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Pluriel magazine, février 2012

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La gouvernance des Indiens Kogis, un système efficient

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Éric Julien montre commentles Indiens Kogis, derniersreprésentants d'une civilisationprécolombienne, ont développéun modèle de gouvernanceefficient et adapté aux incertitudesde notre temps.

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LA GOUVERNANCE DES INDIENS KOGIS,UN SYSTÈME EFFICIENTEntretien avec Éric Julien

PLURIELS: Qui sont les Kogis?ÉRICJULIEN: Les Indiens Kogis sontles héritiers de l'une des plus brillantecivilisation du continent sud-américain,les Tayronas, massacrés au XVI" ièclepar le conqui tadores. Autrefois plusieurscentaine de milliers, il ne ont aujourd'huiplus que 12000. Ils vivent dans le nord dela Colombie et subissent depuis le milieudu siècle dernier une dépossessionininterrompue de leur terres.Ils m'ont sauvé la vie en 1985, alors queje participai à un trekking sur leurs hautplateaux. j'ai vécu quelque temps avec euxet 10 ans plus tard, j'ai créé une a sociationpour leur permettre de racheter des terreset tenter de préserver leur cultur .

Comment les Indiens Kogisse partagent-ils le pouvoir?É.J.: Leur fonctionnement. i u d'uneob ervation fine du vivant, est tructuréautour d'une autorité «avec» -qui mobilise,anime les «processus» et valori e lestalents-. plutôt qu'une autorité «sur»-qui décide et demande que les individusexécutent. l.c ut voi ct., 11 part aue,1,\ ·C'spon.abihlC' l'est aU~I. ce qui ,Il lill'ILn~,gC'ml11l'II,\ rnouvauon. Il n'y adonc pas de chefà proprement parler.

Une autorité « avec» qui responsabilise,plutôt qu'une autorité « sur» basée surl'exécution.

mais plutôt des animateurs qui créent lesconditions d'une prise de décision collective.La question du pouvoir est une questionuniverselle. C'est pourquoi il est intéressantde décaler nos regards, afin d'essayerd'appréhender comment elle est géréedans d'autres modèles de société.

Comment cette prise de décisioncollective est-elle mise en Œuvre?É.J.: Les processu se passent souvent danl'obscurité. Une ob curité « protectrice»,associée à un cadre de confiance poséet régulé par le chaman. Cela permetde libérer la parole, de partager les vraisproblèmes, d'o er la remi e en cause,sans jugement, ni modalités, pourde prises de décision efficaces, quiresponsabilisent les acteurs et soientsuivies d'effets. Entendons-nous bien,cela ne signifie pa que tout le mondedécide de tout mais chacun, à son niveau,contribue aux décisions qui le concernent.C'est, d'après moi, la condition pour passerd'un «projet pierre», où il faut déployerune énergie importante pour convaincreet pou er les acteurs, à un «projet cheval »,pour lequel l'énergie libérée doit êtremaîtrisée, canalisée vers un sens partagé.Ramenée au monde de l'entreprise, pourun dirigeant, la question est de savoircomment permettre cette prise de décisionface à la multitude de regards et d'opinionsparfois divergentes à laquelle il est confronté.Il faut avant tout partager la représentationde la situation, avoir une vision commune,puis construire le «chemin ». Les étapespermettront la mise en route des acteurs del'entreprise. Comme une tribu, un conseild'administration est un organisme vivant,

1/ Éric Julien 1/Fondateur du cabinet Alto Conseils « Nouveaux territoires », reseau de consultants spécialises dans .accompaqnement du changementet l'émergence de nouveaux paradigmes dans les entreprises.

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traversé de croyances, d'émotions,de projections qu'il faut pouvoir géreret faire évoluer.

Pourquoi cette attention au «vivant»est-elle primordiale chez les Kogis?É.J.: Parce que cette société puise sesprincipe de fonctionnement dansl'observation du vivant et de la nature.La nature obéit à des règles strictes, dontla bonne application permet la créationd'un «équilibre créateur».Ce que nous di ent les Kogis, finalement,c'est remettez du vivant dans vosorganisations ... .Dans nos sociétés ditesmodernes, l'accent a été mis ces dernièresannées sur la compétition, J'autonomi ariondes acteurs, des performances et desobjectifs. La culture quantitative des

indicateurs a pris le pas sur la culturequalitative du lien et du faire en emble.Le sens, le pourquoi, la signification quiorientent une action et mobilisent lesacteurs, ont été dévoyés, quand ils n'ontpa totalement disparu. Remettre duvivant, c'est pen 'cr en termes de systeme,c'est-à-dire integrer les interrelations entreles acteurs, réapprendre à communiquer.faire progresser les valeurs, remplacerle paradigme de compétition par l'l'luicil'coopérai ion. Une telle mutation peutêtre accompagnée. Elle permet de passerdu conflit à la confrontation, pui à lacontroverse et enfin au dialogue créatif.Ce mouvement, qui produit le sens d'unecommunauté, n'est pas très naturel clansnos sociétés: c'est pourquoi il faut renoueravec son apprenti sage .•

Un conseild'administration estun organisme vivant,traversé de croyances,d'émotions, deprojections.

LA LOGIQUE DE COOPERATIONEn entreprise, tout ce qUI peut être faitdans une logique de coopération et d'adhésionsolidaire facilite l'atteinte des objectifset simplifie et enrichit la gouvernance globale,

CAROLINE WEBER, rédactrice en chef invitée