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UNIVERSITE DE MONTPELLIER 1 CENTRE DU DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU MARCHE MASTER II RECHERCHE DROIT DU MARCHE PROLEGOMENES A UNE THEORIE DE LA TRANSACTION La pratique transactionnelle devant le Tribunal de Commerce de Paris en 2009 PAR ALEXANDRA GUILLEMAIN DIRECTEURS DE RECHERCHE : CATHIE-SOPHIE PINAT ET GUILLAUME ZAMBRANO Doctorants de la faculté de droit de Montpellier Mémoire présenté et soutenu dans le cadre de l’obtention du Master II Recherche Droit du Marché ANNEE UNIVERSITAIRE 2010-2011

PROLEGOMENES A UNE THEORIE DE LA TRANSACTION · Paradoxalement, la transaction fait entrevoir que l’action en justice n’est pas « le mode normal de résolution des litiges 4»

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UNIVERSITE DE MONTPELLIER 1

CENTRE DU DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU MARCHE

MASTER II RECHERCHE DROIT DU MARCHE

PROLEGOMENES A UNE THEORIE DE LA

TRANSACTION

La pratique transactionnelle devant le Tribunal de Commerce de Paris en

2009

PAR ALEXANDRA GUILLEMAIN

DIRECTEURS DE RECHERCHE :

CATHIE-SOPHIE PINAT ET GUILLAUME ZAMBRANO

Doctorants de la faculté de droit de Montpellier

Mémoire présenté et soutenu dans le cadre de l’obtention du Master II Recherche Droit du Marché

ANNEE UNIVERSITAIRE 2010-2011

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

2

REMERCIEMENTS

J’exprime tout d’abord ma gratitude à Cathie-Sophie Pinat et Guillaume Zambrano pour

leur soutien et leur implication dans cette étude. Je les remercie pour leurs précieux

conseils.

Je tiens également à remercier le Professeur Daniel Mainguy pour m’avoir permis de

réaliser ce mémoire dans le cadre du Master 2 Droit du marché et pour la richesse de

l’enseignement dispensé à cette occasion.

Je remercie Malo Depincé, Maitre de conférences, pour ses nombreuses et instructives

interventions dans le cadre du Master 2.

Enfin, je souhaite remercier tous ceux qui ont contribué à l’aboutissement de ce

mémoire, ainsi que la promotion 2010-2011 du Master 2 Droit du marché.

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

3

SOMMAIRE

REMERCIEMENTS ............................................................................................................. 2

INTRODUCTION ................................................................................................................. 6

PARTIE I CONTRACTUALISATION VERTUEUSE DE L’ALEA ..................................... 16

TITRE I CONTRACTUALISATION PROCEDURALE...................................................... 16

CHAPITRE I L’AMENAGEMENT DE L’EXECUTION................................................... 17

CHAPITRE II LA GARANTIE DE L’EXECUTION ........................................................ 24

TITRE II CONTRACTUALISATION SUBSTANTIELLE ................................................... 34

CHAPITRE I LA STRATEGIE TRANSACTIONNELLE .................................................. 34

CHAPITRE II UNE JUSTICE NEGOCIEE .................................................................... 43

PARTIE II CONTRACTUALISATION VICIEUSE DE LA PRIVACITE .............................. 55

TITRE I RISQUE COMMERCIAL .................................................................................. 56

CHAPITRE I LE RISQUE DE PUBLICATION JUDICIAIRE ............................................. 56

CHAPITRE II LA PROTECTION DE L’IMAGE .............................................................. 62

TITRE II RISQUE JURIDIQUE ..................................................................................... 74

CHAPITRE I LE RISQUE ISSU DE LA CREATION DE PRECEDENTS ............................. 74

CHAPITRE II L’EVICTION DE LA JUSTICE ETATIQUE ................................................ 85

CONCLUSION GENERALE.............................................................................................. 101

ANNEXES ...…………………………………………………………………………... 106

BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................ 107

INDEX………………………………………………………………………………… 119

TABLE DES MATIERES .................................................................................................. 120

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

4

PRINCIPALES ABREVIATIONS

Art. article

Bull. civ. Bulletin des arrêts de la Cour de cassation

CA Cour d’appel

Cah. Dr. Ent. Cahier du droit de l’entreprise

Cass. Cour de cassation (civ., chambre civile ; com., chambre commerciale ;

soc., chambre sociale ; req. chambre des requêtes)

Cf. confère

coll. collection

D. Dalloz-Sirey ou Recueil Dalloz

dir. Sous la direction de

DP Dalloz périodique

éd. édition

Gaz. Pal. Gazette du Palais

Ibid ici même

Infra après dans le texte

JCP Juris-Classeur périodique (E, éd. Entreprise ; G, éd. Générale)

JDI Journal de droit international

MARC modes alternatifs de règlements des conflits

Obs. observations

Op. cit. dans l’ouvrage précité

p. page

préc. précité

RDC Revue des contrats

RFDA Revue de réflexion et d’approfondissement du droit public

RIDC Revue internationale de droit comparé

RTD civ. Revue trimestrielle de droit civil

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

5

RTC com. Revue trimestrielle de droit commercial

s. suivants

Supra avant dans le texte

t. tome

TC Tribunal de commerce

TGI Tribunal de grande instance

TI Tribunal d’instance

v. voir

vol. volume

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

6

INTRODUCTION

La transaction ou l’antiprocès. . « Alors même que l'accès au juge n'a jamais

été autant protégé et garanti, l'évitement du procès n'a jamais été autant promu1 ». La

transaction permet une justice sans juge. Justice privée, confiée à la libre volonté des

parties plutôt qu’à l’application imposée de la loi par un magistrat. Si la figure

architecturale moderne de la justice est le verre, symbole de transparence, la transaction

fleurit à l'abri des cabinets et du secret. La doctrine ne manque pas de souligner

l'ambivalence de la justice négociée « à l’ombre du droit »2. Pour paraphraser

Clausewitz, la transaction c'est la poursuite de la guerre judiciaire par d'autres moyens 3.

Le procès n’est que le témoin d’une relation commerciale pathologique.

Paradoxalement, la transaction fait entrevoir que l’action en justice n’est pas « le mode

normal de résolution des litiges 4» dans la vie des affaires

5 . Loin d'être un contrat

judiciaire exotique, la transaction éclaire le droit sous un jour nouveau. La transaction

est le négatif photographique du procès. Comme si la vérité de la scène judiciaire se

révélait dans les coulisses obscures de la transaction.

Un domaine inexploré. Très peu d'études sont pourtant consacrées à la

transaction. Parmi les plus éminentes, on pourrait citer la thèse de Boyer, au travers de

laquelle il étudiait la notion de transaction, sa nature et son régime au regard du concept

de cause6. Ses recherches l’avaient amené à affirmer que la transaction était un acte

déclaratif et non recognitif. D’autres se sont attachés à étudier les concessions

réciproques, à l’instar de C. Jarrosson, spécialiste de l’arbitrage7. Certains auteurs se

1 F. G'SELL-MACREZ, "Vers la justice participative ? Pour une négociation « à l'ombre du droit »", D.

2010, p. 2450 2 Ibid.

3 C. V. CLAUSEWITZ, De la guerre [1832-1834/1952], traduit par D. Naville, Paris, Minuit, 1955, p. 67

4 G. CORNU et J. FOYER, Procédure civile, PUF, coll. Thémis droit privé, 3

e éd., 1996, p. 54

5 « Le procès doit demeurer l'exception, éviter le procès c'est déjà gagner. », G. DEHARO, "L'autorité de

la chose transigée en matière civile", Gaz. Pal., 1er

décembre 2005, n° 335, P. 2 6 V. notamment L. BOYER, La notion de transaction : contribution à l’étude des concepts de cause et

d’acte déclaratif, Thèse Toulouse, 1947 7 JARROSSON, C., « La transaction comme modèle », in Le conventionnel et le juridictionnel dans le

règlement des différends, de ANCEL P. & RIVIER M.-P., Economica, 2001, p. 59 à 69 ; JARROSSON,

C. « Les concessions réciproques dans la transaction », D. 1997, p. 267 ; JARROSSON, C., « Le contrat

de transaction dans les relations commerciales internationales », Revue critique de droit international

privé, 1997, p. 657

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

7

sont orientés plutôt vers les relations existantes entre le juge et la transaction. C’est

notamment le cas de C. Boillot qui, à travers sa thèse, s’est attachée à étudier le rôle du

juge tout au long du protocole transactionnel8. Parmi les rares auteurs qui se sont

intéressés aux pratiques transactionnelles, E. Serverin, P. Lascoumes et T. Lambert9 ont

réalisé une étude particulièrement pertinente en démontrant l’évolution de l’économie

de la transaction au regard de la pratique. Mais ces recherches se limitaient aux

transactions envisagées de manière générale dans le cadre des mesures alternatives de

règlement des conflits. La spécificité du litige objet de l’accord n’était pas prise en

compte dans l’analyse. C’est tout particulièrement F. G’Sell Macrez qui soulevait dans

un article récent les enjeux de la justice négociée. Elle exprimait son adhésion à cette

forme de justice optimale, mais regrettait son développement « à l’ombre du droit »10

.

Protégée par la confidentialité, la transaction résiste donc à l'étude juridique, malgré son

importance pratique.

Appréhension des pratiques transactionnelles. Si la pratique de la transaction

est si peu étudiée, c’est parce qu’elle se développe dans la pénombre. Sous le sceau de

la confidentialité, elles sont difficiles à appréhender. Or l’étude pragmatique de la

transaction repose sur cette appréhension. A cet égard, quelques indices issus de la

jurisprudence éclairent la scène transactionnelle.

En passant au crible les décisions du tribunal de commerce de Paris en 2009, il

est possible de déceler l’existence, explicite ou implicite, de résolution négociée des

litiges. En effet, sa jurisprudence fournit une base de données intéressante en ce sens

qu’elle permet d’appréhender trois actes révélateurs d’une résolution négociée. En

premier lieu, les transactions homologuées par les juges consulaires, dont le contenu est

retranscrit dans le jugement d’homologation. Mais également les transactions constatées

par les magistrats mais dont la teneur n’est pas révélée en l’absence d’homologation.

Enfin, la jurisprudence dévoile les désistements d’instance sans justification mais qui

pourraient être justifiés par la conclusion d’une transaction. Afin de recenser tous ces

actes, il a fallu établir une méthodologie de recherche permettant de déterminer, en

8 C. BOILLOT, La transaction et le juge, Thèse Clermont Ferrand, 2003

9 E. SERVERIN, P. LASCOUMES & T. LAMBERT, Transactions et pratiques transactionnelles,

Economica, 1987 10

F. G'SELL-MACREZ, "Vers la justice participative ? Pour une négociation « à l'ombre du droit »", D.

2010, p. 2450

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

8

2009, le nombre d’affaires concernées. Grâce à des outils informatiques de recherche

par mots clés, il a été possible d’établir l’existence, sur 26106 jugements rendus par le

tribunal de commerce de Paris en 2009, de 3123 affaires mentionnant l’existence d’une

résolution non juridictionnelle. Parmi elles, on recense 1288 désistements, 158

transactions constatées et 77 homologations. Cette méthode statistique d’analyse des

décisions du tribunal permet donc une première approche globale des pratiques

transactionnelles, fournissant des informations quantitatives nécessaires à leur étude11

.

Il convenait également d’affiner les résultats obtenus en déterminant des

profils pertinents de contentieux. L’intérêt de telles classifications est d’illustrer les

différentes motivations des parties à transiger et la teneur de la négociation, selon le

litige en cause. De nouveau, il s’agissait d’utiliser les outils de recherche par mots clés

afin d’isoler chaque type de contentieux au sein des trois catégories d’actes précités.

L’analyse de la jurisprudence du tribunal commercial parisien a révélé quatre profils

types de contentieux pertinents en ce que chacun illustre une motivation et des intérêts

différents. D’une part, les contentieux en paiement, parce qu’ils révèlent 15 transactions

homologuées, et 331 désistements dont 39 protocoles constatés, pour un total de 6236

affaires portées devant le tribunal de commerce de Paris en 2009. Ensuite les litiges

relatifs à une rupture brutale des relations commerciales établies, qui concernent 125

affaires traitées par la juridiction parisienne. La pertinence de profil résulte du fait que

18 de ces affaires ont fait l’objet d’un désistement, dont 4 sont justifiés par une

transaction. Les contentieux en contrefaçon, au nombre de 262, apparaissaient

également intéressants en ce sens qu’ils rmanifestent l’existence de 65 désistements

d’instance, dont 8 transactions constatées et une homologation12

. Enfin la jurisprudence

commerciale, mais également civile13

, a révélé l’existence de transaction en matière de

droit de la consommation, dont l’étude est particulièrement révélatrice des intérêts

parfois divergents des parties lorsqu’elles transigent.

Le croisement entre ces données quantitatives et qualitatives fournit des

informations chiffrées sur la transaction, permettant son étude pratique au regard de

11

Cf. Annexes 12

Cf. Annexes 13

Bien souvent les litiges entre consommateurs et professionnels se résolvent devant les juridictions

civiles du fait qu’elles aient une compétence exclusive en la matière.

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

9

profil type de contentieux. Ces résultats permettent d’entrevoir les divers intérêts des

parties pour la justice contractuelle, mais également la manière dont elles entendent

négocier l’issue du litige. Cet éclairage analytique des pratiques transactionnelles a

permis de révéler une ambivalence de la transaction.

Un mode hybride de résolution des litiges. L’ambivalence de la transaction résulte

pour partie de la grande souplesse de son régime et de sa spécificité. Son hybridité

ressort en premier lieu de sa définition14

. Conformément aux termes de l’article 2044 du

code civil15

, c’est un « contrat par lequel les parties à un litige (déjà porté devant un

tribunal ou seulement né entre elles) y mettent fin à l’amiable en se faisant des

concessions réciproques »16

. La transaction est donc spécifique en ce qu’elle est un

mode contractuel de règlement des différends. Singulièrement, c’est un contrat

consensuel, l’écrit n’est que probatoire. Sa formation n’en est que facilitée et les vices

du consentement justifiant sa nullité sont restreints17

. L’objet du contrat de transaction

est également tout particulier : ce n’est pas qu’un échange de prestations, elle a pour

finalité d’éteindre un litige.

En effet, l’article 2044 du code civil impose l’existence d’une contestation, actuelle

ou probable18

, à la constitution d’une transaction. La situation litigieuse19

est la cause de

14

Issue du mot transigere, qui signifier transiger. Le préfixe trans est révélateur : il désigne l’action de

passer au travers, passer outre. 15

Art. 2044 du code civil : « La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une

contestation née, ou préviennent une contestation à naitre. » 16

G. CORNU, Vocabulaire juridique, PUF, 5ème

édition, 2004, p. 910 17

Art. 2052 du code civil : seule l’erreur de fait et la violence justifient la nullité de la transaction.

Boyer affirmait dans sa célèbre thèse que les parties ayant renoncé à travers le contrat de transaction à

leur droit d’action, et ainsi à connaitre la solution juridictionnelle du différend, il était logique qu’elles ne

puissent pas invoquer le fait qu’elles ignoraient partiellement ou totalement le droit objectif auquel elles

ont renoncé, L. BOYER, La notion de transaction : contribution à l’étude des concepts de cause et d’acte

déclaratif, Thèse Toulouse, 1947, p. 71

Par ailleurs il ne faut pas négliger le fait que la transaction est un contrat formé, notamment, par la

volonté des parties. Leur permettre de modifier leurs prétentions initiales au motif qu’elles ignoraient le

droit serait contraire au principe selon lequel en matière contractuelle, la volonté des parties tient lieu de

loi. 18

Ici encore, la transaction est paradoxale : peut-on réellement parler de contestation alors même qu’il

pourrait simplement s’agir d’un désaccord et que le juge n’a pas été saisi ? 19

Tout le sens du mot « litigieux » transparait du fait que pour un même fait, chaque partie aura sa propre

interprétation au regard des règles de droit, sa retranscription personnelle de la réalité : sa prétention.

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

10

la transaction et l’un des éléments qui permet sa qualification20

. C’est parce que le

justiciable en conflit dispose d’un droit d’action qu’il peut y renoncer21

en transigeant.

La transaction est par là même une alternative au procès, ainsi que le remarquait Boyer

en affirmant que « chaque fois que le droit d’action rendra possible un procès la

transaction le sera également22

».

C’est surtout l’existence de concessions réciproques entre les parties qui donnent à

l’accord des parties la qualification de transaction. Elles n’étaient étonnamment pas

prévues initialement par le législateur, c’est la jurisprudence qui est venue combler cette

lacune23

. Les concessions sont entendues, dans une définition négative, comme des

prétentions initiales24

auxquelles les parties renoncent, dont le droit d’agir en justice. A

l’inverse, dans une définition positive, les concessions peuvent également consister en

des obligations nouvelles, acceptées en vue de résoudre le conflit. L’exigence de

réciprocité des concessions fait de la transaction un contrat synallagmatique et la

distingue d’autres actes tels le désistement d’instance25

ou l’acquiescement à un

jugement sauf si ce dernier est « monnayé »26

. Si les concessions des parties ne doivent

pas être dérisoires27

, elles ne sont pas nécessairement être égales. La transaction repose

sur un aléa, celui de ne pas connaitre la parole du juge concernant la valeur des

arguments des parties28

.

20

Elle est définie par Boyer comme un conflit d’intérêts, duquel découle des prétentions juridiques

développées par chaque partie. L. BOYER, op. cit., p.41 21

Boyer a particulièrement étudié la renonciation au droit d’agir dans son ouvrage, v. L. BOYER, La

notion de transaction : contribution à l’étude des concepts de cause et d’acte déclaratif, Thèse Toulouse,

1947, p.50 22

Ibid., p.41 23

A titre d’exemple, v. Cass, 2ème

civ., 16 novembre 2006, Bull. civ. II, n°320 24

Mais pas légitimes. En effet dire que les prétentions sur lesquelles les parties transigent sont légitimes

reviendrait à en faire une appréciation, ce qui est exclu puisque dès lors que les parties transigent elles

acceptent de ne pas connaitre l’issue du litige et donc la véracité ou non de ce qu’elles prétendent. v. P.

CHAUVEL, "Transaction", in Répertoire de droit civil, Dalloz, septembre 2004 ; C. JARROSSON, "Les

concessions réciproques dans la transaction", D. 1997, p. 267 ; Cass, soc., 27 mars 1996, JCP G 1996, II,

n°22711 25

Le désistement d’action est une renonciation à poursuivre une action en justice et l’acquiescement est la

renonciation à exercer une voie de recours. A la différence de la transaction, « ils ne comportent pas

nécessairement une concession réciproque ». P. MALAURIE, L. AYNES et P.-Y. GAUTIER, « La

transaction », Répertoire du notariat, Defrénois, 2010, n°5, p. 543 et s. 26

A. BENABENT, Droit civil : contrats spéciaux, civils et commerciaux, Montchrestien, 5ème

éd., 2001 27

Cass, soc., 18 mai 1999, Bull. civ. V, n°223 ; CA Paris, 11 juin 1975, JCP G 1976, II, 18357 28

La lésion, comme le soulignait Boyer, est une « erreur sur le quantum du droit en litige »28

, litige dont

l’issue juridictionnelle restera inconnue. Il apparaitrait donc inconcevable d’exiger une égalité de valeur

dans les concessions alors même que les parties sont incapables de les estimer. Cette règle justifie

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

11

Le régime légal de la transaction participe également à son hybridité. « A la croisée

du droit des obligations et du droit judiciaire privé 29

», son régime lui confère une

indéniable particularité concernant ses effets, tant contractuels que judiciaires.

L’accord a autorité de chose jugée30

en dernier ressort selon l’article 2052 du

code civil. Autrement dit, il n’est susceptible d’aucune voie de recours sauf une action

en nullité, plus restreinte qu’en droit commun des contrats, ou en inexécution

contractuelle conformément aux articles 1134, 1147 et 2047 du code civil. La

transaction, à la différence des autres contrats, comporte un effet extinctif corrélatif à

l’autorité de chose jugée. Si une instance est en cours, elle a pour effet de dessaisir le

juge puisque qu’elle est une solution alternative. Le cas échéant, la transaction rend

irrecevable toute action relative au litige en question. Par ailleurs, la transaction, à la

différence du jugement, n’a pas force exécutoire de plein droit. Elle peut se voir

reconnaitre cette force dès lors qu’elle est homologuée31

.

La transaction est résolument un mode de règlement des conflits à part. Une

forme de justice par le contrat qui attrait de nombreux domaines du droit.

Le droit des affaires, un domaine privilégié. Le monde des affaires est un

domaine propice aux pratiques transactionnelles. D’abord parce que la négociation est

privilégiée tout au long de la relation d’affaires, de sorte que la transaction n’est que le

prolongement de cette discussion. Mais également en ce que la transaction assure une

certaine privacité dans la résolution du conflit, favorable au secret qui règne dans la vie

des affaires. Par ailleurs le droit des affaires est le terreau privilégié de la transaction car

les relations commerciales sont complexes : les parties préfèrent s’arranger entre elles

également l’exclusion de la lésion comme vice du consentement dans la transaction. L. BOYER, op. cit.,

p.75 29

P. MALAURIE, L. AYNES et P.-Y. GAUTIER, « La transaction », Répertoire du notariat, Defrénois,

2010, n°5, p. 543 et s. 30

Les termes du législateur sont inexacts. On parlerait plutôt d’autorité de chose « transigée » : l’accord a

autorité de chose convenue, en vertu la force obligatoire du contrat, renforcée par l’autorité de chose

jugée conférée par le texte. v. C. JARROSSON, « Transaction », in Répertoire de droit international,

Dalloz, décembre 1998 ; G. DEHARO, "L'autorité de la chose transigée en matière civile", Gaz. Pal., 1er

décembre 2005, n° 335, p. 2 31

Cass., 2ème

civ., 27 mai 2004, RDC 2004, p. 1036, obs. X. Lagarde : « Ayant relevé que la transaction

avait été homologuée par le jugement du 15 mars 1996, la cour d'appel a retenu à bon droit que ce

jugement lui conférait force exécutoire ».

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

12

plutôt que de s’en référer au juge qui ne connait pas forcément le contexte économique

du conflit.

Le tribunal de commerce de Paris, un lieu d’observation particulier. Le

terrain d’observation de la transaction en droit des affaires demeure le tribunal de

commerce, compétent pour les litiges commerciaux. C’est particulièrement la

juridiction parisienne qui intéresse cette étude, en ce sens qu’elle est qualitativement et

quantitativement la plus riche base de données jurisprudentielles. D’abord parce que sa

compétence territoriale est étendue, multipliant le nombre d’affaires portées devant ce

tribunal. Mais également car cette juridiction est compétente pour connaitre des litiges

mêlant les grandes entreprises, dont les sièges sociaux sont bien souvent établis à Paris.

Depuis leur naissance32

, les juridictions consulaires33

cultivent leur spécificité.

Dès l’origine, la nécessité d’une justice rapide et efficace a justifié le fait que ce soit des

professionnels du commerce élus et bénévoles qui siègent au tribunal de commerce34

.

En effet, la justice commerciale est appliquée par les marchands35

, pour les

marchands36

. Régulièrement critiqué, le tribunal de commerce est pourtant le seul à

avoir échappé aux réformes révolutionnaires. Malgré de nombreux avantages évoqués,

notamment la connaissance pratique du milieu économique des juges qui leur permet de

préconiser des solutions adaptées aux difficultés des entreprises, les tribunaux de

commerce ont fait l’objet de vives et nombreuses remontrances. Le rapport d’enquête

« sur l’organisation et le fonctionnement des tribunaux de commerce » de juillet 1998

était d’ailleurs particulièrement critique envers la justice commerciale, dénonçant

32

Les tribunaux de commerce ont vu le jour sous l’Ancien Régime, en réponse au développement des

affaires commerciales - notamment le commerce maritime - auquel les juridictions de droit commun

préexistantes n’arrivaient pas à faire face. D’abord par la création d’une juridiction consulaire à Lyon, en

1419, puis celle de Paris par un édit de 1563. La généralisation de ces juridictions s’est opérée grâce à une

ordonnance de 1673 ; v. P. SUEUR, Histoire du droit public français (XVe-XVIIIe siècles), PUF, t. II,

2ème

éd., 1994, p. 180 ; v. également J. MESTRE & M.-E. PANCRAZI, Droit commercial : droit interne

et aspects de droit international, Dalloz, coll. Manuel, 28ème

éd., 2009, p. 166 33

On parlait de juridiction « consulaire » en raison de la composition du tribunal à son origine : un juge et

quatre consuls. 34

Ce n’est qu’au moment de la Révolution française, par la loi des 16 et 24 aout 1790, que les juridictions

consulaires prendront le nom de tribunaux de commerce ; v. B. BARBICHE, Les institutions de la

monarchie française à l'époque moderne, PUF, 1999, p. 407 35

Pour un historique sur le développement du commerce au Moyen Age, v. E. GENEVOIS, Historique

critique de la juridiction consulaire, éds. DURAND & PEDONNE-LAURIEL, Bibliothèque nationale de

France, 1866, p. 2 à 53 36

Art. L721-3 du code de commerce : la compétence du tribunal de commerce s’étend notamment aux

litiges entre commerçants et aux actes de commerce.

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

13

notamment des structures dépassées et des principes fondateurs dévalorisés par l’effet

du temps37

. Néanmoins, aucun projet de réforme n’a jamais abouti38

, renforçant sa

légitimité.

Il est donc indéniable que la juridiction consulaire est particulière. Cette

spécificité participe notamment à comprendre les raisons pour lesquelles les parties

recourent à la transaction.

Etude pragmatique et comparatiste. La transaction est une alternative à la

justice étatique : son étude pragmatique en droit des affaires ne saurait être pertinente

qu’en comparaison avec la jurisprudence commerciale. Ces deux modes de résolution

des litiges, malgré leurs effets rapprochés, témoignent de deux manières différentes de

rendre la justice. C’est parce que l’une est parfois plus adaptée à la réalité que l’autre

que l’on peut expliquer les raisons pour lesquelles les parties transigent ou non.

Cependant, le rapprochement entre le tribunal de commerce et la transaction illustre un

phénomène paradoxal. Le recours à la transaction écarte la justice consulaire, rendue par

des commerçants, afin que les parties, issues également du monde des affaires, érigent

elles même la solution à leur litige. Pourquoi substituer une résolution négociée du litige

à la justice étatique en droit des affaires ?

L’intérêt de cette analyse est double. Elle permettrait d’améliorer la réponse

judiciaire aux entreprises en tenant compte des attentes des commerçants. Mais

également mettre en lumière l’ambivalence de la transaction, ses vices et ses vertus,

amenant une réflexion sur la nécessité de son encadrement.

Des vertus : désengorger les tribunaux et favoriser le dialogue. La transaction est

une alternative à la justice étatique. Nombreux sont les auteurs et les professionnels qui

ne cessent de souligner qu’à l’instar des autres modes alternatifs de résolutions des

37

Rapport d’enquête sur « l’organisation et le fonctionnement des tribunaux de commerce », J.-B. DE

FOUCAULD, D. BOCCON GIBOD & N. TISSOT, Juillet 1998, Ministère de l’économie, des finances et

de l’industrie 38

En revanche, un partenariat avec l’Ecole nationale de la magistrature a été conclu, afin d’assurer une

formation spécifique des juges consulaires. V. J. MESTRE & M.-E. PANCRAZI, Droit commercial :

droit interne et aspects de droit international, Dalloz, coll. Manuel, 28ème

éd., 2009, p. 166

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

14

conflits39

, elle permet de réduire la masse de contentieux soumis aux juridictions

étatiques40

. Parallèlement, la transaction favorise le dialogue dans la résolution du

litige41

. Contrairement au règlement juridictionnel des litiges où le juge tranche au

regard de la règle de droit, les parties participent ici directement, avec ou sans l’aide

d’un tiers, à la résolution apaisée de leur différend42

. Ce n’est pas une justice imposée,

mais une justice négociée. C’est pourquoi les MARC connaissent un développement

accru depuis ces dernières années43

, encouragé par le législateur44

. Une faveur

idéologique qui se manifeste à travers la mise en place de régimes transactionnels

encadrés, visant à développer le recours à la transaction dans certains domaines. C’est

notamment le cas des transactions pénales, particulièrement encadrées et n’intervenant

qu’en présence du Parquet45

. Un régime spécifique est également prévu en droit du

travail46

, où la transaction est strictement réglementée par des dispositions d’ordre

public auxquelles on ne saurait déroger sous prétexte d’un accord47

. On peut également

mentionner les transactions en matière d’assurance, régies par la loi du 5 juillet 1985

« Tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à

l'accélération des procédures d'indemnisation », de sorte que le régime initial soit

partiellement modifié48

. Or ces transactions, dont la finalité est indemnitaire49

, ne sont

39

On dénombre la médiation, la conciliation, l’arbitrage et la transaction parmi ces modes de justice

privée. Pour une étude des différents MARC, v. M. DOUCHY-OUDOT & J. JOLY-HURARD,

"Médiation et conciliation", Répertoire de procédure civile, Dalloz, septembre 2006 40

Selon P. REY, présidente du tribunal de commerce de Paris, les contentieux portés devant la juridiction

ont diminué de 45% entre 1997 et 2007. M. ARMAND-PRÉVOST, "Quelques interrogations sur le

traitement des litiges entre sociétés commerciales", Gaz. Pal., 1er

mars 2007, n° 60, p. 2 41

Sur les vertus des MARC, en France comme aux Etats-Unis, v. F. G'SELL-MACREZ, "Vers la justice

participative ? Pour une négociation « à l'ombre du droit »", D. 2010, p. 2450 42

Ibid. ; M. ARMAND-PRÉVOST, "Quelques interrogations sur le traitement des litiges entre sociétés

commerciales", Gaz. Pal., 1er

mars 2007, n° 60, p. 2 ; C. JARROSSON, « Modes alternatifs de règlement

des conflits », Justices, 1996, p. 274 43

Sur le recours aux différents MARC par les entreprises commerciales, v. M. ARMAND-PRÉVOST,

art. préc. 44

V. en ce sens la circulaire du 6 février 1995 relative au développement du recours à la transaction pour

régler amiablement les conflits 45

Pour une étude la transaction en matière pénale, v. notamment E. GHERARDI, "Réflexions sur la

nature juridique des transactions pénales", RFDA, 1999, p. 905 46

L. LAGRANGE, "La transaction en droit du travail : jurisprudence récente", Petites affiches, 30 août

1996, n° 105, p. 4. Dans une analyse de la jurisprudence récente, l’auteur met en avant la spécificité de la

transaction en droit du travail et sa finalité protectrice du salarié, 47

Pour une approche de la transaction en droit du travail, v. "Transaction", Cahiers sociaux du Barreau

de Paris, 1er

juillet 2005, n° P05, p. 141 48

V. Cass, 2ème

civ., 16 novembre 2006, Bull. civ. II, n°320, p. 296, où les juges précisent que les

concessions réciproques ne sont pas indispensables ; v. également L. POULET, "Précisions sur l'accord

d'indemnisation amiable conclu en matière d'accidents de la circulation", Revue générale du droit des

assurances, 1er

juillet 2007, p. 565

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

15

pas conclues dans la pénombre. Dès lors qu’elles sont encadrées légalement, elles sont

inévitablement transparentes.

Des vices : une justice obscure. Lorsqu’elle n’est pas spécifiquement encadrée, la

transaction est un mode de résolution obscur. La négociation prend place dans les

coulisses de la justice, de sorte qu’un mystère plane sur la résolution du litige par la

transaction. La confidentialité qui y règne fait peser une ambiance mystérieuse sur le

règlement du conflit, comme si le fait de transiger était un secret de polichinelle. Un

contraste particulièrement marqué d’avec la justice étatique qui se veut transparente. Or

cette négociation obscure et privée, pourrait révéler les vices de la transaction qui

échappe à la connaissance du législateur. Les pratiques transactionnelles confidentielles

constituent incontestablement la partie « immergée de l’iceberg », offrant une vision

tronquée de la réalité des contentieux parce qu’elles permettent l’éviction de la justice

étatique. Sous le couvert de la confidentialité, la transaction peut alors être mère de tous

les vices, entrainer des dérives et abus, sans qu’il soit possible d’en avoir connaissance.

Un versant mystérieux de la justice négociée qui révèle l’ambivalence de la

transaction. D’un coté un modèle de justice permettant de désengorger les tribunaux, de

l’autre un moyen d’évincer le juge. Un idéal de dialogue et de paix contrasté par la

possibilité d’une négociation malsaine, révélatrice d’abus commis dans l’ombre du

droit. L’enjeu de cette étude est d’appréhender ces transactions et leurs secrets.

Souligner ses vertus et mettre en lumière ses vices, éclairer les coulisses de la justice

négociée comme on éclaire la scène judiciaire

C’est au regard de la procédure juridictionnelle et de l’application du droit par le

juge que l’on peut comprendre l’intérêt de la transaction pour les parties. C’est

également à la lueur de cet intérêt pour la justice négociée que l’on comprend ce que les

parties attendent de la justice. Une analyse qui permet de déceler une ambivalence entre

la transaction comme la forme la plus aboutie de justice alternative permettant de

remédier aux aléas de la justice, et la transaction en tant qu’instrument d’une stratégie

juridique vicieuse tendant à museler la justice étatique. Tantôt elle peut être vertueuse

lorsqu’elle permet de contractualiser l’aléa inhérent à la justice étatique (Partie 1), tantôt

elle peut être vicieuse quand elle fait office de contrat portant sur la privacité (Partie 2).

49

Selon une démonstration statistique de P. BAILLY, "Indemnisation et aléa judiciaire", D. 1992, p. 202

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

16

PARTIE I CONTRACTUALISATION VERTUEUSE DE L’ALEA

L’aléa est un « élément de hasard, d’incertitude qui introduit, dans l’économie

d’une opération, une chance de gain ou de perte pour les intéressés50

». Dès lors qu’il

renvoie à une probabilité, positive ou négative, d’obtenir un résultat, l’aléa est

synonyme de risque pour ceux qui y sont confrontés.

Cet aléa est inhérent à la justice étatique : tantôt il résulte de la procédure

juridictionnelle, tantôt de l’application du droit par les juges. C’est ainsi qu’il faut

distinguer l’aléa procédural de l’aléa judiciaire : l’un crée une incertitude sur le

déroulement du procès, l’autre sur son issue. Or ce doute est perçu comme un risque du

procès51

pour les parties, qui les incite à négocier au travers d’une transaction.

La transaction a ainsi deux vocations différentes. Dans certains contentieux elle

est une alternative aux incertitudes de durée et de coûts de la justice étatique. Elle prend

alors la forme d’une contractualisation procédurale (Titre 1). Dans d’autres elle évacue

les doutes quant à l’issue juridictionnelle du litige. Elle revêt alors la forme d’une

contractualisation substantielle (Titre 2).

TITRE I CONTRACTUALISATION PROCEDURALE

L’inexécution contractuelle est à l’origine de la plupart des contentieux portés à la

connaissance du juge consulaire. Bien souvent, il s’agit du créancier d’une obligation de

paiement qui entend obtenir son exécution par voie judiciaire. Or l’état actuel de la

justice étatique remet en cause l’effectivité de ce paiement en ce qu’elle confronte le

créancier aux aléas de la procédure juridictionnelle. Des aléas relatifs aux frais

occasionnés par l’action en justice, mais surtout une incertitude quant à la durée du

procès. Ces inconvénients propres à la justice étatique amènent à réfléchir sur l’intérêt

de la transaction en matière de contentieux en paiement.

50

G. CORNU, Vocabulaire juridique, PUF, 4ème

édition, 2003, p. 45 51

Sur la notion de risque du procès, v. B. DEFFAINS & M. DORIAT-DUBAN, "Le procès: risque

économique", Revue générale du droit des assurances, 1er

juillet 2010, n° 2010-03, p. 870

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

17

La transaction, en tant que mode non juridictionnel de résolution des conflits, est

une alternative permettant de contourner les inconvénients du procès. De par sa nature

contractuelle, elle permet également aux parties de contractualiser la mise en œuvre des

obligations inexécutées. Dès lors la transaction offre des avantages manifestes aux

créanciers dans les contentieux en paiement entre commerçants. D’une part, elle assure

l’effectivité du paiement en encadrant son exécution (Chapitre 1). Plus spécifiquement,

lorsque ce paiement est remis en cause par l’éventualité d’une procédure collective, la

transaction garantit son exécution immédiate (Chapitre 2).

Chapitre I L’AMENAGEMENT DE L’EXECUTION

L’étude de la jurisprudence du tribunal de commerce de Paris permet d’affirmer

que les transactions en matière de contentieux de paiement répondent à une logique

d’alternative d’exécution des obligations. Ce type de litige représente une majeure partie

du contentieux porté devant la juridiction consulaire. En effet, sur 26106 jugements

rendus en 2009, 6236 concernent un litige relatif à l’inexécution du paiement par l’une

des parties. Parmi ces affaires, 690 font l’objet d’une transaction, d’un désistement, ou

d’une solution amiable telle la médiation52

. La situation litigieuse est bien souvent

identique : deux commerçants concluent un contrat aux termes duquel l’un s’oblige à

exécuter une prestation, en contrepartie du paiement d’une somme d’argent par l’autre.

La contestation née du fait que le débiteur de l’obligation de paiement ne s’exécute pas.

La transaction offre de nombreux avantages dans la résolution de ce type de

contentieux. C’est une alternative à la justice étatique et à ses inconvénients

procéduraux (Section 1). Elle favorise également une solution apaisée du conflit en ce

qu’elle résulte d’un compromis entre les intérêts des parties en vue d’assurer

l’effectivité de l’exécution contractuelle (Section 2).

52

Cf. Annexes

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

18

Section 1 Une alternative aux inconvénients processuels

La transaction, en tant que mode de résolution non juridictionnel des différends, se

substitue à la justice étatique. Cette même justice qui comporte de nombreux

inconvénients procéduraux, et qui remet en cause l’effectivité du paiement envers le

créancier (Paragraphe 1). La transaction apparait alors comme un remède en ce qu’elle

offre une alternative contractuelle au jugement, permettant l’organisation efficace de

l’exécution de l’obligation de paiement du débiteur (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 Les inconvénients procéduraux de la justice étatique

Force obligatoire des contrats et obligation de paiement. Le jugement qui

pourrait être rendu ne laisse que peu de place à l’incertitude. La plupart du temps, le

créancier d’une obligation de paiement, due au titre d’une facture impayée par exemple,

obtient la condamnation du débiteur au paiement de la totalité de la somme, dès lors que

sa créance est certaine53

. A titre d’exemple, dans un jugement du tribunal de commerce

de Paris rendu le 8 juin 200954

, le créancier qui prétendait au paiement de la totalité de

la dette due au titre d’une facture impayée a obtenu des juges la condamnation du

débiteur à la totalité de la somme. Les juges font une stricte application de l’article 1134

du code civil : si le contrat est valablement formé, la dette due à ce titre doit être

honorée dans son intégralité. Ce n’est que le respect des termes du contrat né de la

volonté des parties et les remettre en cause reviendrait à porter atteinte à la sécurité

juridique qu’offre le contrat.

Lenteur de la justice étatique. Cependant le créancier doit faire face à certains

inconvénients de la justice étatique, notamment la longueur des procédures judiciaires

devant. Selon M. Fleur, juge au tribunal de commerce de Narbonne, une telle procédure

peut faire l’objet d’un an et demi à deux ans de procédure, sans compter la procédure

d’appel55

. Il déplore d’ailleurs le fait que les avocats de la partie défenderesse aggravent

ces délais délibérément. A titre d’exemple, une société avait assigné une autre en

53

v. Par exemple, TC Paris, 18 décembre 2009, RG n° 2009044775 54

TC Paris, 8 juin 2009, RG n° 2007076253 55

Interview M. FLEUR, juge du tribunal de commerce de Narbonne, 20 mars 2011

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

19

paiement au titre de factures impayées devant le tribunal de commerce de Paris le 25

octobre 200756

. Le jugement n’a été rendu que le 8 juin 2009. Il faut également prendre

en compte le temps écoulé entre la défaillance du débiteur datant du 15 mai 2007 et la

saisine du juge, durant lequel le créancier a mis en demeure le débiteur de régler la

facture. Ainsi la procédure a duré plus de deux ans. Encore faut il que le débiteur ne

fasse pas appel, sans quoi les délais sont encore rallongés. A cela les délais de mise en

œuvre de l’exécution du jugement doivent être rajoutés. Par conséquent, le créancier ne

peut que déplorer la longueur de la procédure judiciaire, inconvénient régulièrement

souligné par de nombreux auteurs57

.

Coût de la justice publique. Outre sa lenteur, la justice a également un coût. D’une

part en raison des frais de justice et d’avocat, liés à la procédure judiciaire. D’autre part,

l’exécution du jugement est coûteuse : les voies d’exécution permettant de mettre en

œuvre la décision de justice, accomplies par les huissiers de justice, rajoutent non

seulement des délais avant de percevoir la somme due, mais aussi des frais qui seront

avancés par le créancier. Certains de ces frais restent d’ailleurs à sa charge.

Face à ces inconvénients de durée et de coût de la justice étatique, le créancier

dispose d’une alternative : la transaction, en ce qu’elle permet la mise en œuvre de

l’exécution des obligations nées du contrat.

Paragraphe 2 L’aménagement contractuel de l’exécution

Transaction, alternative et satisfaction des parties. La transaction est une

alternative58

contractuelle au jugement, permettant d’éviter la lenteur59

et le coût des

56

TC Paris, 8 juin 2009, RG n° 2007076253 57

Notamment F. G'SELL-MACREZ, "Vers la justice participative ? Pour une négociation « à l'ombre du

droit »", D. 2010, p. 2450 ; A. ADELINE, « La montée de l’alternative dispute résolution dans les pays

anglo-saxons (ou comment résoudre les contentieux sans plaider ?), Petites affiches, 21 octobre 1996

n° 127, p. 4 ; Rapport S. GUINCHARD, « L’ambition raisonnée d’une justice apaisée », 2008 58

Certains auteurs y voient bien plus qu’une alternative, mais un « modèle pour éviter le procès »,

notamment T. CLAY, « Le modèle pour éviter le procès », in Code civil et modèles : Des modèles du

Code au Code comme modèle, LGDJ, 2006, p. 64 à 73 59

v. I. VAUGON & M. DARY, "Les modes alternatifs de règlement des conflits : une stratégie gagnante

pour les entreprises", Cahiers de l'arbitrage, 1er

janvier 2010, n° 1, p. 65, où les praticiens constatent au

regard d’une étude réalisée en 2009 que 85% des entreprises françaises considèrent que les MARC

représentent un gain de temps.

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

20

voies d’exécution60

. Le créancier s’assure que le paiement sera effectif dans des délais

plus brefs, dès lors que le contrat de transaction lui permet d’encadrer l’exécution du

paiement. Le débiteur fait l’économie des frais d’exécution du jugement qui viendrait se

rajouter à sa dette principale grâce à la transaction. Ainsi, à la différence d’un jugement,

la transaction permet de satisfaire les deux parties.

Exécution de la transaction, effets processuels. Malgré le fait qu’elle soit un

contrat, la transaction entraine les mêmes effets qu’une décision judiciaire. Par exemple,

l’autorité de chose jugée61

conférée par l’article 2052 du code civil à l’accord, qui

permet au créancier de s’assurer que le débiteur n’ira pas remettre en cause devant le

juge la transaction conclue62

. Un parallélisme renforcé si la transaction est homologuée

par le tribunal, car le juge confère à celle-ci la force exécutoire de sorte que si le

débiteur venait à ne pas exécuter les termes de l’accord, le créancier pourrait l’utiliser

pour exercer « toute voie de droit coercitive »63

.

Contractualisation procédurale et exécution des obligations. En ce sens la

transaction est une alternative efficace à la justice étatique, permettant une

contractualisation procédurale : les parties organisent l’exécution d’un contrat antérieur

par la transaction plutôt que de s’en remettre à un juge. Elles prévoient par le contrat ce

qui résulterait d’une procédure judiciaire longue, à la différence que la transaction

permet l’effectivité de l’exécution des obligations.

Cette efficacité de la transaction résulte des concessions réciproques des parties, qui

sont généralement les mêmes dans tous les accords portant sur une obligation de

paiement : effectivité du règlement de la somme due de la part du débiteur en

contrepartie d’une réduction de sa dette ou d’un échelonnement du paiement.

60

Les juges face à une transaction rappellent souvent dans leur dispositif que la transaction permet

d’éviter la longueur d’une procédure juridictionnelle, v. CA Paris, 7 octobre 2010, n°09/00219 :« voulant

éviter les aléas d'une procédure contentieuse tant en ce qui concerne le résultat que le délai nécessaire

une action judiciaire, les parties ont décidé de se rapprocher pour mettre fin, d'un commun accord, après

concessions réciproques, à leur différend ». 61

Bien que les termes employés soient inexacts. Il faudrait parler d’autorité de chose convenue. V. supra

p. 11 62

Sauf lors d’une demande de nullité du contrat de transaction, sur le fondement d’une erreur de fait ou

de violence. 63

Sur le rapprochement entre transaction homologuée et jugement, P.-Y. GAUTIER, "Les procédures

civiles d'exécution à l'appui du contrat", RDC, 1er

avril 2006, n° 2, p. 583

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

21

Section 2 Un compromis au service de l’exécution effective

Les intérêts des parties sont divergents dans un contentieux en paiement, imposant

au juge de trancher en faveur de l’un ou de l’autre (Paragraphe 1). C’est pourquoi la

transaction est, en ce domaine, un modèle de résolution des conflits en ce sens qu’elle

permet une solution équilibrée pour les parties. Elle est l’avènement d’un compromis

entre les intérêts de chacune, dont la finalité est l’exécution des obligations nées du

contrat (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 Les intérêts divergents des parties

C’est au regard des prétentions des parties que l’on peut déterminer ce qu’elles

entendent obtenir de la justice, étatique comme privée. Les concessions qu’elles vont

faire au cours d’une transaction ne sont que la traduction de leurs intérêts.

Intérêts du créancier. Le créancier qui saisit le juge se fonde sur l’article 1134

du code civil, en vertu duquel « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi

à ceux qui les ont faites », pour prétendre au paiement intégral de la somme due au titre

du contrat, ainsi qu’aux intérêts au taux légal s’il y a lieu64

. Il réclame également le

paiement d’une somme d’argent sur le fondement de l’article 700 du code de procédure

civile. Par conséquent, l’un des intérêts du créancier est le paiement intégral de la dette.

Le fait que les juges soient enclins à lui accorder65

influe nécessairement sur les

concessions qu’il fera dans la transaction. D’autre part, le créancier tient naturellement

au paiement le plus rapide possible. Plus vite le paiement sera effectué, plus vite le litige

sera éteint, libérant ainsi le créancier d’un poids.

Intérêts du débiteur. Quant au débiteur, rares sont les cas où il conteste sa

dette. La somme due au titre d’un contrat apparait généralement incontestable dès lors

que l’autre partie a exécuté son obligation. Le débiteur ne cherche pas à contester la

réalité de la dette mais plutôt de réduire son montant. Son intérêt est naturellement de

64

Voir notamment : TC Paris, ordonnance de référé, 21 janvier 2009, RG n° 2008078634 ; TC Paris, 10

novembre 2009, RG n°2009026264 ; TC Paris, 11 décembre 2009, RG n° 2009033100 ; TC Paris, 6

octobre 2009, RG n° 2008093045 65

v. supra p. 18

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

22

payer le moins possible, malgré le fait que sa dette soit établie. Le débiteur peut

également avoir intérêt à obtenir un échelonnement des paiements. Plutôt que de

s’acquitter de sa dette en une seule fois, il peut rechercher à ce que le paiement

s’effectue en plusieurs mensualités.

C’est au regard des ces intérêts divergents que les parties font un compromis par la

transaction, en s’accordant des concessions.

Paragraphe 2 Une négociation sur les modalités d’exécution

Exigence de concessions réciproques. Il ne saurait y avoir de transaction sans

concessions réciproques66

. Même si le paiement est justement dû au créancier, le choix

qu’il fait de transiger lui impose de concéder quelque chose au débiteur. L’absence de

concessions réciproques entrainerait non pas la nullité de la transaction mais lui

retirerait sa qualification spéciale qui permet d’en faire un mode de résolution définitive

des conflits67

.

Compromis d’intérêts, réduction de la dette et paiement effectif. Ainsi on peut

identifier au sein des 15 transactions homologuées par le tribunal de commerce de Paris

en 2009, deux types de concessions de la part du créancier en contrepartie d’un

paiement effectif68

. D’une part, le créancier préfère réduire le montant de la dette mais

obtenir un paiement plus rapide plutôt que d’en percevoir la totalité au bout de plusieurs

années. Il fait donc une concession au débiteur en réduisant sa dette afin de satisfaire

son intérêt propre, l’effectivité du paiement dans de brefs délais. Quant au débiteur, il

trouve un intérêt dans cette transaction en ce sens qu’il réduit le quantum de la dette à

laquelle il aurait pu être condamnée par les juges. En contrepartie, il concède un

paiement qui, la plupart du temps, commence immédiatement le jour de la signature du

protocole transactionnel. Le tribunal de commerce de Paris a homologué une transaction

66

La jurisprudence n’a de cesse de rappeler cette exigence. V. notamment Cass, 2ème

civ., 16 novembre

2006, Bull. civ. II, n°320 67

Pour une étude des conséquences de l’absence de concessions réciproques, voir C. JARROSSON, "Les

concessions réciproques dans la transaction", D. 1997 p. 267 68

Au regard des 12 transactions homologuées dans ce domaine par le tribunal de commerce de Paris en

2009. Il faut noter que ces homologations sont faibles au regard des 690 affaires ayant fait l’objet d’un

désistement ou d’un règlement amiable, pour un total de 6236 affaires relatives à un contentieux en

paiement du au titre d’une facture impayée. Cf. Annexes

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

23

le 22 janvier 200969

qui illustre ces propos. La société défenderesse était débitrice d’une

somme de 620 972,96 euros au titre de factures impayées. La société créancière a

accepté lors de la transaction de réduire la dette à un montant de 559 773, 39 euros, en

contrepartie du paiement immédiat de 59 773, 96 euros de la part du débiteur. Le reste

de la somme devait être acquittée en cinq fois, sur cinq mois. Le créancier a

manifestement préféré réduire le montant de la dette afin d’obtenir son paiement rapide,

mais surtout effectif. Un paiement sûr, organisé dans de brefs délais par un contrat. Un

autre exemple mérite d’être évoqué, celui de la transaction homologuée par le tribunal

de commerce de Paris le 6 octobre 200970

. En l’espèce, les parties ont conclu une

transaction aux termes de laquelle la somme due en principal est maintenue, mais le

créancier renonce aux intérêts de retard. En contrepartie, sur les 17 527,97 euros restant

dû, 11 902,22 euros avait été versés immédiatement au jour de la signature du protocole

d’accord. Ici encore, le créancier concède une réduction de la dette, en contrepartie le

débiteur accorde un paiement immédiat : la transaction est l’avènement d’un compromis

entre les intérêts des parties : la contrepartie de l’effectivité immédiate du paiement

accordé par le débiteur est l’économie qu’il réalise sur sa dette de par la concession du

créancier. Ainsi on ne peut que souligner l’équilibre de l’accord : chacun concède

quelque chose et en contrepartie il y trouve un intérêt.

Compromis d’intérêts, échelonnement du paiement intégral. Lorsque le

créancier n’accorde pas une réduction de la dette, il peut accorder un échelonnement du

paiement dès lors que celui-ci est effectif dès la signature de l’accord. A titre

d’illustration, les juges du tribunal de commerce de Paris ont homologué une transaction

en 2009 aux termes de laquelle le créancier concédait un échelonnement du paiement de

la dette sur plusieurs mois, en contrepartie du versement immédiat d’une première

mensualité71

. Là encore, chacun y trouve son intérêt : le paiement intégral pour le

créancier, à défaut d’être rapide, et l’échelonnement du remboursement de la dette pour

le débiteur plutôt que sa réduction.

69

TC Paris, ordonnance de référé, 22 janvier 2009, RG n° 2008090173 70

TC Paris, 6 octobre 2009, RG n° 2008093045 71

TC Paris, ordonnance de référé, 21 janvier 2009, RG n° 2008078634

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

24

La finalité de la transaction en matière de contentieux en paiement est de permettre

l’exécution effective des obligations du débiteur en évitant l’incommodité des voies

d’exécution. En ce sens elle est une alternative efficace à la justice étatique en ce qu’elle

permet d’en écarter les inconvénients processuels pour n’en garder que l’effectivité.

Lorsque le débiteur connait des difficultés financières, la transaction conserve cette

finalité d’effectivité du paiement, mais la motivation du créancier diffère : écarter le

doute subjectif inhérent à l’éventualité d’une procédure collective.

Chapitre II LA GARANTIE DE L’EXECUTION

La plupart des contentieux commerciaux portent sur l’inexécution d’un contrat,

particulièrement quant à l’obligation de paiement du débiteur72

. Sur 26106 affaires

traitées par le tribunal de commerce de Paris en 2009, 6236 portent sur ce type de

litige73

. Les parties ont conclu un contrat en vertu duquel l’une d’elle doit effectuer une

prestation ou livrer un bien en contrepartie du paiement de l’autre. Dès lors que le

débiteur de l’obligation de paiement ne s’exécute pas, le créancier est titulaire d’un droit

au paiement, dont la réalité n’est pas contestable (Section 1) et qui lui permet d’agir en

justice.

Mais la certitude d’un droit au paiement ne garantit pas son effectivité. Il se peut

que le débiteur soit dans une situation financière difficile entrainant une impossibilité

pour lui de faire face à ses dettes. L’ouverture d’une procédure collective à son encontre

entrainerait des conséquences sur la possibilité du créancier de recevoir son paiement

(Section 2).

Face à cette incertitude, le créancier a intérêt à éviter les longueurs d’une

procédure juridictionnelle. Il dispose alors d’une alternative au jugement qu’est la

transaction. Par un aménagement de l’exécution immédiate du paiement par le débiteur,

le protocole d’accord permet d’augmenter les chances du créancier d’obtenir un

paiement effectif de la part du débiteur (Section 3).

72

Interview M.FLEUR, juge du tribunal de commerce de Narbonne, 20 mars 2011 73

Cf. Annexes

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

25

Section 1 Une certitude juridique : les droits du créancier

Force obligatoire des contrats et certitude des droits. En vertu de l’article

1134 du code civil, « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui

les ont faites ». C’est la force obligatoire du contrat, au titre de laquelle les parties

doivent respecter le contrat comme elles respecteraient la loi74

. Par conséquent le

créancier se fondant sur cet article peut prétendre au paiement intégral de ce qui lui est

dû. Dans les contentieux entre commerçants relatifs à l’inexécution d’un paiement, il

apparait dans une grande majorité des cas, que la dette n’est pas contestable de telle

sorte que l’on peut affirmer que les droits du créancier ne sont pas douteux.

Prévisibilité et application stricte de la loi par le juge. Ainsi la solution

juridictionnelle au conflit ne laisse que peu de place à l’incertitude. Dès lors que les

droits du créancier ne sont pas contestables, les juges vont appliquer strictement les

textes régissant l’exécution du contrat. Le raisonnement est simple et ne laisse aucune

place à l’appréciation critique des juges : le juge qualifie une situation de faits et

applique mécaniquement l’article 1134 du code civil. Cette stricte application légale

permet de conclure que les parties sont tenues pas les termes du contrat qu’elles ont

conclu, c’est pourquoi le débiteur de l’obligation de paiement doit s’exécuter. Par

conséquent, la condamnation du débiteur est prévisible si un juge est amené à trancher

le litige75

.

Si la solution juridictionnelle est prévisible, le recours à la transaction ne

s’explique pas par la volonté des parties d’écarter l’aléa judiciaire. En revanche la

transaction permet d’anéantir l’incertitude factuelle qui tient à l’évolution de la situation

financière du débiteur.

74

« Prenant au sérieux l'article 1134, on est alors conduit à dire que la force obligatoire résulte de la

création par le contrat d'une nouvelle norme juridique, qui, quel que soit son contenu, va s'imposer aux

parties comme s'imposerait à elles une norme légale et qui va servir de référence au juge lorsqu'il sera

chargé de régler un litige entre les parties », P. ANCEL, « Le contrat et le contenu obligationnel du

contrat », RTD civ. 1999, p. 771 75

Voir par exemple : TC Paris, 27 janvier 2009, RG n° 2007013980 ; TC Paris, 27 janvier 2009, RG

n°2007005421

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

26

Section 2 Un doute subjectif : la situation financière du débiteur

Un contractant qui n’exécute pas son obligation de paiement peut simplement

être de mauvaise foi. Un titre exécutoire émanant d’un juge suffira à anéantir toute

réticence de sa part. En revanche un débiteur défaillant peut également être synonyme

de difficultés financières. Dès lors que celui-ci est en situation de cessation des

paiements, il peut demander ou se voir imposer l’ouverture d’une procédure collective.

Désormais un simple titre exécutoire ne suffit plus au créancier pour obtenir le paiement

de la dette.

L’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation

judiciaire entraine des conséquences sur la possibilité pour le créancier d’être payé.

D’une part car l’exécution du paiement est interdite pendant la période d’observation

suivant le jugement d’ouverture (Paragraphe 1), mais également car ledit paiement peut

être remis en cause par le privilège de certains créanciers (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 L’impossible exécution du paiement pendant la période

d’observation

Période d’observation et survie de l’entreprise. L’ouverture d’une procédure

collective à l’encontre du débiteur entraine certaines conséquences pour les créanciers, y

compris ceux titulaires d’un droit au paiement. En effet, la législation sur les procédures

collectives a pour finalité la survie de l’entreprise. Suite au jugement d’ouverture, la

période d’observation doit permettre au débiteur de reprendre son souffle. Certaines

actions seront donc interdites aux créanciers. Le principe d’égalité des créanciers

l’impose d’ailleurs à tous, peu importe le type de créance en cause.

Interdiction des paiements. L’article L622-7 du code de commerce prévoit

l’interdiction au débiteur de payer les dettes antérieures. Par conséquent il ne peut en

aucun cas payer la somme due au créancier en vertu du contrat inexécuté. Par ailleurs,

l’article L622-21 du code de commerce dispose que les poursuites individuelles,

notamment les actions en paiement et les voies d’exécution, sont interdites ou arrêtées

dès lors qu’est ouverture une procédure collective à l’encontre du débiteur. Elles ne

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

27

reprendront qu’après la période d’observation, sous certaines conditions. Il faut en

conclure que le créancier, en plus de ne pouvoir être payé, ne peut plus obtenir de

paiement par le biais d’un jugement ou des mesures exécutoires qui en découlent. Dès

lors il faut comprendre que le créancier a tout intérêt à obtenir le paiement de la dette

avant qu’un jugement d’ouverture soit prononcé. Le seul moyen d’y parvenir est donc

une résolution du conflit rapide.

Arrêts du cours des intérêts. Le jugement d’ouverture d’une procédure collective a

également des conséquences économiques pour le créancier, outre celle de la possibilité

d’être payé. En effet l’alinéa premier de l’article L622-28 du code de commerce prévoit

que « Le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels,

ainsi que de tous intérêts de retard et majorations ». L’intérêt de la disposition est de ne

pas aggraver la situation du débiteur. Inévitablement c’est au détriment du créancier,

notamment lorsqu’il s’agit d’une banque qui ne pourra plus obtenir par la voie

juridictionnelle le paiement des intérêts de retard et qui voit la dette du débiteur se figer.

Caution du débiteur. Cependant, s’il existe une caution solidaire du débiteur

principal, celle-ci ne bénéficie pas des dispositions applicables au débiteur principal

sujet à une procédure de redressement ou de liquidation. Elle reste tenue au paiement de

la dette en lieu et place du débiteur. Le créancier cherche à s’assurer qu’elle honorera

ses dettes puisque à défaut de paiement par le débiteur, il peut se tourner vers elle.

De manière préventive, le créancier a intérêt à obtenir rapidement le paiement qui

lui est dû lorsque le débiteur connait des difficultés financières, surtout lorsqu’il n’y a

pas de caution. D’autant plus que l’assurance d’un paiement est remise en cause par le

privilège de certains créanciers.

Paragraphe 2 L’effectivité du paiement remise en cause par le

privilège de procédure

Privilège de procédure. Une fois la période d’observation terminée, la

procédure aboutit sur un plan qui peut permettre de régler les dettes du débiteur. C’est

ici que le principe d’égalité des créanciers s’arrête, au détriment du commerçant qui en

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

28

vertu d’un contrat antérieur, est titulaire d’un droit au paiement. En effet l’article 40 de

la loi du 25 janvier 1985 instaure un privilège pour les créanciers postérieurs au

jugement d’ouverture. L’intérêt étant donc avant tout, comme certains auteurs l’ont

souligné, la sauvegarde de l’entreprise par le paiement des créanciers postérieurs qui

permettent de poursuivre l’exécution du contrat76

. Ainsi le commerçant qui a conclu un

contrat avec le débiteur avant le jugement d’ouverture, que ce dernier n’a pas honoré en

ne payant pas la somme prévue, ne bénéficie pas de ce privilège.

Rang des créances. Les articles L622-17 et L641-13, respectivement

applicables au redressement judiciaire et à la liquidation judiciaire, instaurent un

privilège envers certains créanciers qui seront payés par préférence aux autres77

. Or le

créancier d’une somme en vertu d’un simple contrat commercial ne figure pas au

premier rang. D’abord doivent être réglés les frais de justice, ensuite les créances

salariales. S’en suit le paiement des créances postérieures privilégiées et enfin, si les

fonds du débiteur le permettent, les créanciers antérieurs.

Le créancier doit faire face à un doute subjectif : celui de ne pas être payé en

raison de la défaillance du débiteur. Son intérêt est donc d’obtenir un paiement effectif

et rapide : soit du débiteur avant l’ouverture d’une procédure collective, soit de la

caution si cette procédure est avérée. Or il est d’ores et déjà établi qu’une procédure

juridictionnelle est longue. C’est pourquoi la transaction offre de nombreux avantages.

Section 3 Une alternative idéale à la justice étatique

Face au doute subjectif78

issu de la situation financière du débiteur, la transaction

offre une alternative efficace à la justice étatique. Elle permet de contourner les

inconvénients de la procédure juridictionnelle (Paragraphe 1) en assurant l’exécution

76

Pour une démonstration de la primauté de la sauvegarde de l’entreprise au détriment des

créanciers antérieurs, voir M.-J. CAMPANA & D. LEGEAIS, "Le nouvel article 40 de la loi du 25

janvier 1985", Petites affiches, 14 septembre 1994, n° 110 77

Sur le privilège de procédure, voir C. SAINT-ALARY-HOUIN, "Les privilèges de la procédure",

Petites affiches, 14 juin 2007, n° 119, p. 70 78

Selon la summa divisio de Boyer, le doute qui justifie ici le recours à la transaction n’est pas objectif,

mais subjectif78

. Il porte sur le comportement de la partie adversaire, et non sur le contenu de la sentence.

L. BOYER, La notion de transaction : contribution à l’étude des concepts de cause et d’acte déclaratif,

Thèse Toulouse, 1947, p.28

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

29

immédiate des obligations du débiteur par les concessions faites par les parties

(Paragraphe 2).

Paragraphe 1 Un remède aux pathologies de la justice étatique

La transaction offre certaines garanties dans les contentieux en paiement, lorsque

le débiteur est sujet à des difficultés financières. Garanties que n’assurent pas la justice

étatique au créancier, notamment en ce qu’elle est sujet à une lenteur critiquée (A). On

remarque que 690 affaires portées devant le tribunal de commerce de Paris en 2009, sur

6236 contentieux, ont fait l’objet d’une résolution non juridictionnelle. Evidemment,

tous les accords conclus en la matière ne sont pas justifiés par la volonté d’éviter les

incommodités d’une procédure collective puisque le débiteur peut simplement être de

mauvaise foi. Le cas échéant, la transaction est alors perçue comme un moyen pour le

créancier d’obtenir un paiement rapide et effectif (B).

A. Les lenteurs de la justice publique

Procédure collective, rapidité de paiement et lenteur de la justice étatique.

Lorsque le débiteur n’est pas encore sujet à une procédure collective, la principale

motivation du créancier est d’organiser le paiement le plus rapidement possible, afin

d’éviter l’éventualité d’une procédure collective qui viendrait remettre en cause ses

chances d’être payé. Mais la procédure juridictionnelle, devant les juridictions

commerciales notamment, est particulièrement longue. Pour illustrer ces propos, il suffit

de se reporter à l’affaire jugée par le tribunal de commerce de Paris le 27 janvier 200979

.

Le débiteur est condamné à cette date au paiement de la somme due au titre de factures

impayées envers son créancier fournisseur. Or le tribunal avait été saisi le 17 octobre

2006. Il faut donc compter dans cette affaire presque trois ans au créancier pour obtenir

le paiement de la dette. On peut ainsi déduire que dans l’hypothèse où une procédure

collective aurait été ouverte à l’encontre du débiteur au cours de ces trois ans, le

créancier n’aurait peut être jamais obtenu de paiement au regard de ce qui a été

démontré précédemment. Dès lors, le créancier qui recherche la rapidité du paiement se

79

TC Paris, 27 janvier 2009, RG n°2007005421

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

30

voit contrarié par les inconvénients de la justice étatique. Inconvénients que la

transaction permet d’éluder.

Caution et exécution du paiement. Une seconde hypothèse se présente. Si le

débiteur fait déjà l’objet d’une procédure collective, le créancier n’est pas certain d’être

payé, du moins pas immédiatement. Mais s’il existe une caution solidaire, le créancier

peut se tourner vers elle. La motivation du créancier n’est alors plus d’éviter

l’éventualité d’une procédure collective mais de s’assurer que la caution solidaire

honorera ses engagements. Pour cela, le créancier a intérêt à organiser un paiement

effectif dans de plus brefs délais.

B. La garantie d’un paiement immédiat

Transaction et anéantissement des aléas de procédure. Recourir à la

transaction permet au créancier de s’assurer, au jour de la signature de l’acte, soit que le

débiteur n’est pas sujet à une procédure collective et dès lors qu’il peut payer, soit

qu’une caution honorera effectivement ses dettes à sa place. La transaction ne vient pas

contractualiser l’aléa judiciaire80

, mais les aléas d’une procédure juridictionnelle longue

durant laquelle le débiteur pourrait devenir irrémédiablement défaillant.

Alternative d’exécution des obligations. Ainsi la transaction en cette matière

répond à une logique « d’exécution des obligations »81

. Les parties vont prévoir dans le

protocole transactionnel les modalités d’exécution du paiement de la dette contractuelle.

C’est une alternative au jugement, en ce sens qu’elle vient simplement organiser

contractuellement ce qu’une décision de justice prévoirait. Les transactions

homologuées par le tribunal de commerce de Paris en 2009 en la matière illustrent cette

80

Ce qui vient à nouveau contredire les propos des théoriciens classiques qui affirmaient au XIXème

siècle que la transaction reposait sur l’existence d’un aléa judiciaire et sur l’incertitude des droits de

chacun. V. notamment sur la théorie classique, Bigot PREAMENEU, Code civil, Livre III, I° partie,

Garnery, 1803, p. 148 81

E. SERVERIN, P. LASCOUMES & T. LAMBERT, Transactions et pratiques transactionnelles,

Economica, 1987, p. 33 et s.

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

31

architecture particulière de l’accord, démontrant la négociation des parties qui aboutit à

un schéma d’exécution du paiement encadré par le contrat82

.

La transaction est donc l’assurance d’un paiement effectif et organisé, obtenu

rapidement par le créancier. Elle résulte de concessions réciproques de chaque partie,

permettant de trouver un compromis entre les intérêts de chacune.

Paragraphe 2 Un modèle de rapidité d’exécution

Concessions réciproques et contrat. Si la transaction permet au créancier

d’obtenir un paiement effectif et rapide de la somme due au titre du contrat, c’est grâce

aux concessions réciproques des parties qui sont, malgré le silence des textes, l’élément

essentiel de la transaction83

. En effet la transaction est avant tout un contrat. Le principe

d’autonomie de la volonté offre aux parties une certaine liberté dans ce qu’elles

prévoient au sein de l’accord transactionnel. Elles vont alors faire des compromis afin

de satisfaire au mieux leurs intérêts.

Eventualité de procédure collective et rapidité de paiement par les

concessions. Or l’intérêt principal du créancier est d’obtenir le solde de la dette le plus

rapide possible avant que le débiteur n’ait plus la faculté d’honorer ses dettes. Le

contenu des transactions en la matière illustre particulièrement bien cet intérêt du

créancier. A titre d’exemple, une transaction homologuée en 2009 par le tribunal de

commerce de Paris avait été conclue entre deux commerçants84

. L’un avait effectué des

prestations pour l’autre, mais n’avait pas été rémunéré pour ce travail. L’intérêt du

créancier, la rapidité, a été satisfait aux termes des concessions accordées par le

débiteur. En effet il a obtenu le paiement de 11 902,22 euros immédiatement à la

signature du protocole, sur les 17 527 euros de dettes. On ne peut que conclure à un

paiement partiel effectif. En contrepartie, le créancier renonçait aux intérêts. Le débiteur

était également satisfait du fait que sa dette était, par conséquent, réduite pour partie. La

concession du créancier pourrait également consister en un court échéancier adapté aux

82

V. par exemple TC Paris, 23 février 2009, RG n° 2008034307 ; TC Paris, 20 janvier 2009, RG n°

2007074498 ; TC Paris, 6 octobre 2009, RG n° 2008093045 83

La jurisprudence ne cesse de rappeler l’exigence de ces concessions réciproques, v. Cass, 2ème

civ., 16

novembre 2006, Bull. civ. II, n°320 84

TC Paris, 6 octobre 2009, RG n° 2008093045

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

32

ressources du débiteur85

. Chacun a fait une concession afin de trouver un équilibre

permettant d’élaborer une transaction. Cet accord permettait une résolution rapide du

litige, et le créancier évitait le risque potentiel d’ouverture de procédure collective

envers le débiteur en attendant que le juge tranche le conflit.

Procédure avérée, caution et concessions. Il en va autrement lorsque le

débiteur est déjà sujet à un redressement ou une liquidation judiciaire. Les dispositions

relatives aux procédures collectives empêchent le paiement de la part du débiteur. En

revanche, s’il y a une caution solidaire il peut se tourner vers elle pour obtenir le

paiement. Ainsi on peut remarquer au regard de la jurisprudence du tribunal de

commerce de Paris que dans certaines transactions similaires, le créancier généralement

établissement bancaire, transige avec la caution solidaire pour obtenir le paiement de la

dette du débiteur défaillant.

Une transaction avait été conclue le 9 janvier 2009 par une banque et la société

caution solidaire de son client, aux termes de laquelle ladite caution devait commencer

les remboursements de la dette bancaire le 15 février 200986

, soit rapidement. En

contrepartie la banque ne réduisait pas la dette, mais accordait à la caution un

échéancier sur cinq ans. La banque préservait ses intérêts par la concession de la caution

qui acceptait de régler une partie de la dette immédiatement. La caution trouvait

également son intérêt dans la transaction en raison de son obtention de délais de

paiement adaptés, concédés par le créancier. Il a été démontré qu’une solution

juridictionnelle n’aurait pas permis cette rapidité de paiement, entre l’attente du

prononcé et la mise en œuvre de l’exécution du jugement. Or le temps est un facteur

déterminant dans ce type de contentieux car le débiteur est défaillant et la caution peut à

son tour être confrontée à des difficultés financières dues à ses engagements envers le

débiteur principal. Une telle rapidité d’exécution attrait ainsi le créancier par rapport à

ce qu’il en est devant les juridictions commerciales. Quant à la caution, elle obtient des

délais qu’un tribunal ne lui aurait pas forcément accordés.

Un exemple similaire mérite d’être cité. Une banque et la caution de son

débiteur principal avait conclu une transaction homologuée par le tribunal de commerce

85

TC Paris, 24 février 2009, RG n° 2008087043 86

TC Paris, 23 février 2009, RG n° 2008034307

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

33

de Paris en 200987

. La banque créancière ne pouvait obtenir de paiement de la part du

débiteur principal en redressement judiciaire. Elle s’était alors retournée vers la caution

solidaire de la société débitrice, un particulier. Par une transaction, le créancier

accordait un paiement sur deux ans, par mensualités, en contrepartie que ce paiement

soit effectif et débute immédiatement. Ainsi le créancier fait l’économie d’une

procédure judiciaire longue durant laquelle la caution pourrait devenir défaillante à son

tour, et obtient un paiement qui commence effectivement le jour de la signature de

l’acte. La caution quant à elle obtient des délais inespérés devant un tribunal. La

transaction résulte alors d’un compromis entre les intérêts des parties permettant une

satisfaction des deux parties.

La transaction apparait comme un modèle de résolution des conflits en matière de

contentieux en paiement, d’un double point de vue. D’une part, parce qu’elle est un

mode de règlement non juridictionnel, elle permet de contourner les aléas de la

procédure juridictionnelle. D’autre part, elle assure l’exécution effective et immédiate

du paiement88

, indispensable en matière de procédure collective notamment.

La transaction en matière de contentieux en paiement est également un modèle

de négociation et de compromis entre les intérêts de chacun afin d’obtenir un accord

satisfaisant les deux parties. Chaque commerçant concède à l’autre, aboutissant à une

résolution idéale du conflit, de sorte qu’il n’y ait ni perdant, ni gagnant. La transaction

offre ici un certain équilibre dans la résolution du conflit et apaise les parties plus qu’un

jugement ne saurait le faire.

Mais l’intérêt de transiger peut être différent. Certaines transactions ont pour finalité

de pallier au doute quant à la sentence du juge : à l’aléa judiciaire.

87

TC Paris, 20 janvier 2009, RG n° 2007074498 88

Certains auteurs ont d’ailleurs estimé que l’économie de la transaction avait muté de sorte qu’elle

devienne un « moyen d’exécution des obligations », E. SERVERIN, P. LASCOUMES & T. LAMBERT,

Transactions et pratiques transactionnelles, Economica, 1987, p. 33 et s.

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

34

Titre II CONTRACTUALISATION SUBSTANTIELLE

Le risque du procès pour les parties résulte de l’existence d’un « aléa véritable

quand au contenu de la sentence 89

». C’est pour le moins paradoxal dès lors que l’on

sait que le droit se veut certain. Cet aléa s’explique particulièrement par l’application du

droit par les juges, qui n’est pas uniforme et donc source d’incertitudes. Ce doute quant

à l’issue du procès justifie le recours à la transaction. Plus encore, il sert de variable de

négociation pour les parties. Plus qu’un mode de résolution amiable des différends, la

transaction devient alors une alternative stratégique au jugement (Chapitre 1).

Cette transaction contractualisant la substance même du droit - les prétentions des

parties - n’a d’intérêt que lorsque le litige en question soulève de fortes incertitudes

quant à l’application du droit. Ainsi certains textes plus que d’autres suscitent le doute

quant à leur application par le juge, et c’est dans ce profil précis de litige que les parties

trouvent un intérêt à transiger. Au regard de la jurisprudence du tribunal de commerce

de Paris, il s’agira de mettre en exergue ce profil à partir d’un exemple manifeste, celui

de la rupture brutale des relations commerciales établies (Chapitre 2).

Chapitre I LA STRATEGIE TRANSACTIONNELLE

« Il est avantageux de s’accommoder quand on a raison, et de plaider quand on

a tort 90

». Le justiciable est rationnel, il opère des choix en fin stratège afin de

maximiser ses chances de gain, et de réduire ses pertes. Une stratégie qui repose sur

l’aléa judiciaire, utiliser l’incertitude quant à la décision du juge pour négocier un

compromis avec son adversaire.

La justice privée a su profiter de des effets pervers de la justice publique,

particulièrement l’aléa judiciaire et les incertitudes qu’il crée lors du procès (Section 1).

C’est ainsi que la transaction, alternative à la justice étatique, se développe comme une

véritable stratégie juridique, fondée sur la maitrise de l’aléa (Section 2).

89

L. BOYER, La notion de transaction : contribution à l’étude des concepts de cause et d’acte déclaratif,

Thèse Toulouse, 1947, p. 28 90

Voltaire, Dictionnaire philosophique, « Extrême », 1764

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

35

Section 1 Paradoxes autour de l’aléa judiciaire

Le droit exige des certitudes, notamment grâce au système de la preuve. Pourtant

il existe une sorte d’incertitude permanente en droit (Paragraphe 1).

Cette incertitude, par delà la vérité judiciaire issue de la parole du juge, est à

mettre en parallèle avec l’aléa judiciaire. Celui-ci, en ce qu’il crée une incertitude quant

à l’issue du procès, est source d’imprévisibilité et d’insécurité juridique (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 La permanence de l’incertitude en droit

Le droit entretient un rapport complexe à la vérité. La vérité judiciaire n'est pas

la vérité du philosophe : elle n’exclut pas le doute. La permanence de l'incertitude en

droit se manifeste à travers les notions d'autorité de la chose jugée et de preuve.

Certitude, doute, erreur judiciaire et preuve. D’une part, on rencontre

souvent au sein du code civil la notion de « certitude » 91

: objet certain, date certaine,

créance certaine. L’application du droit est alors conditionnée à une certitude quant à un

élément litigieux. L’article 1382 du code civil manifeste également l’importance de la

certitude en droit civil. En effet ce texte, pour se voir appliquer, exige qu’un lien de

causalité certain soit rapporté entre la faute de l’un et le dommage subi par l’autre. Ici

encore la certitude est une condition d’application du régime de la responsabilité

délictuelle. Ainsi le droit, et notamment la responsabilité délictuelle, n’est applicable en

théorie que si le doute ne subsiste pas sur le fait que l’auteur de la faute a certainement

causé un préjudice à la victime. Il existe un lien indéniable entre la certitude et la

vérité en droit : le juge recherche la vérité en exigeant des certitudes. Cette exclusion du

doute dans la réalisation du droit permettrait de limiter les cas d’erreurs judiciaires.

Autorité de la chose jugée. Carbonnier soulignait que le jugement trouve sa

valeur dans le fait qu’une fois les voies de recours épuisées, le litige est tranché

définitivement, garantissant la « sécurité juridique, stabilité et paix pour les

91

X.-Y. LI-KOTOVTCHIKHINE, " Le certain en droit civil", Petites affiches, 6 juillet 1999, n° 133, p.

12

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

36

hommes »92

. L’autorité de la chose jugée conférée aux décisions de justice entraine donc

une sécurité pour le justiciable, celle de voir son litige éteint et dans l’impossibilité

d’être remis en cause ultérieurement. Il faut en conclure que la parole du juge vaut

« présomption de vérité légale »93

du fait de la fin non recevoir. C’est une vérité non pas

parce qu’elle est certaine, mais parce qu’elle est définitive. Paradoxalement, l’autorité

de la chose jugée dont la finalité est d’apporter une sécurité aux décisions de justice

renvoie à l’impossibilité d’évacuer complètement le doute dans une justice humaine : le

débat est clos mais l’incertitude perdure.

Préjudice économique, difficulté de preuve et incertitude. Le doute est

permanent dans le droit, particulièrement en ce que la preuve influe sur le caractère

certain ou non d’une prétention. Etablir la preuve irréfutable, c’est anéantir le doute.

Mais dans certains domaines, particulièrement dans les contentieux commerciaux, la

preuve est difficile à rapporter, semant alors le doute sur la réalité factuelle. C’est

notamment le cas lorsqu’il s’agit d’établir la preuve d’un préjudice économique. D’une

part car c’est à la victime dudit préjudice de démontrer sa réalité au regard des

conséquences qu’il a eu sur l’activité de son entreprise. Or le lien de causalité entre les

agissements fautifs de l’auteur présumé et le préjudice à l’entité économique n’est pas

aisé à prouver, tant les facteurs qui influent sur l’activité de l’entité sont nombreux. Une

mauvaise stratégie publicitaire, une fluctuation du cout de production, la compétitivité

d’un concurrent sont autant d’arguments qui pourraient justifier une perturbation de

l’activité économique d’une entreprise. D’autre part, une fois le préjudice établi dans

son existence, la victime devra en estimer le montant. Or le quantum du préjudice doit

être établi de manière précise et tangible94

, ce qui parait délicat lorsqu’il s’agit d’évaluer

les conséquences économiques, aussi vastes qu’elles soient, d’une pratique fautive de la

92

J. CARBONNIER, Droit civil I, Introduction, PUF, 25ème

éd., 1997, n°190 et 192 93

Selon les termes de C. Boillot, la présomption de vérité légale attachée au jugement est un fondement

« artificiel » de l’autorité de la chose jugée. C. BOILLOT, La transaction et le juge, Thèse Clermont

Ferrand, 2003, p. 57 94

Sur la difficulté pratique de calcul du montant du préjudice économique et pour une proposition de

méthode de calcul, v. F. BELOT, "L'évaluation du préjudice économique", D. 2007, p. 1681

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

37

part d’une personne physique ou morale95

. Les difficultés probatoires maintiennent alors

un doute sur la réalité factuelle du préjudice et son évaluation.

Mais les juges ne sont pas tenus par l’évaluation du préjudice telle qu’elle est

estimée par les parties. La jurisprudence est constante96

sur le fait que les juges ont un

pouvoir souverain dans l’appréciation de ce montant, à savoir s’il est excessif ou non.

Ce pouvoir d’appréciation soulève une incertitude aux yeux des parties, qui ne peuvent

raisonnablement pas prévoir l’estimation que le juge fera. Ce manque de prévisibilité de

la justice, corollaire de la sécurité juridique, est dû à la présence d’un aléa dans les

décisions de justice.

Paragraphe 2 L’aléa judiciaire, source d’imprévisibilité et d’insécurité

juridique

L’aléa est désigné comme un « élément de hasard, d’incertitude qui introduit,

dans l’économie d’une opération, une chance de gain ou de perte pour les

intéressés97

». Il est omniprésent, ce que l’Histoire ne peut que confirmer98

. L’aléa

judiciaire n’a pas pour origine un phénomène unique, mais une multitude de causes.

Risque, incertitude et aléa du procès. « Le procès est par nature incertain,

donc source de risques pour les partie99

». L’aléa peut résulter d’un risque concernant

l’issue du procès. Ce risque repose alors sur la probabilité de victoire ou de perte du

procès. Le procès est toujours un risque pour les parties dès lors que cette probabilité,

positive ou négative, existe. L’aléa découle également d’une incertitude. Les parties

ignorent « les probabilités associées à chaque issue possible »100

du procès. Ce n’est

plus le risque qui cause l’aléa mais l’incertitude quand la réalisation de chaque

probabilité.

95

La Commission européenne avait d’ailleurs cerné la difficulté et proposé des mesures aux Etats

permettant une meilleure fiabilité dans l’évaluation du préjudice, Livre vert de la Commission européenne

du 19 décembre 2005, p. 7 et 8 96

V. par exemple, Cass, civ., 23 mai 1911, DP. 1912, I, n° 421 97

G. CORNU, Vocabulaire juridique, PUF, 4ème

éd., 2003, p. 45 98

Au Moyen-âge, l’application de certains châtiments issus du droit pénal dépendait d’évènements

hasardeux uniquement. 99

B. DEFFAINS et M. DORIAT-DUBAN, "Le procès: risque économique", Revue générale du droit des

assurances, 1er

juillet 2010, n° 2010-03, p. 870 100

Ibid.

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

38

Aléa et pouvoirs souverains du juge. Le pouvoir souverain des juges du fond

dans l’appréciation des faits et l’interprétation des textes de loi sont aussi sources

d’incertitude. Le juge face à un litige est investi de pouvoirs qui lui permettent de

résoudre au mieux le conflit. D’une part il donne aux faits une qualification juridique

afin d’appliquer un texte pour résoudre le litige. D’autre part le magistrat a la faculté

d’interpréter une disposition légale qui serait imprécise afin de l’appliquer ou non à une

espèce. De tels pouvoirs entrainent nécessairement des conséquences.

Incertitude textuelle et interprétation du juge. La qualité de certains textes101

est source d’aléa judiciaire en ce sens que certains textes sont particulièrement

imprécis102

et leur application nécessite une interprétation par le juge. Le juge, qui doit

faire application de la loi quelques soient les circonstances, est amené à interpréter un

texte au regard de ses opinions, qui peuvent diverger d’un juge à un autre. Dès lors les

parties ne peuvent prévoir l’interprétation qui sera retenue par le juge.

Doute factuel et appréciation souveraine du juge. Le pouvoir souverain

d’appréciation des juges est également à l’origine de l’aléa judiciaire. Le juge est avant

tout une personne, avec ses croyances et son raisonnement propre, ses opinions et ses

connaissances. Loin d’être de la partialité, sa personne même influe sur le jugement

qu’il va rendre, mais aussi son expérience. Dans les contentieux civils et commerciaux,

le juge doit interpréter des textes et apprécier des situations de faits, afin de leur

attribuer des conséquences juridiques. Or il est évident que d’un juge à un autre la

solution juridictionnelle peut ne pas être la même, tout simplement parce qu’ils ont

chacun une personnalité et un raisonnement propre. Les parties ne peuvent

raisonnablement pas prévoir l’issue du litige, compte tenu de l’appréciation

personnalisée qui sera faite. C’est pourquoi Boyer soutenait à juste titre qu’il y avait un

« aléa véritable quant au contenu de la sentence 103

».

101

X. LAGARDE, Colloque présidé par J.-B. DRUMMEN, "Sécurité", Revue Lamy droit des affaires,

mars 2008, n°25 102

Ce qui est parfois volontaire de la part du législateur. Etablir des textes ayant un vaste champ

d’application lui permet d’appréhender de nombreuses situations sous l’égide de ce texte, notamment des

situations qu’il ne saurait prévoir par avance. 103

L. BOYER, La notion de transaction : contribution à l’étude des concepts de cause et d’acte

déclaratif, Thèse Toulouse, 1947, p.28

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

39

Sécurité juridique, imprévisibilité et aléa. Toutes ces incertitudes introduisent

dans la décision de justice un aléa judiciaire : les parties ne peuvent raisonnablement

prévoir l’issue juridictionnelle du litige. Or cette imprévisibilité104

remet en cause la

sécurité juridique105

nécessaire au bon fonctionnement de la justice. Celle-ci est définie

comme « toute garantie, tout système juridique de protection tendant à assurer, sans

surprise, la bonne exécution des obligations, à exclure ou au moins à réduire

l’incertitude dans la réalisation du droit 106

». On ne peut que souligner sa

« mésalliance107

» d’avec la notion d’aléa qui intègre l’incertitude dans la mise en

œuvre du droit.

Dès lors qu’il existe un aléa quant à la solution juridictionnelle, les parties n’ont

pas le contrôle du contentieux. C’est pourquoi la transaction suscite leur intérêt en ce

qu’elle permet de maitriser l’aléa judiciaire. Dès lors elle devient l’instrument d’une

stratégie juridique.

Section 2 Une stratégie juridique fondée sur la maitrise de l’aléa

La formule usitée par la jurisprudence au sujet de la transaction est

particulièrement symbolique : « voulant éviter les aléas d'une procédure contentieuse

tant en ce qui concerne le résultat que le délai nécessaire une action judiciaire, les

parties ont décidé de se rapprocher pour mettre fin, d'un commun accord, après

concessions réciproques, à leur différend 108

».

Les parties veulent écarter le doute quant à l’issue de l’instance. De par la

transaction, elles anéantissent cette incertitude en prévoyant elles mêmes la solution au

litige (Paragraphe 1). C’est d’ailleurs bien plus qu’une simple alternative au jugement.

La transaction est l’instrument d’une véritable stratégie juridique, inscrite dans un

mouvement de justice managériale (Paragraphe 2).

104

Pour une critique de l’intelligibilité de la loi et de son imprévisibilité au regard du nombre grandissant

de textes, v. G. TEBOUL, Colloque "La prévision en droit des affaires : utopie ou nécessité?", Gaz. Pal.,

30 décembre 2010, n° 364, p. 4 105

L’auteur considère que la prévisibilité des décisions de justice est une condition nécessaire à la sécurité

juridique, X. LAGARDE, Colloque présidé par J.-B. DRUMMEN, "Sécurité", Revue Lamy droit des

affaires, mars 2008, n°25 106

G. CORNU, Vocabulaire juridique, PUF, 4ème

édition, 2003, p. 821 107

V. LASSERRE-KIESOW, "L'aléa", JCP G, n° 31, 27 Juillet 2009, 182 108

CA Paris, 7 octobre 2010, n° 09/00219

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

40

Paragraphe 1 Le contrôle de l’issue du conflit

Intérêt de la transaction, aléa et maitrise de la solution. L’aléa judiciaire

entraine l’impossibilité pour les parties de prévoir l’issue juridictionnelle du conflit.

C’est ce que Boyer appelait la théorie du doute objectif 109

. Cet aléa judiciaire n’est pas

une condition textuelle à la formation de la transaction, mais bien un élément qui est

pris en compte par les parties lors de sa conclusion. Si aucun doute n’est possible sur

l’issue du procès, il n’y aura aucun intérêt à transiger pour celui qui considère qu’il

gagnera, seulement pour l’autre partie. Le doute quant à la réalité de leurs prétentions

est l’élément qui incite les parties à transiger. Confier la résolution du litige à un juge,

c’est prendre le risque de perdre. C’est permettre à un tiers d’apprécier un conflit et

d’appliquer la loi pour y trouver une solution. Alors que par la transaction, les parties

maitrisent la résolution du différend. Elles écartent le doute puisqu’elles renoncent à

connaitre l’issue juridictionnelle du litige. Lorsqu’elles transigent, les parties ne s’en

remettent pas à l’autorité de la loi, mais élaborent un contrat qui leur tiendra lieu de loi

et qui mettra fin au litige.

Objet de la transaction, utilisation du doute et aléa. Mais le doute reste

l’objet de la transaction, un fondement de sa solution. En effet c’est au regard de la

solution juridictionnelle qui aurait pu être rendue, des éventualités de gains comme de

perte, que les parties vont négocier. Elles aboutissent à des concessions réciproques qui

ne sont que le reflet d’un compromis entre l’avantage espéré et la perte éventuelle :

« Chaque partie balance de bonne foi, et avec le désir de la conciliation, l’avantage qui

résulterait d’un jugement favorable et la perte qu’entrainerait une condamnation ; elle

sacrifie une partie de l’avantage qu’elle pourrait espérer, pour ne pas éprouver toute la

perte qui est à craindre »110

. C’est pourquoi la transaction « constitue une sorte de

pari 111

» : les parties vont utiliser le doute, l’incertitude quant à la solution

juridictionnelle pour tenter d’obtenir des concessions de la part de leur adversaire. Un

pari puisque chacune prend le risque de gagner moins par la transaction que devant le

109

L. BOYER, La notion de transaction : contribution à l’étude des concepts de cause et d’acte

déclaratif, Thèse Toulouse, 1947, p.28 110

Bigot PREAMENEU, Code civil, Livre III, I° partie, Garnery, 1803, p. 148 111

E. SERVERIN, P. LASCOUMES & T. LAMBERT, Transactions et pratiques transactionnelles,

Economica, 1987, p. 29

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

41

juge, ou de perdre plus. Mais à la différence d’un jugement, l’issue du litige est

prévisible car la loi de la transaction est la volonté des parties. Dès lors la transaction

permet de garantir une certaine sécurité juridique.

A la différence du jugement, la transaction n’est donc pas entachée par le doute.

Au contraire, les parties utilisent cette incertitude pour négocier un compromis entre

leurs intérêts. Bien plus qu’un pari, le protocole transactionnel est devenu une stratégie

juridique pour résoudre les conflits à la manière d’une « justice managériale 112

».

Paragraphe 2 Le développement de la justice managériale

MARC et tribunal de commerce. Près de 3123 affaires portées devant le

tribunal de commerce de Paris ont fait l’objet d’une résolution amiable en 2009113

. Cela

représente environ 12% des affaires traitées par la juridiction consulaire parisienne.

Bien que les mesures alternatives de règlements des conflits aient un impact non

négligeable en France, les Etats Unis114

ou l’Angleterre ont une longueur d’avance en la

matière115

. C’est particulièrement le cas en droit des affaires. Une étude statistique a

d’ailleurs révélé que 63% des entreprises américaines ont mis en place une politique de

gestion des litiges par les MARC, contre seulement 37% en France116

.

Justice managériale et rationalité des justiciables. Plus qu’une progression de

la justice privée ou participative, A. Garapon décèle un développement d’une justice

dite « managériale » en France. Il part du postulat que les parties sont des individus

rationnels117

qui recherchent naturellement à maximiser leurs profits et limiter leurs

112

A. GARAPON, La raison du moindre Etat : le néolibéralisme et la justice, éd. Odile Jacob, 2010, p.

65 113

Cf. Annexes 114

Seulement 39% des entreprises françaises ont recours à la médiation contre 85% des entreprises

américaines, I. VAUGON & M. DARY, "Les modes alternatifs de règlement des conflits : une stratégie

gagnante pour les entreprises", Cahiers de l'arbitrage, 1er

janvier 2010, n° 1, p. 65 115

F. G'SELL-MACREZ, "Vers la justice participative ? Pour une négociation « à l'ombre du droit »", D.

2010, p. 2450 116

I. VAUGON & M. DARY, "Les modes alternatifs de règlement des conflits : une stratégie gagnante

pour les entreprises", Cahiers de l'arbitrage, 1er

janvier 2010, n° 1, p. 65 117

Pour une étude de la rationalité des individus en situation de négociation, v. J. ROJOT, "La gestion de

la négociation", RTD com., 1998, p. 447

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

42

pertes118

. On ne se place plus dans une justice à la recherche de la vérité, mais dans une

justice d’efficacité stratégique. Il n’y a plus d’incertitude quant à l’issue du conflit

puisque les parties en transigeant créent leur propre droit, leur solution personnalisée.

Les parties à la transaction mettent en place une véritable stratégie juridique.

Elles utilisent le doute quant au verdict du juge, mettent en avant les risques de gain

comme de perte. C’est ainsi qu’elles négocient, en véritables stratèges, afin d’obtenir le

plus d’avantages possibles, en contrepartie de moindres inconvénients. La transaction

est par conséquent, une véritable négociation119

dès lors qu’il existe un aléa judiciaire

inhérent à l’issue judiciaire du litige.

Management des droits des parties. L’idée d’un compromis entre les intérêts

des parties n’est pas exclusive à la transaction en droit des affaires. Aux Etats-Unis

notamment, la procédure de plea bargaining en droit pénal aboutit sur un accord où le

prévenu préfère renoncer au procès équitable, mais s’assurer que sa peine sera réduite.

On pourrait également évoquer la procédure de clémence en droit de la concurrence où

l’auteur de l’infraction préfère dénoncer les coauteurs mais réduire ou anéantir son

amende. Dans le cas d’une transaction, les parties renoncent à leur droit d’agir et de

connaitre l’issue du procès, mais écartent l’aléa pour avoir des avantages certains

qu’elles n’auraient peut être pas obtenu par décision judiciaire.

Institutions et résolution amiable. Par conséquent, comme le souligne A.

Garapon, les institutions se mettent au service du justiciable en lui permettant de

résoudre le litige par la justice privée120

. On observe que de plus en plus de mode de

résolution amiable des différents se développent dans différents domaines. A titre

d’exemple, la procédure de divorce à l’amiable en droit civil ou la comparution sur

118

La transaction pour A. Garapon est une forme de justice dite « dealatoire », où les parties font un

calcul rationnel cout-avantage. A. GARAPON, La raison du moindre Etat : le néolibéralisme et la

justice, éd. Odile Jacob, 2010, p. 65 119

J. Rojot étudie la négociation au regard du célèbre dilemme du prisonnier de Simon, où les parties

peuvent adopter une stratégie conflictuelle ou coopérative. Ce raisonnement est applicable à la

transaction : généralement dans une transaction ayant pour finalité d’écarter l’aléa judiciaire, les parties

opteront pour une stratégie coopérative. Elles doivent négocier au regard de la solution qui leur parait

idéale, en tenant compte des chances de sa réalisation et des attentes de l’autre partie. J. ROJOT, "La

gestion de la négociation", RTD com., 1998, p. 447 120

Selon A. Garapon, le droit est un capital pour l’individu, qu’il doit pouvoir utiliser à son gré, par

exemple par le système du plea bargaining, A. GARAPON, op. cit., p. 66

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

43

reconnaissance préalable de culpabilité en droit pénal sont des modes de résolution des

conflits fondés sur la négociation, le compromis.

Faveur législative, transaction alternative. Outre la multiplication des

procédures amiables, le législateur manifeste sa faveur idéologique inspirée par "la

raison du moindre Etat" néolibérale. C’est d’autant plus vrai pour les transactions qui

ont autorité de la chose jugée en vertu de l’article 2052 du code civil. Cet effet parallèle

à celui que produit un jugement permet aux parties de s’assurer que le litige éteint, sans

possibilité de remise en cause ultérieure. La transaction garantie alors une sécurité

juridique à l’accord des parties qui lui permet d’être une réelle alternative au jugement

des plus favorables121

.

Aléa judiciaire, incertitude, doute… Tantôt des raisons de rendre la justice

imprévisible et de maintenir un doute permanent dans le droit, tantôt des arguments

pour négocier et obtenir des avantages par la transaction. Il y a donc deux revers de

l’aléa judiciaire.

« Le risque du procès résulte de l'incertitude sur le droit et sur son application

par les juges.122

». Une application d’autant plus imprévisible lorsqu’elle concerne un

texte imprécis comme celui régissant la rupture brutale des relations commerciales

établies.

Chapitre II UNE JUSTICE NEGOCIEE

En matière de rupture brutale des relations commerciales établies, nombreux

sont les auteurs qui ont dénoncé l’imprévisibilité de la décision du juge123

. L’article

L442-6-I-5° est soumis, pour certaines de ses conditions d’application, à l’appréciation

121

Cette justice pour les parties et par les parties est pour l’auteur une forme optimale de justice. A.

GARAPON, op. cit., p. 65 122

B. DEFFAINS et M. DORIAT-DUBAN, "Le procès: risque économique", Revue générale du droit

des assurances, 1er

juillet 2010, n° 2010-03, p. 870 123

Voir notamment : M. BEHAR-TOUCHAIS, "La rupture brutale d'une relation commerciale établie",

Petites affiches, 9 octobre 2008, n° 203, p. 9

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

44

du magistrat au regard des faits dont il dispose. Dès lors les parties ont un doute réel sur

l’issue du litige, qu’elles ne peuvent raisonnablement pas prévoir (Section 1).

Le nombre d’affaires ayant fait l’objet d’un désistement, d’une transaction

constatée ou autres modes de justice alternative dans ce type de contentieux est

révélateur : 18 affaires portées devant les juges du tribunal de commerce de Paris en

2009, sur 125 affaires124

. C’est dire si les alternatives au jugement sont développées en

la matière. Or il faut comprendre que bien souvent ces désistements correspondent à une

transaction entre les parties. Une transaction stratégique qui permet de maitriser l’aléa

judiciaire, reflet d’une négociation entre les parties (Section 2).

Section 1 L’imprévisibilité de la parole du juge

En matière de rupture brutale des relations commerciales établies,

l’imprévisibilité est de mise. D’une part il subsiste un doute sur la réalité factuelle, qui

dépend non seulement de l’établissement des faits et de la preuve de la faute par les

parties, mais également de leur appréciation par le juge (Paragraphe 1). D’autre part

l’évaluation du préjudice, si son existence est démontrée, est soumise à son

appréciation. Or les difficultés d’évaluation du préjudice économique confrontent les

parties à une incertitude relative à son quantum (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 Le doute sur la réalité factuelle : établissement des faits

et preuve de la faute

Imprécision légale. L’exemple de l’article L442-6-I 5° du code de commerce,

relatif à la rupture brutale des relations commerciales établies est une significative

illustration du doute sur la réalité factuelle lors du procès. Ce dernier dispose que « I.-

Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait,

par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire

des métiers : 5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale

établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et

respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du

124

Cf. Annexes

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

45

commerce, par des accords interprofessionnels. ». Le texte ne donne que peu

d’indications sur ce qu’est une relation commerciale établie, sur le caractère brutal de la

rupture ou même sur la durée du préavis qu’il faudrait respecter. C’est donc la

jurisprudence qui a contribué à préciser les termes du texte, par son interprétation de

l’article L442-6-I 5°.

Faisceau d’indices, appréciation du juge. Les juges ont ainsi déterminé qu’il y

a rupture des relations commerciales établies lorsque sont caractérisés une relation

commerciale établie, une rupture brutale et sans préavis, et un préjudice

indemnisable125

. C’est par la recherche d’un faisceau d’indices que les magistrats vont

caractériser ou non l’existence de la relation commerciale établie126

et sa rupture

brutale127

. L’application de ce texte ne se résume donc pas à une application stricte et

littérale. Il faut qualifier les faits, apprécier une situation juridique et surtout

commerciale : le juge use de son pouvoir d’appréciation et d’interprétation. Par

conséquent, il se peut que d’un juge à un autre l’appréciation ne soit pas la même. Pour

l’un il peut y avoir une relation établie, pour l’autre non.

Relation établie et interprétation contraire. D’autant qu’il n’y a pas de

modèle d’appréciation par les juges. C’est ainsi qu’il n’est pas impossible que les juges

aient une interprétation contraire à l’esprit du texte. N. Mathey soulignait d’ailleurs ce

phénomène128

en dénonçant non pas la décision finale qu’il estimait justifiée mais le

raisonnement restrictif des juges de la Cour d’appel de Paris qui était contraire à l’esprit

du texte. En effet ceux-ci estimaient qu’il n’y avait pas de relation établie puisqu’il n’y

avait pas de contrat. Or l’article L442-6-I 5° a vocation à s’appliquer même en l’absence

de contrat cadre, c’est même l’une des raisons d’être du texte. Ainsi en l’absence de

125

V. par exemple TC Paris, 10 septembre 2009, RG n°2008064668 126

V. notamment sur l’existence d’une relation établie : Caen, 2 juin 2005, n°2005-284346 sur la relation

établie par le fait qu’une société passait 8 à 9 commandes par an représentant jusqu’à 30% de son chiffre

d’affaires ; TC Paris, 13 septembre 2006, RG n° 2006311466 sur l’existence d’une relation commerciale

établie en raison de la succession d’opérations ponctuelles et régulières 127

V. notamment sur la brutalité de la rupture : TC Paris, 2 avril 1999, JCP E 2000, p.178, n°12, obs. D.

FASQUELLE, où les juges estiment que quatre mois ne sauraient constituer un préavis suffisant au

regard de la relation commerciale trentenaire en matière de distribution de prêt à porter ; Douai, 5

décembre 2002, Cah. Dr. Entr. 2003/3, p. 2, obs. D. MAINGUY, où les magistrats ont estimé que huit

mois de préavis n’étaient pas suffisants au regard d’une relation de vingt cinq ans. 128

N. MATHEY, "Appréciation de l'existence d'une relation commerciale établie", Contrats Concurrence

Consommation, février 2011, n°2, comm. 31

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

46

modèle d’appréciation, la décision des juges peut être non seulement erronée car mal

fondée, mais surtout différente d’une juridiction à une autre.

Appréciation souveraine, brutalité et durée du préavis. La durée du préavis

est également sujet à controverse. En effet le texte prévoit que la durée du préavis doit

être déterminée au regard des accords interprofessionnels. Or rares sont ces accords. Il

appartient alors aux juges du fond, de par leur pouvoir souverain d’appréciation129

, de

déterminer la durée de ce préavis en l’absence d’accords interprofessionnels. Mais

comme le soulignait M. Béhar-Touchais130

, l’appréciation de cette durée ne sera pas la

même d’un juge à l’autre131

. Ainsi la solution juridictionnelle est imprévisible pour les

entreprises. Et l’on sait que l’imprévisibilité va de pair avec l’insécurité juridique.

L’article L442-6-I-5° est donc imprécis, et cette lacune vise à être comblée par le

pouvoir d’appréciation des juges du fond, au détriment de la sécurité juridique.

Preuve, appréciation factuelle et doute. Ainsi, la solution juridictionnelle du

conflit en matière de rupture brutale des relations commerciales établies ne saurait être

prévisible. Dès lors que l’application de L442-6-I-5° n’est pas mécanique ou littérale,

les parties ne peuvent raisonnablement prévoir l’issue du litige. Tout dépend des

preuves factuelles qu’elles rapporteront, tant concernant l’établissement des faits que la

preuve de la faute, et de leur appréciation par le juge. Ainsi elles ignorent la probabilité

de leurs chances de perdre, ou de gagner le procès.

Encore que même si elles arrivent à justifier l’application de l’article L442-6-I

5°, les parties ne peuvent raisonnablement pas être certaines de la somme qui sera

retenue par les juges au titre de l’indemnisation de la rupture. Les difficultés relatives à

l’évaluation du préjudice économique entrainent une autre incertitude pour les parties,

celle du quantum du préjudice.

129

Cass. com., 6 juin 2001, Bull. civ. IV, no 112 ; Cass. com., 12 mai 2004, Bull. civ. IV, n

o 86.

130 M. BEHAR-TOUCHAIS, "La rupture brutale d'une relation commerciale établie", Petites affiches, 9

octobre 2008, n° 203, p. 9 131

M. Béhar-Touchais prenait l’exemple d’une affaire jugée par le tribunal de commerce de Paris. Ce

dernier avait estimé la durée du préavis à deux ans, alors que la Cour d’appel saisie de l’affaire jugeait

que trois mois de préavis suffisaient. V. TC Paris, 13 juin 2005, no 2005/9018, RLC 2006 ; CA Paris, 20

octobre 2005, RG no 05/13805

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

47

Paragraphe 2 L’incertitude dans l’évaluation judiciaire du préjudice

économique

Jurisprudence et variabilité d’appréciation. L’évaluation du préjudice est le

fléau des contentieux commerciaux, notamment en matière de rupture brutale des

relations commerciales établies. La jurisprudence a précisé que c’est la brutalité de la

rupture qui entraine un préjudice réparable et non la rupture elle même132

. Or les

préjudices découlant de la brutalité de la rupture peuvent être très variés. O. Deshayes a

recensé quelques 31 décisions qui illustrent la grande diversité des préjudices découlant

du dommage économique causé par la rupture brutale, la variation de la durée des

relations, et par conséquent l’éventail de montant des condamnations133

.

Variétés de préjudices et appréciation in concreto. Cet auteur a également

identifié « les conséquences indemnisables du non-respect d’un préavis raisonnable ».

Le préjudice principal est la perte de marge durant la durée de préavis qui aurait dû être

observé. Le quantum du préjudice qui a pour base la durée du préavis qui aurait du être

observé, est variable dès lors que la durée du préavis s’apprécie au cas par cas. Les

juges vont alors évaluer le préjudice in concreto, au regard de la durée de la relation et

du chiffre d’affaires134

. D’autres préjudices « complémentaires » peuvent découler de la

rupture brutale des relations commerciales établies : coûts des licenciements consécutifs

à la baisse du chiffre d’affaires causée par la rupture, atteinte à l’image. Mais s’ils sont

difficiles à établir par un rapport causal, ces préjudices sont également complexes à

chiffrer.

132

V. par exemple Toulouse, 24 juin 2008, RG n° 2008373246 : « Le préjudice ne résulte pas de la

rupture, mais du caractère brutal et sans préavis de cette rupture qui ne permet pas à la partie qui la

subit de prendre les dispositions nécessaires en temps utile pour donner une nouvelle orientation à ses

activités. » 133

O. DESHAYES, "Le dommage réparable en cas de rupture brutale d'une relation commerciale

établie", Revue Lamy droit des Affaires, juillet 2010, n° 51, p. 98 134

Pour un exemple de calcul in concreto du quantum du préjudice, v. TC Paris, 10 septembre 2009, RG

n°2008064668 : « il paraît de bonne justice compte tenu de l'ancienneté des relations et de la façon

abusive dont la rupture des relations a été gérée, de considérer qu'un préavis de dix huit mois aurait été

justifié entraînant une perte de chiffre d’affaires avec la SAS BRASSERIES KRONENBOURG sur quatre

ans en moyenne de 850.000 € par an, soit une perte de marge au taux moyen admis par les parties de

40% de 850.000/an x 1,5 an x 0.40= 510.000 € et fixera le préjudice subi par la SA SELLING SYSTEM à

ce montant ».

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

48

Ecart significatif entre prétention et condamnation. D’après ces

constatations, les parties ne peuvent se fonder sur la jurisprudence antérieure tant

l’appréciation du quantum du préjudice s’apprécie au cas par cas. C’est pourquoi une

incertitude plane sur la mesure de la condamnation du défendeur. D’autant que la

jurisprudence du tribunal de commerce de Paris confirme la variabilité qui existe entre

ce que le demandeur prétend être en droit de demander et ce que le juge va accorder

comme indemnisation. A titre d’exemple, dans un jugement du 10 septembre 2009135

,

les juges du tribunal de Paris ont estimé le préjudice issu de la rupture brutale des

relations commerciales établies à 510 000 euros, compte tenu de l’ancienneté des

relations et du chiffre d’affaires. Or le demandeur avait prétendu à plus d’1 200 000

euros à titre d’indemnisation du préjudice, soit bien moins que ce qui lui a été accordé.

On peut encore illustrer ces propos par le jugement du 20 mars 2009136

, par lequel les

juges du tribunal de commerce de Paris n’ont accordé que 400 000 euros

d’indemnisation au titre de la rupture brutale à la société demanderesse qui estimait son

préjudice à 2 000 000 d’euros.

Ces incertitudes contentieuses, liées à l’appréciation aléatoire des juges du fond

au regard des preuves qui leur sont rapportées, amènent les parties à considérer la

transaction, en ce sens qu’elle permet de maitriser l’aléa judiciaire.

Section 2 La maitrise d’une issue négociée

Boyer considérait que la transaction supposait, pour qu’elle soit conclue, qu’il

existe un aléa judiciaire créant une incertitude dans l’esprit des parties137

. Ce doute

objectif issu de l’imprévisibilité de la parole du juge est manifeste en matière de

contentieux relatifs à une rupture brutale des relations commerciales établies. C’est

pourquoi au regard de la jurisprudence en la matière et au nombre de désistements

constatés en 2009 par le tribunal de commerce de Paris, on peut déduire que ce type de

litige se règle la plupart du temps par une transaction implicite (Paragraphe 1).

135

TC Paris, 10 septembre 2009, RG n°2008064668 136

TC Paris, 20 mars 2009, RG n° 2006085759 137

L. BOYER, La notion de transaction : contribution à l’étude des concepts de cause et d’acte

déclaratif, Thèse Toulouse, 1947, p.28

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

49

Une transaction implicite dont on ne peut que supposer le contenu et qui a pour

finalité de maitriser l’aléa judiciaire tout autant que d’en user pour négocier. C’est en

s’attachant aux prétentions des parties, reflet de leurs intérêts, et à ce que pourrait être la

solution juridictionnelle que l’on peut déterminer quelles seront les concessions

réciproques des parties. Un compromis entre les attentes des parties qui est susceptible

de porter sur le droit substantiel (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 Une résolution du conflit par transaction implicite

La plupart des affaires relatives à l’article L442-6-I-5° du code de commerce

portées devant le tribunal de commerce de Paris en 2009 ont fait l’objet d’un

désistement de la part du demandeur. En analysant le contexte de ces décisions, il

apparait que ces affaires ont fait l’objet d’une résolution amiable par la transaction (A).

Le doute objectif sur l’issue juridictionnelle amène les parties à négocier une résolution

amiable plutôt que de prendre le risque de perdre le procès (B).

A. Désistements explicites, transactions implicites

Désistements. L’étude de la jurisprudence du tribunal de commerce de Paris

permet de dégager certaines constatations. En effet, les juges consulaires ont été amenés

à traiter 125 contentieux relatifs à une rupture brutale des relations commerciales

établies en 2009. Or, il est surprenant d’observer que 18 de ces affaires ont fait l’objet

d’un désistement d’instance138

de la part du demandeur, accepté par le défendeur,

parfois même d’un désistement d’action139

. Par conséquent, dans les 14 affaires ayant

fait l’objet d’un désistement, le demandeur a abandonné ses prétentions.

Montant des prétentions, renonciation et désistements. Néanmoins, au regard

du montant des demandes qui ont été formulées, il parait inconcevable que le litige se

soit éteint sans qu’il n’y ait eu besoin de le résoudre. Une affaire parmi tant d’autres140

138

Cf. Annexes 139

A la différence du désistement d’action qui entraine l’impossibilité d’agir contre une personne

déterminée, le désistement d’instance ne concerne que la contestation amenée devant le juge et l’éteint. 140

V. notamment TC Paris, 25 mars 2009, RG n° 2007038246 ; TC Paris, 29 juin 2006, RG n°

2008087963 ; TC Paris, 23 juin 2009, RG n° 2007009970 ; TC Paris, 29 octobre 2009, RG n°

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

50

permet d’illustrer ces propos. Dans un jugement du 9 mars 2009141

, les juges du

tribunal de commerce de Paris ont constaté le désistement d’instance de la société

Spilan, accepté par la défenderesse qui n’était autre que la société Carrefour France. Or

la demanderesse prétendait que la société Carrefour France devait être condamnée à lui

verser les sommes de 6 249 000 d’euros pour rupture brutale des relations commerciales

établies, 1 000 000 d’euros au titre d’un préjudice moral et 2 800 000 d’euros au titre de

divers préjudices économiques découlant de la rupture. Il parait difficile à croire que la

demanderesse a renoncé à ses prétentions s’élevant à plus de 10 000 000 d’euros.

Autant qu’il est inconcevable que la société Be Pôles ait renoncé à demander 800 000

euros de dommages et intérêts au défendeur au titre notamment d’une rupture brutale

des relations commerciales établies lors du jugement du 18 septembre 2009142

.

Transactions implicites. Ainsi il apparait que les parties ont résolu le litige

autrement que par la voie judiciaire. Certains jugements du tribunal de commerce de

Paris143

confortent cette idée par la mention expresse de l’existence d’un protocole

d’accord entre les parties dans les contentieux fondés sur l’article L442-6-I-5° du code

de commerce.

Il n’apparait donc pas exagéré de conclure que lorsque le demandeur se désiste

de l’instance, il ne renonce pas à sa prétention définitivement. Les parties concluent une

transaction qui les amène à se désister de l’instance puisque qu’elles ont obtenu une

résolution amiable du litige, influencée par un doute objectif.

B. L’influence de la théorie du doute objectif sur la conclusion de la

transaction

Doute objectif et réalités des prétentions. Il a été démontré précédemment que

dans les contentieux relatifs à une rupture brutale des relations commerciales établies,

l’aléa judiciaire empêche les parties de prévoir l’issue du procès. Notamment car le juge

2008058391 ; TC Paris, 18 novembre 2009, RG n° 2008019481 ; TC Paris, 12 mars 2009, RG n°

2008041218 141

TC Paris, 9 mars 2009, RG n° 2009007891 142

TC Paris, 18 septembre 2009, RG n° 2008071347 143

TC Paris, 12 mars 2009, RG n° 2008041218 : « vu le protocole transactionnel signé le 10 février

2009 » ; TC Paris, 25 mars 2009, RG n° 2007038246 : « la partie demanderesse déclare se désister de

l'instance et de l'action (protocole d’accord conclu entre les parties le 18 novembre 2008) »

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

51

a un pouvoir d’appréciation de la situation de faits qui ne permet pas aux parties de

connaitre avec certitude le résultat de son raisonnement. Un doute objectif subsiste

quant au contenu de la sentence. Les parties ont un doute sur la réalité de leurs droits

mais aussi sur l’évaluation du montant qui serait dû à titre de la violation de ces droits.

Cet aléa sur le droit substantiel constitue bien pour elles un doute objectif qui rend la

solution juridictionnelle incertaine.

Risques et intérêts de la transaction. Le doute objectif des parties est alors la

motivation de celles-ci à transiger. Plutôt que de prendre le risque d’être débouté de ses

prétentions, le demandeur préfère transiger. Quant au défendeur, au lieu de risquer une

condamnation au paiement de dommages et intérêts qui peuvent être colossaux, il va

opter pour un accord transactionnel. C’est ainsi que les parties vont s’accorder sur un

compromis dont la finalité est de contractualiser l’aléa judiciaire.

Pari juridique, transaction et modèle de résolution des conflits. Certains

auteurs considèrent que le choix des parties pour ce type de transaction est un

particulièrement risqué. Peut être même plus que le risque encouru par les parties devant

les juridictions judiciaires. C’est ainsi que l’un d’entre eux avançait que « ce passage

volontaire de l'incertain au certain, du douteux à l'acquis, des prétentions aux droits,

constitue en lui-même une prise de risques. Reconnaître les droits de l'autre, renoncer

ne serait-ce que partiellement aux siens, tout en renonçant à demander au juge de

trancher entre les prétentions respectives, sont des choix risqués.144

». D’autres lui

préférent un rôle de modèle de résolution des litiges145

. C’est plutôt en ce sens qu’il

faudrait la concevoir dès lors que dans ce profil de contentieux, les concessions de

chacun permettent une solution équilibrée, entre les attentes des parties et ce qu’elles

pourraient ou non obtenir du juge.

Paragraphe 2 Une négociation sur le droit substantiel

Absence d’homologation et contenu supposé de la transaction. La transaction

telle qu’elle est conclue par les parties dans les contentieux relatifs à la rupture brutale

144

P. PUIG, "La transaction : atouts et risques", Petites affiches, 3 décembre 2009, n° 241, p. 29 145

T. CLAY, « Le modèle pour éviter le procès », in Code civil et modèles : Des modèles du Code au

Code comme modèle, LGDJ, 2006, p. 51

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

52

des relations commerciales établies n’est pas homologuée par les juges. Ils donnent acte

du désistement des parties, parfois même de l’accord, mais aucun exemple

d’homologation ne peut être cité au sein de la jurisprudence du tribunal de commerce de

Paris en 2009. Par conséquent le contenu des accords n’est pas dévoilé. Il s’agit alors

d’étudier ce que les concessions des parties pourraient être au regard de leurs attentes et

du jugement qui pourrait intervenir.

Prétentions et intérêts économiques du demandeur. Une analyse des

prétentions des parties est nécessaire à la détermination de leurs intérêts. Le demandeur

qui s’estime victime d’une rupture brutale demande généralement une indemnisation

dont le montant plus ou moins élevé au regard de la durée des relations commerciales.

Par exemple, pour une relation commerciale ayant duré treize ans entre un fabricant de

bijoux et un distributeur notoire, le fabricant qui se prétend victime d’une rupture

brutale des relations commerciales de la part du distributeur a demandé au juge une

indemnisation de plus de 2 000 000 d’euros146

. Ou encore la demande de dommages et

intérêts d’une société s’élevant à 300 000 euros au titre de l’article L442-6-I-5° du code

de commerce147

. Les parties fondent leur évaluation du préjudice total sur l’existence de

divers dommages découlant de la rupture, de la perte de marge au cout des

licenciements dus à la restructuration de l’entreprise consécutive à la rupture par

exemple. Il faut en conclure qu’au regard des conséquences économiques sur l’activité

de l’entreprise, la victime de la rupture cherche à obtenir la somme la plus élevée

possible à titre d’indemnisation. Plus la relation commerciale a duré, plus sa demande

est élevée. Ainsi la plus grande crainte du demandeur est de voir le juge refuser

l’application de L442-6-I-5° du code de commerce.

Prétentions et craintes du défendeur. Le défendeur prétend systématiquement

que l’application de L442-6-I-5° doit être écartée car la rupture brutale des relations

commerciales établies ne saurait être caractérisée148

. Il soutient parfois que le

demandeur s’est rendu coupable de manquements fautifs qui ont justifié la rupture149

146

TC Paris, 20 mars 2009, RG n° 2006085759 147

TC Paris, 25 mars 2009, RG n° 2007038246 148

V. notamment, TC Paris, 10 septembre 2009, RG n°2008064668 ; TC Paris, 20 mars 2009, RG n°

2006085759, TC Paris, 29 juin 2009, RG n° 2008087963 149

TC Paris, 10 septembre 2009, RG n°2008064668

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

53

conformément aux dispositions du texte150

. On peut déduire de ses prétentions que

l’intérêt du défendeur est de ne rien payer au demandeur, ou alors le moins possible.

Parallèlement il craint une condamnation au titre de L442-6-I-5° qui entrainerait le

paiement de dommages et intérêts conséquents.

Compromis, risques, concessions et stratégie juridique. Quelles peuvent alors

être les concessions des parties à la transaction ? On peut imaginer que les parties vont

chercher un compromis au regard de leurs attentes et de leurs craintes. Les risques de

gain et ceux de perte, qui irriguent la négociation entre les parties. B. Deffains

expliquait cette négociation comme un jeu151

, dans lequel les parties élaborent une

stratégie pour réaliser un profit maximal au regard de ce qu’aurait pu être la solution

juridictionnelle. Il en résultait une sorte de bilan cout-avantage permettant d’établir une

proposition d’accord équilibrée. On retrouve cette analyse économique de la transaction

en matière d’accords relatifs à une rupture brutale des relations commerciales établies.

Ainsi le demandeur peut concéder au défendeur de réduire la somme à laquelle il

prétendait devant le juge : ainsi il est sûr qu’il obtiendra une somme d’argent, même si

elle moindre. Il transige sur le montant car il n’est pas certain que le défendeur sera

condamné, ou même du montant qui sera accordé par les juges s’ils caractérisent une

rupture brutale des relations commerciales établies. Quant au défendeur, il accepte de

verser une somme au demandeur, mais bien moindre que ce qu’un juge pourrait

accorder. C’est une concession de sa part mais il évite le risque d’être condamné à une

somme plus élevée. Il peut aussi accorder un avantage commercial dans le cas où la

relation d’affaire se poursuivrait grâce à ce mode de résolution amiable. Il y a donc une

réciprocité des concessions des parties.

Ce deuxième profil de transaction illustre une autre vocation de ce mode

alternatif de résolution des litiges : anéantir l’incertitude contentieuse qui persiste en

raison de l’imprévisibilité de la parole du juge. Les parties renoncent à une justice

150

L’article L442-6-I-5° du code de commerce dispose que : « Les dispositions qui précèdent ne font pas

obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations

ou en cas de force majeure ». 151

B. DEFFAINS, "Analyse économique de la résolution des conflits juridiques", Revue française

d'économie, Vol. 12, n°3, 1997, p. 57-99

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

54

publique inopportune et aléatoire au profit d’une justice privée certaine et managériale.

De sorte qu’à la différence d’avec une solution juridictionnelle, elles ont la maitrise de

l’aléa judiciaire et plus généralement de la résolution de leur conflit. Les parties

transigent sur la substance même de leurs droits. Elles créent leur propre loi par le

contrat de transaction, fruit d’une négociation fondée sur les risques encourus. L’aléa

judiciaire devient bien plus qu’une motivation à transiger, il devient le vecteur de la

négociation entre les parties.

La transaction qui contractualise l’aléa, judiciaire ou procédural, est donc un

modèle de résolution des litiges en ce qu’elle instaure une véritable négociation, à

l’instar de celles des relations d’affaires. Qu’elle ait pour finalité l’aménagement de

l’exécution des obligations du débiteur ou la négociation sur les droits substantiels des

parties, la transaction est ici vertueuse. Elle permet l’équilibre entre les intérêts des

parties au sein du compromis et une justice apaisée152

, favorable à la poursuite des

relations commerciales. Bien loin d’un jugement qui ne trancherait que dans l’intérêt

d’une des parties, la transaction est une alternative pacifique à la justice publique. C’est

la stratégie la plus aboutie pour éviter les risques du procès.

Mais la transaction est ambivalente. Vertueuse lorsqu’elle permet d’écarter les

risques du procès, elle l’est bien moins lorsqu’il s’agit d’éviter les risques de procès. La

distinction, que l’on doit à B. Deffains et M. Doriat-Duban153

, est révélatrice de cette

ambivalence. La transaction ayant pour finalité d’éviter l’introduction d’une instance, le

risque de procès, est manifestement un acte vicieux. Un acte dont le seul but est de

conserver une certaine privacité du litige plutôt que de le rendre public par la justice

étatique.

152

C. JARROSSON, « La transaction comme modèle », in Le conventionnel et le juridictionnel dans le

règlement des différends, sous la dir. de P. ANCEL, M.-C. RIVIER, Economica, coll. Etudes juridiques,

2001, p. 60 et s. 153

B. DEFFAINS et M. DORIAT-DUBAN, "Le procès: risque économique", Revue générale du droit

des assurances, 1er

juillet 2010, n° 2010-03, p. 870

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

55

PARTIE II CONTRACTUALISATION VICIEUSE DE LA

PRIVACITE

La privacité est l’un des piliers des modes alternatifs de règlement des

conflits154

. Leur développement croissant, notamment celui de la transaction, repose en

partie sur cette discrétion. Cette vertu des MARC suscite particulièrement l’intérêt des

acteurs du monde des affaires en ce qu’elle leur permet de maintenir leurs différends

dans une sphère privée155

.

Cette privacité est significative d’une rupture entre la transaction et les modes

juridictionnels de résolution des conflits. En effet, la conception traditionnelle de la

justice étatique repose sur le principe de publicité de la justice, indispensable à sa

transparence. Or cette publicité et les effets qu’elle entraine est incompatible avec les

intérêts des entreprises commerciales : le procès est un risque156

. Tantôt un risque

commercial, en ce qu’il entraine des conséquences sur la réputation et l’activité de

l’entreprise (Titre 1) ; tantôt un risque juridique parce qu’il permet le développement de

précédents (Titre 2).

Transiger, c’est anéantir les risques issus de l’introduction d’une instance en

optant pour une justice alternative et privée. Le procès n’est plus l’instrument de la

justice mais celui de la transaction : il devient un moyen contraignant l’entreprise à

transiger.

154

G. CORNU, Les modes alternatifs de règlements des conflits : Rapport de synthèse, Rencontres

internationales de droit comparé, Damas 5-8 octobre 1996, RIDC, 1997 (2), p. 313 155

M. ARMAND-PRÉVOST, "Quelques interrogations sur le traitement des litiges entre sociétés

commerciales", Gaz. Pal., 1er

mars 2007, n° 60, p. 2 156

B. DEFFAINS et M. DORIAT-DUBAN, "Le procès: risque économique", Revue générale du droit

des assurances, 1er

juillet 2010, n° 2010-03, p. 870

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

56

Titre I RISQUE COMMERCIAL

Le justiciable - surtout en matière commerciale - est un individu rationnel dans la

gestion de ses conflits. Il opère ses choix juridiques en balançant les risques encourus et

les avantages envisageables, à la manière d’un bilan coût-avantage.

À titre d'exemple, le contentieux de la contrefaçon illustre le risque commercial que

peut faire peser l'action judiciaire. Dans ce domaine, c’est la divulgation du conflit au

public et ses répercussions commerciales sur l’activité de l’entreprise qui font de

l’éventualité d’une publication judiciaire un risque commercial inhérent au procès

(Chapitre 1). Un « risque de procès 157

» qui contraint le contrefacteur à transiger avec

son adversaire afin d’éviter les torts de la justice publique, car la transaction est un

mode de résolution des conflits garant de privacité (Chapitre 2).

Chapitre I LE RISQUE DE PUBLICATION JUDICIAIRE

Il est un principe fondamental selon lequel la justice est publique. Cela signifie

d’une part que la justice doit faire l’objet d’une transparence : le public – sauf huit clos -

peut assister à un procès et constater la bonne application du droit158

. D’autre part, le

justiciable doit être en mesure de consulter les décisions judiciaires : la connaissance de

la justice se veut accessible à tous159

.

Plus qu’un principe, la publicité de la justice est parfois une modalité de sanction

et de réparation du préjudice subi. C’est l’injonction de publication judiciaire, en vertu

de laquelle la décision rendue par les juges peut être connue de tous par voie de presse

ou par internet. Cette pratique est cependant encadrée (Section 1). Une nécessité

d’encadrement qui découle des effets de la publication judiciaire. La possibilité pour le

157

B. DEFFAINS et M. DORIAT-DUBAN, "Le procès: risque économique", Revue générale du droit

des assurances, 1 juillet 2010 n° 2010-03, p. 870 158

Art. 22 du code de procédure civile : « Les débats sont publics, sauf les cas où la loi exige ou permet

qu'ils aient lieu en chambre du conseil. » 159

Art. 451 du code de procédure civile : « Les décisions contentieuses sont prononcées en audience

publique […]. La mise à disposition au greffe obéit aux mêmes règles de publicité. »

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

57

public de connaitre la décision rendue à l’encontre du défendeur entraine des

conséquences commerciales non négligeables pour celui-ci (Section 2).

Section 1 Un risque pour l’image du responsable

La publication judiciaire est encadrée depuis 1881160

. Bien qu’interdite dans

certains domaines comme la filiation, elle peut être autorisée par le juge sur la demande

d’une des parties. Sa nature est mixte, à la fois répressive à l’encontre du défendeur et

réparatrice pour le demandeur (paragraphe 1). Les modalités de publication doivent être

encadrées par le juge au regard des conséquences qu’elle peut engendrer (paragraphe 2).

Paragraphe 1 Une mesure hybride

Injonction de publication judiciaire et publicité de la justice161

. Lorsqu’une

partie au procès le demande, le juge peut ordonner une injonction de publication à

l’encontre du défendeur. Ici on sort du champ du principe de publicité des jugements,

qui n’a pour vocation que d’assurer la transparence de la justice. L’injonction de

publication judiciaire a une tout autre finalité : à la fois sanctionner le responsable et

réparer le préjudice du demandeur. Un parallèle doit être fait avec l’anonymisation des

décisions de justice. Ce phénomène consiste à retirer les noms des parties des décisions

publiées afin, notamment, de préserver leur vie privée. Certains auteurs considèrent

cette mesure comme regrettable en ce qu’elle limite l’accès et la connaissance du

droit162

. Si cette anonymisation a pour but de préserver les parties d’une exposition

judiciaire, l’injonction de publication a pour finalité contraire de sanctionner - et de

réparer le préjudice du demandeur - l’une des parties pour ses agissements en faisant

publicité de ceux-ci dans la presse.

Nature mixte. La jurisprudence n’est pas unanime sur la nature de la publication

judiciaire ordonnée par le juge conformément à la demande de l’une des parties.

160

Art. 39 de la loi du 29 juillet 1881 161

Il faut entendre, dans le cadre de cette étude, les termes de publication judiciaire comme l’injonction

de publication et non la publicité de la justice dans son sens général. 162

Notamment O. CACHARD, "Aux grands arrêts, les juristes reconnaissants…Brefs propos sur l'«

anonymisation » des décisions de justice", D. 2004, p. 429

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

58

Certains arrêts plaident pour le caractère répressif la publication, qui serait alors une

sorte de sanction pour le défendeur163

. Au contraire d’autres décisions lui préfèrent un

caractère réparateur, au sens d’une indemnisation complémentaire du demandeur164

.

C’est pourquoi la doctrine estime généralement que la publication judiciaire est d’une

nature mixte165

. C’est à la fois une sanction et une modalité de réparation

complémentaire du préjudice subi par la victime.

Sanction du défendeur et peine privée. La publication judiciaire lorsqu’elle est

demandée au juge est avant tout destinée à attirer l’attention du public sur le

responsable166

. C’est notamment le cas dans les contentieux relatifs aux atteintes à la vie

privée, où la presse à scandales se voient fréquemment condamnée à publier en

couverture le dispositif du jugement rendu contre elle. C’est une sanction en ce sens que

la responsabilité du journal est étalée aux yeux du public. En matière de contrefaçon

aussi167

, le contrefacteur peut être condamné à publier sur son site internet la décision de

justice qui le reconnait comme responsable de copies serviles. Là encore la publication

judiciaire a un caractère répressif car tous les clients potentiels du contrefacteur

pourront prendre connaissance de la décision rendue à son encontre. De toute évidence,

ce n’est pas profitable à son image. Dès lors la publication judiciaire joue une sorte de

rôle de peine privée168

. Mais cette pratique n’étant pas encore reconnue en France, on

reconnait généralement un caractère réparateur à la publication.

Réparation complémentaire du préjudice subi. La publication judiciaire

permet également de rétablir l’image de la victime aux yeux du public et de lui rendre la

légitimité que le responsable lui a retirée. Ce n’est pas une réparation pécuniaire, au

sens des dommages et intérêts, mais une indemnisation « morale » accordée par les

juges. Par exemple en matière de diffamation, la publication judiciaire permet à la

victime de faire savoir au public que ce qui a été dit à son sujet est erroné et que le

responsable a été condamné. C’est une réparation complémentaire de son préjudice

163

Cass., 1ère civ., 28 juin 1989, Bull. civ. I, n° 264 164

Cass., 2ème

civ., 1 mars 1989, n° de pourvoi : 87-20018 165

V. en ce sens C. LALANNE-GOBET, "Publication judiciaire des décisions en matière de

contrefaçon", JCP E n° 25, 24 Juin 1999, 1091 166

V. en ce sens J. KULLMANN, "Intérêt collectif des consommateurs et peine privée : la publication de

la décision judiciaire étrangère à la réparation du préjudice", D. 1992, p. 405 167

Y. CHARTIER, La réparation du préjudice, Dalloz, 1983, n° 401 168

Sur la notion de peine privée dans la responsabilité civile, S. CARVAL, La responsabilité civile dans

sa fonction de peine privée, Thèse, LGDJ, 1995

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

59

moral. En matière de contrefaçon, la victime va être rétablie dans sa légitimité en

démontrant aux consommateurs, par la publication, qu’elle est seule titulaire d’un droit

sur un produit et que les profits tirés de cette exploitation lui reviennent à elle seule.

Parallèlement à l’allocation de dommages et intérêts, c’est une réparation de son

préjudice concurrentiel. La légitimité de la publication judiciaire a également été

reconnue en droit administratif, comme réparation du préjudice moral169

.

La publication du jugement permet d’informer le public d’une décision de

justice, mais surtout de jeter un discrédit sur le responsable. En ce sens, elle doit être

encadrée.

Paragraphe 2 Une pratique encadrée

Diversité des supports. La publication du jugement peut prendre différentes

formes. La demande peut porter sur une publication dans la presse écrite ou sur le site

internet du défendeur. En matière de contentieux entre commerçants, il est fréquent que

l’une des parties demande au juge que soit publiée la décision sur le site internet de

l’entreprise condamnée170

. Cette publication n’est d’ailleurs pas exclusive d’une autre

dans la presse écrite.

Frais de publication. C’est au défendeur que revient le coût de la publication

judiciaire. Cependant ce coût est plafonné pour éviter les abus. Ainsi, en plus d’étaler sa

responsabilité aux yeux du public, la publication judiciaire entraine des frais pour le

défendeur. Néanmoins lorsqu’aucune décision judiciaire n’ordonne la publication, le

demandeur peut le faire à ses frais. Mais ce choix reste risqué, on pourrait reprocher à

l’auteur de la publication un comportement dénigrant171

.

169

J.-M. ADRIEN, "Une modalité de réparation du préjudice moral : la publication de la décision de

justice", Petites affiches, 5 octobre 2001, n° 199, p. 15 170

V. notamment TC Paris, 16 octobre 2009, RG n° 2008022315 ; TC Paris, 2 octobre 2009, RG n°

2009000925 171

Pour une étude des risques de la publication sans autorisation du juge, v. C. LALANNE-GOBET,

"Publication judiciaire des décisions en matière de contrefaçon", JCP E n° 25, 24 Juin 1999, 1091

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

60

Contenu de la publication. La plupart du temps le juge prévoit expressément dans

sa décision l’encart qui doit être publié172

. A défaut, le magistrat peut ordonner la

publication in extenso ou par extraits. La difficulté d’une publication de la décision dans

son intégralité résulte évidemment de son éventuelle longueur. On voit mal comment un

journal pourrait publier un jugement de plusieurs pages. Mais la publication par extraits

n’est pas pour autant une meilleure solution. En effet, si le bénéficiaire de la publication

peut choisir les extraits qu’il compte diffuser, cela peut porter préjudice au responsable.

Par exemple, il peut tronquer les faits afin de les tourner à son avantage. Le demandeur

peut également ne publier que le dispositif de condamnation à l’égard du défendeur, en

omettant de diffuser une partie du jugement qui le condamnerait également. C’est

pourquoi la publication judiciaire est encadrée par le juge et les abus sanctionnés au titre

de diffamation173

.

La publication judiciaire est strictement encadrée du fait de ses conséquences sur le

public. Son caractère répressif est particulièrement illustré par l’impact commercial

qu’une telle publication entraine à l’encontre du défendeur.

Section 2 L’impact commercial de la publication

Discrédit et image de l’entreprise. Dans le cadre des contentieux entre

commerçants, la publication d’une décision de justice à l’encontre de l’une des parties a

nécessairement un impact néfaste sur son activité. Il faut bien comprendre que par cette

mesure, les clients du responsable peuvent se rendre compte des ses agissements

contraires à la loi. Dès lors un discrédit est jeté sur ce commerçant, porté à la

connaissance de tous. Son image est ternie par cette mauvaise publicité,

particulièrement si l’entreprise condamnée est notoirement connue.

172

Pour reprendre l’exemple de C. LALANNE-GOBET : "par arrêt du 18 avril 1989, la Cour d'appel de

Paris, 4e Chambre, section A, a confirmé le jugement rendu le 24 novembre 1988 par le Tribunal de

grande instance de Paris, 3e Chambre, 2e section, en ce qu'il a prononcé l'annulation de la marque

Resocom déposée par la société Capric Organisation le 24 avril 1987 à l'Institut national de la Propriété

industrielle où elle avait été enregistrée sous le n° 1 405 139, et a interdit à cette société d'utiliser cette

dénomination qui avait été antérieurement choisie par la société Resocom à titre de dénomination sociale

et de nom commercial", CA Paris, 4e ch., 18 avr. 1989, PIBD 1989, III, p. 627 173

Sur les difficultés soulevées par la publication judiciaire, v. C. LALANNE-GOBET, art. préc.

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

61

Répercussions commerciales et clientèle. L’image de l’entreprise est

essentielle au développement de son activité commerciale. Il existe au sein de

nombreuses entreprises une stratégie commerciale dont le noyau est l’image. Dès lors la

publication judiciaire qui ternie l’image de l’entreprise entraine des répercussions

commerciales. L’entreprise subit une perte de légitimité et de confiance de la part de ses

clients. S’en suit une éventuelle perte d’une partie de la clientèle, une régression des

ventes et des bénéfices174

. C’est d’autant plus vrai lorsque l’on se place dans un marché

très concurrentiel, en ce sens que la clientèle pourrait se tourner vers un concurrent de

l’entreprise condamnée. D’une part la publication judiciaire peut entrainer des pertes,

mais également des dépenses supplémentaires. En effet pour racheter leur image, les

entreprises condamnées doivent mettre en place une nouvelle stratégie publicitaire. Or

l’élaboration et la diffusion de cette campagne ont un coût, et pas des moindres175

.

Impact sur la concurrence. Outre ses répercussions sur l’activité de

l’entreprise, la publication judiciaire a un impact manifeste sur la concurrence. Le

discrédit d’un commerçant profite à son concurrent, parce que le consommateur informé

de la condamnation va se méfier de l’entreprise. Dans les relations entre concurrents, un

contentieux en contrefaçon par exemple, celui qui est condamné à la publication de la

décision de justice est discrédité aux yeux de ses clients, au profit du concurrent qui

distribue un produit ayant fait l’objet d’une protection juridique. Les consommateurs ne

veulent généralement pas de marchandises contrefaites. L’impact sur la concurrence est

d’autant plus significatif quand le marché en cause est très concurrentiel. Par exemple,

les pratiques abusives de certains fournisseurs téléphoniques sanctionnées par une

publication judiciaire sur le site de l’opérateur et dans divers journaux, le discréditent

aux yeux du consommateur. Cette méfiance du client profite à la concurrence. C’est un

marché fortement concurrentiel, où les prix sont alignés et les opérateurs peu nombreux.

Le consommateur préfèrera traiter avec le concurrent qui a des prix similaires mais dont

aucune pratique abusive n’a fait l’objet d’une décision de justice publiée.

174

A titre de comparaison, l’impact d’une mauvaise publicité, due à une intoxication alimentaire dans un

restaurant, sur l’image d’une franchise de restauration rapide. Une partie de la clientèle préfèrera son

concurrent, ce qui entraine une perte de clientèle et une réduction conséquente du chiffre d’affaires de la

franchise. 175

Pour reprendre l’exemple précité de la restauration rapide, l’entreprise dont l’image a été mise à mal a

du lancer une vaste campagne publicitaire dont le seul but était de racheter son image en insistant sur la

qualité et l’hygiène de ses restaurants.

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

62

La publication judiciaire est un risque commercial. Dans certains types de litiges

particulièrement, l’une des parties veut éviter ce risque et pour ce faire, ne pas aller

devant le juge. C’est pourquoi elle va proposer une solution négociée au conflit, par la

transaction.

Chapitre II LA PROTECTION DE L’IMAGE

Les entreprises commerciales attachent une grande importance à la discrétion de

leurs conflits. Leur divulgation peut en effet être préjudiciable pour leur image,

entrainant des conséquences sur leur activité. En ce sens la publicité de la justice

constitue un réel risque commercial pour les entreprises, notamment lorsqu’elles ont

commis des actes illégaux. C’est particulièrement le cas en matière de contentieux

relatifs à une contrefaçon. La divulgation des agissements déloyaux d’une entreprise est

de nature à la discréditer aux yeux du public. Par conséquent dans ce type de litige, les

entreprises recherchent la privacité. C’est pourquoi sur 262 contentieux en matière de

contrefaçon portés devant le tribunal de commerce de Paris en 2009, 65 ont fait l’objet

d’un désistement. Ces contentieux font l’objet d’un règlement amiable discret plutôt que

d’une résolution juridictionnelle publique.

Le procès est dès lors un véritable risque pour le contrefacteur. Il devient

l’instrument stratégique de la victime, qui l’utilise non plus pour régler leur différend

mais pour amener son adversaire à transiger (Section 1). Une solution qu’il ne peut

refuser car la transaction garantit la privacité du litige (Section 2).

Section 1 L’utilisation stratégique du risque de procès

Le procès est un risque pour le contrefacteur. Il entraine la divulgation du conflit

au public et une éventuelle condamnation pour contrefaçon. Mais c’est surtout le risque

que le juge ordonne la publication de la décision dans les médias qui constitue la plus

grosse crainte du contrefacteur (Paragraphe 1). C’est pourquoi l’entreprise victime

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

63

utilise le procès aux fins de contraindre le contrefacteur à conclure une transaction

(Paragraphe 2).

Paragraphe 1 Le rôle dissuasif de l’injonction de publication judiciaire

Contrefaçon, notoriété et conséquences préjudiciables. Les conséquences

néfastes d’une publication judiciaire sur l’activité commerciale de l’entreprise

condamnée ne sont plus à démontrer176

. C’est d’autant plus vrai dans certains domaines,

notamment en matière de contentieux en contrefaçon. Dans ces conflits la plupart des

parties, demanderesses177

ou défenderesses178

, sont des entreprises notoirement connues.

Certaines exploitent des marques de luxe. Il faut bien comprendre que la notoriété de

ces entreprises repose non seulement sur la qualité de leurs produits ou services, mais

également sur leur image de marque. La publication d’une décision de justice à leur

encontre, mentionnant la contrefaçon dont elles se sont rendues coupables, serait

fortement préjudiciable pour leur réputation et leur image. Les répercussions

commerciales et financières d’une telle publicité des agissements illégaux d’une

entreprise peuvent s’avérer colossaux. En ce sens la publication judiciaire est un réel

risque pour le contrefacteur.

Une prétention systématique. Ce risque est d’autant plus important que la

demande de publication judiciaire est systématique en matière de contrefaçon. En effet,

toutes ces affaires traitées par la quinzième chambre du tribunal de commerce de Paris

en 2009 font état d’une demande de publication judiciaire de la part de la victime. Les

demandes de dommages et intérêts sont assorties du retrait des marchandises

contrefaites, mais également d’une publication de la décision dans des journaux179

et

éventuellement sur le site de l’entreprise condamnée180

. Il n’est pas exagéré de soutenir

que cette prétention du demandeur est systématique en matière de contrefaçon. A titre

176

V. supra, p. 60 et 61 177

V. notamment SA Dior Couture (demandeur), TC Paris, 2 octobre 2009, RG n° 2009000925 ; Ferrari

SPA (demandeur), TC Paris, 18 septembre 2009, RG n° 2008037670 178

V. par exemple SAS Chanel (défendeur), TC Paris, 11 décembre 2009, RG n° 2005072254 ; Mango

France (défendeur), TC Paris, 11 décembre 2009, RG n° 2007058645 179

A titre d’illustration : TC Paris, 26 juin 2009, RG n° 2008009149 ; TC Paris, 11 décembre 2009, RG

n° 2008053400 ; TC Paris, 11 décembre 2009, RG n° 2008060795 ; TC Paris, 26 juin 2009, RG n°

2006067501 180

Par exemple : TC Paris, 16 octobre 2009, RG n° 2008022315 ; TC Paris, 2 octobre 2009, RG n°

2009000925

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

64

d’illustration, lors d’un contentieux entre la SPA Ferrari et la société Codmaster en

2009181

, la victime de contrefaçon a demandé au juge d’« ordonner la publication du

jugement à intervenir, par extraits, dans deux publications au choix de la Sociéte

Ferrari SPA ainsi que sur les sites www.codemasters.fr et www.racedrivergrid.com le

tout aux frais exclusifs de The Codemasters Software Company Limited pour un coût

global de 15.000 euros hors taxes ». Si le juge devait accéder à cette demande, les

clients du défendeur prendraient connaissance de ces agissements, ce qui serait

préjudiciable pour sa réputation.

Réalisation du risque. Les demandes de publication judiciaires sont un risque,

d’autant plus qu’elles ne sont pas vaines. Il n’est pas rare que le juge les accorde au

regard de «la nature des actes fautifs, de porter les présents faits à la connaissance de

la profession et/ou de la clientèle 182

». Plusieurs jugements du tribunal de commerce de

Paris en témoignent183

. C’est le cas d’une décision du 27 novembre 2009 par laquelle le

juge a ordonné « la publication du dispositif du présent jugement dans dix journaux au

choix des demanderesses et aux frais de la société Stokton sans que le coût par

publication n’excède 3.000 euros par insertion ». L’ampleur de la décision est de taille :

dix journaux, conformément aux prétentions de la demanderesse, pour un montant

maximum de 30 000 euros. Non seulement la publication a un coût financier pour le

défendeur, mais surtout le public sera plus à même de prendre connaissance des

agissements du contrefacteur dès lors que dix journaux pourront exposer le jugement.

C’est pour le moins une publication fortement préjudiciable pour la réputation de la

société défenderesse. On peut également citer un jugement du 27 novembre 2009

condamnant la SA La Redoute pour contrefaçon184

. Les magistrats avaient ordonné la

publication de l’intégralité du dispositif dans cinq journaux, pour un montant maximal

de 5 000 euros par insertion. Là encore, la publication judiciaire ne peut être que

préjudiciable à la réputation de la société La Redoute, d’autant plus qu’elle est

notoirement connue.

181

TC Paris, 18 septembre 2009, RG n° 2008037670 182

TC Paris, 27 novembre 2011, RG n°2006064972 183

V. également TC Paris, 27 novembre 2011, RG n°2008063829 ; TC Paris 17 décembre 2009, RG

n°2006015905 184

TC Paris, 27 novembre 2011, RG n°2007056119

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

65

Le risque de voir la décision judiciaire publiée dans les médias est donc

particulièrement dissuasif pour les contrefacteurs. D’autant plus qu’il faut ajouter au

coût financier et commercial de cette publication, la condamnation du contrefacteur au

paiement de dommages et intérêts pour réparer le préjudice issu de la contrefaçon et le

retrait des marchandises litigieuses185

. C’est en utilisant cette crainte du contrefacteur

concernant le procès que la victime va le contraindre à transiger.

Paragraphe 2 La finalité stratégique du procès : une contrainte à

transiger

Finalité du procès, contrainte et transaction. En tant que mode alternatif de

règlement des conflits, la transaction traditionnellement analysée comme un moyen

d’éviter le procès. Mais comme l’a souligné T. Clay186

, il arrive que l’une des parties ne

cherche pas à éviter le procès mais au contraire à l’utiliser comme une menace, amenant

son adversaire à trouver un accord. C’est notamment le cas en matière de contrefaçon,

où le procès n’est qu’un moyen de dissuasion : le demandeur utilise les craintes du

défendeur, notamment le risque de publication judiciaire, afin de le contraindre à

conclure un arrangement. La justice publique n’est ici que l’instrument de la justice

privée. La transaction en ce sens n’est plus une alternative au procès, mais la finalité de

celui-ci.

Asymétrie des coûts de procès. B. Deffains explique ce phénomène des

« nuisance suits » par une théorie d’« asymétrie des coûts de procès entre les

parties »187

: l’une des parties a bien plus à perdre que l’autre. Il estime que ce

déséquilibre va amener le défendeur à « accepter de transiger parce qu'il préfère les

coûts d'un arrangement secret aux conséquences coûteuses de poursuites publiquement

connues 188

». Dans les contentieux en contrefaçon le contrefacteur met en jeu sa

réputation, alors que le demandeur ne s’expose qu’à des frais de justice : il y a une

185

V. notamment TC Paris, 27 novembre 2009, RG n°2008063829 ; TC Paris, 3 avril 2009, RG n°

2007070365 186

T. CLAY, « Le modèle pour éviter le procès », in Code civil et modèles : Des modèles du Code au

Code comme modèle, LGDJ, 2006, p. 72 187

B. DEFFAINS et M. DORIAT-DUBAN, "Le procès: risque économique", Revue générale du droit

des assurances, 1 juillet 2010, n° 2010-03, p. 870 188

Ibid

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

66

asymétrie des risques et des coûts qu’entrainerait leur réalisation. Ainsi le procès n’est

intenté par le demandeur qu’en vue de contraindre le contrefacteur à transiger, plutôt

que de prendre le risque que le procès porte préjudice à sa réputation.

Transaction, Justice et stratégie juridique. C’est la finalité même du procès

qui est détournée ici. La justice étatique n’est plus synonyme de recherche de la vérité,

c’est l’instrument d’une stratégie juridique au service des intérêts du demandeur. A.

Garapon souligne à juste titre que la négociation transactionnelle repose sur un rapport

de force entre les parties189

. Contrairement à la justice étatique, ce n’est plus la loi qui

guide l’issue du litige mais la capacité de chacun à imposer sa volonté grâce à des

arguments extra juridiques. C’est notamment le cas en matière de litiges relatifs à une

contrefaçon. Il a été démontré précédemment que le demandeur utilise les risques issus

du procès, dont la publication judicaire, pour contraindre le défendeur à transiger. Il est

clair que le demandeur ici ne recherche pas la justice au sens de la juste application de

la loi : il entend obtenir des avantages supplémentaires par une transaction en utilisant le

procès comme moyen de dissuasion. Il s’agit d’une véritable stratégie juridique dont le

fondement n’est pas la justice mais l’obtention de profits inespérés.

Absence d’apport juridique de la transaction. « Richesse des conflits,

pauvreté des transactions… »190

écrivait A. Garapon. Il faut bien reconnaitre que ce

type d’accord n’apporte rien au développement de la justice. Les arguments juridiques

n’ont que peu de place dans ces transactions, au profit d’arguments économiques.

Contrairement à la jurisprudence, que l’auteur qualifie de « bien collectif » en ce sens

qu’elle permet d’appréhender les richesses d’un raisonnement juridique et de

l’interprétation du juge. La jurisprudence ne cesse d’apporter des précisions

supplémentaires sur le droit, elle l’enrichit. Quant à la transaction ici étudiée, elle ne

repose que sur la capacité d’imposer sa volonté par des arguments économiques, elle n’a

aucun apport juridique. Cela remet en cause la théorie selon laquelle la transaction a

vocation à être un modèle de résolution des conflits191

.

189

A. GARAPON, La raison du moindre Etat : le néolibéralisme et la justice, éd. Odile Jacob, 2010, p.

69 190

Ibid., p. 69 191

C. JARROSSON, « La transaction comme modèle », in Le conventionnel et le juridictionnel dans le

règlement des différends, sous la dir. de P. ANCEL, M.-C. RIVIER, Economica, coll. Etudes juridiques,

2001

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

67

La transaction telle que conclue en matière de litige relatif à une contrefaçon est

« vicieuse ». Vicieuse car elle ne repose pas sur l’idée de justice mais sur une sorte de

chantage dont la seule finalité est, pour le demandeur, d’obtenir des avantages inespérés

devant un juge. Avantages que le défendeur accordera en contrepartie de la privacité

que lui offre la transaction.

Section 2 Une transaction vicieuse gouvernée par la

privacité

Le tribunal de commerce de Paris a traité 326 contentieux relatifs à une

contrefaçon en 2009, dont 64 ont fait l’objet d’un désistement de la part du demandeur -

soit plus de 19%192

. Il convient de rappeler que le désistement d’instance signifie qu’il

abandonne ses prétentions à l’encontre du défendeur. Or en matière de contrefaçon, il

apparait improbable que la victime refuse purement et simplement de demander justice.

En effet au regard du montant auquel le demandeur prétend généralement, on voit mal

comment il pourrait abandonner ses prétentions ainsi. Par exemple, lorsque Villeroy et

Boch se désiste d’une demande de dommages et intérêts pour un montant de 100 000

euros à l’encontre de C.Discount, il serait difficile de croire que la société demanderesse

abandonne définitivement d’obtenir justice193

. Cette idée est d’ailleurs confortée par le

fait que certains jugements constatant le désistement du demandeur mentionnent

l’existence d’un protocole d’accord194

. Il faut en conclure que derrière les désistements

se cachent manifestement des transactions non homologuées et très discrètes.

Cette discrétion dans la résolution du conflit illustre le fait que le contrat de

transaction est garant de confidentialité (Paragraphe 1). Il assure la privacité de l’issue

du litige. Mais cette privacité a un coût pour le défendeur et doit faire l’objet d’une

contrepartie. La transaction est alors l’aboutissement d’une négociation « malsaine »

(Paragraphe 2).

192

Cf. Annexes 193

TC Paris, 26 juin 2009, RG n° 2006067501 194

V. notamment TC Paris, 11 décembre 2009, RG n° 2008060795 ; TC Paris, 3 avril 2009, RG n°

2007070365

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

68

Paragraphe 1 Une confidentialité assurée par le contrat

« Les transactions préfèrent la pénombre 195

». C’est d’autant plus vrai en

matière de contrefaçon, lorsque l’une des parties risque sa réputation si le conflit devait

être connu du public. Cette confidentialité est l’un des sept piliers des modes de

résolutions alternatifs des conflits196

. Ses fondements sont divers.

Confidentialité, bonne foi et modes de résolution amiables. On pourrait

trouver un fondement de la confidentialité au titre de la bonne foi. En effet la

jurisprudence en matière de résolution amiable des conflits, particulièrement dans le

domaine de l’arbitrage197

, reconnait l’importance de la confidentialité en ce sens qu’elle

est un prolongement de la bonne foi. Ainsi un tribunal arbitral a estimé qu’ « il est

d’usage non seulement en droit français mais aussi en matière de commerce

international, que les échanges de propositions entre parties en vue d’aboutir à un

accord destiné à régler un litige soumis à une juridiction arbitrale ou non, sont et

doivent rester confidentiels. Il n’est pas admissible que, dans la mesure où les parties

ont essayé de bonne foi de rapprocher leurs positions, l’une d’elles, en cas d’échec des

négociations, utilise à son profit les propositions de l’autre, afin d’en déduire un

prétendu aveu de sa faute 198

». S’il est vrai que la bonne foi contractuelle, en matière de

transaction, peut justifier le respect de la confidentialité des propositions des parties, elle

ne permet pas de s’assurer que le conflit en lui même ne sera pas révélé au public. Or

l’intérêt même de la transaction pour le contrefacteur va plus loin que la confidentialité

des échanges, c’est la privacité du litige dans son intégralité.

Nature contractuelle, volonté des parties et confidentialité. Il convient plus

de rechercher le fondement de la confidentialité dans la nature contractuelle de la

transaction. C’est avant tout un contrat au sens de l’article 2044 du code civil : c’est la

volonté des parties qui y tient lieu de loi. En ce sens le principe de l’autonomie de la

volonté des parties leur permet, dans les limites du respect de l’ordre public, de prévoir

librement les clauses de leur contrat. C’est là tout l’intérêt de la transaction pour le

195

C. BOILLOT, La transaction et le juge, Thèse Clermont Ferrand, 2003, p. 130 196

G. CORNU, Les modes alternatifs de règlements des conflits : Rapport de synthèse, Rencontres

internationales de droit comparé, Damas 5-8 octobre 1996, RIDC 1997 (2), p. 313 197

V. notamment l’étude en la matière de C. BOILLOT, op. cit., p. 137 et 138 198

Sentence 6653 en 1993, JDI 1993, p. 1041, obs. ARNALDEZ

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

69

contrefacteur : elle lui permet de prévoir librement une clause de confidentialité au sein

de la transaction199

, relative tant au contenu de la négociation qu’à la révélation du

litige. Par cette clause de confidentialité, qu’il conviendrait plus d’appeler clause de

privacité, il s’assure ainsi que le litige ne sera pas dévoilé au public, et ce même si la

négociation devait échouer. En effet les révélations faites durant les pourparlers en vue

de transiger ne sauraient être utilisées comme reconnaissance des prétentions de l’autre

partie devant le juge en cas d’échec de la transaction200

. Le fondement de la

confidentialité de la transaction serait donc la volonté des parties plus que la bonne foi

contractuelle201

.

Effet contraignant de la clause. L’insertion d’une clause de confidentialité

dans le contrat de transaction est l’assurance que le litige ne sera pas dévoilé202

. Le

contrefacteur a tout intérêt à prévoir la non divulgation des négociations, et

l’interdiction de s’en servir si la procédure échoue, mais également le respect de la

privacité du litige203

. Cependant cette clause contractuelle n’a d’intérêt que si elle est

contraignante. La responsabilité contractuelle en cas de violation ne saurait alors

suffire : une fois le conflit révélé, le préjudice pour la réputation du contrefacteur est

avéré. C’est pourquoi ce dernier a tout intérêt à prévoir une clause pénale en cas de

violation de la clause de confidentialité, prévoyant une sanction pécuniaire élevée. Dès

lors que la clause est contraignante, elle est efficace et la privacité du litige est assurée.

199

G. DEHARO, "La transaction : sécurité et confidentialité", Petites affiches, 7 octobre 2008, n° 201,

p. 7. L’auteur estime que le droit des contrats est le fondement le plus satisfaisant de la confidentialité de

la transaction. Elle souligne d’ailleurs que la clause de confidentialité insérée dans la transaction est le

fondement le plus souvent invoqué devant les tribunaux lorsqu’est mise en cause l’exécution d’une

transaction. 200

Pour une étude de la confidentialité des pourparlers en matière de transaction, v. C. BOILLOT, La

transaction et le juge, Thèse Clermont Ferrand, 2003, p. 133 à 135 201

Ibid., p. 131. L’auteur estime également que la volonté des parties est le fondement de la

confidentialité, dès lors que la transaction est de nature contractuelle. La confidentialité n’est pour elle

que la mise en œuvre par le contrat de leurs intérêts. 202

Et ce en raison de l’application du régime de la responsabilité contractuelle. V. également G.

DEHARO, art. préc. 203

En ce sens le tribunal de commerce de Paris a rejeté la demande de publication judiciaire de la Société

Villeroy et Boch à l’encontre de la société Nuova R2S qui avait commercialisé des contrefaçons, au motif

que le jugement mentionnait l’existence d’une transaction antérieure entre Villeroy et Boch et Casino :

« Attendu cependant que compte tenu de la transaction intervenue entre certaines parties, le tribunal ne

fera pas droit à cette demande de publication. ». Il apparait donc qu’une clause de confidentialité d’une

transaction antérieure empêchait les juges d’ordonner la publication du jugement, sans quoi l’efficacité de

la clause serait remise en question. TC Paris, 3 avril 2009, RG n° 2007070365

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

70

La privacité du litige est assurée par la confidentialité du contrat de transaction.

Mais cette privacité a un coût pour le contrefacteur.

Paragraphe 2 Une négociation malsaine sur le coût de la privacité

Confidentialité et exigence de réciprocité des concessions. La privacité du

litige en matière de contrefaçon profite au défendeur bien plus qu’au demandeur.

D’autant plus que ce dernier demande systématiquement au juge la publication

judiciaire de la décision : la confidentialité du litige ne suscite pas son intérêt, au

contraire. C’est donc la victime de contrefaçon qui concède, lorsqu’elle transige, une

clause de confidentialité à l’autre partie. Or la qualification de transaction repose sur

l’exigence jurisprudentielle de concessions réciproques204

. Le contrefacteur doit donc

concéder quelque chose à son tour à la victime.

Désistement et privacité. C’est d’ailleurs en raison de cette confidentialité qu’il

est impossible de se procurer le contenu des transactions en matière de contrefaçon. On

ne peut que constater le désistement et présumer la conclusion d’un accord. Le contenu

de la négociation et la teneur des concessions réciproques ne peuvent qu’être supposés

au regard d’un faisceau d’indices.

Prétentions et intérêts des parties. Les prétentions des parties, corollaires de

leurs intérêts, permettent un éclairage sur la teneur de leurs concessions. Au regard de la

jurisprudence du tribunal de commerce de Paris en 2009, les prétentions du demandeur,

victime de la contrefaçon, sont quasiment les mêmes dans chaque affaire. Il demande au

juge l’attribution de dommages et intérêts au titre de l’article L. 122-4 du code de la

propriété intellectuelle205

, le retrait des marchandises litigieuses sous astreinte et leur

destruction, et la publication du jugement dans la presse et sur le site internet du

défendeur206

. A titre d’exemple, Villeory et Boch avait demandé aux juges consulaires

d’ordonner à l’encontre de C.Discount l’interdiction de diffuser une quelconque

204

C. JARROSSON, "Les concessions réciproques dans la transaction", D. 1997 p. 267 205

Très souvent cette prétention s’accompagne d’une demande de dommages et intérêts au titre d’actes de

concurrence déloyale (parasitisme). 206

V. notamment TC Paris, 11 décembre 2009, RG n° 2008053400 ; TC Paris, 11 décembre 2009, RG n°

2008060795 ; TC Paris, 11 décembre 2009, RG n° 2007058645 ; TC Paris, 16 octobre 2009, RG n°

2008022315 ; TC Paris, 3 avril 2009, RG n° 2007070365

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

71

publicité concernant les produits litigieux sous astreinte de 150 euros par infraction, le

retrait et la destruction des contrefaçons sous astreinte de 1500 euros par jour, la

condamnation du défendeur à des dommages et intérêts d’un montant de 50 000 euros

pour atteinte aux droits d’auteurs, 50 000 euros au titre de la perte de marge subie,

50 000 euros pour concurrence déloyale et parasitaire, et enfin la publication judiciaire

dans cinq journaux207

. Dès lors les intérêts du demandeur sont clairs : il recherche l’arrêt

immédiat et définitif des pratiques contrefaisantes, l’attribution d’une réparation

pécuniaire et le discrédit du contrefacteur par la publication judiciaire.

S’agissant des prétentions du défendeur, elles sont également non équivoques. Il

demande le rejet des prétentions du demandeur, à savoir la demande de condamnation

pour contrefaçon et celle au titre de concurrence déloyale et parasitaire. Ses prétentions

peuvent aller plus loin et contestant la recevabilité des demandes, la compétence du

tribunal, l’existence d’un préjudice208

. Ses intérêts sont en toute logique de ne pas être

condamné, non seulement à verser des dommages et intérêts mais surtout à la

publication de la décision qui serait préjudiciable à sa réputation.

Teneur présumée des concessions, réciprocité. C’est alors ces intérêts que les

parties vont défendre lors de la conclusion de la transaction. Chaque partie va prendre

en compte les intérêts de l’autre afin de concéder quelque chose qui permettra d’aboutir

à un accord sur la résolution du litige. Le demandeur, dans un souci de conciliation, va

renoncer à la publicité du litige en acceptant une clause de confidentialité dans le

contrat. C’est une concession qu’il fait au défendeur puisque ce dernier recherche la

privacité du conflit. La victime renonce également à son action en justice contre le

défendeur, concession traditionnelle dans les transactions209

. En contrepartie le

défendeur doit transiger sur l’une de ses prétentions afin de satisfaire les intérêts du

défendeur et d’honorer l’exigence de réciprocité des concessions dans la transaction.

Dans un premier temps il est évident que le défendeur va accepter de retirer et détruire

les marchandises contrefaites. Il est probable également que l’une des concessions porte

sur le versement d’une indemnité transactionnelle correspondant à la demande de

207

TC Paris, 26 juin 2009, RG n° 2006067501 208

TC Paris, 3 avril 2009, RG n° 2007070365 209

L. BOYER, La notion de transaction : contribution à l’étude des concepts de cause et d’acte

déclaratif, Thèse Toulouse, 1947, p.50. L’auteur a particulièrement développé cette concession dans son

ouvrage.

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

72

dommages et intérêts210

. Le défendeur accepterait de payer une certaine somme au

demandeur en contrepartie de la clause de confidentialité. Cependant, pour que le

demandeur trouve un intérêt à la transaction plutôt qu’à une issue juridictionnelle, le

montant de l’indemnité devrait être supérieur à ce que l’on pourrait légitimement

attendre d’un juge211

. Sans quoi la victime n’a absolument aucun intérêt à transiger dès

lors que les actes de contrefaçons sont incontestables. La concession du défendeur

consisterait donc à verser une somme d’argent au demandeur, probablement supérieure

à ce que le juge pourrait retenir, afin de satisfaire les intérêts de la victime. La

réciprocité des concessions permet alors de qualifier l’accord conclu par les parties de

transaction.

Déséquilibre et asymétrie des risques. Paradoxalement, les concessions sont

réciproques mais pourtant il y a un réel déséquilibre dans ce type de transactions. Le

demandeur est en position de supériorité pour obtenir ce qu’il veut car il menace la

réputation du défendeur par la publicité du procès. Transiger permet au demandeur

d’obtenir plus que ce qu’un juge lui aurait accordé : ce n’est pas un risque pour lui, la

transaction ne peut être que bénéfique. C’est en ce sens qu’il y a une asymétrie des

risques dans la résolution du conflit par la transaction : seul le défendeur supporte le

risque de la publication judiciaire qui l’amène à transiger. C’est pourquoi il est contraint

de transiger.

Caractère vicieux de la transaction. Il apparait donc que la négociation

transactionnelle se limite à des arguments économiques et commerciaux, mais pas

juridiques. Si la solution peut paraitre équitable en ce sens que chacune des parties est

satisfaite, on ne peut que dénoncer l’absence de valeurs juridiques dans cette

transaction. Les parties ne recherchent pas la justice, mais le silence pour l’une et le

profit pour l’autre. Or la justice ne saurait reposer uniquement sur de tels arguments

extra juridiques. Pire encore, cette transaction a des allures de « chantage ». La

210

V. notamment TC Paris, 3 avril 2009, RG n° 2007070365. Sans réveler le contenu intégral de la

transaction conclue entre Casino et Villeroy et Boch, le jugement mentionne l’existence d’une indemnité

transactionnelle versée par le contrefacteur, Casino, pour un montant de 47 500 euros. 211

Par exemple TC Paris, 11 décembre 2009, RG n° 2008060795. La demande de dommages et intérêts

s’élevait globalement à 185 000 euros. On peut imaginer que l’indemnité transactionnelle versée

par le défendeur était au moins égale à ce montant, si ce n’est supérieure.

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

73

négociation y est malsaine : le défendeur achète la privacité sous la contrainte juridique

du demandeur. On ne peut que constater le caractère vicieux de ces transactions.

« Le risque de procès »212

est le corollaire de la transaction en matière de

contrefaçon. Le jugement n’est plus synonyme de justice ici mais d’instrument de

dissuasion du défendeur, le contraignant à transiger pour éviter la divulgation de ses

agissements fautifs au public. C’est particulièrement le risque de publication judiciaire

qui influe sur son consentement à la transaction, parce qu’une telle publicité de son

comportement illégal serait préjudiciable à sa réputation et comporte dès lors un

véritable risque commercial pour le responsable.

C’est pourquoi le risque de procès contraint le défendeur à transiger. La

transaction est connue pour ses vertus de privacité213

que l’on doit à sa nature

contractuelle. La volonté des parties y tient lieu de loi, permettant l’insertion d’une

clause de confidentialité qui vient renforcer le secret des relations d’affaires. Cette

concession de la victime n’a d’ailleurs pour finalité que d’obtenir en contrepartie,

conformément à l’exigence de concessions réciproques dans la transaction, une somme

d’argent. La transaction en matière de contrefaçon n’est qu’une contractualisation de la

privacité.

Cette idée de contrainte à transiger, véritable négociation pécuniaire sur la

privacité du litige démontre que la transaction est en l’espèce vicieuse. La transaction

comme contractualisation de la privacité opère un détournement de la finalité originelle

de ce mode de résolution des différents : plutôt que d’être un modèle d’apaisement du

conflit et d’équilibre entre les parties214

, elle illustre certains vices de la justice privée.

212

B. DEFFAINS et M. DORIAT-DUBAN, "Le procès: risque économique", Revue générale du droit

des assurances, 1er

juillet 2010, n° 2010-03, p. 870 213

T. CLAY, "La face cachée de la médiation", D. 2004, p. 3188. L’auteur met en lumière la

confidentialité inhérente à la transaction et ses conséquences. 214

C. JARROSSON, « La transaction comme modèle », in Le conventionnel et le juridictionnel dans le

règlement des différends, sous la dir. de P. ANCEL, M.-C. RIVIER, Economica, coll. Etudes juridiques,

2001, p. 60 et s.

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

74

Titre II RISQUE JURIDIQUE

Il n’y a pas de procès sans risque quel qu’il soit. Un risque de condamnation, de

rejet de la demande, ou encore un risque juridique. Le risque juridique peut être défini

comme un risque résultant du droit, tant de la loi que de la jurisprudence, et dont les

effets s’ils devaient se réaliser seraient juridiques. Autrement dit, ces effets viendraient

affecter l’état actuel du droit et son développement futur. C’est par exemple le risque de

création de précédents jurisprudentiels.

Ce risque juridique issu du procès et de la jurisprudence pèse sur l’une des parties,

particulièrement dans les domaines exposés au contentieux de masse comme le droit de

la consommation (Chapitre 1). En droit de la consommation, ce risque pèse sur le

professionnel, l’amenant à concevoir autrement le litige que par une solution

juridictionnelle. A la recherche d’une solution extrajudiciaire anéantissant la possibilité

de création prétorienne, le professionnel a la faculté d’opter pour un règlement privé du

conflit par la transaction (Chapitre 2).

Chapitre I LE RISQUE ISSU DE LA CREATION DE PRECEDENTS

Le système juridique français est traditionnellement hostile à la notion de

précédents en ce sens que cela remettrait en cause la hiérarchie des normes selon

laquelle la loi est la source de droit par excellence. Cette suprématie légale est

cependant remise en cause par la pratique juridique. En effet l’étude de la jurisprudence

démontre qu’une réelle force est conférée aux précédents prétoriens (Section 1). Cette

force est exacerbée en matière de droit de la consommation en raison du phénomène des

contentieux de masse, instaurant un réel risque juridique pour le professionnel (Section

2).

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

75

Section 1 La force des précédents

Il est de tradition au sein de la doctrine de débattre vigoureusement sur

l’appartenance ou non de la jurisprudence aux sources du droit français. Il convient de

se rattacher à la position des défenseurs d’une véritable source prétorienne du droit215

,

du fait que le juge est indéniablement créateur de précédents (Paragraphe 1). Cependant,

la jurisprudence demeure une source toute particulière en ce sens que les précédents

qu’elle crée ont une portée nuancée (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 Le rôle créateur de la jurisprudence

Les magistrats ont longtemps nié l’existence d’un pouvoir créateur entre leurs

mains. Il est vrai qu’en théorie, le rôle du juge est d’appliquer la loi à une situation, pas

de créer une norme. Mais l’évolution législative et la complexification des relations

juridiques ont eu pour conséquence d’amener le juge, souvent malgré lui, à créer du

droit216

.

Imperfection législative et création prétorienne217

. C’est bien souvent

l’imperfection de la loi qui met en exergue le pouvoir créateur du juge. En effet l’article

4 du code civil prohibe le déni de justice sous couvert d’une lacune législative, ce qui

revient à imposer au juge de créer le droit lorsque l’application de la loi ne permet pas à

elle seule de résoudre le litige. Or la doctrine ne cesse de rappeler que l’inflation

législative a pour conséquence l’inaccessibilité du justiciable au droit, que les textes

sont de plus en plus imprécis218

. C’est d’ailleurs parfois une volonté même du

législateur qui laisse le soin au juge d’interpréter le texte au regard de la situation

concrète219

. Mais par delà les imperfections légales, il est aussi des situations que la loi

215

V. notamment M. GOBERT, "La jurisprudence, source du droit triomphante mais menacée", RTD Civ.

1992, p. 344 216

Pour une étude en ce sens de N. MOLFESSIS, « Les revirements de jurisprudence », in N.

MOLFESSIS (dir.), La Cour de cassation et l'élaboration du droit, Economica, 2004, p. 151 217

P. Malaurie explicite un lien de causalité entre le pouvoir créateur du juge et la loi. Selon lui, la

création prétorienne s’impose de plus en plus comme une véritable source de droit, favorisée par le déclin

de la loi. P. MALAURIE, "La révolution des sources", Petites affiches, 25 juillet 2006, n° 147, p. 10 218

Sur l’influence de l’imprécision des textes sur le pouvoir créateur du juge, v. S. TOURNAUX,

"L'obiter dictum de la Cour de cassation", RTD Civ. 2011, p. 45 219

C’est notamment le cas en droit des affaires en raison de la complexité et la diversité des situations

juridiques dans ce domaine. Elaborer un texte au champ restrictif reviendrait à accepter que certaines

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

76

n’encadre pas car le législateur ne peut raisonnablement pas prévoir toutes les données

factuelles qui seront un jour soumise au juge. C’est ainsi qu’en application de l’article 4

du code civil, le juge doit créer le droit pour faire application de la justice lorsque la loi

est silencieuse ou obscure.

Pouvoir souverain d’interprétation du juge et précédents. La création

prétorienne est avant tout œuvre de l’interprétation du juge. Dans le cadre de son

pouvoir souverain, le juge interprète une norme obscure afin d’en faire une application

jurisprudentielle au cas concret220

. Cette application peut d’ailleurs être dérogatoire dès

lors que la situation factuelle s’y prête221

. C’est ainsi par exemple que l’interprétation

prétorienne en matière de vente à distance a permis de dégager la règle selon laquelle le

démarchage téléphonique relève de ce régime. Mais le juge, particulièrement celui de la

Cour de cassation, crée parfois une règle de toute pièce, un obiter dictum222

. On peut

penser à la création prétorienne de la contrepartie financière en matière d’obligation de

non concurrence en droit du travail223

, que la loi n’envisageait pas. Dès lors le juge crée

un précédent : il fait une application de la loi ou crée une règle qui pourra être reprise

par ses pairs dans une affaire similaire.

C’est d’ailleurs la limite de son pouvoir créateur. Si la jurisprudence établit des

précédents, ceux-ci ne sont absolument pas impératifs pour les juges comme le serait la

loi.

Paragraphe 2 Un modèle non obligatoire d’interprétation

Absence de précédent obligatoire. Le droit français ignore le précédent

obligatoire224

. En effet l'article 5 du Code civil interdit au juge de fixer des règles en

situations ne rentrent pas dans le domaine de la loi et échappent à tout contrôle. L’imprécision permet au

juge d’adapter le texte au regard de la situation concrète qui lui est soumise. 220

Hébraud disait à ce sujet que la jurisprudence représentait « le visage du droit, et plus spécialement de

la loi, tel qu'il apparaît à travers une application juridictionnelle ». HEBRAUD, Le juge et la

jurisprudence, Mélanges Couzinet, 1974, p. 329 et s. spéc. p. 363 221

« Mais on sait qu'en fait, à la faveur de son pouvoir d'interprétation et de création de la règle de

droit, le juge s'affranchit assez souvent des commandements du législateur et pose des règles qui, plus

proches du concret, sont franchement dérogatoires ». F. GRUA, "Les divisions du droit", RTD Civ. 1993

p. 59 222

Sur ce point, v. S. TOURNAUX, "L'obiter dictum de la Cour de cassation", RTD Civ. 2011, p. 45 223

Cass. Soc., 10 juillet 2002, Bull. civ. V, 2002, n° 239 p. 234 224

E. SERVERIN & A. JEAMMAUD, "Concevoir l'espace jurisprudentiel", RTD Civ. 1993, p. 91

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

77

dehors des causes qui lui sont soumises, d'imposer pour l'avenir la règle retenue au

fondement de sa décision. Il y a donc une prohibition d’édicter une règle générale qui

aurait vocation à s’appliquer même à des faits différents de ceux jugés. Il est également

interdit au juge de conférer à cette solution, générale ou même d’espèce, un caractère

contraignant pour l’avenir. Cette absence d’autorité absolue des précédents distingue le

droit français du droit anglo-saxon, au sein duquel les précédents de la House of Lords

lient les juges pour l’avenir. Le rejet de ce binding precedent en droit français se justifie

par la différence fondamentale entre la philosophie romano germanique du droit et celle

de Common law : dans la première le juge s’inspire d’une règle générale pour en faire

une application au cas concret alors qu’à l’inverse, dans la seconde, il part d’une

situation concrète pour dégager une règle générale225

.

Instrument prétorien, modèle d’appréciation et similitude des faits.

L'article 5 du code civil prohibe les arrêts de règlements, généraux et abstraits, mais ne

s'oppose pas à la force des précédents. Il oblige simplement le juge à vérifier la

pertinence de leur application ultérieure au regard des circonstances de l'espèce. Ainsi,

la solution juridictionnelle résultant de l’interprétation ou de l’appréciation faite par un

juge d’une situation concrète peut être reprise par un de ses pairs dans une affaire

ultérieure, dès lors que ce dernier justifie d’une similarité des faits d’espèce. Au regard

d’une même situation juridique, le magistrat peut se fonder sur une appréciation

prétorienne antérieure pour résoudre le litige, à la manière d’un modèle d’appréciation.

L’instrument prétorien qu’est le précédent est d’ailleurs une véritable aide au jugement,

un guide d’interprétation, particulièrement lorsque la Cour de cassation en est

l’auteur226

. N. Molfessis le qualifiait de « raccourci technique227

» pour les juges du

fond, citant F. Zenati qui vantait les mérites du précédent en tant qu’instrument

d’élaboration des jugements. Cet auteur précisait que le précédent « ne fait pas

225

L.-X. SIMONEL, "Le juge et son précédent", Gaz. Pal., 11 décembre 1999 n° 345, p. 2. L’auteur

explique ici cette différence fondamentale: « Le juge de Common Law n'existerait et ne remplirait sa

fonction qu'en s'inscrivant méticuleusement dans la trame continue des solutions jurisprudentielles

rendues par ses prédécesseurs, tandis que le juge de droit écrit codifié se verrait contraint à un exercice

de création originale permanent, lui imposant à l'occasion de chacune des espèces qui lui est soumise, de

reconstruire un micro-système juridique cohérent en soi. » 226

En tant que plus haute juridiction, la portée des précédents dégagés par la Cour de cassation est

d’autant plus remarquable. 227

N. MOLFESSIS, "Doctrine de la Cour de cassation et reconnaissance des précédents", RTD Civ.

2003, p. 567

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

78

disparaître le jugement ; il ne fait qu'en faciliter l'élaboration. Dans un système

juridictionnel perfectionné, le juge dispose d'instruments techniques de jugement. Il ne

réinvente pas la justice à chaque procès.228

».

Légitimité des précédents, doctrine des juges229

. La force des précédents

résulte du fait qu’ils peuvent servir de modèle d’appréciation. Leur portée dépend de

leur application future par les magistrats230

. On parle de précédent lorsqu’il y a une

véritable « politique juridique » des juges du fond, qui, en ne remettant pas en question

l’interprétation de leurs pairs, attribuent une certaine légitimité à la jurisprudence

antérieure231

. C’est ainsi que la reprise fréquente d’un précédent par les juges permet

d’affirmer que la jurisprudence, sur un point précis, est constante. Une légitimité issue

de leurs pairs mais également des praticiens du droit. En effet dans leurs conclusions,

les avocats appuient souvent leurs arguments par une jurisprudence antérieure établie

dans une espèce similaire232

.

Précédent, prévisibilité et sécurité juridique. La constance de la jurisprudence

passe par la reconnaissance des précédents comme modèle d’appréciation lorsque les

faits sont identiques. C’est d’ailleurs un impératif de sécurité juridique233

. On voit mal

comment un juge pourrait appliquer le droit différemment dans le cadre de deux affaires

228

F. ZENATI, La jurisprudence, Dalloz, 1991, p. 106 229

Pour reprendre l’expression de N. Molfessis, qu’il tire lui même de certains arrêts de la Cour de

cassation. N. MOLFESSIS, "Doctrine de la Cour de cassation et reconnaissance des précédents", RTD

Civ. 2003, p. 567

V. également D. DE BECHILLON, "Le gouvernement des juges: une question à dissoudre", D. 2002, p.

973. L’auteur critique ici le terme de « gouvernement » des juges car il considère que l’action de juger est

par nature normative. Il cite par ailleurs quelques exemples de création prétorienne, tels l’élaboration de

régimes juridiques (notamment en matière de contrats) ou la nature de son office (particulièrement à

l’égard de l’arrêt Nicolo), qui viennent conforter nos propos sur le fait que le juge a effectivement un

pouvoir créateur. 230

P. MALAURIE, "La révolution des sources", Petites affiches, 25 juillet 2006, n° 147, p. 10. L’auteur

précise que plus les arrêts retenant la même solution pour un cas d’espèce similaire sont nombreux, plus

la jurisprudence est dite « constante ». 231

N. MOLFESSIS, "Doctrine de la Cour de cassation et reconnaissance des précédents", art. préc.. Le

Professeur souligne ici que ce n’est pas tant l’autorité de chose jugée qui confère le caractère de

« décision doctrinale définitive » à un arrêt de renvoi de la Cour de Cassation, mais le fait que les juges

du fond ne le remettent pas en question. 232

V. sur ce point L.-X. SIMONEL, "Le juge et son précédent", Gaz. Pal., 11 décembre 1999, n° 345, p.

2. L’auteur illustre l’existence indéniable de précédents, notamment en raison de la reprise des décisions

judiciaires antérieures par les avocats dans leurs conclusions. Il y voit une manière pour eux de conduire

le juge à suivre la jurisprudence antérieure. 233

F. POLLAUD-DULIAN, "A propos de la sécurité juridique", RTD Civ. 2001, p. 487. L’auteur parle de

« tendance naturelle » des juges à suivre une jurisprudence constante, ce qui participe à garantir la

sécurité juridique.

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

79

similaires sans remettre en cause cette sécurité. La prévisibilité du droit, corollaire de la

sécurité juridique, justifierait le fait que le juge doive se fonder sur le précédent d’une

affaire dont les faits sont identiques. Le magistrat participe donc activement au maintien

de la sécurité juridique en ce sens que l’application du droit qu’il retient permet

« l'anticipation rationnelle d'une solution dans des circonstances analogues234

».

La force des précédents a une sonorité particulière en matière de droit de la

consommation en raison de son exposition au phénomène de litiges de masse.

Section 2 Un risque juridique pour le professionnel

Le droit de la consommation est dérogatoire au droit commun en raison de sa

particularité. En effet il a vocation à « pallier le déséquilibre inhérent aux relations

nouées entre un professionnel et un consommateur 235

». Dès lors les dispositions qui

régissent cette relation sont spécifiques en ce sens qu’elles visent à protéger le profane.

Il dispose alors d’un véritable arsenal juridique contre le professionnel (Paragraphe 1).

Un droit protecteur et puissant dès lors qu’il s’inscrit dans un phénomène de contentieux

de masse en droit de la consommation, favorisant la création et le développement de

précédents, véritable risque juridique pour le professionnel (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 Un arsenal juridique contre le professionnel

Arsenal de fondements en faveur du consommateur. « Le droit de la

consommation tend à faire du consommateur un incapable majeur ou un éternel

mineur236

». Les dispositions du code de la consommation sont explicitement rédigées en

faveur du consommateur, considéré comme la partie faible. Il dispose de nombreux

fondements pour agir contre le professionnel qui tenterait de profiter de son ignorance,

tel l’obligation d’information qui pèse sur le commerçant en vertu de l’article L111-1 du

234

E. SERVERIN & A. JEAMMAUD, "Concevoir l'espace jurisprudentiel", RTD Civ. 1993, p. 91 235

N. CHEKLI, "Consommation et règlements alternatifs des litiges", Revue Lamy Droit des affaires,

février 2007, n°13 236

P. MALAURIE, L. AYNES, P. STOFFEL-MUNCK., Les obligations, Defrénois, 2005, spéc. n° 423

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

80

code de la consommation237

. On pourrait également citer l’article L132-1 du même code

qui prévoit que : « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels

ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer,

au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif

entre les droits et obligations des parties au contrat. ». Cet article illustre bien le

raisonnement du législateur selon lequel le consommateur est la partie faible au contrat,

pouvant être abusé par le professionnel. L’importance de ce texte est d’autant plus

manifeste qu’il est d’ordre public. L’article L120-1 du code de la consommation238

relatif aux pratiques commerciales déloyales est tout aussi explicite, puisqu’il prévoit la

prohibition de ces pratiques de la part du professionnel dès lors qu’elles pourraient

altérer le comportement du consommateur. Il n’y a d’ailleurs pas que les textes relatifs

au code de la consommation qui fondent les actions des consommateurs. Bien souvent

les articles 1134, 1147 et 1382 du code civil sont le fondement des prétentions du

consommateur, comme en matière de résiliation fautive fondée sur l’article 1134239

ou

de publicité mensongère sur l’article 1382240

. Il apparait donc que le consommateur

bénéficie d’une protection accrue contre le professionnel.

Arsenal de sanction. Les sanctions prévues contre le professionnel contrevenant

aux dispositions du code de la consommation sont également multiples. L’article L421-

6 du Code de la consommation prévoit la possibilité pour le consommateur de demander

au juge de faire stopper les agissements illicites du professionnel, notamment en matière

de publicité mensongère ou de clauses abusives, et ce sous astreinte. L’intérêt de ce

texte est de faire cesser le trouble occasionné par le professionnel241

. Plus contraignant

encore, l’article L421-9 dispose que le consommateur lésé peut demander au juge qu’il

ordonne la publication judiciaire de la décision. C’est une véritable sanction pour le

237

Art. L111-1-I du code de la consommation : « Tout professionnel vendeur de biens doit, avant la

conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles

du bien. » 238

Issu d’une directive communautaire, le texte prévoit que : « Les pratiques commerciales déloyales

sont interdites. Une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la

diligence professionnelle et qu'elle altère, ou est susceptible d'altérer de manière substantielle, le

comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à

l'égard d'un bien ou d'un service. » 239

V. par exemple TC Paris, 24 septembre 2009, RG n° 2009047533 240

V. notamment TC Paris, ordonnance de référé, 16 avril 2010, RG n° 2010009406 241

C’est pourquoi la plupart des actions engagées par un consommateur concernant une pratique illicite

font l’objet d’un référé.

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

81

professionnel qui verrait ses agissements illégaux dévoilés au public, entrainant de

nombreuses conséquences242

. Le consommateur peut également obtenir des dommages

et intérêts, parfois conséquents, voire même des dommages et intérêts punitifs243

qui

peuvent s’avérer largement dissuasifs244

.

Interprétation extensive des juges. Il n’y a pas que les textes qui démontrent la

philosophie du droit de la consommation. La jurisprudence illustre également cette

faveur envers le profane à travers son interprétation extensive et son appréciation

favorable. En tout premier lieu, la jurisprudence est constante sur le fait que la

présomption de faiblesse du consommateur est irréfragable245

. C’est une faveur

accordée au consommateur, au détriment du professionnel qui ne pourra en aucun cas

prétendre que le consommateur était averti. Mais l’illustration la plus manifeste est la

diversité des préjudices reconnus en faveur du consommateur, particulièrement en

matière de contentieux avec les fournisseurs d’accès à internet. Par exemple, la Cour

d’appel de Grenoble a reconnu l’existence d’un préjudice moral d’un consommateur en

raison de la mauvaise qualité du service après vente du fournisseur d’accès246

. On ne

peut que souligner l’appréciation extensive des juges en ce qui concerne le préjudice

subi. Les juges du tribunal de grande instance de Paris ont estimé qu’un préjudice de

jouissance était établi lorsqu’un « grand amateur de films de cinéma » ne pouvait avoir

accès à internet et à la télévision247

. Dès lors ils ont accordé des dommages et intérêts au

consommateur au titre de ce préjudice. Enfin, les magistrats de la Cour d’appel de Paris

ont reconnu que les frais d’attente téléphonique d’un service après vente constituaient

un préjudice matériel pour le consommateur, susceptible d’être indemnisé248

.

L’application du droit de la consommation par les juges, déjà protecteur, est

manifestement favorable aux consommateurs en ce sens qu’ils ont une interprétation

extensive permettant de réparer au mieux les préjudices des consommateurs, au

détriment du professionnel.

242

Sur ce point, v. supra, p. 60 et 61 243

Pour une étude des dommages et intérêts punitifs, v. S. CARVAL, La responsabilité civile dans sa

fonction de peine privée, Thèse, LGDJ, 1995 244

J. KULLMANN, "Intérêt collectif des consommateurs et peine privée : la publication de la décision

judiciaire étrangère à la réparation du préjudice", D. 1992, p. 405 245

V. notamment J. CALAIS-AULOY et F. STEINMETZ, Droit de la consommation, Paris, Dalloz, 7e

éd., 2006, n° 1, p. 2 et s. 246

CA Grenoble, 7 septembre 2010, Free / X et UFC que choisir 38, n° 07/04485 247

TGI Paris, 15 mars 2010, X / NUMERICABLE, RG n° 09/13397 248

CA Paris, 11 juin 2010, FREE / X et UFC que choisir, n° 07/12995

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

82

Par conséquent le professionnel considère le procès comme un risque, le risque

d’une condamnation en vertu de cette faveur qu’accorde le droit au consommateur.

Hormis l’arsenal offensif du profane, ce risque est accentué par le phénomène des

contentieux de masse, inhérent au droit de la consommation.

Paragraphe 2 L’influence des litiges de masse sur la création

prétorienne

Consommation de masse et multiplicité des victimes. Le droit de la

consommation est particulièrement influencé par le phénomène de consommation de

masse. En effet l’offre massive et impersonnelle de certains professionnels leur permet

de fournir des biens ou services dans des conditions identiques à une multiplicité de

consommateurs. C’est notamment le cas en matière de fourniture d’accès à internet ou

d’offres de téléphonie mobile. Même si les offres sont différentes afin de satisfaire les

besoins divers des consommateurs, tous souscrivent des engagements au regard de

contrats types, identiques pour chaque forfait. Ils bénéficient tous des mêmes

conditions, du même service après vente. C’est pourquoi lorsqu’une contravention au

droit de la consommation est repérée dans un contrat entre un professionnel et un

consommateur, notamment une clause considérée comme abusive, elle existe dans

toutes les conventions de ce type puisqu’elles sont identiques pour un même

fournisseur. On peut également affirmer que lorsqu’un professionnel tel qu’un opérateur

téléphonique a recours à des pratiques déloyales au sens de L120-1 du code de la

consommation, ces pratiques touchent tout un ensemble de consommateur bénéficiant

des mêmes biens ou services. Dès lors que la contravention au droit de la consommation

entraine un préjudice pour un consommateur, tous ceux qui ont subi la même pratique,

que ce soit une clause abusive dans un contrat de fourniture de téléphone ou d’internet,

ou encore une pratique déloyale, peuvent prétendre à la réparation de leur propre

préjudice né des agissements du professionnel. Il y a une multiplicité de victimes

susceptibles de demander réparation au professionnel249

.

249

Par exemple, 21 consommateurs liés par un contrat de fourniture d’accès à internet ont demandé

réparation à la Cour d’appel de Grenoble de leurs préjudices moral, matériel ou de jouissance au titre des

défaillances du service après vente de Free. Ils bénéficiaient du même contrat d’abonnement et des

mêmes services complémentaires, comme le service après vente défaillant, leur permettant d’agir

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

83

Actions des consommateurs et associations. Un consommateur seul peut agir

en justice contre le professionnel250

, mais il aura tendance à ne pas le faire251

surtout

lorsqu’il s’agit d’une entreprise notoire comme celles de la téléphonie. Les couts,

l’incertitude et la longueur de la justice l’en auront dissuadé. Le rôle des associations de

consommateurs est de regrouper les victimes des pratiques contraires au droit de la

consommation afin qu’ensemble elles pèsent plus de poids lorsqu’elles agissent en

justice. Par ailleurs, lorsqu’une association de consommateurs enclenche un procès en

vertu des articles L421-1 ou L422-1 du code de la consommation, elle prend à sa charge

les frais de justice, allégeant les contraintes du consommateur. C’est elle qui mène

l’action des consommateurs et les poussent à demander réparation au juge. D’ailleurs

lorsqu’ils sont nombreux, le professionnel peut être amené à réparer pour chacun

d’entre eux leur préjudice, chiffrant vite à des sommes importantes. C’est ainsi que les

juges se trouvent confrontés à une multiplicité d’affaires identiques, les amenant à

considérer la jurisprudence antérieure.

Similarité des conflits et « raccourci technique 252

» du précédent. Il a été

démontré que les litiges en droit de la consommation sont généralement les mêmes,

parce que les contrats sont identiques et les pratiques visent un large public. Les faits

demeurent similaires, amenant le juge à s’intéresser aux décisions antérieures. En effet,

lorsque les juges sont confrontés à une affaire présentant la même situation d’espèce

qu’une décision antérieure, ils peuvent recourir à la technique du précédent. C'est-à-dire

qu’ils peuvent se fonder sur une jurisprudence établie par leurs pairs pour justifier leur

décision. Cela constitue un réel « raccourci technique » pour eux que de se référer à

l’interprétation de la jurisprudence antérieure. D’autant plus dans ce domaine du droit

de la consommation qui peut s’avérer technique et complexe, suscitant de la part des

juges un intérêt pour le raisonnement de leurs prédécesseurs. L’utilisation du précédent

vient alors faciliter le travail des juges, tout autant qu’elle contrarie le professionnel.

ensemble sur le même fondement contre le professionnel. CA Grenoble, 7 septembre 2010, Free / X et

UFC que choisir 38, n° 07/04485 250

V. par l’exemple l’affaire portée devant le TGI de Paris par un consommateur agissant seul, TGI

Paris, 15 mars 2010, X / NUMERICABLE, RG n° 09/13397 251

N. CHEKLI, "Consommation et règlements alternatifs des litiges", Revue Lamy Droit des affaires,

février 2007, n°13. L’auteur considère que le coût des actions en justice peut être supérieur au gain

espéré, dissuadant le consommateur d’intenter un procès au professionnel. 252

Selon l’expression utilisée par N. MOLFESSIS, "Doctrine de la Cour de cassation et reconnaissance

des précédents", RTD Civ. 2003, p. 567

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

84

Effet « boule de neige » des précédents. Dès lors qu’il a été souligné que

l’interprétation des textes et l’appréciation des faits par les juges sont extensives et

favorables au consommateur, la reprise de la jurisprudence antérieure ne bénéficie pas

souvent au professionnel. Ainsi une décision à l’encontre d’un professionnel peut en

entrainer une autre, puis un autre… De sorte que cela créer un effet « boule de neige ».

Par exemple, la Cour de cassation a reconnu l’existence d’une obligation de résultat

concernant l’accès à internet imposée aux fournisseurs en novembre 2009, en vertu des

articles 1147 et 1148 du code civil, justifiant leur condamnation s’ils violent cette

obligation253

. Ce raisonnement a été repris par la Cour d’appel de Paris en juin 2010

afin de condamner le fournisseur d’accès n’ayant pas assuré son obligation de résultat,

au profit des consommateurs254

. La Cour d’appel de Grenoble en septembre 2009 a

également consacré cette jurisprudence255

. Cette légitimité conférée à la décision de la

Cour de cassation par la reprise de sa solution ultérieure par les juges du fond vient

établir une jurisprudence constante concernant l’obligation de résultat des fournisseurs

d’accès à internet. Une jurisprudence qui, par ailleurs, reste fortement contraignante

pour le professionnel. On peut également citer l’exemple de la reconnaissance

croissante de l’existence d’un préjudice moral subi du fait des agissements des

professionnels. Le tribunal d’instance de Meaux l’a d’abord reconnu en février 2009256

,

repris en ces termes par la Cour d’appel de Grenoble en septembre 2010257

, puis par la

Cour d’appel de Paris le 27 janvier 2011258

. Là encore, la jurisprudence se multiplie sur

la reconnaissance, pourtant surprenante, de l’existence d’un préjudice moral en faveur

du consommateur, établissant un réel courant fondé sur les précédents. La force des

précédents en droit de la consommation est ainsi remarquable.

Risque juridique et création de précédents. Les précédents peuvent être repris

par les nombreux conflits ultérieurs du même ordre, de sorte qu’ils renforcent

l’édification d’une jurisprudence constante259

. Or plus celle-ci est constante, plus elle est

253

Cass., 1ère

civ., 19 novembre 2009, n° 08-21.645 254

CA Paris, 11 juin 2010, FREE / X et UFC que choisir, n° 07/12995 255

CA Grenoble, 7 septembre 2010, Free / X et UFC que choisir 38, n° 07/04485 256

TI Meaux, 19 Février 2009, RG n° 110809 257

CA Grenoble, 7 septembre 2010, Free / X et UFC que choisir 38, n° 07/04485 258

CA Paris, 27 janvier 2011, n° 09/10610 259

Il est évidemment impossible de savoir si une décision de justice va faire jurisprudence ou non. Mais

cela reste un risque juridique non négligeable pour le professionnel qui peut préférer éviter la justice

étatique plutôt que de prendre le risque d’être l’origine de la création d’un nouveau précédent.

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

85

légitime. En pratique la jurisprudence devient quasiment irréversible. Ce phénomène

des contentieux de masse venant renforcer une solution jurisprudentielle précédente se

développe au détriment du professionnel. En effet la plupart du temps, la jurisprudence

lui est défavorable. La création d’un nouveau précédent à son encontre constitue un réel

risque juridique pour le professionnel, risque issu du procès. Par conséquent l’intérêt

des professionnels est non seulement de ne pas risquer un procès qui viendrait renforcer

la jurisprudence antérieure et entrainer leur condamnation, mais surtout ab initio de ne

pas se soumettre à la justice étatique au risque de créer un nouveau précédent qui

pourrait leur porter préjudice.

La création de précédents est un véritable risque juridique pour le professionnel.

D’une part parce que le phénomène des contentieux de masse vient multiplier la reprise

de la jurisprudence antérieure, d’autre part car cette jurisprudence est généralement dure

avec les professionnels. C’est pourquoi le risque juridique issu du procès incite les

professionnels à éviter la justice étatique pour préférer le règlement discret du conflit

par la transaction.

Chapitre II L’EVICTION DE LA JUSTICE ETATIQUE

Une transaction peut avoir diverses motivations. Son vaste régime lui permet de

revêtir bien des aspects. Chaque partie peut transiger pour une raison différente de

l’autre : pour éviter les longueurs de la justice publique, pour empêcher que l’aléa

judicaire vienne provoquer l’incertitude des parties.

En droit de la consommation, lorsque les parties transigent, c’est manifestement

pour satisfaire à des intérêts qui ne ressemblent pas. Le professionnel, sur lequel pèse le

risque juridique inhérent à la création de précédent, transige en raison de la privacité de

ce mode de règlement des conflits (Section 1). Quant au consommateur, l’acceptation

d’un accord résulte des inconvénients pratiques de la justice étatique (Section 2). Il en

résulte que la transaction en la matière est malsaine : elle n’est qu’un moyen de

remédier à l’inefficacité judiciaire pour certains et d’éviter la justice étatique pour

d’autres.

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

86

Section 1 Une éviction stratégique pour le professionnel

L’intérêt du professionnel partie à un conflit relatif au droit de la consommation

est de s’assurer de la privacité du litige. C’est pourquoi la transaction lui offre certaines

garanties : elle permet d’empêcher l’émergence de précédents en la matière, illustration

de l’éviction de la justice publique par le professionnel (Paragraphe 1) grâce ses

attributs de confidentialité et de privacité (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 La volonté d’empêcher l’émergence de précédents

Lorsque le professionnel transige avec le consommateur, c’est la plupart du

temps pour éviter l’émergence de précédents. Ce risque juridique fonde le professionnel

à proposer une transaction, entrainant les désistements réciproques des parties (A). Dès

lors que sa finalité est d’éviter la création prétorienne, la transaction devient

l’instrument d’une stratégie juridique fondée sur la rationalité du professionnel (B).

A. L’influence du risque juridique sur le désistement d’instance

Désistements et effet extinctif des transactions. Il est difficile d’estimer

combien d’affaires relatives à un conflit entre un professionnel et un consommateur

échappe à la justice étatique. Dans un souci de privacité et d’inconvénients procéduraux

inhérents à l’action du consommateur260

, les parties négocieraient en amont, avant

l’introduction d’une quelconque instance : une partie du contentieux peut faire l’objet

d’une transaction extrajudiciaire. En revanche lorsqu’une transaction est conclue alors

qu’une instance est en cours, celle-ci a un effet extinctif261

. Dès lors les parties qui

transigent doivent se désister de l’instance en cours. On peut ainsi penser que lorsque

les parties à un litige relatif au droit de la consommation se désistent de l’instance, c’est

parce qu’elles ont conclu une transaction.

260

Sur ce point, v. infra p. 93 et 94 261

P. MALAURIE, L. AYNES et P.-Y. GAUTIER, « La transaction », Répertoire du notariat Defrénois,

15 mars 2010, n°5, p. 543 et s.

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

87

A titre d’exemple, les désistements dans les contentieux relatifs aux opérateurs

téléphoniques et fournisseurs d’accès avec des consommateurs illustrent cette volonté

des professionnels d’éviter la justice étatique. Il résulte de la jurisprudence du tribunal

de commerce de Paris en 2009262

que sur 30 affaires dans lesquels la SAS Free était

défenderesse, 8 ont fait l’objet d’un désistement. Quant à SFR, 61 affaires ont été

portées devant les juges consulaires parmi lesquelles 17 affaires se sont soldés par un

désistement263

. La SA Orange s’est désistée dans 19 contentieux sur un total de 123

affaires264

. Concernant Bouygues Télécom, sur 10 litiges, 5 ont fait l’objet d’un

désistement. Enfin Numéricable était partie à 14 affaires en 2009, dont 4 se sont soldées

par un désistement. Ces données illustrent la volonté de fuite de la justice étatique de la

part des professionnels, particulièrement dans ce domaine de la téléphonie où la

jurisprudence est dense.

Or il apparait inconcevable que le demandeur se désiste et refuse d’obtenir

justice. Par exemple, lorsqu’une entreprise commerciale, ayant la qualité de

consommateur, demande au juge de condamner la société Orange au paiement de près

de 400 000 euros de dommages et intérêts, pour rupture fautive, il semble impossible

que la demanderesse renonce à obtenir justice en se désistant265

. Ou encore lorsqu’une

société victime de renvois d’appels illégaux se désiste, alors qu’elle prétendait à une

somme de plus 1 600 000 euros à titre de réparation pour la mauvaise exécution du

contrat par un opérateur, il apparait également qu’elle ne va pas passer outre le conflit.

On peut présumer que ces désistements sont opérés en raison de la conclusion implicite

d’une transaction, de manière privée.

Risque juridique de précédent, désistements et transactions. Pour le

professionnel, le procès entraine un risque juridique, celui de la création d’un nouveau

précédent qui lui serait préjudiciable. Un risque car il y a une probabilité positive que,

262

Il convient de souligner que le tribunal de commerce de Paris est compétent dès lors qu’il s’agit d’un

contentieux entre commerçants. L’une des parties peut être considérée comme un non professionnel car

n’agissant pas dans le cadre de son activité. En dehors de ces cas restreints, la majorité des contentieux en

matière de droit de la consommation sont soumis aux juridictions civiles. C’est pourquoi les décisions

étudiées ne représentent qu’une infime partie du contentieux entre consommateurs et professionnels. 263

Concernant les désistements relatifs à un litige mettant en cause SFR, v. notamment TC Paris, 9

décembre 2009, RG n° 2009032973 ; TC Paris, 24 septembre 2009, RG n° 2009047533 ; TC Paris, 13

mai 2009, RG n° 2008021983 264

V. notamment TC Paris, 26 mars 2009, RG n° 2007066672 265

TC Paris, 26 mars 2009, RG n° 2007066672

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

88

dans une situation n’ayant fait l’objet d’aucun contentieux majeur, le juge crée une

nouvelle jurisprudence en la matière, défavorable au professionnel. Or le professionnel

a tout intérêt à considérer cette incertitude, et ne pas prendre ce risque. C’est pourquoi il

peut opter pour une résolution non juridictionnelle du conflit, telle la transaction.

L’absence de juge dans le règlement de son litige lui permet de s’assurer qu’aucune

jurisprudence ne sera mise en lumière, d’autant plus que la transaction est l’assurance

d’une solution privée266

. Ainsi, dès lors qu’un consommateur intentera une action contre

un professionnel, ce dernier peut proposer une transaction. Si le consommateur accepte

la proposition, il se désiste de l’instance267

. C’est pourquoi la transaction est

l’instrument d’une stratégie juridique.

B. La transaction, instrument d’une stratégie juridique rationnelle

Calcul rationnel et stratégie juridique. Il apparait alors que la transaction est

l’instrument d’une stratégie juridique élaborée par le professionnel. Cette stratégie

repose sur un calcul rationnel268

de sa part reposant sur plusieurs données. D’une part, le

risque juridique issu de la création d’un précédent lors d’un procès est une probabilité,

qui peut se réaliser ou non. Si le juge venait à faire émerger un précédent à l’encontre du

professionnel, susceptible d’être repris par ses pairs lors de contentieux ultérieurs, le

coût des futures condamnations pourrait être colossal. D’autant plus que le droit de la

consommation est sujet aux contentieux de masse. Ainsi les consommateurs informés

de la condamnation du professionnel au titre de pratiques qu’ils ont eux aussi subi

peuvent intenter une action en se fondant sur la jurisprudence antérieure, entrainant des

contentieux en cascade qui pourraient couter cher au professionnel. Alors que d’autre

part, la transaction permet d’éviter l’émergence de précédent et le développement de la

jurisprudence antérieure. En revanche le professionnel peut être amené à payer une

266

V. par exemple G. CORNU, Les modes alternatifs de règlements des conflits : Rapport de synthèse,

Rencontres internationales de droit comparé, Damas 5-8 octobre 1996, RIDC 1997 (2), p. 313. Le célèbre

auteur considère que la confidentialité est l’un des sept piliers des modes alternatifs de règlement des

conflits. 267

Par conséquent, les désistements constatés en la matière par le tribunal de commerce de Paris en 2009

peuvent se justifier par une transaction proposée par le professionnel qui veut éviter la création de

précédents. 268

Sur la rationalité des entreprises lors de la résolution de leur conflit, v. B. DEFFAINS et M. DORIAT-

DUBAN, "Le procès: risque économique", Revue générale du droit des assurances, 1er

juillet 2010

n° 2010-03, p. 870

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

89

indemnité transactionnelle plus élevée que lors d’un procès afin que le consommateur

accepte. C’est en balançant ces données que le professionnel doit opérer un choix

stratégique, démontrant sa rationalité. Il en résulte que le coût d’un arrangement est bien

inférieur à l’éventuel coût résultant des condamnations massives pouvant résulter de la

création d’un précédent. Dès lors il est clair que la transaction est avant tout un choix

stratégique, permettant de résoudre le conflit à moindre coût par rapport aux

éventualités d’un procès.

Finalité détournée de la transaction. La transaction est traditionnellement

perçue comme un moyen d’éviter la justice étatique, notamment au regard de son coût,

de sa longueur, et des incertitudes qu’elle instaure269

. C’est d’ailleurs la raison pour

laquelle elle fait partie des modes alternatifs de règlement des conflits, parce que sa

finalité est de se substituer au procès. Or en matière de contentieux entre un

professionnel et un consommateur, cette finalité, que l’on pourrait qualifier de saine, est

détournée. Bien qu’ici l’intérêt de cette transaction soit également d’éviter la justice

étatique, ce n’est pas pour les mêmes raisons. Ce n’est pas les inconvénients attenants à

la procédure juridictionnelle que le professionnel veut écarter, mais le risque de création

prétorienne. Le but n’est pas d’obtenir une solution plus rapidement, mais plus secrète

pour éviter la création de précédents. On s’éloigne des vertus traditionnelles de la

transaction selon lesquelles elle permet une négociation amiable et paisible, telle qu’elle

devient un modèle de résolution des conflits270

. Loin de rechercher l’équilibre et la paix

entre les parties, le professionnel n’a d’intérêt que pour le silence d’une solution

privée271

. Ainsi, dès lors qu’il n’a pour finalité que de restreindre la jurisprudence, le

recours à la transaction est, en matière de contentieux entre professionnels et

consommateurs, particulièrement malsain et manifestement dérogatoire à l’esprit du

texte tel qu’il avait été élaboré à son origine en 1804.

Le recours à ce mode alternatif de règlement des différends n’est pas anodin. La

transaction, parce qu’elle garantie la privacité du litige et sa résolution définitive,

269

V. sur ce point G. DEHARO, "La transaction : sécurité et confidentialité", Petites affiches,

7 octobre 2008, n° 201, p. 7 270

C. JARROSSON, « La transaction comme modèle », in Le conventionnel et le juridictionnel dans le

règlement des différends, sous la dir. de P. ANCEL, M.-C. RIVIER, Economica, coll. Etudes juridiques,

2001, p. 60 et s. 271

En ce sens T. Clay affirmait que la transaction était une assurance de privacité. T. CLAY, "La face

cachée de la médiation", D. 2004, p. 3188

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

90

permet de satisfaire l’intérêt du professionnel qui est d’empêcher l’émergence de

précédents.

Paragraphe 2 Les garanties offertes par la transaction

Le régime de la transaction permet au professionnel de satisfaire ses intérêts

lorsqu’il est sujet à un conflit avec un consommateur. En effet la transaction est

l’assurance de la privacité du litige (A) et garantit le caractère définitif de la solution

(B).

A. L’assurance de la privacité du litige

Privacité et confidentialité. Le professionnel aspire à la privacité du litige en ce

qu’elle permet d’éviter que les consommateurs et associations spécialisées prennent

connaissance des pratiques de l’entreprise. Dans le cas contraire, les consommateurs

informés pourraient se réunir pour agir afin d’accroitre le poids de leur action. C’est

pourquoi le professionnel va s’assurer par la transaction que l’existence même du litige

ne sera pas dévoilée, grâce à la confidentialité qui est le corollaire de la privacité du

litige272

. Bien que la bonne foi puisse justifier la confidentialité du conflit et des

propositions de chacune des parties, c’est surtout la nature contractuelle de la

transaction qui permet au professionnel d’imposer la confidentialité.

Nature contractuelle, volonté des parties et confidentialité. Bien qu’on ne

connaisse pas le contenu de la transaction, on peut présumer la teneur des concessions

réciproques des parties. En effet au regard des attentes du professionnel, qui transige

pour éviter l’émergence de précédent, la confidentialité devrait être l’objet de l’une des

dispositions de la transaction. La transaction est avant tout un contrat au sens de l’article

2044 du code civil273

. En ce sens la volonté des parties tient lieu de loi dans l’accord.

Ainsi le professionnel est libre de prévoir une clause de confidentialité dans la

272

V. en ce sens T. CLAY, art. préc., à propos d’une transaction confidentielle avec le journal Le Monde. 273

C. BOILLOT, La transaction et le juge, Thèse Clermont Ferrand, 2003, p. 131. L’auteur estime

également que la volonté des parties est le fondement de la confidentialité, dès lors que la transaction est

de nature contractuelle.

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

91

transaction274

. Cette clause permettrait de garantir la privacité du litige et la

confidentialité du contenu de la transaction275

, car son non respect entrainerait

l’engagement de la responsabilité contractuelle du consommateur276

. Comme en matière

de contentieux relatifs à une contrefaçon, le professionnel a ici tout intérêt à prévoir une

clause pénale en cas de violation de la clause de confidentialité. En effet ce type de

clause entraine une sanction pécuniaire, la plupart du temps conséquente, en cas de

violation de l’une des obligations du contrat. Ainsi le consommateur serait d’autant plus

respectueux de la clause de confidentialité. Dès lors le risque juridique issu de

l’émergence de précédents serait anéanti.

Concessions réciproques et clause de confidentialité. Encore faut-il que le

consommateur accepte cette clause. Si celui-ci concède l’insertion de cette clause dans

le contrat de transaction, c’est parce qu’il obtient une contrepartie de la part du

professionnel277

. On peut imaginer cette contrepartie en s’intéressant aux prétentions du

consommateur : cessation de la pratique commerciale déloyale, dommages et intérêts

pour résiliation abusive de contrat d’abonnement, suppression d’une clause abusive

dans le contrat de consommation. Dès lors il apparait que la contrepartie serait

manifestement financière. D’une part le professionnel s’engagerait à arrêter la pratique

illicite s’il y a lieu, d’autre part il concèderait une indemnité pécuniaire au

consommateur. Le consommateur lésé recherche dans la majorité des conflits à obtenir

une réparation pécuniaire du préjudice qu’il a subi278

.

La transaction est l’assurance pour le professionnel de la privacité du litige, tout

autant qu’elle garantit l’élaboration d’une solution définitive.

B. La certitude d’une solution définitive

Concessions réciproques et renonciation au droit d’agir. La renonciation au droit

d’exercer une action en justice est une condition sine qua non de la conclusion d’une

274

G. DEHARO, "La transaction : sécurtié et confidentialité", Petites affiches, 7 octobre 2008 n° 201,

p. 7. 275

Concernant la confidentialité des négociations, v. supra p. 68 et 69 276

G. DEHARO, art. préc. 277

Le contrat ne saurait être qualifié de transaction en l’absence de concessions réciproques. V.

notamment C. JARROSSON, "Les concessions réciproques dans la transaction", D. 1997 p. 267 278

V. infra, n°

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

92

transaction279

. Conformément à l’effet obligatoire des contrats résultant de l’article 1134

du code civil, les parties ne peuvent saisir un juge du litige alors qu’elles ont

contractuellement renoncé à le faire280

. En effet, objet d’une transaction étant

l’extinction du litige, il apparait évident que l’une des parties ne peut en aucun cas saisir

le juge suite à la conclusion d’une transaction afin de faire valoir ses droits. Le

consommateur qui conclut une transaction renonce explicitement281

à son droit d’agir en

justice puisqu’il substitue cette transaction à une solution juridictionnelle282

. Ainsi le

professionnel qui conclut une transaction avec le consommateur s’assure que ce dernier

ne pourra pas soumettre ultérieurement le litige au juge afin qu’il le tranche283

, parce

que ce dernier a renoncé à le faire par l’accord, évitant ainsi le risque juridique de

création prétorienne.

Autorité de la chose convenue et transaction. Outre la certitude que le

consommateur ne peut pas saisir le juge du litige qui a fait l’objet d’une transaction, le

professionnel s’assure que le consommateur ne pourra pas remettre en cause la

transaction ultérieurement sauf dans des hypothèses restreintes. En effet, l’article 2052

du code civil dispose que « les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose

jugée en dernier ressort284

». Ainsi la transaction n’est susceptible d’aucune voie de

recours sauf une action en nullité, plus restreinte qu’en droit commun des contrats285

, ou

en inexécution contractuelle conformément aux articles 1134, 1147 et 2047 du code

279

Louis Boyer a particulièrement développé cette concession dans son ouvrage, v. L. BOYER, La notion

de transaction : contribution à l’étude des concepts de cause et d’acte déclaratif, Thèse Toulouse, 1947,

p.50 280

C. JARROSSON, « Transaction », in Répertoire de droit international, Dalloz, décembre 1998 281

Malgré le fait que cette renonciation soit une condition de qualification de la transaction, les parties

prévoient systématiquement une clause explicitant cette renonciation au droit d’agir en justice. 282

Cela distingue l’accord transactionnel de tous les autres contrats et fait sa spécificité. La systématicité

de la renonciation au droit d’agir dans la transaction renvoie au caractère aléatoire à ce contrat. Les

parties ne connaitront jamais l’issue juridictionnelle qui aurait pu être donnée à leur différend. 283

C’est ce que l’on appelle l’exception de transaction. 284

En réalité, les termes employés par le législateur ne sont pas les plus exacts : comment la transaction

pourrait avoir autorité de chose « jugée » alors même qu’il n’y a pas eu de « jugement » ? Ainsi que

certains auteurs l’ont démontré, la transaction a autorité de « chose transigée » : l’accord a autorité de

chose convenue renforcée par l’autorité de chose jugée. Sur l’autorité de « chose transigée », v. G.

DEHARO, "L'autorité de la chose transigée en matière civile", Gaz. Pal., 1 décembre 2005, n° 335, p. 2 285

En effet la lésion et l’erreur de droit sont exclues des causes de nullité de la transaction. Seules la

violence et l’erreur de fait sont des vices du consentement justifiant la nullité du contrat. La lésion ne

saurait justifier la nullité de la transaction puisque les concessions doivent être réciproques mais pas

forcément équilibrées. Quant à l’erreur de droit, dès lors que les parties renoncent à leur droit d’agir, elles

ne peuvent prétendre à la nullité du contrat pour ignorance du droit alors même qu’elles ont renoncé à

connaitre l’application par les juges de ce droit. Sur ce point v. L. BOYER, op. cit., p. 71 et s.

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

93

civil. Par conséquent, la conclusion d’une transaction permet au professionnel, de par

l’autorité de chose jugée qui lui est conférée, de s’assurer que la solution du litige ne

sera surement pas remise en cause devant un juge.

Le régime spécial de la transaction permet au professionnel d’éviter le risque

d’émergence de précédent inhérent à la justice étatique. L’intérêt du consommateur pour

la transaction est tout autre.

Section 2 Une alternative contrainte pour le consommateur

Le consommateur qui entend obtenir réparation d’un préjudice subi du fait des

agissements d’un professionnel devant les juridictions étatiques est confronté à certaines

difficultés. En effet celui-ci doit faire face à des procédures d’action en justice

inefficaces (Paragraphe 1). La transaction lui permet alors de remédier à ces difficultés

procédurales. Par ailleurs, à défaut d’introduction en droit français de class actions, le

consommateur entrevoit rarement la possibilité d’obtenir des indemnités individuelles

pour réparer le préjudice qu’il a subi. C’est pourquoi ce dernier trouve un intérêt

pécuniaire dans la transaction (Paragraphe 2). L’intérêt pour la transaction dénonce ici

le fonctionnement de la justice en matière de droit de la consommation.

Paragraphe 1 Une nécessité pratique : contourner les moyens d’action

inefficaces

Action individuelle et rentabilité des poursuites. Le consommateur victime

des agissements illicites d’un professionnel a la possibilité d’exercer une action

individuelle devant le juge dès lors qu’il subit un préjudice direct, personnel et actuel.

Mais cette action a un coût, qui peut parfois être supérieur au gain espéré286

. Il suffit

d’imager un consommateur victime de pratiques déloyales de la part d’un opérateur de

téléphonie mobile, comme les renvois d’appels surtaxés. Le montant évalué du

préjudice subi par le consommateur reste faible par rapport au cout de l’action en

justice. Par exemple, le tribunal de grande instance de Nanterre a accordé à un

286

V. notamment N. CHEKLI, "Consommation et règlements alternatifs des litiges", Revue Lamy Droit

des affaires, février 2007, n°13. L’auteur considère que le coût des actions en justice peut être supérieur

au gain espéré, dissuadant le consommateur d’intenter un procès au professionnel.

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

94

consommateur la somme de 50 euros à titre de réparation du préjudice subi du fait d’une

surfacturation de la part de SFR287

. Une maigre compensation par rapport aux frais de

justice : le consommateur paye plus de frais que ce qu’il reçoit d’indemnités

réparatrices. Il est donc dissuadé d’agir en justice en raison de l’absence de rentabilité

de son action. B. Deffains et M. Doriat-Duban déploraient que ces actions de

consommateurs, qu’ils considèrent comme des « poursuites socialement désirables 288

»,

puissent ne pas être intentées en raison de l’absence de « bénéfice net privé » réalisé par

le demandeur289

. Il résulte d’un calcul rationnel de la part du consommateur que son

action est économiquement indésirable, rendant cette modalité d’action inopérante.

Inconvénients des actions collectives. Le consommateur a également la

possibilité de s’adresser à une association de consommateurs qui va exercer une action

collective. En effet, depuis la loi Royer du 27 décembre 1973, ces associations peuvent

enclencher une action contre un professionnel sur le fondement d’un intérêt collectif des

consommateurs. Cependant le consommateur n’est pas partie au conflit, il est membre

de l’association mais il ne verra reconnaitre aucun droit subjectif par le juge. La

difficulté réside dans le fait que l’article L421-1 du code de la consommation encadre

strictement les conditions dans lesquelles ces associations peuvent agir. L’association

doit être agrée : elle doit avoir comme objet statutaire explicite la défense des

consommateurs, bénéficier d’une représentativité suffisante et satisfaire à certaines

conditions administratives. Ces dispositions limitent le champ des associations pouvant

agir. Outre ces difficultés, l’action collective n’est pas une modalité d’action efficace

pour le consommateur en ce sens qu’elle ne lui permet pas une réparation individuelle

de son préjudice.

Inefficacité des actions en représentation conjointe. L’article L422-1 du code de

la consommation, issu de la loi n° 92-60 du 18 janvier 1992, prévoit une autre modalité

287

TGI Nanterre, 22 mai 2002, RG n° 2002-175998 288

Un parallèle peut d’ailleurs être fait entre la notion de bénéfice social issu des actions de

consommateurs contre les professionnels et le risque d’émergence de précédents. En effet si ces actions

aboutissent, elles profitent à l’ensemble des consommateurs parce que le professionnel sera dissuadé de

réitérer ses pratiques dès lors qu’il a été condamné pour celles-ci. Si un bénéfice pour la communauté des

consommateurs résulte de ces actions, le professionnel y voit un risque juridique issu de la création et du

développement de précédents. 289

B. DEFFAINS et M. DORIAT-DUBAN, "Le procès: risque économique", Revue générale du droit

des assurances, 1er

juillet 2010, n° 2010-03, p. 870. Ces auteurs soulignent d’ailleurs le fait que cet

argument d’analyse économique de l’action en justice a été repris par les défenseurs de l’introduction de

la class action en France.

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

95

d’action en droit de la consommation : l’action en représentation conjointe. C’est

l’action par laquelle une association agrée de consommateurs peut « agir en justice pour

obtenir la réparation des préjudices individuels subis par plusieurs

consommateurs290

». Il n’est plus question ici de préjudice collectif. S’il est vrai que la

condition de représentativité est supprimée dans ce régime, il n’en reste pas moins que

cette procédure ne concerne que les associations d’envergure nationale. C’est une

première limitation. La seconde réside dans le fait que cette action n’a vocation à

aboutir que si au moins deux consommateurs ayant subi un préjudice du fait du même

professionnel sont représentés. Mais c’est surtout l’exigence d’un mandat de la part des

consommateurs qui rend cette procédure inopérante. L’association ne peut agir qu’après

leur obtention, mais ne peut en aucun cas démarcher les consommateurs ou faire une

publicité visant à les inciter à mandater l’association291

. Il faut bien admettre que sans

cette sollicitation, l’obtention de mandats est compromise292

. Le régime

particulièrement complexe de l’action en représentation conjointe est donc un échec, ne

permettant pas au consommateur novice d’en profiter293

.

Procédure transactionnelle. Contrairement aux procédures judiciaires précédentes,

la transaction est relativement accessible aux consommateurs. Qu’elle s’inscrive dans le

prolongement d’une procédure de conciliation ou de médiation, ou qu’elle soit

purement extrajudiciaire, aucune exigence procédurale n’est imposée par le régime de la

transaction. Par ailleurs, lorsqu’il s’agit d’une transaction extrajudiciaire, les frais de

justice sont bien moindres que devant les juridictions étatiques. Le consommateur peut

alors tirer un bénéfice privé par la transaction, au regard de son faible coût et de la

possibilité de réparation qu’elle entraine.

Outre son intérêt procédural, la transaction permet aux consommateurs d’obtenir

une réelle indemnité individuelle. De sorte qu’il y voit également un intérêt pécuniaire.

290

L. BORE, "L'action en représentation conjointe : class action française ou action mort-née ?", D. 1995,

p. 267 291

V. notamment Cass., 1ère

civ., 26 mai 2011, n°10-15676 292

Sur ce point, v. G. ZAMBRANO, « Chronique de droit de la consommation », dir. D. MAINGUY,

Petites affiches, 25 septembre 2008, n° 193, p. 5, à propos d’un jugement du TC Paris, 5e ch., 6 décembre

2007, UFC-Que Choisir c/ Bouygues Télécom, RG n°2006/057440. L’action de l’association avait été

jugée irrecevable en raison du non respect des prescriptions des articles R422-1 et 2 du code de la

consommation. 293

V. en ce sens les critiques formulées par L. BORE, art. préc.

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

96

Paragraphe 2 Un intérêt pécuniaire : obtenir une indemnité individuelle

Associations, préjudice collectif et absence de réparation individuelle. Le

consommateur victime de pratiques illicites d’un professionnel recherche avant tout une

réparation individuelle de son préjudice. Or, si l’on s’intéresse aux modalités d’action

dont il dispose, aucune ne satisfait cet intérêt. En effet, dès lors qu’agir individuellement

n’est pas rentable et que se greffer à une action en représentation conjointe est

complexe, il ne reste que l’action collective au consommateur. Mais cette procédure

engagée par une association agrée de consommateurs vise à réparer le préjudice collectif

subi par l’ensemble de ses membres. La réparation ne saurait être que collective294

.

Encore que même la somme allouée à l’association au titre du préjudice collectif reste

bien souvent symbolique295

. C’est d’ailleurs regrettable puisque ces sommes financent

les futures actions de l’association296

. Le consommateur n’étant pas partie au

contentieux, il ne peut prétendre à aucune indemnisation individuelle297

. L’intérêt de

l’action collective est alors bien mince pour le consommateur.

Intérêt pécuniaire, concessions réciproques de la transaction et indemnité

individuelle. C’est la possibilité d’une indemnité transactionnelle qui justifierait le

mieux l’acceptation d’une transaction par le consommateur. La transaction offre un

véritable intérêt pécuniaire au consommateur. Sa nature contractuelle permet aux parties

de prévoir librement les clauses qu’elles veulent insérer. Or lorsqu’elle le professionnel

transige avec le consommateur, c’est dans le but de s’assurer de la privacité du litige,

évitant ainsi que le recours aux juridictions étatiques n’entraine la création de

précédents. On peut alors penser que ce dernier a inséré une clause de confidentialité, ou

s’est contenté de la renonciation de la victime à son droit d’agir en justice. Mais ce

silence du consommateur a un coût pour le professionnel. On peut présumer, au regard

294

V. pour illustration TGI Nanterre, 22 mai 2002, UFC Que choisir/Bouygues télécom, n°2002-187617 295

Sur ce point, v. S. BERNHEIM-DESVAUX, "Brèves remarques sur l'efficacité de l'action associative

et l'effectivité du droit en matière de lutte contre les clauses abusives", Petites affiches, 9 juillet 2010, n°

136, p. 9, à propos d’un jugement du TGI Grenoble, 18 septembre 2009, n° 08/05529. L’auteur illustre

cet aspect symbolique par le jugement précité, en ce que les juges ont alloué 1500 euros de dommages et

intérêts au titre du préjudice collectif au lieu de 37500 euros réclamés par l’association. 296

Ibid. L’auteur déplore les effets pervers d’une indemnisation symbolique du préjudice, notamment en

ce qu’elle est « un frein aux actions futures des associations de consommateurs qui utilisent les

dommages et intérêts versés afin de financer les frais de procédure ». 297

V. sur ce point, J. CALAIS-AULOY, "La class action et ses alternatives en droit de la consommation",

Petites affiches, 10 juin 2005, n° 115, p. 29

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

97

de l’intérêt pécuniaire du consommateur, que la contrepartie de son mutisme consiste en

une indemnité transactionnelle. Ainsi chacune des parties concède quelque chose,

conformément à l’exigence jurisprudentielle de concessions réciproques dans la

transaction : le professionnel concède une somme d’argent pour satisfaire le

consommateur, qui accepte de ne pas agir en justice afin de satisfaire l’exigence de

privacité du professionnel. Le consommateur obtient la réparation individuelle qu’il

souhaitait298

. Sous couvert d’une transaction, modèle idéal de justice et de résolution

amiable pour certains299

, le professionnel achète le silence du consommateur pour

contourner les effets de la justice étatique. La transaction apparait alors comme une

résolution vicieuse du conflit, plutôt que comme un modèle d’altruisme.

Class action, transaction et efficacité de la justice. Si la transaction est

synonyme d’éviction de la justice étatique pour le professionnel, elle manifeste une

dénonciation de la justice pour le consommateur. Face à l’inefficacité des modalités

d’action offertes au consommateur pour obtenir une réparation individuelle de son

préjudice, il est amené à transiger. Cette transaction malsaine, fruit d’une justice

inopérante, vient au soutien de l’introduction de l’action de groupe en droit français,

soutenue par une grande majorité de la doctrine300

. Cette modalité d’action, inspirée de

la class action venue des Etats Unis, peut être définie comme « l'action par laquelle une

personne est habilitée à représenter en justice un groupe de personnes sans avoir

obtenu préalablement leur accord exprès 301

». Son introduction dans le système français

est tout aussi attendue que souhaitable302

. En effet l’action de groupe permettrait aux

consommateurs d’obtenir une réparation pécuniaire individuelle de leur préjudice, tout

298

Malgré l’absence de transaction dont le contenu serait révélé, il semble probable que le consommateur

perçoive une somme supérieure à ce qu’aurait pu accorder un juge. En effet, le professionnel peut être

prêt à concéder une somme élevée pour que le consommateur renonce à son droit d’agir en justice. C’est

d’autant plus vraisemblable lorsque le professionnel en question est une puissance économique, comme

les opérateurs de téléphonie mobile. 299

C. JARROSSON, « La transaction comme modèle », in Le conventionnel et le juridictionnel dans le

règlement des différends, sous la dir. de P. ANCEL, M.-C. RIVIER, Economica, coll. Etudes juridiques,

2001, p. 60 et s. 300

V. par exemple B. DEFFAINS et M. DORIAT-DUBAN, "Le procès: risque économique", Revue

générale du droit des assurances, 1er

juillet 2010, n° 2010-03, p. 870 : les actions de groupe

« assureraient un meilleur accès à la justice, en rendant rentables des poursuites qui ne le seraient pas

individuellement. Elle servirait ainsi l'efficacité, en incitant les auteurs de dommages potentiels à intégrer

dans leurs décisions l'ensemble du préjudice qu'ils pourraient infliger. » 301

L. BORE, "L'action en représentation conjointe : class action française ou action mort-née ?", D. 1995,

p. 267 302

V. en ce sens J. CALAIS-AULOY, "La class action et ses alternatives en droit de la consommation",

Petites affiches, 10 juin 2005 n° 115, p. 29

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

98

en limitant le cout de l’action en justice qui serait pris en charge par l’association de

consommateurs. Cette éventualité de réparation de tous les préjudices individuels serait

par ailleurs dissuasive pour les professionnels303

. On ne peut que plaider pour

l’introduction de ces actions en ce sens qu’elles seraient une véritable avancée en

matière de protection du consommateur, rendant son action effective. Dès lors il ne

serait plus contraint de conclure ce genre de transaction malsaine avec le professionnel

pour obtenir une réparation personnelle de son préjudice304

. Pour autant la transaction

ne perdrait pas tout son intérêt. Aux Etats Unis, la plupart des class actions se soldent

par une transaction. Mais celle-ci est encadrée et repose sur la force des associations de

consommateurs qui incitent les professionnels à transiger au regard de l’ampleur des

condamnations encourues305

. Dans cette hypothèse alors, la transaction est

véritablement un modèle de résolution des conflits.

La transaction en matière de droit de la consommation est révélatrice des effets

pervers de ce mode de règlement des conflits. On peut ainsi relever deux caractères

attachés à cette transaction.

D’une part un caractère vicieux de la transaction inhérent aux motivations du

professionnel. Il résulte de ce que cette transaction a pour finalité la contractualisation

de la privacité, afin d’anéantir le risque juridique issu de l’émergence de précédent qui

pèse sur le professionnel. La transaction est l’instrument d’une stratégie juridique pour

le professionnel, qui consiste à museler le consommateur en lui proposant un

arrangement pécuniaire. Outre ce fondement malsain de la transaction, ses effets sont

également regrettables. D’abord parce qu’une partie du contentieux échappe à tout

contrôle judiciaire306

dès lors que les parties optent pour une résolution contractuelle,

pouvant entrainer des abus dissimulés. Ensuite parce qu’on ne peut se rendre compte de

la réalité du contentieux si la plupart échappe à la connaissance des juristes. Or c’est

303

V. en ce sens N. CHEKLI, "Consommation et règlements alternatifs des litiges", Revue Lamy Droit

des affaires, février 2007, n°13 304

Ce n’est pas pour autant que la transaction n’aurait plus d’intérêt. Aux Etats-Unis, la plupart des class

actions se soldent par une transaction. Mais celle-ci est encadrée 305

Sur les liens entre transactions et class actions, v. Colloque présidé par D. MAINGUY, "L'introduction

en droit français des class actions", Petites affiches, 22 décembre 2005, n° 254, p. 6 306

Le régime de la transaction n’oblige en aucun cas les parties à soumettre leur accord à un juge pour

qu’il exerce un contrôle. La transaction étant un contrat, on voit mal quelle justification pourrait avoir un

contrôle judiciaire obligatoire.

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

99

grâce aux difficultés soulevées par le contentieux apparent que le législateur élabore des

lois pour y remédier. Enfin parce que cette transaction privée, en ce qu’elle écarte

l’action des juges, n’a aucun apport juridique contrairement à la jurisprudence qui

participe au développement d’une justice efficace en adaptant la loi au cas concret.

D’autre part la transaction est révélatrice d’un disfonctionnement de la justice en

matière d’action des consommateurs. En effet celui-ci transige pour contourner

l’inadaptation des modalités d’actions : soit parce qu’elles sont inopérantes dans la

plupart des cas, soit parce qu’elles ne permettent pas une réparation individuelle du

préjudice subi par le consommateur. La transaction dénonce alors une lacune légale que

le contrat permet de contourner. Or en matière de droit de la consommation, la justice

étatique à tout intérêt à s’emparer du contentieux, essentiellement des litiges de masse,

parce que sa résolution juridictionnelle profite à l’ensemble des consommateurs. Il

conviendrait alors d’encadrer la transaction en ce domaine, ou d’améliorer les modalités

d’actions. Et c’est bien là que se trouve l’intérêt de la class action, inspirée du système

américain. Elle offre une action efficace et pécuniairement intéressante au

consommateur307

. Mais surtout elle permet, si transaction judiciaire il y a, d’encadrer

son élaboration afin d’éviter les abus.

La transaction comme contrat sur la privacité illustre les effets pervers de ce

mode de résolution des conflits. L’esprit de la transaction, telle que conçue par le

législateur en 1804 comme une solution amiable et pacificatrice, est détourné. D’une

part car la finalité même du procès n’est plus de faire valoir ses droits, mais un moyen

pour celui qui l’introduit de contraindre son adversaire à transiger. D’autre part en ce

que la transaction ne repose plus sur une négociation vertueuse, synonyme de

compromis amiable entre les intérêts de chacun. Elle traduit un rapport de force entre

les parties dont l’unique intérêt est, pour le demandeur, d’obtenir une indemnité

conséquente en contrepartie de la privacité du litige recherchée par le demandeur.

L’indemnité transactionnelle est le prix du silence. Un aspect de la transaction qui, à

coté de sa vocation à être modèle de justice dans certains contentieux, ne vient que

307

V. en ce sens J. CALAIS-AULOY, "La class action et ses alternatives en droit de la consommation",

Petites affiches, 10 juin 2005 n° 115, p. 29

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

100

confirmer le postulat selon lequel la transaction est ambivalente. De sorte que soit remis

en cause l’affirmation selon laquelle « un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon

procès ».

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

101

CONCLUSION GENERALE

Cette étude de la transaction en droit des affaires soulève de nombreuses questions

auxquelles une brève analyse ne saurait apporter toutes les réponses. Elle se borne à

constater l’ambivalence de la transaction selon le type de litige qu’elle tend à résoudre.

Elle permet également d’effectuer un parallèle entre certains inconvénients de la justice

étatique, son inadaptation à la complexité des relations d’affaires et le fait que les

parties transigent. Les bases de son étude sont posées mais plusieurs interrogations

restent en suspens.

Le développement croissant des MARC dans certains domaines tend à remettre en

question leur caractère alternatif. La perception de la transaction par la doctrine et le

législateur comme un modèle de justice contractuelle, sans cesse encouragée à se

développer, suppose qu’elle est considérée comme une alternative efficace au procès. Il

a par ailleurs été démontré qu’en matière de contentieux en paiement notamment, la

transaction se substitue efficacement au procès, en assurant une résolution plus rapide et

négociée. Comment favoriser la transaction lorsqu’elle permet d’éviter les

inconvénients procéduraux de la justice étatique ?

D’autant plus qu’en droit des affaires, la transaction n’est qu’une poursuite des

négociations contractuelles, alors que le procès est synonyme de pathologie incurable du

conflit. Tout au long de leur relation les protagonistes négocient leur contrat, leur prix,

leurs conditions… La transaction qui amène les parties à concéder pour trouver un

accord n’est qu’une poursuite de cette négociation en aval. Serait-il alors intéressant en

droit des affaires, comme dans certaines matières de droit civil comme le divorce, de

rendre obligatoire la négociation ayant pour finalité de trouver un accord avant de

pouvoir saisir le juge ? Dans quelles conditions ?

Paradoxalement, cette question en engendre une autre. Le régime de la transaction

est inchangé depuis 1804, alors que le droit des affaires est en constante évolution et

complexification. Le constat de cette étude selon lequel il existe des transactions

vicieuses, en matière de contrefaçons notamment, soulève des interrogations au sujet de

l’encadrement de ce mode de résolution des conflits sans juge. Faut-il encadrer la

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

102

résolution du conflit par la transaction, qui jusqu’ici reste relativement libre au regard

du silence du texte ? Faut-il instaurer un contrôle judiciaire par l’instauration d’une

homologation obligatoire de la transaction ?

D’autre part, F. G’Sell Macrez soulignait que, paradoxalement, « alors même que

l'accès au juge n'a jamais été autant protégé et garanti, l'évitement du procès n'a jamais

été autant promu308

». Cette étude a permis d’expliquer partiellement ce phénomène

paradoxal, notamment en ce que le recours à la transaction s’explique souvent par une

inadaptation de la justice étatique aux attentes des parties à un contentieux en droit des

affaires. Sans remettre en cause l’accès au juge, le recours à la transaction dénonce le

fonctionnement de la justice étatique qui n’évolue pas avec le développement du monde

des affaires et sa complexification. Or la justice est et doit rester la meilleure garantie de

faire valoir ses droits. Comment améliorer la réponse judiciaire aux entreprises ? Faut-il

réformer le fonctionnement du tribunal de commerce ?

Enfin, cette étude se limite aux transactions judiciaires. Or on sait qu’il existe des

transactions extrajudiciaires, qui pourraient également apporter de nombreuses

informations sur les pratiques transactionnelles en droit des affaires. Mais ces

transactions ne peuvent être appréhendées au regard de la jurisprudence parce qu’elles

ont lieu en dehors de toute instance, dans une sphère privée. Force est de constater que

ces transactions extrajudiciaires constituent la partie « immergée de l’iceberg », dont on

ne connait pas les tenants et les aboutissants. La perception de l’ensemble des

contentieux par le juriste est tronquée en ce qu’il ignore les modalités de résolution de

ces conflits et même leur existence. Quels sont les effets de cette ignorance, par le

législateur notamment, des résolutions extrajudiciaires des conflits sur le droit ? Il est

absolument nécessaire d’appréhender ces transactions pour ériger une étude de la

transaction en droit des affaires fidèle à la réalité. C’est d’autant plus essentiel de

prendre connaissance de la manière dont les parties entendent résoudre leur conflit hors

contexte judiciaire afin de comprendre leurs attentes et de s’assurer qu’aucun abus ne se

réalise par la transaction, « à l’ombre du droit 309

».

308

F. G'SELL-MACREZ, "Vers la justice participative ? Pour une négociation « à l'ombre du droit »", D.

2010, p. 2450 309

Ibid.

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

103

Nombreuses sont les interrogations qui subsistent à l’égard de la transaction en droit

des affaires. Le sujet se prêterait à une étude approfondie dans le cadre d’une thèse. Or

ce projet nécessite la mise en place d’une véritable méthodologie de recherche pour

aboutir.

En premier lieu, une méthode de recherche pour se constituer une base de données

jurisprudentielles conséquente afin d’appréhender les transactions judiciaires en droit

des affaires. La jurisprudence du tribunal de commerce de Paris, de 2000 à 2010

constituerait un matériau riche en ce qu’elle permettrait d’établir des statistiques

relatives au nombre de transactions homologuées ou simplement constatées et de

désistements, également aux profils de contentieux qui font l’objet de transaction, mais

aussi aux entreprises qui transigent régulièrement. C’est en croisant ces données qu’il

sera possible d’étudier la transaction, ses motivations et son contenu, en droit des

affaires.

D’autre part, une méthodologie permettant d’appréhender les transactions

extrajudiciaires. La jurisprudence ne serait en rien révélatrice de ces accords qui ont lieu

hors du cadre processuel. On peut envisager d’établir un formulaire anonyme à

soumettre à des cabinets d’avocats, des services juridiques d’entreprises ou des

associations de consommateurs, comportant des questions relatives aux transactions

conclues310

. Il serait également intéressant d’effectuer un sondage auprès de certaines

entreprises pour savoir si elles ont recours à la transaction, et dans l’affirmative,

connaitre les raisons pour lesquelles elles transigent et parallèlement celles pour

lesquelles elles veulent éviter le procès.

Il serait également nécessaire d’étudier le fonctionnement du tribunal de commerce

de Paris afin de comprendre les raisons pour lesquelles les entreprises évitent le procès

ou, à l’inverse, saisissent le juge. Assister aux audiences et analyser les spécificités

inhérentes à la juridiction consulaire permettrait de mettre en exergue certaines données

indispensables à l’étude de la transaction en droit des affaires.

310

On pourrait penser à des questions sur le type d’entreprises partie au litige, le contenu de la

transaction, les raisons expliquant le recours à ce mode de résolution des conflits, le déroulement de la

négociation…

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

104

Ce projet de thèse nécessite un financement. Outre une éventuelle allocation et la

prise en charge de travaux dirigés, l’intérêt d’une convention CIFRE serait d’assurer un

financement durant trois années et d’acquérir une réelle expérience professionnelle.

Diverses possibilités sont envisageables. Réaliser cette recherche dans le cadre d’une

convention avec un huissier de justice, ce qui permettrait d’une part de financer la

recherche mais également d’effectuer le stage professionnel de deux ans nécessaire à

l’examen final permettant d’être huissier. En effet, dans le cadre de l’étude de la

transaction en droit des affaires, l’analyse des voies d’exécution sont essentielles en ce

qu’elles permettent d’expliquer les inconvénients procéduraux de la justice étatique, tant

au niveau de ses coûts que de sa durée. Or l’huissier est notamment celui qui assure

l’exécution des décisions de justice. L’intérêt de la convention CIFRE pour celui-ci est

de tirer profit, non seulement de l’alternance, mais également de la recherche théorique

sur l’amélioration de l’efficacité des voies d’exécution.

On peut également envisager un projet de thèse dans le cadre d’une convention

CIFRE avec une entreprise commerciale. L’intérêt de cette éventualité est de prendre

connaissance des conflits juridiques des entreprises, de leurs attentes vis-à-vis de la

justice et de leurs objectifs mais également d’observer la manière dont elles règlent

leurs litiges. L’entreprise en tire également des avantages en ce que cette recherche

relative à la transaction tend à améliorer son régime pour satisfaire les attentes des

entreprises et en faire une réelle stratégie juridique.

Enfin il pourrait être opportun de collaborer avec un cabinet d’avocats spécialisé en

droit des affaires. Cela permettrait de se rendre compte de la manière dont les avocats

gèrent les conflits de leurs clients et des solutions qu’ils leur proposent au regard de

leurs attentes. Par ailleurs, cette collaboration permettrait d’étudier les aléas de la

procédure juridictionnelle. Quant au cabinet, il profite de cette étude en ce qu’elle lui

propose une recherche sur une manière optimale de résoudre les conflits.

Ce projet de recherche a ainsi une double finalité : obtenir un doctorat afin d’avoir la

possibilité d’être enseignant chercheur, mais également d’acquérir une expérience

professionnelle en réalisant une étude pragmatique de la résolution négociée des conflits

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

105

afin de favoriser une insertion professionnelle future, dans un cabinet d’avocat, un

service juridique d’une entreprise ou dans une étude d’huissier.

Les bases de ce projet de recherche, à la fois théorique et pratique, ont été posées par

cette étude. Il reste de nombreuses questions et de singuliers paradoxes à étudier dans le

cadre de ce projet.

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

106

ANNEXES

La transaction et le tribunal de commerce de Paris en 2009

Jugements Désistements Transactions constatées Homologations Autres311

26106 1288 158 77 1677

La transaction par profil de contentieux et le tribunal de commerce de Paris en

2009

Profil de contentieux Jugements Désistements Transactions

constatées Homologations Inexécution obligation de

paiement 6236 331 39 15

RBRCE312 125 18 4 0

Contrefaçon 262 65 8 1

311

La catégorie « Autres » représente les médiations, conciliations et globalement toutes les décisions qui

ne sont pas des transactions ou des désistements mais qui mentionnent l’existence d’une mesure

alternative de règlement des différents. 312

Rupture brutale des relations commerciales établies

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

107

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- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

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II. OUVRAGES SPECIAUX ET THESES

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Ministère de la justice, Juillet 1998

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G

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l'action associative et l'effectivité du droit en matière de lutte contre les

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V. JURISPRUDENCE

A. DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS EN 2009

Sur les contentieux en paiement

­ TC Paris, ordonnance de référé, 21 janvier 2009, RG n° 2008078634

­ TC Paris, ordonnance de référé, 22 janvier 2009, RG n° 2008090173

­ TC Paris, 8 juin 2009, RG n° 2007076253

­ TC Paris, 6 octobre 2009, RG n° 2008093045

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

116

­ TC Paris, 10 novembre 2009, RG n°2009026264

­ TC Paris, 11 décembre 2009, RG n° 2009033100

­ TC Paris, 18 décembre 2009, RG n° 2009044775

Sur les contentieux en paiement en présence d’une procédure collective

­ TC Paris, 20 janvier 2009, RG n° 2007074498

­ TC Paris, 27 janvier 2009, RG n° 2007013980

­ TC Paris, 27 janvier 2009, RG n°2007005421

­ TC Paris, 23 février 2009, RG n° 2008034307

­ TC Paris, 24 février 2009, RG n° 2008087043

­ TC Paris, 6 octobre 2009, RG n° 2008093045

Sur les litiges relatifs à une rupture brutale des relations commerciales

établies

­ TC Paris, 9 mars 2009, RG n° 2009007891

­ TC Paris, 12 mars 2009, RG n° 2008041218

­ TC Paris, 20 mars 2009, RG n° 2006085759

­ TC Paris, 25 mars 2009, RG n° 2007038246

­ TC Paris, 23 juin 2009, RG n° 2007009970

­ TC Paris, 29 juin 2009, RG n° 2008087963

­ TC Paris, 10 septembre 2009, RG n°2008064668

­ TC Paris, 18 septembre 2009, RG n° 2008071347

­ TC Paris, 29 octobre 2009, RG n° 2008058391

­ TC Paris, 18 novembre 2009, RG n° 2008019481

Sur les litiges relatifs à une contrefaçon :

­ TC Paris, 3 avril 2009, RG n° 2007070365

­ TC Paris, 26 juin 2009, RG n° 2008009149

­ TC Paris, 26 juin 2009, RG n° 2006067501

­ TC Paris, 18 septembre 2009, RG n° 2008037670

­ TC Paris, 2 octobre 2009, RG n° 2009000925

­ TC Paris, 16 octobre 2009, RG n° 2008022315

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

117

­ TC Paris, 13 novembre 2009, RG n° 2008030862

­ TC Paris, 27 novembre 2009, RG n°2008063829

­ TC Paris, 11 décembre 2009, RG n° 2008053400

­ TC Paris, 11 décembre 2009, RG n° 2008060795

­ TC Paris, 11 décembre 2009, RG n° 2007058645

­ TC Paris, 11 décembre 2009, RG n°2008021971

­ TC Paris, 11 décembre 2009, RG n° 2005072254

B. DES AUTRES JURIDICTIONS

Sur la notion et l’exigence de concessions réciproques

­ CA Paris, 11 juin 1975, JCP G1976, II, 18357

­ Cass, soc., 27 mars 1996, JCP G 1996, II, n°22711

­ Cass, soc., 18 mai 1999, Bull. civ. V, n°223

­ Cass, 2ème

civ., 16 novembre 2006, Bull. civ. II, n°320, p. 296

Sur l’homologation de la transaction

­ Cass., 2ème

civ., 27 mai 2004, RDC 2004, p. 1036, obs. X. Lagarde

Sur les inconvénients procéduraux de la justice étatique

­ CA Paris, 7 octobre 2010, n°09/00219

Sur la notion de rupture brutale des relations commerciales établies

­ TC Paris, 2 avril 1999, JCP E 2000, p.178, n°12, obs. D. FASQUELLE

­ TC Douai, 5 décembre 2002, Cah. Dr. Entr. 2003/3, p. 2, obs. D.

MAINGUY

­ TC Caen, 2 juin 2005, n°2005-284346

­ TC Paris, 13 septembre 2006, RG n° 2006311466

Sur l’appréciation par les juges du fond de la rupture brutale des relations

commerciales établies

­ Cass. com., 6 juin 2001, Bull. civ. IV, no 112

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

118

­ Cass. com., 12 mai 2004, Bull. civ. IV, no 86

­ TC Paris, 13 juin 2005, no 2005/9018, RLC 2006

­ CA Paris, 20 octobre 2005, RG no 05/13805

­ TC Toulouse, 24 juin 2008, RG n° 2008373246

Sur la nature et la teneur de la publication judiciaire

­ Cass., 2ème

civ., 1 mars 1989, n° de pourvoi : 87-20018

­ Cass., 1ère civ., 28 juin 1989, Bull. civ. I, n° 264

­ CA Paris, 4e ch., 18 avr. 1989 : PIBD 1989, III, p. 627

­ TC Paris, 27 novembre 2011, RG n°2007056119

Sur la confidentialité dans les mesures alternatives de règlements des

conflits

­ Sentence 6653 en 1993, JDI 1993, p. 1041, obs. ARNALDEZ

Sur les précédents en de droit de la consommation

­ TGI Nanterre, 22 mai 2002, RG n° 2002-175998

­ TI Meaux, 19 Février 2009, RG n° 110809

­ Cass., 1ère

civ., 19 novembre 2009, n° 08-21.645

­ TGI Paris, 15 mars 2010, X / NUMERICABLE, RG n° 09/13397

­ Paris, ordonnance de référé, 16 avril 2010, RG n° 2010009406

­ CA Paris, 11 juin 2010, FREE / X et UFC que choisir, n° 07/12995

­ CA Grenoble, 7 septembre 2010, Free / X et UFC que choisir 38, n°

07/04485

­ CA Paris, 27 janvier 2011, n° 09/10610

Sur les modalités d’action des consommateurs

­ TC Paris, 5e ch., 6 décembre 2007, UFC-Que Choisir c/ Bouygues

Télécom, RG n°2006/057440

­ TGI Grenoble, 18 septembre 2009, n° 08/05529

­ Cass., 1ère

civ., 26 mai 2011, n°10-15676

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

119

INDEX

Aléa judiciaire : 14, 16, 25, 30, 33, 34,

35, 37 et s., 121

Aléa procédural : 16

Autorité de chose jugée : 11, 20, 78,

92

Certitude : 24, 35, 50, 91, 92, 120, 122

Concessions réciproques : 6, 9, 10, 14,

19, 20, 22, 30, 31, 39, 40, 48, 69, 70,

73, 90, 91, 96, 111, 112, 116

Confidentialité : 7, 11, 15, 67 et s., 85,

87, 89, 90, 91, 96, 111, 117, 122

Contentieux en paiement : 8, 16 et s.,

29, 33, 100, 115

Contrefaçon : 8, 55 et s., 90, 113, 116

Désistement : 8, 10, 17, 22, 43, 49, 51,

62, 66, 70, 86, 113, 122

Droit d’action : 9, 10

Force obligatoire : 18, 24, 110

Homologation : 7, 8, 11, 51, 101, 112,

116

Intérêts des parties : 8, 17, 20, 23, 33,

42, 54, 70

Modes alternatifs de règlements des

conflits : 4, 14, 54, 67, 87, 111

Négociation : 6, 7, 8, 13, 14, 19, 22, 30,

33, 34, 41, 42, 44, 51, 52, 53, 65 et s.,

89, 99, 100 et s., 114, 120 et s.

Pouvoir souverain des juges : 37

Précédents : 3, 55, 73 et s., 83 et s., 96,

113, 117, 122

Preuve : 34 et s., 44, 46, 121

Privacité : 3, 11, 15, 54, 55, 56, 62, 66

et s., 85, 86, 89, 90, 91, 96, 98, 99, 121,

122

Procédure collective : 17, 24 et s., 115

Publication judiciaire : 57, 59, 113

Risques : 37, 41, 51, 52, 53, 54, 55, 59,

65, 72

Rupture brutale des relations

commerciales établies : 8, 34, 43 et s.,

115, 116, 117

Sécurité juridique : 18, 35, 37, 38, 40,

43, 46, 78, 114

Situation litigieuse : 9, 17

Transaction :

alternative : 10, 11, 13, 15 et s., 23, 24,

28, 30, 34, 39, 42, 43, 54, 55, 65, 100,

105, 110, 120

ambivalence : 6, 9, 15, 54, 100

contrat : 6, 9 et s.,, 15, 17, 18, 19, 20 et

s., 40, 45, 53, 66, 67, 68, 69, 71, 79, 82,

87, 90, 91, 92, 98, 99, 100, 110, 112,

121, 122

exécution : 3, 16 et s., 39, 54, 68, 87,

103, 120

implicite : 7, 48, 87, 121

modèle : 6, 15, 19, 20, 31, 33, 45, 51,

53, 54, 65, 66, 73, 76, 77, 78, 89, 97,

98, 99, 100, 111, 112, 120, 122

stratégie : 3, 15, 19, 34, 36, 39, 41, 42,

52, 53, 54, 60, 61, 65, 66, 86, 88, 98,

103, 114, 121, 122

Tribunal de commerce : 7, 8, 12, 13,

17, 18, 22, 23, 24, 29, 30, 31, 32, 34,

41, 43, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 62, 63,

64, 66, 69, 70, 86, 88, 101, 102, 103,

105, 115

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

120

TABLE DES MATIERES

REMERCIEMENTS ............................................................................................................. 2

SOMMAIRE …………………………………………………………………………….... 3

INTRODUCTION ................................................................................................................. 6

PARTIE I CONTRACTUALISATION VERTUEUSE DE L’ALEA ..................................... 16

TITRE I CONTRACTUALISATION PROCEDURALE...................................................... 16

CHAPITRE I L’AMENAGEMENT DE L’EXECUTION................................................... 17

Section 1 Une alternative aux inconvénients processuels ............................... 18

Paragraphe 1 Les inconvénients procéduraux de la justice étatique .......... 18

Paragraphe 2 L’aménagement contractuel de l’exécution ......................... 19

Section 2 Un compromis au service de l’exécution effective ......................... 21

Paragraphe 1 Les intérêts divergents des parties ....................................... 21

Paragraphe 2 Une négociation sur les modalités d’exécution .................... 22

CHAPITRE II LA GARANTIE DE L’EXECUTION ......................................................... 24

Section 1 Une certitude juridique : les droits du créancier .............................. 25

Section 2 Un doute subjectif : la situation financière du débiteur ................... 26

Paragraphe 1 L’impossible exécution du paiement pendant la période

d’observation……………………………………………………………….. 26

Paragraphe 2 L’effectivité du paiement remise en cause par le privilège de

procédure…………………………………………………………………… 27

Section 3 Une alternative idéale à la justice étatique ...................................... 28

Paragraphe 1 Un remède aux pathologies de la justice étatique ............... 29

A. Les lenteurs de la justice publique .................................................... 29

B. La garantie d’un paiement immédiat ................................................ 30

Paragraphe 2 Un modèle de rapidité d’exécution ...................................... 31

TITRE II CONTRACTUALISATION SUBSTANTIELLE ................................................... 34

CHAPITRE I LA STRATEGIE TRANSACTIONNELLE .................................................. 34

Section 1 Paradoxes autour de l’aléa judiciaire ............................................... 35

Paragraphe 1 La permanence de l’incertitude en droit .............................. 35

Paragraphe 2 L’aléa judiciaire, source d’imprévisibilité et d’insécurité

juridique…………………………………………………………………….. 37

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

121

Section 2 Une stratégie juridique fondée sur la maitrise de l’aléa .................. 39

Paragraphe 1 Le contrôle de l’issue du conflit ........................................... 40

Paragraphe 2 Le développement de la justice managériale ....................... 41

CHAPITRE II UNE JUSTICE NEGOCIEE ..................................................................... 43

Section 1 L’imprévisibilité de la parole du juge ............................................. 44

Paragraphe 1 Le doute sur la réalité factuelle : établissement des faits et

preuve de la faute ........................................................................................... 44

Paragraphe 2 L’incertitude dans l’évaluation judiciaire du préjudice

économique…………………………………………………………………. 47

Section 2 La maitrise d’une issue négociée ..................................................... 48

Paragraphe 1 Une résolution du conflit par transaction implicite ............. 49

A. Désistements explicites, transactions implicites ............................... 49

B. L’influence de la théorie du doute objectif sur la conclusion de la

transaction .................................................................................................. 50

Paragraphe 2 Une négociation sur le droit substantiel .............................. 51

PARTIE II CONTRACTUALISATION VICIEUSE DE LA PRIVACITE .............................. 55

TITRE I RISQUE COMMERCIAL .................................................................................. 56

CHAPITRE I LE RISQUE DE PUBLICATION JUDICIAIRE ............................................. 56

Section 1 Un risque pour l’image du responsable ........................................... 57

Paragraphe 1 Une mesure hybride.............................................................. 57

Paragraphe 2 Une pratique encadrée ......................................................... 59

Section 2 L’impact commercial de la publication ........................................... 60

CHAPITRE II LA PROTECTION DE L’IMAGE .............................................................. 62

Section 1 L’utilisation stratégique du risque de procès ................................... 62

Paragraphe 1 Le rôle dissuasif de l’injonction de publication judiciaire... 63

Paragraphe 2 La finalité stratégique du procès : une contrainte à transiger 65

Section 2 Une transaction vicieuse gouvernée par la privacité ....................... 67

Paragraphe 1 Une confidentialité assurée par le contrat ........................... 68

Paragraphe 2 Une négociation malsaine sur le coût de la privacité .......... 70

TITRE II RISQUE JURIDIQUE ..................................................................................... 74

CHAPITRE I LE RISQUE ISSU DE LA CREATION DE PRECEDENTS ............................. 74

Section 1 La force des précédents ................................................................... 75

Paragraphe 1 Le rôle créateur de la jurisprudence .................................... 75

- Alexandra Guillemain, La transaction en droit des affaires -

122

Paragraphe 2 Un modèle non obligatoire d’interprétation ........................ 76

Section 2 Un risque juridique pour le professionnel ....................................... 79

Paragraphe 1 Un arsenal juridique contre le professionnel ....................... 79

Paragraphe 2 L’influence des litiges de masse sur la création prétorienne 82

CHAPITRE II L’EVICTION DE LA JUSTICE ETATIQUE ................................................ 85

Section 1 Une éviction stratégique pour le professionnel ............................... 86

Paragraphe 1 La volonté d’empêcher l’émergence de précédents ............. 86

A. L’influence du risque juridique sur le désistement d’instance .......... 86

B. La transaction, instrument d’une stratégie juridique rationnelle ..... 88

Paragraphe 2 Les garanties offertes par la transaction ............................. 90

A. L’assurance de la privacité du litige ................................................. 90

B. La certitude d’une solution définitive................................................ 91

Section 2 Une alternative contrainte pour le consommateur ........................... 93

Paragraphe 1 Une nécessité pratique : contourner les moyens d’action

inefficaces………………………………………………………………….. 93

Paragraphe 2 Un intérêt pécuniaire : obtenir une indemnité individuelle . 96

CONCLUSION GENERALE.............................................................................................. 101

ANNEXES …………………………………………………………………………….. 106

BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................ 107

INDEX ………………………………………………………………………………... 119

TABLE DES MATIERES .................................................................................................. 120