Potlatch - I.L. | Guy Debord [Fr]

Internationale Lettriste

(1954 1957)

Potlatch

Un document produit en version numrique par Yves Le Bail, bnvole, vreux, Normandie, France

Courriel: [email protected]

Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales" Site web: http://www.uqac.ca/Classiques_des_sciences_sociales/

Une collection dveloppe en collaboration avec la Bibliothque

Paul-mile-Boulet de l'Universit du Qubec Chicoutimi Site web: http://bibliotheque.uqac.ca/

Internationale Lettriste, Potlatch, (1954 1957) 2

Cette dition lectronique a t ralise par Yves Le Bail, vreux, Normandie, France, bnvole, partir des ditions Allia (1996) et des ditions Gallimard (2006).

International Lettriste

Potlatch

Les ditions Allia, Paris, 1996, 160 pages. Les ditions Gallimard, collection Quarto, Paris, 2006, 1904 pages.

Polices de caractres utilises :

Pour le texte : Times New Roman, 11, 12 et 14 points. Pour les citations et les notes en bas de page : Times New Roman, 12 points.

dition lectronique ralise avec le traitement de textes Microsoft Word 2004 pour Macintosh. Mise en page sur papier format : LETTRE (US letter), 8.5 x 11) dition complte le 3 juin 2007 Chicoutimi, Ville de Saguenay, province de Qubec, Canada.


Table des matires

Prsentation, 1985. Potlatch n 1, 22 juin 1954

Potlatch n 2, 29 juin 1954

Potlatch n 3, 6 juillet 1954



Potlatch n 6, 3 aot 1954


Potlatch n 8, 10 aot 1954

Potlatch n 9-10-11, 17 au 31 aot

1954

Potlatch n 12, 28 septembre 1954

Potlatch n 13, 23 octobre 1954

Potlatch n 14, 30 novembre 1954

Potlatch n 15, 22 dcembre 1954

Potlatch n 16, 26 janvier 1955

Potlatch n 17, 24 fvrier 1955

Potlatch n 18, 23 mars 1955

Potlatch n 19, 29 avril 1955

Potlatch n 20, 30 mai 1955

Potlatch n 21, 30 juin 1955

Potlatch n 22, 9 septembre 1955

Potlatch n 23, 13 octobre 1955


Potlatch n 25, 26 janvier 1956






Internationale Lettriste

Potlatch (1954 1957)

ditions Allia, Paris, 1996.

ditions Gallimard, Paris, 2006.


Prsentation 1 Retour la table des matires

Le bulletin Potlatch a paru vingt-sept fois, entre le 22 juin 1954 et le 5 novembre 1957. Il est numrot de 1 29, le bulletin du 17 aot 1954 ayant t triple (9-10-11). Hebdomadaire jusqu ce numro triple, Potlatch devint mensuel partir de son numro 12.

Potlatch a t dirig successivement par Andr-Frank Conord

(nos 1-8), Mohamed Dahou (nos 9-18), Gil J Wolman (n 19), de nouveau Mohamed Dahou (nos 20-22), Jacques Fillon (nos 23-24). Les derniers numros ne mentionnent plus de responsable principal. partir du n 26, il cesse dtre publi mensuellement .

Potlatch sest prsent comme le bulletin dinformation du

groupe franais de lInternationale lettriste (nos 1-21) ; puis comme le bulletin dinformation de lInternationale lettriste (nos 22-29). LInternationale lettriste tait lorganisation de la gauche lettriste qui, en 1952, imposa la scission dans lavant-garde artistique lettriste ; et ds cet instant la fit clater.

Potlatch tait envoy gratuitement des adresses choisies par sa

rdaction, et quelques-unes des personnes qui sollicitaient de le recevoir. Il na jamais t vendu. Potlatch fut son premier numro tir 50 exemplaires. Son tirage, en augmentation constante, atteignait vers la fin plus de 400, ou peut-tre 500 exemplaires. Prcurseur de ce qui fut appel vers 1970 ldition sauvage , mais plus vridique et rigoureux dans son rejet du rapport marchand, 1 Prsentation des 29 numros de Potlatch, 1954 1957, publis aux ditions

Grard Lebovici en novembre 1985.


Potlatch, obissant son titre, pendant tout le temps o il parut, a t seulement donn.

Lintention stratgique de Potlatch tait de crer certaines liaisons

pour constituer un mouvement nouveau, qui devrait tre demble une runification de la cration culturelle davant-garde et de la critique rvolutionnaire de la socit. En 1957, lInternationale situationniste se forma effectivement sur une telle base. On reconnatra bien des thmes situationnistes dj prsents ici ; dans la formulation lapidaire exige par ce moyen de communication si spcial.

Le passage de plus de trente annes, justement parce que des textes

nont pas t dmentis par les vnements ultrieurs, introduit une certaine difficult pour le lecteur daujourdhui. Il lui est prsent malais de concevoir sous quelles formes se prsentaient les banalits presque universellement reues dans ce temps-l, et par consquent de reconnatre les ides, alors scandaleuses, qui finalement les ruinrent. La difficult est encore plus grande, du fait que ce sont des formes spectaculaires qui ont apparemment chang, chaque trimestre, presque chaque jour, alors que le contenu de dpossession et de falsification ne stait pas prsent ce point lui-mme, depuis plusieurs sicles, comme ne pouvant en aucun cas tre chang.

Inversement, le temps pass facilitera aussi la lecture, sur un autre

aspect de la question. Le jugement de Potlatch concernant la fin de lart moderne semblait, devant la pense de 1954, trs excessif. On sait maintenant, par une exprience dj longue quoique, personne ne pouvant avancer une autre explication du fait, on sefforce parfois de le mettre en doute , que depuis 1954 on na jamais plus vu paratre, o que ce soit, un seul artiste auquel on aurait pu reconnatre un vritable intrt. On sait aussi que personne, en dehors de lInternationale situationniste, na plus jamais voulu formuler une critique centrale de cette socit, qui pourtant tombe autour de nous ; dversant en avalanche ses dsastreux checs, et toujours plus presse den accumuler dautres.

Novembre 1985 Guy Debord


POTLATCH Bulletin dinformation du groupe franais de lInternationale lettriste.

Parat tous les mardis. N 1 22 juin 1954

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POTLATCH : Vous le recevrez souvent. LInternationale lettriste y traitera des problmes de la semaine. Potlatch est la publication la plus engage du monde : nous travaillons ltablissement conscient et collectif dune nouvelle civilisation.

La Rdaction

TOUTE LEAU DE LA MER NE POURRAIT PAS

Le 1er dcembre, Marcelle M., ge de seize ans, tente de se suicider avec son amant. Lindividu, majeur et mari, ose dclarer, aprs quon les ait sauvs, quil a t entran son corps dfendant . Marcelle est dfre un tribunal pour enfants qui doit apprcier sa part de responsabilit morale .

En France, les mineures sont enfermes dans des prisons gnralement religieuses. On y fait passer leur jeunesse.

Le 5 fvrier, Madrid, dix-huit anarchistes qui ont essay de reconstituer la C.N.T. sont condamns pour rbellion militaire.

Les bnisseurs-fusilleurs de Franco protgent la sinistre civilisation occidentale .

Les hebdomadaires du mois davril publient, pour leur pittoresque, certaines photos du Kenya : le rebelle gnral Chine entendant sa sentence de mort. La carlingue dun avion de la Royal Air Force o trente-quatre silhouettes peintes reprsentent autant dindignes mitraills au sol.

Un noir abattu sappelle un Mau-Mau. Le 1er juin, dans le ridicule Figaro, Mauriac blme Franoise

Sagan de ne point prcher lheure o lEmpire sen va en eau de boudin , quelques-unes des valeurs bien franaises qui nous attachent le peuple marocain par exemple. (Naturellement nous navons pas une minute perdre pour lire les romans et les romancires de cette petite anne 1954, mais quand on ressemble Mauriac, il est obscne de parler dune fille de dix-huit ans.)


Le dernier numro de la revue no-surraliste et jusqu prsent inoffensive Medium tourne la provocation : le fasciste Georges Souls surgit au sommaire sous le pseudonyme dAbellio ; Grard Legrand sattaque aux travailleurs nord-africains de Paris.

La peur des vraies questions et la complaisance envers des modes intellectuelles primes rassemblent ainsi les professionnels de lcriture, quelle se veuille difiante ou rvolte comme Camus.

Ce qui manque ces messieurs, cest la Terreur.

Guy-Ernest Debord

UN NOUVEAU MYTHE

Les derniers lamas sont morts, mais Ivich a les yeux brids. Qui seront les enfants dIvich ? Ds maintenant Ivich attend, nimporte o dans le monde.

Andr-Frank Conord

LEUR FAIRE AVALER LEUR CHEWING-GUM

Une fois de plus Foster Rockett Dulles vous appelle aux armes : le Guatemala a expropri l United Fruit , trust qui exploitait depuis 1944 la gomme et les habitants de ce pays pour en tirer lindispensable chewing-gum.

Le dieu des Armes anticommunistes sest exprim en ces termes : Pour carter ces forces du mal, il faut recourir une action pacifique et collective. Laction est en cours : les armes made in U.S.A. sont dj livres au Honduras et au Nicaragua ractionnaires ; des complots sont suscits grands coups de dollars ; lAmrique repart pour la Croisade.

Jusque dans le dtail, on reprend les mthodes qui ont dtruit lEspagne rpublicaine.

Mais Bogota, les tudiants manifestent sous le feu des tanks, et le mouvement rvolutionnaire du Guatemala apparat comme la seule chance de la libert sur ce continent.

Le gouvernement de J. Arbenz Guzman doit armer les ouvriers. Aux sanctions conomiques, aux attaques militaires de

limprialisme, il faut rpondre par la guerre civile porte dans les


pays asservis dAmrique centrale, et par lappel aux volontaires dEurope.

Paris, le 16 juin 1954 pour lInternationale lettriste :

Andr-Frank Conord, Mohamed Dahou, Guy-Ernest Debord, Jacques Fillon, Patrick Straram, Gil J Wolman.

LE JEU PSYCHOGOGRAPHIQUE DE LA SEMAINE

En fonction de ce que vous cherchez, choisissez une contre, une

ville de peuplement plus ou moins dense, une rue plus ou moins anime. Construisez une maison. Meublez-la. Tirez le meilleur parti de sa dcoration et de ses alentours. Choisissez la saison et lheure. Runissez les personnes les plus aptes, les disques et les alcools qui conviennent. Lclairage et la conversation devront tre videmment de circonstance, comme le climat extrieur ou vos souvenirs.

Sil ny a pas eu derreur dans vos calculs, la rponse doit vous satisfaire. (Communiquer les rsultats la rdaction.)

THE DARK PASSAGE

la Galerie du Double Doute, passage Molire (82 rue Quincampoix), lexposition de mtagraphies influentielles se poursuit avec fruit. La permanence lettriste est maintenant protge de grillages pare-clats.

NOUVELLE AFFECTATION

Mohamed Dahou demande au groupe lettriste dOrlansville de dsigner cinq hommes rsolus qui viendront se mettre sa disposition Paris, dans le plus bref dlai.

Mohamed Dahou

Rdacteur en chef : Andr-Frank Conord, 15 rue Duguay-Trouin, Paris 6e.



Parat tous les mardis. N 2 29 juin 1954


MODE DEMPLOI DE POTLATCH :

Nous rappeler votre bon souvenir ne prsente pas dintrt. Mais il sagit de pouvoirs concrets. Quelques centaines de personnes dterminent au petit bonheur la pense de lpoque. Nous pouvons disposer deux, quils le sachent ou non. Potlatch envoy des gens bien rpartis dans le monde nous permet de troubler le circuit o et quand nous le voulons.

Quelques lecteurs ont t choisis arbitrairement. Vous avez tout de mme une chance den tre.

La Rdaction

SANS COMMUNE MESURE

Les plus beaux jeux de lintelligence ne nous sont rien. Lconomie politique, lamour et lurbanisme sont des moyens quil nous faut commander pour la rsolution dun problme qui est avant tout dordre thique.

Rien ne peut dispenser la vie dtre absolument passionnante. Nous savons comment faire.

Malgr lhostilit et les truquages du monde, les participants dune aventure tous gards redoutable se rassemblent, sans indulgence.

Nous considrons gnralement quen dehors de cette participation, il ny a pas de manire honorable de vivre.

pour lInternationale lettriste : Henry de Barn, Andr-Frank Conord, Mohamed Dahou, Guy-Ernest Debord, Jacques Fillon, Patrick Straram, Gil J Wolman.


ON NOUS CRIT DE VANCOUVER

On ne ma pas encore sorti du Canada !... Cela ne saurait tarder peut-tre ? Mon comportement nest plus seulement une nigme, il terrorise, sans quon puisse me reprocher aucun geste, aucun mot illicites. Au contraire, conduite exemplaire qui achve de dpayser...

Patrick Straram

DEUX PHRASES DTOURNES POUR IVICH

Ivich gagne, Ivich gagne, et ce sera lamour presque en souriant. Elle est retrouve. Quoi ? Lternit.

Cest Ivich mle au soleil.

Pour toute communication urgente, appeler TUR 42-39.

DEUXIME ANNIVERSAIRE

Au soir du 30 juin 1952, Hurlements en faveur de Sade est projet

au Cin-Club dit dAvant-Garde. Le public sindigne. Aprs vingt minutes de grande confusion, la projection du film est interrompue.

EXERCICE DE LA PSYCHOGOGRAPHIE

Piranse est psychogographique dans lescalier. Claude Lorrain est psychogographique dans la mise en prsence

dun quartier de palais et de la mer. Le facteur Cheval est psychogographique dans larchitecture. Arthur Cravan est psychogographique dans la drive presse. Jacques Vach est psychogographique dans lhabillement. Louis II de Bavire est psychogographique dans la royaut. Jack lventreur est probablement psychogographique dans

lamour. Saint-Just est un peu psychogographique dans la politique 1.

1 La Terreur est dpaysante.


Andr Breton est navement psychogographique dans la rencontre.

Madeleine Reineri est psychogographique dans le suicide 2. Et Pierre Mabille dans la compilation des merveilles, variste

Gallois dans les mathmatiques, Edgar Poe dans le paysage, et dans lagonie Villiers de lIsle-Adam.

Guy-Ernest Debord

LA PORTE

LInternationale lettriste poursuit, depuis novembre 1952, llimination de la Vieille Garde :

quelques exclus : Isidore Goldstein, alias Jean-Isidore Isou Mose Bismuth, alias Maurice Lematre Pomerans, alias Gabriel Pomerand Serge Berna Mension Jean-Louis Brau Langlais Ivan Chtchegloff, alias Gilles Ivain

quelques motifs : Individu normalement rtrograde, ambitions limites. Infantilisme prolong, snilit prcoce, bon aptre. Falsificateur, zro. Manque de rigueur intellectuelle. Simplement dcoratif. Dviation militariste. Sottise. Mythomanie, dlire dinterprtation manque de conscience rvolutionnaire.

Il est inutile de revenir sur les morts, le blount sen chargera.

Gil J Wolman.

2 Voir Hurlements en faveur de Sade.


UTILE RAPPELER

Tout ce qui maintient quelque chose contribue au travail de la police. Car nous savons que toutes les ides ou les conduites qui existent dj sont insuffisantes. La socit actuelle se divise donc seulement en lettristes et en indicateurs...

(Dclaration du 19 fvrier 1953, signe par Dahou, Debord et Wolman ; publie dans le n 2 de lInternationale lettriste.)




Parat tous les mardis. N 3 6 juillet 1954


LE GUATEMALA PERDU

Le 30 juin, le gouvernement guatmaltque dont sest empar la veille un colonel Monzon, capitule devant lagression monte par les tats-Unis, et leur candidat local C. Armas.

Mme les plus imbciles meneurs des bourgeoisies europennes comprendront plus tard quel point les succs de leurs indfectibles allis les menacent, les enferment dans leur contrat irrvocable de gladiateurs mal pays du american way of life , les condamnent marcher et crever patriotiquement dans les prochains assommoirs de lHistoire, pour leurs quarante-huit toiles lgrement tricolores.

Depuis lassassinat des Rosenberg, le gouvernement des tats-Unis semble avoir choisi de jeter chaque anne, en juin, un dfi saignant tout ce qui, dans le monde, veut et sait vivre librement.

La cause du Guatemala a t perdue parce que les hommes au pouvoir nont pas os se battre sur le terrain qui tait vraiment le leur.

Une dclaration de lInternationale lettriste (Leur faire avaler leur chewing-gum) en date du 16 juin trois jours avant le pronunciamiento signalait quArbenz devait armer les syndicats, et sappuyer sur toute la classe ouvrire de lAmrique centrale dont il reprsentait lespoir dmancipation.

Au lieu den appeler aux organisations populaires spontanes et linsurrection, on a tout sacrifi aux exigences de larme rgulire, comme si, dans tous les pays, larme ntait pas essentiellement fasciste, et toujours destine rprimer.

Une phrase de Saint-Just a jug davance les gens de cette espce : Ceux qui font des rvolutions moiti nont fait que se creuser un tombeau... Le tombeau est ouvert aussi pour nos camarades du Guatemala dockers, camionneurs, travailleurs des plantations qui ont t livrs sans dfense, et quon fusille en ce moment.

Aprs lEspagne ou la Grce, le Guatemala se range parmi les contres qui attirent un certain tourisme.


Nous souhaitons de faire un jour ce voyage.

pour lInternationale lettriste : M.-I. Bernstein, Andr-Frank Conord, Mohamed Dahou, G.-E. Debord, Jacques Fillon, Gil J Wolman.

TOUT SEXPLIQUE

Ce sont des gens quon appelle lettristes , comme on disait

jacobins , ou cordeliers ... Michle-Ivich Bernstein

CONSTRUCTION DE TAUDIS

Dans le cadre des campagnes de politique sociale de ces dernires

annes, la construction de taudis pour parer la crise du logement se poursuit fbrilement. On ne peut quadmirer lingniosit de nos ministres et de nos architectes urbanistes. Pour viter toute rupture dharmonie, ils ont mis au point quelques taudis types, dont les plans servent aux quatre coins de France. Le ciment arm est leur matriau prfr. Ce matriau se prtant aux formes les plus souples, on ne lemploie que pour faire des maisons carres. La plus belle russite du genre semble tre la Cit Radieuse du gnial Corbusier, encore que les ralisations du brillant Perret lui disputent la palme.

Dans leurs uvres, un style se dveloppe, qui fixe les normes de la pense et de la civilisation occidentale du vingtime sicle et demi. Cest le style caserne et la maison 1950 est une bote.

Le dcor dtermine les gestes : nous construirons des maisons passionnantes.

A.-F. Conord

LA MEILLEURE NOUVELLE DE LA SEMAINE

Perpignan, 30 juin (dp. France-Soir). Un accident dautomobile, survenu ce matin 4 h 30 prs du village de Saises, a cot la vie au Rvrend Pre Emmanuel Suarez, gnral des Dominicains, et au Pre Aurliano Marinez Cantarino, secrtaire gnral du mme ordre. Les deux religieux revenaient de Rome en


voiture et se rendaient en Espagne. Il semble que le Pre Cantarino, qui conduisait, se soit endormi son volant, vaincu par la fatigue. La voiture, qui roulait vive allure, alla scraser contre un arbre et ses deux occupants furent tus sur le coup.

PIN YIN CONTRE VACH

La grande vogue des guerres et des lettres de guerre nous impose de connatre les actes les plus sales dhrosme, comme les plus beaux tmoignages de dsertion.

Mais cette apologie dune fuite lintrieur que furent les symboles essentiellement symboliques de Jacques Vach ( jamais je ne gagnerai tant de guerres ), nous ne la gotons plus ; nous choisirons la mutinerie qui gagne.

Nous savons comment se construisent les personnages. Nous noublions pas que Jacques Vach a tout de mme t entirement conditionn par le systme militaire du moment. (Au contraire Arthur Cravan parat avoir russi dun bout lautre un fulgurant voyage, sans aucun des visas du sicle.)

Nous ne voulons pas contester la grandeur de la rsistance individuelle de Vach, mais, comme nous lcrivions en octobre 1952 propos du nfaste Chaplin-Feux-de-la-Rampe : Nous croyons que lexercice le plus urgent de la libert est la destruction des idoles, surtout quand elles se recommandent de la libert. (Internationale lettriste n 1.)

Nous avouons ne juger les littratures quen fonction des impratifs de notre propagande : la diffusion des Lettres de Vach parmi les lycens franais napporte que certaines formulations lgantes aux plates ngations qui sont la mode.

Cependant, par un petit livre peu prs inconnu, le Journal dune jeune rvolutionnaire chinoise (Librairie Valois, 1931), Pin Yin, une colire de seize ans qui a suivi lArme Populaire dans sa marche sur Changha, nous a gard ces deux mots de jeunesse rouge :

Quant mes parents, je ne voulais naturellement pas les quitter. Mais nous ne devons plus penser cela, parce que la Rvolution doit sacrifier un petit nombre dhommes pour le bien et le bonheur de la grande majorit...

On sait la fin de cette histoire ; et les vingt ans de rgne du gnral qui se survit encore Formose ; et les bourreaux du Kuomintang :


... Mais nous ne sentions nullement la souffrance, nous croyions que demain serait calme et beau : un soleil rouge comme le sang et devant nous, un grand chemin tout rempli de lumire, un beau jardin.

La voix de Pin Yin nous parvient de cette retombe du jour o sont partis, o disparaissent quelle vitesse en kilomtres-seconde de la rotation terrestre ? nos amies et nos plus srs complices. Les meilleures raisons, du moins, ne manqueront pas la guerre civile.

G.-E. Debord

Potlatch est envoy certaines des adresses qui sont communiques la rdaction.






LE MINIMUM DE LA VIE

On ne dira jamais assez que les revendications actuelles du syndicalisme sont condamnes lchec ; moins par la division et la dpendance de ces organismes reconnus que par lindigence des programmes.

On ne dira jamais assez aux travailleurs exploits quil sagit de leurs vies irremplaables o tout pourrait tre fait ; quil sagit de leurs plus belles annes qui passent, sans aucune joie valable, sans mme avoir pris des armes.

Il ne faut pas demander que lon assure ou que lon lve le minimum vital , mais que lon renonce maintenir les foules au minimum de la vie. Il ne faut pas demander seulement du pain, mais des jeux.

Dans le statut conomique du manuvre lger , dfini lanne dernire par la Commission des conventions collectives, statut qui est une insupportable injure tout ce que lon peut encore attendre de lhomme, la part des loisirs et de la culture est fixe un roman policier de la Srie Noire par mois.

Pas dautre vasion. Et de plus, par son roman policier, comme par sa Presse ou son

Cinma dOutre-Atlantique, le rgime tend ses prisons, dans lesquelles il ne reste rien gagner mais rien perdre que ses chanes.

La vie est gagner au-del. Ce nest pas la question des augmentations de salaires quil faut

poser, mais celles de la condition faite au peuple en Occident. Il faut refuser de lutter lintrieur du systme pour obtenir des

concessions de dtail immdiatement remises en cause ou regagnes ailleurs par le capitalisme. Cest le problme de la survivance ou de la destruction de ce systme qui doit tre radicalement pos.


Il ne faut pas parler des ententes possibles, mais des ralits inacceptables : demandez aux ouvriers algriens de la Rgie Renault o sont leurs loisirs, et leur pays, et leur dignit, et leurs femmes ? Demandez-leur quel peut tre leur espoir ? La lutte sociale ne doit pas tre bureaucratique, mais passionne. Pour juger les dsastreux rsultats du syndicalisme professionnel, il suffit danalyser les grves spontanes daot 1953 ; la rsolution de la base ; le sabotage par les centrales jaunes : labandon par la C.G.T. qui na su ni provoquer la grve gnrale ni lutiliser alors quelle stendait victorieusement. Il faut, au contraire, prendre conscience de quelques faits qui peuvent passionner le dbat : le fait par exemple que partout dans le monde nos amis existent, et que nous nous reconnaissons dans leur combat. Le fait aussi que la vie passe, et que nous nattendons pas de compensations, hors celles que nous devons inventer et btir nous-mmes.

Ce nest quune affaire de courage.

pour lInternationale lettriste : Michle-I. Bernstein, Andr-Frank Conord, Mohamed Dahou, G.-E. Debord, Jacques Fillon, Gil J Wolman.


Madrid, 8 juillet. Le gnral Franco a tenu hier devant le

snateur amricain Byrd, quil a reu pendant plus dune heure en son palais du Prado, des paroles assez dures pour la France qui est, daprs lui, dans une mauvaise passe. Il a indiqu au snateur que, pour sa part, il avait bien peu despoir quant son avenir de grande puissance. (Paris-Presse, 9-7-54.)

Lexposition de mtagraphies influentielles ouverte le 11 juin la Galerie du Double Doute sest acheve le 7 juillet sans incidents graves.

UNE ENQUTE DE LINTERNATIONALE LETTRISTE

Quelle ncessit reconnaissez-vous au JEU COLLECTIF dans une socit moderne ?


Quelle attitude convient-il de prendre envers les dtournements ractionnaires de ce besoin (style Tour de France) ?

Communiquer les rponses Mohamed Dahou, rdacteur en chef de lInternationale lettriste, 32 rue de la Montagne-Genevive, Paris 5e.

PROCHAINE PLANTE

Les constructeurs en sont perdus, mais dinquitantes pyramides rsistent aux banalisations des agences de voyage.

Le facteur Cheval a bti dans son jardin dHauterives, en travaillant toutes les nuits de sa vie, son injustifiable Palais Idal qui est la premire manifestation dune architecture de dpaysement.

Ce Palais baroque qui dtourne les formes de divers monuments exotiques, et dune vgtation de pierre, ne sert qu se perdre. Son influence sera bientt immense. La somme de travail fournie par un seul homme avec une incroyable obstination nest naturellement pas apprciable en soi, comme le pensent les visiteurs habituels, mais rvlatrice dune trange passion reste informule.

bloui du mme dsir, Louis II de Bavire lve grands frais dans les montagnes boises de son royaume quelques dlirants chteaux factices avant de disparatre dans des eaux peu profondes.

La rivire souterraine qui tait son thtre ou les statues de pltre dans ses jardins signalent cette entreprise absolutiste, et son drame.

Il y a l, bien sr, tous les motifs dune intervention pour la racaille des psychiatres ; et encore des pages baver pour les intellectuels paternalistes qui relancent de temps en temps un naf .

Mais la navet est leur fait. Ferdinand Cheval et Louis de Bavire ont bti les chteaux quils voulaient, la taille dune nouvelle condition humaine.


VALABLE PARTOUT

On na pas t sans remarquer quels rsultats tranges aboutissaient les lections en notre pays. Au point qu la lecture des chiffres, on pouvait se demander si le peuple ne se compose pas, somme toute, de millionnaires, auxquels ne sopposerait quune lite infime douvriers.

(Extrait du n 1 de la revue Les Lvres Nues, Bruxelles, Belgique.)

LE DROIT DE RPONSE

Tout le monde sait que lextrme-droite franaise sapprte une

preuve de force. Les provocations du 14 juillet 1953 en tmoignent aussi bien que les meutes qui ont suivi la reddition du gnral Castries Dien Bien Phu. Ces meutes taient organises par des groupes de choc ostensiblement soutenus par la Police, groupes forms danciens dIndochine (cf. France-Observateur du 25 juin dernier) ou des lments les plus inintelligents de la jeunesse tudiante. Chaque semaine, des vendeurs de la presse de gauche sont pris partie par des voyous bien dcids se faire la main.

toute violence, il faut riposter par une violence plus grande : il existe heureusement en France, depuis quelques annes, une minorit combative dune conscience rvolutionnaire avance ; les travailleurs nord-africains sont particulirement nombreux Paris et dans les villes du Nord ou de lEst. Un sincre effort de propagande parmi eux est extrmement payant . Les avantages de cette alliance sont aussi nombreux quapparents. Leur technique de la bagarre de rue est gale ou suprieure celle des formations paramilitaires les plus entranes. Des permanences se sont constitues delles-mmes dans de nombreux quartiers o les cafs algriens sont emplis de chmeurs.

Enfin, entre tous les Nord-Africains de Paris, laccord sest fait sur quelques sujets : ils sont prts taillader toute espce de fasciste, quelle quen soit ltiquette.

Malgr le secours de la police, il est trs facile dexpulser de la voie publique certaines canailles.

La Rdaction






LES CATHARES AVAIENT RAISON

Washington, 9 juillet. Toute la presse amricaine publie aujourdhui des photos du physicien Marcel Schein, professeur luniversit de Chicago, de son tableau noir et de son anti-proton, mystrieuse particule de matire cosmique qui aurait t dtecte lhiver dernier par un ballon-sonde 30 kilomtres au-dessus du Texas.

Il sagirait en fait dune des plus grandes dcouvertes de la science moderne. Lanti-proton, recherch depuis des annes par les physiciens du monde entier, serait loppos du proton.

Le proton est le noyau de latome dhydrogne et, par consquent, constitue llment de base de tous les corps terrestres. Un proton et un anti-proton qui se rencontrent se dtruisent mutuellement. Lanti-proton serait donc capable dannihiler toute matire compose de protons. Ce serait essentiellement une contre-matire. Il parat cependant impossible den runir suffisamment pour dtruire la plante. (Combat, 10 juillet.)

CONCLUSION

Le nouveau gouvernement du Guatemala vient de retirer le droit de vote aux illettrs. (Le Figaro, 9-7.)

Le gnral Carlos Castillo Armas, chef des insurgs qui ont remport la victoire au Guatemala, a t nomm prsident de la junte militaire. (Paris-Presse, 10-7.)

Castillo Armas dfinit sa politique : La justice du peloton dexcution. (LHumanit, 14-7.)


LES GRATTE-CIEL PAR LA RACINE

Dans cette poque de plus en plus place, pour tous les domaines, sous le signe de la rpression, il y a un homme particulirement rpugnant, nettement plus flic que la moyenne. Il construit des cellules units dhabitations, il construit une capitale pour les Npalais, il construit des ghettos la verticale, des morgues pour un temps qui en a bien lusage, il construit des glises.

Le protestant modulor, le Corbusier-Sing-Sing, le barbouilleur de crotes no-cubistes fait fonctionner la machine habiter pour la plus grande gloire du Dieu qui a fait son image les charognes et les corbusiers.

On ne saurait oublier que si lUrbanisme moderne na encore jamais t un art et dautant moins un cadre de vie , il a par contre t toujours inspir par les directives de la Police ; et quaprs tout Haussmann ne nous a fait ces boulevards que pour commodment amener du canon.

Mais aujourdhui la prison devient lhabitation-modle, et la morale chrtienne triomphe sans rplique, quand on savise que Le Corbusier ambitionne de supprimer la rue. Car il sen flatte. Voil bien le programme : la vie dfinitivement partage en lots ferms, en socits surveilles ; la fin des chances dinsurrection et de rencontres ; la rsignation automatique. (Notons en passant que lexistence des automobiles sert tout le monde sauf, bien sr, aux quelques conomiquement faibles : le prfet de police qui vient de disparatre, linoubliable Baylot, dclarait de mme aprs le dernier monme du baccalaurat que les manifestations dans la rue taient dsormais incompatibles avec les ncessits de la circulation. Et, tous les 14 juillet, on nous le prouve.) Avec Le Corbusier, les jeux et les connaissances que nous sommes en droit dattendre dune architecture vraiment bouleversante le dpaysement quotidien sont sacrifis au vide-ordures que lon nutilisera jamais pour la Bible rglementaire, dj en place dans les htels des U.S.A. Il faut tre bien sot pour voir ici une architecture moderne. Ce nest rien quun retour en force du vieux monde chrtien mal enterr. Au dbut du sicle dernier, le mystique lyonnais Pierre-Simon Ballanche, dans sa Ville des Expiations dont les descriptions prfigurent les cits radieuses a dj exprim cet idal dexistence :


La Ville des Expiations doit tre une image vive de la loi monotone et triste des vicissitudes humaines, de la loi imployable des ncessits sociales : on doit y attaquer de front toutes les habitudes, mme les plus innocentes ; il faut que tout y avertisse incessamment que rien nest stable, et que la vie de lhomme est un voyage dans une terre dexil.

Mais nos yeux les voyages terrestres ne sont ni monotones ni tristes ; les lois sociales ne sont pas imployables ; les habitudes quil faut attaquer de front doivent faire place un incessant renouvellement de merveilles ; et le premier confort que nous souhaitons sera llimination des ides de cet ordre, et des mouches qui les propagent.

Quest-ce que M. Le Corbusier souponne des besoins des hommes ?

Les cathdrales ne sont plus blanches. Et vous nous en voyez ravis. L ensoleillement et la place au soleil, on connat la musique orgues et tambours M.R.P. et les pturages du ciel o vont brouter les architectes dfunts. Enlevez le buf, cest de la vache.

INTERNATIONALE LETTRISTE


Tokyo, 14 juillet. La grve que font actuellement les employes dune soierie pour leur droit une vie sentimentale normale, sest presque transforme en guerre entre les employeurs et la population de Fujinomiya, 64 kilomtres de Tokyo.

Les jeunes employes de lusine Omi Silk Spinning Company, qui vivent en dortoirs sous un rgime trs strict, se plaignent que la compagnie fait tout ce qui est en son pouvoir pour les empcher de se marier ou davoir une vie sentimentale cause du manque de rendement qui en rsulterait.

Elles se plaignent davoir besoin de la permission de sept personnes pour pouvoir quitter lusine et ses dpendances, de ne pouvoir se mettre de rouge lvres ou de poudre et davoir se coucher tous les soirs neuf heures.

Le directeur de la firme, M. Kakuji Natsukawa, est un bouddhiste et les jeunes filles se plaignent davoir dfiler chaque matin sur le terrain de lusine en chantant des hymnes bouddhistes.


Ces hymnes sont suivis dautres chants ayant pour titre par exemple : Aujourdhui je ne ferai pas de demande inconsidre, ou Aujourdhui, je ne me plaindrai pas. (Combat, 15 juillet.)

UNE AUTOCRITIQUE EXEMPLAIRE

... La complicit dun climat commun ne les empche pas dexclure un des leurs, ds quil manifeste le moindre signe de vulgarit, ds quil se contente de ce quil a fait.

(crit en octobre 1953 par un membre de lInternationale lettriste, exclu en juin 1954.)

Ce numro de Potlatch a t rdig par Bernstein, Conord, Dahou, Debord, Fillon, Wolman.

RPONSE UNE ENQUTE

DU GROUPE SURRALISTE BELGE

Quel sens donnez-vous au mot posie ?

La posie a puis ses derniers prestiges formels. Au-del de lesthtique, elle est toute dans le pouvoir des hommes sur leurs aventures. La posie se lit sur les visages. Il est donc urgent de crer des visages nouveaux. La posie est dans la forme des villes. Nous allons donc en construire de bouleversantes. La beaut nouvelle sera DE SITUATION, cest--dire provisoire et vcue.

Les dernires variations artistiques ne nous intressent que pour la puissance influentielle que lon peut y mettre ou y dcouvrir. La posie pour nous ne signifie rien dautre que llaboration de conduites absolument neuves, et les moyens de sy passionner.


(Paru dans le numro spcial de La Carte daprs Nature. Bruxelles, janvier 1954.)






LE BRUIT ET LA FUREUR

En 1947, la posie onomatopique marquait la premire intervention scandaleuse dun nouveau courant dides. Un groupe runi sous la dnomination de lettristes , cause de la potique quil proclamait, devait dans les annes qui suivirent tendre son champ daction au roman, la peinture (1950) et au cinma (1951).

Dadasme en positif, cette poque du mouvement opra la critique de lvolution formelle des disciplines esthtiques, dans un souci exclusif de nouveaut qui ntait pas comme on nous la trop facilement object got de loriginalit tout prix, mais volont de se soumettre les mcanismes de linvention. Llargissement dialectiquement prvisible des objectifs du Lettrisme, marqu par de vives luttes de factions et lexclusion de meneurs dpasss, devait situer le problme dans la seule utilisation de ces mcanismes, des fins passionnelles.

LInternationale lettriste, fonde en juin 1952, a group la tendance extrmiste du mouvement. En octobre de la mme anne, la suite des incidents provoqus par les tenants de lInternationale contre Charles Chaplin, et du dsaveu de ce geste par la droite lettriste, laccord avec la tendance rtrograde tait dnonc, et ses membres purs.

Notre dmarche sest, depuis, prcise toute occasion. Nous avons toujours avou quune certaine pratique de

larchitecture, par exemple, ou de lagitation sociale, ne reprsentait pour nous que des moyens dapproche dune forme de vie construire.

Seule, une hostilit de mauvaise foi conduit une part de lopinion nous confondre avec une phase de lexpression potique ou de sa ngation qui nous importe aussi peu, et autant que toute autre forme historique qua pu prendre lcriture.


Il est aussi maladroit de nous limiter au rle de partisans dune quelconque esthtique que de nous dnoncer comme on la fait par ailleurs, en tant que drogus ou gangsters. Nous avons assez dit que le programme de revendications dfini nagure par le surralisme pour citer ce systme nous apparaissait comme un minimum dont lurgence ne doit pas chapper.

Quant aux ambitions personnelles, elles sont assez peu conciliables avec les causes pour lesquelles nous nous sommes dlibrment compromis.

22 juillet 1954 pour lInternationale lettriste :

Michle-I. Bernstein, Andr-Frank Conord, Mohamed Dahou, G.-E. Debord, Jacques Fillon, Vra, Gil J Wolman.

NOTES POUR UN APPEL LORIENT

Les tats arabes meurent. O pourraient mener leurs politiques

nationales, fondes sur la misre de leurs peuples ? Il ny a pas eu de rvolution gyptienne. Elle est morte ds les

premiers jours ; elle est morte avec les ouvriers du textile fusills pour communisme . En gypte on endort la foule en lui montrant le canal de Suez. Les Anglais ne sen iront pas loin : seulement jusquen Jordanie ou en Libye.

LArabie Saoudite fonde sa vie sociale sur le Coran et vend son ptrole aux Amricains. Tout le Moyen-Orient est aux mains des militaires. Les puissances capitalistes dressent des nationalismes rivaux, et en jouent.

Il faut dpasser toute ide de nationalisme. LAfrique du Nord doit se librer non seulement dune occupation trangre, mais de ses matres fodaux. Nous devons reconnatre notre pays partout o rgne une ide de la libert qui nous convienne, et l seulement.

Nos frres sont au-del des questions de frontire et de race. Certaines oppositions, comme le conflit avec ltat dIsral, ne peuvent tre rsolues que par la rvolution dans les deux camps. Il faut dire aux pays arabes : Notre cause est commune. Il ny a pas dOccident en face de vous.

Mohamed Dahou


LES MEILLEURES NOUVELLES DE LA SEMAINE

Cessez-le-feu sign pour toute lIndochine. (France-Soir, 22-7.)

Tunis, 20 juillet, A.F.P. Les mouvements de fellaghas restent

importants. Durant les dernires trente-six heures, on a signal le passage de bandes rebelles montant des montagnes du sud-ouest en direction du Kef. On sattend des actions de ces hors-la-loi et les autorits ont pris toutes les prcautions pour pallier cette menace. On signale par ailleurs que 150 jeunes gens du Sahel viennent de rejoindre les fellaghas. (Le Parisien Libr, 21-7.)

LES PETITS STUPFIANTS

La futilit des distractions connues explique lassentiment quune majorit se tient prte donner aux plus affligeantes des entreprises rputes srieuses : guerres continentales ou bonne marche des grands magasins du Printemps.

Les moyens dvasion dont on fait commerce sont si pauvres que seule la rpression imbcile de notre socit dhritage chrtien cre quelque diffrence entre livresse traditionnelle des jeunes conscrits et laccoutumance la morphine.

Lvasion nest jamais possible ; mais bien le changement de toutes les conditions de notre vie. Le reste nest pas amusant, mais vulgaire. Ceux qui choisissent la facilit ne savent que se perdre dans les promiscuits, les petits stupfiants, lennui, la petitesse...

Quest-ce quun roi sans divertissement ? Les chances de nouveaux comportements sont en jeu.

Ce jeu ne peut tre men quavec la plus grande rigueur.

DLIMITATION DU MYTHE

Il est des femmes qui ont manqu leurs vies pour tre nes vingt ans trop tt. Ainsi en alla-t-il dIvich, qui existe depuis toujours. Elle tait dj sans ge lorsque dipe labordait aux portes de Thbes. Plus tard, quelques auteurs consignent son passage rapide. Aperue parfois, parfois adore, jamais comprise. Il semble, depuis quelques annes, quelle prpare un retour en force, qui saccomplirait lorsque


tout serait enfin influentiel. Sa dernire apparition date des Chemins de la Libert. On aurait pu sy tromper : Sartre, assez myope, a vu Ivich blonde, alors mme quelle est brune.

On avait rarement signal son passage dans notre pays, mais il est normal quelle se rfugie o elle est attendue. Ce quelle ignore, ou nose pas admettre encore. Elle pouse en attendant des approximations. Ce qui cause et le malheur du monde, et la fatigue dIvich, qui nose pas encore lever les yeux. Les hommes sont brutaux, bruyants ; ils sagitent. Au fond, ils ne dpassent pas un grand silence. Cependant, si dans cet univers, il y a peu de sourires, il y en aura bientt. Car on recherche Ivich. Elle est en marche vers nous. Mais la vie est mouvante, na pas de fin, linstar des romans. La suite est donc au prochain numro.

A.-F. C.

PETITES ANNONCES PSYCHOGOGRAPHIQUES

LInternationale lettriste cherche trois appartements louer, dans la rue Valette (5e arrondissement).




Parat tous les mardis. N 7 3 aot 1954


... UNE IDE NEUVE EN EUROPE

Le vrai problme rvolutionnaire est celui des loisirs. Les interdits conomiques et leurs corollaires moraux seront de toute faon dtruits et dpasss bientt. Lorganisation des loisirs, lorganisation de la libert dune foule, un peu moins astreinte au travail continu, est dj une ncessit pour ltat capitaliste comme pour ses successeurs marxistes. Partout on sest born labrutissement obligatoire des stades ou des programmes tlviss.

Cest surtout ce propos que nous devons dnoncer la condition immorale que lon nous impose, ltat de misre.

Aprs quelques annes passes ne rien faire au sens commun du terme, nous pouvons parler de notre attitude sociale davant-garde, puisque dans une socit encore provisoirement fonde sur la production nous navons voulu nous proccuper srieusement que des loisirs.

Si cette question nest pas ouvertement pose avant lcroulement de lexploitation conomique actuelle, le changement nest quune drision. La nouvelle socit qui reprend les buts dexistence de lancienne, faute davoir reconnu et impos un dsir nouveau, cest l le courant vraiment utopique du Socialisme.

Une seule entreprise nous parat digne de considration : cest la mise au point dun divertissement intgral.

Laventurier est celui qui fait arriver les aventures, plus que celui qui les aventures arrivent.

La construction de situations sera la ralisation continue dun grand jeu dlibrment choisi ; le passage de lun lautre de ces dcors et de ces conflits dont les personnages dune tragdie mouraient en vingt-quatre heures. Mais le temps de vivre ne manquera plus.


cette synthse devront concourir une critique du comportement, un urbanisme influentiel, une technique des ambiances et des rapports, dont nous connaissons les premiers principes.

Il faudra rinventer en permanence lattraction souveraine que Charles Fourier dsignait dans le libre jeu des passions.

pour lInternationale lettriste : Michle-I. Bernstein, Andr-Frank Conord, Mohamed Dahou, Guy-Ernest Debord, Jacques Fillon, Vra, Gil J Wolman.


Washington, 29 juillet (A.F.P.). Dans une allocution prononce

loccasion dun congrs religieux, M. Richard Nixon, vice-prsident des tats-Unis, a dclar quil pensait que ceux qui simaginaient quun bol plein de riz pourrait empcher les peuples dAsie de se tourner vers le communisme se trompaient lourdement.

Le bien-tre conomique est important, a poursuivi le prsident, mais affirmer que lon peut gagner les peuples de lAsie notre cause en relevant leur niveau de vie est un mensonge et une calomnie. Ce sont des peuples fiers qui possdent un grand pass historique.

DRLE DE VIE

Sous le titre de Drle dexposition , une feuille de province nomme Nice-Matin rvle, propos de la manifestation mtagraphique de lInternationale lettriste la Galerie du Double Doute, que cette nouvelle forme artistique nest pas gratuite puisquelle se propose de conditionner les sentiments et les gestes des spectateurs .

Puisquon nous en fait le reproche, il faut bien admettre quen effet il nexiste pas de diffrence essentielle entre une mtagraphie et un quotidien dinformation.

Tout au plus peut-on se demander au service de quelle propagande les uns et les autres entreprennent de conditionner les sentiments et les gestes .


Lexposition de la Galerie du Double Doute ne nous semble pas plus insolite ni plus bizarre que les conditions dexistence dont certains saccommodent. Il se trouve des gens pour acheter la feuille de province pauvrement ractionnaire nomme Nice-Matin. Et dautres pour y travailler.

LES GRANDES VICTOIRES DE LA FRANCE

Mlle Genevive de Galard a soutenu avec brio ce qui fut sans doute la seconde grande preuve de son existence. Elle a sduit les Amricains...

Aprs tout, on pouvait redouter le pire... Mademoiselle Genevive , the angel navait pas besoin

dtre claire ou prpare. Elle trouva delle-mme les rponses qui venaient du cur...

Lorsquelle dclara que Dien Bien Phu avait montr que la France avait une me et que les Franais continuaient de se battre pour lhonneur , il y eut des larmes dans les yeux des Amricains...

Ce fut le triomphe de la simplicit et de la gentillesse... ... Genevive reste trs son aise, gardant son allure de jeune fille

de bonne famille et de solide cheftaine au regard clair. Lpreuve la plus dure quelle eut connatre hier fut de donner environ deux mille poignes de main...

Trs certainement le voyage de Mlle de Galard a brillamment servi la cause de la France ici. (Du correspondant particulier du Monde. Washington, 29 juillet.)

LES MALHEURS DIVICH

La littrature clandestine a ses servitudes. De fcheux bourdons altraient le sens de larticle dA.-F. Conord publi dans le n 6 de Potlatch : Dlimitation du mythe .

Nos lecteurs auront naturellement rectifi deux-mmes.

ON DTRUIT LA RUE SAUVAGE

Un des plus beaux sites spontanment psychogographiques de Paris est actuellement en voie de disparition :


La rue Sauvage, dans le 13e arrondissement, qui prsentait la plus bouleversante perspective nocturne de la capitale, place entre les voies ferres de la gare dAusterlitz et un quartier de terrains vagues au bord de la Seine (rue Fulton, rue Bellivre), est depuis lhiver dernier encadre de quelques-unes de ces constructions dbilitantes que lon aligne dans nos banlieues pour loger les gens tristes.

Nous dplorons la disparition dune artre peu connue, et cependant plus vivante que les Champs-lyses et leurs lumires.

Nous ne sommes pas attachs au charme des ruines. Mais les casernes civiles qui slvent leur place ont une laideur gratuite qui appelle les dynamiteurs.

Potlatch est envoy certaines des adresses qui sont communiques la rdaction.




Parat tous les mardis. N 8 10 aot 1954


POUR LA GUERRE CIVILE AU MAROC

Alors quau Maroc la violence augmente chaque jour entre la partie volue des populations urbaines et les tribus fodales utilises par la France, laction dune minorit authentiquement rvolutionnaire ne doit pas tre diffre.

Appuyant dabord les revendications dynastiques du nationalisme, cette minorit peut ds maintenant entraner la base du mouvement vers une insurrection plus srieuse, sans subordonner son intervention une prise de conscience de classe par lensemble du proltariat marocain.

Cette prise de conscience ne jouera pas historiquement dans la crise qui souvre. Il faut essayer de la provoquer dans laccomplissement dune lutte engage par dautres tendances, sur dautres plans (terroristes anti-franais, fanatiques religieux).

La guerre de la libert se mne partir du dsordre.


LES BARBOUILLEURS

Lemploi de la polychromie pour la dcoration extrieure des constructions des hommes avait toujours marqu lapoge, ou la renaissance, dune civilisation. Il ne reste rien, ou presque, des ralisations des gyptiens, des Mayas ou Toltques, ou des Babyloniens dans ce domaine. Mais on en parle encore.

Que les architectes reviennent depuis quelques annes la polychromie ne saurait donc nous surprendre. Mais leur pauvret spirituelle et cratrice, leur manque total de simple humanit, sont au moins dsolants. La polychromie ne sert actuellement qu masquer leur incomptence. Deux exemples, choisis aprs une enqute mene auprs de cent cinquante architectes parisiens, le prouvent assez :


Projet de trois jeunes architectes (22-25-27 ans) persuads de leur gnie et de leur nouveaut, naturellement admirateurs du Corbusier :

Aubervilliers lieu dshrit sil en fut, puisquun jeune admirateur du cramiste saint-sulpicien Lger y a dj fait des siennes , long cube paralllpipdique rectangle. Pour faire comme il se doit jouer la faade juge trop plate, on la flanquera de panneaux jaunes alternant avec des panneaux violets, de 1 m sur 60 cm. On laissera aux ouvriers le choix de la place des panneaux. Le hasard objectif en quelque sorte.

Mais quand la premire construction absolument automatique ?

Projet dun architecte relativement connu (45 ans) : Prs de Nantes, blocs scolaires : deux longs cubes spars par

linvitable terrain de sport et ses magnifiques orangers nains en caisse. La construction de droite, ct garons, sera recouverte de panneaux verts et rouges, 2 m sur 1, la construction de gauche, ct filles, de panneaux jaunes et violets, mmes dimensions.

Les architectes en question vont raliser cette adorable dbauche de couleurs au moyen de minces panneaux de ciment. Ils ignorent peu prs totalement comment ce matriau va se comporter en prsence des ractifs chimiques contenus dans les colorants. Aubervilliers, seule une gouttire protgera de la pluie une faade de cinq tages. Nantes, dailleurs, mme insouciance, mais pour deux tages seulement.

On sait quel point le violet est dsagrablement influentiel ; on sait quelles pompes il participe en gnral ; on pressent quel alliage formeront bientt le jaune sale et le violet dlav. Ces exemples se passeront donc de commentaires. On jugera seulement de la pauvret actuelle des recherches architecturales quand on saura que la plupart des architectes interviews, lorsquils sintressent la polychromie, ne semblent vouloir se servir que du jaune et du violet, ou du rouge et du vert, alliage un peu jeune pour notre temps. Cependant, un architecte (45-50 ans) de la rue de lUniversit, et un autre (mme ge) de la rue de Vaugirard, prparent sans forfanterie des compositions plus intressantes. Le premier, qui revient dAmrique et il parat intressant de noter quactuellement, la forme la plus civilise darchitecture nous vient des U.S.A. avec Frank Lloyd Wright et son architecture organique , ou dAmrique latine, avec Rivera et ses villes , construit surtout des villas pour gens riches, en


travaillant dans les tons clairs, en se servant de matriaux srs, du carreau de cramique la brique hollandaise. Le second travaille dans les mmes teintes, mais pour des immeubles plus ou moins H.L.M. Il est donc assez limit dans sa recherche, et sen voit parfois rduit faire appel au ciment, quand ce nest pas au bloc Gilson . On le regrettera pour lui et pour les autres. Ce numro de Potlatch a t rdig par M.-I. Bernstein, A.-F. Conord, Mohamed

Dahou, G.-E. Debord, Jacques Fillon, Vra, Wolman.


LAllemagne de lOuest, en plein essor industriel, est menace des premiers troubles sociaux srieux depuis la fin de la guerre. La grve des transports et des services publics de Hambourg, qui dure depuis quarante-huit heures, gagne Cologne. Ainsi lagitation sociale partie de Hambourg gagne peu peu toute lAllemagne de lOuest, o dj plus dun million douvriers revendiquent des augmentations de salaires, ainsi que la rduction des heures de travail. (France-Soir, 7-8-54.)

Projet daffiche pour les murs dAlgrie :

ALLEZ PASSER VOS VACANCES AU MAROC

dit par le Groupe algrien de lInternationale lettriste.

36 RUE DES MORILLONS

Et cest en ce temps-l que lon commena de voir grav et l sur les chemins, en lettres que personne ne pouvait effacer : Cest le commencement des aventures par lesquelles le lion mystrieux sera pris...

Le curieux destin des objets trouvs ne nous intresse pas tant que

les attitudes de la recherche. Le nomm Graal, aprs avoir beaucoup dfray la chronique, a rejoint son suprieur hirarchique le


commissaire principal Dieu, et les autres poulets de la Grande Maison du Pre. Il en meurt tous les jours de vieillesse. La profession est tombe en discrdit.

Cependant, les gens qui cherchaient ce Graal, nous voulons croire quils ntaient pas dupes. Comme leur DRIVE nous ressemble, il nous faut voir leurs promenades arbitraires, et leur passion sans fins dernires. Le maquillage religieux ne tient pas. Ces cavaliers dun western mythique ont tout pour plaire : une grande facult de sgarer par jeu ; le voyage merveill ; lamour de la vitesse ; une gographie relative.

La forme dune table change plus vite que les motifs de boire. Celles dont nous usons ne sont pas souvent rondes ; mais les chteaux aventureux , nous allons un jour en construire.

Le roman de la Qute du Graal prfigure par quelques cts un comportement trs moderne.

POTLATCH A-T-IL LE PUBLIC LE PLUS INTELLIGENT DU MONDE ?




Parat tous les mardis. N 9-10-11 17 au 31 aot 1954

Numro spcial des vacances Retour la table des matires

SORTIE DES ARTISTES

Un cho intitul Quand la borne est passe, il nest plus de limite a t retranch en dernire minute du numro 8 de Potlatch. Il signalait la pauvret dun pome de Louis Aragon publi par LHumanit-Dimanche propos de larmistice en Indochine ( Partout cessez le feu Cessez le feu partout en tait le dernier vers ; et pas le plus drle). Lcho en question saluait en Louis Aragon un bon disciple du raliste-socialiste Ponsard . Dautres considrations nous lont fait supprimer.

Certes Louis Aragon prte rire. Mais nous nacceptons pas de rire en mauvaise compagnie.

La thorie de lart raliste socialiste est videmment stupide. Cependant si tel chromo produit en U.R.S.S. ou ct peut amener une fraction peu volue du proltariat prendre conscience de quelques luttes vivre, nous le tenons pour plus valable que telle apparence de recherche pour la cent millime fois abstraite, non figurative ou signifiante de linformel (IMBCILES !) qui accablent les galeries parisiennes et les salons de la bourgeoisie new look .

La posie franaise ne nous intresse plus. Nous abandonnons la posie franaise et les vins de Bourgogne et la Tour Eiffel aux services officiels du Tourisme. Nous ne devons pas donner penser que nous dfendons cette posie, alors que nous ne soutenons quune certaine forme de slogan politique, contre une autre ( Mon parti ma rendu les couleurs de la France.. ) qui serait dun comique plaisant si lon ny dcouvrait pas dabord le sabotage de lesprit rvolutionnaire des ouvriers franais.

pour la rdaction : M. Dahou, G.-E. Debord, J. Fillon, Vra.


NOS LECTEURS ONT RECTIFI DEUX-MMES...

A.-F. Conord, dont la maladresse du style ne parvenait pas dissimuler lindigence de la pense, a t dfinitivement exclu le 29 aot, sous laccusation de nobouddhisme, vanglisme, spiritisme.

Nous avisons nos correspondants de la nouvelle adresse de Potlatch : Mohamed Dahou, 32, rue de la Montagne-Genevive, Paris 5e.

La publication hebdomadaire de Potlatch reprendra la fin de ce mois.

Le numro 12 paratra le mardi 28 septembre.

DESTRUCTION DUNE PERMANENCE LETTRISTE

Lavant-garde est un mtier dangereux. Gil J Wolman

Le dimanche 15 aot 22 heures 30 un autocar vide lanc grande

vitesse scrasait lintrieur du bar Tonneau dOr , au 32 rue de la Montagne-Genevive, notoirement utilis par lInternationale lettriste. On relevait quatre blesss parmi les consommateurs. Par un heureux hasard, il ny avait dans le bar aucun des lettristes qui devaient y stationner lheure de laccident.

LA DRIVE AU KILOMTRE

Un article de Christian Hbert publi par France-Observateur dans son numro du 19 aot rclame une solution radicale aux difficults du stationnement dans Paris : linterdiction de toutes les voitures prives lintrieur de la ville, et leur remplacement par un grand nombre de taxis tarif modique.

Nous ne saurions trop applaudir ce projet. On connat limportance du taxi dans la distraction que nous

appelons drive , et dont nous attendons les rsultats ducatifs les plus probants.

Le taxi seul permet une libert extrme de trajets. Parcourant des distances variables en un temps donn, il aide au dpaysement automatique. Le taxi, interchangeable, nattache pas le voyageur , il peut tre abandonn nimporte o, et pris au hasard. Le dplacement


sans but, et modifi arbitrairement en cours de route, ne peut saccommoder que du parcours, essentiellement fortuit, des taxis.

Ladoption des mesures proposes par M. Hbert aurait donc limmense avantage outre le rglement galitaire dun problme particulirement irritant de permettre de larges couches de la population de saffranchir des chemins forcs du Mtrobus pour accder un mode de drive jusquici assez dispendieux.

Michle Bernstein

VOUS PRENEZ LA PREMIRE RUE

Jai march sans me perdre. LAvenue lutte visage dcouvert au gnral Tripier (7e arrondissement). Bonne-Nouvelle est aussi une impasse.

En attendant de reconstruire la ville partir de la Zone orientale (Porte de Vanves) lordre change lapproche de la drive.

La rue du Domestique en Jerricans prolonge anciennement rue des Cascades sannexe une partie de la rue O personne ne semblait le remarquer ni lui barrer le passage prolonge anciennement rue de Mnilmontant ainsi que toute la rue Oberkampf qui nattendait que a pour disparatre, et sarrte rue Tous ces charmes, Eugnie, que la nature a prodigus dans toi, tous ces appas dont elle tembellit, il faut me les sacrifier linstant prolonge anciennement boulevard des Filles du Calvaire.

On peut la retrouver plus TARD autour dun pisode de la rue Qui se permet de commencer nimporte o prolonge anciennement rue Racine ( suivre).

Gil J Wolman

LA MEILLEURE NOUVELLE DU MOIS

Stockholm, 23 aot. Des bagarres provoques, selon la police, par des amateurs de sensations fortes, se sont produites hier, Stockholm, prs du parc Berzelli. Prs de 3 000 personnes ont particip cette meute pour rire. On compte plusieurs blesss, dont trois policiers. Un homme, projet travers une vitrine, a eu une artre coupe et un policier la mchoire fracture. Trente-deux personnes ont t arrtes. (Paris-Presse, 24-8-54.)


PROCS-VERBAL

Le parti pris de silence des journaux notre propos est largement compens par une sorte de lgende fcheuse difie de bouche oreille dans certains milieux.

Les tmoignages qui nous parviennent priodiquement de diffrents secteurs du monde dit intellectuel font tous tat de faux bruits priodiquement relancs avec la mme conviction par les mmes personnes : arbitraire intolrable dun prtendu comit directeur qui exercerait un contrle dictatorial sur la conduite des lettristes ; utilisation dhommes de main et de tous les moyens de pression ; participation divers trafics dont le mouvement pseudo-idologique ne serait que la couverture ; voire mme subventions de Moscou ou de Tel-Aviv, votre bon cur...

Aussi apparent que soit le ridicule de lentreprise, il se btit une sorte de cycle lettriste quelque part entre les romans bretons, Fantmas et la rue Xavier Privas.

linvention de ces anecdotes, qui peuvent nous discrditer plus facilement que le dbat des ides, certains exclus du groupe paraissent avoir consacr leur vie, et leurs capacits mythomaniaques.

Tout cela nest gure plus srieux que la clbre formule (de Mauriac, parat-il) : Il faut tuer les lettristes pendant quils sont jeunes.

Un autre idiot (Pierre Emmanuel) parlait bien, aprs la manifestation de Pques 1950 Notre-Dame d craser les ttes des perturbateurs sur les marches du matre-autel .

Cependant, la sottise dune provocation ne saurait suffire la faire longtemps tolrer.

Une rcente runion plnire a convenu de la ncessit de combattre ces rumeurs leur source avec lnergie dsirable : Il faut donner aux vnements une tournure srieuse qui force les plus incrdules avoir peur. (Rapport de Jacques Fillon.)

Un groupe spcial a t charg de ce travail. I.L.

Messages personnels :

Au pape. Les papiers sont en lieu sr. Le festival peut attendre. la jeune fille franaise . Revenez avec lherbe tendre.


la nuit chez Vauban. Nous avanons. Toi, nuage, passe devant.

EN ATTENDANT LA FERMETURE DES GLISES

Malgr ce calendrier de 1793 qui essayait dimposer un autre cycle, le mot dplaisant de saint continue de salir les murs dune multitude de rues parisiennes dont il commande lappellation.

Depuis quelques mois, nous nous plaisons mener campagne pour la suppression de ce vocable, dans la correspondance comme dans nos conversations. Les noms des rues sont passagers. Quest-ce que lavenir en gardera sinon peut-tre, pour mmoire, lImpasse de lEnfant-Jsus ? (15e arrondissement, mtro Pasteur.)

Ladministration des P.T.T. se soumet ds prsent au vu de son public : les lettres parviennent boulevard Germain ou rue Honor.

Nous invitons la partie saine de lopinion soutenir cette entreprise de salubrit publique.

LA PSYCHOGOGRAPHIE ET LA POLITIQUE

Jai dcouvert que la Chine et lEspagne ne sont quune seule et mme terre, et que cest seulement par ignorance quon les considre comme des tats diffrents.

Nicolas Gogol

LE PEUPLE SOUVERAIN

Les magazines de nos dmocraties font une grande consommation de familles royales.

Leur tirage perdrait beaucoup lavnement dune Rpublique anglaise nous tions quelques-uns lacclamer un jour que la tlvision avait amass sur les trottoirs les idiots fervents de Couronnements. Et mme avec le plat de rsistance inusable quest la reine dAngleterre, luvre dabrutissement doit trouver de temps en temps une variante : une tourne de rois migrateurs, dtrns ou presque, se fait applaudir autour de la Mditerrane, de Marseille Chypre par les monts Grammos peut-tre ?

Mais alors que le rcit des dbauches (bien minimes, bien minimes...) de la princesse Margaret commence ennuyer nos concierges, et comme il se confirme que le mme public na jamais


port un grand intrt aux complexes du dplorable Baudoin de Belgique, on dcouvre nos portes une famille royale, ou tout comme. Un individu, revenu de loin grce lintempestive abrogation de la loi dexil, et connu sous le nom de Comte de Paris, se fait complaisamment photographier entour de sa nombreuse descendance. Par bonheur, la laideur se vend mal : sur huit ou neuf princesses livres ladmiration de leur bon peuple, pas une nest jolie, ou mme simplement dsirable. (Il faut en excepter une assez petite, onze ou douze ans ; mais sait-on ce que a donnera bientt ?)

Tout de mme, un Comte de Paris en grande banlieue, cela vous recre joliment la belle poque du fief, de lhommage, du servage et du gibet.

Rappeler sa suzerainet dbonnaire, cest une dlicate attention envers les quelques millions dhabitants de cette capitale qui a port au pouvoir la Convention, et la Commune.

Les dbris des classes condamnes sunissent. Tout un courant dopinion se cre en faveur de ce roi bourgeois intelligent, de ce roi la Mends-France...

Nous savons que partout o la raction, depuis quarante ans, a triomph, elle la fait par le dtournement ou la parodie dune idologie rvolutionnaire, ou du moins sociale.

Ce processus constant renforce la certitude de voir cette idologie parvenir ses vraies fins.

ARIANE EN CHMAGE

On peut dcouvrir dun seul coup dil lordonnance cartsienne du prtendu labyrinthe du Jardin des Plantes et linscription qui lannonce :

LES JEUX SONT INTERDITS DANS LE LABYRINTHE.

On ne saurait trouver un rsum plus clair de lesprit de toute une

civilisation. Celle-la mme que nous finirons par abattre.


EXEMPLE SUIVRE SUR LA PLACE DE LA NATION

(Extraits dune lettre de Bolivie, publie dans Quatrime Internationale)

Ce deuxime anniversaire de la rvolution du 9 avril a t clbr dans des conditions trs particulires : les masses tant rsolues avancer sur le chemin de la rvolution, et le gouvernement, port au pouvoir par ces masses, ayant dj parcouru une bonne distance sur le chemin de la capitulation devant limprialisme...

lavant du dfil viennent les mineurs avec leur quipement de travail, portant des fusils, des cartouches de dynamite, des mitrailleuses lgres et demi-lourdes et dchargeant leurs armes en lair : tra-ta-ta-ta, les mitrailleuses. Cest un geste de joie, mais beaucoup plus de combat...

Viennent maintenant les ptroliers : camions munis de fusils et de mitrailleuses lourdes. Des Jeeps avec des grappes douvriers fusil sur lpaule et avec, sur le capot du moteur, une mitrailleuse lourde.

Vient ensuite la masse sans fin des paysans, rvlant une extraordinaire pauvret, mais un esprit trs lev...

Les paysans ne portent pas comme le font gnralement les ouvriers le fusil en bandoulire, mais en demi-position de feu et le doigt sur la gchette...

Rdacteur en chef : M. Dahou, 32 rue de la Montagne-Genevive, Paris 5e.



Mensuel. N 12 28 septembre 1954


LES COLONIES LES PLUS SOLIDES...

Daprs les nouvelles qui nous ont t donnes, il sagit dune secousse du huitime degr, qualifi de ruineux, ou mme du neuvime degr, qualifi de dsastreux. On assiste, dans ce cas, une destruction partielle ou totale des difices les plus solides... (les journaux, le 10 septembre).

Orlansville, centre du Groupe algrien de lI.L., la ville la plus lettriste du monde selon son slogan que justifiait lappui apport notre programme par une fraction volue de sa population algrienne, a t raye de la carte par le sisme du 9 septembre, et les secousses des jours suivants.

Parmi les treize cents morts et les milliers de blesss, nous dplorons la perte de la majeure partie du Groupe algrien. Mohamed Dahou, envoy sur place, na pu encore nous faire parvenir le chiffre exact, en raison de la dispersion des habitants.

Les Actualits franaises , plus en verve que jamais, ont clbr lvnement par un petit film qui montre uniquement des Europens, leurs cercueils, leurs crucifix, leurs prtres, leurs vques burlesque tendant faire voir que lAlgrie est dans son ensemble une rgion de peuplement franais, de religion catholique, et de niveau de vie lev quand la terre ny tremble pas.

En revanche, Le Monde du 19 septembre faisait tat de laction d agitateurs indfinis, parmi les indignes rests dans Orlansville, qui est occupe militairement.

La question de la reconstruction dOrlansville pose en effet des problmes trs graves.

Quelle que soit lhostilit du groupe lettriste algrien, et des lments quil influence, envers ldification de blocs dhabitation-casernes vaguement no-corbusier, il est vident quau stade actuel de notre action une critique srieuse de cette forme particulirement


dsastreuse darchitecture ne peut tre maintenue, alors que quarante mille personnes attendent de lAdministration un abri quelconque.

Mais il convient de combattre rsolument le projet officiel de reconstruction des logements indignes en dehors de la ville, sur lemplacement dblay de laquelle slverait plus tard une nouvelle cit exclusivement europenne.

Le Groupe algrien dnoncera constamment cette discrimination, et provoquera contre le ghetto prmdit une opposition unanime.

LES YEUX FERMS, JACHTE TOUT AU PRINTEMPS

Il y a aujourdhui quatre-vingt-dix ans, le 28 septembre 1864, lAssociation Internationale des Travailleurs se runissait pour la premire fois.

LA JEUNESSE POURRIE

Pierre-Jol Berl qui, le 23 aot dernier, lissue dune beuverie dans un appartement de la rue Dauphine, assomma un de ses compagnons coups de bouteille, nappartenait plus lInternationale lettriste depuis la srie dexclusions de septembre 1953 (limination dlments tendances fascistes, ou simplement crapuleuses). Cependant le prche publi comme dhabitude par LAurore ( Tous ces rats et ces incapables ne peuvent vivre que des libralits de leurs proches , etc.) ne saurait dtourner notre attention des vrais responsables, de ceux qui maintiennent la vie sociale dans la pauvret dont de tels faits divers tmoignent : entre pas mal dautres, les valets de LAurore (tous ces rats et ces incapables ne peuvent vivre que des libralits de Boussac...)

Nous tenons pour galement mprisables les valeurs bourgeoises dexploitation, dont LAurore reprsente la plus intransigeante dfense, et la vulgarit dune jeunesse inconsciente inconsciente au point mme dignorer cette exploitation, et le mince champ libre quelle laisse aux dbauches dsargentes. Ce numro de Potlatch a t rdig par Michle Bernstein, G.-E. Debord, Jacques

Fillon, Vra, Gil J Wolman.


SISMES ET SISMOGRAPHES

Toutes les ressources de lInternationale lettriste tant employes secourir nos camarades algriens, Potlatch ne paratra quune fois par mois, pendant une dure indtermine. Par contre notre tirage sera maintenu son chiffre actuel, en y incluant les nouvelles adresses reues, principalement de ltranger, depuis le dernier numro. Nos abonns dOrlansville devront sadresser Mohamed Dahou, au nouveau sige du Groupe algrien de lI.L. qui se chargera de transmettre ce bulletin dinformation aux survivants.

Monsieur Andr-Frank Conord, 15 rue Duguay-Trouin, Paris exclu le 29 aot dernier, nous a fait parvenir son auto-critique, en vue de publication : tant naturellement impur, jai eu la malhonntet de mintroduire dans lInternationale lettriste. Men sentant absolument indigne, jai accept dassumer les fonctions de rdacteur en chef de Potlatch. Jai cherch me concilier lamiti de gens plus propres que moi, et nen ai espr quune vaine gloire. Me sentant incapable, enfin, de ne pas dmriter de la tche qui mtait confie, jentrepris de dtourner lInternationale vers des buts moindres, buts qui ne doivent aucun prix, je le reconnais aujourdhui, devenir les siens.

Je sais bien maintenant grce lexprience lettriste dont jai malgr tout tir quelque enseignement , que cest sur cette terre que se droule notre vie. Cest ici quil faut construire, aimer, vivre. Mais laventure spirituelle, facile et vaine, ma toujours tent, par sa facilit et sa vanit mmes. Limmobilit des idoles mattire, ainsi que le rve bat du rveur solitaire. Jai donc essay, pour ces raisons de confort odieusement personnelles, de convaincre quelques lettristes de poursuivre le mme but que moi. Mon incapacit la propret, mon gosme, ma vanit sont par l mme devenus rapidement vidents.

Pour les raisons exprimes ci-dessus, je ne peux donc que reconnatre juste la sentence qui ma frapp. Je nai quun seul regret : que les inintelligentes lois de ce pays laient empche dtre plus svre. Jai heureusement la certitude que lI.L. les changera rapidement.

A.-F. Conord


AU GRAND SOIR

Le 25 septembre 1951, Gil J Wolman achevait son film LAnticoncept, qui demeure interdit par la Censure franaise.

PAIX AND LIBERT

Ni de votre paix. Ni de votre libert. La guerre civile. La dictature du proltariat.

Le cinquime numro de la revue Internationale Lettriste sera publi Paris au

mois de janvier 1955.




Mensuel. N 13 23 octobre 1954


LE RSEAU BRETON ET LA CHASSE AUX ROUGES

Breton et ses pauvres amis ont rpondu notre mise au point du 7 octobre, en rvlant l obdience moscoutaire de lInternationale lettriste. Cest du moins ce que nous apprend un cho paru dans Le Figaro Littraire du 22 octobre, car les mmes gens, trop lches pour manifester Charleville, ont t trop lches pour nous communiquer un tract publi contre nous.

En ngligeant le sentiment du dgot inspir par les six individus (nomms Bdouin, Goldfayn, Hanta, Legrand, Schuster, Toyen) qui, tant prsents la discussion du 3 octobre, connaissaient notre position relle, nous ne pouvons que rire de cette colre snile. Et de cette prudence.

propos de notre ventuelle appartenance quelque N.K.V.D. nous tenons pour dshonorante toute dngation face des inquisiteurs bourgeois comme Andr Breton ou Joseph MacCarthy I. Au reste, il est vrai quen des circonstances qui commandent le choix nous nous trouverions naturellement aux cts de ces moscoutaires contre leurs matres et les singes de leurs matres.


Petite annonce

Breton, jeunes compagnons de Breton, faites un bon mouvement un beau geste : envoyez-nous un exemplaire du tract o vous nous insultez. Nayez pas peur. On ne vous battra pas. Cest seulement pour rire. Nous aimons bien votre style. I Dans le texte des ditions Gallimard, on lit : [] Andr Breton et Joseph

MacCarthy. (p. 166) (N. d. Y.L.B.)


DUCATION EUROPENNE

lissue des conversations engages rcemment Paris, un Groupe Suisse de lInternationale lettriste a t form le 20 octobre.

Adresse : Charles-mile Mrinat, Floral 3, Lausanne (Vaud), Suisse.

Lettre au Rdacteur en Chef de Combat

Monsieur,

Mis en cause par larticle intitul Le centenaire de Charleville (Combat du 21 octobre) nous vous communiquons les prcisions suivantes :

Il ny a pas eu de diffrends entre surralistes et lettristes propos du scandale de Charleville. Simplement une dfection tardive de lensemble des surralistes, et le reniement par certains dentre eux de leur signature donne auparavant un texte, marxiste en effet.

Nous ne souhaitons pas tenir le rle damuseur dans les solennits, littraires ou autres, de ce rgime. Le Surralisme, prcisment, na que trop exploit cette veine. Nous ne gotons plus gure les charmes du tapage inoffensif. Dans cette mesure, il faut en convenir, nous avons oubli Rimbaud .

Crier haut, hurler, tempter , comme le conseille lauteur de cet article aux trouble-fte sadmirant trop que nous sommes, nous en savons laimable inefficacit.

La fte continue, et nous sommes srs de participer quelque jour sa plus srieuse interruption.

Le 21 octobre 1954 pour lInternationale lettriste :

Debord, Wolman.


FLIC ET CUR SANS RIDEAU DE FER

Chaplin, en qui nous dnoncions ds la sortie tapageuse de Limelight lescroc aux sentiments, le matre chanteur de la souffrance , continue ses bonnes uvres. On ne stonne pas de le voir tomber dans les bras du rpugnant abb Pierre pour lui transmettre largent progressiste du Prix de la Paix.

Pour tout ce monde le travail est le mme : dtourner ou endormir les plus pressantes revendications des masses.

La misre entretenue assure ainsi la publicit de toutes les marques : la Chaplins Metro-Paramount y gagne, et les Bons du Vatican.

LAVENIR DUNE ILLUSION

Mademoiselle Franoise Sagan, envoye en Italie par le magazine Elle, crivait dans sa dissertation du 11 octobre sur Venise :

On peut alors sexpliquer Venise comme une phtisique ivre de son dernier souffle, de son corps condamn, se jetant la tte de ses touristes comme celle de ses amoureux. Explication un peu morbide, il faut bien le dire, mais assez profitable, car chappant au pass du Guide Bleu et au prsent des visiteurs, on a recours alors un futur surraliste et potique

Ainsi les surralistes rencontrent la conscration quils mritent, auprs de la petite classe littraire de la petite bourgeoisie.

APRS LE SISME

Orlansville o les ingalits scandaleuses dans la distribution des secours menaaient de soulever la population indigne, le sous-prfet, M. Debia, qui avait os dfendre les droits de ses administrs algriens, fut rappel en France ; et la ville tenue par les C.R.S.

Le Groupe algrien de lInternationale lettriste, moins dcim que les premires nouvelles ne nous lavaient appris, tait en majeure partie dispers. Les lettristes rests sur place, renforcs dlments venus de Paris, menrent avec assez de succs une trs violente agitation.

Au contraire le parti prtention rvolutionnaire dAlgrie, le M.T.L.D. qui avait dj laiss sans aide les mouvements des peuples


tunisien et marocain, na rien fait pour utiliser une situation extrmement favorable. Ce numro de Potlatch a t rdig par : Bernstein, Dahou, Debord, Fillon, Vra,

Wolman.

Des amis Vietnamiens nous prient de communiquer nos lecteurs le texte suivant :

LA MARABOUNTA GRONDE SAGON

Ordre dans le Nord sans dictature. Dsordre dans le Sud soumis la police dun gnral six galons, grant de bote de nuit. Larme nationale bouge. La Marabounta gronde. Elle na plus doccasion de montrer son hrosme. Elle est mcontente. Cependant M. Ngo Dinh Diem est partisan de la guerre jusquau bout. Cest ny rien comprendre. La confusion appelle la confusion. Des gnraux de larme franaise Xuan et Hinh exigent le partage du pouvoir. Neguib et Nasser sont-ils naturaliss anglais ? On demande un peu de logique.

Devant tant dagitation, les lites vietnamiennes en exil qui se dsolidarisent formellement davec les quelques ambitieux rats de laboratoire et mathmaticiens borns en mal de pouvoir nont quune consolation : savoir quil existe un homme du Sud assez clairvoyant pour aller Genve, le 14 juillet, dire Pham Van Dong : Ne vous rendez pas responsable de la prolongation de la guerre. Le peuple vietnamien ne vous le pardonnerait pas... Et publiquement cet homme dclarait en juillet quun gouvernement de coalition avec le Nord est le secret du salut du Vietnam. Cet homme est Paris. Cest Tran Van Hun... Le seul capable de faire avec Ho Chi Minh lunit du Vietnam et la vraie paix. Cest pour cela que Bao Dai lui prfre les fourmis de la Marabounta.

Do Duc Ho




Mensuel. N 14 30 novembre 1954


LA LIGNE GNRALE

LInternationale lettriste se propose dtablir une structure passionnante de la vie. Nous exprimentons des comportements, des formes de dcoration, darchitecture, durbanisme et de communication propres provoquer des situations attirantes.

Cest le sujet dune querelle permanente entre nous et beaucoup dautres, finalement ngligeables parce que nous connaissons bien leur mcanisme, et son usure.

Le rle dopposition idologique que nous tenons est ncessairement produit par les conditions historiques. Il nous appartient seulement den tirer un parti plus ou moins lucide, et den savoir, au stade actuel, les obligations et les limites.

Dans leur dveloppement final, les constructions collectives qui nous plaisent ne sont possibles quaprs la disparition de la socit bourgeoise, de sa distribution des produits, de ses valeurs morales.

Nous contribuerons la ruine de cette socit bourgeoise en poursuivant la critique et la subversion complte de son ide des plaisirs, comme en apportant dutiles slogans laction rvolutionnaire des masses.

pour Potlatch : Michle Bernstein, M. Dahou, Vra, Gil J Wolman.

Petit hommage au mode de vie amricain QUI EST POTLATCH ?

1. Un espion sovitique, principal complice des Rosenberg, dcouvert en 1952 par le F.B.I. ?


2. Une pratique du cadeau somptuaire, appelant dautres cadeaux en retour, qui aurait t le fondement dune conomie de lAmrique prcolombienne ?

3. Un vocable vide de sens invent par les lettristes pour nommer une de leurs publications ?

(rponses dans le numro 15)

Le 29 novembre, quelques-uns de nos gens, ayant enfin saisi sur la voie publique un des signataires du tract que M. Andr Breton nous avait consacr au dbut doctobre, ont pris possession de ce tract.

Nous livrons nos lecteurs le texte intgral du libelle surraliste dont la principale originalit polmique est davoir t diffus sous le manteau, M. Breton et ses amis stant imprudemment engags nous empcher, quoi quil arrive, den connatre la teneur : titre : FAMILIERS DU GRAND TRUC

Pour quune action commune puisse tre mene, il est ncessaire que les partenaires soient anims des mmes intentions et que lun nait pas de motif valable de mpriser lautre. Nous avions t conduits, non sans hsitations, envisager, daccord avec lInternationale (!?) lettriste une entreprise dans le cadre de la clbration du centenaire de Rimbaud. Le premier acte devait tre la dclaration imprime au recto de cette feuille.

Cette mise au point venait peine de paratre lorsque nous avons reu le n 12 de Potlatch, organe des lettristes, dat du 28 septembre 1954, o lon peut lire :

( cette place, citation de lautocritique de A.-F. Conord

effectivement publie dans le n 12.) Nous ne nous chargerons pas de dcider qui, de lauteur de cette

lettre ou de ceux qui ont consenti la publier, se rvle le plus mprisable. Ils suscitent galement la nause. Quils rpudient leurs engagements quelques jours plus tard montre dabord que le sort fait Rimbaud compte beaucoup moins pour eux que leur propre publicit, quelque indignes que soient les moyens employs. La fin, pour eux, les justifie. Sils falsifient ensuite des propos divers, nul ne sen


tonnera. Ils en font autant avec Lnine dont ils dforment le tmoignage 1, prouvant ainsi jusqu lvidence quils sont dpourvus du sens le plus lmentaire de la loyaut envers les ides, qui tait prcisment la qualit dominante du grand rvolutionnaire russe et demeure celle de tout rvolutionnaire authentique. Cette loyaut absente, rien ne subsiste sauf un dtritus stalinien. Dinstinct, les gens du Carrefour Chteaudun reconnatront en eux des individus offrant leurs services. Nous nous permettons cependant, pour le cas o le Comit Central, tout ses tche

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Potlatch - I.L. | Guy Debord [Fr]