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1 Dédicaces Dédicaces A mon père et ma mère A mon père et ma mère A mon oncle, Bouré LY A mon oncle, Bouré LY A Fatou LY qui est une mère pour moi A Fatou LY qui est une mère pour moi A mes tantes, frères, sœurs et A mes tantes, frères, sœurs et cousin(e)s cousin(e)s A mes ami(es) du Sénégal et de la A mes ami(es) du Sénégal et de la France France A la promotion du DEA 2004/2005 A la promotion du DEA 2004/2005 A Adama Gassama dit Gaza à St.Louis A Adama Gassama dit Gaza à St.Louis A Sara Dabo, mon frère et tuteur à A Sara Dabo, mon frère et tuteur à Paris Paris Je dédie ce mémoire de DEA Je dédie ce mémoire de DEA

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1

D é d i c a c e sD é d i c a c e sA m o n p è r e e t m a m è r eA m o n p è r e e t m a m è r eA m o n o n c l e , B o u r é L YA m o n o n c l e , B o u r é L Y

A F a t o u L Y q u i e s t u n e m è r e p o u r A F a t o u L Y q u i e s t u n e m è r e p o u r m o im o i

A m e s t a n t e s , f r è r e s , s œ u r s e t A m e s t a n t e s , f r è r e s , s œ u r s e t c o u s i n ( e ) sc o u s i n ( e ) s

A m e s a m i ( e s ) d u S é n é g a l e t d e l a A m e s a m i ( e s ) d u S é n é g a l e t d e l a F r a n c e F r a n c e

A l a p r o m o t i o n d u D E A 2 0 0 4 / 2 0 0 5A l a p r o m o t i o n d u D E A 2 0 0 4 / 2 0 0 5A A d a m a G a s s a m a d i t G a z a à A A d a m a G a s s a m a d i t G a z a à

S t . L o u i sS t . L o u i sA S a r a D a b o , m o n f r è r e e t t u t e u r A S a r a D a b o , m o n f r è r e e t t u t e u r

à P a r i s à P a r i s

J e d é d i e c e m é m o i r e d e D E A J e d é d i e c e m é m o i r e d e D E A

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Remerciements

Nos remerciements vont à l’endroit de ceux qui ont participé de près à la réalisation de

ce document.

Nous tenons à remercier particulièrement :

- Roland Pourtier et Géraud Magrin pour leur encadrement scientifique. Outre leurs

encouragements et leur confiance, la pertinence de leurs critiques et suggestions

marquent de façon indéniable le contenu de ce travail d’étude et de recherche. Qu’il

trouve ici toute notre reconnaissance ;

- Le Groupe Interdisciplinaire de Recherche pour l’Appui à la planification Régionale et

au DÉveloppement Local (GIRARDEL) pour son soutien logistique et son

encadrement ;

- La Direction des Ressources humaines de la Compagnie sucrière sénégalaise (CSS)

pour les informations fournies ;

- Mon frère et tuteur à Paris, Sara Dabo.

Nous remercions également tous ceux qui ont contribué à notre formation et nous ont

fait profiter de leur expérience. Nos remerciements vont également à l’endroit de tous ceux

qui nous hébergeaient durant nos différents séjours sur le terrain. Il s’agit de :

- La famille Diop à Diangué (Richard Toll) ;

- La famille Niang à Mbane ;

- La famille Sow à Savonabé 2 ;

- La famille Diop à Gaé.

Nous n’oublions pas :

- nos ami(e)s de Paris : Moussa Bâ, Oumar Soumaré, Seydou Kanté, Chris Manga, Sas

Dramé, Patrice Diatta, Sira, Danfakha, Fatou Ndiaye, Sylvestre, Karine ;

- nos ami(e)s de la France : les membre du G3a ;

- nos ami(e)s du Sénégal : Adama Gassama, Akim Ndiaye, Bang bang et les autres.

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Sommaire

Introduction

Première partie : Présentation de la compagnie sucrière et de son environnement régional

Chapitre 1 : La Compagnie sucrière sénégalaise

Chapitre 2 : L’environnement régional de la CSS

Deuxième partie : La difficile insertion de la CSS dans son environnement régional

Chapitre 1 : Les relations entre la CSS et les collectivités locales voisines

Chapitre 2 : L’impact de l’installation de la CSS sur les territoires des collectivités locales

Troisième partie : Problématique de la gestion concertée des territoires pour un

développement régional

Chapitre 1: Gestion concertée des territoires autour d’un grand complexe

agro-industriel

Chapitre 2 : Quelle politique sociale et environnementale pour la CSS ?

Conclusion

Bibliographie

Sigles et abréviations

Tables

Annexes

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Introduction

Au lendemain de l’indépendance, l’Etat du Sénégal a tenté de réorganiser

administrativement le territoire national. Il a essayé de créer non seulement des régions à

partir des anciens royaumes mais aussi des communautés rurales à partir des terroirs. Dans sa

politique développement économique, l’Etat a inséré dans les territoires tout nouvellement

créés, des complexes industriels, miniers ou agro-industriels. Or, ces industries s’insèrent dans

des milieux d’accueil radicalement différent.

Ces politiques ont aussi été accompagnées d’un classement des terres en trois domaines:

le domaine national, les domaines publics1 et privés de l’Etat2. Le domaine national

correspond à un espace public composé de plusieurs régimes fonciers, dont les zones urbaines

et de terroirs (cf. annexe n°1).

Ces différents domaines se côtoient à l’intérieur de l’espace national, mais leur

articulation pose souvent des problèmes de gestion. Ces problèmes de gestion territoriale sont

surtout devenus récurrents avec le transfert de compétences aux collectivités locales que sont

les régions, les communes et les communautés rurales, par la loi de la décentralisation de

1996 (voir Rochegude A., 2000). Cette loi a conféré aux élus locaux des compétences, dont

certaines concernent l’aménagement du territoire, la gestion de l’environnement et du foncier.

Ainsi, en voulant exercer pleinement leur rôle, les élus locaux ont créé de nombreux litiges

fonciers et fiscaux. Ces derniers opposent les collectivités locales entre elles ou avec les

sociétés privées ou publiques occupant le domaine privé non affecté de l’Etat, ou encore avec

l’administration des aires protégées. Les deux derniers cas posent également la question des

greffes territoriales.

Force est de constater que cette situation constitue un obstacle aux objectifs de

développement économique. Or, les collectivités locales ont été créées pour amorcer le

1 Le domaine public répartit le patrimoine foncier de l’Etat en deux domaines, dont le domaine public qui englobe le domaine naturel (cours

d’eau, fleuve, etc.) et le domaine artificiel (route, ouvrage hydraulique, etc.).2 Le domaine privé est constitué des terres immatriculées au nom de particuliers (titre foncier) ou de l’Etat. Le domaine privé de l’Etat

regroupe pour sa part le domaine privé affecté et le domaine privé non affecté. Ce dernier est constitué des dépendances du patrimoine privé

immobilier de l’Etat. Il s’agit de terrains à mettre en valeur et qui peuvent faire l’objet d’autorisation d’occuper à titre précaire et révocable,

de baux emphytéotique, de concession de droit et de vente.

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développement économique et social des territoires, comme le proclame l’exposé des motifs

de la loi de 96.06 du 22 mars 1996 portant code des collectivités locales.

Insérée, la CSS l’est depuis longtemps avec plus ou de difficultés. Mais le nouveau

contexte de la décentralisation a créé de nouveaux types de problèmes. Il s’agit ici de

comprendre les logiques qui sont à l’origine des difficultés d’insertion des sociétés

industrielles dans leur nouveau environnement régional et comment elles pourraient y être

intégrées afin d’amorcer un véritable développement économique, social et culturel.

Ce travail de recherche se situe dans cette perspective. L’espace d’étude choisi est le

delta du fleuve Sénégal. Celui-ci offre un cadre propice à l’étude de la thématique de la

décentralisation et de la gestion des ressources naturelles dans les collectivités locales,

notamment les communautés rurales. En effet, le Delta et d’une manière générale le Nord du

Sénégal, constitue « un laboratoire de la décentralisation sénégalaise, réunissant tous ses

ingrédients, ses types d’acteurs, ses contradictions : collectivités locales en mal d’affirmation,

société nationale d’aménagement à l’avenir incertain, pléthore de projets et de bailleurs plus

ou moins complémentaires, coopération décentralisée dirimante, services de l’État à la

recherche d’un rôle, opérateurs touristiques, etc. » (Magrin G., 2003 : 3).

Problématique

La loi de n° 96-07 a transféré des compétences aux collectivités locales, dont certaines

concernent la gestion des territoires : le foncier et les ressources naturelles. Mais on a constaté

que cette loi de 1996, en permettant aux collectivités locales d’affirmer leur territorialité, a

favorisé des conflits (voir Sy K., 2004, Sy K., Magrin G., 2003).

Dans la vallée du fleuve Sénégal, ces litiges sont fréquents voir presque systématiques 

entre les collectivités locales (Magrin G., 2003 :13). Ils opposent souvent les communes et les

communautés rurales et concernent soit les besoins d’extension des villes, soit la fiscalité. Les

conflits existent aussi entre les communautés rurales ou entre les collectivités locales et les

aires protégées.

Cette thématique de la décentralisation et de la gestion des territoire a constitué l’objet

de notre mémoire de maîtrise, dont l’intitulé est le suivant : « Gestion territoriale des

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compétences transférées : relations de la communautés rurale de Ross Béthio avec les

territoires voisins pour la gestion des ressources naturelles ». Cette étude avait notamment

comme limite de ne prendre en compte les relations entre les collectivités et les grandes unités

agro-industrielles sises à l’intérieur de ces celles-ci. Or, au Sénégal, elles méritent une étude

approfondie à un moment où le président de la république veut promouvoir l’agro-industrie, et

où un débat national sur le foncier et sur l’agriculture est engagé (voir CNCR1, 2004.,

République du Sénégal 2004).

Ces unités agro-industrielles sont composées des sociétés nationales (SONACOS, SEIB,

etc.) et des sociétés privées (CSS, SOCAS, SODEFITEX etc.). Elles occupent le plus souvent

les terres du domaine privé de l’Etat, dont elles disposent par des baux emphytéotiques. Ces

agro-industries s’insèrent dans des environnements où elles peuvent côtoyer le domaine

national, c'est-à-dire les zones urbaines, les zones de terroirs ou les espaces naturels classés.

L’implantation d’un établissement agro-industriel, en particulier dans les pays du Sud où

l’emploi salarié est rare, a souvent des impacts importants sur l’espace géographique. En

effet, elle entraîne généralement la mobilisation de la force de travail utilisable (main-

d’œuvre), car « l’usine ne fonctionne pas sans ouvriers »2. Ces derniers résident souvent à

proximité des usines. Grâce aux revenus distribués, les usines peuvent attirer une importante

main-d’œuvre, au point de créer une explosion démographique (voir Agbogba A., 1982). De

cette dernière découle un besoin foncier constructible pour la croissance des établissements

humains proches. Or, cette expansion urbaine peut favoriser des litiges fonciers dans les zones

périurbaines, notamment entre les collectivités locales.

En outre, les conflits peuvent aussi concerner le contact entre espaces publics (domaine

national) et sociétés agro-industrielles. Ces dernières, en se développant, ont besoin d’étendre

leur superficie, et tendent à « grignoter » les territoires des collectivités locales. Ces questions

posent de manière les interactions entre agro-industrie et territoire, mais aussi la question du

développement local.

1 Cadre national de conseillers ruraux (CNCR).2 « Espaces industriels », note introductive de Espace disputés en Afrique (Crousse B., Le Bris E., Le Roy E., (dir.) 1986).

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Compte tenu du nouveau contexte de décentralisation au Sénégal, nous souhaitons, dans

le cadre d’un diplôme d’étude approfondie (DEA) puis d’une thèse, effectuer un travail de

recherche sur l’insertion des grandes sociétés agro-industrielles dans leur environnement

régional. Dans cette perspective, nous avons retenu, en DEA, le cas de la Compagnie sucrière

sénégalaise (CSS) (cf. carte n°1). La CSS constitue un bon exemple dans de ces enjeux, la

mesure où l’on trouve, autour d’elle tous les régimes fonciers existants au Sénégal. En effet,

en plus du domaine privé de l’Etat accordée à la CSS, il y a les :

- zones urbaines (villes de Richard Toll, Dagana, Rosso Sénégal) ;

- zones de terroirs (communautés rurales de Mbane, Gaé, Ronkh, Ross Béthio) ;

- zones classées (forêts classées de Richard Toll, Diaw, etc.).

De plus, la CSS est l’entreprise qui emploie le plus de personnes au Sénégal : environ

1.500 à 2.000 salariés permanents et 4.000 à 6.000 saisonniers. On a aussi constaté que les

superficies cultivées en canne n’ont cessé de s’accroître ces trente dernières années. En effet,

elles sont passées de 6.000 ha dans les années 1970 à environ 12.000 ha actuellement.

La conduite de cette recherche appelle à poser un certain nombre d’hypothèses :

La connaissance de l’environnement du complexe sucrier et les conditions socio-

économiques dans des territoires avoisinants permet de comprendre les relations entre

la CSS et les collectivités locales ;

La CSS a des difficultés à s’insérer dans son environnement régional et même

national. Ses relations avec les collectivités locales sont souvent conflictuelles, surtout

les communautés rurales. Elles concernent l’environnement, le foncier et les taxes,

dont les entreprises sont redevables aux collectivités locales. Indirectement, la CSS a

aussi participé à accentuer les litiges entre les collectivités locales ;

L’insertion effective de la CSS dans son environnement passe par la concertation avec

les collectivités locales, mais aussi par une gestion intercommunautaire des territoires

des collectivités locales.

Méthodologie

Ce travail constitue un mémoire de DEA de géographie. Il a été effectué avec

l’encadrement du GIRARDEL, par le biais du projet CORUS, qui s’intitule « Une recherche

au service de la gestion décentralisée des ressources naturelles : le cas de la moyenne vallée

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du fleuve Sénégal ». Le projet associe des chercheurs des universités de Saint Louis, de Paris

1, de Saint Etienne et le CIRAD1. Ce projet, d’une durée de trois ans (2004-2007),

accompagne les acteurs du développement dans la vallée du fleuve Sénégal.

Le GIRARDEL est un réseau de recherche appliquée au développement, qui associe des

chercheurs de différentes disciplines de l’université Gaston Berger (Géographie, Sociologie,

Sciences juridiques et politiques, Sciences économiques et de gestion, mathématique) et des

institutions partenaires de la recherche ou du développement (ISRA1, SAED2, ARD3, CIRAD,

etc.). Le GIRARDEL essaie d’instaurer un véritable partenariat avec les collectivités locales

qui le souhaitent pour les aider à mieux remplir leur mission. Loin de l’approche « projet », il

s’agit de mettre en œuvre dans la durée une démarche d’accompagnement des collectivités

(Magrin G., Traoré B., 2003 : 2)4.

La conduite de ce travail d’étude et de recherche a été guidée par une méthodologie qui

se résume en trois étapes : une recherche documentaire, un travail de terrain et la phase de

traitement des données.

La recherche documentaire nous a conduit dans différents centres de documentation

que sont  les bibliothèques des universités parisiennes, de Saint-Louis et de Dakar, la

bibliothèque de l’institut de géographie de Paris, de la salle du GIRARDEL à Saint Louis, etc.

Des documents ont aussi été consultés au niveau du service des Eaux et Forêts de Saint Louis

et Richard Toll, au niveau des mairies de Richard Toll, Dagana, Rosso Sénégal et des sièges

des communautés rurales de Mbane, Ronkh, Gaé. Cette revue documentaire a permis de :

- comprendre la problématique foncière au Sénégal, dans la région du fleuve et dans le

Delta en particulier ;

- connaître les décrets régissant les aires protégées situées à proximité et dans la ville de

Richard Toll ;

1 Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement1 Institut Sénégalais de Recherche Agronomique2 Société d’Aménagement et d’Exploitation des terres du delta du fleuve Sénégal et des vallées du fleuve Sénégal et de la Falémé.3 Agence Régional de Développement4 Extrait du document de proposition du GIRARDEL pour l’appel d’offre de l’Agence Universitaire Francophone (AUF) : « pôles d’excellence régionaux en formation et en recherche »

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- appréhender les potentialités naturelles et la situation socio-économique dans les

territoires avoisinants le complexe sucrier de la CSS, notamment au niveau des zones

limitrophes entre ces différents territoires ;

- étudier l’environnement même de la CSS, notamment son développement spatial, sa

capacité de production etc.

- étudier l’historique du développement de l’agriculture irriguée dans la zone ainsi que

celle de la création de la CSS ;

- comprendre les lois de la décentralisation au Sénégal, le code fiscale et la notion de

développement local ;

- avoir un aperçu sur la gestion du territoire des collectivités locales ;

- approfondir la maîtrise de la rédaction scientifique et des méthodes d’enquêtes de terrain.

La documentation a aussi été accompagnée d’un travail de terrain. Il a été effectué

pendant deux mois (du 1er mars au 30 avril 2005) dans la zone d’étude. Elle nous a mené tour

à tour au niveau :

- de la CSS, notamment au sein des services chargés de l’aménagement et de l’irrigation,

de l’environnement et de l’emploi ;

- des communautés rurales, des mairies et de certaines structures de développement ;

- des services régionaux des impôts et domaines, de l’urbanisme et de l’habitat, de la

direction de la santé, des Eaux et Forêts, de la SAED, de l’ISRA, de la préfecture de

Dagana, des sous-préfectures de Mbane et Ronkh ;

- des gares routières de Richard Toll, Dagana et Rosso Sénégal.

Au début du travail de terrain, nous avons privilégié l’écoute et la discussion avec les

membres des Conseils ruraux, des mairies, l’administration des aires protégées et certaines

structures d’appuis (ISRA, SAED, Impôts et Domaine, Urbanisme). Celles-ci ont été axées

sur le foncière, la fiscalité et les ressources hydriques et forestières. Les questions posées

portaient sur les modes d’acquisition des terres de la CSS, les incidences de l’installation de

la CSS sur les collectivités locales situées sur son voisinage, notamment dans le domaine du

foncier, de la fiscalité et de l’environnement.

L’ensemble des informations recueillies lors de ce travail de terrain a permis d’affiner

nos hypothèses de recherche. Ce séjour a également permis de répertorier les zones dans

lesquelles les relations entre les collectivités territoriales sont les plus sensibles. Il nous a

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également permis d’établir un guide d’entretien et un questionnaire groupé, qui ont servi dans

la seconde étape.

Lors de ces déplacements, des membres des Conseils ruraux, des agents des Eaux et

Forêts et un échantillon de la population ont été interrogés sur des questions que sont le

foncier, la fiscalité et l’environnement. La principale méthode utilisée a été l’entretien groupé.

A ce dernier on a joint des entretiens individuels, quand la sensibilité du sujet traité

l’imposait. Par exemple, pour ce qui est des terres attribuées à la CSS par les collectivités

locales, on a essayé de voir s’il n’y a pas eu des pots de vins versés à certains élus.

Certaines données recueillies ont été traitées avec les logiciels de traitement de texte

(Microsoft Word) et de calcul (Microsoft Excel). Des cartes ont été aussi été empruntées à des

auteurs et quelques unes d’entre elles ont été adaptées en utilisant le logiciel de dessin, Adobe

Illustrator.

La revue documentaire, les enquêtes et le traitement des données de terrain ont permis

de réaliser ce travail d’étude et de recherche. Cependant, cette étude a des limites. Certaines

pistes de réflexion, qui concernent la thématique étudiée, n’ont pas été assez approfondies.

En effet, il n’a pas été possible d’élargir le sujet à l’ensemble des interactions entre agro-

industrie et territoire, à la relation agro-industrie et développement local. Car les deux mois

passés sur le terrain ne suffisent pas pour faire toute la lumière sur la problématique étudiée.

Cependant, nous comptons approfondie ces pistes à l’avenir, c’est-à-dire en thèse.

Il a aussi été difficile de trouver une ou des méthodes adoptées à l’étude des interactions

entre agro-industriel et territoire issu de la décentralisation. A notre connaissance aucune

étude approfondie n’a été menée dans ce sens. En effet, les documents consultés traitent plus

des impacts économiques des sociétés agro-industrielles sur les localités où elles sont

implantées.

Par ailleurs, d’autres difficultés qui ne sont pas d’ordre méthodologique, ont aussi été

rencontrées. Il s’agit de l’absence de documents attestant des superficies accordées à la CSS.

La réticence des autorités de la CSS à nous fournir le nom des sociétés, avec qui elle sous-

traite. Et les deux sociétés de sous-traitance (une société de sécurité et une autre de gestion

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d’espace vert) identifiées refusent de nous donner des chiffres concernant la somme que leur

verse la CSS et le nombre d’employé qu’elles ont. L’enclavement de certaines zones visitées

(Ronkh et Mbane notamment) ainsi que l’étendue de la zone étudiée (2.300 km² environ),

n’ont pas aussi facilité le travail de terrain. En effet, on note dans la zone, une absence de

moyen de transport et les pistes existantes ne sont pas bonnes.

Notre travail d’étude et de recherche s’articule autour de trois parties principales :

La première présente le complexe agro-industriel de la CSS et les territoires situés

dans son voisinage : il s’agit présenter l’environnement de l’entreprise de la CSS

(infrastructures, production, salariat, etc.)   et les conditions socio-économiques dans

les territoires des collectivités locales ;

La deuxième partie montrera comment la CSS a du mal à s’insère dans environnement

régional. il s’agira d’abords d’analyser les rapports entre la CSS et les collectivités

locales au plan foncier, fiscal et environnemental, ensuite mesurer l’impact de

l’installation cette société sur l’urbanisation de Richard Toll et ses conséquences sur

les rapports entre la ville et les territoires limitrophes (communautés rurales et aires

protégées), et enfin montrer les conflits fonciers opposant les communautés rurales

entre elles.

La troisième partie constitue une réflexion sur la gestion concertée des territoires pour

le développement de la zone. La problématique de la gestion concertée des territoires

autour d’un grand complexe agro-industriel. Dans un premier temps, nous analysons

les possibilités de concertation pour une gestion concertée des territoires autour d’un

complexe agro-industrie. Dans un second temps, nous imaginerons des possibilités

qui peuvent mieux insérer la CSS dans son voisinage.

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Pour comprendre l’insertion de la CSS dans son voisinage, il faut avoir une

connaissance plus précise de l’environnement de l’entreprise et du milieu physique, des

conditions socio-économiques qui existent sur les territoires voisins. Cette étude permettra de

comprendre les facteurs qui influencent le jeu des relations entre ces territoires.

13

PREMIERE PARTIE

Présentation de la compagnie sucrière et de son environnement régional

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Chapitre 1 : La Compagnie Sucrière Sénégalaise

Dans ce chapitre, il s’agit d’aborder successivement les origines du casier de Richard

Toll, les conditions de la création de la CSS, le salariat, le développement spatial de la CSS.

1-1 / Aperçu historique : du jardin de Richard Toll à la création du complexe agro- sucrier

Le complexe agro-industriel de Richard Toll a été créé en 1970. Mais toute une histoire

a précédé sa création. En effet, l’idée d’aménager le casier de Richard Toll remonte à la

période coloniale, plus exactement en 1822 (voir Hardy G., 1921). Le baron Roger,

gouverneur du Sénégal de l’époque, a entrepris de créer un jardin d’essai à coté du premier

noyau de la ville de Richard Toll ; l’Escale. Cette décision a été prise à la suite de travaux de

chercheurs et techniciens français dans la vallée du fleuve Sénégal (voir Buirel A., Bonlenvill

S., 1957, Hirsch D., 1972). Ce projet a été confié à un horticulteur français du nom de

Richard. Ces essais échoués du fait de l’hostilité des populations spoliées de leur terre et des

multiples contraintes techniques et physiques. Cependant, l’exploitation du jardin ne s’arrête

pas pour autant car, en 1932, le coton irrigué allé être expérimenté.

A partir de la Deuxième Guerre mondiale, le coton a été remplacé par le riz. L’idée de la

création d’un casier rizicole est née de ce que la dernière guerre a cruellement montré le

déficit alimentaire du Sénégal. Cela a été à l’origine du changement habitudes alimentaires de

la population sénégalaise. L’aménagement du casier a été confié à la Mission d’aménagement

du Sénégal (MAS). Cette société, créée à cette occasion, a aménagé un casier de 6.000 ha,

dont l’exploitation allé se faire, non seulement avec la population locale mais aussi avec des

immigrants venant des localités proches.

Au lendemain de l’indépendance du Sénégal, l’Etat va remplacer la MAS par la Société

de Développement Rizicole du Sénégal (SDRS). Très vite, cette organisation étatique va se

heurter à des problèmes de gestion : déficit budgétaire, baisse de la production, dégradation

des planages et des matériaux. Cette situation a poussé l’Etat à liquider la SDRS en 1972. En

même temps, l’Etat a pris la décision de créer sur le casier de Richard Toll un complexe agro-

industriel sucrier1. Cette décision a été prise après des études d’essai de canne à sucre menées,

en 1966, par l’Institut de recherche agronomique tropicale (IRAT). Les études de l’IRAT 1Le projet de création du complexe agro-sucrier lui-même avait été confié à la Société d’Aide Technique et de Coopération (SATEC).

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concluent à la possibilité d’implanter la culture de la canne à sucre sur l’ancien casier rizicole

(Maïga M., 1995 : 113).

L’objectif du gouvernement sénégalais était double : d’abord réduire le déficit

alimentaire en sucre du Sénégal. Le Sénégal a importé en 1967 environ 50.00 t de sucre,

d’une valeur de 2,5 milliards de Fcfa (Maïga M., 1995 : 113). Ensuite, corriger les

déséquilibres spatiaux. Il s’avérait déjà nécessaire de délocaliser les activités économiques,

essentiellement concentrées à Dakar. Les problèmes d’urbanisation et d’assainissement que

connaît cette ville vont amener l’Etat à se pencher sur la question de la déconcentration

industrielle. C’est ainsi que l’Etat va encourager la création de nouvelles sociétés dans les

régions de l’intérieur et du Nord.

Pour la réalisation du complexe sucrier à Richard Toll, l’Etat du Sénégal avait sollicité

le Groupe français Mimran. L’existence d’infrastructures (champs, canaux, eaux, etc.) et de

ressources humaines (personnel du SDRS) a beaucoup contribué à convaincre d’exploiter la

canne à Richard Toll (Mbaye K., 1986, p : 47). Ainsi, par le décret 70/898 du 20 juillet 1970,

la compagnie sucrière sénégalaise fut créée. Une convention a été signée et, par la suite

renforcée par le décret 72/116 du 21 février 1972, entre l’Etat et le groupe français.

Selon Maïga M., (1986) les grandes lignes du projet sucrier signé en 1972 étaient les

suivants :

- utilisation gratuite de l’eau du lac de Guiers et de la Taouey pour les besoins

domestiques, agricoles et industriels ;

-  monopole du marché du sucre avec péréquation selon la bourse de Paris. En effet, la

CSS va importer du sucre au Sénégal jusqu’à ce que sa production puisse couvrir tous les

besoins du pays ;

- mise en culture de 7.300 ha en trois ans ;

- implantation d’une sucrerie-raffinerie d’une capacité initiale de 300 tonnes par jours de

sucre, pouvant être ultérieurement de 6.000 tonnes par jour ;

- garanties économiques et fiscales, par exemple exénoration des taxes sur le chiffre

d’affaire, réévaluation des prix du sucre chaque année, etc.

- construction d’une distillerie et d’une levurerie afin de valoriser les mélasses produits:

huit à dix millions de litres rhum et d’alcools pharmaceutiques et industriels, 300 tonnes

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de levures de boulangerie, 3 à 4.000 tonnes de CO2 liquide et 15 à 20.000 tonnes de

vinasses ;

- sous réserve d’une garantie préalable d’écoulement à long terme, création d’une fabrique

de papier, d’emballage et d’impression d’une capacité annuelle de 60.000 tonnes ;

En contre partie, la CSS devrait  créer 500 à 700 emplois permanents et plusieurs

centaines de saisonniers. A qualification égale, elle devrait donner la priorité à la main-

d’oeuvre de la région du fleuve. En outre, la CSS sous-traiterait, en priorité, avec des

entreprises sénégalaise et subirait aussi des contrôles de l’Etat.

Dans ces accords, l’essentielle pour l’Etat est de mettre en œuvre sa politique de

déconcentration de l’industrie afin de corriger les déséquilibres régionaux, entre Dakar et les

autres régions du Sénégal, le Nord du Sénégal notamment, qui ne disposait d’aucune industrie

à l’époque. Financièrement, l’Etat gagne aussi dans ces accords, grâce aux impôts, qui lui

seraient payés à la fois par la CSS et ses employés. Quand à la CSS, elle gagne autant que

l’Etat, sinon plus. En effet, les accords lui permettent non seulement de ne pas avoir de

concurrent sur le territoire national, mais de faire d’énorme bénéfice (exonérations sur son

chiffre d’affaire) et de ne pas enregistrer de perte grâce à la possibilité qui lui est offerte de

réévaluer le prix du sucre.

Cependant, l’analyse de la convention appelle à faire quelques observations : d’abord, il

apparaît pour le moins imprudent de laisser le monopole du marché national du sucre à une

seule société. Rien ne laisse présager que la CSS n’allait pas gonfler le prix du sucre pour

gagner plus. Aussi, il était imprudent d’accorder à la CSS le privilège d’être le seul

importateur de sucre sur le marché sénégalais. S’il est possible comprendre le monopole de la

CSS sur le sucre, on comprend moins certains avantages fiscaux accordés à la CSS.

1-2/ Présentation de la CSS 

a) La CSS : de sa création jusqu'à nos jours 

La CSS a été créée en 1970 mais ce n’est qu’entre 1972-1973 qu’elle a commencé à

produire du sucrier. A cette époque son capital était de 2 milliards de Fcfa. Très vite, le capital

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passe de 2 à 5 milliards de Fcfa en 1976 et atteint 8,6 milliards en 1978. Actuellement, le

capital de la CSS est estimé à 14,5 milliards Fcfa1.

En terme d’outil industriel, la CSS possède actuellement une usine de sucrerie-

raffinerie, une usine de tuyauterie en plastique pour l’irrigation et une centrale électrique

d’une capacité de 23 MégaWatt. Elle possède aussi 600 véhicules et engins spécialisés.

Parmi les autres infrastructures dont dispose la CSS, on peut citer 600 km de canaux,

400 km de drains et 300 km de pistes. Ces infrastructures traversent de long en large la

commune de Richard Toll (cf. carte n°2).

Quand on se réfère au personnel et à la masse salariale versée, la CSS constitue la plus

importante entreprise industrielle au Sénégal. En 1974, la CSS comptait environ 1.600 agents,

dont une grande partie du personnel de la SDRS (500 environ) et de la Compagnie Africaine

de Produits Alimentaire (CAPA). A cette époque, la CSS distribuait une masse salariale de 40

millions de Fcfa/ mois.

Entre 1974 et 1984, le personnel de la CSS augmente considérablement : il passe de

1.600 à environ 8.200 travailleurs. Selon le livre blanc, en 1985, la CSS a distribué, à cette

période, environ 6,3 milliards de Fcfa à ses travailleurs (Agbogba A., 1982 : 107).

A partir de la deuxième moitié des années 1980, le nombre de travailleurs de la CSS a

diminué. Actuellement, elle en compte environ 5.200, dont 2.400 permanents. Cette

régression du nombre de travailleurs est du non seulement au fait que la CSS a atteint sa

vitesse de croisière, mais aussi à l’utilisation de machines automatiques, qui remplacent

l’homme dans certains domaines. Cependant, si le nombre de travailleurs a diminué, la masse

salariale s’accroît davantage. Elle passe de 6,3 milliards en 1985 à 8 milliards en 1994 et

depuis 2001, elle tourne autour de 10,4 milliards de Fcfa.

1 D’après la direction des ressources humaines de la CSS

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Carte n° 2 : Les canaux et drains de la CSS traversant la ville de Richard Toll

Source : Brengues J., Hervé J-P., 1994 : 202.

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L’implantation de la CSS a fait des localités voisines des réceptacles de main d’oeuvre.

L’étude de Mbaye (1986) le montre bien. En 1985, la CSS comptait 8.280 travailleurs dont

59% sont des ressortissants de la région de Saint Louis. Les habitants du Delta constituent le

plus gros du contingent, ensuite vient de la moyenne vallée (département de Podor).

Par ailleurs, il faut distinguer dans l’organisation spatiale de la CSS, le site de

production et le site de commercialisation. Le premier se trouve bien dans le Delta du fleuve

Sénégal. Il occupe quatre collectivités locales, dont une commune (Richard Toll) et trois

communautés rurales (Mbane, Ronkh et Gaé). C’est dans ces dernières qu’est cultivée la

canne. Elle est ensuite brûlée et transportée au niveau de l’usine, qui est située dans la

commune de Richard Toll. C’est à ce niveau que la canne est transformée en sucre avant

d’être acheminée par les camions de la compagnie vers Dakar, site de commercialisation du

sucre. Ce dernier se trouve exactement dans la zone portuaire de Dakar. Le point est

stratégique pour la société car c’est là ou est stocké et empaqueté le sucre importé par

l’entreprise. La zone abrite aussi une autre entreprise du groupe Mimran : le Grand Moulin de

Dakar (GMD), qui produit de la farine et des aliments pour bétail. C’est à partir de ce site que

sont distribués le sucre et les autres produits (farine et aliment bétail) à travers le territoire

national. A ce niveau les camions de la CSS n’interviennent plus. Ce sont des transporteurs

privés qui se chargent de transporter le sucre vers leur lieu de consommation. Tout ceci

montre bien que la CSS participe à l’économie nationale.

En ce qui concerne la production (tableau n°1), elle n’a cessé d’augmenter depuis les

premières années de récolte de la canne (1973). Elle est passée de 1.500 tonnes de sucre (sur

1.250 ha de canne cultivés) en 1973/1975 à 47.000 tonnes pendant la campagne de 1977/1978

(sur 5.098 ha de canne cultivés). La production atteint dans les années 1980, les 60.000 ha

(sur 6.500 ha de canne cultivés). Celle-ci va encore continuer à croître pour atteindre en 2004

les 85.000 tonnes.

Comme on le constate, l’augmentation de la production s’est aussi accompagnée d’une

augmentation des superficies cultivées en canne. En effet, elles sont est passées de 1.250 ha

en 1975 à 7.515 ha. Donc, en plus des 6.000 ha de terres attribuées au départ à la société,

celle-ci s’est vue attribuer d’autres terres.

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Tableau n° 1 : Superficie récoltée par an depuis la campagne 1976/1977 (source : CSS)

CAMPAGNE Surface Récoltée (Ha)

1976/1977 4085

1977/1978 4200

1978/1979 4627

1979/1980 4586

1980/1981 5051

1981/1982 4975

1982/1983 5754

1983/1984 5856

1984/1985 6121

1985/1986 6440

1986/1987 6782

1987/1988 6659

1988/1989 6438

1989/1990 6406

1990/1991 6725

1991/1992 7593

1992/1993 7351

1993/1994 7375

1994/1995 7054

1995/1996 6542

1996/1997 7355

1997/1998 7413

1998/1999 7244

1999/2000 7252

2000/2001 7272

2001/2002 7295

2002/2003 7243

2003/2004 7415

MOYENNE 6397

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b) La CSS, une société en pleine croissance spatiale

Tableau n°2 : Evolution des superficies de la CSS

Années Superficies

(ha)

1970-1980

1981

1982

1987

1990

6.000

300

1.300

1.200

3.200

Total 12.000

Source : D’après enquête

Depuis le début des années 1980, la superficie de la CSS ne cesse de croître.

Aujourd’hui, les responsables de la société déclarent que l’entreprise ne dispose que de 8.200

ha. Or, les enquêtes effectuées auprès des élus locaux prouvent qu’elle détient davantage que

cela. Le tableau ci-dessus montre les superficies dont dispose la CSS depuis sa création. La

CSS dispose environ de 12.000 ha. La superficie déclarée par la CSS est celles exploitée

chaque année. Le plus souvent le reste des terres sont sous jachères. Par cette méthode la CSS

rationnellement la terre et leur permet aussi de s’enrichir.

Les terres exploitées par CSS ont été obtenues de diverses manières. A ces débuts, la

CSS disposait de 6.000 ha. Ces terres font l’objet de titres fonciers au nom de l’Etat du

Sénégal. Elles appartiennent ainsi au domaine privé de l’Etat qui en concède l’usage par bail

emphytéotique à la CSS. Elles sont situées dans la communauté de Ronkh.

La CSS a aussi bénéficié des terres des communautés rurales de Mbane, Ronkh et Gaé.

Au début des années 1980, coïncidant avec la création de communautés rurales dans la vallée

du fleuve Sénégal, elle s’est vu affecter par le conseil rural de Ronkh environ 300 ha. D’après

M. Diop1, ces terres ont été octroyées sans contre partie. C’est un « cadeau » du conseil rural

à la CSS.

1 Actuel Président du conseil rural de Ronkh.

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Pendant cette même période, plus exactement en 1982, le conseil rural de Mbane, sous

la demande de la CSS, a affecté 1.291 ha à celle-ci. Outre ces 1.291 ha, le conseil rural de

Mbane a affecté (délibération du 25.10.1990) 3.200 ha à la CSS.

La CSS dispose également de terres autrefois sur le territoire de Gaé. Il s’agit d’un

ancien casier rizicole de 1.200 ha environ exploités en majorité par des habitants de la

communauté rurale de Gaé et une cinquantaine d’agriculteurs de la ville Richard Toll. Ce

casier appartenait à la zone pionnière1. Cependant, par le décret n° 87-720 du 4 juin 1987, les

terres du delta autrefois en zone pionnière ont été reversées en zone de terroir, donc dans les

communautés rurales. Ce casier va constituer une exception car au lieu d’être cédé

directement à la communauté rurale, il va être attribué par l’Etat à la CSS.

Il faut souligner que la CSS, après l’attribution de terres par les collectivités locales,

sollicite toujours un bail au près de l’Etat. Ce qui fait que ces terres autrefois en zone de

terroir tombent dans le domaine privé de l’Etat non affecté. L’attribution de terres par les

conseillers ruraux à la CSS a participé à créer des relations entre elles. Ces relations ont été

davantage renforcées par les lois de décentralisation, qui permettent aux collectivités locales

de prélever des taxes sur les sociétés et leurs employés (article 248 à 254 du 22 mars 1996).

Chapitre 2 : L’environnement régional de la CSS

Le voisinage du domaine de la CSS est occupé par des territoires des collectivités

locales, des aires protégées et des cours d’eaux (fleuve Sénégal, lac de Guiers, Taouey). Les

territoires sont constitués de communes (Richard Toll, Dagana) et de communautés rurales

(Ronkh, Mbane, Gaé). L’étude des caractéristiques physiques et socio-économiques de ces

territoires permet non seulement d’analyser les impacts de l’implantation de l’usine mais aussi

de comprendre les relations entre ces différentes collectivités locales.

1 Zones pionniers sont constituées des terres à vocation agricole, gérées jusqu’en 1987 par des sociétés étatiques (SAED et la sociétés des terres neuves).

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2-1/ La ville de Richard Toll

La commune de Richard Toll est établie sur les bords du fleuve Sénégal (16°27’N,

15°42W), de part et d’autre du marigot de la Taouey, qui relie le fleuve Sénégal au lac de

Guiers. Carrefour physique entre le Delta et la moyenne vallée, humain entre les Wolof et les

Peul, de mode de vie entre sédentarisme et nomadisme, Richard Toll se trouve à 106 km de

Saint Louis et à 25 km de Dagana. Elle est limitée au Nord par le fleuve Sénégal, à l’Est par la

communauté rurale de Gaé, au Sud par la communauté rurale de Mbane et à l’Ouest par la

communauté rurale de Ronkh. La ville doit son nom à un ancien horticulteur français,

Richard, ayant exercé le maraîchage sur le site au XIXe siècle pour le compte du Baron Roger,

et de Toll, mot Wolof signifiant « le champ ».

Le réseau hydrographique est très dense à Richard Toll. Il est constitué par le fleuve

Sénégal qui longe la ville d’Est en Ouest, le marigot Taouey qui traverse la ville du Nord au

Sud, le canal de la Taouey, reliant le fleuve Sénégal au Lac de Guiers, les canaux d’irrigation

et drains de la CSS qui travers la ville d’Est en Ouest et du Nord au sud. La présence réseau

hydrographique dense et disparate rend difficile l’organisation spatiale de la ville (cf. carte n°

3).

a) L’explosion démographique de la ville de Richard Toll

Pendant longtemps, Richard Toll n’a été qu’une bourgade servant d’escale au commerce

fluvial. A la fin du XIXe siècle, la localité administrative nommé Escale1 était environnée de

villages Walo Walo2 (cf. carte n° 4). Au moment de la création du casier rizicole en 1947, elle

comptait environ 1.000 habitants. Cette population va atteindre 3.000 habitants en 1965 et

4.400 habitants en 1970.

Au recensement de 1976, elle comptait 14.893 habitants. La population a ensuite été

multipliée par deux entre 1976 et 1988, passant de 14.893 habitants à 29.679 habitants, soit un

taux moyen annuelle de croissance de 15,5%. Cette période déterminante dans la croissance

de la ville a été marquée par :

1 Les Escales sont d’anciens centres commerciaux abritant des maisons commerciales coloniales, parfois des quais d’embarquement et de débarquement de marchandises. Ils servaient de lieux d’échange entre commerçants français et indigènes. 2 Il désigne les habitants de l’ancien royaume du Walo, qui s’étendait sur tout le Delta.

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carte n° 3 : La commune de Richard Toll

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Carte n° 4 : Le peuplement de Richard Toll

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l’implantation d’une rizerie dans la ville. Le développement de la culture irriguée du riz

atteint en 1980 dans le secteur de Richard Toll une superficie de 1.170 ha pour une production

de 1.350 tonnes ;

- la création de la Compagnie sucrière sénégalaise en 1970 ;

- l’implantation de plusieurs organismes d’encadrement et de recherche tels que

l’ADRAO1, l’ISRA, la SAED, l’ORSTOM2, etc. ;

- la proximité de Rosso Sénégal, dont le rôle de transit important a favorisé le

commerce dans la ville ;

- la sécheresse des années 1980, qui a poussé beaucoup de ruraux vers les villes.

Ainsi, l’explosion urbaine qu’a connue la ville de Richard Toll est liée à la création

d’un casier rizicole et surtout au développement de l’agro-industriel sucrier (voir OMVS,

1981). Pendant cette période, beaucoup de villages se sont greffés à l’Escale pour créer la

ville. L’importance du peuplement a amené l’Etat à élever la localité au rang de commune en

1980.

De 1988 à nos jours, la population de la ville a continué à croître rapidement, malgré la

fermeture de la rizerie de la SAED et le départ de certaines structures d’encadrement. Il est à

souligner que l’estimation de la population de Richard Toll à partir de 1988 fait l’objet de

contre verse. En effet, elle varie selon les structures et deux chiffres sont cités pour 1988 :

celui de la Direction et de la Prévision des Statistiques (DPS), qui est de 52.000 (recensement

de 2002) et celui de la marie, qui est de 70.000 habitants environ. L’une des explications que

l’on peut donner à cette différence est l’importance des mouvements de migration temporaire

(les saisonniers). Ces derniers travaillent le plus souvent à la CSS, et à la fin des campagnes

(octobre à mai) ils rentrent chez eux. Des enjeux éventuels peuvent être la seconde explication

de cette différence d’appréciation. En effet, ceci peut être un argument pour la mairie afin de

demander plus d’équipements.

Quels que soient les chiffres considérés, on constate que même si la population urbaine

de Richard Toll s’accroît, son taux moyen annuel de croissance connaît un fléchissement. Il

est passé de 15,5% à environ 5,5% entre 1988 et 2004. Cette situation s’explique peut être par

le fait que la CSS a atteint sa vitesse de croisière. A cela s’ajoute le développement des

1 ADRAO : Association pour le Développement de la Riziculture en Afrique de l’Ouest.2 ORSTOM : Office de la Recherche Scientifique et Technique Outre Mer.

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activités agricoles dans les autres parties du Delta et de la vallée, qui entraîne une partie des

migrations.

Cependant, le taux de croissance de Richard Toll reste toujours important et risque de se

maintenir avec le développement des activités économiques. Il suffit de voir la projection

effectuée en 1994 par la DPS sur l’évolution de la population de Richard Toll sur les 10 et 15

ans (1999 à 2014) qui ont suivies pour s’en rendre compte (cf. tableau n° 3). Même si elle est

trop exagérée par rapport au recensement de 2002. Elle montre à quel rythme cette ville

évolue.

Tableau n°3 : Prévision de la population (horizon 10 et 15 ans)

1976 1988 1999 2004 2009 2014

14.893 29.679 62.994 83.321 107.994 136.270

Source : DPS, 1999.

b) Activités et emplois urbains dans la ville de Richard Toll

Tableau n°4 : Activités et emplois urbains à Richard Toll

Activités Nombre

d’organisations

Nombre

d’emplois

Observations

1. Administration

2. Agro-industrie

3. Commerce

4. Artisanat

5. Pêche

6. Agriculture

7. Tourisme

8. Service divers (transport, banque…)

9. BTP

6

1

-

76

-

-

-

67

26

106

7500

998

253

343

6900

-

134

87

CSS

Total 179 16321

Source : ADM (1998)

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Comme on le constate sur le tableau ci-dessous, l’économie urbaine de la ville est très

largement dépendante de l’usine de la CSS, qui fournit 45,9% des emplois du secteur formel.

Elle constitue aussi la plus importante quand on calcule la part des secteurs d’activités dans

les revenus des ménages. Elle est actuellement estimée à 84,7% des revenus des habitants la

ville de Richard Toll.

La ville demeure cependant un important centre agricole. Ces habitants exploitent des

terres dans des communautés rurales voisines. On retrouve des agriculteurs de la commune de

Richard Toll dans les périmètres irriguées de Colonat à l’Ouest du casier CSS (400 ha), du

Guidakhar (30 ha), de Ndombo Thiago (360 ha), etc. Ils y cultivent principalement le riz.

On retrouve aussi des jardins maraîchers à Richard Toll. Ils sont situés entre la route

nationale et l’usine de la CSS. Ils s’étendent sur 10 km de long et sur une bande de 50 à 100

m. D’après nos enquêtes, on dénombre environ 160 jardins à ce niveau. Une partie des jardins

est située dans la commune et l’autre dans la communauté rurale de Ronkh. C’est le poste de

contrôle de la police placé à l’entrée de la ville de Richard Toll, et qui constitue la limite entre

ces deux territoires.

Entre les jardiniers et la CSS, il n’y a pas de relations directes. Les jardiniers utilisent

l’eau des canaux de la CSS. Cette dernière tolère l’utilisation de l’eau du canal, que cela soit à

des fins agricoles ou domestiques. En effet, la population des quartiers de Diaw et Ndiangué

lave leurs assiettes et leurs linges à partir de l’eau du canal. Cependant, nos enquêtes ont

révélé que les jardiniers se plaignent quelquefois de certaines actions menées par la CSS à

leur égard. La CSS retire parfois de la boue dans le canal principale pour les déverse dans les

jardins.

Selon le rapport de l’audit urbain (1998), les pourcentages d’agriculteurs les plus

élevées se retrouvent dans les quartiers de Ndombo Alarba, Ndiangué et Khouma avec

respectivement 36%, 23% et 19% des actifs. Malgré la présence de la CSS, ces quartiers qui

étaient d’anciens villages d’agriculteurs Wolof ont sus garder leur activité traditionnelle,

grâce à la proximité des terres irriguées. On estime la population active de Richard Toll

pratiquant l’agriculture à 21%. Ainsi, l’importance des emplois salariés n’a pas empêché les

populations de pratiquer l’agriculture.

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Les activités d’élevage péri-urbain existent mais ont très fortement régressé du fait des

possibilités de salaires offertes par la CSS. L’existence des casiers a aussi obligé les éleveurs

à émigrer de l’autre côté de la Touey. L’élevage constitue, avec l’agriculture, 42,3% des

emplois urbains de Richard Toll.

La pêche, quelle soit professionnelle ou artisanale, pratiquée sur le lac de Guiers, fleuve

Sénégal, la Taouey et les canaux compte environ 343 actifs de la ville de Richard Toll. Elle

est confrontée au problème de pollution des cours d’eau par les eaux de drainage des

périmètres irriguées et de la CSS.

Les salaires de l’administration sont faibles du fait que la ville ne constitue pas un chef

lieu de département. Ils sont surtout représentés par les employés de l’éducation et de la santé.

Cependant, depuis quelques années, certaines sociétés privées y ont installé leurs succursales

(CBAO1, BICIS2, SGBS3, ect.).

Le commerce occupe la troisième position en ce qui concerne le nombre d’emplois avec

6,1% de l’ensemble. Il est exercé au niveau des marchés de la route nationale n° 2 et de

plusieurs boutiques de quartiers. Il faut souligner que le nombre d’actif dans ce secteur est

plus important que le chiffre annoncé. En effet, du fait de leur caractère informel certaines

activités de ce secteur n’ont pu être recensées. C’est dans l’informel que l’on, trouve, par

exemple, les fraudeurs de sucre en provenance de la Mauritanie. Si on prend en compte

l’informel, le commerce pourrait atteindre des proportions très importantes.

L’artisanat occupe 253 personnes environs. Il est dominé par l’artisanat de production

constitué de menuisiers, bijoutiers, cordonniers, tapissiers, tisserands, boulangers, maçons,

conducteurs de véhicules hippomobiles ou « borom charrette,» mécaniciens auto et

réparateurs diverses etc.

Il faut reconnaître que la présence de la CSS a permit le développement de ces deux

dernières activités. Elles se sont développées qu’à partir de l’installation de cette société sur le

site de Richard Toll. La masse salariale distribuée par l’entreprise à ses employés, a permit à

d’autres prestataires de proposer des services aux habitants de la ville. La restauration 1 CBAO : Compagnie banquière d’Afrique de l’Ouest2 BICIS : Banque internationale de commerce et d’industrie du Sénégal3 SGBS : Sociétés générale des banques du Sénégal

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constitue parmi les services proposés celui qui rend mieux compte de l’impact de la CSS sur

l’économie de la ville. En effet, nos enquêtes ont montré que, rien qu’entre l’usine et le long

de la route nationale (jusqu'à la hauteur de la mairie précisément), il y a 31 restaurants. Les

83% des gérants de ces restaurants soutiennent que les employés de la CSS constituent les

trois quarts de leur clientèle, 12% la moitié et le reste ont une clientèle constituée de

voyageurs. C’est au niveau des restaurants situés prés de la gare routière, que l’on note moins

la fréquentation des employés de la CSS. Car ils revoient plus de voyageurs en transit.

2-2/ Les autres collectivités locales

a) La commune de Dagana

Située à 20 km en amont de Richard Toll (cf. carte n°1), la ville de Dagana a été érigée

en commune en 1960. Elle est limitée au Nord par le fleuve Sénégal et sur les autres

directions par la communauté rurale de Gaé. Comme Richard Toll, elle est aussi une escale

commerciale et marque la limite du Walo1 et du Fouta2. Le fleuve avait permit à cette localité

de jouer un rôle de centre commercial dans l’Afrique occidentale française. A l’époque, des

infrastructures portuaires (quai d’embarquement et de débarquement) et commerciales

(maisons de commerce) y ont été construites. Plusieurs produits agro-forestiers et de l’or du

Ngalam y étaient échangés (Club du Sahel, 1999 : 7).

Les premières concessions de Dagana furent distribuées en 1822 par le baron Roger, et

en 1853 par le gouverneur Faidherbe. A cette époque déjà, le site comptait 3.000 habitants.

Par la suite, Dagana va plonger dans un déclin qui connaîtra son paroxysme à la fin de la

Première Guerre mondiale, avec la délocalisation des maisons de commerce coloniale au

profit d’autres villes du Sénégal et l’arrêt du trafic fluvial au profit du chemin de fer. En fait

c’est le déclin de toute la vallée au profit du bassin arachidier. Pendant cette période, Dagana

voit ainsi sa population décroître entre 1858 et 1930, passant de 3.000 habitants à 1.500

habitants.

1 Walo est la partie inondée par les crues du fleuve Sénégal.2 Fouta occupent toute la moyenne vallée et est peuplé par les Peul.

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Au lendemain de l’indépendance du Sénégal en 1960, Dagana se voit assigner les

fonctions de chef lieu de département. Entre 1958 et 1970, elle va connaître un accroissement

de sa population, atteignant les 10.000 habitants.

Dans les années 1970-1980, la mise en valeur du delta ainsi que l’implantation de la

CSS à Richard Toll et de la société nationale de tomate industrielle (Socas) à Dagana même,

ont donné un coup de fouet à l’économie de la ville. Ceci a eu des impacts sur

l’accroissement de la population. En effet, certains de travailleurs de la CSS logent dans cette

ville. Dans les années 1970, le manque d’infrastructures à Richard Toll a poussé certains

employés de la CSS, des cadres le plus souvent, à élire domicile à Dagana. Ils ont même initié

un mouvement de colonisation des terres situées à l’entrée de cette ville, en allant vers

Richard Toll. Ceci fait de Dagana une banlieue ouvrière de Richard Toll. Pendant cette

période de renouveau économique, la population de la commune de Dagana est passée de

10.000 habitants en 1970 à 30.000hts en 2002. Aujourd’hui, son économie reste néanmoins

dominée par les secteurs primaire et le commerce ou l’économie populaire (Tableau n°5).

Tableau n°   5 : Le produit local brut de la commune de Dagana en 1998

Grands

secteurs

Productions

(millions cfa)

Chiffre d’affaire

(millions cfa)

Valeur

ajoutée

(millions cfa)

valeur

ajoutée

en %

Population

(1000 hab)

Primaire 1439 448 991 25 9

Economie

Populaire

2532 803 1729 44 8,1

Intermédiaire 949 468 481 12 1,5

Publics et

administrations

701 178 522 13 1,7

Transferts 235 0 235 6 1,6

Total 5857 1899 3958 100% 22

Source : Club du Sahel (1999)

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En plus des communes, on trouve essentiellement dans l’environnement de la CSS trois

communautés rurales que sont Mbane, Gaé et Ronkh. Ces communautés rurales ont été

érigées en 1981.

b) Les communautés rurales

La communauté rurale de Mbane est située sur la rive orientale du lac de Guiers au

constat entre le Dièri1 et le Ferlo2. Couvrant une superficie de 1.673 km2, elle est limitée au

Nord par la ville de Richard Toll et la communauté rurale de Gaé, à l’Est par la communauté

rurale de Fanaye (Département de Podor, arrondissement de Thillé Boubacar), au sud par la

communauté rurale de Syer (région de Louga, département de Linguère) à l’Ouest par le lac

de Guiers. Le territoire de Mbane forme avec Gaé l’arrondissement de Mbane.

Il existe à l’ouest de Mbane (bordure orientale du lac de Guiers) une activité agricole

importante et diversifiée. Grâce à la présence de l’eau du lac et à l’aptitude des sols (sols

sableux et sablo-argileux) au maraîchage, de nombreuses cultures sont développées en

irriguée sur le Dièri : patate douce, manioc, arachide, tomate, maïs, pomme de terre, etc. Le

reste des terres de la communauté rurale est presque entièrement à vocation pastorale, malgré

leur aptitude agricole.

Les atouts que présente le territoire de Mbane, surtout sur sa partie occidentale faire de

cette zone un objet de convoitise pour les exploitants privés. L’incertitude des limites

communautés rurales peut également faire des espaces limitrophes une convoitise des

collectivités locales voisines, notamment Richard Toll, qui est en quête d’espace. Les conflits

fonciers entre agriculteur et éleveurs (voir Ndiaye A. A., 1994) que l’on trouve déjà sur ce

territoire, laissent présager cette situation.

La communauté rurale de Gaé a une superficie de 595 km2 (cf. carte n°1). Gaé marque,

comme la ville de Dagana qu’elle englobe, la limite du Walo et du Fouta. Elle est limitée au

Nord par cette dernière et le fleuve Sénégal, à l’Est par l’arrondissement de Thélé Boubacar,

au Sud par la communauté rurale de Mbane, à l’Ouest par Richard Toll et les casiers de CSS.

1 Dièri est la partie du Delta du fleuve Sénégal jamais atteinte par les crues. 2 Ferlo, située au Sud du Dièri occupant le centre Est du pays, il est une zone sylvopastorale.

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Le territoire de Gaé fait partie du Walo du Delta du fleuve Sénégal, il dispose également

de nombreuses cuvettes aménagées, constituées de terres basses, dont les sols argileux aptes à

la culture du riz mais aussi d’autres cultures comme la canne à sucre. Ce qui peut faire de

cette zone un objet de convoitise pour les sociétés agro-industrielles comme la CSS. Elle fait

également l’objet de convoitise des agriculteurs de Richard Toll et de Dagana, qui sont à la

recherche de terres vu que leurs communes n’en offrent que peu ou pas du tout.

La communauté rurale de Ronkh est presque entièrement située dans la partie Walo du

Delta du fleuve Sénégal et appartient à l’arrondissement de Ross Béthio. D’une superficie de

612 km2, elle est limitée au Nord par le fleuve Sénégal, à l’Est par la commune de Richard

Toll, les casiers de la CSS et le lac de Guiers, au Sud par la communauté rurale de Ross

Béthio.

Le territoire de Ronkh abrite également de nombreuses cuvettes et d’autres types de sol

(Dièri) aptes à la culture de diversification (culture maraîchère, canne à sucre, etc.). Ces

aptitudes culturales, la disponibilité de l’eau et la présence de limite incertaine font de cet

espace un enjeu pour les exploitants privés mais aussi pour les territoires voisins.

Ces communautés rurales étudiées ont la particularité d’abriter d’importantes activités

agricoles, mais aussi d’être des foyers de conflits fonciers liés au développement de

l’agriculture irriguée. Leur population est essentiellement composée de Wolof, Peul et de

Maures. Du point de vue économique et social, deux grands groupes peuvent être distingués :

le groupe des sédentaires comprenant les Wolof et les Maures, pratiquant de la pêche et de

l’agriculture irriguée, le groupe des nomades constituées essentiellement de Peul et qui

pratiquent l’élevage.

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Conclusion partielle

L’environnement de la CSS, le cadre humain et physique des collectivités locales

limitrophes rassemblent une multitude de situations qui influencent les relations entres les

différents types de territoires :

- extension des terres de la CSS sur le territoire des communautés rurales ;

- énorme besoin en main-d’œuvre de la CSS, qui attire beaucoup de personnes depuis

les années 1970 ;

- existence de collectivités locales aux limites incertaines, notamment les communautés

rurales ;

- présence dans les communautés rurales de terres aptes à la culture de la canne à sucre

et disponibilité de l’eau pour l’agriculture irriguée ;

- forte expansion démographique de la ville Richard Toll, qui tend à s’étendre sur

l’espace rural et sur les aires protégées ;

- existence de jeunes collectivités locales inexpérimentées, car presque toutes créées en

1980 ;

- existence d’une loi de la décentralisation, qui permet aux collectivités locales de

prélever des taxes sur les revenus des salariés, sur les bénéfices des sociétés et sur le

domaine national.

Au regard des enjeux qui tournent autour de la gestion du foncier et de la fiscalité les

rapports entre les différents types de territoires sont parfois marqués par des différends. Ces

rapports déterminent aussi les modalités de l’insertion de la CSS dans son environnement

régional.

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