

3/ Situation de l'éducation formelle et non formelle

A/ Education formelle

Le pays a réalisé un effort très important pour le développement

de l'éducation depuis l'indépendance. Les charges financières publiques

et privées de l'éducation, en 1977-78, représentent 130 millions de

livres kenyanes, soit 8 fo du produit national. En 1972-73, le budget de

l'éducation constituait 30 % du budget de l'Etat.

Les résultats quantitatifs de ces efforts sont considérables. Les

effectifs de l'enseignement primaire sont passés de 891 553 en 1963 à

2 971 239 en 1977, avec un taux moyen de croissance de 9 Í° (10 fo entre

1967 et 1977).

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Le taux national de scolarisation, pour la tranche de 6 à 12 ans,

est de 85,6 rfo, les trois provinces Central, Eastern et Western étant

scolarisées à 100 % pour ce même niveau.

Le développement est encore plus fort dans le secondaire (durée

six ans) où les effectifs sont passés de 30 120 en 1963 à 319 982 en

1977 (rythme moyen de croissance annuelle de plus de 18 %).

En contraste, l'enseignement technique et professionnel a des

proportions beaucoup plus modestes. Quatre écoles techniques de garçons

ont accueilli en 1976 5821 élèves. Les Centres polytechniques ("Kenya"

et "Mombasa") ont, la même année, 257 élèves. A des niveaux différents,

des instituts de formation technologique, lancés dans le cadre du mou­

vement national Harambee ("aller ensemble en avant" - catalyseur d'un

esprit d'auto-organisation nationale dans le domaine de l'entreprise

et de la formation notamment) donnent des cours dans les domaines de la

plomberie, de la maçonnerie, de la menuiserie, de la mécanique automo­

bile, du travail de secrétariat. A ce circuit appartiennent les insti­

tuts de Kiambu, Murang'a et Kirinyaga, Kimathi, qui ont ouvert leurs

portes en 1976 et 1977. Il faut y ajouter les différentes écoles tech­

niques ouvertes par les grandes institutions spécialisées pour répondre

à leurs propres besoins : écoles des chemins de fer, des postes et télé­

communications, des communications de masse, des techniciens de l'énergie

électrique, des métiers de l'hôtellerie, etc.

Ce système d'éducation formelle de grande ampleur affronte des

problèmes difficiles d'adaptation aux besoins et aux réalités du pays.

En 1975, une commission officielle, présidée par le secrétaire général du

ministère de l'Education, était désignée par le gouvernement pour évaluer

les objectifs et les politiques d'éducation (National Committee on Educa­

tional Objectives and Policies" - NCEOP). Le rapport qu'elle remet en

décembre 1976 (6) aboutit à des conclusions alarmantes et formule des

(6) Republic of Kenya.- Report of the National Committee on Educational Objectives and Policies.- Nairobi, December 1976.

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propositions tendant à un profond changement d'orientation, notamment

pour "ouvrir les élèves aux problèmes pratiques rencontrés dans les

efforts de développement rural" (recommandation n° 39). Le rapport

constate que

"il est devenu profondément évident que l'éducation for­melle, comme elle est aujourd'hui, tend à aliéner les jeunes par rapport à leur contexte réel de la vie écono­mique et sociale et aux réalités de la construction na­tionale. On peut attribuer ceci aux attitudes de 'cols blancs' qu'on a formées en eux. Cependant les conditions économiques et sociales des communautés rurales forment le noyau essentiel de la société africaine. En fait, le sec­teur moderne représente un espace périphérique par rapport au système de production primaire et de valeurs sociales sur lequel repose le mode de subsistance de la majorité du peuple de ce pays. Actuellement, il existe peu de rap­port entre le système d'éducation formelle et les situa­tions réelles dans lesquelles vit et travaille la majo­rité du peuple." (7)

Ces analyses, qui mettent en valeur la marginalisation sociale

effective et paradoxale du secteur moderne, éclairent en profondeur les

problèmes de l'emploi et du chômage au Kenya en mettant l'accent sur

l'inadaptation de l'appareil éducatif resté très académique et cons­

truit sur des modèles extérieurs, orienté vers un schéma de développe­

ment moderne qui ne concerne pas la progression des communautés so­

ciales de base. Les élèves sortant du primaire n'ont aucune préparation

à l'emploi. Les élèves sortant du secondaire ont des éléments de prépa­

ration à un emploi urbain dans le secteur modernisé où les offres d'em­

ploi sont plus importantes, mais risquent la saturation devant l'afflux

des demandeurs.

H/ Education non formelle

L'éducation non académique a pour objectif de corriger les dis­

torsions ou les carences nées de l'inadaptation des systèmes formels par

rapport aux besoins de développement.

(7) Op. cit. p. 19.

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Au Kenya, on note une très grande richesse et diversité des

expériences extra-scolaires, avec un dynamisme important du secteur

non gouvernement alo Parmi les tentatives observées, celle des "villages

polytechnics" apparaît comme particulièrement significative (8). Elle

fut lancée à la fin des années 60 par le Conseil des Eglises avec l'aide

gouvernementale o Ces centres polytechniques villageois sont aujourd'hui

environ 250 et forment plus de 2 000 stagiaires dans 41 districts du

pays avec 1 200 instructeurs.

Les objectifs officiels sont les suivants :

"Un 'village polytechnic' est un centre de formation de coût peu élevé installé dans un milieu rural. Il a comme objectif de fournir les connaissances et les valeurs qui permettront aux élèves qui ont terminé l'école élémentaire de cette région de rechercher des possibilités de rémuné­ration là où ils demeurent et de contribuer au développe­ment rural en consolidant la force économique de leur communauté." (9)

Le centre se met en place dans un village, avec des maîtres-

instructeurs techniquement qualifiés, après inventaire -en principe-

des besoins exprimés par la communauté village qui établit des "relations

contractuelles" avec le centre à travers un "comité d'organisation".

A partir de ces besoins, et aussi en fonction de la qualification des

formateurs disponibles, le centre retient les thèmes qui serviront de

base à la formation. L'ajustement n'est pas aisé a. ce niveau entre les

besoins et les moyens et l'on observe souvent la prédominance de certains

cours de base, tels la menuiserie, la maçonnerie, la couture, qui ne ré­

pondent pas nécessairement a des possibilités d'emploi évidentes et ne

recouvrent pas nécessairement les besoins de développement les plus

marqués au sein de la communauté.

(8) Nous nous référons particulièrement à : FORD (Ë. J. C.).- The Village polytechnic programme in Kenya.- International Labour Review, July I975.- et : COURT (David).- Dilemmas of development : the village polytechnic movement as a shadow system of education in Kenya.- In COURT (Do), GHAI (D. P.).- Education, society and development.- Nai­robi, Oxford University Press, 1974.

(9) Ministry of Cooperation and Social Services.- How to start a village polytechnic.- Nairobi, 1971^— p. 4,

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D'autre part, il existe une pression certaine pour que les

cours soient sanctionnés par une homologation officielle, c'est-à-dire

que les élèves passent les examens techniques reconnus par l'Etat. La

conséquence est double : d'une part, on réintroduit certaines contraintes

des programmes de l'enseignement formel avec le risque de s'éloigner des

besoins et possibilités réels du milieu ; d'autre part, les jeunes "di­

plômés" ont tendance à revenir aux réflexes classiques des chercheurs

d'emploi urbain déterminas par les modèles modernes.

Un débat est en cours, dans l'hypothèse où se mettrait en place

la réforme de l'enseignement généralisant un enseignement de base de

9 ans, sur l'opportunité d'appliquer dans les deux dernières années le

schéma des centres polytechniques. Là aussi, le risque est d'augmenter

le poids des contraintes académiques dans un cursus unifié.

Quels que soient les difficultés et les problèmes, il est cer­

tain que les "Village polytechnics" ont eu des/effets positifs sur l'in­

sertion dans l'emploi et la vie sociale des jeunes sortant de l'ensei­

gnement primaire. La grande question que l'on peut poser est de savoir

comment coordonner ces efforts avec ceux des transformations de l'appa­

reil éducatif classique et aussi avec le Service national de la jeunesse

pour aboutir à une politique nationale intégrée par rapport à l'inser­

tion de la jeunesse dans l'effort de développement.

4/ Le Service national de la jeunesse

La décision de fonder au Kenya un Service national de la jeunesse

(National Youth Service) a été prise à la fin de 1963 au moment même de

l'accession à l'indépendance. L'appareil a été mis en place en avril 1964

et les premiers recrutement ont été effectués en août de cette même année.

On doit constater que, depuis cette époque, il y a eu relativement peu de

changement dans le système. On en analysera successivement les objectifs,

les structures, les méthodes et les résultats.

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A/ Les_ ob.jectifs

On peut se référer à trois niveaux de définition des objectifs.

a) Une déclaration du président Jomo Kenyatta :

"Les jeunes gens qui s'engagent dans le service consacre­ront deux années de leur vie à leur pays sans attente de récompense personnelle autre que de savoir que le travail qu'ils accomplissent constituera une contribution positive et tangible à l'avancement rapide du Kenya sur le plan éco­nomique, politique et social. Le Service national de la jeunesse est un défi. Ceux qui s'y joindront doivent se préparer à travailler durement et à accepter la discipline. Il n'y a pas de place dans le Service pour le tribalisme, l'esprit de chapelle ou l'antagonisme de race et ceux qui s'engagent doivent le faire dans un esprit de fraternité, déterminés à montrer que la jeunesse de toutes les régions du Kenya peut travailler et vivre ensemble dans l'amitié."

b) Le texte organisant le Service national de la jeunesse, paru

en 1965, donne la définition suivante de ses fonctions :

"Les fonctions du Service s'attacheront à la formation de jeunes citoyens pour servir la nation et réaliser l'emploi de ses membres dans des tâches d'importance nationale et par ailleurs au service de la nation."

c) La direction du NYS, à partir de là, définit cinq principes

précisant l'orientation et les objectifs (10) :

1. Le Service civique est partie prenante de l'appareil civil

de l'Etat et non une organisation politique. Dans ses débuts, il a no­

tamment contribué à intégrer à l'effort de construction nationale de

jeunes militants politiques (des partis KANU et KADU), mais cet aspect

est aujourd'hui dépassé et le Service n'opère aucune discrimination et

ne dispense aucun endoctrinement politique.

Toutefois, en cas de guerre ou de situation exception­

nelle, la loi prévoit que les jeunes du Service civil peuvent se joindre

aux forces armées.

(10) Voir : Republic of Kenya, Minitry of Labour1.- Kenya National Youth Service.- Nairobi.

et : GRIFFIN (G.W.).- The Kenya National Youth Service.- In Rural Africana, n° 30, Spring 1976.- African Studies Centre, Michigan University.

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2. Le Service est une organisation de travail prenant

en charge des projets ayant une réelle signification économique, mais

trop importants ou complexes pour être a la portée des gens dans le cadre

du développement communautaire ou du "self help". C'est à ce titre que

le Service est rattaché au ministère du Travail.

3. Bien que le Service n'appartienne pas à l'armée,

c'est un corps en uniforme, fonctionnant sur les bases de la discipline

militaire, ceci valant tant pour les garçons que pour les filles.

4. Le Service a comme objectif de donner une formation

à tous ses membres, tant de façon formelle que dans la pratique, de façon

à préparer leur intégration future à l'emploi. Il ne dispose que d'un

noyau de cadres salariés à plein temps et de personnel technique, ce qui

l'oblige à former les recrues pour qu'ils puissent remplir leur tâche.

5. Le Service donne une importance particulière à un

engagement dans les réalités du monde agricole, tant pour la prise en

charge d'exploitations que pour en tirer des bases de subsistance.

B/ L'organisation

Le quartier général, qui dépend du ministère du Travail, est

situé près de Nairobi.

Dans chaque région et sous-région sont établies des "unités" et

des "sous-unités" du Service. Le groupe de base intervenant dans un pro­

jet est la compagnie, d'un effectif de cent recrues.

L'encadrement global, qui comprend environ 560 personnes, est

très hiérarchisé : commandant, "senior training officers", "training offi­

cers", au niveau régional et sous-régional. La compagnie est commandée

par un "section commander" ou un "section officer". A l'échelon subalterne,

on trouve des "sergeants", "corporals" et "lance corporals".

Le NYS dispose de cinq fermes-écoles d'une superficie totale de

4 869 hectares. Il a établi un Centre de formation professionnelle à

Mombasa. Pour les jeunes filles, il a une école de secrétariat et une

école de couture.

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Le recrutement est décentralisé dans les districts et s'opère

en relation avec les autorités locales. Il se fait sur la base d'un

volontariat, pour des jeunes gens et des jeunes filles qui doivent pas­

ser des tests de santé et être célibataires. L'âge théorique est de 16

à 30 ans. En fait, on recrute essentiellement dans la pratique des

jeunes de 18 à 25 ans. La proportion de garçons par rapport aux filles

est de 10 à 1 .

Pendant leur temps de service, les jeunes touchent une alloca­

tion de 70 shillings par mois (dont 25 leur sont retenus pour constituer

un pécule qu'ils recevront à la sortie). Ils sont nourris, logés, ha­

billés par le Service.

Le niveau d'éducation, au départ, ne fait l'objet, en principe,

d'aucune exigence. Mais si, à l'origine, on notait un pourcentage signi­

ficatif d'analphabètes ou de jeunes ayant interrompu leur cycle pri­

maire, actuellement la tendance est différente. Le niveau d'éducation

au recrutement est sensiblement plus élevé.

Pour le recrutement de 1978, la structure est la suivante (sur

1 030 recrues) : 0,9 % d'analphabètes ; 6,6 % d'anciens élèves ayant

une partie du primaire ; 44,5 % ayant le certificat de fin de primaire ;

48 fo ayant effectué une partie du cycle secondaire.

c/ Le système de formation

Le temps de service dure en principe deux ans. Il peut être pro­

longé jusqu'à trois et quatre ans, selon les exigences de certaines fi­

lières de formation.

La structure du parcours de formation et de travail-formation

est la suivante :

1.- Période initiale ("basic training") - Dure dix semaines, à

Gilgil pour les garçons, à Naivasha pour les filles.

Il s'agit surtout d'intégrer les recrues dans le système

d'organisation et ses règles et de les faire se plier à la discipline

du service.

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2.-Iremière phase de mise au travail dans des projets ou dans

lâs fermes du Service ("Project or Farm Work"). Les jeunes sont répartis

par compagnies de cent. Durée : 6 à 9 mois (6 mois pour les filles).

3.- Période de repos, "filtrage", recyclage ("Centralized full

time education"). Trois mois. Orientation pour l'avenir à partir de

tests, interviews ; formation complémentaire : anglais, mathématiques,

etc.

4.- Distribution dans l'emploi. Une grande partie va dans des

projets où ils poursuivent leur formation pratique ("training in job") ;

quelques-uns feront de la formation ("professors in job") ; quelques-

uns seront "clercks" ou employés.

5.- Ensuite, ils se répartiront dans les filières de formation

spécialisées (mécaniciens auto, métallurgistes, électriciens, chauffeurs,

secrétaires, tailleurs, etc.)

D/ Les résultats

On peut les considérer sous deux aspects : pendant la durée du

service, au-delà du service.

a) Pendant_la_durée_du_serviçe

Si l'on prend comme référence l'année 1976, dont le bilan a

pu être fait, on peut dresser le tableau suivant des principales "unités" (11)

1. Nairobi Holding Unit - Rassemble, auprès du quartier gé­

néral et des ateliers et magasins centraux un certain nombre de filières

de formation ("Advanced Motor Vehicle Mechanic School, Secretariat School,

Driving School, Advanced Engineering Training School). Une sous-unité

mobile spéciale est rattachée à Nairobi qui est chargée, en relation avec

le ministère du Développement hydraulique, de construire des barrages dans

les zones arides. En 1976, cinq barrages ont été construits dans les dis­

tricts de Machakos et de Kitui.

(il) D'après le bilan officiel : Republic of Kenya, Ministry of Labour. Annual report 1976. (published in 1978).- pp. 67-69-

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2. Machakos-Kitui Road Construction Unit. En relation avec

le ministère des Travaux publics, cette unité, malgré de difficiles pro­

blèmes de machines et de transports, a mené à bien son travail de cons­

truction d'une route bitumée principale.

3 o Gilgil Training Unit. Cette unité est une importante base

de formation :

- 1 800 recrues sont passées par cette formation pendant

l'année pour leur entraînement de base ;

- Trois sessions d'éducation de trois mois chacune ont

concerné 750 participants, sélectionnant 300 pour une formation tech­

nique à l'unité de Mombasa.

- L'atelier de formation des tailleurs a produit 3 000

paires de pantalons et autant de chemises pour les recrues.

- La production et le stockage de vivres s'est poursuivie.

La sous-unité de Tumami a produit du blé, d= l'orge, du pyrèthre et des

légumes variés (pour une valeur totale de 144 680 shillings).

- Une sous-unité a procédé à la construction de routes de

mise en valeur dans les parties occidentales de la province de la Riflt

Valley.

4. Yatta Field Unit. Avec trois opérations : la plantation

de mûriers et l'élevage du ver-à-soie, la construction de la route Kitui-

Garissa, et la charge de grands troupeaux de bovins, de moutons et de

chèvres.

5. Mombasa Vocational^Unit. Il s'agit du principal centre de

formation professionnelle du Service. En 1976» 245 volontaires du Service

ont passé avec succès les épreuves de qualification "Grade m " dans les

métiers suivants : charpentiers, maçons, mécaniciens auto, ajusteurs,

électriciens, tourneurs, soudeurs, plombiers.

(En plus de ces chiffres, les qualifications obtenues à

travers les cours de Nairobi et les autres formations sur le terrain ont

donné 10 qualifications de grade I, 193 de grade IE et 349 de grade m ) .

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6. Turbo Field Unit. Cette unité s'est spécialisée dans la

production agricole et a constitué la principale source d'approvision­

nement en maïs du Service, Elle a élargi son champ d'activité à la for­

mation d'artisans ruraux, avec le concours de la Fondation allemande

Friedrich Ebert, et elle a réalisé la construction de ses propres ate­

liers.

7. Naivasha^WomenlsTraining Unit. Centre de formation des

recrues féminines dans des exploitations rurales associant l'agriculture

et l'élevage et, en particulier, la production laitière, l'élevage des

moutons, le maraîchage.

8. Bura Irrigation Construction Unit. L'unité en question

construit la route Bura-Garsen, dans une zone d'aménagement où elle doit

ensuite construire les canaux d'irrigation.

Tendances actuelles d'évolution du système

Les responsables consultés envisagent cette évolution en

1979 en mettant l'accent sur les points suivants :

. l'importance d'accroître la capacité d'accueil du Ser­

vice en portant le recrutement annuel général à 10 000 personnes (au

lieu de 1 000 à 2 000) ;

. augmenter en conséquence la capacité de formation pour

que les centres de formation puissent comporter environ 5 000 places ;

. étendre de façon massive la formation agricole dans les

fermes du Service (Tumami Harambee Farm, Turbo Agriculture Farm, Yatta

Agriculture Farm, Hindi Ranching Farm, Lambwe Valley) ;

. augmenter la capacité de production du système de façon

à obtenir une meilleure couverture de ses propres besoins ;

. dans le domaine de la formation, intensifier à la fois

le travail de formation sur le tas ("on the job") et améliorer le pro­

gramme de formation académique de façon à pouvoir généraliser l'accès

aux examens scolaires réguliers (en particulier au niveau "standard w).

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Se pose alors le problème de l'insertion économique et so­

ciale. Actuellement, sur des promotions dont l'effectif est situé

entre 1 000 et 2 000, on peut dire que le Service identifie environ

700 volontaires qui obtiennent des emplois à la sortie. Ainsi, le rap­

port officiel de 1976 donne la statistique suivante :

volontaires volontaires garçons filles

secteur privé 451 42

"services en uniforme" (recrutement d'emploi interne NYS) 122 6

services gouvernementaux 51 14

624 62

Au total : 686

Il n'y a pas d'étude permettant de savoir ce que deviennent les

autres « Ce qui est clair, c'est que la formation technique, pour ceux qui

vont au niveau moyen ou supérieur -c'est le cas des 700 évoqués- donne

une chance sérieuse de trouver un emploi dans le secteur moderne.

Des travaux importants ont été faits pour une évaluation glo­

bale en termes économiques, spécialement par M. E. Costa, du BIT, qui

s'est fondé sur l'étude de cas du Service national de la Jeunesse du

Kenya, notamment, pour élaborer et illustrer une méthodologie. Nous ren­

voyons à ces travaux pour le détail des opérations (12).

L'analyse ainsi évoquée, effectuée en 1972, conclut au fait que

le bénéfice par recrue, comprenant la valeur de production de biens et

services, de la formation professionnelle et des projets de travaux réa­

lisés, se monte à 5 780 shillings kenyan (809,19 US $ de l'époque), ce­

pendant que les coûts atteignent 4 824 K. Sh. (675,36 $) dont 2 748 K Sh.

(121) International Labour Office.- Youth Training and Employment Schemes in Developing Countries. A suggested cost-benefit analysis.-Geneva, 1972.- pp. 57-76.

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d'origine kenyane (384,72 $) et 2 076 K.Sh. d'aide extérieure (290,64 $).

Le rapport coût/bénéfice ainsi calculé est de 1,198 si l'on tient compte

de l'aide extérieure ou 2,103 si l'on n'en tient pas compte, en valeur

positive.

Ciuel9.ues_conc.lus ions „provisoires

Les questions que l'on peut voir apparaître, par-delà le rassem­

blement de ces données, se rattachent à une série de réflexions déjà

écnoncées ou amorcées dans la/mission d'étude de l'emploi au Kenya en 1972

et que nous avons évoquées plus haut.

o Le système actuel est essentiellement orienté vers le secteur

moderne et ne concerne pas , ou concerne peu, l'insertion dans l'emploi

rural non salarié ("self employment') qui se rapporte à la part majoritaire

de la société kenyane actuelle. A ce titre, le WYS est en cohérence avec

la politique éducative.

. Dans le même sens, la formation donnée, dans sa forme et son

contenu, se rapporte aux modèles des développements techniques extravertis,

mais les chances d'accès à l'emploi sont plus grandes qu'au sortir des

filières d'éducation académique. On observe donc l'évolution du système qui

tend à faire du NYS un prolongement du cursus scolaire, avec élévation du

niveau d'éducation à l'entrée.

. Le système, avec des aides étrangères relativement importantes,

appartient à la catégorie des "services civiques lourds", ce qui limite

les capacités d'extension, le recrutement annuel se situant de 1 000 à

2 000 (24 847 jeunes au total sont passés par le Service entre 1964 et

I977). Ces chiffres sont à rapprocher des statistiques de la classe d'âge.

Ainsi, la cohorte sortant du primaire en 1977 ("standard 7") est de

236 925, dont les 3/5 au minimum seraient à la recherche d'un emploi.

Il est difficile d'envisager, dans les normes admises, une géné­

ralisation et les objectifs d'extension à 10 000 ne sont pas eux-mêmes

sans poser problèmes (13).

(13) M. Griffin, directeur du NYS, écrit dans l'article de Rural Africana déjà cité : "Nous sommes fiers de notre Service, et notre seul re­gret est que les contraintes financières touchant notre dimension

(fin de la note p. suivante)

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„ Si l'orientation vers l'agriculture est l'un des principes

constants mis en évidence dès l'origine, il semble que l'articulation

avec le monde rural tel qu'il existe ait été très mince. C'est probable­

ment à ce défi que devra répondre la politique kenyane de développement

d'une façon plus large pour faire face aux distorsions observées dans

les problèmes de l'emploi et de l'intégration économique et sociale de

la jeunesse.

(fin de la note I3) aient pour résultat que nous ne puissions accepter qu'un effectif correspondant à un sur cinquante des jeunes gens et des jeunes filles qui souhaitent nous rejoindre." (p. 29)

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Le Service civique de Côte d'Ivoire et l'insertion économique et sociale des jeunes

1/ La structure démographique ivoirienne et la place de la jeunesse

La population globale de la Côte d'Ivoire doit croître, selon

les études officielles, de 4,27 % par an (croît naturel et immigration,

avec une forte proportion de migrants étrangers, à dominante voltaïque

et malienne).

Sexe \ Année

Masculin

Féminin

TOTAL

dont : non Ivoiriens

1975

3 474 750

3 234 850

6 709 600

1 506 020

1980

4 304 574

3 884 970

8 189 544

2 218 651

1985

5 361 086

4 731 649

10 092 735

3 175 585

1990

6 735 603

5 832 409

12 568 012

4 512 515

(Source : Ministère de l'Economie, des Finances et du Plan) (ï)

On note une croissance très rapide de la population urbaine qui

doit passer de 2 146 292 en 1975 à 3 106 462 en 1980, 4 256 424 en 1985 et

5 663 173 en I99O, soit un taux d'accroissement annuel de 10,8 % sur

15 ans.

La population rurale, qui était de 4 563 307 en 1975, doit

atteindre 5 083 082 en 1980, 5 836 312 en 1985, 6 904 839 en 1990, avec

un taux d'accroissement annuel de 3,5 Í° . Elle représentait en 1975,

68 fo de la population globale, pour atteindre 55 Í° en 1990.

(ï) Côte d'Ivoire (Rép. de). Ministère de l'Economie, des Finances et du Plan. Abidjan.- "Projections de population". Document 01. Direction de la Statistique. Septembre 1978.

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Par classes d'âges : La population âgée de 0 à 19 ans repré­

sente 53 % de la population en 1975 et approchera 57 f> en 1990, l'accrois­

sement moyen annuel étant de 4 à 4 \ fo.

La proportion est plus forte actuellement en milieu urbain qu'en

milieu rural, mais va s'inverser à long terme : 54,2 fo en 1975 et 56,5 %

en 1990, contre 52,6 fo en 1975 et 57,7 en 1990.

Cette situation dynamique fait apparaître une grande réserve de

force de travail jeune qui s'accroîtra proportionnellement dans les 15

années à venir.

Du point de vue de l'enseignement et de la formation, les effec­

tifs scolarisatiles de jeunes de 5 à 14 ans passeront de 1,6 million

en 1975 à environ 3,5 millions en 1990, soit plus qu'un doublement en

15 ans .

2/ L'économie et l'emploi. Situation et perspectives

L'économie

Le taux moyen annuel de croissance 1960-1970 a été de 8 % en

volume, avec un taux d'investissement supérieur à 20 fo par an en moyenne,

capitaux publics et privés.

La dominante de l'économie reste fortement agricole, avec une

étroite liaison production agricole/industrie et services.

Politique de développement extravertie, très ouverte sur le mar­

ché international, comprenant une proportion considérable de main d'oeuvre

étrangère africaine non qualifiée (notamment voltaïque) et de main d'oeuvre

qualifiée d'origine européenne.

Depuis I972, ralentissement de la croissance économique : la pro­

gression de la production intérieure brute passe à 5,5 Í° de moyenne jus­

qu'en 1975. Nouvelle croissance forte en 1976-77 due à la hausse des

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cours du café et du cacao ; mais baisse à nouveau en 1977-78, soulignant

la vulnérabilité du système.

La structure de la production économique (2)

Secteur primaire

Agriculture, élevage, forêts et pêche

Secteur secondaire

dont : . Industries . Bâtiments et trav. publics

Secteur tertiaire

Transports, ser­vices, commerce, droits et taxes à l'importation

1965

39,67 %

18,97 %

12,99

5,98

41,35 i

100

1970

29,92 i

23,61 io

16,26

7,41

46,41,$

100

1974

28,82 i

23,49 i

17,77

5,72

47,69 %

100

1977

26,1 i

26,6 i

16,5

10,1

47,3 i

100

La production industrielle doit croître jusqu'à 20 i en 1980

et 25 % en 1985, atteignant alors le niveau du secteur primaire, mais

avec une très forte concentration à Abidjan. Dans l'agriculture ivoi­

rienne, les cultures industrielles représentent 49 Í en valeur en 1975

(prévision : 53 $ en 1985). On observe une commercialisation accrue des

produits vivriers, une intensification des méthodes de culture et une

progression lente du revenu moyen monétaire (3)

{2) Source : Ministère du Plan. La Côte d'Ivoire en chiffres (éd. 1977-78). Abidjan. D.G. P/SCE. Comptes provisoires 1977

(3) Sources : Ministère de l'Economie, des Finances et du Plan. D.G.P. Esquisse de schéma national de planification à long terme. Scénario tendanciel. Secteur agricole. Par J. DELAUME. Avril 1978.

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Situation et perspectives de l'emploi

a) iEmp_lo_i_urba.in_

En 1975, on compte 274 000 emplois, dont 204 000 dans le ter­

tiaire et 55 000 dans l'industrie. Le secteur artisanal est évalué à

245 400.

« L'emploi urbain est concentré à Abidjan ( 50 fo des emplois

industriels).

. Le taux de croissance des emplois urbains est inférieur au

taux de croissance de la population urbaine.

. L'emploi traditionnel et artisanal (secteur informel) reste

compétitif dans une certaine gamme de production de biens et services,

ce qui lui permet de faire jeu égal avec l'emploi urbain moderne.

. Le chômage croît sensiblement, atteignant particulière­

ment les jeunes déscolarisés à la recherche d'un premier emploi. Mais

il est vécu socialement dans le contexte d'une forte solidarité fami­

liale élargie ("partage des emplois"), les sans-emploi ayant recours à

la solidarité de leurs parents ayant un emploi.

b) E,mp_l_o_i_rura_l

Deux catégories :

- Emploi non salarié dans des exploitations familiales de petite et

moyenne dimensions.

- Emploi salarié réparti entre grandes entreprises agro-industrielles

d'Etat (24 000 salariés), grandes exploitations capitalistes privées

(25 000 salariés) et main d'oeuvre salariée de l'agriculture tradi­

tionnelle de plantation du Sud (18 000 salariés permanents et des

salariés temporaires pour l'équivalent de 140 000 emplois permanents)

On doit noter le risque de déficit de la force de travail né­

cessaire pour maintenir le niveau de la production agricole du fait de

l'exode rural massif des jeunes et de la faible rémunération du travail

agricole, compte tenu des prix aux producteurs.

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Les difficultés des planteurs villageois pour trouver de la

main d'oeuvre (surtout des migrants étrangers) conduit à l'extension

du métayage avec partage par moitié de la récolte. Pour la même raison,

au niveau villageois, recrudescence importante des groupements d'entr'

aide à vocation coopérative (GVC) vendant leur travail aux chefs d'ex­

ploitation.

L'emploi en milieu rural pourrait à nouveau croître aux condi­

tions suivantes :

. politique des prix agricoles revalorisant les revenus des

ruraux ;

. politique d'aménagement régional tendant à développer les

infrastructures des villes secondaires et des villages-

centres ;

. politique générale d'éducation et formation revalorisant les

modèles sociaux culturels ruraux et touchant notamment les

jeunes.

3/ Situation de l'éducation formelle et non formelle

A) L'éducation formelle

a) Ens_eii_gn_einen.t_pri ad1re_ Sjîconjlaire,

Le taux moyen national de scolarisation est de 57 fo en 1976

et doit atteindre 80 % en I98O. Les effectifs totaux de l'enseignement

primaire (public et privé) doivent passer de 723 700 en 1976 à 973 000

en 1980 (dont bénéficiant de l'enseignement télévisuel : 322 770 en

1976 et 7 H 000 en I98O).

Le secondaire 1er cycle (de la 6e à la 3e) doivent passer de

100 350 (dont 30 210 du secteur privé) en 1976-77 à HI 720 (dont

41 345 du secteur privé) en 1979-80.

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Le taux d'accès au secondaire, calculé à partir d'une cohorte

allant du cours préparatoire (CP1) au passage en 6e, compte tenu des

redoublements, est de 45 Í°~

Ainsi, chaque année, 40 000 jeunes ivoiriens d'environ 12 à

15 ans sont exclus du système scolaire en cours moyen 2e année (CM2)

et près de 60 000 sont maintenus dans des classes spéciales de redou­

blants .

La généralisation rapide du primaire avec forte sélectivité à

la sortie accroît les abandons en fin de CM2 avec abaissement de l'âge

des sortants (le télévisuel n'admettant pas les redoublements).

L'enseignement primaire reste sans débouchés pour la majorité

des jeunes n'accédant pas au secondaire. Ils n'ont pas de facilités

d'insertion dans la vie active à cause du rejet que suscite l'école

coupée du milieu rural. Il n'existe pas de structure d'accueil de tran­

sition immédiate. Les inégalités régionales restent fortes.

La loi du 16 août 1977 prévoit une réforme profonde, avec créa­

tion d'un enseignement de base de "neuf années précédées d'une année de

préscolarité dite école maternelle..." (art. 13) (4)

b) n^edLg^emen_t_t^chjii_que_e_t _p_r£_f_es_s_i_p_nriel_

Il est donné dans le secteur public et dans le secteur privé.

. Dans le secteur public - Tableau des effectifs 1977-78 :

- Enseignement technique (lycées techniques, collèges

et assimilés) 5 108

- Centres de formation professionnelle et artisanale 1 377

- Institut national de perfectionnement permanent 1 328

- Etablissements conventionnés donnant des brevets et CAP 2 272

- Enseignement technique supérieur 311

(4) Voir : Rapport UNESCO 1977. EPM/84• Rapport n° 15 : "Education, déve­loppement et réforme".

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. Dans le secteur privé :

- Enseignement privé commercial 12 014

(dont 9 943 à Abidjan)

- Enseignement privé technique non commercial 1 924

- Enseignement privé féminin (couture et ménage) 261

On note donc une forte prééminence de l'enseignement technique

privé due surtout au développement très considérable des branches commer­

ciales .

S) L'éducation non formelle et la formation des .jeunes

On distingue trois grandes filières :

a) Les activités de la Direction de l'éducation extra-scolaire.

Objectif initial : rentabiliser l'outil télévisuel au-delà du scolaire

par des émissions éducatives destinées aux adultes. Ensuite, création,

en 1978, de 30 centres d'éducation extra-scolaire s'adressant aux

jeunes de 14 à 18 ans, essentiellement anciens scolarisés, pour les

initier au travail pratique.

b) Activités sous tutelle du Ministère de l'Agriculture.

. Installation de jeunes sur des blocs culturaux aménagés

après une formation de six mois menée par les sociétés de développement

(SODEPALM, SATMACl). Opérations à dominante de production concernant un

nombre restreint de jeunes.

. Actions de la Division jeunesse de l'Office national de

promotion rurale (ONPR) :

- L'opération "Corps des volontaires du développement" (OVO)

s'adresse à des jeunes du milieu urbain déscolarisés, de 20 à 25 ans,

ayant quitté l'école après deux ans de second cycle. Formés pendant six

mois dans deux centres spécialisés, ils sont installés sur des périmètres

rizicoles aménagés par la SODEPALM qui assure l'encadrement technique

mais pas d'infrastructure d'accueil. Les jeunes, dès qu'ils ont gagné

un peu d'argent, repartent vers la ville. L'ONPR a repris l'opération

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en accentuant les aspects organisation (groupements à vocation coopé­

rative), avec épargne obligatoire pour un fond d'équipement.

- L'opération "promo village" est expérimentée dans le

Nord, en pays sénoufo (Boundiali). Elle vise au maintien des jeunes en

milieu rural, prend appui sur les associations traditionnelles/aes jeunes

existant dans les villages et les orientant vers des activités productives

(après négociation avec les aînés pour que les associations de jeunes

disposent de deux jours de travail par semaine). La production coton-

riz en assolement sur deux hectares donne des revenus partagés pour

moitié au village pour des équipements collectifs et pour moitié aux

jeunes. Cette action, récente, encadrée par des équipes mobiles, a tou­

ché, la première année, 80 associations de jeunes. Il est trop tôt pour

en faire l'évaluation, notamment en termes économiques.

c) Les activités de la Direction de la jeunesse.

Elles ne sont pas orientées directement vers les problèmes

d'insertion des jeunes dans la vie active, mais la Direction se pré­

occupe vivement de la masse croissante des jeunes analphabètes ou dé­

scolarisés sans emploi. Elle gère une centaine de centres d'alphabéti­

sation.

4/ Le service civique

A/ Historique et organigramme actuel

a) Créé en 1962, en même temps que l'armée nationale selon le

modèle israélien : service civique national intégré dans l'organisation

militaire et composante du service militaire obligatoire. Première

année : formation militaire ; deuxième année : formation au "métier

d'agriculteur".

Objectifs :

. Contribuer à intensifier et mécaniser l'agriculture et lancer

de nouvelles cultures.

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. Fournir aux sociétés de développement agricole un apport de

main d'oeuvre important.

Le modèle visé est la production agricole dans de grandes ex­

ploitations avec équipements lourds tendant à démontrer les possibilités

d'une agriculture moderne compétitive sur le marché national et inter­

national.

Mais le Service civique ne prenait pas en charge l'avenir des

jeunes qui se retrouvaient au bout de deux ans sans avoir les moyens de

s'insérer dans le monde rural.

b) A partir de 1964, le Service civique est institué en Direc­

tion nationale autonome au sein du Ministère de la Défense.

Sur les 30 000 jeunes soumis, à l'époque, à l'obligation

militaire, l'armée ne pouvait en accueillir que 2 000.

Les nouvelles orientations étaient les suivantes :

. Recruter pour le service civique les jeunes analphabètes

issus du milieu rural essentiellement.

. Donner une formation de trois ans. „ Les former à devenir des agriculteurs modernes.

. Favoriser leur installation dans le milieu rural.

Ces orientations sont demeurées valables jusqu'en 1979»

L'organigramme (voir schéma) met en valeur les deux fonctions

du système :

- Développement rural : agriculture et petit élevage

- Formation de.s_ £adres_du S_ervice_ £iviç|.ue_, à la fois péda­

gogique et technique, pour qu'ils puissent assurer la formation et l'en­

cadrement des jeunes recrutés dans les villages.

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Organigramme actuel du Service civique (1979)

Direction générale du Service civique

f Direction du développement

rural

Bataillon du Génie

Direction de la formation et des stages

Direction des affaires

administratives

Service de Santé

Ecole des cadres de

Bouaké

Ecole du Service ciyil

féminin

Dir. région. de Korogho

Dir. région, de Bouaké

CAIGR Compagnie autonome

d'intervent ion du Génie

Camp de la Jeunesse rurale

• •>

CJR

Dir. région. d'Abengourou

CAIGR

CJR

Dir. région, de Yamassoukro

CAIGR

CJR

CAIGR

CJR

CJR CJR . CJR

CJR CJR CJR CJR

CJR CJR CJR CJR

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B/ Fonctionnement et programme du Service civique

a ) Ije_rjcj?ut_enien_t

Les jeunes en âge de faire leur service national, dans la

limite de la capacité d'accueil, sont répartis en trois classes. La

classe A fait son service militaire dans l'armée régulière. Les classes

B et C font leur service civique.

° L§_£ia:§Ëë_l est constituée de volontaires pour le Service

civique ayant un niveau scolaire minimum de fin de cycle primaire. La

plupart sont urbains.

Ils sont divisés en deux groupes :

- B 1 : issus d'une formation allant jusqu'à la fin du premier

cycle secondaire

- B 2 : issus d'une formation allant du second cycle secondaire

jusqu'à l'enseignement supérieur.

Ils suivent une formation accélérée en neuf mois à l'Ecole des

cadres du Service civique.

B 1 reçoit une formation technique et pratique pour les tâches

spécialisées du Service civique (topographes, tractoristes, menuisiers,

maçons, ferronniers). Ensuite, ils sont affectés dans les unités du ba­

taillon du génie rural.

B 2 suit une formation en pédagogie et techniques d'agriculture

et d'élevage. Ensuite, ils sont affectés comme moniteurs (agriculture,

aviculture ou alphabétisation) dans les camps de jeunesse rurale accueil­

lant les recrues du village.

2. L§_classe_Ç est constituée par des jeunes gens de 16 à

25 ans recrutés dans des groupes de villages proches des camps de jeunesse

rurale à partir d'une campagne d'information appuyée par les autorités

politiques et administratives.

Les conditions sont d'envoyer au moins dix jeunes par village et

de céder trois hectares de terre par jeune, soit 30 hectares d'un seul

tenant. En contrepartie, les jeunes seront entretenus par le Service

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civique : tenue militaire, indemnité mensuelle et nourriture. On compte

en moyenne un recrutement annuel de 70 jeunes par camp.

b) _La_fo_rma_ti_o_n_de_s_je_unes_ au_camj) de_j_eune_s_se_ jrurale et l'installation dans les villages

Ils sont recrutés pour trois ans. La première année est

1'année_de_formation. Cette formation, en neuf mois, au CJR, comprend :

. des cours d'alphabétisation orientés vers la maîtrise du langage parlé,

en français ;

. des cours d'instruction civique (morale, "unité nationale") et quelques no­

tions d'hygiène et de santé ;

. une formation aux "techniques agricoles modernes" tout au long du cycle

agricole, sur les terres du CJR.

Dès la fin de la première année, les jeunes retournent dans leur

village d'origine où ils vont passer deux ans sous la tutelle du service

civique, qui a pris en charge toutes les opérations d'aménagement des

terres (défrichage et labours par les équipements de la Compagnie auto­

nome d'intervention du génie rural). Chaque parcelle de 3 ha est sous la

responsabilité d'un jeune avec l'appui des moniteurs du CJR et de l'en­

cadrement technique des sociétés de développement de la zone.

Pendant cette période, les jeunes reçoivent l'indemnité men­

suelle et les frais de nourriture.

Les produits de la récolte sont vendus par le "bureau de commer­

cialisation" du service civique qui attribue individuellement à chaque

jeune le montant correspondant à sa parcelle, déduction faite des avances

consenties (semences, engrais, etc.). Chacun a la libre disposition de

ce qu'il touche.

En fin de troisième année, le jeune est "libéré" du Service ci­

vique et est censé poursuivre l'exploitation de sa parcelle par ses propres

moyens.

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c/ Evaluation et problèmes

Il s'agit davantage d'une approche des problèmes que pose le

Service civique que d'une évaluation précise. On peut recenser ainsi

les questions que se posent, dans cinq domaines, les responsables de

1'institution.

a) ues_tions_ ]?eLatijve£!. a_u_re_cruj enient

La progression de la scolarisation étend le champ de recru­

tement des jeunes ayant suivi tout le cycle primaire. Ceci suppose une

évolution, et une élévation, du niveau de formation dans les camps de

jeunesse rurale. D'autre part, du fait de l'abaissement de l'âge des

jeunes sortant du primaire, l'âge de recrutement au service a été ramené

de 18 à 16 ans. Mais ce rajeunissement rend plus difficile leur réinser­

tion au village comme chef d'exploitation pour des problèmes de respon­

sabilité et de statut social. De plus, la dévolution des parcelles en

propriété individuelle aux jeunes pose des problèmes par rapport au

système foncier villageois.

b ) ue_sjt_i_ons_ _r e_lati ves. aux _obj_eç_t jLfj3 .e t_moy.ens. dLe_f£rma;t ion

Le modèle d'agriculture à fort coefficient de moyens tech­

niques et centré sur l'exploitation individuelle risque de poser de

sérieux problèmes pour s'articuler avec l'agriculture villageoise qui

travaille avec des moyens plus modestes et dans un système où la tra­

dition communautaire persiste. De plus, la quasi-spécialisation sur les

cultures de rente, au détriment des cultures vivrières, établit des con­

tradictions supplémentaires. On peut donc se demander si la formation

n'est pas inadaptée, et à quel prix elle deviendrait adaptable.

c) uj3Sjñ..ons_ jre_la_tiv;es_ _à _l'_in ta.l_lajti n_de_s_je_un_e çLans_le_ vi_llage_

Les terres ont été préparées entièrement par le Service ci­

vique et le relais qui devait être pris pour l'utilisation des engins

mécaniques par Motoragri ne l'a pas été. Les jeunes trouvent le retour

au travail manuel trop difficile et abandonnent l'exploitation«

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D'autre part, le statut des jeunes pendant le Service les coupe

du milieu familial et des autres jeunes de leur classe d'âge. Leur re­

venu monétaire, que la pratique familiale tend à réintégrer dans le

budget de la communauté, les incite à partir en ville où ils recher­

cheront un emploi salarié „

d) (£ue_st_ions_ r_el_a_tiv;ej3 aux r_é_sul_tats_ et_coûts de_la_ jf ormule_ _du_S rv_i_ce_ci_vJLq_ue

Les effectifs touchés par le Service civique annuellement

sont de l'ordre de 250 pour la classe B et 1 100 pour la classe C.

Où vont-ils ensuite ?

Dans la classe B, une minorité qui en fait la demande et est

jugée apte est embauchée par le Service civique comme personnel per­

manent . La plupart des autres vont rechercher un emploi salarié. Les

conducteurs d'engin et les tractoristes sont ceux qui en trouvent le

plus facilement.

Pour la classe C, la direction du Service civique estime que

les résultats sont inégaux selon les régions. Au nord, en pays Sénoufo

où les traditions agricoles sont très fortes, 60 fo environ des jeunes

resteraient dans les exploitations agricoles, mais dans la mesure où

le Service civique poursuit son assistance. Dans la savane du Centre,

les résultats seraient moins bons. Dans la forêt du Sud, les exploita­

tions mises en culture a l'occasion de l'installation des jeunes par

le Service civique ne sont généralement pas abandonnées car il s'agit

de cultures perennes (café, cacao) ; mais elles sont entretenues soit

directement par les jeunes soit selon une formule de métayage sans que

le jeune s'installe sur place.

Le problème des coûts financiers du système ne peut faire l'objet

d'une analyse précise du fait de son rattachement à la Défense nationale.

On notera seulement qu'il s'agit d'un encadrement lourd (environ 300 per­

manents, sans compter les moniteurs issus de l'école de cadres), doté

de moyens techniques lourds.

Dans une évaluation coûts/avantages du Service civique, il fau­

drait prendre en compte d'autres activités du Service civique qui ne

touchent pas directement la formation de la jeunesse ; en particulier

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les travaux d'infrastructure effectués par les unités de génie du ser­

vice civique : construction de pistes pour désenclaver les zones de

culture, de petits barrages de retenue pour l'irrigation, d'infrastruc­

tures villageoises et autres travaux divers...

e) L_es_ £U£Sti_ons_ d_'a:rjti_çulait_i_on_en.tr_e_la _for_mul_e áp._serv±çe ^ivlçLue. .e_t_la jDol_it.ique_ n_aj ionale_ dV£ducat_ipn_ .et_de_ _for_niat_ioii jie_la_ _j_eune_s_s_e_en. .vue. e_s_on_in.si§_r i_o_n_danis_ l_a_vi e_a_c.ti.ve_

L'impact du service civique comme filière de formation reste

très réduit si on le rapporte aux statistiques de la population rurale

ivoirienne de sexe masculin qui représente :

„ 1975 : classe d'âge 15-19 ans : 163 267

20-24 ans : 138 391

. 1980 : Classe d'âge 15-19 ans : 175 642

20-24 ans : 119 384

La proportion des jeunes touchés est de moins d'un pour cent.

D'autre part, le contenu de la formation n'est pas direc­

tement raccordé aux éléments qui ressortent d'une politique de forma­

tion planifiée répondant aux besoins de main d'oeuvre qualifiée de

l'économie ivoirienne.

Enfin, le Service civique n'est pas partie prenante d'un

système de coordination d'ensemble des actions de formation touchant

les jeunes ruraux.

Tous ces problèmes n'ont pas échappé à la direction du Ser­

vice civique qui est soucieuse de leur trouver des solutions en confor­

mité avec la politique nationale.

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Le Service civique national de participation au développement et la problématique d'éducation et d'emploi au Cameroun

1/ La situation démographique et son évolution

Au recensement d'avril 1976, la République unie du Cameroun

compte 7 663 246 habitants. La densité moyenne est de 16,5 hab/km2,

mais elle varie sensiblement selon les provinces : 74,5 hab/km2 dans

la province de l'Ouest, 3,4 hab/km2 dans la province de l'Est. La

population rurale représente 71,5 Í° de la population totale. Deux

villes ont plus de 300 000 hab. (Douala : 458 426, et Yaounde :

313 706) ; quatre villes ont entre 50 000 et 100 000 habitants et

onze villes entre 20 000 et 50 000 habitants. La population came­

rounaise est très jeune : 43,4 $ ont moins de 15 ans. La population

d'âge scolaire (6-14 ans) représente 23,1 Í° du total. La pyramide des

âges du secteur rural laisse apparaître un important déficit du sexe

masculin de 15 à 54 ans, conséquence de l'exode rural qui affecte prin­

cipalement les hommes.

L'évolution démographique se caractérise par un taux de crois­

sance moyen de l'ordre de 2,3 à 2,5 % par an, un mouvement migratoire

continu en direction des villes qui concerne majoritairement les hommes

jeunes et adultes : la population urbaine est estimée à 20 fo de la po­

pulation totale en 1970 ; en 1979, elle représente plus de 30 % de la

population totale. Enfin, une population où la part des jeunes à la

recherche d'un premier emploi va encore s'accroître dans les années à

venir : cette dernière caractéristique pose le double problème de la

formation des jeunes en vue de leur insertion dans la vie active, et

celui de la capacité du système économique et social à offrir des em­

plois en nombre suffisant répondant aux besoins et aux nouvelles aspi­

rations des générations montantes.

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2/ L'économie et l'emploi

L'économie camerounaise connaît une croissance soutenue au'

cours des dix dernières années. Le produit intérieur brut, en francs

courants, est multiplié par 3 entre 1969-70 et 1977-78. Le secteur pri­

maire (agriculture, chasse et sylviculture) y occupe une place prépon­

dérante, avec 32,5 Í° du PIB en 1977-78 et 79,4 % de la population ac­

tive.

L'importance de l'agriculture pour l'économie camerounaise

apparaît davantage lorsqu'on sait que le café et le cacao représentent

plus de la moitié de la valeur des exportations : 57 Í° en 1975-76 et

58,8 % en 1976-77. La production agricole reste très majoritairement

le fait d'exploitations familiales de petite taille (moins de 2 hec­

tares cultivés en moyenne) combinant la production vivrière et la pro­

duction d'un produit d'exportation (coton au Nord, cacao au Sud, café

et banane à l'Ouest). La valeur commerciale des productions paysannes

pour l'exportation atteint 90 Í° de la valeur commerciale totale, les

10 io restant provenant des grandes exploitations agricoles de type

capitaliste, avec un fort niveau de capitalisation par hectare et un

faible coefficient de main d'oeuvre salariée.

En matière d'emploi, le recensement de 1976 fait apparaître

que 79,4 % de la population active se/trouve dans la production agri­

cole et branches annexes, tandis que 6,7 % travaillent dans le secteur

secondaire (industries, bâtiments et travaux publics) et 13,9 % dans

le secteur tertiaire (transports, communications, commerce, banques,

services...).

Les emplois salariés pour l'ensemble de l'économie camerounaise

s'accroissent à un taux moyen annuel d'environ 6 % entre 1970 et 1975,

passant de 177 HO salariés en 1970-71 à 230 150 en 1975-76, dont, pour

la dernière année, 67 % concernent le secteur privé et 33 % le secteur

public. La croissance des emplois salariés est inférieure à celle de la

population urbaine (12 tfo par an entre 1970 et 1976), d'où une augmenta­

tion importante du taux de chômage urbain qui passe de 4,6 % en 1964 à

12,2 % en 1976. Les jeunes de moins de 25 ans vivant dans les centres

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urbains sont les principales victimes du chômage ; ils représentent les

deux-tiers de la population active sans emploi. Les emplois salariés dans

les secteurs modernes de l'économie représentent une petite minorité de

l'emploi. Le secteur non structuré reste celui qui rassemble la grande

majorité des emplois ; il semble connaître une certaine croissance en

milieu urbain. Une étude approfondie réalisée à Yaounde avec l'appui

du BIT est en cours de dépouillement et apportera de précieuses indica­

tions quantitatives et qualitatives sur l'emploi en secteur non struc­

turé ; les résultats sont attendus pour fin août 1979• Il sera important

de porter une attention particulière aux filières d'apprentissage exis­

tant dans le secteur informel, filières diverses selon les branches

d'activité, dont on devrait tirer des enseignements pour une politique

de formation des jeunes en vue de leur insertion dans la vie active.

3/ Situation de l'éducation formelle et non formelle

Le système scolaire est au centre du dispositif éducatif par

son importance quantitative (sur trois enfants de six a. quatorze ans,

deux sont dans une école primaire, ce qui représente 1 222 900 élèves

en 1976) et sa fonction sociale dans l'évolution actuelle : le système

scolaire reste, malgré de sérieux efforts d'innovation, proche du mo­

dèle européen conçu par et pour le milieu urbain, et c'est sur ce

modèle que le Cameroun a développé une politique d'enseignement de

masse à partir des années 1958-60.

La croissance des effectifs a été très rapide dans tous les

niveaux d'enseignement. Pour l'enseignement primaire, on passe de

678 667 élèves en 1964-65 à 1 202 839 en 1977-78. Pour l'enseignement

secondaire général de 25 599 à 134 968 entre les mêmes années. Pour le

secondaire technique les effectifs passent de 8 662 en 1965-66 à

39 910 en 1977-78. Dans l'enseignement supérieur, de 1664 étudiants

en 1966-67, le nombre d'étudiants devient 8 807 en 1976-77.

Mais le développement rapide de la scolarisation restant sans

impact sur les adultes, un dispositif parallèle d'interventions édu­

catives fut mis en place pour encadrer les adultes, en particulier les

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ruraux, en vue de leur faire adopter des pratiques techniques produc-

tivistes, notamment pour les cultures d'exportation. Dès 1962 est créé

un service de l'animation rurale rattaché à la Direction du Plan. Mais

son action s'est concentrée essentiellement sur l'exercice d'une fonc­

tion de contrôle au détriment d'une politique d'animation du développe­

ment. Plus conséquentes ont été les actions directes d'encadrement agri­

cole menées directement par les différents services techniques comme

ceux du "secteur de modernisation agricole" et plus encore par les so­

ciétés d'économie mixte chargées de promouvoir la croissance des cul­

tures d'exportation (cacao, café, bananes, palmistes, hévéas, coton, etc.).

Parallèlement, l'éducation politique des adultes et de la jeunesse,

menée par le Parti unique de l'Union nationale camerounaise, visait à

faire passer l'identité nationale avant l'identité villageoise et eth­

nique .

Cependant, ces diverses interventions éducatives non formelles

laissaient hors de leur champ le développement autonome d'un système

scolaire qui suscitait une remise en question dès les années 1965-70.

Son coût très élevé, la faiblesse de son rendement interne, et les

difficultés d'insertion dans la vie active d'une masse croissante de

scolarisés en constituaient les principales manifestations. Les struc­

tures de l'économie nationale et le marché de l'emploi dans les sec­

teurs secondaire et tertiaire ne peuvent absorber le flux des scola­

risés ou semi-scolarisés quittant les campagnes à la recherche d'un

autre modèle de vie proposé par l'idéologie de l'éducation scolaire.

Dès lors, des solutions sont recherchées pour remédier à cer­

tains aspects de la crise du système d'enseignement : la création d'un

enseignement post-primaire (les sections artisanales rurales, les sec­

tions ménagères et les écoles ménagères) ; mais il ne concerne qu'un

effectif réduit (5 573 élèves en 1977-78).

A partir de 1967 est amorcée une réforme de l'enseignement pri­

maire avec l'assistance de l'UNESCO. Successivement, l'ENIR (Ecole natio­

nale d'instituteurs à vocation rurale), puis l'IPAR (institut pédago­

gique à vocation rurale) auront pour mission de former les nouveaux

maîtres, de recycler les anciens et d'adapter le système d'enseignement

aux réalités du pays : la réforme s'engage sur la voie de la "rurali-

sation de l'enseignement". Des structures éducatives relais (les zones

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d'action culturelle et communautaire -ZAAC-) sont expérimentées pour

permettre aux jeunes sortant de l'enseignement primaire de mieux se

préparer à la vie active dans le monde rural. Mais la vigueur du pro­

jet de réforme, renforcée par un début d'expérimentation et la produc­

tion de nouveaux matériaux pédagogiques, sera contrecarrée par le

manque de compréhension d'une part de l'appareil de l'éducation natio­

nale et la réticence de nombreuses couches de la population qui voyaient

dans la ruralisation de l'enseignement une dévalorisation de l'éducation,

un enseignement au rabais. L'application de la réforme à l'ensemble du

système n'a pas encore été mise en oeuvre. Il semble cependant que

l'année 1979-80 verra l'amorce d'une application graduelle de la ré­

forme .

C'est dans ce contexte de crise du système éducatif que les auto­

rités nationales ont créé, en 1973, un service civique national de par­

ticipation au développement dont le but essentiel est de limiter l'exode

rural et d'"inviter les jeunes au travail manuel qu'ils fuient souvent".

4/ Le Service civique national de participation au développement (SCNPD)

A/ Historique et organigramme

Dans l'ensemble des structures développant des activités en di­

rection de la jeunesse —sous la tutelle du Ministère de la jeunesse, le

CONAJEP, Comité national de la jeunesse et de l'éducation populaire qui

coordonne et contrôle plusieurs fédérations des mouvements de jeunesse ;

la JUNC, Jeunesse de l'Union nationale camerounaise, et l'OPUNC, Organi­

sation des femmes de l'Union nationale camerounaise, organes annexes du

parti de l'Union nationale camerounaise— , le SCNPD prend place comme

structure de formation des jeunes en vue de leur insertion dans la vie

active et de leur participation au développement national. Le SCNPD est

créé par la loi n° 73-4 du 9 juillet 1973. Son organisation est définie

par deux décrets, n° 74236 et 74237, du 1er avril 1974. Il est placé

sous tutelle du Ministère de la jeunesse jusqu'en 1976, puis sous tutelle

du Premier Ministre.

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Ses objectifs sont définis en référence à trois aspects prin­

cipaux de la société camerounaise : l'importance du secteur agricole

dans l'économie camerounaise, la part croissante de la jeunesse dans

la population (les moins de vingt-cinq ans représentent plus de 60 'fo

de la population totale) et le fort mouvement de migration des jeunes

ruraux vers les villes, renforcé par une scolarisation massive qui dé­

veloppe des attitudes de rejet vis-à-vis du travail manuel et de la vie

en milieu rural.

Aussi les objectifs du SCNDP sont-ils :

a) Enrayer l'exode rural ;

b) Insérer massivement les jeunes dans les circuits de

production ;

c) Donner aux jeunes sans emploi des villes et des campagnes

des aptitudes professionnelles et un esprit d'initiative

qui leur permettent de devenir des créateurs d'emploi ;

d) Mobiliser le potentiel de force de travail que cons­

titue la jeunesse pour exécuter des travaux d'intérêt

général au service de la nation ;

e) Promouvoir chez tous les citoyens le "sentiment natio­

nal, le sens de la discipline, la dignité du travail,

l'esprit civique" (a 2 de la loi du 9.07-74).

Selon les termes de la loi, le SCNPD est obligatoire et uni­

versel, c'est-à-dire qu'il s'adresse à tous les citoyens camerounais

des deux sexes âgés de 16 à 55 ans. Dans la réalité, compte tenu de

l'insuffisance des structures d'accueil et des moyens financiers, le

Service civique concernera les jeunes de 16 à 30 ans et, prioritaire­

ment, les jeunes hommes non scolarisés ou déscolarisés et sans emploi.

L'organigramme du SCNPD comprend trois niveaux de structures :

° L§_ËÎÎ)uçture_çentraie, composée d'une part de l'ONPD

(Office national de participation au développement), établissement

public doté de la personnalité juridique et de l'autonomie financière,

avec un directeur^ un directeur général adjoint et trois services

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(service du fichier national et de la gestion administrative, service

des structures, service des affaires financières), d'autre part de la

Commission nationale du SCNPD qui réunit, sous la présidence du Premier

Ministre, tous les ministres concernés et des représentants des institu­

tions publiques et politiques ; la Commission nationale est investie des

pouvoirs les plus étendus pour orienter, organiser et contrôler les ac­

tivités de l'ONPD.

• L©§_Ë£ïu£ÈUÏËË_2P§E§£i23™:ëlI§§ de formation constituées

actuellement de quatre centres ruraux (deux dans la province du Centre-

Sud, un dans la province du Littoral et un dans la province du Nord) et

quatre centres urbains (trois à Douala et un à Yaounde), ces derniers

étant les anciens centres de jeunesse récemment placés sous la tutelle

de l'ONPD et dont les nouveaux objectifs et statuts ont été étudiés,

mais qui, à ce jour, conservent le type de fonctionnement antérieur.

• Í!EE_SÍEli2ÍHEês_ J!.iSE2:&SÍEÍion_et_dJ_irisertioii composées

de villages pionniers, de plantations abandonnées affectées à l'ONPD,

d'ateliers artisanaux coopératifs ou individuels installés dans les

zones périphériques des grandes exploitations agro-industrielles, enfin

de zones pionnières où seraient entreprises des actions de développe­

ment villageoises qui deviendraient des structures d'accueil pour une

insertion plus massive des jeunes recrutés à cet effet. Outre les

trois villages pionniers dont le coût ne permet pas l'extension, les

autres structures d'implantation et d'insertion des jeunes sont en

cours d'étude ou d'expérimentation.

fi/ Fonctionnement, programme et résultats

L§_ï§ÇIUt§me_nt_des_jêunes est effectué selon une procédure ver­

ticale par une commission provinciale de recrutement. Cependant, dès la

deuxième année, on a cherché à décentraliser le recrutement au niveau

départemental et les orientations en cours de définition prévoient un

nouveau stade de décentralisation impliquant davantage les communautés

villageoises et les organismes de développement locaux pour lier le

recrutement à des projets de développement (expérience récente menée

dans les ZAPI Est).

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^_£2r5Ë:ïi2B_^ËË_aËHïï2^ dans les centres ruraux se déroule sur

une période de six mois. Elle porte sur les techniques de l'agriculture

et de l'élevage, 1'uitlisation et l'entretien de certains équipements

agricoles, l'organisation coopérative et la gestion, la connaissance des

organismes régionaux de développement rural, l'éducation civique et

sportive. La progression de la formation est dictée par les impératifs

de la conduite d'une exploitation agricole de moyenne dimension (20 à

80 hectares cultivés) et s'effectue sur un cycle cultural ; cependant,

des mini-parcelles de 200 m2 sont attribuées à chaque jeune pour l'expé­

rimentation des enseignements techniques reçus, sans qu'il soit fait

appel à des moyens de production onéreux.

A_l^issue_des_six_mois_de_formation, chaque jeune est doté d'un

petit équipement (arrosoir, sécateur, hache, râteaux, machette, houe,

etc.) et, depuis le décret du 29.10.1977 instituant des aides publiques

pour l'installation de jeunes agriculteurs, peut bénéficier d'un prêt

agricole comprenant une prime d'installation, une prime de subsistance

et une avance remboursable destinée a. couvrir des dépenses d'investis­

sement. La formule d'insertion, sous forme de "villages pionniers" a

été la seule mise en oeuvre concrètement ; les responsables nationaux

ne désirent pas l'étendre compte tenu de son coût trop élevé. Les

autres formules d'insertion que nous avons mentionnées n'ont pas encore

fait leurs preuves, mais il semble que l'expérience des ZAPI Est soit

la plus prometteuse : recrutement et insertion sont opérés avec l'enca­

drement des ZAPI et l'appui, depuis janvier 1979» d'un expert du BIT.

L§Ë_52£§ïis_des_çentres_ruraux sont de trois ordres :

. En personnel : chaque centre dispose de 25 à 40 personnes

(techniciens, employés et manoeuvres).

. Moyens de production : Les centres disposent, bien que

de façon inégale, d'un équipement agricole lourd (tracteur, chenillard,

caterpillar, moissonneuse batteuse, électro-pompe...). Les surfaces

agricoles mises en valeur vont de 20 à 80 hectares selon les centres.

. Moyens budgétaires : Les ressources pour le fonctionne­

ment des centres ruraux proviennent en partie de la production agri­

cole et des produits de l'élevage. En outre, les centres ruraux

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reçoivent annuellement une dotation budgétaire de 25 a 50 millions de

CFA chacun sur un total de 150 millions de CFA pour l'ensemble de l'ONPD

en 1978-79- Cette dotation couvre l'habillement et l'indemnité mensuelle

des assujettis, les avances pour achat d'intrants agricoles, la rémuné­

ration du personnel, les frais de fonctionnement et d'entretien des

bâtiments et équipements.

iiËË_£®Ëïi!ËatË_clï5ïï'': Î5 ËË res'ten't modestes quant au nombre de

jeunes formés dans les centres ruraux dont l'ouverture s'échelonne

entre août 1974 (Obala), octobre 1976 (NDjore et Yabassi) et avril 1977

(Langui). Au total, entre 1975-76 et 1978-79, 2 438 jeunes seront passés

dans les centres ruraux. Pour l'année 1978-79, les centres ruraux au­

ront formé 839 jeunes et les centres urbains regroupent un effectif de

900 jeunes en formation pour deux ans. Rappelons que les centres urbains

sont les anciens centres de jeunesse dont les statuts et objectifs sont

en cours d'élaboration. Actuellement, ils continuent à dispenser en

deux ans une formation à divers métiers : électricité, mécanique auto,

maçonnerie, vannerie pour les garçons ; couture, arts ménagers pour les

filles ; dactylographie, comptabilité pour garçons et filles.

Les résultats, en termes d'insertion des jeunes dans les acti­

vités rurales sont encore plus limités. Sur les deux premières promo­

tions, on estime que 70 $ des jeunes sont restés en campagne ; 45 $

semblent avoir entrepris des activités de production et, parmi ceux-ci,

moins de 20 % peuvent être considérés comme définitivement installés.

Les difficultés d'insertion ont été attribuées à l'absence d'une for­

mule d'aide à l'installation des jeunes agriculteurs, d'où les dispo­

sitions du décret d'octobre 1977-

C/ Observations, problèmes et nouvelles orientations

Les actions menées par l'ONPD de 1975 à 1979 ont permis aux

responsables nationaux de tester les méthodes et les structures mises

en place pour le recrutement, la formation et l'insertion des jeunes

assujettis au service civique. Au cours de la dernière période, les

responsables de l'ONPD ont mené une réflexion approfondie, tirant les

enseignements de cette première phase et dégageant de nouvelles orien­

tations pour les années à venir.

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Les enseignements sont :

. Un impact quantitatif très limité au regard de l'ampleur du problème

de la jeunesse et des objectifs du SCNPD.

. Une démarche de recrutement sans rapport suffisant avec un processus

d'animation du développement impliquant les communautés villageoises

et les organismes techniques compétents.

. Une formation réalisée dans des centres ruraux présentant, en tant

qu'exploitation agricole, des caractéristiques de taille, de struc­

ture et de niveau technique sans commune mesure avec l'immense majori­

té des exploitations agricoles du Cameroun ;

. Un coût de formation élevé, compte tenu du niveau d'équipement des

centres ruraux, du coût de fonctionnement en personnel au regard du

nombre de jeunes formés ; une évaluation plus approfondie devrait

prendre en considération les aspects économiques de l'insertion pour

lesquels il n'existe pas de données précises.

Ainsi, de nouvelles orientations ont été définies par les res­

ponsables et techniciens nationaux, parmi lesquelles nous retiendrons :

. Un recrutement plus massif, selon des modalités diversifiées : jeunes

sans emploi assujettis dans les centres de l'ONED ; jeunes recrutés

et formés sur les lieux d'actions de développement entreprises avec

les concours des organismes techniques et administratifs compétents ;

assujettissement de jeunes scolarisés et universitaires pendant les

périodes de vacances et de personnel qualifié détaché pour les be­

soins de certaines opérations réalisées par l'ONPD.

. Une utilisation plus rationnelle assurant le plein emploi des équi­

pements disponibles dans les centres ruraux.

. Une politique d'insertion liée aux nouvelles modalités de recrutement

accordant la priorité a l'insertion des jeunes dans leur communauté

d'origine et réalisée en impliquant les partenaires techniques et

administratifs qui interviennent dans la zone.

Toutefois, ces nouvelles orientations, dont certaines sont à

l'étude ou en cours d'expérimentation, n'ont pas encore été examinées

par la commission nationale qui devra prendre les décisions.

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Par ailleurs, ces orientations devraient nécessairement s'accom­

pagner de dispositions plus précises concernant notamment :

. des structures de développement régional intégrées et un dispositif

d'animation du développement au niveau des communautés villageoises ;

• des mesures de politique économique (prix, crédit, commercialisation)

valorisant le travail agricole, condition nécessaire pour le maintien

des jeunes dans l'agriculture ;

. un examen attentif des problèmes fonciers qui peuvent régionalement

être un obstacle à l'installation de jeunes agriculteurs ;

. la mise en oeuvre d'une réforme de l'éducation, en particulier du sys­

tème scolaire qui reste le pilier central de tout le système éducatif.

Indiquons, pour terminer, que l'ONPD a bénéficié de missions de

consultation de 1'UNESCO (1976), de la coopération technique française

(1977) et plus récemment du BIT. Depuis janvier 1979, le BIT fournit

l'assistance d'un expert dans le cadre d'une expérience menée dans les

ZAPI Est (Zone d'action prioritaire intégrée). Cette expérience consiste

à associer l'encadrement des ZAPI, les communautés villageoises et

l'ONPD au recrutement et à l'insertion des jeunes en fonction de projets

de développement intéressant directement les communautés de base ;

150 jeunes ont ainsi été recrutés puis formés dans le centre d'Obala

d'avril à septembre 1978 ; une seconde promotion, recrutée dans les

mêmes conditions, sortira du centre de NDjore en avril 1979« L'éva­

luation de cette expérience devrait permettre de préciser les lignes

d'action pour une insertion des jeunes formés par l'ONPD dans leurs

communautés villageoises d'origine. Une requête du Gouvernement aux

Nations unies est en cours de négociation pour obtenir une assistance

technique plus importante de la part du BIT.

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Les Centres d'animation rurale au Mali. L'emploi et la formation des jeunes

1/ La structure démographique et son évolution

Les premjars résultats du recensement effectué en décembre 1976

font apparaître les données suivantes :

Population totale 6 308 320 hab.

Population urbaine 1 054 502 hab. soit 16,72 #

Population rurale 5 253 818 hab. soit 83,28 %

Le rapport entre population urbaine/population totale varie sen­

siblement selon les régions : 37 Í° pour la 2e région (Bamako) ; pour les

autres régions, il se situe entre 9)11 % (région de Mopti) et 14,79 Í°

(région de Ségou). A l'exception de la région de Bamako (404 022 hab.),

dont la croissance moyenne annuelle entre 1968 et 1976 est proche de

15 %, la taille des principaux centres urbains est modeste : deux villes

ont entre 50 000 et 100 000 habitants (Ségou et Mopti), sept villes ont

de 20 à 50 000 habitants et huit villes ont de 10 à 20 000 habitants.

Le recensement de 1976 est en cours d'exploitation et ce n'est

qu'en octobre 1979 qu'on disposera des données économiques et sociales

relatives à la population. Toutefois, sans attendre les résultats défi­

nitifs, on peut déjà indiquer trois caractéristiques importantes :

. le taux de croissance démographique se situe entre 2,3

et 2,5 % par an, la croissance de la population urbaine

étant beaucoup plus élevée ;

. la population malienne est jeune : 49 Í° àe la population

a moins de 15 ans ;

. le taux moyen de scolarisation est de 19 %, avec d'impor­

tantes variations régionales.

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2/ L'économie et l'emploi

Avec 83 io de population rurale, l'économie malienne repose en

grande partie sur l'agriculture et l'élevage qui occupent dans le pro­

duit intérieur brut une place importante : 38,3 Í° du PIB en 1976 (en

1969 : 43,3 %)• Dans la production agricole, la part de l'agriculture

traditionnelle reste très dominante : 80 % en 1969 et en 1976. Pour la

période récente 1969-1976, la croissance du PIB, en francs constants de

1969, se monte à une moyenne de 4,9 Í° par an, mais seulement de 1,87 %

pour le secteur de l'agriculture et de l'élevage.

Les traits dominants de l'économie agro-pastorale sont :

. une très grande majorité de petites exploitations fami­

liales combinant la production vivrière pour l'auto-consommation et la

production d'une culture industrielle pour le marché ;

. des systèmes de production caractérisés par l'utilisation

de la main d'oeuvre familiale, des niveaux d'équipement technique très

faibles, des rapports sociaux de production où les jeunes n'ont pas accès

aux centres de décision, aux moyens de production, et où le produit du

travail échappe en grande partie à leur contrôle.

En matière d'emploi, le secteur moderne de l'économie malienne

occupe une place très limitée : moins de 60 000 salariés, fonction pu­

blique comprise, en 1974, soit moins de 3 % de la population active et

de 10 à 15 % de la population active urbaine. Sur les 28 000 emplois sala­

riés du secteur moderne (fonction publique exclue), plus de 70 % sont des

manoeuvres sans qualification (30 %) et des ouvriers spécialisés et qua­

lifiés (40 %). 95 Í° des emplois sa&riés sont des emplois masculins.

Par contre, l'emploi non agricole dans le secteur non structuré

semble beaucoup plus important, bien qu'il ne soit pas possible de le

chiffrer actuellement. Un recensement systématique de ce secteur d'emploi

vient d'être effectué à Bamako avec l'appui du BIT ; il est en cours

d'exploitation et les résultats en seront connus fin 1979. Toutefois,

des enquêtes partielles effectuées par la direction du Plan permettent

de formuler quelques hypothèses : une croissance importante de l'emploi

dans ce secteur, avec une part importante d'apprentis et d'aides familiaux ;

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un système d'apprentissage et de qualification socialement et profession­

nellement reconnu et étalonné ; pour l'artisanat de production de biens

et services, des niveaux de revenus, à qualification égale, proches du

secteur moderne, mais pour une durée moyenne de travail supérieur.

3/ Situât ion de l'éducation formelle et non formelle

Le système scolaire est en rapide extension bien que le taux de

scolarisation soit faible : moins de 20 % en 1975. En 1977-78, 280459 jeunes

fréquentent l'une des six classes du premier cycle de l'enseignement fon­

damental, dont 36 % de jeunes filles.

L'évolution du système scolaire se caractérise par une faible

croissance du taux d'admission en première année du premier cycle de

l'enseignement fondamental, mais une forte augmentation des rendements

internes, aboutissant à une pyramide scolaire dont la base reste très

étroite par rapport à l'ensemble des enfants scolarisables et dont le

sommet s'est considérablement élargi dans les dix dernières années»

Cette évolution se traduit par une croissance rapide du nombre annuel

des bacheliers qui passent de 531 en 1971 à près de 2 000 en 1978 ; le

nombre des bacheliers dépasse les besoins tels que définis par le Plan

1974-78 (1).

Dans le domaine de l'éducation non formelle, la place de l'al­

phabétisation fonctionnelle nous semble prioritaire par son impact quan­

titatif sur les jeunes ruraux. L'expérience des Centres d'animation ru­

rale, quantitativement plus limitée, sera examinée au point suivant.

L'alphabétisation fonctionnelle a fait l'objet d'un programme important

depuis 1968. En milieu rural, à partir de 1972, elle est devenue une

composante de toutes les grandes opérations d'encadrement et de dévelop­

pement agricole spécialisées par produit. Pour la campagne 1976-77, elle

intéresse environ 26 000 auditeurs, dont près des 3/4 sont des jeunes de

moins de 25 ans. Dans le prolongement de l'alphabétisation, la DNAFLA

(Direction nationale de l'alphabétisation fonctionnelle et de la linguis-

(l) Ministère de l'Education nationale. DNAFLA.- Quelle éducation pour quel développement ? Rapport final de l'étude sur l'éducation de base.-Bamako, mars 1978.

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tique appliquée) a expérimenté des "stages de formation technique"

destinés aux jeunes en vue de leur prise de responsabilité dans des

fonctions économiques, techniques et culturelles au sein de leur com­

munauté rurale. L'intérêt de la démarche, qui semble devoir se dévelop­

per dans les années à venir, est délier la formation technique des jeunes

à leur insertion dans de nouvelles fonctions répondant aux besoins de

développement de la communauté rurale, qu'il s'agisse des techniques cul­

turales, de la santé, de la gestion de pharmacies villageoises, de

l'organisation d'activités culturelles. L'atout principal dont jouit

cette formule est de ne pas couper les jeunes de leur milieu dans la

démarche de formation et d'y impliquer l'ensemble de la communauté vil­

lageoise. Toutefois, son succès restera dépendant d'un changement dans

les attitudes et formes d'intervention des organismes techniques et admi­

nistratifs au niveau de base permettant effectivement un transfert de

responsabilité aux communautés villageoises ; il sera également fonction

d'une politique économique et d'une politique de développement rural qui

devra valoriser le travail agricole, diversifier les activités produc­

tives et élever le niveau de vie des ruraux si l'on veut que les jeunes

soient motivés à rester dans les secteurs d'activité du monde rural.

4/ Les Centres d'animation rurale (CAR)

A/ Historique et organisation

Issus de la fusion, en I966, des "camps civiques", à vocation civile

et militaire, et des écoles saisonnières de formation des jeunes aux tech­

niques agricoles améliorées (action financée par le Fonds européen de

développement), les Centres d'animation rurale -plus d'une centaine ré­

partis sur l'ensemble du territoire- étaient placés sous la tutelle du

Haut-Commissariat à la Jeunesse.

Après le changement de régime en 1968, l'affirmation de la voca­

tion agricole des CAR se renforce et une distinction est opérée entre

CAR frontaliers qui conservent une fonction de défense nationale et de

police économique et CAR de l'intérieur dont la fonction principale est

de former des jeunes aux techniques de l'agriculture et de l'élevage.

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Les CAR passent sous la tutelle du Ministère de la Production,,

Leur nombre est ramené à moins de cinquante pour des raisons de diffi­

cultés budgétaires ; l'encadrement des CAR devient mixte, avec des

techniciens civils et des gradés de l'armée ; enfin, les CAR reçoivent

mission de subvenir à leurs besoins et se transforment en exploitations

pratiquant l'agriculture et l'élevage.

En 1974 est créée la Direction nationale de la formation et de

l'animation rurale (DNFAR) sous la tutelle du Ministère du développement

rural„ La DNFAR comprend deux divisions : la division de l'animation

rurale et celle de l'enseignement technique agricole élémentaire et de

la formation professionnelle. La DNFAR propose d'articuler étroitement

les CAR aux opérations de développemen^afin que ces dernières prennent

en charge les aspects techniques laissant à la division de l'animation

rurale le soin de développer les aspects pédagogiques de la formation

dans les CAR et de l'animation dans les villages. A ce jour, cette pro­

position est toujours à l'étude.

L'organigramme actuel se présente ainsi :

. la division des CAR située à Bamako, avec une équipe de cinq personnes ;

» six directions régionales composées chacune d'un directeur, généra­

lement officier de l'armée, d'un secrétaire et d'un comptable ;

. 48 centres d'animation rurale, dont 5 sont des centres mixtes ;

le personnel d'encadrement des CAR est composé d'un chef de centre

-agent technique ou moniteur agricole-, d'un sergent ou caporal mili­

taire chargé de l'instruction civique et de la discipline, d'un moni­

teur fricóle adjoint et, pour les CAR mixtes, d'une monitrice.

B/ Fonctionnement et programme

Chaque centre recrute en moyenne 20 stagiaires tous les deux ans.

Ainsi, pour les 48 CAR en fonctionnement, un millier de stagiaires, dont

environ 50 couples, sont recrutés tous les deux ans depuis 1969°

Le recrutement concerne des jeunes de 18 à 25 ans, généralement

analphabètes ou déscolarisés du premier cycle de l'enseignement fondamental.

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En principe, il s'agit de volonaitres ; mais, lorsque le nombre n'est

pas atteint, le recrutement est obligatoire.

La procédure de recrutement est administrative et verticale.

Les gouverneurs de région avisent les commandants de cercle et chefs

d'encadrement qui répercutent sur les chefs de village. Ces derniers

proposent une liste de jeunes et la sélection est opérée par le chef

d'arrondissement et le chef du CAR à la suite d'une visite médicale. Le

recrutement n'est pas accompagné d'une action d'information ni d'une

animation villageoise tendant à lier le recrutement des jeunes à des

projets de développement villageois. Parents et jeunes ignorent généra­

lement ce qu'on peut attendre de la formation ; jusqu'à 1974, le recru­

tement rencontrait des réticences dans la mesure où, à la suite de deux

ans de formation, les jeunes revenaient au village sans pécule ni équi­

pement. L'aide fournie par la République fédérale allemande a permis de

relancer la formule du prêt agricole en fin du stage de deux ans, sus­

citant ainsi un certain intérêt des familles à envoyer les jeunes au

centre.

Les activités des CAR combinent le travail de production4t les

actions de formation des jeunes.

La production agricole constitue l'essentiel des ressources d'un

CAR. En moyenne, les CAR disposent de 20 à 30 hectares de terre, dont 10

à 15 hectares sont mis en culture annuellement par les vingt stagiaires

sous la conduite des équipes d'encadrement. Il s'agit de cultures vi-

vrières (sorgho, mil, maïs, riz, selon les zones) et de cultures de

rente (arachide, coton). Outre la production agricole, le petit élevage

(ovins et volailles), le jardinage et la production artisanale de biens

usuels (petit mobilier, ustensiles divers) complètent les ressources

des CAR.

Les moyens de production des CAR, en dehors des bâtiments et des

terrains de culture, sont constitués par du petit matériel -charrues,

semoirs, charrettes, herses, citernes à eau, moulin à mil, moto-pompe,

un petit lot d'outillage- et quelques paires de boeufs de traction.

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La formation des jeunes est réalisée sur une durée de deux ans

couvrant deux cycles de culture. Les jeunes vivent en internat pendant

les deux années sans contact avec leur village d'origine. Les contenus

de formation sont de trois ordres :

. Instruction civique et militaire réalisée pendant les

trois premiers mois de stage.

. Formation générale par un programme d'alphabétisation

s'étalant sur toute la période et axé sur l'apprentissage de la lec­

ture, de l'écriture et du calcul.

„ Apprentissage des techniques de/L'agriculture et du pe­

tit élevage et initiation aux techniques artisanales dans certaines

branches d'activité : travail du bois, maçonnerie, réparation du petit

outillage et, pour les femmes, tissage, teinture, couture.

L'apprentissage des techniques agricoles constitue l'axe prin­

cipal de la formation des jeunes et se déroule tout au long des deux

cycles culturaux de la période de formation.

A l'issue des deux ans de formation, les stagiaires reçoivent

une prime de libération de 5 000 FM et bénéficient, depuis 1974, d'un

prêt agricole remboursable en trois ans constitué par un équipement de

culture attelée (paire de boeufs, multiculteur, charrette, etc.) sub­

ventionné à 30 io par l'Etat. Le suivi des stagiaires au retour dans

leurs villages n'est pas assuré par la division des CAR qui n'en a pas

les moyens ni en personnel ni en véhicules.

G/ Conclusion

La formule des CAR laisse apparaître des éléments positifs.

Tout d'abord, la formation aux techniques de l'agriculture, de

l'élevage et de l'artisanat est étroitement articulée à la production

réalisée dans le CAR, dans des conditions de taille et de niveau tech­

nologique relativement proches des réalités techniques et économiques

de l'environnement villageois. Les moyens de production et les tech­

niques culturales mises en oeuvre sont celles qui sont préconisées par

les opérations de développement intervenant dans les régions.

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Par ailleurs, la formation pratique s'applique à une diversité

d'activités correspondant à ce qui existe dans une exploitation paysanne,

avec le souci de mettre en valeur les ressources disponibles dans l'en­

vironnement .

Enfin, le coût de fonctionnement des CAR est relativement réduit

dans la mesure où l'essentiel des ressources des centres provient de la

production qui y est réalisée. Les ressources extérieures sont consti­

tuées par des apports du Programme alimentaire mondial et les prises en

charge par l'Etat des besoins d'habillement des stagiaires, d'une allo­

cation de 100 FM par jour-stagiaire, d'une indemnité mensuelle de 500 FM

par stagiaire et de la prime de libération de 5 000 FM que chaque jeune

reçoit à l'issue des deux années.

Toutefois, les responsables nationaux font état d'un certain

nombre de problèmes non résolus : un recrutement trop administratif qui,

dès le départ, sépare la formation des jeunes d'une action d'animation

villageoise qui devrait permettre de mieux orienter la formation en

fonction de projets de transformation souhaités et jugés réalisables par

les villages ; en l'absence d'une action d'animation préalable au recru­

tement et se prolongeant pendant la période de formation des jeunes,

la réinsertion de ceux-ci rencontre les difficultés classiques dont les

plus importantes sont les problèmes fonciers et le non-accès aux moyens

de production, compte tenu du statut social des jeunes dans la société

villageoise. Dans le même sens, la formation enclavée, sans aucune

alternance CAR-villages d'origine, contribue à séparer les jeunes de

leur milieu et à rendre plus difficile leur réintégration.

Une autre question mérite d'être soulignée : l'absence de suivi

des stagiaires après leur retour au village ; cette question ne pourrait

être résolue que par une concertation entre les divers organismes inter­

venant dans les actions de développement villageois.

Enfin, il faut reconnaître que la formation dans les CAR ne

touche qu'une minorité de jeunes : environ un millier tous les deux ans,

alors que les jeunes ruraux (garçons et filles) dans la tranche d'âge

20-24 ans sont probablement plus de 350 000 en 1976.

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Au niveau de la division des CAR, il convient de souligner

trois problèmes principaux :

. Des moyens de fonctionnement très limités.

. Des besoins en formation de formateurs pour assurer le

recyclage des équipes des CAE.

. La nécessité d'une coordination avec tous les orga­

nismes dont la vocation est proche ou complémentaire de celle des CAR :

la Direction nationale de l'alphabétisation fonctionnelle et de la lin­

guistique appliquée (DNAFLA), le Centre national de développement commu­

nautaire (CNDC), la section ruralisation de l'Institut pédagogique na­

tional (IPN), pour les aspects pédagogiques, et les opérations de déve­

loppement de la Compagnie malienne des textiles (creu1]?), de l'Opération

arachides et cultures vivrières (OACV), de l'Opération riz Mopti, etc.,

pour les aspects techniques.

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L'Education rurale et la participation des jeunes au développement. Une expérience voltaïque.

1/ Les données démographiques

La Haute-Volta est le pays de la zone sahélienne qui présente

la plis forte densité de population. Le dernier recensement officiel,

effectué en 1976, donnait un chiffre de population de 5 572 212 hab.

(non compris les emigrants). En 1979, la population dépasse probablement

6 500 000 hab., soit une densité moyenne de 23 hab. au km2.

L'évolution de la croissance démographique constatée et prévi­

sible tient dans les données suivantes (1)

(en milliers)

1970

1975

1980

1985

1990

Population urbaine

388

502

654

851

1 107

Population rurale

4 996

5 556

6 229

6 999

7 886

Population totale

5 384

6 058

6 883

7 850

8 993

% population rurale

92,8

91,7

90,5

89,2

87,7

Taux de croissance urbain annuel

4,1

^ 3 . 9

> * 4,4

^ 4 . 6

Taux de croissance rural annue1

24 2,0

* 2,2

* 2,1

> * 2,1

Le taux de croissance de la population totale passerait de 2,2 en

1970-75 à 2,5 en 1985-90.

(ï) Organisation des Nations unies pour l'Alimentation et l'Agriculture.-Etude prospective pour le développement agricole de la zone sahé­lienne. 1975-1990- Vol. I. Rapport principal.- Rome, 1976.- p. 63

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L'évolution de la population active serait la suivante :

1970

1975

1980

1985

1990

Active non agricole

croissance annuelle

342

435 4,9 f°

556 5,0 %

707 4,9 f°

906 5,1 %

Active agricole

croissance annuelle

2 658

2 864 1,5 %

3 103 1,6 f

3 377 1,7 f

3 670 1,7 f

Active totale

croissance annuelle

3 000

3 299 1,9 f>

3 659 2,1 fo

4 084 2,2 fo

4 576 2,3 f

Pourcentage de la population active agricole dans la population active totale :

1970 : 88,6 fo - 1975 : 86,8 fo — 1980 : 84,8 fo - 1985 : 82,7 fo-

1990 : 80,2 fo

L'émigration voltaïque est très forte et affecte essentiellement

la population active jeune. On a calculé que 60 fo vont en Côte d'Ivoire

et 30 f> au Ghana (2) . Mais les bases de calcul sont difficiles à établir

scientifiquement. Le plan quiquennal de développement économique et

social 1972-1976 note ainsi l'évolution du courant migratoire (en milliers)

Emigrants définitifs

Emigrants temporaires

Emigrants totaux

I960

250

152

402

1965

300

166

466

1970

404

181

585

1975

567

200

767

(2) SHIVA LINGAPPAa- L'éducation et l'environnement socio-économique o Développements récents en Haute-Volta.- UNESCO, Division de la Pla-nification de l'Education. Rapports/Etudes. C. 37, 1977.

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Structure de la population des classes d'âge jeunes

(en milliers)

0- 4 ans

5- 9 ans

10-14 ans

15-19 ans

20-24 ans

1970

H

477

364

298

261

232

F

459

349

309

275

238

Total

936

713

607

536

470

1975

H

533

407

348

290

252

F

512

392

334

301

264

Total

1 065

799

682

591

516

1980

H

595

459

390

338

280

F

572

441

375

325

290

Total

1 167

900

765

663

570

(ces chiffres sont ceux de la population théorique totale : présente plus migrante).

2/ L'économie et l'emploi

L'économie voltaïque est largement à dominante rurale. L'agri­

culture est le fait, dans sa quasi-totalité, d'exploitations familiales

insérées dans des structures villageoises où subsistent encore le lien

communautaire et les systèmes de valeurs traditionnelles. Mais le mode

de production pré-capitaliste de type lignager a subi une forte érosion

par la pénétration importante des cultures de rente reliées à l'éco­

nomie marchande. Les principales cultures de rente sont l'arachide et

le coton, cependan- que le sorgho représente la principale culture vi-

vrière traditionnelle.

L'évolution des productions donne leur poids respectif. (en tonnes)

1961-1965 (moyenne)

I97O

1973

1975

1977

arachide

67 000

68 000

63 000

90 000

89 000

coton

5 000

36 000

33 000

31 000

58 000

s orgho

476 000

563 000

481 000

738 000

660 000

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La production agricole a été profondément affectée par la séche­

resse ces dernières années. Il en a été de même pour l'élevage. Le trou­

peau bovin comptait 2 600 000 têtes en 1972, 2 255 000 en 1974.

La politique de développement rural s'efforce d'intégrer les dif­

férentes actions entreprises pour la promotion technique du monde paysan,

lancées dans un premier temps par des sociétés d'intervention françaises :

SATEC (Société d'aide technique et de coopération), BDPA (Bureau pour le

développement de la production agricole), CFDT (Compagnie française pour

le développement des fibres textiles), à travers des Offices régionaux

de développement qui ont une tâche de coordination et d'impulsion, mais

qui demeurent reliées au pouvoir administratif, avec une difficulté cer­

taine à s'articuler avec les organisations paysannes (3) .

Les bases de développement de l'agriculture restent fragiles, et

la pression démographique sur des terres pauvres et usées atteint ou dé­

passe 50 hab. au km2 en pays mossi (les Mossi étant l'ethnie la plus

nombreuse, qui représente 48 $ de la population)« On comprend que ces

données, conjuguées à la sécheresse et à l'attraction des économies les

plus développées des pays du Sud représentent des incitations puissantes

à la migration. Dans le pays lui-même, les études récentes montrent que

les disparités internes sont fortes.

"Le revenu moyen par famille en milieu urbain est environ sept fois supérieur au revenu rural. En 1966-70, le revenu familial dans l'Ouest était 2,5 fois plus élevé que celui du Plateau Mossi' : en 1971-72, quatre fois plus. Dans le Sud et le Sud-Ouest, les effets de la sécheresse ont été moins importants, faisant ressortir une amélioration rela­tive du niveau de production et du revenu déjà supérieur, d'où l'accentuation des migrations internes vers ces zones." (4)

Le problème de la rupture de l'équilibre vivrier est préoccu­

pant. Dans les dix années qui ont précédé la grande sécheresse (1960-70),

(3) Voir les analyses récentes de René DIM0NT : Paysans écrasés, terres massacrées. Equateur, Thaïlande, Inde, Bangladesh, Haute-Volta.-Paris, Laffont, 1978.- pp. 296-299=

(4) SHIVA LINGAPPA.- 0p. cit., p. 7-

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la production agricole vivrière a augmenté de 1 $ par an, alors que la

population agricole résidente augmentait au moins de 1,3 % par an (5).

Le secteur industriel comprend essentiellement des industries

de transformation et de construction et se trouve handicapé par l'ab­

sence de matières premières locales (hors les produits agricoles) et

le ooût élevé de l'énergie et des transports, la rareté des techniciens

compétents et des capitaux.

Le produit intérieur brut, qui était d'environ 90 milliards de

francs CFA en 1972, se décomposait comme suit :

. secteur primaire : 41,5 fo (agriculture 23,5 fo ; élevage 10,5 fo ;

forêts et divers 7,3 %) ;

. secteur secondaire : 18,1 fo (industrie 13,1 f° i construction 5 f>) \

. secteur tertiaire : 40,6 fo (transports 6,1 fo ; commerce 23,4 fo ; services publics 11,1 fo).

Dans un tel contexte, l'emploi est largement tributaire de

l'évolution du secteur agricole (en 1979, environ 3 millions d'actifs

à 100 fo dans le secteur traditionnel, soit 85 f> des emplois).

Les emplois salariés représentent environ 50 000 personnes,

dont la moitié dans le secteur public.

3/ La situation de l'éducation

La Haute-Volta a un système d'éducation qui s'est différencié

dès le temps de l'indépendance, au début des années I960, en deux

grandes branches : l'enseignement classique et l'enseignement rural. Ce

dernier a évolué pour donner naissance, à partir de 1971, au système de

formation des jeunes agriculteurs (GJA) qui fait l'objet de la partie

suivante de la présente étude de cas.

(5) Afrique tropicale. Indicateurs socio-économiques.- Bruxelles, CEE, 1973.- pagination multiple.

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A) Le système d'enseignement classique (6)

Llenseignement_primaire a été construit selon le modèle fran­

çais en six ans : cours d'initiation, cours préparatoire (CP), cours

élémentaire 1 et 2 (CEI, CE2) cours moyens 1 et 2 (CM1, CM2) . A l'issue

du primaire, les élèves passent le certificat d'études primaires élé­

mentaires (CEPE) et une partie d'entre eux le concours d'entrée en

classe de 6e (début du secondaire)*

A la veille de l'indépendance (année 1959-60), les effectifs du

primaire comprenaient 51 490 élèves. En 1973-74, l'effectif était de

125 503, dont 46 776 filles, le taux de scolarisation atteignant 13,4 %

(mais avec de fortes disparités régionales : écart de 19 Í° à 4,3 %).

Le rendement est faible. Sur 1 000 enfants entrant dans le pri­

maire, 592 arrivent au bout du cycle de six ans, 122 entrent dans le

secondaire, 17 terminent le secondaire de sept ans en obtenant le bacca­

lauréat. Le coût est élevé. En 1973» le coût unitaire par élève est de

10 400 F CFA, et un titulaire du certificat d'études primaires coûte

248 100 F CFA.

L'enseignement primaire ne donne aucune préparation à l'emploi,

sauf aux échelons les plus modestes de la fonction publique.

LlËiïËËlSSêS^ïîi-ËËÇ0-—âi^Ë es^ également proche du modèle fran­

çais. Un premier cycle de la filière longue (lycées et collèges) aboutit

en quatre ans à un concours pour l'entrée au deuxième cycle qui dure

trois ans et mène aux différents baccalauréats. La filière courte des

collèges d'enseignement prépare en quatre ans au brevet d'enseignement

du premier cycle (BEPC). A partir de là on peut, soit passer le concours

des cours normaux d'instituteurs adjoints, soit, toujours sur concours,

rejoindre la classe de seconde TM ou T0P0 du lycée technique.

Les effectifs de l'enseignement secondaire sont, en 1974, de

11 953 élèves (dont 5 034 pour le premier cycle des lycées, 2 417 pour le

deuxième cycle et 4 502 pour les CEG (premier cycle)

(6) Source : SHIVA LINGAPPA.- 0p. cit., p. 10 seqq.

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L'enseignement technique comprend en 1974 le lycée technique

de Ouagadougou qui appartient à l'enseignement public et a 723 élèves

(554 garçons et 169 filles). On y entre sur concours au niveau de la

classe de 4e et les élèves sont répartis entre trois options

. option économique,

. option technique industrielle,

. option génie civil,

qui donnent accès* des "brevets d'enseignement commercial et industriel

ou à des brevets de techniciens.

Une dizaine de collèges techniques privés (1 378 élèves au to­

tal) -formation professionnelle ou formation ménagère- recrutent à partir

du CEPE et donnent un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) ou un

certificat de fin d'apprentissage.

Au-delà de ces branches, une structure_d^enseignement_sup_érieur

est en place à Ouagadougou, qui représente les premières étapes d'un

cursus universitaire.

fi) L'Education rurale première formule

Le système de l'Education rurale est né en 1962 de la volonté

de créer une "école parallèle" au cycle primaire, mieux adaptée aux réa­

lités économiques et aux contraintes financières.

"Son but est d'assurer à la totalité des enfants qui n'ont pu être scolarisés, une instruction élémentaire et une for­mation rurale civique (art. 2). Cette forme d'éducation est donnée en trois années dans les centres d'éducation rurale à recrutement triennal implantés dans les zones à vocation rurale, peu scolarisées, où sont inscrits, par priorité, les élèves de 12, 13 et 14 ans n'ayant jamais été scolarisés (art. 3 et 5)." (7)

En dix ans, de 1962 à I97I, le nombre décentres d'éducation ru­

rale (CEE) est monté à 793, accuilllant 26 992 élèves (24 048 garçons

et 2 944 filles).

(7) Voir M.R. MEDARD.- L'éducation rurale en Haute-Volta. Evaluation et révision du projet.- Paris, SEDES/UNESCO, 1966.

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Mais, pendant cette période, se sont révélées de nombreuses

difficultés. Le niveau des maîtres, recrutés la plupart du temps avec

le CEPE et provenant des écoles urbaines, ne permettait pas une véri­

table ruralisation. De plus, dans la pratique, le contenu des pro­

grammes qui, en théorie, mettait au second plan l'enseignement acadé­

mique, ne trouvait pas l'articulation avec le travail agricole réel

dans les communautés paysannes qui restaient en marge, malgré la ten­

tative d'organiser des "groupements post-scolaires". Enfin, la part du

budget de l'Education nationale qui revenait aux CER était très faible

(1,3 iò) dufait que ce budget qui représentait 23 % du budget de l'Etat

ne pouvait s'accroître faute de ressources économiques nationales.

Devant ces difficultés, le gouvernement décidait, en 1974, de

rattacher l'Education rurale au ministère de l'Agriculture. Elle allait

ainsi changer profondément de nature et devenir "Formation des jeunes

agriculteurs".

4/ La Formation des jeunes agriculteurs et la participation au développement

Cette expérience voltaique a déjà fait l'objet de travaux nom­

breux et importants parmi lesquels on doit mettre en première ligne la

thèse de doctorat de Lédéa-Bernard Ouédraogo : Les groupements pré­

coopératifs au Yatenga, Haute-Volta. Essai de modernisation d'une struc­

ture éducative traditionnelle : le Naam (Paris, Ecole des hautes études

en sciences sociales, 1977). M. Ouédraogo a été le promoteur de la trans­

formation du système et son analyse, jointe à son expérience, sont irrem­

plaçables. On doit signaler également un autre mémoire de recherche im­

portant produit par l'un des responsables régionaux de l'expérience,

Hamidou-Benoît Ouédraogo : Opération intergénérationnelle en Haute-Volta.

Conseils villageois, formation des jeunes agriculteurs et développement

des communautés de base. Etude de cas sur huit villages mossi de l'ORD

de Ouagadougou (Diplôme de l'EHESS. Paris, 1978) (8).

(8) Parmi les études de 1'UNESCO qui abordent ce problème, on peut citer notamment : Participation et auto-développement. Le cas des groupe­ments NAAM au Yatenga en Haute-Volta, par Lédéa-Bernard OUEDRAOGO et Mme Yvonne MIG-NOT-LEFEBVRE. - Paris, UNESCO, Division de l'Etude du Développement. Rapports/Etudes. PAR. 1, 1978.

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Nous nous attacherons, à partir de là, à rassembler les élé­

ments les plus significatifs caractérisant

A/ La mise en place et l'organisation du système.

B/ Son contenu et son fonctionnement.

C/ Son évaluation.

A/ Historique et organisation

A partir de l'organisation d'ensemble du système que nous avons

évoquée précédemment et devant les difficultés rencontrées, l'un des

responsables régionaux de l'Education rurale, L.B. Ouédraogo, entreprend,

dans le Yatenga, en pays mossi, d'utiliser les structures tradition­

nelles comme référence pour faciliter la réinsertion des jeunes sortant

des CER dans leur milieu. Il existe, en effet, dans la société villa­

geoise, une association traditionnelle de classe d'âge, le Naam, qui

accueille les jeunes gens dans la période d'adolescence jusqu'à leur

entrée dans la vie adulte. Le Naam est à la fois une structure de for­

mation, d'apprentissage de la vie sociale et également une organisation

communautaire de production, profondément intégrée dans le système

socio-culturel villageois. L. B. Ouédraogo décrit en ces termes les

fonctions du Naam :

"Le Naam est une association temporaire de jeunes gens et de jeunes filles de même groupe d'âge. Il représente en miniature la structure politique de la société tradi­tionnelle mossi. Des jeunes'du même village ou d'un groupe de quartiers (20 à 35 ans pour les garçons, 15 à 20 ans pour les filles) se mettent d'accord pour organiser le Naam. En général, on l'organise pendant la saison des pluies. Ils se répartissent au soir au clair de lune (9) sur la place publique pour élire leurs responsables et se répartir les tâches. C'est en fonction du comportement des individus qu'on leur confère un titre ou un rôle au sein de l'association"

Ainsi se répartissent les tâches qui permettent au Naam d'entre-prendre

des opérations de culture pour le compte des paysans du village qui

ont besoin d'un apport de travail supplémentaire. La rétribution per­

mettra au groupe d'organiser ses fêtes de classe d'âge.

(9) En Afrique de l'Ouest, les soirées de clair de lune sont fréquemment le théâtre de manifestations de la vie sociale.

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"Pour les jeunes, en même temps qu'ils deviennent endu­rants, ils suivent des cours d'apprentissage agricole et, dans une certaine mesure, des leçons d'éducation coopérative pratiques. Ils placent leur association dans un climat de participation volontaire. Enfin, le Naam réalise une micro­société complète équilibrée. C'est un jeu social régi par les règles de la vie quotidienne. Il introduit ainsi les jeunes dans la vie sociale réelle." (lO)

L.B. Ouédraogo s'attache ainsi, à partir de là, à "négocier", à

travers un véritable travail d'animation, avec les adultes et les an­

ciens du village, la reconnaissance des "groupements post-scolaires"

comme structure nouvelle du Naam. Le Naam rénové garde pour une bonne

part sa signification sociale initiale et, à ce titre, il est perçu

positivement par les anciens. D'autre part, il assurera un rôle écono­

mique accru, permettra de donner plus de responsabilités aux jeunes

s'ouvrant à l'innovation et, à ce titre, il sera également bien reçu

par ces derniers» Le Naam rénové devient ainsi le support de l'Educa­

tion rurale rénovée, l'institution moderne et l1institution tradition­

nelles ayant fait respectivement un certain chemin l'une en direction

de l'autre pour pouvoir se rencontrer.

Les initiatives prises au Yatenga intéressent particulièrement

les responsables qui prennent la décision d'avaliser la nouvelle orien­

tation à travers la réforme de l'Education rurale. L.B. Ouédraogo avait

tenté d'intégrer davantage les Naam nouveaux entre eux en établissant

l'esquisse d'une petite organisation federative régionale. Cette orga­

nisation elle-même doit s'articuler avec l'Office régional de dévelop­

pement (ORB) OÙ elle doit trouver un support économique, technique,

administratif. Tout naturellement donc, l'Education rurale vient s'in­

tégrer au développement rural par son rattachement, en 1974, au minis­

tère de l'Agriculture ; elle devient en même temps "Formation des jeunes

agriculteurs" (FJA). Et les Naam, qui s'érigent en structures perma­

nentes , accroissant leur potentiel et leur efficacité économiques

sans perdre leur insertion socio-culturelle, deviennent des "groupe­

ments de jeunes agriculteurs" (GJA) à caractère pré-coopératif. On abou­

tit ainsi à un système tendant à la formation et l'intégration des

jeunes dans l'emploi tout en préservant leur participation sociale (11)

(10) OUEDRAOGO (D. B.).- Les groupements précoopératifs au Yatenga...

(11) Voir la note p. suivante.

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B/ Contenu et méthodes

Le CER est devenu Centre de formation de jeunes agriculteurs

(CFJA). Le£ ormateur prend le relais de l'ancien maître rural. Sa tâche

le conduit, dans un premier temps, à "négocier" avec le village ou le

groupe de hameaux qui doivent envoyer leurs jeunes au centre. D'entrée

de jeu, donc, la structure sociale existante est considérée comme l'inter­

locuteur essentiel. Il faut "reconnaître" cette structure, d'abord.

L. B. Ouédraogo, rapportant son expérience, identifie cinq étapes dans

la méthodologie d'articulation du centre au village en vue de la création

du groupement :

1 . Prendre contact avec le village selon les modalités des

échanges et de la communication traditionnels.

2 o Ouvrir un dialogue général en faisant l'inventaire avec

les villageois de l'ensemble des problèmes qu'ils se posent.

3. A partir de là, dans une réflexion commune, analyser les

rapports avec l'encadrement, les "agents de développement", voir les ob­

jectifs possibles et souhaitables et la formation nécessaire pour les

atteindre.

4. Poser le problème de l'organisation des jeunes dans le

cadre du Naam comme moyen de réaliser les objectifs. Etudier la colla­

boration entre le groupement des jeunes et le village : ce que le village

doit apporter aux jeunes -des terrains de culture, des conseils d'expé­

riences, un certain contrôle social-; ce que les jeunes doivent donner

en contrepartie - un travail productif socialement utile, culturellement

appreciate- . Ainsi pourra être prise la décision par le pouvoir tradi­

tionnel villageois.

(il) L'aspect de participation a été étudié dans une étude comparative récente de 1*UNESCO.- V. R. COLIN.- Les méthodes et techniques de la participation au développement. Analyse comparative et pro­blématique à partir de l'étude de quelques dossiers significatifs.-Paris, UNESCO, Division de l'étude du développement. Rapports/ Etudes. PAR. 3, 1978.

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5. Mettre en place le groupement qui offre la "présidence

d'honneur" de l'association à deux notables du village qui"serviront de

trait d'union entre le monde traditionnel et le groupement pré-coopératif

dont ils seront les conseillers coutumiers".

Le centre de formation est suivi par un "conseil villageois du

centre" (CVC) qui conseille le formateur sur le contenu de la formation

à donner.

Cette articulation avec la classe d'âge des anciens ne supprime

pas les conflits de génération, mais elle indique un lieu où ils peuvent

trouver leur solution dans le dialogue.

Cette formation, pour l'essentiel, répond aux objectifs fixés

par la direction des services de la PJA dans une Directive orientant les

activités et programmes (avril 1976) :

"La Formation des jeunes agriculteurs se propose autant de développer les capacités psycho-intellectuelles des jeunes (formation de l'esprit, de l'intelligence pour savoir orga­niser l'action en vue d'un but) que de former des jeunes capables de s'intégrer à leur milieu, qui connaissent leur futur métier (producteur) et qui sachent améliorer leurs conditions de vie (utilisation des revenus, santé, nutri­tion)."

Le GJA, dans un premier temps réservé aux seuls anciens élèves

des CER/FJA, s'est ensuite progressivement ouvert aux autres jeunes de

la classe d'âge "analphabètes". Il comprend de 15 à 30 membres et il

peut y en avoir plusieurs dans un même gros village, mais reliés par un

lien fédératif. Il élit un comité de gestion (président, secrétaire, tré­

sorier, responsable des différentes activités économiques, sociales, cul­

turelles). Il continue d'organiser les fêtes du type des rites de classe

d'âge, mais il garde une part de son surplus de production pour des opé­

rations d'équipement. Il a un compte en banque et forme progressivement

son "auto-encadrement".

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C/ Situation et perspectives

Si l'orientation et les principes se dégagent clairement à tra­

vers l'expérience observée, celle-ci laisse apparaître nombre de pro­

blèmes et de contradictions.

Il est évident que la nouvelle ligne de l'Education rurale deve­

nant F JA s'attaque aux véritables problèmes dont dépend l'intégration

des jeunes à l'emploi et aux structures sociales et qui conditionnent,

en définitive, pour une bonne part la survie de la société rurale. On

doit noter particulièrement que, à la différence de nombre d'autres

tentatives, elle a saisi l'importance de trouver une articulation entre

le système socio-culturel et les projets de modernisation économique

sans rupture entre les générations et elle montre des voies possibles

et praticables.

Son objectif n'est pas d'aboutir prioritairement à des résultats

de production économique décisifs pour franchir des seuils irréver­

sibles de développement, mais d'abord d'éviter la destruction du système

de production rural par le fait de l'exode rural.

Une illustration villageoise

Pour le meilleur des cas, on peut se référer à une illustration

positive donnée par Benoît-Hamidou Ouédraogo :

"Village de Gonsin. Le centre est créé en I966, mais le projet de rénovation ne s'instaure qu'en mai 1975 ; le for­mateur, Bangouba K, intégré au village, jouit de la réputa­tion d'un homme exemplaire, travailleur infatigable, atten­tif, discret et persuasif. Il ne rencontre aucune diffi­culté pour amener le village à adhérer aux objectifs de la FJA. Un Conseil villageois de douze membres de forme ; au cours de plusieurs réunions successives, chaque gros quartier désigne trois représentants pour la constitution du CVC. La présidence du Conseil revient au plus âgé du groupe, Kabores (soixante-quinze ans), un 'bon' musulman dont la sagesse et le mythe des souffrances extraordinaires endurées pendant les travaux forcés de la période colo­niale forcent le respect de ses concitoyens. Après trois années d'activités du CVC, Kabores cède pratiquement son poste au vice-président Pagnan K. (cinquante-cinq ans), un homme d'une stature imposante, n'aimant pas les 'longs dé­tours' pour dire 'sa vérité' dans les réunions. Le CVC

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s'occupe seul du recrutement ; vingt-six jeunes de quatorze à dix-huit ans sont retenus parmi une trentaine de volon­taires accompagnés de leurs parents. Le formateur discute du plan de formation avec le CVC, sceptique au départ tant les nombreuses innovations heurtent trop la conception et la pratique des paysans : nouveau système d'assolement et de rotation, entretien d'une fosse furniere, travail en plusieurs équipes, etc. La personnalité du formateur em­porte les hésitations.

"Après deux mois de fonctionnement, les résultats de l'ex­ploitation surprennent les paysans de Gonsin et alimentent les conversations au marché, aux cabarets et dans les fa­milles. L'impact du centre est visible. Dans les quartiers, les fosses fumières se comptent maintenant par dizaines et les jeunes du Centre sont sollicités pour des conseils tech­niques sur l'utilisation des engrais, la fabrication du rayonneur, la densité des divers semis, etc. Le CVC et le formateur prennent de plus en plus en main l'animation du village ; ils suscitent des projets de développement au niveau de la jeunesse et des chefs de famille tous organisés en groupements. Les problèmes du village sont recensés au cours des réunions de coordination des activités. La préoccu­pation principale s'avère être celle de l'eau ; tous les ha­bitants sensibilisés au problème se cotisent et une somme de 37 500 F CFA est réunie pour la construction d'un barrage. Le CVC prend des contacts divers, se rend à Ouagadougou et explique son projet à 'SOS Sahel' qui accepte de le financer. Les difficultés ne manquent pas cependant sur le chemin de la Rénovation.

"La migration d'une couche importante de la population jeune a une influence négative considérable. Les migrants qui reviennent pleins d'ambition de la Côte d'Ivoire s'en prennent au départ à la FJA et cherchent à décourager les jeunes en formation qui reprennent aisément leur propos : 'Vous perdez votre temps... Où vous conduit un enseignement en mooré (*)... Demandez un peu à votre maître s'il a été alphabétisé en mooré pour être ce qu'il est aujourd'hui ?...'

"Toutefois, le CVC a toujours su répliquer à ces détrac­teurs comme il le faut. Un conflit relatif à des terres oppose ensuite la jeunesse organisée du village au quartier Koulugo. Le CVC tente d'abord un arbitrage du différend, mais finit par prendre parti pour la jeunesse ; cette prise de position lui vaut un procès à la sous-préfecture de Boussé, procès qu'il emporte. Le quartier Koulugo, humilié et outré, retire en conséquence ses jeunes du Centre.

(*) Le mooré est la langue parlée par les Mossi.

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"Notre dernière enquête, datée du mois d'août 1977, augure de sérieuses difficultés pour le CFJA ; l'opposition est manifeste entre les jeunes en formation qui exigent une plus grande autonomie dans la gestion des biens du Centre et le président du CVC dont le leadership de type autori­taire heurte bien des susceptibilités ; quelques parents de jeunes parlent d'un excès de pouvoir ou d'une ambition démesurée du président. Le chef du village appuie l'en­semble des innovations diffusées par la FJA ; son autorité est cependant de plus en plus en veilleuse face à un CVC qui reçoit constamment l'aval de l'administration des Ser­vices techniques et des nombreux experts européens en vi­site d'étude.

"Les jeunes ne sont plus que dix-huit, travaillant avec joie et entretenant des relations de réciprocité avec le formateur ; l'assiduité est bonne. La PJA a convaincu ici les villageois de l'impérieuse nécessité de l'innovation technique dans l'agriculture traditionnelle. Les résultats des racoles du Centre sont cette année encore l'objet de commentaires élogieux." (12)

Les problèmes

Cette illustration circonstanciée montre une bonne part des

obstacles et des bénéfices de semblable opération.

Posant le problème de la transformation de la société villageoise

dans sa globalité à partir des rapports de générations, elle voit surgir

les obstacles de tous horizons :

„ de l'intérieur, d'abord ; elle doit affronter les pesan­

teurs sociologiques, les relations et conflits d'intérêts de la micro­

société villageoise ;

„ de l'extérieur, ensuite ; il faut que l'encadrement ex­

terne représentant l'appareil d'Etat suive. Dans le cas du village de

Gonsin, que nous avons choisi comme illustration positive, cet encadre­

ment a suivi ; dans d'autres cas, il ne suit pas ou mal, et le travail se

bloque ou se ralentit.

(12) Benoît-Hamidou OUEDRAOGO.- Opération intergénérationnelle en Haute-Volta. Mémoire EHESS, I978, déjà cité.- pp. 61-63=

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On doit noter aussi le rôle essentiel de la qualité du forma­

teur, non seulement comme pédagogue, mais aussi comme médiateur, forma­

teur d'adultes.

Enfin, on doit s'interroger sur le problème posé par la coexis­

tence de deux lignes d'éducation-formation : la ligne académique for­

melle et la ligne extra-scolaire non formelle. La Haute-Volta doit s'en­

gager dans une réforme générale de l'éducation. C'est une heure de vérité

dans la mesure où l'évolution des rapports éducatifs pose le problème de

l'ensemble des rapports sociaux, avec les choix économiques qui les sous-

tendent, notamment dans la relation avec les forces extérieures. Benoît-

Hamidou Ouédraogo tempère ainsi les connotations positives que nous re­

prenions à partir de son enquête :

"Nous constatons que la Formation des jeunes agriculteurs suscite au départ un bouillonnement créateur des populations rurales qu'elle interpelle. Très vite cependant, cet espoir cède la place à l'indifférence ou à la passivité dans de nombreux villages. Pourquoi ce fait ? Les paysans mossi possèdent un sens intuitif très développé et ils sont per­suadés que la restauration du pouvoir villageois n'est qu'illusion. Ont-ils tellement tort ? Les premiers pas des Conseils villageois des Centres butent rapidement en effet sur de nombreuses contradictions, en particulier sur les structures institutionnelles du pouvoir central." (13)

Mais l'important est probablement d'avoir introduit dans la pra­

tique du développement les germes d'une nouvelle stratégie. Lédéa-Bernard

Ouédraogo parle en ces termes de cette ligne "aidant la démarche à deve­

nir africaine" :

"Si le développement, de par ses facteurs fluides, est une cible mobile, donc difficile à atteindre, il ne s'agit plus de chercher dans les échecs un coupable ou une victime, mais d'analyser avec les intéressés ces insuccès afin d'en mieux cerner les causes, en vue de solutions possibles par une approche maïeutique qui permettra à chacun d'exprimer ses idées, de se découvrir individuellement et collecti­vement pour mieux se remettre en question." (I4)

(13) Op. cit., p. 163.

(H) Lédéa-Bernard OUEDRAOGO.- Thèse, déjà citée, p. 3.

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Les Centres d en La

République formation

pour une pris

'éducation de Guinée-participant 3 en charge

populaire in1 Bissau. e des jeunes du développe

égrée

et des ment.

adultes

1/ Situation démographique dans une perspective historique

Les incidences du régime colonial particulièrement retardataire

et d'une longue lutte armée de libération ont été profondes sur l'évo­

lution de la démographie de Guinée-Bissau. La guerre a vu la perte de

nombreuses vies humaines, des déplacements internes de population et,

également, des mouvements de réfugiés importants vers les deux pays li­

mitrophes : le Sénégal et la Guinée. La fin de la guerre s'est accom­

pagnée de nouveaux mouvements de population externe (retour des réfu­

giés) et interne (entre les zones libérées par le PAIGC du temps de la

lutte et les zones occupées par les Portugais).

Il est important de fixer les points de repère essentiels de

cette histoire récente (1) :

. I956 : Amilcar Cabrai fonde le Parti africain de l'indépendance de

la Guinée-Bissau et du Cap-Vert (PAIGC).

. I959 : Massacre des grévistes de Pidjiguiti à Bissau et décision du

PAIGC de s'engager dans la lutte armée.

. I963 : Lancement effectif de la lutte armée et libération rapide de

vastes régions (les deux tiers du pays, en zones essentielle­

ment rurales, l'espace urbain restant contrôlé par le pouvoir

colonial).

. 24 septembre 1973 : Proclamation de l'indépendance en zone libérée.

. Octobre 1974 : Entrée du PAIGC à Bissau et départ des Portugais.

(ï) L'ouvrage de référence donnant un tableau d'ensemble du pays est : ANDREINI (J.C.), LAMBERT (M.L.).- La Guinée-Bissau d'Amilcar Cabrai à la reconstruction nationale.- Paris, L'Harmattan, 1978.

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On dispose des résultats de deux recensements faits par les

Portugais en 1950 et 1970. Le second, qui porte sur 487 448 hab., n'est

considéré comme valable que pour les zones non libérées. Par ailleurs,

le PAIGC estimait, en 1974, à 350 000 hab. la population des zones li­

bérées. En tenant compte d'un taux de croissance de 2 % par an, on peut

arriver à reconstituer une projection plausible en intégrant l'ensemble

1970

1974

1975

1976

1977

810 793

877 628

895 181

913 085

931 346

hab. 1978

1979

1980

1981

1982

949 973 hab.

968 973

988 352

1 008 119

1 028 282 (2)

Il n'existe pas de chiffres précis pour la répartition entre

population rurale et population urbaine. La première se situerait

entre 80 et 85 % et la seconde entre 15 et 20 $>.

Le recensement de 1960 donnait une répartition de la population

active de 87,8 % dans l'agriculture, 3,2 % dans l'industrie et S % dans

les services (3).

La structure par classe d'âges jeunes ressort du recensement

de i960, selon les pourcentages suivants :

0-4 ans 14,4$

5- 9 ans 14,2 %

10-14 ans 7,3 %

15-19 ans 7,0 fo

20-24 ans 8,6 %

La densité générale de la popuktion serait d'environ 26 hab.

au km2 en 1979 (superficie totale : 36 125 km2).

(2) de SENA (Luiz), LAMBERT (M.-L.).- L'éducation en République de Guinée-Bissau. Situation et perspectives 1977.- Paris, IRFED, 1977.- p. 18.

(3) Cité par : CARNEIRO (Roberto), MOULTON (Jeanne).- Aperçu sur le sys­tème éducatif en Guinée-Bissau.- UNESCO, Division des politiques de planification de l'éducation. Rapports/Etudes. C3, 1977-

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2¡ L'économie et l'emploi

Compte tenu des perturbations dues au régime colonial, à la

guerre et à leurs séquelles, il n'est pas aisé de donner une image

claire et précise de l'économie de Guinée-Bissau qui est en voie de

reconstruction. On dispose de peu de données. Les statistiques offi­

cielles sont incomplètes (4). Sous ces réserves, on peut se référer

aux données suivantes par secteur.

Le monde rural

La colonisation en Guinée-Bissau n'avait lancé aucune entre­

prise agricole importante (à la différence de l'Angola et du Mozam­

bique). Elle avait mis en place une agriculture de traite commerciali­

sant de l'arachide et du coprah principalement.

L'agriculture traditionnelle pratiquée par les peuples de la

façade atlantique, notamment les Balantes, se fondait sur la produc­

tion rizicole. La zone de savane intérieure des Mandings connaissait

la dominante de la culture du mil et de l'arachide, tandis que l'arrière-

pays proche du Fouta Djallon, chez les Foulas, pratiquait l'élevage en

association avec des cultures de savane sèche. Le pays vivait en auto­

suffisance alimentaire.

La guerre déséquilibrait l'économie agricole et les importations

de riz, en croissance jusqu'à la libération, devenaient indispensables

pour rétablir l'équilibre vivrier.

Pendant la lutte, le PAIGC avait organisé entièrement les zones

libérées en structures d'autogestion villageoises. Les"Comités de tabancas"

du PAIGC, démocratiquement élus, contrôlaient et organisaient toute la

(4) Republica da Guiné-Bissau. Comissariado de Estado do Desenvolvimento Econo'mico e Planificação. Direcção Geral de Estatística. Anuário Estatístico 1977.

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vie villageoise, autant l'économie et l'agriculture que la santé et

l'éducation. Les tabancas fonctionnaient donc en auto-subsistance. Dès

la paix revenue, il fallut assurer à la fois l'équilibre vivrier pour

les anciennes zones non libérées à dominante urbaine et faire face au

changement du régime économique impliquant une nécessaire articulation

avec l'économie mondiale , donc un commerce extérieur, un système moné­

taire.

Dans ces conditions, l'agriculture se voyait assigner deux prio­

rités : rétablir la balance vivrière en accroissant notamment la produc­

tion rizicole ; contribuer à la production de ressources exportables

par la production de cultures de rente, essentiellement arachide et

coton, essentiellement dans les zones Nord et Nord-Est du pays.

Les importations de riz au regard de la production, ainsi que

la production et l'exportation de l'arachide tiennent dans le tableau

suivant (5) :

Importation de riz (tonnes)

Production de riz (tonnes)

Exportation d'arachide (tonnes)

Production d'arachide (tonnes)

1968

1969.

1970

1971.

1972

1973

1974

1975.

_ 3 800.

.23 000.

.13 000.

.28 900.

.20 400.

.29 800.

.30 600.

_16 800

.17 500.

30 000.

15 000.

38 000.

28 000.

95 000

12 000.

15 100.

14 000.

6 100

11 600

13 700.

9 500

, 8 200

36 000

35 000

36 500

40 000

L'élevage, d'après un recensement fait en 1976, comprend en­

viron 166 000 bovins.

(5) ANDREINI et LAMBERT.- Déjà cité.- p. 102.

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Le secteur industriel

En I965, selon le calcul des services portugais, l'industrie ne

contribuait que pour 0,9 % à la formation du produit intérieur brut et

n'occupait qu'un peu plus de 3 Í° de la population active, avec une très

forte concentration à Bissau. Dix ans après, au moment de la libération,

la situation n'a guère changé en contenu de production, mais le contrôle

de l'Etat se substitue aux anciennes firmes coloniales, en particulier

à la Companha União Fabril (CUP) qui détenait un quasi-monopole sur le

secteur moderne (production et services). La nouvelle politique indus­

trielle vise la mise en place d'unités de petite et moyenne dimensions

pour l"Mmport-substitution", et aussi quelques complexes plus étendus

pour le marché extérieur et l'obtention de devises (complexe sucrier,

industrie de décorticage et d'huilerie). A plus long terme, des pers­

pectives d'extraction minière existent (bauxite). Un effort important de

construction d'une indispensable infrastructure a été entrepris.

Il est difficile, dans l'état actuel des études économiques,

d'établir une projection sérieuse concernant le problème de l'emploi ;

mais il paraît certain que la Guinée-Bissau devra faire face à des pro­

blèmes en partie comparables à ceux des pays voisins, c'est-à-dire éviter

qu'une attraction des zones urbaines sans croissance industrielle consé­

quente (attraction interne, mais aussi externe, avec un fort courant de

migration internationale) ne crée un exode rural destructeur de l'équi­

libre des forces productives dans le monde paysan. Il est donc important

de pouvoir répondre aux problèmes de modernisation de la production et

des emplois ruraux, tout en procédant à un effort soutenu dans le domaine

du développement régional, tout ceci prenant place dans la ligne d'une

politique planifiée, selon les choix du PAIGC, sans exclusion d'une ouver­

ture vers l'extérieur et de la création d'un secteur d'économie mixte,

notamment pour les ensembles industriels d'une certaine importance.

Selon les chiffres des services du Plan, de l'Annuaire statis­

tique 1977, le nombre des emplois salariés était de 24 359. 80 fo étaient

localisés a Bissau (19 734), l'agglomération comprenant environ 100 000

habitants. L'Etat emploie 62 io de l'ensemble de la main d'oeuvre salariée

(15 051 fonctionnaires sans compter les forces armées). Le secteur d'Etat

(fonctionnaires et employés des entreprises publiques représente 19 455

emplois, le secteur privé 3 879 et le secteur d'économie mixte 1 025.

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3/ Situati on de l'éducation

Pendant la période coloniale, le système éducatif reste très

limité. C'est la guerre qui verra l'expansion de l'enseignement. En

premier lieu, Âmilcar Cabrai, fondateur du PAIGC, assigne comme l'une

des tâches essentielles du mouvement politique de promouvoir une édu­

cation nouvelle. Dès 1965 est fondéeà Conakry, l'"Ecole pilote"qui de­

viendra l'"Instituto da Amizade" recueillant les orphelins de guerre et

donnant une formation destinée à préparer des cadres, tout en donnant

l'impulsion aux écoles créées dans les tabancas des zones libérées.

En 1971-72, 14 531 élèves fréquentaient les 164 écoles mises en place

par le PAIGC dans les zones libérées.

Le Commissariat d'Etat à l'Education nationale est créé en

octobre 1974. Il reprend aussitôt l'organisation de l'ensemble du sys­

tème éducatif.

L'enseignement primaire comprend, au départ, deux catégories

d'écoles : d'une part, les écoles de type urbain, d'autre part, les

écoles rurales.

Les unes et les autres ont, en principe, un cycle de quatre

classes, bâti selon le modèle portugais, constituant l'école primaire

proprement dite, qui se prolonge, dans certains cas, par un'bycl© pré­

paratoire" de deux années complémentaires représentant la mise en place

d'un'enseignement basique1; aux termes de la réforme portugaise de 1968.

Mais ce dispositif complémentaire ne fonctionne que très partiellement

dans le monde urbain (5e et 6e classes). Du temps de la colonisation, les

écoles rurales n'étaient autre chose que des centres d'alphabétisation

infantiles, les écoles urbaines de plus haut niveau et dotées de meilleurs

enseignants se voyant confier la tâche de former les auxiliaires guinéens

du colonisateur.

Le gouvernement, dès 1974, entreprend de définir une réforme dont

l'ossature est au point en 1975-76, mais dont l'application posera de sé­

rieux problèmes dûs, en particulier, à la pénurie de personnel enseignant

qualifié et au manque d'infrastructures. Il est décidé, notamment, de faire

une place plus large à l'articulation avec le"travail productif'et de

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_ 99 -

généraliser les 5e et 6e classes. C'est sur ce terrain que se branchent

les Centres d'éducation populaire intégrée que nous évoquerons plus loin.

La nouvelle politique doit réaliser une double intégration :

intégration en 'un système cohérent des appareils légués par le coloni­

sateur, qu'il faut réintégrer dans le sens des options nationales, et des

organisations scolaires du PAIGC des anciennes zones libérées, qu'il faut

pouvoir renforcer techniquement et ouvrir à la nouvelle dimension du dé­

veloppement .

L'organisation du Commissariat d'Etat met en place dans chacune

des huit régions un Responsable régional deA'éducation qui coordonne et

contrôle tout le système éducatif, en relation avec le Comité d'Etat de

la région. A l'échelon sous-régional existent des responsables de secteur,

Des classes pré-primaires existent en assez grand nombre et cor­

respondent à 30 % environ des effectifs du primaire.

L'enseignement secondaire est,donné dans trois établissements.

Le plus important est le lycée Kwamé NKrumah à Bissau. Un lycée est en

formation à Cantchungo et un autre à Bafata.

Pour le moment, le lycée est construit selon le système portu­

gais : trois année3 apre3 le cycle préparatoire, suivies de deux années

de cours complémentaire, Tout ceci doit être profondément transformé par

la réforme qui prévoit une articulation plus forte et plus logique avec

le primaire rénové (voir schéma ci-après).

0 m m Enseignement

générai polyvalent

III

Enseignement moyen pré-universitaire et polytechnique

Enseignement pré-scolaire

1

ftourqe

Enseignement de base

1 2 3 4 5 6

(!#.), LAMBERT ( M . L . ) ó TS ft/1

1 2 3

P Ecoles

rofeasionnelle

1 2 3

3

4

1

' l 5 |

2 3 4

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L'enseignement technique et professionnel est assuré par l'Ecole

de commerce et d'industrie et l'Ecole de formation d'instituteurs de

Bolama.

La réforme prévoit la création d'un "enseignement moyen polytech­

nique" de trois à quatre ans comprenant un Institut pédagogique qui rem­

placera l'école de Bolama et formera les enseignants et un Institut tech­

nologique de formation professionnelle prenant le relais de l'Ecole de

commerce'et d'industrie de Bissau. Ce dernier formera à trois niveaux :

des ouvriers spécialisés, des ouvriers qualifiés, des techniciens.

Le tableau d'ensemble des effectifs de l'enseignement pour

l'année 1975-76 est donné page suivante.

4/ Les Centres d'éducation populaire intégrée (CEPl)

A/ Historique et organisation

En 1975» le Commissariat d'Etat à l'Education, soucieux du pro­

blème de l'intégration du système d'éducation/formation au milieu rural,

entame une série de réflexions portant, en même temps que la réforme de

l'enseignement, sur les innovations permettant de trouver un nouveau

type d'articulation entre les structures de formation des jeunes et les

communautés rurales. Cette réflexion, menée avec le concours de l'IRPED (6)

aboutit, en 1976, à la décision de lancer une action expérimentale tendant

à la création de Centres d'éducation populaire intégrée (CEPl).

Le projet, qui reçoit l'appui du gouvernement de Guinée-Bissau,

selon le document de base qui en fixe le contenu initial et les orien­

tations ,

"vise l'installation, dans le milieu rural, d'un système d'éducation globale prenant en charge la transformation et la promotion globale de la société en vue de la recons­truction nationale fondée sur. la responsabilité des cellules,

(6) Institut de recherche et de formation pour l'éducation et le dévelop­pement,; ONG internationale dont le siège est à Paris, spécialisée dans la recherche ëur' 1''éducation en situation de contradictions socio-culturelles . ! .'.' .

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de base, remettant en question les stratégies et les pra­tiques de croissance technologique conçues par le système d'économie marchande internationale. Ses actions expéri­mentales doivent devenir le centre de mise au point de pra­tiques de formation intégrées à la transformation écono­mique, sociale et culturelle, dans le champ des options politiques définies ; donc, lieu de formation, de re­cherche et d'action.

"Elles conduisent à un mode de formation nouveau concer­nant - les jeunes sortant de l'école primaire et devant accéder à la production ;

- hommes et femmes du monde rural dont le besoin est grand d'éducation permanente ;

- les cadres, c'est-à-dire responsables paysans, éducateurs, personnel technique et administratif qui reformeraient sur le terrain l'association d'une pratique d'expérimen­tation aux actions correspondant aux besoins locaux."

Il s'agit donc de développer trois lignes d'action qui prendront

place dans des Centres d'éducation populaire intégrée (CEPl) :

"l'éducation des jeunes paysans, l'animation de la société rurale et la formation de cadres polyvalents d'intervention dans le monde rural. Ces lignes d'action gardent une pro­fonde interaction entre elles dans un large contexte d'ac­tivités définies par la vie des tabancas (villages). La pra­tique scolaire sert de point de départ à l'animation, mais elle reçoit son contenu de la vie même de la communauté. Les cadres se forment dans la pratique de l'animation et dans l'accomplissement de leurs tâches d'enseignants. Les 'techniciens du peuple' et les leaders de la communauté interviennent dans la pratique pédagogique et dans la di­rection de l'école, et l'école, elle, collabore aux travaux de production et autres aspects de l'économie paysanne, ainsi qu'aux campagnes de mobilisation, d'organisation et d'éducation informelle des populations." (7)

Le projet se met en place à partir de février 1977, où est cons­

tituée au sein du Commissariat d'Etat à l'Education nationale une commis­

sion nationale des CEPI qui assurera le pilotage de l'ensemble de l'action

Le gouvernement décide que l'action commencera dans deux zones expérimen­

tales situées l'une au Sud, dans la région de Tombali, l'autre au Nord,

dans la région de Cacheu. La première représente une région qui a durement

(7) de SENA (Luiz).- Les Centres d'éducation populaire intégrée (CEPl) de Guinée-Bissau. Bilan 1978.- Paris, IRFED, nov. 1978.- pp. 4-5.

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souffert de la lutte et qui a été la première à se mobiliser politique­

ment derrière le PAIGC. Région des riziculteurs balantes, aux structures

traditionnelles fortement intégrées, elle a été délaissée par le coloni­

sateur et souffre d'un profond sous-équipement. La seconde est beaucoup

plus ouverte économiquement et socialement, extravertie, avec une migra­

tion assez importante et des actions de développement agricole touchant

l'agriculture céréalière de savane : mil et maïs. La population est en

grande partie mandjak et mancagne.

Une première équipe se met en place en mars 1977 dans la région

de Tombali, à Cufar, à une dizaine de kilomètres de Catio, chef-lieu

de la région» Elle comprend dix cadres guinéens en formation, à domi­

nante éducateurs, avec un responsable du niveau de l'école normale. Elle

est assistée de deux experts de l'IRFED. Elle aura comme objectif d'or­

ganiser le premier CEPI en définissant les méthodes et en les expéri­

mentant . Il est entendu que le premier travail sera de mettre au point

à l'intérieur du CEPI des classes de 5e et 6e post-primaires dans l'es­

prit de la réforme de l'enseignement et, en articulation avec ce tra­

vail, de procéder à une animation-éducation d'adultes et une mobilisa­

tion-formation des jeunes les intégrant dans les structures économiques

et sociales des villages, en respectant l'identité culturelle et les

options du PAIGC.

Après quelques mois de travail préparatoire mené avec les ta-

bancas, la première classe de 5e fonctionne en novembre 1977. La pre­

mière classe de 6e doit s'ouvrir en novembre 1978.

En mars-avril 1978, une seconde équipe de treize cadres guinéens

se met en place dans la région de Cacheu avec l'appui de deux nouveaux

experts de l'IRFED. Après une formation initiale, le premier CEPI est

ouvert en novembre 1978 à Bara, près de Cantchungo, principal centre

administratif de la région.

Dans le même temps se prépare au Commissariat d'Etat un premier

plan triennal d'extension qui doit permettre d'envisager un quadrillage

systématique des deux régions initiales et, à partir de là, programmer

une généralisation progressive aux autres régions, en relation avec les

programmes de régionalisation du Plan et la ligne de progression du

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développement rural qui s'intéresse à voir les jeunes sortant des 5e et

6e classes s'organiser en groupements de type pré-coopératif s'intégrant

dans les structures de production des tabancas.

S/ Méthode et programme

L'hypothèse de travail repose sur la volonté de faire correspondre

la formation aux besoins du milieu afin de voir les jeunes s'insérer dans

les structures sociales et économiques.

Dans le pays balante, la société traditionnelle qui s'est mobi­

lisée toute entière dans la lutte organisée par le PAIGC a gardé son sys­

tème de classes d'âge à travers lequel passe, dans le modèle originel,

l'essentiel de la formation des jeunes jusqu'à leur accession à la pleine

responsabilité d'adultes par le rite d'initiation, le "fanado". Pendant

la guerre, le rituel de l'initiation a été interrompu, mais il a repris

avec force en 1977- Les jeunes gens l'ont accepté, tout en négociant

avec les anciens au nom du poids et des responsabilités politiques qu'ils

ont pris dans la lutte de libération afin d'obtenir des aménagements et

des ouvertures à la modernité en préservant l'identité culturelle. Ils

ont pu ainsi acquérir leur part de pouvoir dans la société villageoise.

C'est en pleine connaissance de ces réalités que l'équipe du

CEPIde Cufar a abordé la phase préliminaire de son travail : contacts,

négociations, explications avec les "anciens", le pouvoir villageois, les

comités de tabancas du PAIGC où se rejoignent les deux sources de ce

pouvoir villageois, moderne et traditionnelle. Il s'agissait d'obtenir

l'accord des communautés paysannes pour participer à la mise en oeuvre

des CEPI, s'y impliquer au moins à trois niveaux : la définition des

besoins de formation ressentis dans les villages, apporter une contri­

bution à la formation, utiliser les résultats de la formation.

Dans le dialogue ainsi établi, quatre séries de thèmes apparais-\en priorité, touchant :

saient* 1. l'agriculture et l'élevage - 2. la santé - 3- l'artisanat

et la promotion technologique - 4. la communauté et sa culture.

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Autour de ces thèmes, l'équipe pédagogique bâtit la structure

du programme. Dans la cinquième classe, le programme se fait, chaque

semaine, à travers quatre jours de formation et trois jours de travail

au village dans les exploitations familiales. A chaque jour de formation

correspond régulièrement une série de thèmes. Ainsi le lundi, on travaille

sur l'agriculture. Eryfonction du choix des tabances, c'est la culture du

riz qui constitue la pièce initiale du programme.

La journée de formation est de six heures, découpée en trois sé­

quences. La première séquence est centrée sur l'étude de la réalité pay­

sanne en relation avec le thème choisi ; elle est assurée avec et par les

paysans compétents, détenteurs du meilleur savoir traditionnel et spécia­

lement désignés par les comités de tabancas ; ces'éducateurs paysans"ne

sont pas rémunérés.

La seconde séquence, donnée par les éducateurs des CEPI, consiste

à reprendre le même sujet en l'éclairant de données scientifiques ; ainsi,

pour le riz, on évoquera les notions essentielles de biologie végétale,

l'engrais, etc.

La troisième séquence aborde la pratique possible dans le village,

compte tenu de l'apport du savoir traditionnel et des connaissances mo­

dernes .

Tout ceci se fait en relation étroite avec les 'paysans formateurs"

'techniciens du peuple". Et dans la fraction de semaine qui suit, on pourra

aborder les applications au village.

Jour après jour, sur tous les thèmes, la pédagogie en trois sé­

quences successives suit le même rythme, intégrant ainsi profondément la

formation au village, cependant que la participation des jeunes au tra­

vail productif est une donnée constante dont les éducateurs ne sont pas

exclus.

On réalise ainsi une intégration progressive entre la formation

et la production, la formation et le travail des jeunes et la formation

et le travail des adultes. Les techniciens de l'appareil d'Etat qui tra­

vaillent dans la zone sont associés au CEPI et une relation étroite s'éta­

blit avec les classes primaires qui devraient pouvoir s'ouvrir aux apports

de cette pédagogie nouvelle.

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La 6e classe se bâtit selon un schéma comparable, avec un pro­

gramme qui élargira ses thèmes au-delà de l'univers restreint du village

pour toucher la réalité régionale et nationale. Il est envisagé que la

même orientation puisse être testée dans le secondaire, spécialement au

nouveau lycée de Cantchungo, en relation avec les CEPI. Les projets CEPI

rejoignent profondément les grands choix de la réforme de l'enseignement

et la volonté d'intégration des jeunes au développement.

C/ Les problèmes et les perspectives

Le premier bilan fait en novembre 1978 (8) montre que, tant dans

le Nord que dans le Sud, l'essentiel de l'hypothèse de travail s'est lar­

gement vérifié sur le terrain.

„ Dans l'espace de formation du CEPI, la participation des

jeunes a été régulière et positive. Les programmes se sont déroulés selon

le rythme prévu, avec la participation villageoise. L'élaboration d'un

matériel didactique approprié se fait progressivement. Les enseignants

ont décidé de lancer un journal pédagogique permettant de capitaliser

et diffuser les acquis de leur expérience. Ce journal, élaboré entière­

ment par les équipes des CEPI, dénommé "Bombolom", en est à son qua­

trième numéro. En fin d'année, l'évaluation de la formation des ensei­

gnants par les formateurs, avec une part d'auto-évaluation, s'est avérée

largement positive.

. Dans l'univers villageois, les CEPI et la politique d'in­

tégration de la formation dans le développement des tabancas ont été

bien accueillis. Ainsi, cette déclaration d'un ancien ("Homem grande") de la tabanca de Cantone, près de Cufar :

"Je connaissais l'école coloniale, une école qui était dans ma tabanca. Je voyais toujours passer les jeunes char­gés de baguettes qui servaient à les corriger. Les jeunes fuyaient l'école et la tabanca. Les parents refusaient de laisser les enfants aller à l'école et les envoyaient vivre

(8) Luiz de SENA.- Bilan 78, déjà cité.

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dans les tabancas qui n'avaient pas d'école. Maintenant, l'école CEPI a montré qu'elle s'intéresse à nos pro­blèmes ; nous avons été invités à nous prononcer sur nos enfants, sur le travail réalisé à la maison et à l'école. Cela a conduit nos enfants à respecter les parents et à s'intéresser aux problèmes de la tabanca. Cette école a gagné ma confiance... Vous devez agrandir cette école pour recevoir tous les enfants que nous vous enverrons. Je vais envoyer rechercher tous mes enfants qui sont dans d'autres tabancas pour les faire étudier dans cette école." (9)

L'ouverture pour un nouveau type d'éducation d'adultes intégrée

socialement, économiquement et culturellement est ainsi largement pra­

tiquée .

Mais les problèmes restent nombreux.

» Dans le système de formation, l'extension envisagée devra

résoudre la difficulté née de la pénurie de cadres guinéens. Au stade

expérimental, on a choisi de constituer des noyaux de cadres en formation

autour des premiers CEPI (dix et treize, alors que normalement deux

cadres pourraient faire fonctionner un CEPl). Ces noyaux doivent per­

mettre une démultiplication dans les premières zones d'extension (ainsi

pour les nouveaux CEPI de Batucar, au Nord, et Cassacá, au Sud). Mais

le recours à des enseignants venant de l'école normale de Bolama ou de

l'école de recyclage des enseignants de la lutte à Co a ses limites. Il

faudra donc envisager un institut de formation, tout en gardant l'indis­

pensable liaison formation/terrain. Un projet dans ce sens a déjà été

esquissé.

. Un second problème se pose autour des charges financières.

L'efficacité de la formation transparaît des zones expérimentales sur

lesquelles, s'agissant d'un investissement initial de recherche méthodo­

logique et de formation de cadres, il est très difficile d'établir un

rapport valable coût/bénéfice. On est dans une période où prime l'éva­

luation des données qualitatives. A partir de là, il faut établir une

stratégie jaugeant la part possible d'auto-amortissement du système. Ceci

suppose que l'institutionnalisation du pouvoir des tabancas ou groupes

de tabancas permette de gérer ou co-gérer avec l'appareil d'Etat les

programmes de formation intégrée en utilisant une part de la production

ajoutée. Ceci suppose des choix politiques.

(9) Ibidem, p. 31

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. On peut faire la même considération pour la liaison entre

les programmes de développement ruraux régionalisés, la régionalisation

du Plan et des actions techniques et les structures de formation. Cette

politique de développement régional est difficile à définir et mettre

en oeuvre dans un pays où les conditions du développement se heurtent

à ces obstacles de pénurie de cadres, d'absence d'équipement, d'un com­

merce extérieur encore précaire, etc.

o Le problème de l'articulation entre le système plus clas­

sique des zones urbaines et la transformation plus radicale proposée

par les CEPI devra être posé. Il ne peut se comprendre hors d'une poli­

tique d'équilibre et d'inter-relations ville-campagne.

. Enfin, la manière dont sera appliquée dans son ensemble

la réforme de l'enseignement commandera pour une bonne part, l'avenir des

CEPI qui sont apparus, jusqu'à présent, comme des jalons précurseurs

positifs dans une construction de bien plus vaste envergure qui ne peut

se comprendre en dehors d'une vision globale où la mise en place des,

nouvelles structures de production paysanne ne peut se faire indépen­

damment de l'appeil de formation des jeunes comme des adultes. Et l'on

doit y ajouter les mesures à prendre pour maîtriser l'équilibre entre

l'urbain et le rural. C'est une tâche à la fois urgente eb de longue

haleine.

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ESQUISSE D'UNE TYPOLOGIE RAISOMEE

A partir des études de cas ainsi exposées, il est possible d'iden­

tifier un certain nombre de critères significatifs dont les combinaisons

devraient permettre d'esquisser une typologie. Cependant, cette démarche

de classification doit être relativisée pour au moins trois raisons :

a) Le choix des critères distinctifs, même s'il procède d'une

approche raisonnée, est nécesairement incomplet et quelque peu arbitraire.

b) Chaque critère -à part ceux qui peuvent être appréciés

quantitativement (par exemple : effectifs annuels de recrutement)-

quand on l'applique à des contextes différents, est sujet à des variantes

qu'il faut estimer à leur juste portée.

c) Toutes les opérations étudiées montrent un aspect évo­

lutif, le changement étant rapide et fort dans certains cas et à cer­

tains moments, lent et faible dans d'autres cas à d'autres moment.

Mais, si ces considérations conduisent à relativiser une élabo­

ration typologique qui se voudrait rigide et catégorique, elles n'enlè­

vent pas l'intérêt de rechercher un instrument permettant d'identifier

des tendances qui peuvent éclairer un travail d'interprétation.

Sans préjuger de ces réserves, nous avons retenu sept séries de

critères :

i/ Type de régime

Ce critère est le premier à élucider, car il permet de carac­

tériser la nature institutionnelle des organisations étudiées. Pratique­

ment, dans les six études de cas présentées, toutes sont sous la tutelle

des pouvoirs publics (alors que,dans d'autres cas, comme les brigades

du Botswana, l'initiative est partie du secteur non gouvernemental)„

On notera donc les organisations selon leur régime :

Militaire (M) Civil (c) Para-militaire (PM)

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Tl/ Recrutement

. effectifs de recrutement annuel (ERA = x)

. recrutement masculin (M), féminin (F)

. recrutement de scolarisés (s) (niveaux 1 , 2 , 3 )

de non scolarisés (MS)

„ recrutement volontaire (v)

obligatoire (o)

semi obligatoire (so)

m / Durée

. quantitative : 1 an, 2 ans, etc. (période principale)

. dans ses modalités : présence continue (c)

présence en alternance (A)

o existence d'un suivi (s)

absence de suivi (NS)

!/•/ Localisation

Il s'agit de la localisation des activités principales du projet

. rurale (fi), urbaine (u)

. intégrée au milieu (ï)

non intégrée au milieu (Ni)

V/ Contenu de formation

Formation

. générale (G)

. agricole (A)

. artisanat et service (AS)

. technologie industrielle (Tl)

li/ Objectifs de production des opérations

'. production agricole (PA), artisanat service (PAS)

. production de travaux d'infrastructure (PTl)

. production assurant l'auto-entretien du système (auto-entretien AB)

. système fonctionnant uniquement sur des ressources extérieures (hétéro-entretien HE)

. système mixte (AE/HE) (la dominante est soulignée)

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- 112 -

W / Issue et débouchés

„ intégration dans la communauté d'origine (iCO)

. intégration dans le secteur moderne hors du milieu d'origine (iSM)

Nous n'avons pas retenu le critère de coût financier dans la batte­

rie d'éléments-tests ainsi définis car il nous a semblé impossible, en

1'occurence, de ramener à un coût unitaire (coût/homme formé) signifi­

catif des éléments d'une extrême complexité. En réalité, la comparaison

(qui est l'objectif de la démarche typologique) n'aurait pas été perti­

nente. Le coût ne peut s'apprécier et se comparer qu'à travers un calcul

mettant en jeu le rapport de l'opération avec son environnement. Les dé­

marches méthodologiques effectuées par le BIT pour l'analyse du coût/

avantage ("cost-benefit analysis") auxquelles nous nous sommes déjà réfé­

rés le montrent clairement.

Esquisse d'une typologie

En tenant compte des critères définis précédemment, on peut es­quisser une typologie, non close...

1) Opération de type service civique lourd, à dominante formation/

production, orienté vers le secteur moderne extra-rural (Kenya)

2) Opération de type service civique lourd, à dominante formation/

production, orienté vers le secteur rural en voie de modernisation

(Côte d'Ivoire, Cameroun)

3) Opération de type service civique léger (ou moyen), à dominante for­

mation, orienté vers l'insertion dans le milieu rural d'origine en

vue de sa promotion (Mali)

4) Opération de type formation/intégration communautaire, orienté vers

la création de structures de promotion et développement dans le mi­

lieu rural traditionnel (Haute-Volta, Guinée-Bissau).

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- 113 -

- Ill -

Troisième Partie

PROBLEMATIQUE ET PERSPECTIVES D'ENSEMBLE

Essai d'interprétation

En poussant plus profondément l'analyse des études de cas, avec

l'éclairage de quelques références complémentaires, on peut amorcer une

tentative d'interprétation des données recueillies à travers les opi­

nions exprimées par les responsables des différentes opérations avec

qui nous avons pu avoir certains échanges de vues, à travers également

un certain nombre d'observations directes de la réalité et une recherche

documentaire cursive sur les études déjà réalisées.

Les vues qui sont mentionnées ci-après n'entendent en aucune fa­

çon se présenter comme des jugements d'évaluation rigoureuse, mais comme

un ensemble de réflexions ouvertes permettant de fonder des propositions

pour contribuer à la recherche de solutions aux problèmes de l'insertion

des jeunes dans la dynamique du développement. Ces réflexions tourneront

autour de quatre thèmes :

. stratégies observées ; leur portée, leurs limites ;

. la démarche institutionnelle et l'encadrement ;

. les pratiques de formation et de production ; méthodes et

contenu ;

. la signification économique ; l'analyse des coûts et rende­

ments face à la portée sociale et culturelle.

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- 114 -

LES STRATEGIES OBSERVEES. LEUR PORTEE. LEURS LIMITES.

Le point de départ de toutes ces stratégies, dans tous les con­

textes, est le constat d'une crise se traduisant notamment, comme nous

l'indiquions dans notre analyse initiale, par un très fort courant

d'exode rural accompagnant une détérioration rapide du système de pro­

duction du monde agricole traditionnel, par une forte poussée d'urbani­

sation non maîtrisée sans contrepartie de croissance industrielle géné­

ratrice d'emplois en proportion suffisante et, enfin, par une inadapta­

tion des systèmes d'éducation et de formation de type classique pour pré­

parer les jeunes à faire face à ces situations.

La crise se noue donc au triple plan économique, social et cul­

turel. Les opérations qui s'adressent à la jeunesse en vue de son inser­

tion dans le développement traduisent, implicitement ou explicitement,

le choix d'une certaine ligne d'action, d'une stratégie face à cette

crise multidimensionnelle. Nous pouvons identifier les éléments qui pa­

raissent les plus significatifs de ces stratégies liées aux "opérations

jeunesse".

1/ Les stratégies face à la crise sociale

Elles tendent à la résorption du chômage des jeunes en interve­

nant dans une gamme de classes d'âge déterminées (16-25 ans) et en les

mettant au travail. C'est donc là une opération de fixation d'une force

de travail inemployée. Mais il ne s'agit pas simplement d'une force de

travail. Le groupe des chômeurs n'est pas seulement improductif économi­

quement. Il est aussi, dans une certaine mesure, détaché de la production

sociale et donc, par là-même, peut devenir, selon les critères des pou­

voirs sociaux et politiques en place, une menace pour l'équilibre social.

Ceci est apparent surtout dans l'univers urbain et sa périphérie où tend

à se concentrer la masse marginalisée des sans-emploi. La résorption du

chômage apparaît ainsi, de ce point de vue, comme diminution des risques

de tension sociale.

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Se pose alors, aux pouvoirs en place, la question : à qui prio­

ritairement doit s'adresser l'effort de mobilisation des jeunes sans-

emploi :

o aux plus marginalisés ?

. aux plus aisément récupérables ? (soit parce que la dis­

tance prise par rapport au milieu social n'est pas encore trop grande :

il s'agit alors des jeunes du milieu rural non encore déracinés ; soit

parce qu'ils ont déjà un début d'insertion dans le versant "moderne"

de la société par une scolarisation académique plus ou moins poussée,

mais non assortie d'une formation professionnelle).

Une autre dimension se lie à cette problématique sociale : le

souci d'inculquer un "esprit de service national" et, par là même de

participer au système social établi, de le "servir". Ceci est clair

notamment dans la stratégie kenyane.

En fonction des accents que l'on met à ces différentes consi­

dérations tournant autour du souci de lutter contre la crise sociale,

on aura un recrutement à dominante de jeunes ruraux non scolarisés

(CAR du Mali) ou de jeunes urbains scolarisés (avec niveau de scolari­

sation croissant, c'est le cas du NYS du Kenya).

Mais se pose alors un autre problème : la socialisation (ou la

"resocialisation") conduit à quelle insertion (ou réinsertion) sociale ?

Si le jeune est incorporé dans un système spécifique, qui le place hors

de la "marginalité sauvage", ne risque-t-il pas, dans l'univers clos et

artificiel du Service, de se trouver introduit dans une "marginalité

organisée" ? Cette seconde marginalité peut-elle être génératrice de

réintégration sociale ? Si l'on observe les choix et les faits, on peut

faire quelques constatations :

- Le passage par un type d'organisation sociale extérieureau

milieu social d'origine produit une faible incitation (dans le meilleur

des cas) à un retour à la communauté initiale ou même un fort effet de

dissuasion à l'endroit de cette hypothèse (constatation faite, par

exemple, par les responsables des Services ivoiriens ou camerounais

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où l'on parle de 45 Í° environ (dans le meilleur des cas) de jeunes qui

reviennent au village sans garantie qu'ils s'y fixeront définitivement).

Certaines stratégies semblent assumer cette issue plus clairement

que d'autres. Ainsi au Kenya, le M S apparaît comme un facteur d'inté­

gration à la société urbanisée dans les rapports sociaux compatibles

avec le modèle de capitalisme d'entreprise qui correspond aux choix de

la politique de développement. A ce titre, le NYS ne se présente pas

comme structure de récupération et mobilisation de la jeunesse rurale

marginalisée à travers l'exode ou le flottement social au village

("migration sociale sur place").

- Une issue paraissant logique, mais rarement observée dans les

faits, même si elle a été souvent annoncée, est, dans la ligne des

"pionniers israéliens" qui ont été fréquemment pris comme référence,

la création de "villages de jeunes" venant coloniser et mettre en va­

leur des terres neuves. C'était une option du Congo. Le Cameroun l'annonce

comme une tentative et une perspective. L'une des difficultés essen­

tielles, dans cette hypothèse, est d'ériger un segment de lignage étroi­

tement circonscrit dans un espace de classe d'âge restreint, en "micro

société globale", c'est-à-dire en village, sans référence à une mémoire

socio-culturelle incarnée dans les anciens. Un tel "isolât" sociologique

a des difficultés à mettre en place son système de régulation (concer­

nant la gestion du projet collectif, avec les consensus, les conflits et

les arbitrages qu'elle appelle) et de reproduction sociale sans pouvoir

recourir pendant un long délai à une division complète des tâches entre

les générations. Une telle entreprise, pour réussir, doit disposer d'un

soutien particulièrement important tant du niveau régional que national. (1)

D'autres stratégies s'attachent à traiter les problèmes au sein

même du milieu social : c'est le cas des GJA de Haute-Volta et des CEPI

de Guinée-Bissau. L'on perçoit également une ouverture à cette problé­

matique en Côte d'Ivoire et au Cameroun dans la recherche d'une meilleure

(ï) L'hypothèse du jumelage de la nouvelle unité sociale avec une autre unité sociale maîtrisant bien son propre équilibre peut être utile.

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insertion au sein des opérations de développement. Dans ce cas, l'on

est conduit à un changement de perspective par rapport à la spécificité

trop accusée de l'opération. Dans la ligne guinéenne ou voltaïque, les

communautés sont appelées à s'impliquer profon-dément dans le travail

de formation4t dans l'action concernant les jeunes. A ce titre, il

s'agit de projets visant à la promotion globale du milieu, même si

l'angle d'attaque concerne d'abord les jeunes. Alors, l'accès à la par­

ticipation sociale des jeunes ne se fait pas en rupture radicale, mais

à travers une négociation (qui n'est pas exemple de conflit, mais doit

permettre de déboucher sur une coopération).

2/ Les stratégies face à la crise économique

Parler de chômage et d'emploi, c'est évoquer nécessairement la

crise économique par-delà la dimension sociale.

Nous devons nous poser le problème de la politique économique

face aux éléments de la crise économique. Ceci doit permettre de mesu­

rer la cohérence entre les choix des opérations d'intégration des jeunes

à l'emploi et les orientations de la politique de développement. Nous

avions déjà noté cette cohérence en ce qui concerne le Kenya, dans la

logique de développement d'un capitalisme libéral. Ceci ne résout pas

de plein droit le problème de l'emploi. Les jeunes sortant du National

Youth Service, pour la part d'entre eux qui ont bénéficié le mieux d'une

formation utile par rapport aux bases de croissance du secteur moderne,

ne semblent pas avoir de difficulté à trouver d'emploi. Cette stratégie

est doublement sélective puisqu'elle recrute dans une gamme sociale dé­

terminée pour conduire, à travers une seconde sélection, à une inser­

tion donnée dans l'appareil économique de production.

Dans le même sens, va le choix économique des opérations prises

en charge par le Service. Il s'agit d'opérations utilisant des techno­

logies modernes et relativement lourdes, avec un matériel et un équipe­

ment important, donc privilégiant le coefficient capital ("capital inten­

sive") plus nettement que le coefficient travail ("labour intensive").

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Les stratégies économiques ivoirienne et camerounaise par­

tagent en partie la même logique, mais avec des différences sensibles :

elles visent l'action en milieu rural et posent le problème de la rela­

tion avec l'environnement, même si la dimension des moyens techniques

mis en jeu fait obstacle, d'une certaine manière, à l'intégration.

Les unes comme les autres sont préoccupées d'utiliser une part

de la production pour couvrir économiquement les charges de leurs opé­

rations .

La stratégie malienne se préoccupe d'une réinsertion des jeunes

dans leur système économique d'origine et va donc tendre à les former

selon des normes techniques et à les aider à se doter d'équipements

matériels compatibles avec les conditions de promotion économique du

milieu. Les brigades du Botswana poussent très loin la recherche de

l'autonomisation économique (2) sur des bases qui restent à mi-chemin

entre les formules légères et les formules lourdes. Elles se cons­

tituent clairement en entreprises.

Les "Samaria" du Niger, héritières du "Service civique léger"

mis en place dans le début des années 60, s'apparente à la stratégie

voltaïque des "Naam" et "Groupements de jeunes agriculteurs" (3).

La Haute-Volta comme la Guinée-Bissau, à travers les formules

des GJA et des CEPI, veulent prendre en charge de l'intérieur la trans­

formation de l'économie traditionnelle sans négliger les points d'appui

que peuvent donner les bases anciennes soucieuses des équilibres écolo­

giques, attentives à préserver l'équilibre vivrier, sans pour autant se

fermer aux modernisations technologiques à la condition quelles puissent

s'adapter aux structures paysannes. La dimension de l'économie coopé­

rative est sous-jacente et introduit l'appel à la cohérence avec une

certaine politique de développement rural. Dans les cas que nous évo­

quons, il semble bien que l'on entende donner un sens économique à

(2) Voir particulièrement : VAN RENSBURG (Patrick).- Report from Swaneng Hill. Education and Employment in an African Country.- Uppsala, Sweden, The Dag Hammarskjold Foundation, 1974.

(3) GALLAUD (p.).- La renaissance des Samaria au Niger. In Les Cahiers de l'Animation, n° 18, 4e trim. 1977.- pp. 73-80.

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l'importance que l'on attache à l'éducation conçue comme investissement

formateur et transformateur, permettant de faire évoluer des modes de

production.

3/ Les stratégies face à la crise culturelle

Tous les pays sont affrontés au redoutable problème de mettre

en oeuvre des politiques d'éducation et de formation pouvant servir

de support à leurs politiques de développement. Les opérations de for­

mation de la jeunesse en vue du développement représentent potentiel­

lement un chaînon important pour la dynamisation de ces politiques.

Là encore les choix des stratégies diffèrent.

Une première ligne tend à donner à ces opérations la mission de

consolider et compléter la formation académique. C'est le propre de

toutes les stratégies de modernisation prenant comme référence les mo­

dèles de croissance de la société industrielle européenne ou Nord-

américaine. Ainsi, au Kenya, la formation constitue une sorte de subs­

titut des enseignements techniques dans le prolongement quasi normal

des premières étapes de scolarité. On ne recherche pas au premier chef

l'innovation éducative, la création de méthodologies nouvelles de for­

mation.

Par contre, nous l'avons mentionné, en Guinée-Bissau et en

Haute-Volta, le terrain du "post-primaire" apparaît comme un lieu stra­

tégique particulièrement apte à introduire d'importantes innovations

éducatives qui semblent conditionner les possibilités d'insertion de

l'appareil d'éducation/formation dans les structures sociales du monde

rural. C'est à cette même orientation que se rattachent les recherches

pour la mise en oeuvre de l'Enseignement moyen pratique au Sénégal (4-).

(4) Voir notamment : La Direction de l'Enseignement moyen pratique. Se­crétariat d'Etat à la Promotion humaine. Sénégal.- A la recherche d'une éducation des jeunes pour le développement : L'Enseignement moyen pratique (BMP) au Sénégal.- In Les Cahiers de l'Animation, n°l8, déjà cité.

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Au Mali, on se préoccupe également de la stratégie éducative

d'innovation (recherches d'alternatives au système éducatif en milieu

rural, menées notamment au ministère de l'Education nationale, et qui

ont établi des relations avec les échelons responsables des Centres

d'animation rurale).

Les "opérations jeunesse" peuvent tenter de récupérer les vic­

times des "délestages scolaires" ("school leavers"). Mais, sur ce ter­

rain, on ne peut pas ne pas poser le problème d'une réforme plus fonda­

mentale des appareils d'éducation et de leurs orientations qui pourrait

seule résoudre les questions dans toute leur ampleur. CEPI et GJA mon­

trent une certaine ouverture dans ce sens. D'autres pays travaillent

également sur des projets de réforme comparables. En effet, la systé­

matisation de projets integrables et généralisables est un impératif.

Les services civiques, nous l'avons vu, dans leurs formes lourdes, ne

touchent que des fractions inférieures ordinairement au centième des

effectifs des jeunes de chaque classe d'âge susceptibles de s'y inté­

grer en fonction de leurs objectifs, tout en atteignant des plafonds

d'accès aux moyens financiers, et, à ce titre, semblent poser de sé­

rieux problèmes à une part au moins des autorités qui en sont respon­

sables et qui envisagent de rechercher des formules plus adaptées.

LES DEMARCHES INSTITUTIONNELLES ET LEURS CADRES

Nous avons noté, dans les critères fondant un essai de typologie,

que la plus grande part des organisations de mobilisation des jeunes

pour le développement se rattache à l'initiative politique et gouverne­

mentale, avec un certain nombre d'exceptions, comme l'organisation des

Brigades du Botswana.

Pour ces dernières, parties d'une opération locale, à Serowe, elles

se sont constituées comme mouvement d'initiative privée, mais prenant

rapidemot une dimension nationale. A ce titre, sans que l'Etat prenne di­

rectement la responsabilité de leur gestion (qui reste largement décen­

tralisée dans chaque brigade), le ministre de l'Education exerce une

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tutelle, en contrepartie de l'assistance qu'il donne aux brigades et

à leur travail de formation par l'intermédiaire de son Département

d'éducation technique ("Department of Technica]/feducation"). D'autres

ministères -Agriculture, Finances et Planification du développement,

Commerce et industrie-, ainsi que le responsable de l'organisme chargé

du développement de la politique de la jeunesse ("Youth Policy Deve­

lopment Unit") font partie du Comité de coordination national des Bri­

gades ("National Brigades Co-ordinating Committee"), dont le Coordi­

nateur du développement rural est le président.

Dans les formules plus classiques des services civiques,

l'identification du ministère responsable est significative de la per­

ception de leur mission du point de vue institutionnel.

Au Kenya : le ministère du Travail.

En Côte d'Ivoire : le ministère des Forces armées.

Au Cameroun : un Office national de participation au dévelop­

pement rattaché au Premier Ministre.

Au Mali : Le ministère du Développement rural, par l'inter­

médiaire d'une direction nationale de la formation

et de l'animation rurale.

En Haute-Volta : le ministère du Développement rural.

Au Niger : les Samaria sont rattachées au ministère chargé de

la jeunesse.

En Guinée-Bissau : les CEPI sont sous tutelle du commissariat

d'Etat à l'Education nationale,avec ratta­

chement à la Direction générale de l'Educa-

cation.

Ceci marque bien que, partout, les organisations chargées des

projets de jeunesse se voient reconnaître une vocation de portée natio­

nale .

Une part importante desfites organisations ont des structures

fonctionnelles ramifiées jusqu'au niveau régional et sous-régional

(c'est le cas du NTS).

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Les services de type para-militaire (Kenya) ou rattachés à

l'autorité militaire (Côte d'Ivoire) ont un système de forte discipline

et un appareil très hiérarchisé, avec un équilibre à établir entre per­

sonnel d'encadrement civil et personnel d'encadrement militaire. On

peut penser, d'une façon générale, que plus les structures de l'orga­

nisation sont fortes, rigides, monolithiques, plus est difficile l'in­

tégration au milieu social. On rejoint là le problème des conditions

d'existence et de statut d'une véritable "société cvile" (au sens où

l'entend la sociologie politique) dans les pays africains.

L'encadrement est composé, soit de cadres nationaux, soit de

cadres étrangers en assistance technique (experts ou volontaires).

Une part des cadres nationaux est formée, en général, à partir des

recrues du service civique. Une autre provient des services techniques

de l'Etat dont la compétence est engagée dans les opérations.

Le problème de la juste définition du rôle des cadres natio­

naux par rapport aux cadres expatriés et des modalités de la relève

des seconds par les premiers, se pose dans la quasi totalité des opéra­

tions pour qu'elles puissent avoir leur pleine autonomie institutionnelle.

LES PRATIQUES DE FORMATION ET DE PRODUCTION. METHODES ET CONTENUS

La finalité des différents services détermine le contenu et

les méthodes caractérisant leur pratique. On peut distinguer, en gros,

les pratiques de formation et les pratiques de production.

1/ Pratiques de formation

La formation se subdivise en :

. Formation générale (formation portant sur le développement

des cadres intellectuels de la connaissance ; ainsi : alphabétisation,

français, anglais, mathématiques). Elle est dispensée dans des cours

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qui peuvent prendre une forme académique et, à ce titre, être consi­

dérés comme prolongement ou substitut du système scolaire formel, avec

sanction par des examens homobgués (c'est le cas du Kenya).

La méthodologie de formation générale est totalement diffé­

rente dans une opération comme celle des CEPI de Guinée-Bissau, où la

formation générale, "scientifique", est donnée constamment en contre­

point de l'accès au savoir traditionnel et en relation avec une pra­

tique opératoire.

. Formation technique. Elle peut être donnée dans des cycles

spécialisés ou sur le terrain, à travers la pratique ("on the job

training"). Cette dernière forme est assez largement répandue. Elle

touche une large gamme des compétences requises pour l'exercice des

professions agricoles (à des niveaux techniques divers : depuis le

paysan modernisé jusqu'au petit technicien d'encadrement et même

jusqu'au cadre moyen ou supérieur, par des filières de formation com­

plémentaire, comme au Kenya), les métiers artisanaux, les qualifica­

tions ouvrières des unités de production industrielle, les compétences

de gestion ou de secrétariat, la formation ménagère ("home economics")

pour les filles, etc.

Ces formations posent une double série de problèmes :

- Leur compatibilité avec le niveau de départ des jeunes

à former. En particulier lorsqu'il s'agit de jeunes issus d'un milieu

rural traditionnel ordonné autour de schémas socio-culturels profon­

dément différents des schémas se voulant modernisés sur quoi reposent

nombre de projets de formation. Le problème ne varie guère si l'on a

affaire à des jeunes non scolarisés ou à des jeunes ayant abandonné le

cycle primaire assez tôt. Les recherches ont montré que les jeunes

restés de l'école avant trois ans de scolarité continue perdaient ra­

pidement la quasi-totalité de leur acquis scolaire.

Des tentatives originales de maîtrise pédagogique de la diffé­

rence entre les cultures et du passage de l'une à l'autre s'observent

en particulier dans les CEPI de Guinée-Bissau.

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Ce problème de la pédagogie interculturelle se révèle de grande

importance. Il concerne autant les actions scolaires que post-scolaires.

- Leur compatibilité avec les pratiques techniques, écono­

miques , sociales , où seront engagés les .jeunes, soit en cours d'opéra­

tion, soit plus encore au sortir de leur apprentissage. Ceci peut être

testé à travers la pédagogie d'alternance là où elle existe et, aussi,

à travers la relation ou l'absence de relation entre l'opération jeunesse

et le milieu social d'aboutissement. Il faut constater que beaucoup

d'échecs ou de déconvenues ont été relevés dans ce domaine et conduisent

à envisager les moyens d'une meilleure intégration au milieu. Les GJA de

Haute-Volta présentent une formule stimulante qui a fait preuve d'une

réelle efficacité là où la pédagogie d'intégration a été appliquée sé­

rieusement par des cadres animateurs/formateurs compétents.

Evoquer le problème de l'adaptation des contenus et méthodes de

formation aux objectifs conduit à souligner, en effet, l'importance de

la formation des formateurs. Cette formation exige des compétences

spécifiques. C'est très souvent l'insuffisance en nombre ou en qualité

des formateurs qui explique les blocages d'une opération, même lorsque

sa conception paraît intéressante.

2/ Problèmes de production

Dans le sens abordé précédemment à propos de la formation, on

peut poser la question de la production directe (c'est-à-dire en cours

d'opération) et de la production différée ou indirecte (c'est-à-dire à

l'issue de l'opération lors de l'insertion ou de la réinsertion).

Malgré les intentions exprimées dans nombre de cas, les réali­

sations effectives menées par des Services de mobilisation de jeunes

(à part certaines exceptions comme le NYS kenyan et, dans une moindre

mesure, les Brigades du Botswana) ne représentent pas un apport véri­

tablement significatif à l'économie nationale. Les opérations, pour les

raisons de coûts et de moyens sur lesquelles nous reviendrons, ne peu­

vent atteindre l'échelle requise pour satisfaire à ces ambitions.

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Par contre, l'objectif consistant à développer une production

permettant une auto-couverture du système -son auto-suffisance-, même

s'il ne se réalise en totalité pratiquement jamais (les "brigades du

Botswana, les GJA de Haute-Volta, les CAR du Mali y tendent ; les CEPI

y aspirent, au-delà des phases d'expérimentation nécessairement plus

lourdes que le régime de croisière), ne semble pas utopique. Ce devrait

êtreime garantie d'enracinement et de pérennité, à la condition que la

production d'auto-suffisance soit en accord avec les choix de dévelop­

pement .

LA SIGNIFICATION ECONOMIQUE

L'analyse des coûts et rendements face à la portée sociale et culturelle

Toutes les considérations précédentes posent le problème de

l'évaluation de la signification économique des programmes tendant à

l'insertion des jeunes dans l'emploi dans la perspective du dévelop­

pement. Cette évaluation en termes de mesure économique précise

s'avère délicate et importante à la fois.

1/ Difficulté et importance de l'évaluation en termes économiques

La démarche vaut particulièrement pour deux catégories d'opé­

rateurs concernés par les programmes :

. les décideurs nationaux qui ont en charge l'allocation

des ressources aux différents projets en raison des résultats de déve­

loppement que l'on peut en attendre (services du Plan, des Finances, et

aussi responsables des grands et petits projets de développement dans

le domaine rural, urbain, artisanal, industriel, etc., sans compter les

services préoccupés de l'emploi, de la formation professionnelle et

technique, de l'éducation, etc.)

. les décideurs des organismes d'aide bilatérale et multi­

latérale, publics ou privés, appelés à apporter leur concours en finance

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et en personnel à ces mêmes programmes. Pour eux, l'évaluation doit non

seulement mesurer la contribution des opérations soutenues aux objectifs

de croissance et de développement, mais aussi les délais et les rythmes

à partir desquels les apports extérieurs devront et pourront décroître

jusqu'à disparaître pour laisser aux opérations nationales leur pleine

autonomie.

Mais les difficultés des calculs de rendements dans la recherche

d'établissement de la balance coût/avantage sont considérables, s'agis­

sant des types d'opérations sur lesquels portent notre analyse et notre

réflexion«

En premier lieu, on doit constater l'absence ou l'insuffisance

des données statistiques nécessaires pour mener à bien l'évaluation, à

quelques exceptions près (par exemple le Kenya).

En second lieu, la structure même des opérations est souvent

complexe et même pluridimensionnelle, voire ambivalente, et il n'est pas

aisé de distinguer clairement les paramètres et leur fonction. On peut

s'attacher, pour le moins, à faire un certain inventaire des éléments

rencontrés sur ce terrain difficile.

2/ Les catégories de coûts et d'avantages

Les travaux méthodologiques les plus remarquables, que nous

avons déjà cités, et qui ont été menés à bien par des équipes du BIT,

distinguent, à juste titre, les coûts de formation et les coûts d'inves­

tissement, d'une part, pendant la durée de l'opération et, d'autre part,

les créations de revenus supplémentaires dûs à l'opération, en relation

avec le calcul de probabilité de vie active du sujet, affectés des

coefficients d'ajustement nécessaires (5)=

Dans le cas du Kenya, qui sert d'illustration et d'application

méthodologique, la liberté de manoeuvre de l'évaluateur est facilitée

par le fait que les références dominantes se rapportent au secteur

moderne, avec ses références économiques et technologiques., Ceci vaut

(5) Voir en particulier : COSTA (E.).- Youth Training and Employment Schemes in Developing Countries. A Suggested cost-benefit analysis.-Déjà cité.

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autant pour la période de formation et de production pendant le ser­

vice que pour les calculs se rapportant à l'insertion dans l'emploi

après la sortie du service (6).

Une difficulté certaine est observée dans nombre de contextes

pour juger de l'utilisation précise des équipements et investissements

liés à la formation. Les besoins et les pressions de l'environnement

font que, dans de nombreux cas (très difficiles à apprécier avec pré­

cision), ces équipements et investissements reçoivent, partiellement au

moins, une destination d'usage complètement extérieure aux opérations

prises en compte par le service.

Il n'est pas davantage aisé d'identifier rigoureusement ce qui

est du ressort du secteur de formation et ce qui est du secteur de pro­

duction.

Mais la difficulté majeure, dans une grande part des situations

observées, se rapporte aux "avantages différés", aux calculs des effets

subséquents. Ceci vaut tout particulièrement (et c'est la majorité des

cas, hormis Kenya et Botswana) lorsque le service de jeunesse conduit

(doit conduire) à l'implantation du jeune dans une unité d'exploitation

agricole. La définition même de ostte future exploitation, fût-elle

tracée dans des normes escomptées, échappe, dans la réalité, à un cal­

cul de projection simple, surtout si l'on se propose de le faire porter

sur le long terme. Si la réinsertion agricole réussit (en mesurant le

pourcentage de cas) et si elle a lieu dans le milieu rural traditionnel,

l'évolution du changement dans le système économique de ce milieu est

très difficilement prévisible, encore que certaine et profonde. Si elle

se fait dans une agriculture moderne liée au marché et sujette aux con­

traintes des dominatioiE extérieures, elle prête le flanc à des fluctua­

tions d'énormes amplitudes. Autrement dit, les services de jeunesse

attaquent la crise par un versant, ils ne peuvent à eux seuls la dépasser

(6) Toutefois, on doit remarquer que, sur des recrutements annuels com­pris entre 1 000 et 2 0000 unités, les services du NYS n'identi­fient qu'environ 700 accédant à l'emploi, tous dans le secteur mo­derne. Aucune information n'existe sur les autres.

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ou la maîtriser. Toute évaluation en termes économiques doit s'opérer sur

les unités économiques réelles et complètes, non seulement en termes in­

dividuels d'exploitation et de petites unités de production, mais aussi

d'économie villageoise, d'économie sous-régionale, régionale, natio­

nale, sans compter la prise en compte des effets de domination inter­

nationale .

3/ Une distinction utile

Il paraît utile, pour affronter l'incertitude et la complexité,

d'opérer une distinction entre les phénomènes observés à court terme,

à moyen terme et à plus long terme (sans négliger pour autant 1'inter­

relation entre les niveaux).

o Plus on est dans le court terme, plus les calculs quan­

titatifs (à la condition que l'on ait accès aux données) sont appréhen-

dables avec précision. Mais leur signification est également limitée

pour saisir l'évolution profonde. Ainsi, il est relativement aisé d'éta­

blir les coûts de formation per capita (et l'on verra, par exemple, que,

dans la quasi-totalité des services "lourds", ces coûts sont plus éle­

vés sensiblement que les coûts per capita de l'enseignement primaire

et secondaire). Mais le type de déduction que l'on peut faire à partir

de là concerne surtout, si l'on établit des comparaisons, la gestion

dans le court terme, pour mesurer les conditions d'évolution de l'entre­

prise de formation et faire des prévisions budgétaires.

. Bans le moyen terme, on peut saisir (sur deux, trois ans,

voire quatre ou cinq ans, s'il y a "suivi") le parcours de formation/

production dans son ensemble et établir une balance faisant ressortir

des résultats, comparables entre diverses cohortes...

. Les effets économiques réels sur le milieu ne peuvent

ressortir que d'une approche de projection/évaluation à plus long

terme. Et l'on est là dans le domaine des calculs de planification à

long terme. Cette démarche est l'affaire de la compétence spécifique

des planificateurs qui sont tenus de prendre en compte l'ensemble des

paramètres sans qu'il soit possible d'isoler une ligne d'opération

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particulière. Il va de soi que les responsables et les opérateurs de

ces lignes d'action doivent nécessairement être associés à la réflexion

et aux calculs du planificateur.

C'est à partir de cette démarche, prise entre le court et le

long terme, que peuvent se prendre les décisions d'orientation et de

pilotage.

D'une façon plus générale, et là nous revenons à une observa­

tion stratégique,il est nécessaire de considérer si les options donnent

la priorité à la formation ou à l'activité productive directe, dans le

souci de privilégier l'investissement à long terme ou la recherche du

résultat à court terme. On doit aussi s'interroger sur la manière de

concilier les deux, dans un calcul d'optimalisation. Mais se pose

alors la question suivante, et qui est peut-être la plus fondamentale :

qui doit faire les choix ? est-ce la responsabilité de l'Etat seul, du

Plan, du Service des formateurs, des jeunes, des communautés du milieu ?

La réponse est avant tout l'expression d'un choix politique qui ne peut

se faire indépendamment des situations sociales concrètes.

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P R O P O S I T I O N S

A partir des analyses énoncées précédemment, un certain

nombre de propositions et recommandations peuvent être soumises à

l'attention des responsables des programmes nationaux de jeunesse

axés sur 1'emploi en Afrique.

Ces conclusions aurient, pour une part, leur place dans

d'autres régions du monde en voie de développement et rencontreraient

pour partie la problématique des problèmes de jeunesse dans le monde

industrialisé. Elles appellent en ce sens l'ouverture d'échanges et

de dialogues„

1. Il apparaît nécessaire, pour pouvoir assurer l'orientation

régulière des programmes de formation des jeunes liés à l'emploi, de

disposer d'informations qui font actuellement défaut dans nombre de

contextes.

A ce titre, on peut recommander indicativement :

1.1. que des échelons nationaux d'étude se mettent en place

dans les pays concernés avec une mission d'analyse et d'évaluation per­

manente des problèmes et programmes touchant la jeunesse, la formation,

l'emploi ; ils devraient bénéficier des soutiens techniques et finan­

ciers indispensables des agences d'aide extérieures pouvant mobiliser

les compétences utiles.

1.2. les échelons d'étude devraient avoir une triple articu­

lation :

- avec les instances chargées de la planification ;

- avec les instances spécialisées menant des programmes

de recherche (universitaires ou extra-universitaires) ;

- avec les instances opérationnelles responsables des

programmes.

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1.3. les lignes de travail élémentaires des programmes d'étude

pourraient porter en priorité sur

- les conditions générales au sein desquelles prennent

place les programmes (économiques, sociales, culturelles), au plan na­

tional et régional ;

- les pratiques, tant en formation qu'en production, liées

aux programmes ;

- les débouchés possibles, en évaluant notamment les trans­

formations des structures économiques, sociales, culturelles nécessaires

pour accueillir les jeunes.

Ces études pourraient ainsi établir de façon régulière des

suggestions aux décideurs, adaptées à chaque pays et à chaque situation

concrète.

1.4. que des liaisons internationales régulières puissent être

établies et développées entre ces différents échelons nationaux d'étude

pour l'enrichissement de leurs travaux, avec le soutien des organismes

de coopération et des agences internationales compétentes (notamment

BIT et UNESCO).

2. On peut suggérer qu'il soit tenu compte particulièrement,

dans les décisions à prendre touchant les programmes de jeunesse, tant

du fait des responsables nationaux que des agences d'aide extérieure,

de quelques points clés qui ressortent des analyses faites dans le pré­

sent rapport, et tout spécialement :

2.1. du développement croissant de la part des générations

jeunes dans la dynamique sociale (actuellement les 0-25 ans représentent

de 55 à 60 fo de la population totale), avec ses implications en ce qui

concerne les choix d'investissement des ressources présentes devant faire

face à la taille des problèmes d'un futur proche (notamment pour les in­

vestissements de formation) ;

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2.2. de l'inadaptation de plus en plus grande des appareils en

place, quantitativement (si l'on se réfère au taux d'accueil des services

de jeunesse : 1 % de la population concernée) et qualitativement (si l'on

se réfère à la difficulté de réinsertion de la plupart des jeunes qui sont

passés par ces services) ;

2.3. de la nécessité d'une ouverture à la responsabilité des

classes jeunes qui appelle la prise en compte de changemenis structurels

dans les rapports entre générations et de nouvelles conditions d'accès au

pouvoir économique, social, culturel.

3. Pour tenir compte de ces problèmes clés, on peut énoncer des

recommandations plus précises :

3.1. Rechercher davantage les formules de services et de for­

mations de la jeunesse liées aux structures existantes et non pas éta­

blies en marge, et, pour cela, articuler les opérations de formation de

jeunes avec les actions d'animation du milieu (en tenant compte des en­

seignements de l'expérience des GJA de Haute-Volta, par exemple).

3.2. Organiser ou favoriser l'accès des jeunes aux moyens de

production, notamment au capital foncier, en rapprochant les services de

jeunesse des systèmes de production en place dans le monde rural, en re­

valorisant l'image et la réalité du travail agricole.

3.3. Donner plus d'importance aux moyens d'aménagement et

d'équipement rendant la vie rurale plus accueillante pour les jeunes en

développant, notamment, les petites infrastructures villageoises permet­

tant la modernisation écologiquement adaptée des contextes de vie et de

travail.

3.4. En milieu urbain, donner plus d'importance au développement

de l'emploi dans le secteur non formel touchant la production et les ser­

vices, en recherchant de nouveaux types d'organisation socio-économique

et socio-politique (coopératives, communautés de quartiers, associations

du cadre de vie, etc.) entrant dans la ligne de l'Economie sociale.

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3.5 Explorer les développements possibles des jumelages

coopératifs entre les unites de production et de vie urbaine et les

unités de production et de vie rurale, dans la recherche des dévelop­

pements réciproques et des complémentarités.

3-6. Rechercher les voies et moyens d'une articulation cohé­

rente entre les actions d'éducation/formation formelles et non formelles,

scolaires et extra-scolaires, touchant les jeunes et les adultes, condui­

sant à une transformation en profondeur des systèmes éducatifs, seule

perspective pour rechercher des solutions de masse correspondant à

l'échelle des problèmes (en tenant compte, notamment, de quelques expé­

riences pionnières, telles les villages u.jamaa de Tanzanie, la ligne

des CEPI en Guinée-Bissau).

A ce prix seulement, semble-t-il, il sera possible de donner

aux programmes concernant la jeunesse leur indispensable portée à

travers une situation de crise dont nous nous sommes efforcés d'ex­

plorer les dimensions sans complaisance.

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