82
1 Victor Steinberg Coulais Magistère de Juriste d’Affaires - DJCE Aides d’Etat et restructurations bancaires dans la crise Sous la direction de Maître Virginie Viallard Année universitaire 2012-2013

Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

1

Victor Steinberg Coulais

Magistère de Juriste d’Affaires - DJCE

Aides d’Etat et restructurations bancaires dans la crise

Sous la direction de Maître Virginie Viallard

Année universitaire 2012-2013

Page 2: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

2

« L'Université Panthéon-Assas (Paris II) Droit – Économie – Sciences Sociales n'entend

donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans ce mémoire. Ces

opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs ».

Page 3: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

3

SOMMAIRE

LISTE DES ABREVIATIONS ............................................................................ 4

INTRODUCTION ............................................................................................ 5

PARTIE I : LA CRISE DU DROIT .................................................................... 9

Section 1 : L’objectif politique de sauvetage du secteur bancaire ...... 9

Section 2 : L’objectif juridique du droit européen des aides d’Etat 19

PARTIE II : LE DROIT DE LA CRISE ........................................................... 37

Section 1 : Un droit dérogatoire ........................................................... 37

Section 2 : Une dérogation limitée ....................................................... 48

CONCLUSION .............................................................................................. 63

BIBLIOGRAPHIE ......................................................................................... 66

PLAN DETAILLE .......................................................................................... 70

ANNEXE ...................................................................................................... 72

Page 4: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

4

LISTE DES ABREVIATIONS

ABE AUTORITE BANCAIRE EUROPEENNE

BCE BANQUE CENTRALE EUROPEENNE

CECA COMMUNAUTE EUROPEENNE DU CHARBON ET DE L’ACIER

CJCE COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

CJUE COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

EURIBOR EURO INTERBANK OFFERED RATE

FED RÉSERVE FÉDÉRALE AMÉRICAINE

FESF FONDS EUROPEEN DE STABILITE FINANCIERE

FMI FONDS MONETAIRE INTERNATIONAL

JOUE JOURNAL OFFICIEL DE L’UNION EUROPEENNE

OIS OVERNIGHT INDEXED SWAP

MES MECANISME EUROPEEN DE STABILITE

MSU MECANISME DE SURVEILLANCE UNIQUE

OPCVM ORGANISME DE PLACEMENT COLLECTIF EN VALEURS MOBILIERES

PIB PRODUIT INTERIEUR BRUT

SFEF SOCIETE DE FINANCEMENT DE L’ECONOMIE FRANÇAISE

SIV STRUCTURE INVESTMENT VEHICLE

SPPE SOCIETE DE PRISE DE PARTICIPATION DE L’ETAT

TFUE TRAITE SUR LE FONCTIONNEMENT DE L’UNION EUROPEENNE

TPICE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

UE UNION EUROPEENNE

Page 5: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

5

INTRODUCTION

« Quand vous êtes dans l’orage, il faut le traverser et surtout ne pas changer de

direction – c’est le seul moyen d’en sortir bien »1.

Des tulipes hollandaises de 16372 aux subprimes américains de 2008, les crises

semblent inhérentes au fonctionnement de l'économie moderne. D'origines et d'intensités

variables, elles constituent, avec les guerres, les facteurs habituels de circonstances les plus

puissants de l'interventionnisme économique3. L'analyse révèle cependant une profonde

mutation du rôle de l’Etat depuis le 17ème

siècle. Si les crises sont initialement considérées

comme des menaces pour la stabilité politique de l'Etat la puissance publique agissant alors

comme un « policier économique »4

il faut attendre le 20ème

siècle pour que

l'interventionnisme public dans la vie économique se renforce. Ceci résulte de la

multiplication des crises (1914-1918, 1929, 1939-1945, 1972) ainsi que du développement,

sous la République, de la notion de service public. Les crises ne sont alors plus considérées

comme un péril pour l'Etat mais, bien au contraire, comme un facteur de légitimation. Le rôle

de « l’Etat protecteur » se construit à l'épreuve de la crise et le droit public de l'économie se

développe. Toutefois, depuis 1945, l’internationalisation des échanges économiques a conduit

au développement de la pensée économique libérale. Sous l’influence de l’école de Chicago,

le rôle de l’Etat dans l’économie s’est réduit. L’interventionnisme public est majoritairement

considéré comme obsolète et dangereux. Des travaux économiques5 ont montré que la

puissance publique, qui souffre d’un déficit d’information sur les performances des

entreprises, est mal placée pour distribuer efficacement des aides. Le risque est alors, in fine,

de faire payer ces interventions par les contribuables. Le retrait de l’Etat s’avère en outre

nécessaire afin de ne pas entraver la liberté économique des différents opérateurs. La libre

concurrence interne et internationale devient le principe référent de toute réglementation

publique économique et les vertus des marchés libres et concurrentiels font l’objet d’un large

consensus parmi les économistes et les gouvernants.

1 Note manuscrite de Jean Monnet, non datée. Lausanne, Fondation Jean Monnet pour l’Europe, Archives de

Jean Monnet, Fonds AMM. 2 La « tulipomanie » a été en Hollande la première bulle spéculative économique et financière de l’histoire

moderne. En 1642, après le krach, le prix de la tulipe n’était ainsi plus qu’au dixième de sa valeur de 1637. 3 A. de Laubadère, Traité de droit administratif. L'administration de l'économie, Paris, LGDJ, vol. 4, 3e éd.,

1977, p. 15. 4 Videlin Jean-Christophe, Le droit public économique et les crises économiques : approche historique, RFDA,

2010, p. 727. 5 Laffont et Tirole, A theory of incentives in procurement and regulation, MIT, Cambridge, Londres, 1993.

Page 6: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

6

La crise de 2008 a bouleversé cet état des lieux. En intervenant massivement au soutien des

banques, et plus largement de l’économie réelle, les Etats ont réaffirmé leur importance dans

le fonctionnement de l’économie. Les mesures d’aide n’ont cependant pas toutes été d’origine

gouvernementale. Les plus grandes banques centrales du monde ont, de manière coordonnée,

adopté une politique contracyclique1, les mesures principales consistant dans des facilités de

refinancement, un recours plus facile au financement de devises et la baisse des taux

directeurs. La Banque Centrale Européenne (BCE) a ainsi fixé ses taux d’intérêts à des

niveaux historiquement bas2.

Seulement, les Etats ne sont plus seuls. Les libertés étatiques sont désormais encadrées par

des législations supranationales. L'Europe - et plus précisément l'Union Européenne -

constitue à ce titre l'ensemble juridique le plus abouti. Fondée sur un principe de concurrence

« libre et non faussée »3, l'Union connaît un ensemble de dispositions relatives aux libertés de

circulation et au droit de la concurrence dont l'objet est, notamment, de restreindre les

possibilités d'interventions étatiques dans l'économie. En effet, bien qu’il existe un débat sur

l’appartenance au droit de la concurrence de cette composante du droit communautaire4, les

gouvernements nationaux sont soumis aux dispositions relatives au contrôle des aides d'Etat.

L’article 107 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) prévoit ainsi

que, « sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur,

dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par

les Etats ou au moyen de ressources d’Etat, sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou

qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines

productions ». Cette disposition, qui reprend le principe de prohibition édicté à l’article 4 du

Traité CECA de 1951, existe depuis le Traité de Rome de 1957. Si la notion d’aide d’Etat fera

l’objet d’un examen détaillé dans la suite de l’exposé, il convient de préciser dès à présent les

obligations procédurales qui incombent en la matière aux Etats membres. En vertu de l’article

1 Politique économique dont la finalité et de stimuler l’économie lorsque celle-ci tend à ralentir, et à la freiner

lorsqu’elle s’emballe (www.leconomiepolitique.fr/Dictionnaire_fr_52__def1154.html). 2 A hauteur de 4,25% en 2008, le taux a été progressivement abaissé jusqu’à 0,75% en juillet 2012 puis à 0,5%

en mai 2013, plus bas historique. 3 Présents à l’article 3 et 4 du Traité instituant la Communauté Européenne, ces termes ont été supprimés des

objectifs de l’Union en 2007 par le Traité de Lisbonne. On les retrouve toutefois, séparément, dans différents

articles du Traité (par exemple : article 119 TFUE et Protocole n°27 sur le marché intérieur et la concurrence). 4 S. Martin et Ch. Strasse, La politique communautaire des aides d’Etat est-elle une politique de concurrence ?,

Concurrences, n°3-2005, p.52 et la réponse de Th. Kleiner et A. Alexis, Politique des aides d’Etat : une analyse

économique plus fine au service de l’intérêt commun, Concurrences, n°4-2005, p. 45.

Page 7: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

7

108, paragraphe 3 TFUE1, reconnu d’effet direct

2 et tel que précisé par le Règlement du

Conseil du 22 mars 19993, les Etats ont l’obligation de notifier à la Commission tout projet

d’aide envisagé et de fournir toute information nécessaire permettant à la Commission de

prendre une décision. Si la Commission a des doutes quant à la validité de l’aide, une

procédure d’examen pourra être ouverte. En pareille situation, l’Etat membre dispose en

principe d’un mois pour formuler ses observations4. A l’issue de cette procédure de contrôle,

la Commission se prononce. Elle peut alors valider l’aide, éventuellement de façon

conditionnelle5, ou prononcer son incompatibilité. Dans cette dernière hypothèse, l’Etat sera

dans l’impossibilité de mettre en place les mesures envisagées. En cas de non-respect de

l’obligation de notification par l’Etat membre concerné, l’aide versée est automatiquement

qualifiée d’ « aide illégale » et devra être recouvrée. Extrêmement contraignante, cette

procédure limite de façon considérable les libertés étatiques.

Au sens du droit européen, le secteur bancaire vise l’ensemble des établissements qui

« reçoivent des dépôts, ou autres fonds remboursables du public, et qui font des crédits pour

leur compte propre »6. Il fut à l’origine considéré que l’activité bancaire ne devait pas être

soumise au droit de la concurrence au motif selon lequel, participant à la politique monétaire

du pays, elle répondait à une mission de service public. Etait également avancé l’argument

selon lequel, le droit de la concurrence impliquant un affaiblissement des marges, les banques

seraient incitées pour préserver leurs profits à prendre des risques excessifs, ce qui porterait

atteinte à la stabilité du système. Ce point de vue ne résiste cependant pas à une analyse

empirique. En réduisant la taille des acteurs et, par conséquent, le risque systémique, le droit

de la concurrence semble au contraire nécessaire pour prévenir les crises. L’applicabilité des

articles 102 et suivants TFUE a ainsi été affirmée pour la première fois par la Cour de Justice

des Communautés Européennes en 1981 dans l’affaire Züchner et confirmée à de nombreuses

reprises par la suite7.

Dès lors, la question de la légalité des interventions étatiques au soutien du secteur bancaire se

pose. Les mesures adoptées par les Etats membres constituaient-elles des aides d'Etat au sens

1 « La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses informations, des projets tendant à instituer

ou à modifier des aides ». 2 CJCE, 19 juin 1973, aff. 77-72, Carmine Capolongo, Rec. CJCE, I, p. 611.

3 Règl. Cons. CE n° 659/1999, 22 mars 1999.

4 Des possibilités de prorogation du délai sont prévues par le Règlement du 22 mars 1999.

5 La décision de compatibilité sera alors soumise au respect de conditions et d’obligations par l’Etat membre

6 Cette définition s’impose désormais aux Etats membres et résulte du « package CRD IV » adopté par le

Parlement en avril 2013, pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2014. 7 CJCE, 14 juillet 1981, aff. 127/80 : Rec. CJCE 1981, p. 2012 ; D. 1982, inf. rap. p. 122

Page 8: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

8

de l'article 107 TFUE ? Si oui, étaient-elles compatibles avec les principes posés par la

Commission ? Se confrontent ici des considérations politiques et économiques - sauver le

secteur bancaire - et des considérations juridiques - respecter le droit des aides d'Etat. Le

conflit oppose les Etats membres à l’Union Européenne, c’est-à-dire les souverainetés

étatiques au marché commun. La difficulté réside dans le caractère éminemment « statique »

de la règle de droit1. Permanent, le droit ne saurait en principe devoir céder face au fait, c'est-

à-dire au particularisme d’une situation donnée. L’analyse de la crise de 2008, des

interventions étatiques et de la pratique décisionnelle de la Commission illustre cependant le

caractère profondément relatif de ce postulat.

Si l’ampleur de la crise de 2008 a relégué le droit, c’est-à-dire les règles traditionnelles

relatives aux aides d’Etat, au second plan ( I ), la Commission a su édicter un régime « ad

hoc » adapté au caractère exceptionnel de la situation ( II ).

1 Georges Ripert, Les forces créatrices du droit, LGDJ, 1998, 2è ed.

Page 9: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

9

PARTIE 1 : LA CRISE DU DROIT

La « crise du droit des aides d’Etat » résulte de l’incompatibilité entre le politique –

sauver le secteur bancaire et financier – (Section 1) et le juridique – respecter les dispositions

de l’article 107 TFUE (Section 2).

SECTION 1 : L’OBJECTIF POLITIQUE DE SAUVETAGE DU SECTEUR BANCAIRE

L’ampleur de la crise de 2008 (I) a exigé des interventions étatiques vigoureuses au

soutien des banques (II).

I. Nécessité des interventions étatiques

D’une exceptionnelle gravité (A), la crise de 2008 a pour particularité de concerner au

premier chef les banques (B).

A. Gravité de la crise financière

La crise financière de 2008 trouve son origine dans le marché immobilier américain.

L’octroi de prêts immobiliers à taux variable aux ménages américains à risque (crédits

« subprimes ») 1

et la hausse des taux d’intérêts de la Réserve Fédérale des Etats-Unis (FED) a

conduit à une augmentation considérable du nombre de défauts des emprunteurs. L’arrivée

massive des biens hypothéqués sur le marché a provoqué un éclatement de la bulle

immobilière et un écroulement des prix, de sorte que les banques se sont retrouvées dans

l’impossibilité de se rembourser sur la valeur du collatéral. Dès février 2007, HSBC connait

d’importantes difficultés et doit annoncer la constitution de provisions importantes.

La transmission transfrontière de la crise est très rapide. Le recours à la technique de la

titrisation, opération financière qui consiste à transformer des prêts bancaires

traditionnellement illiquides en titres plus aisément négociables sur les marchés par

1 Crédits hypothécaires plus risqués pour le prêteur que la catégorie prime en raison du profil de l’emprunteur.

Page 10: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

10

l’intermédiaire d’une entité ad hoc, conduit à une dilution du risque vers l’ensemble des

établissements de crédit détenant des créances subprimes. L’incertitude quant à l’exposition

au risque donne lieu à une défiance généralisée entre les institutions financières et à une

paralysie du marché interbancaire, empêchant les banques de se refinancer les unes auprès

des autres. En Europe, Northern Rock, institution financière spécialisée dans le secteur de

l’immobilier, doit être nationalisée par le gouvernement britannique pour éviter la faillite. En

dépit de l’intervention massive de fonds souverains1, les difficultés s’accentuent au cours du

premier semestre 2008. Le 7 septembre 2008, deux agences fédérales américaines, Freddie

Mac et Fannie Mae, sont placées sous administration afin de procéder à leur restructuration.

Le 15 septembre 2008, la faillite de Lehmann Brothers marque le début de la plus grave crise

financière depuis 1929.

Les conséquences de la crise financière sont considérables pour les banques d’une part

et pour l’économie dans son ensemble d’autre part.

La crise a mis en péril la solvabilité des banques à travers plusieurs canaux. Tout d’abord, les

dépréciations d’actifs adossés à des titres « toxiques » ont conduit les banques à passer des

provisions colossales pour compenser les pertes enregistrées. Selon le FMI, la perte de valeurs

liées à ces dépréciations aurait atteint près de 4 000 milliards de dollars, dont les deux tiers

concernant les banques2. Cette dégradation brutale des bilans a conduit à la chute des cours

boursiers. Ainsi, entre juin 2007 et mars 2009, la capitalisation boursière des banques a perdu

70% de sa valeur, soit plus de 4700 milliards de dollars, ce qui représente 8,7% du PIB

mondial3. Enfin, la récession économique a provoqué une hausse brutale des taux de défaut

sur les crédits des ménages et des entreprises, celui-ci passant de 0,4% début 2008 à 3,5% en

avril 20094. L’ensemble de ces éléments a eu pour conséquence un effondrement des profits

des banques de près de 80% entre la fin 2008 et le début 2010 en Europe5.

Les difficultés rencontrées par le secteur bancaire et financier ont eu des effets directs sur

l’économie réelle. En particulier, la capacité de crédit des banques s’étant affaiblie,

l’investissement des entreprises a connu d’importantes restrictions. Par ailleurs, la dévaluation

1 Le fonds « Abu Dhabi Investment Authority » (ADIA) s’est par exemple porté acquéreur de 4,9% de Citigroup,

première banque mondiale, pour 7,5 milliards de dollars, le 27 novembre 2007. Des interventions similaires ont

été réalisées par le fonds « Government of Singapore Investment Corporation » (GIC) ou encore par le fonds

« China Investment Corporation » (CIC). 2 Fonds Monétaire International : « Rapport sur la stabilité financière dans le monde », avril 2009.

3 V. Annexe n°1 : Impact de la crise sur la capitalisation boursière des banques

4 V. Annexe n°2 : Impact de la crise sur les taux de défaut sur les obligations d’entreprise

5 V. Annexe n°3 : Impact de la crise sur l’indice de profit des banques

Page 11: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

11

des actifs boursiers et immobiliers a eu un effet de restriction de la demande. La zone euro est

ainsi passée d’une croissance de 2% avant la crise à une récession de 5% en 2009.

Alors que des signes de reprise s’annonçaient au dernier trimestre 2009, la crise des

dettes souveraines est apparue au début de l’année 2010. Touchant principalement la Grèce,

l’Irlande et le Portugal, elle constitue une conséquence de la crise de 2008 et, en particulier,

des interventions étatiques pour sauver le secteur bancaire.

La gravité de la crise est accentuée par le fait qu’elle touche en premier lieu des

acteurs clés de l’économie moderne : les établissements bancaires et financiers.

B. Particularisme du secteur bancaire

La gravité de la crise de 2008 s’explique notamment par le particularisme du secteur

bancaire et, plus largement, des institutions financières. Plusieurs de leurs caractéristiques

permettent de comprendre pourquoi les banques ne sont pas des prestataires de services

comme les autres.

En premier lieu, des liens très étroits existent entre les différents établissements de

crédit. La sémantique est ici éclairante : le terme de « système » - et non simplement de

« secteur » - est fréquemment employé pour désigner cet ensemble d’agents économiques liés

entre eux. Ceci résulte de l’importance des expositions symétriques existant entre les banques

à travers les « mécanismes de refinancement interbancaires, la participation à des marchés

financiers communs et les commissions d’inter-change liées à la mise en place de systèmes de

paiement interconnectés »1. Ces différentes « externalités horizontales » conduisent à un

risque de défaillances en chaine sur les marchés, la faillite d’une banque pouvant entraîner

celle de toutes les autres. Ainsi, contrairement à ce qui se passe traditionnellement sur les

marchés de biens et de services où la défaillance d’un opérateur permet de renforcer ses

concurrents, la faillite d’une entreprise dans le secteur bancaire et financier est susceptible

d’affaiblir ses concurrents. Il s’agit de la problématique du risque systémique.

En second lieu, le service rendu par les banques revêt une importance décisive dans le

fonctionnement de l’économie. La confiance des marchés et des déposants envers les

1 PERROT Anne, Politique de la concurrence et faillites bancaires, Revue Lamy de la concurrence, 2009, n°20.

Page 12: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

12

institutions bancaires et financières autorise les banques à prêter plus que ce qu’elles n’ont

reçu en dépôt : la part de dettes des banques par rapport aux fonds propres est en ainsi bien

plus faible que dans les autres secteurs. Ce déséquilibre permet aux banques d’alimenter la

machine économique. Dès lors, l’affaiblissement du système bancaire a des conséquences

immédiates sur l’économie réelle : le crédit se resserre, les achats immobiliers et la

consommation des ménages ralentissent, les investissements des entreprises diminuent, les

fusions sont plus difficiles à réaliser. De plus, la perte de confiance d’un nombre limité de

déposants vis-à-vis de leur banque est susceptible de provoquer une panique généralisée vis-à-

vis de celle-ci, se traduisant par des demandes massives de retraits de dépôts et, par-là,

d’entrainer sa faillite. Ajoutées aux « externalités verticales », ces « externalités

horizontales » placent le secteur bancaire dans une position particulièrement sensible dans un

contexte de crise

En outre, aucun autre secteur ne s’est développé aussi rapidement au cours des

dernières décennies. Les banques constituent aujourd’hui, par leurs tailles, les premières

sociétés dans le monde. A titre d’exemple, alors qu’IBM pèse entre 80 et 140 milliards

d’euros, les actifs de la BNP sont valorisés à environ 2 500 milliards d’euros. En Europe, le

secteur a connu une croissance unique, passant de 25 à 42 milliards d’euros entre 2001 et

2009, soit une augmentation de près de 7% par an.

L’ensemble de ces éléments gravité de la crise financière et particularisme du

secteur bancaire permet de comprendre pourquoi la politique publique vis-à-vis de ce

secteur revêt une importance considérable en période de crise.

II. Mise en œuvre des interventions étatiques

Diverses (A), les mesures de soutien adoptées par les Etats en faveur des banques ont

incontestablement permis de sauver le secteur bancaire et financier pendant la crise (B).

A. Typologie

Les interventions étatiques au soutien du secteur bancaire ont principalement pris la

forme de garanties (i), de recapitalisations (ii) et de sauvetages d’actifs dépréciés (iii). Il

Page 13: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

13

convient de préciser que d’autres mesures ont été ponctuellement adoptées par les Etats

membres1.

i. L’octroi de garanties

Le premier effet de la crise financière pour les banques est la difficulté voire

l’impossibilité de se refinancer sur les marchés. Ceci résulte de la perte de confiance entre les

différents opérateurs des marchés financiers, chacun craignant la défaillance de l’autre. C’est

pourquoi les Etats membres se sont en premier lieu employés à rétablir la confiance sur les

marchés en instaurant des mécanismes de garanties publiques des dettes contractées par les

banques. Un tel dispositif permet de rassurer les déposants des institutions financières par une

garantie de leurs dépôts, évitant ainsi une vague incontrôlée de retraits (bankrun) et une

contagion des banques saines. Dans le contexte de l’assèchement des prêts interbancaires, les

garanties ont également pour objectif de rétablir la confiance entre les institutions financières.

Des garanties ont ainsi été octroyées dans vingt Etats membres, au bénéfice de 182

institutions financières. A l’exception de la Slovaquie, les Etats n’ont octroyé leur garantie

qu’à des institutions financières solvables, afin de limiter les effets de ces interventions sur les

budgets nationaux. De plus, la majorité des garanties ont été accordées pour une durée

maximale de six mois à compter de l’adoption de la décision. Par ailleurs, des Etats membres

ont fait le choix de plafonner le montant maximum de dettes pouvant bénéficier de la

garantie2. Dans un objectif similaire, les gouvernements n’ont généralement garanti que des

dettes senior3 d’une durée de cinq ans maximum.

A titre d’exemple, la France a mis en place une garantie au profit des titres émis par la

Société de Financement de l’Economie Française (SFEF), société de droit privé détenue à

34% par l’Etat et à 66% par sept grandes banques françaises, dont l’objet est de consentir des

prêts aux établissements de crédits4. Aujourd’hui supprimée, cette structure aura permis de

lever 77 milliards d’euros.

1 Certains Etats ont mis en place des facilités de trésorerie (par exemple l’Allemagne au profit de la banque IKB

(affaire C 10/2008) ou encore de la banque Sachsen LB (affaire C9/2008)).

Par ailleurs, quatre liquidations contrôlées ont été décidées pendant la crise (Affaire N560/2009, Fiona Bank,

JOUE C n°76, 10.03.2011, p.3 ; Affaire N194/2009, Bradford and Bingley, JOUE, C n°143, 02.06.2010, p.22 ;

affaire NN19/2009, Dunfermline Building Society, JOUE C n°101, 20.04.2010, p.7 ; Affaire N380/2009, Bank

Luxembourg SA, JOUE C n°247, 15.10.2009, p.3). 2 10% du PIB en Lettonie, 10% des dépenses en Slovaquie

3 Dette bénéficiant de garanties spécifiques et dont le remboursement se fait prioritairement par rapport aux

autres dettes, dites dettes subordonnées. 4 Loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement de l'économie, art. 6.

Page 14: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

14

Au total, le montant des garanties octroyées en Europe s’élève à près de 3800 milliards

d’euros, quand 1084 milliards d’euros ont fait l’objet d’une utilisation effective. Le taux

d’utilisation, d’environ 30% à l’échelle européenne, varie selon les Etats membres. Il est ainsi,

par exemple, de 51% au Portugal et de 73% à Chypre alors qu’il n’est que de 7% en Grèce. Il

convient cependant de préciser que le taux d’utilisation n’est pas un indicateur valable du

fonctionnement des régimes : des taux faibles sont généralement liés au fait que les montants

annoncés sont supérieurs aux besoins effectivement constatés par la suite. De plus, un régime

peut contribuer efficacement au rétablissement de la stabilité financière, même si la garantie

n’est pas utilisée : son objet premier est en effet de rétablir la confiance sur les marchés

financiers.

Intervenus principalement entre octobre 2008 et avril 2009 (62%), les régimes de

garanties mis en place prennent progressivement fin depuis l’été 2009. Alors que les

émissions d’obligations garanties représentaient une moyenne mensuelle de 30% du

financement total des banques au premier trimestre 2009, ce chiffre est tombé à 4% en

décembre 2009. L’incertitude persistante sur les marchés a toutefois exigé la prolongation

récente de plusieurs régimes de garantie dans différents Etats membres1.

Cette première forme d’intervention étatique n’a cependant pas permis, à elle seule, de

rétablir la confiance sur les marchés.

ii. La recapitalisation des institutions financières

La recapitalisation consiste en un ajout de capitaux propres dans l’établissement de

crédit. Dans pratiquement tous les Etats2, elle a concerné du tier 1 capital, partie la plus solide

des capitaux propres3. L’objectif était ici de limiter les risques pris en cas de défaillance du

bénéficiaire.

Une telle intervention poursuit plusieurs objectifs4. Il s’agit tout d’abord de rétablir la

stabilité financière et la confiance nécessaires au redémarrage des crédits interbancaires, en

permettant aux banques d’améliorer leur ratio de fonds propres. Par ailleurs, elle vise à limiter

la contagion de la crise financière aux autres activités en contribuant à garantir les prêts en

1 Par exemple, en 2013 : à Chypre (SA35852), en Grèce (SA35999) ou encore en Espagne (SA36020).

2 A l’exception de la Pologne et de la Lituanie qui ont injecté du Tier 2 capital.

3 Le tier 1 rassemble ainsi essentiellement le capital social, les actions ordinaires, les parts sociales et les

réserves. 4 Communication de la Commission concernant la recapitalisation des établissements financiers dans le contexte

de la crise financière, adoptée le 5 décembre 2008 (JO n°C 2010, 15.1.2009, p.2-10), pts. 4 à 6.

Page 15: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

15

faveur de l’économie réelle. Les banques ont en effet été tentées de s’abstenir d’accorder de

nouveaux crédits afin de réduire leur taux d’endettement. Enfin, la recapitalisation a pu

constituer une mesure curative accordée à des établissements confrontés à des difficultés

endogènes, qu’il s’agisse d’un soutien d’urgence afin d’éviter la défaillance d’une banque ou

d’une intervention de plus long terme destinée à renouer avec une viabilité à long terme ou à

soutenir une liquidation ordonnée.

Quinze Etats membres ont eu recours à ce type d’aides entre octobre 2008 et décembre 2010,

la majorité ayant été adoptées avant juin 2009. La crise des dettes souveraines de 2010 a

cependant conduit des Etats membres à introduire, renouveler ou compléter des plans de

recapitalisation. A titre d’exemple, le Portugal a du recapitaliser l’une de ses banques au début

de l’année 20131.

En France, la loi de finance rectificative du 16 octobre 2008 instaure un mécanisme de

renforcement des fonds propres des établissements de crédit à travers la Société de Prise de

Participation de l’Etat (SPPE) dont l’Etat français est l’unique actionnaire. Au total, la SPPE a

apporté 20,75 milliards d’euros aux banques.

Adoptées dans l’urgence, ces deux premières séries de mesures ont permis de parer au

plus pressé et de restaurer une certaine stabilité sur les marchés. Néanmoins, il est rapidement

apparu qu’elles restaient, dans certaines hypothèses, insuffisantes.

iii. Le traitement des actifs dépréciés

La crise a révélé une sous-estimation générale des risques sur les marchés financiers.

Cela a eu pour conséquence une réduction de la valeur des actifs à hauteur de 1063 milliards

de dollars dont 293,7 milliards pour les banques européennes. Ces dépréciations ont réduit

l’effet utile des mesures de recapitalisation dans la mesure où les fonds ainsi obtenus ont, le

plus souvent, été employés pour absorber les pertes constatées et constituer des réserves

destinées à faire face à de futures dépréciations.

S’est ainsi posée la question d’une intervention en amont consistant en un sauvetage

par les pouvoirs publics des actifs dépréciés, titres de toute nature (hypothèques, crédits à la

consommation, dettes d’entreprises, etc.) qui ont fait l’objet d’une réévaluation - par

hypothèse à la baisse - suite à la prise de conscience d’une sous-estimation des risques liés à

1 IP/13/31, 21.1.2013, Banif

Page 16: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

16

cet actif1. Par le biais d’un rachat ou d’une souscription d’assurance, l’objectif était de libérer

la banque bénéficiaire de la nécessité d’enregistrer une perte et ainsi de dégager du capital

réglementaire pour d’autres usages.

Les mesures de traitement des actifs dépréciées sont principalement intervenues entre

septembre 2008 et juillet 2009 (56%). Cependant, en raison de la complexité de cette modalité

d’intervention et des difficultés relatives à sa mise en œuvre, très peu d’Etats2 y ont eu

recours.

Diverses, les mesures de soutien adoptées par les Etats membres au bénéfices des

banques se sont révélées utiles.

B. Efficacité

Les interventions étatiques au soutien des banques ont été massives. A l’exception de

cinq Etats membres3, tous les Etats de l’Union Européenne ont adopté au moins une mesure

pour supporter leurs institutions financières. La plupart ont mis en œuvre à la fois des mesures

de garanties et de recapitalisation4. Au total, au 1

er janvier 2012, 215 institutions financières

présentes en Europe avaient reçu une aide d’Etat liée à la crise financière5.

Entre le 1er

octobre 2008 et le 1er

octobre 2012, le montant total des aides accordées par les

gouvernements européens au secteur financier s’élève à 5058,9 milliards d’euros soit 40,3%

du Produit Intérieur Brut (PIB) de l’Union Européenne. Une large majorité des aides a pris la

forme de garanties (75%). Viennent ensuite les recapitalisations (13%), les sauvetages d’actifs

dépréciés (9%) et les supports de liquidité (3%).

La majorité des aides octroyées n’ont cependant pas été utilisées. Au final, 1700 milliards

d’euros d’aides ont effectivement bénéficiés aux établissements concernés (13% du PIB de

1 J.-L. Valens, Crise du crédit et des entreprises, Lamy, 2010

2 Seuls neuf Etats membres au total

3 Bulgarie, République Tchèque, Estonie, Malte, Roumanie

4 A l’exception de Chypre et de la Slovénie qui n’ont adopté que des mesures de garanties et de l’Italie qui n’a eu

recours qu’à des recapitalisations. 5 Dont deux ont été aidées par plusieurs Etats membres (Dexia par la France, la Belgique et les Pays-Bas, Fortis

par la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas).

Page 17: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

17

l’UE)1. La majorité l’a été sous la forme de garanties (67%) puis d’injections de capital

(20%), de sauvetages d’actifs (8%) et enfin d’injections de liquidité (5%).

Les aides octroyées proviennent à hauteur de 60% des trois plus grands marchés bancaires

d’Europe2. Ce sont cependant la Slovénie, la Lettonie, l’Irlande et la Grèce qui ont, en

proportion de leur PIB, le plus supporté leurs banques3. A l’échelle des Etats, l’aide a

bénéficié en moyenne à treize établissements différents. On observe cependant des variations

importantes selon la structure et la concentration du secteur bancaire de chaque Etat. Ainsi,

dans les marchés concentrés, le nombre de bénéficiaires tend à être plus faible4 que dans les

marchés plus fragmentés5.

Si les aides ont bénéficié à plus de 200 établissements différents, on observe toutefois,

globalement, une forte concentration. Ainsi, les dix plus gros bénéficiaires ont reçu plus de

50% du total des aides. Par ailleurs, dans douze Etats, les trois bénéficiaires majeurs ont reçu

plus de 80% du support total accordé par l’Etat membre. Si quelques Etats ont fait le choix

d’une intervention plus large6, les Etats membres ont majoritairement privilégié le sauvetage

des « institutions systémiques » (« too big to fail »), dont la faillite menacerait le secteur

financier dans son ensemble.

Les aides ont été principalement octroyées au début de la crise financière : près de 80%

d’entre elles sont en effet intervenues entre octobre 2008 et décembre 2008. Le montant des

aides octroyées entre juillet et décembre 2010 a ainsi été sept fois moins important que celui

octroyé entre octobre et juin 20097. Ceci démontre l’efficacité des réponses étatiques.

S’il est difficile de dissocier les aides d’Etat des autres politiques de réponse à la crise,

et en particulier des interventions des banques centrales, la Commission européenne a pu

souligner qu’en l’absence d’interventions étatiques, la faillite du secteur bancaire et, avec lui,

1 La Pologne, la Slovaquie et la Lituanie sont les seuls Etats n’ayant utilisé aucune des aides adoptées.

2 Le Royaume Uni, l’Allemagne et la France.

3 V. annexe n°4 : Montant d’aides utilisées en comparaison avec la taille du secteur bancaire dans chaque Etat

membre. 4En Finlande, Hongrie, Lituanie ou Luxembourg, les aides ont été accordées à moins de trois bénéficiaires.

5 En France, Espagne, Allemagne, au Royaume Uni, les aides ont été accordées à plus de 15 banques (jusqu’à 63

au Danemark). 6 En particulier l’Espagne, l’Allemagne, le Danemark et la Grèce

7 38 milliards contre 250 milliards d’euros

Page 18: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

18

de l’économie réelle, aurait été inéluctable1. Plusieurs indicateurs permettent de parvenir à

cette conclusion.

La forte baisse du montant des aides octroyées par les Etats membres entre 2008 et 2010

indique une stabilisation du secteur financier. Le coût des garanties étatiques a ainsi très vite

conduit la majorité des bénéficiaires à se refinancer aux conditions de marché plutôt qu’aux

conditions exigées dans les plans de sauvetage.

Par ailleurs, l’évolution de l’écart de taux entre l’Euribor et l’Ois (« Euribor-Ois spread »)2,

considéré comme une mesure du risque pesant sur le système bancaire, permet de parvenir à

une conclusion similaire. En effet, un écart important indique une faible confiance sur les

marchés. Si cet indicateur n’a pas retrouvé son niveau de 2007, on constate que celui-ci a

considérablement baissé depuis la fin de l’année 2008 et les aides publiques accordées3.

En outre, les mesures de support adoptées par les Etats membres ont contribué à la baisse du

risque des institutions financières, tel que mesuré par le « Credit Default Swap spreads »

(CDS spreads). Une baisse de 40% a ainsi été constatée au cours de l’année 20094. Ceci

témoigne du regain de confiance sur les marchés financiers et de la stabilisation du secteur.

Deux études ont permis de démontrer le lien étroit entre l’annonce du soutien étatique et la

baisse du CDS spreads de la banque concernée5.

Les recapitalisations ont également permis d’améliorer la solvabilité des bénéficiaires. Entre

la fin 2008 et le début de 2009, l’injection de plus de 200 milliards d’euros dans le capital des

banques européennes a conduit à un rebond de plus de 2 points du ratio de solvabilité6.

Enfin, les mesures adoptées par les Etats membres ont permis d’éviter le risque d’un « credit

crunch » par lequel les banques et les institutions financières n’auraient plus été en mesure de

financer l’économie réelle, en raison d’une perte de confiance et/ou de la nécessité de réduire

le profil de risque afin de respecter les ratios de solvabilité. L’analyse de l’évolution des

volumes de crédits octroyés donne cependant lieu à un résultat contrasté. La Commission

1 Commission européenne, The effects of temporary state aid rules adopted in the context of the financial and

economic crisis, working paper, octobre 2011, 120 pages. 2 Il s’agit de la différence entre l’EURIBOR (taux interbancaire) et l’OIS (« overnight index swap rate »).

3 V. Annexe n° 5: Evolution de l’écart de taux entre l’Euribor et l’Overnight Indexed Swap rate (OIS) pendant la

crise 4 V. Annexe n°6 : Evolution du CDS spread des principales banques européennes pendant la crise

5 La première étude a été conduite la Banque des Règlements Internationaux (BRI) en juillet 2009 (« BIS

Papers », No 48, An assessment of financial sector rescue programmes), la seconde par le Fonds Monétaire

International en octobre 2009 (« Global Financial Stability Report »). 6 V. Annexe n°7 : Evolution du ratio de solvabilité des banques européennes pendant la crise

Page 19: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

19

constate en particulier la persistance de difficultés d’accès au crédit, en particulier pour les

petites entreprises.

Ces différentes modalités d’interventions étatiques ont été dictées par la gravité de la

crise financière. Elles ne résultent en rien d’un choix idéologique ou politique mais d’un

impératif : sauver le système bancaire et, par-là, l’économie de nombreux Etats.

Satisfait, l’objectif politique de sauvetage des banques doit toutefois être concilié avec

un autre impératif : le respect du droit européen des aides d’Etat.

SECTION 2 : L’OBJECTIF JURIDIQUE DU DROIT EUROPEEN DES AIDES D’ETAT

L’incompatibilité des mesures de soutien au regard du « droit commun des aides

d’Etat » (I) conduit à une interrogation sur la pertinence de ce droit dans un contexte de crise

(II).

I. La violation du « droit commun des aides d’Etat »

Pour la plupart constitutives d’aides d’Etat au sens de l’article 107 TFUE (A), les

interventions étatiques adoptées pendant la crise ne sauraient être autorisées sur le fondement

des dérogations traditionnellement admises en matière de restructurations d’entreprises (B).

A. Qualification des interventions étatiques

Pour être qualifiée d’aide d’Etat au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, une

intervention étatique au soutien d’une entreprise doit remplir quatre séries de conditions

cumulatives : l’aide doit être accordée par l’Etat ou au moyen de ressources d’Etat, constituer

un avantage, présenter un caractère sélectif et enfin fausser la concurrence et affecter le

commerce entre Etats membres.

Page 20: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

20

i. Origine étatique

Pour être soumise au contrôle de la Commission, l’aide doit tout d’abord être

« accordée par l’Etat ou au moyen de ressources d’Etat ». Autrement dit, la mesure doit être

imputable à un Etat et entrainer une charge financière pour ce dernier. En dépit d’une

formulation laissant penser que ces critères revêtent un caractère alternatif, la jurisprudence1 a

retenu une approche téléologique (critères cumulatifs). Ainsi, seuls les avantages accordés par

les Etats, au moyen de ressources d’Etat, sont susceptibles de constituer des aides d’Etat. Le

juge communautaire a progressivement précisé les contours de la notion d’Etat. La définition

retenue est très large ; dans une décision Steinike du 23 mars 1977, la Cour de Justice a

énoncé qu’ « il n’y a pas lieu de distinguer entre le cas où l’aide est accordée directement par

l’Etat ou par des organismes publics ou privés qu’il institue ou désigne en vue de gérer

l’aide »2. La Cour est allée jusqu’à admettre que des mesures de soutien consenties par des

organismes privés puissent être considérées comme étant des aides publiques si la preuve

d’une tutelle ou d’un contrôle de l’Etat était rapportée.

Cette interprétation de l’article 107 §1 est confirmée dans le contexte de la crise

financière3. Ainsi, qu’elles aient été mises en œuvre directement ou indirectement par l’Etat,

les interventions au soutien des banques ont, en règle générale, été initiées par les

gouvernements nationaux. La question s’est toutefois posée de savoir si l’intervention d’une

banque centrale dans le sauvetage d’un établissement de crédit en difficulté permettait de

considérer ce critère comme rempli. En effet, une banque centrale est par nature indépendante

de l’Etat de sorte qu’il existe un doute quant à la satisfaction du critère d’imputabilité. Dans

l’affaire Northern Rock la Commission a considéré qu’une intervention effectuée de la propre

initiative de la banque d’Angleterre et sans concertation ne constituait pas une aide d’Etat. En

revanche, dès lors qu’une ligne de crédit est décidée en concertation avec l’Etat et

concomitamment à l’adoption par ce dernier d’autres mesures de sauvetage, l’indépendance

de la banque ne suffit pas à faire échapper la mesure à la qualification d’aide d’Etat4. Cette

jurisprudence a été confirmée et pérennisée dans la Communication du 13 octobre 20085. Par

1 CJCE, 17 mars 1993, Sloman Neptun, aff. Jtes C-72/91 et 73/91.

2 CJCE, 23 mars 1977, Steinike, aff. 78/76.

3 Affaire C9/2008, Restructuring aid to Sachsen LB, point 71 et s.

4 Affaire NN 70/2007, Northern Rock, point 30 et s.

5 V. infra (Partie II, Section I).

Page 21: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

21

ailleurs, de simples déclarations émanant des autorités publiques peuvent constituer des aides

d’Etat1.

ii. Octroi d’un avantage

L’aide doit par ailleurs conférer un avantage à son bénéficiaire. Ceci revient à

comparer la situation de l’entreprise avant et après l’octroi de l’aide : il s’agit d’une

comparaison temporelle. La notion d’avantage est entendue très largement par la Cour de

Justice2. Les aides publiques octroyées pendant la crise constituent indiscutablement un

avantage pour les banques aidées par rapport aux banques non aidées. Sur un marché donné, à

conditions de recapitalisation équivalentes, une banque fondamentalement saine sera

désavantagée par rapport à une banque en difficulté ou moins performante. Ceci conduit à

conforter des modèles commerciaux non viables et à soutenir artificiellement le pouvoir de

marché des bénéficiaires. Un « aléa moral »3 est ainsi engendré au profit des banques aidées.

Le signal envoyé au marché est problématique : une garantie d’impunité est implicitement

reconnue aux banques, quelle que soit la rationalité de la politique menée. Les économistes

parlent ici du problème d’engagement (commitment) de l’Etat. Ex ante, la puissance publique

a en effet intérêt à annoncer qu’elle ne sauvera pas les banques en perdition, pour les inciter à

se comporter de façon prudente et rationnelle. Cependant, ex post, une fois que la banque est

en difficulté, le risque de voir se propager la défaillance d’une banque à tout le système

bancaire contraint l’Etat à ne pas respecter son engagement.

Ce critère est traditionnellement examiné au regard du « test de l’investisseur privé »,

en vertu duquel ne remplit pas la condition d’avantage la mesure qui a été réalisée dans des

conditions comparables à celle d’un investisseur privé avisé et prudent en économie de

marché4. L’application de ce test en période de crise est difficile à cerner dans une période où

l’on a vu les Etats les plus libéraux nationaliser leur production automobile ou leur système

bancaire, sans garantie aucune d’un retour rapide sur investissement. Certains Etats ont ainsi

cherché à se prévaloir du contexte exceptionnel afin de faire échec au test de l’investisseur

1 CJUE, 19 mars 2013, aff. C-399/10 et C-401/10, France Télécom confirmant la position de la Commission

européenne. 2 Il est communément admis que l’aide puisse consister en l’octroi de subventions, exonérations fiscales ou

sociales, remises de dette, abandons de créance, octrois de garantie, prises de participation, prêts, locations ou

ventes à des conditions plus avantageuses que celles du marché. 3 Comportement d’un agent qui, parce qu’il est assuré contre un sinistre, va prendre moins de précautions pour

l’éviter, ce qui augmente la probabilité d’occurrence de celui-ci.

(http://www.financedentreprise.pearson.fr/libre/glossaire_a_berk.html) 4 Pour une application, v/ par ex. Déc. Com. 30 avril 2008, aff. NN25/2008, Allemagne, aide en faveur de

WestLB, points 31 et s.

Page 22: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

22

privé. Ils se sont cependant heurtés au rejet de la Commission, ainsi qu’en attestent les

décisions sur l’aide à la restructuration en faveur de Fortis ou encore sur les régimes de

garanties danois et finlandais, lesquelles précisent : « dans le contexte de la crise financière,

aucun investisseur privé n’aurait octroyé de garanties de cette importance s’agissant des

dettes senior des banques » 1

. Le Tribunal de l’Union Européenne a également fait le choix de

maintenir son application et même d’en élargir sa portée dans une décision Pays-Bas et ING

Groep c/ Commission en date du 2 mars 20122. Les juges de Luxembourg consacrent ici

l’applicabilité du principe de l’investisseur privé, alors même que le contexte de la mesure

examinée place l’Etat membre dans une situation que ne pourrait jamais connaître un

investisseur privé, à savoir la modification d’une aide d’Etat qu’il aurait octroyé. Il en résulte

l’existence quasi-systématique d’un avantage dans la mesure où l’objet même de

l’intervention étatique est de permettre à une entreprise de faire face aux difficultés

rencontrées en intervenant là où le secteur privé ne le fait plus.

En conséquence, la Commission examine avec une attention particulière les conditions

d’octroi des mesures de soutien adoptées en faveur des banques. Ainsi, dans l’hypothèse

d’une garantie octroyée par l’Etat, la Commission s’attache à la rémunération prévue. Par

exemple, concernant la SFEF, la décision de l’autorité bruxelloise souligne que, « en de telles

circonstances, il est difficile de déterminer quel serait exactement le taux de marché mais la

rareté des opérations laisse à penser que le taux et les exigences en matière de collatéral

seraient sans nul doute supérieures à celles exigées »3. Dès lors, l’existence d’un avantage

peut être retenue. S’agissant des opérations de recapitalisation, la Commission vérifie si une

entreprise privée aurait, dans une situation comparable, accepté les mêmes conditions. Ceci

sera là encore le plus souvent le cas puisque l’intervention étatique est en règle générale

nécessaire en raison de l’absence d’investisseurs privés. Il arrive cependant que l’Etat

intervienne aux côtés de ces derniers lorsque l’apport proposé est insuffisant : alors, si

l’apport du privé est significatif, la condition d’avantage n’est pas remplie : de jurisprudence

constante, ceci permet de présumer que le test de l’investisseur privé est satisfait. Il s’agit du

« critère de concomitance ».

1 Affaires NN 42/2008, NN46/2008 et NN53/A/2008, 3.12.2008, aide à la restructuration en faveur de Fortis

Banque et Fortis Banque Luxembourg 2 Affaires jointes T-29/10 et T-33/10

3 Décision de la Commission C(2008) 6617- Aide d’Etat N548/08 République Française, Mesure de

refinancement en faveur des institutions financières, point 58

Page 23: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

23

Toutefois, la Commission considère traditionnellement qu’un prix d’achat correspond

au prix de marché dès lors que la vente est organisée par l’intermédiaire d’un appel d’offre

ouvert à tous et que les actifs vont à celui dont l’offre a été la plus élevée. En dépit du

contexte de crise et de la perturbation du marché, l’institution bruxelloise a fait le choix de

confirmer cette présomption1.

iii. Caractère sélectif de l’avantage

En ne visant que les aides « favorisant certaines entreprises ou certaines

productions », l’article 107, paragraphe 1, TFUE, exige que l’avantage revête un caractère

sélectif. Cela revient à déterminer si certaines entreprises bénéficient de l’avantage alors que

d’autres n’en jouissent pas : il s’agit d’une comparaison spatiale. Ceci permet d’exclure du

champ de l’article 107 les mesures générales d’ordre économique, fiscal ou social et pouvant

s’appliquer à tous les acteurs du marché. Ces dernières, quand bien même elles emporteraient

un avantage concurrentiel en faveur des entreprises de l’Etat qui les adopte, échappent à la

qualification d’aide d’Etat et relèvent exclusivement de la politique économique des Etats

membres. Ce critère est apprécié avec rigueur par la Commission européenne. Ainsi, une aide

peut être sélective, alors même qu’elle concernerait tout un secteur économique. Il en va ainsi

des mesures qui, bien que de portée générale, ne peuvent en pratique s’appliquer qu’à certains

opérateurs. Autrement dit, une intention affichée de généralisation est insuffisante : seul

l’effet des mesures est pris en compte. Cette solution est opportune : une position inverse

aurait limité l’efficacité du droit communautaire en autorisant un moyen trop évident de se

soustraire à la qualification juridique d’aide d’Etat.

Dans le contexte de la crise, deux modalités d’interventions étatiques doivent être

distinguées. En premier lieu - et c’est l’hypothèse la plus fréquente - les mesures peuvent être

expressément édictées au bénéfice d’une entreprise. Cela a par exemple été le cas de

l’intervention récente du gouvernement français au soutien du Crédit Immobilier de France

(CIF)2. Dans ce cas, l’aide est, par définition, sélective. En second lieu, un plan peut être

conçu de façon générale au profit de bénéficiaires futurs, pas forcément connus lors de la mise

en place du dispositif. Dans cette hypothèse, le critère de sélectivité sera là encore

systématiquement rempli. En effet, l’analyse démontre qu’aucun plan n’a été accordé de

façon générale, absolue et non discriminatoire à toutes les banques exerçant sur le territoire de

1 Affaire C9/2008, aide à la restructuration en faveur de Sachsen LB, 4.6.2008, JOCE L/104/2009.

2 Affaire SA.35389 (IP/13/148), Commission européenne, 21.3.2013.

Page 24: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

24

l’Etat membre. Une telle décision eut en effet mis en péril les finances publiques de l’Etat

concerné. Dès lors, l’existence de restrictions - aussi légères soient elles - conduit

inévitablement à la reconnaissance de l’existence d’un avantage spécifique. Par exemple, le

plan de refinancement de l’économie française a été considéré comme remplissant ce critère

dans la mesure où seuls peuvent prétendre au bénéfice des prêts « les établissements de crédit

agréés et contrôlés »1. De la même manière, le simple fait de viser les banques « exerçant sur

le territoire » de l’Etat membre et « respectant le capital minimum exigé par le droit

national » est sélectif aux yeux de l’institution bruxelloise2.

iv. Effets sur le marché intérieur

L’aide d’Etat doit enfin fausser la concurrence et affecter les échanges entre Etats

membres. Ces critères sont interprétés de façon large par la Commission européenne et la

Cour de Justice. Le premier est traité comme la conséquence logique de l’existence d’un

avantage sélectif : lorsqu’une mesure confère un avantage à une entreprise spécifiquement,

elle est a priori considérée comme faussant le jeu de la concurrence3. Le second est considéré

comme rempli à partir du moment où il existe un avantage sélectif faussant la concurrence, à

moins qu’il ne soit démontré qu’il n’existe en la matière aucun échange entre Etats membres,

ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

L’intervention étatique dans le contexte de la crise financière satisfait ces conditions

en ce qu’elle permet le maintien en vie d’une entreprise qui, selon le jeu normal de la

concurrence, aurait du disparaitre. A fortiori, des distorsions de concurrence peuvent

intervenir entre deux banques aidées dès lors que le montant de l’aide accordée diffère. De

plus, les interventions étatiques ont pour risque un repli sur les marchés nationaux, chaque

Etat aidant « ses » banques et renforçant ainsi les barrières à l’entrée sur le marché national.

Enfin, les différences entre les Etats membres en termes de ressources disponibles pour des

interventions publiques nuisent incontestablement à l’égalité des conditions de concurrence à

l’intérieur du marché unique4.

1 Loi n°2008-1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement de l’économie, Titre III,

Article 6 II A ; affaire NN548/2008, 20.11.2008. 2 Affaire N69/2009 € - $ - Swedish bank recapitalisation scheme, 10.2.2009.

3 A moins qu’il n’existe aucune concurrence sur le marché pertinent

4 Communication de la Commission sur le retour à la viabilité et l’appréciation des mesures de restructuration

prises dans le secteur financier dans le contexte de la crise actuelle, conformément aux règles relatives aux aides

d’Etat, adoptée le 22 juillet 2009 (JO n°C 195 du 19/08/2009 p.9 - 20) ;

Page 25: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

25

De tout ce qu’il précède, il résulte que les interventions étatiques au soutien des

banques décidées par les gouvernements nationaux correspondent le plus souvent à des aides

d’Etat au sens de l’article 107 TFUE. Ceci conduit à devoir les soumettre au contrôle exclusif

de la Commission Européenne.

B. Insuffisance des dérogations traditionnelles

Le terme même de « droit européen des aides d’Etat » est un paradoxe au regard de la

prohibition de principe posée par le Traité de Rome. La Commission européenne et la Cour de

Justice de l’Union Européenne (CJUE) ont cependant donné une importance considérable aux

dérogations prévues par les paragraphes 2 et 3 de l’article 107 TFUE. A l’origine marginales,

ces aides autorisées sont devenues une pratique courante dans l’Union. L’incompatibilité est

ainsi « ni absolue, ni inconditionnelle »1.

S’est ainsi construit un cadre communautaire d’encadrement des aides d’Etat au

moyen d’assouplissements réguliers et, sur habilitation du conseil, de l’adoption par la

Commission de plusieurs règlements d’exemption, notamment en matière de formation,

d’aides à l’emploi ou d’aides accordées à des petites et moyennes entreprises (PME). La

dérogation la plus usuelle concerne les « aides destinées à favoriser le développement de

certaines activités ou de certaines régions économiques quand elles n’altèrent pas les

conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun » (article 107,

paragraphe 3, point c) TFUE). Sur cette base, la Commission a adopté des lignes directrices

concernant la situation spécifique des aides d’Etat accordées aux entreprises en difficulté2. En

l’absence de définition communautaire, la notion d’entreprise en difficulté est précisée : il

s’agit de la situation où l’entreprise est « incapable, avec ses ressources propres ou avec les

fonds que sont prêts à lui apporter ses propriétaires, actionnaires ou créanciers, d’enrayer

des pertes qui la conduisent, en l’absence d’une intervention extérieure des pouvoirs publics,

vers une mort économique quasi certaine à court ou moyen terme »3. Il s’agit d’une définition

économique proche de la liquidation judiciaire du droit français.

1

CJUE, 8 novembre 2001, Adria-Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke (C-143/99,

Rec._p._I-8365) (cf. points 30-31)

2 Lignes directrices du 1er octobre 2004 concernant les aides d’Etat au sauvetage et à la restructuration

d’entreprises en difficulté, JO n°244 du 1.10.2004, p. 2-17. 3 Point 10 des lignes directrices du 1er octobre 2004

Page 26: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

26

Les lignes directrices de 2004 reposent sur une distinction fondamentale entre les aides au

sauvetage et les aides à la restructuration. Les premières constituent une assistance de

caractère « temporaire et réversible » qui doivent « permettre le maintien à flot de

l’entreprise en difficulté pendant le temps nécessaire à l’élaboration d’un plan de

restructuration ou de liquidation ». Elles ne peuvent être accordées à une entreprise en

difficulté que sous la forme de prêts ou de garanties d’une durée maximale de six mois et ne

peuvent constituer des mesures structurelles. Les secondes se fondent quant à elles sur un plan

de restructuration « réaliste, cohérent et de grande envergure »1 : elles doivent permettre de

rétablir la viabilité à long terme de l’entreprise et comporter des mesures nécessaires à éviter

toute distorsion de concurrence indue. Dans les grandes entreprises, le bénéficiaire doit

contribuer au financement du plan de restructuration à hauteur de 50% minimum2. Par

ailleurs, une limitation au « strict minimum » des coûts de restructuration ainsi que des

mesures de compensation à l’égard des concurrents sont exigées. Enfin, ces aides sont fondées

sur un principe de non récurrence en vertu duquel une aide à une entreprise en difficulté ne

peut être octroyée qu’une seule fois dans un intervalle de dix ans3.

Le particularisme du secteur bancaire ne fait pas obstacle à l’application de ces

dispositions. Ainsi, lorsque les premières difficultés sont apparues dans le secteur bancaire, la

Commission a tout naturellement commencé par apprécier la compatibilité des aides

accordées par les Etats aux institutions financières en difficulté au regard des lignes

directrices de 2004. Il s’agissait de six régimes concernant les banques Northern Rock4,

Sachsen LB5, IKB

6 , Roskilde Bank

7, WestLB

8 et Hypo Real Estate

9. Il convient cependant de

mentionner deux particularités.

Tout d’abord, la notion d’entreprise en difficulté est entendue de façon large par la

Commission européenne. Outre l’approche traditionnelle reposant sur l’existence de pertes

imminentes conduisant, faute d’intervention publique, à la défaillance de l’entreprise10

, la

Commission retient l’applicabilité des lignes directrices de 2004 dans deux autres hypothèses.

1 Lignes directrices, §§ 34-35

2 Lignes directrices, §§ 38-45

3 V. point 3.3 des lignes directrices relatives aux aides au sauvetage ou à la restructuration

4 Affaire NN70/2007, Northern Rock (décision du 5.12.2007)

5 Affaire C9/2008, aide à la restructuration en faveur de Sachsen LB (décision du 4.6.2008)

6 Affaire C10/2008, aide à la restructuration en faveur d’IKB (décision du 21.10/2008)

7 Affaire NN36/2008, Roskilde Bank (decision du 31.7.2008)

8 Affaire NN25/2008, WestLB (décision du 17.7.2008)

9 Affaire NN44/2008, aide à la restructuration en faveur de Hypo Real Estate (décision du 2.10.2008)

10 Appliquée dans le cadre de l’affaire Sachsen LB, point 96.

Page 27: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

27

D’une part, en ligne avec la pratique antérieure de la Commission, un établissement de crédit

est considéré comme étant en difficulté dès lors qu’il risque de passer sous le ratio de

solvabilité minimum exigé par le régulateur bancaire national : cela peut en effet conduire à

une suspension partielle ou totale de l’activité dont les conséquences seraient dévastatrices

pour le bénéficiaire1. D’autre part, une banque est en difficulté au sens des lignes directrices

de 2004 dès lors que sa situation la conduit à courir le risque de voir sa note dégradée de

plusieurs rangs: cela peut en effet mener à des pertes importantes compte tenu des difficultés

de financement subséquentes2.

Par ailleurs, le texte de 2004 prévoit, concernant le secteur bancaire exclusivement, la

possibilité d’octroyer des aides au sauvetage sous une autre forme que des garanties de crédits

ou des crédits, à condition de répondre aux principes généraux applicables aux aides au

sauvetage et de ne pas consister en une mesure financière structurelle3. La Commission a, là

encore, adopté une conception particulièrement large des mesures non structurelles en

assimilant un certain nombre de mesures à des prêts ou à des garanties de crédit. Il en va ainsi

de garanties sur les dépôts4, sur les instruments émis par l’intermédiaire d’un SIV (structure

investment vehicle)5 ou encore de facilités de capital

6. La limite réside cependant dans le refus

d’approuver comme aide au sauvetage une injection de capital.

Mais la faillite de Lehmann Brothers en septembre 2008 marque un tournant : la faillite peut

désormais toucher n’importe quelle banque, quelle que soit sa taille et quelle que soit la

viabilité de son modèle économique. Les plans d’aides se multiplient. La décision « Hypo

Real Estate » est particulièrement intéressante dans l’évolution de la pratique décisionnelle de

la Commission. Se fondant sur les conditions posées par les lignes directrices de 2004, la

Commission approuve le plan d’aide mais précise être allée « au bout de ce qu’il est possible

d’approuver en tant qu’aide au sauvetage dans le cadre des lignes directrices concernant les

aides au sauvetage et à la restructuration ». Sa décision est ainsi justifiée « au vu des tensions

1 La banque Bradford et Bingley a ainsi été suspendue de toute activité de réception des dépôts en septembre

2008 par le régulateur bancaire britannique. 2 Affaire West LB, point 45.

3 Note 15 des lignes directrices du 1er octobre 2004

4 Northernb Rock 44

5 Affaire West LB, point 47 : « la mesure semble être la moins structurelle possible afin de remédier aux

difficultés de WestLB en conformité avec la législation bancaire ». 6 Affaire NN41/2008, aide au sauvetage en faveur de Bradford et Bingley (décision du 1.10.2008)

Page 28: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

28

qui ébranlaient les marchés financiers et de la nécessité de protéger les créanciers de Hypo

Real Estate »1.

Les instruments classiques de contrôle de versements des subsides publics

apparaissent en effet dépassés, à la fois sur le fond et sur la forme, par l’ampleur de la crise.

Sur le fond, plusieurs aspects des lignes directrices de 2004 sont en contrariété avec les

impératifs économiques. Des réponses globales au risque de défaillance de pans entiers de

l’économie s’avèrent nécessaires, alors que le texte de 2004 ne permet d’autoriser que des

aides ad hoc au profit d’entreprises envisagées individuellement. Par ailleurs, la situation

d’illiquidité sur les marchés conduit les Etats à devoir venir au soutien de banques saines et

non plus seulement de banques en difficulté. En outre, la situation exceptionnelle créée par la

crise oblige les Etats à devoir octroyer des aides de fonctionnement qui couvrent les coûts de

gestion courante d’une entreprise, alors que de telles aides ne peuvent normalement pas être

autorisées par la Commission dans la mesure où elles sont considérées, par leur nature même,

comme n’étant pas capables de promouvoir le développement de certaines activités

économiques. Des mesures structurelles s’avèrent également nécessaires dès le sauvetage de

l’entreprise et non plus seulement, quelques mois plus tard, lors de la restructuration. De plus,

le principe de non-récurrence ne résiste pas aux nécessités économiques. Enfin, les délais des

plans de restructurations, en principe de trois ans, sont inadaptés au regard de l’incertitude

quant à la date de sortie de crise.

Sur la forme, la gravité de la situation des banques exige des interventions rapides voire

immédiates des Etats membres. Quelques heures suffisent en effet à faire plonger une banque

dans la faillite, ainsi que l’a montré la chute de Lehmann Brothers. Dans ce contexte,

l’examen ad hoc auquel se livre habituellement la Commission devient très vite impossible au

regard du nombre croissant de cas qu’elle doit trancher. Les délais d’examen, en principe de

quelques semaines, ne sont pas envisageables au regard des nécessités économiques.

Cette incompatibilité manifeste semble avoir donné lieu à la mise à l’écart ponctuelle

du droit communautaire. Face au risque systémique bancaire, certains Etats membres ont

adopté des mesures exceptionnelles pour venir en aide, au plus vite, aux institutions

financières, et ce dans la « plus totale illégalité communautaire »2. Des mesures d’aides

publiques n’ont ainsi fait l’objet d’aucune notification préalable à la Commission, en violation

1 Tableau de bord des aides d’Etat 2009, p. 9

2 Jacques Derenne, Concurrences , 2008, n°4, p. 105

Page 29: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

29

de l’article 108 paragraphe 3 TFUE. A titre d’exemple, les autorités françaises, belges et

luxembourgeoises ont adopté des mesures d’urgence au profit de la banque Dexia le 30

septembre 2008, avant d’informer la Commission, a posteriori et non a priori, le 1er

et le 2

octobre 20081.

Dans ce contexte, le droit communautaire a été, pendant quelques jours2, mis à l’écart

des interventions étatiques, les Etats membres étant à la tête du mouvement de sauvetage, sans

autorité supranationale de contrôle. L’impératif économique l’a ainsi emporté sur les

principes juridiques. La notion même de droit des aides d’Etat était menacée.

II. Le sens du droit des aides d’Etat dans un contexte de crise

Si l’application du droit de la concurrence en période de crise est discutée (A), la

Commission a choisi de s’adapter au contexte sans pour autant renoncer à son contrôle (B).

A. Le débat

Le droit de la concurrence - et en particulier le droit des aides d’Etat - doit-il s’adapter

à la crise ? Deux réponses sont envisageables.

La notion même de droit est en elle-même une notion statique3. En ce qu’elle pose des

interdits, elle ne saurait devoir s’adapter selon les circonstances. Bien au contraire, « c’est la

longue durée des lois qui en assure l’observation et l’utilité »4

. Ces considérations

s’appliquent avec plus de force encore aux règles d’ordre public, « rocher sur lequel se

construit la société »5, auxquelles appartient le droit de la concurrence.

Par ailleurs, des raisons intrinsèques au droit de la concurrence justifient une réponse

négative. La science économique a démontré que toute crise a des effets positifs à moyen et

long terme en ce qu’elle pousse vers la sortie les entreprises les moins performantes. En effet,

au contraire de ce qui se passe dans les périodes d’expansion où des entreprises inefficientes

1 Affaire C9/2009, Dexia, 26.02.2010, Commission européenne.

2 De façon approximative, entre la faillite de Lehmann Brothers (15 septembre 2008) et le début d’octobre 2008.

3 Georges Ripert, Les forces créatrices du droit, LGDJ, 1998, 2è ed.

4 Georges Ripert, cf. supra.

5 Terré, F. Simler, P. Lequette, Y. (2005). Droit civil. Les obligations. Paris. Dalloz. Précis Droit privé. 9ème

édition. p. 379.

Page 30: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

30

réussissent à survivre et à croitre, une baisse rapide de la commande permet d’exclure les

entreprises dont le modèle économique est le plus fragile. Ce phénomène de « destruction

créatrice » permet ainsi de rendre plus solide la base productive, de faciliter une croissance

vigoureuse de la productivité à long terme et de renforcer l’innovation et la croissance dans

les périodes ultérieures1. Autoriser l’intervention publique en période de crise peut provoquer

le maintien d’entreprises « sous performantes » et d’opérateurs dont les capacités de

production ne correspondent plus à l’équilibre à long terme des marchés, du fait d’une

modification structurelle de l’offre ou de la demande2. Dès lors, préconiser une moindre

rigueur des politiques de concurrence en temps de crise, revient, à court terme, à faire payer

les consommateurs et, à long terme, à retarder la reprise plus rapide de la productivité et de la

croissance. Or, du fait de leur atomisation, les consommateurs disposent de peu de moyens

pour se faire entendre et souffrent, eux aussi, des chutes de revenus en cas de récession. En

somme, mettre à l’écart les règles de concurrence revient, en voulant résoudre une difficulté, à

en créer de nouvelles (reprise plus difficile, replis sur les marchés nationaux, distorsions de

concurrence).

Ceci permet de comprendre la prohibition de principe des aides d’Etat. Remettre en cause ce

dogme en période de crise n’est rien d’autre qu’un affaiblissement du principe même du

capitalisme qui n’est, par essence, « qu’une méthode de transformation révolutionnant

constamment de l’intérieur les structures économiques en détruisant les éléments vieillis et en

créant continuellement des éléments neufs »3.

Par ailleurs, il convient de ne pas négliger la nature même du droit des aides d’Etat. A la

différence des autres pans du droit de la concurrence (ententes, abus de position dominante,

concentrations), il s’agit d’un « droit de la crise » qui n’a en principe vocation à s’appliquer

que dans des hypothèses exceptionnelles. Certes, l’octroi de fonds publics peut s’effectuer en

dehors de situations difficiles4, mais rares sont les exemples où des aides interviennent en

période de prospérité économique. Dès lors, une exception fondée sur la seule existence d’une

crise semble difficilement envisageable.

1 John Fingleton, Competition policy in troubled times, Office of Fair Trading, 20 janvier 2009

2 Laurent Benzoni, Les ateliers de la concurrence, Le droit de la concurrence à l’épreuve de la crise économique,

Paris, 27 avril 2009. 3 Joseph Schumpeter, Capitalisme, socialisme et démocratie, 1942, Payot, édition française de 1951, p. 106-7

4 L’Etat peut ainsi par exemple inciter de nouvelles activités ou favoriser la cohésion économique et sociale sur

son territoire

Page 31: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

31

Ces arguments incitent à la rigueur à l’encontre des interventions étatiques et, en particulier,

au maintien du test de « l’investisseur privé ». Cependant, là encore, la gravité exceptionnelle

de la crise économique semble devoir être prise en compte.

Si le droit de la concurrence est un droit du moyen voire du long terme, il convient de

ne pas occulter les effets à court terme d’une crise économique de la gravité de celle subie

depuis 2008. Le dysfonctionnement de l’économie a des conséquences dramatiques et

immédiates sur de nombreuses entreprises : chute de la demande, difficultés à trouver des

financements auprès des marchés ou des banques, baisse des investissements, délocalisations,

désertification, fermetures d’usines, licenciements, etc. Ceci entraine des répercussions

immédiates sur les ménages. L’année 2009 est ainsi marquée en France par la destruction de

255 000 emplois1, soit une augmentation de 1,8% du taux de chômage. En parallèle, plus de

500 000 personnes sont passées sous le seuil de pauvreté au cours de l’année 2009, portant

leur nombre à 13,5 millions de personnes. Ces coûts sont bien réels et paraissent, pour ceux

qui en supportent le prix, sans commune mesure avec les lointains - donc hypothétiques -

bénéfices du retour à la productivité future. Dans cette optique, la mise en œuvre du droit de

la concurrence devrait pouvoir être plus limitée dans les périodes de crise que dans les

périodes d’expansion économique.

Une telle approche est parfaitement compatible avec une définition du droit de la concurrence

comme un moyen de parvenir à l’efficacité économique et non comme un objet de droit qu’il

convient de protéger en tant que tel2. La règle de raison doit primer sur la règle per se afin de

permettre la prise en compte de finalités extra-concurrentielles dans un contexte de crise

aigüe. A ce sujet, M. Schaub, ancien Directeur Général de la DG Concurrence, estimait que la

politique communautaire de concurrence devait permettre le fonctionnement normal du

marché, la réalisation du marché commun, mais aussi, et cela est plus original, « assurer le

progrès économique et social »3.

Comment par ailleurs admettre l’application de règles fondées sur le postulat selon lequel le

marché est toujours bon alors même qu’il n’y a plus de marché ou que le marché est à ce point

perturbé qu’il y a une perte totale de confiance ? La volonté de faire prévaloir le droit sur

l’impérieuse nécessité de sauver le système bancaire semble difficilement concevable dans un

1 Chiffre record depuis 1954

2 L’efficacité économique a été instaurée comme critère de la politique de concurrence par l’Ecole de Chicago

3 Cité par Louis Vogel dans Les ateliers de la concurrence, Le droit de la concurrence à l’épreuve de la crise

économique, Paris, 27 avril 2009.

Page 32: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

32

tel contexte. Il faut voir dans cette confrontation entre l’économie et le droit, entre les

gouvernements nationaux et l’Union Européenne, entre les souverainetés étatiques et le

marché commun, une véritable « crise du droit ». La fin de l’année de 2008 est ainsi marquée

par une profonde asymétrie entre des gouvernements nationaux contraints d’agir au soutien de

leurs banques et une Commission européenne dont les règles étaient inadaptées à la situation.

Il faut ici bien comprendre que l’enjeu n’est plus de préserver une saine concurrence entre les

banques mais plutôt de sauver le secteur bancaire et les économies nationales.

Nombreux sont ainsi ceux ayant prôné une « approche compréhensive des critères »1 dans

cette période de « rupture historique »2. Les pressions exercées par les gouvernements

nationaux sur la Commission européenne ont été considérables. Dans son discours de Toulon

du 25 septembre 2008, M. Sarkozy, Président de la République française, appelle l’Europe,

« en ces circonstances exceptionnelles où la nécessité d’agir s’impose à tous (…) à réfléchir

sur sa capacité à faire face à l’urgence, à repenser ses règles, ses principes (…) et à engager

une réflexion collective sur sa doctrine de la concurrence qui ne doit être qu’un moyen et non

une fin en soi ». Si ce souhait n’est pas propre à la France3, il n’est cependant pas unanime.

Ainsi, à l’inverse de la France de l’Allemagne, de la Suède ou des Pays-Bas, le Royaume-Uni

et les plus petits pays de l’Union ont demandé à la Commission qu’elle agisse avec rigueur

dans l’examen des aides accordées.

La question de l’inapplication du droit de la concurrence en période de crise n’est pas

nouvelle. A la suite du krach de 1929, les autorités américaines ont suspendu l’application du

droit de la concurrence aux Etats-Unis et l’ont remplacé par une loi instaurant un système de

codes professionnels et de contrôle des prix et des quantités4

. Si ce texte a été

progressivement amendé, il y a eu là une véritable « mise à l’écart » du droit de la

concurrence. Des travaux ont montré que cette politique de suspension des règles de

concurrence dans le contexte du New Deal a conduit à prolonger la Grande Dépression de

sept ans5.

Face à ce risque, la Commission devait réagir, sous peine d’être définitivement

marginalisée par les politiques des Etats membres.

1 D. de Béchillon, « Crise : l’Europe doit accepter plus d’aides d’Etat », Les Echos, 20 oct. 2008

2 François Fillon, Premier Ministre français, 2008.

3 Par exemple : Anders Borg, ministre suédois des Finances, a ainsi affirmé : « nous devons nous débarrasser de

ces légions de bureaucrates sur les aides d’Etat ». 4 National Industrial Recovery Act 1933

5 D. Crane, Antitrust Enforcement During National Crises : an Unhappy History, Global Competition Review,

Décembre 2008

Page 33: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

33

B. La position médiane de la Commission européenne

Dans ce contexte de crise mondiale, le large consensus existant au sein des autorités de

concurrence et de la communauté scientifique pour affirmer la nécessité du droit de la

concurrence est remarquable. Selon l’analyse, c’est précisément l’insuffisance du droit de la

concurrence qui a participé à l’avènement de la crise. Se sont en effet constituées des banques

de taille systémique (« too big to fail ») dont les comportements excessivement risqués ont été

adoptés en considération de la garantie implicite de l’Etat. L’aléa moral ainsi créé peut être

considéré comme à l’origine même de la crise : loin d’être un problème, le droit de la

concurrence constituerait alors une solution à a la crise1. Ce point de vue est partagé aussi

bien en Europe2 qu’aux Etats-Unis

3.

Les autorités de concurrences, au premier chef desquelles la Commission, sont cependant

averties de la nécessité de prendre en compte le particularisme de la situation économique

dans le contexte de l’année 2008. L’autorité bruxelloise précise ainsi «être consciente des

circonstances exceptionnelles et des risques systémiques inhérents à toute crise financière »4.

Deux objectifs a priori contradictoires doivent être conciliés : garantir la stabilité financière et

préserver la concurrence. Ainsi qu’il a été précédemment démontré, les interventions étatiques

en faveur des banques ne pourraient résister à une application des règles traditionnellement

retenues en matière d’aides d’Etat et de restructurations. Il faut cependant bien percevoir

qu’une approche trop stricte de la Commission aurait pour conséquence immédiate une

marginalisation du droit des aides d’Etat. L’impérativité des interventions étatiques conduirait

en effet inévitablement à la mise à l’écart de facto d’un droit inadapté aux nécessités de la vie

économique.

Dans ce contexte, le Conseil ECOFIN du 7 octobre 20085 a enjoint la Commission de mettre

en place un cadre général permettant d’évaluer rapidement si les interventions étatiques sont

compatibles avec les règles en matière d’aides d’Etat. Quelques jours plus tard, le Conseil

1 Lasserre B., L’Autorité de la concurrence, née sous le signe du pouvoir d’achat, maintient le cap en temps de

crise », RLC, 2009/19, édito 2 Mme Neelie Kroes, ancienne Commissaire à la concurrence : « Les règles de concurrence constituent une

partie de la solution plutôt qu’un obstacle ». 3 C. Shapiro, US Department of Justice : “Keeping markets competitive is no less important during time of

economic hardship than during normal times”. 4 Tableau de bord des aides d’Etat - Automne 2008 - COM/2008/0751 final

5 Composé des ministres de l’Economie et des Finances des Etats membres de l’Union Européenne

Page 34: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

34

européen rappelle l’importance des règles relatives à la politique de concurrence1. Les

gouvernements nationaux insistent ainsi sur la nécessité de concilier la stabilité du système

financier et la protection des intérêts légitimes des concurrents au moyen des règles régissant

les aides d’Etat. Cette situation contraint la Commission à s’adapter pour maintenir une

application a minima des règles de concurrence. C’est la notion de « crise du droit ».

Le premier pas est réalisé dès le 25 octobre 2008 par la publication d’une Communication

traduisant cette volonté de compromis2

. Une nouvelle approche, plus souple, de la

compatibilité des aides d’Etat est annoncée. Il faut ici souligner le pragmatisme de la

Commission qui, tout en maintenant les principes fondamentaux du droit des aides d’Etat,

refuse de « sacraliser le marché »3. Le raisonnement sous-jacent repose sur l’idée selon

laquelle l’intérêt du consommateur, dont le droit de la concurrence est le gardien, peut

transitoirement être mieux servi par des entreprises protégées que par une concurrence

parfaite. Par ce texte, la Commission coordonne ainsi les interventions étatiques, revient dans

jeu et réaffirme la prééminence du droit, tout en consentant des assouplissements

indispensables. Ce rôle devait impérativement être endossé en période de crise afin d’éviter

que les interventions étatiques ne sacrifient le marché commun, outil indispensable en période

de difficultés économiques. L’urgence était là : le jour même de l’adoption de cette

Communication, la Commission approuvait déjà des régimes de sauvetage pour le Royaume-

Uni, l’Irlande et le Danemark4. La réactivité dont a fait preuve la Commission aura permis de

restaurer une discipline collective à l’échelle de l’Union Européenne ainsi qu’une sécurité

juridique pour les Etats membres et les bénéficiaires des interventions étatiques. L’Europe du

« chacun pour soi » est évitée5. Suivi de trois autres Communications

6, ce texte d’octobre

1 Conseil européen du 16 octobre 2008 à Bruxelles : « Dans les circonstances exceptionnelles actuelles,

l’application des règles européennes doit continuer à répondre à l’exigence d’une action rapide et flexible. Le

Conseil européen soutient la mise en œuvre dans cet esprit par la Commission des règles relatives à la politique

de la concurrence, notamment aux aides d’Etat ». 2 Comm. CE, 13 octobre 2008, Communication sur l’application des règles en matière d’aides d’Etat aux

mesures prises par les Etats membres en faveur des institutions financières dans le contexte actuel de la crise

financière internationale, aussi appelée « Communication bancaire », JOUE n° C 270 du 25.10.2008, p.8-14. 3 IDOT Laurence, Les mutations du droit des aides d’Etat, Revue Lamy Droit des Affaires, n°46, février 2010,

p.83-87.

4 Affaire NN48/2008, Ireland/Guarantee scheme for banks in Ireland, C(2008)6059 ; NN51/2008,

Denmark/Guarantee scheme for banks in Denmark, C(2008)6034 ; N507/2008, UK/Financial support measures

to the banking industry, C(2008)6058. 5 Neelie Kroes, Commissaire Européen à la concurrence, Bruxelles, 8.12.2008, speech 08/683.

6 Communication de la Commission concernant la recapitalisation des établissements financiers dans le contexte

de la crise financière, adoptée le 5 décembre 2008 (JO n°C 2010, 15.1.2009, p.2-10) ;

Communication de la Commission sur le retour à la viabilité et l’appréciation des mesures de restructuration

prises dans le secteur financier dans le contexte de la crise actuelle, conformément aux règles relatives aux aides

d’Etat, adoptée le 22 juillet 2009 (JO n°C 195 du 19/08/2009 p.9 - 20) ;

Page 35: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

35

2008 marque l’entrée en vigueur d’un nouveau corpus de règles relatives à la compatibilité

des aides d’Etat.

Cette capacité d’adaptation de la Commission ne surprend pas. Ne disposant pas d’un cadre

juridique très rigide, l’institution bruxelloise est habituée à fonctionner de façon souple et

évolutive. En effet, à l’exception des articles du TFUE et des règlements d’exemption par

catégorie développés à partir de 2009, la Commission travaille en la matière essentiellement

au moyen de textes de « softlaw » (« droit mou »). Cette expression vise un ensemble de

d’actes atypiques, dits encore « actes hors nomenclature » en ce sens qu’ils ne sont pas visés

par les Traités. La doctrine considère traditionnellement que ces actes (Communications,

lignes directrices ou encore orientations) peuvent servir de fondement à une revendication

d’une entreprise dans un litige qui l’oppose à l’institution auteur de l’acte1. En ce sens, ils ont

un caractère « quasi normatif »2. En outre, des recours peuvent être formés contre des

Communications de la Commission ayant des effets de droit3. Cependant, à la différence des

textes de « droit dur » (règlements, directives, décisions), les actes atypiques ne revêtent pas

un caractère obligatoire à l’égard de leurs destinataires.

Si, dans une situation d’urgence, la flexibilité de cet instrument juridique présente

d’incontestables avantages, la question de sa légitimité ne saurait être occultée. En la matière,

la Commission dispose en effet d’une liberté considérable. L’immense majorité du droit des

aides d’Etat résulte d’actes unilatéraux adoptés par la Commission, par ailleurs organe de

contrôle. Cette situation interroge au regard de l’importance du droit des aides d’Etat pour les

Etats membres et les souverainetés étatiques. De plus, la faiblesse du contrôle juridictionnel

doit être soulignée. D’une part, les conditions de recevabilité du recours en annulation sont

extrêmement restrictives, l’article 263 TFUE exigeant un « intérêt direct et personnel » des

demandeurs. Lorsqu’ils ne sont pas les destinataires d’une décision, la Cour de Justice exige

ainsi qu’ils soient « atteints en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou

d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne, et de ce fait les

individualise de manière analogue à celle du destinataire »4. Ceci conduit à admettre le

recours de concurrents de l’entreprise bénéficiaire qu’à la condition d’établir que l’intéressé

Communication de la Commission concernant le traitement des actifs dépréciés dans le secteur bancaire de la

Communauté, adoptée le 25 février 2009, (JO n°C 072, 26.3.2009, p.1-22). 1 V., par ex.,, à propos d’une Communication, TPICE, 12 déc. 1996, AIUFFASS et AKT c/ Commission, T-

380/94, Rec. p. II-2169, pts 156 à 162. 2 PICOD Fabrice, Cahiers du Conseil constitutionnel n°21 (Dossier : la normativité), janvier 2007.

3 CJCE, 16 juin 1983, aff. C-325/91, France c/ Comm. ; Rec. CJCE 1993, I, p. 3283.

4 CJCE, 15 juillet 1963, aff. 25/62, Plaumann c/ Comm., Rec. CJCE 1963, p.199.

Page 36: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

36

jouit d’un statut particulier en ce que sa position sur le marché serait « substantiellement

affectée par l’aide faisant l’objet de la décision en cause »1. Par ailleurs, à supposer qu’un

recours ait été jugé recevable, le juge communautaire ne procède qu’à un contrôle restreint.

Ainsi, « il n’appartient pas au juge de substituer son appréciation économique à celle de la

Commission » et le contrôle « se limite nécessairement à la vérification du respect des règles

de procédure, de motivation, à l’exactitude matérielle des faits, à l’absence d’erreur

manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir »2. Il convient cependant de nuancer

cette critique dans la mesure où, en l’espèce, la Commission a fait l’objet d’une habilitation

informelle du Conseil ECOFIN du 7 octobre 2008 et d’une validation a posteriori du

Parlement3.

Face à la crise financière, entre une « rigidité dogmatique » et une « flexibilité

excessive », la Commission a ainsi expérimenté une troisième voie, « celle de la prise en

compte, dans la mise en œuvre du droit et dans le respect de ses principes, de certaines

circonstances d’environnement économique caractéristique de la période de crise »4. Il

convient à cet égard de remarquer que si la première Communication est structurée par l’idée

selon laquelle il s’agit d’une dérogation exceptionnelle et temporaire aux règles de droit

traditionnellement applicables, les Communications suivantes, et en particulier celle de

janvier 2009, élargissent l’ampleur de la dérogation en édictant des règles nouvelles

applicables aux institutions financières, dont le contenu forme un véritable « droit de la

crise ». Ce régime ne doit pas être simplement perçu comme une mise à l’écart de principes

trop rigoureux en période de crise, mais, bien plus, comme la création de normes nouvelles

adaptées au particularisme bancaire et au contexte de crise.

1 TPICE, 12 déc. 2006, aff. T-146/03, Asociacion de Estaciones de Servicio de Madrid et Federacion Catalana de

Estaciones de Servicio c/ Comm., Rec CJCE 2006, II, p. 98. 2 Affaire T-29/10 et T-33/10, Kingdom of the Netherlands and ING Groep NB v Commission, TUE, 2.3.2012.

3 Dans une résolution en date du 10 mars 2009, le Parlement Européen a admis la mise en œuvre d’un régime

dérogatoire pendant la crise, tout en insistant sur la nécessité de « veiller à ce que les plans d’urgence soient

compatibles avec les principes d’une concurrence loyale »3.

4 F. Jenny, La crise économique et financière, la régulation et la concurrence, Concurrences, 2009, n°2, p. 68.

Page 37: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

37

PARTIE II : LE DROIT DE LA CRISE

La Commission a mis en place un droit dérogatoire (Section 1) dont la portée reste

toutefois limitée (Section 2).

SECTION 1: UN DROIT DEROGATOIRE

La dérogation concerne aussi bien la forme (I) que le fond (II) du droit européen des

aides d’Etat.

I. La dérogation quant à la forme

Le dernier trimestre de l’année 2008 est marqué par un afflux sans précédent de

dossiers d’aides d’Etat. Ceux-ci visant à prévenir la faillite d’un établissement et à restaurer

un certain degré de confiance sur un marché paralysé, l’urgence de leur approbation est

absolue. La réorganisation interne de la Commission et l’assouplissement de la procédure de

contrôle (A) auront permis à l’institution bruxelloise de faire preuve d’une réactivité accrue

(B).

A. Assouplissement de la procédure de contrôle

Dès décembre 2008, la Commission a constitué une « task-force » d’une cinquantaine

de fonctionnaires européens venant étoffer ses effectifs normalement dédiés aux affaires

d’aides d’Etat. Par ailleurs, alors que les décisions de la Commission doivent en principe être

adoptées collectivement par le Collège des Commissaires1, Md. Neelie Kroes, Commissaire à

la concurrence, a reçu une habilitation exceptionnelle lui permettant de prendre seule des

décisions de compatibilité à l’égard des institutions financières2. L’objectif de la Commission

était de faire face à la « situation exceptionnelle sur les marchés » afin de « prévenir les

1Articles 1 et 4 des règles de procédure de la Commission telles que modifiée le 15 novembre 2005 (JOUE L

247/83). Exemple d’application en matière d’aides publiques : TPI, 27 avril 1995, AAC c/ Commission, aff. T-

442/93, Rec. II-1329, pts. 83 2 Minute de la 1845ème reunion de la Commission, 1er octobre 2008, PV(2008) 1845 final, §10.4.

Page 38: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

38

risques de faillite du système financier et de l’économie dans son ensemble »1. Limitée à trois

mois (novembre 2008 à janvier 2009), cette délégation était conditionnée à la certification de

l’urgence des mesures à adopter par une lettre motivée du gouverneur de la banque centrale de

l’Etat membre concerné et à l’approbation préalable des DG « Marché intérieur et services »

et « Affaires économiques et financières ».

La Communication du 13 octobre 2008 présente les mesures prises par la Commission

pour garantir l’adoption rapide des décisions dès réception d’une notification complète. Une

procédure de consultation simplifiée au sein de la DG concurrence est ainsi mise en place et

des modalités d’habilitation temporaire d’un membre de la Commission sont instituées. En

outre, les Etats peuvent recourir à une procédure écrite d’urgence et les exigences

linguistiques sont simplifiées.

La Commission s’est également attachée à multiplier les contacts informels avec les

Etats. Afin d’éviter une décision d’incompatibilité dont les conséquences auraient été

dévastatrices pour l’économie de l’Etat concerné, les gouvernements nationaux et la

Commission ont ainsi engagé des discussions ex ante sur le contenu et les modalités de mise

en œuvre de l’aide envisagée. L’institution bruxelloise a par ailleurs multiplié les décisions

provisoires d’autorisation pour des raisons de « stabilité financière »2. Dans l’affaire SNS

REAAL, il est frappant de noter que la décision finale a été rendue plus d’un an après la

décision provisoire3. Plus encore, du fait de l’urgence, certaines mesures d’aides ont été mises

en œuvre par les Etats membres préalablement à leur approbation par la Commission

européenne et ce en violation des obligations procédurales classiquement applicables en la

matière4.

L’ensemble de ces mesures auront permis à la Commission de réduire les délais

d’examen des aides d’Etat.

1 Communication du Président, Temporary empowerment, SEC(2008) 2572/2.

2 C43/2008, 12.05.2008, Aid for the restructuring of WestLB ; C/10/2008, 21.10.2008, Restructuring aid to IKB ;

C9/2009, 26.02.2010, Approval of restructuring plan for Dexia 3 N611/2008, 10.12.2008 et N379/2009, 28.01.2010

4 V. supra (Introduction).

Page 39: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

39

B. Réactivité accrue

Alors que le délai traditionnel était de plusieurs semaines, des schémas d’aide ont été

examinés en quelques jours à peine et parfois même en moins de vingt-quatre heures1. Ainsi,

entre octobre 2008 et décembre 2012, la Commission a adopté plus de trois cent décisions

relatives à des aides d’Etat dans le secteur financier dont la majorité l’ont été dans un délai

inférieur à dix jours. Sur dix-sept décisions prononcées avant mars 2009, neuf l’avaient été en

moins d’une semaine.

Cette exceptionnelle rapidité interroge au regard de l’effectivité du contrôle effectué. La

quasi-totalité des décisions ont été des décisions d’approbation. Il n’y a ainsi eu qu’une seule

décision négative2. Par ailleurs, seuls trois appels ont été formés par les parties

3. Pour certains,

la crise a poussé la Commission à ne pratiquer qu’un contrôle formel, se contentant

d’entériner les projets présentés par les Etats membres. L’application du régime de contrôle

des aides d’Etat aurait ainsi été de facto suspendue. Les décisions précitées WestLB, Dexia,

encore Bank of Ireland4 mettent en lumière la tolérance de la Commission confrontée à des

interventions étatiques réalisées sans notification préalable. Le contrôle exercé par la

Commission aurait alors relevé d’une volonté d’affichage consistant à réaffirmer le rôle

primordial de l’institution bruxelloise, en dépit de l’absence de véritable examen de

compatibilité de l’aide.

Il convient cependant de contester ce point de vue. La Commission n’a en effet accepté de

réagir dans l’urgence que lorsque cela était justifié par l’éventuelle faillite d’un établissement

et l’existence d’un risque systémique. En d’autres termes, les délais raccourcis et les examens

allégés n’ont prévalu que pour les aides au sauvetage. En revanche, la procédure normale a

repris ses droits s’agissant des aides à la restructuration, qui n’interviennent par hypothèse

qu’une fois qu’il a été paré au plus pressé via le plan de sauvetage. Ainsi, par exemple, le

second plan de restructuration de Northern Rock a fait l’objet d’un examen approfondi de la

1 La mesure de nationalisation de la banque britannique Bradford & Bingley a ainsi été notifiée par le

gouvernement britannique le 30 septembre 2008 et considérée comme compatible avec le marché commun le

lendemain (affaire NN41/2008). 2 Affaire C33/2009 €-$ - Restructuring of BIPP (OJ, L 159, 17.6.2011, p. 95-106) pour laquelle la Commission a

ordonné la recuperation de l’aide octroyée par le Portugal à BPP. 3 Commission Européenne, 18 novembre 2009 sur l’aide d’Etat C 10/09 octroyée par les Pays-Bas au profit

d’ING (OJ L 274, 19.10.2009, p.139) ; Commission Européenne, 12 mai 2009, sur l’aide accordée par

l’Allemagne à WestLB C43/08 et C11/2009 4 Affaire N149/2009, Commission européenne, 26.3.2009, Recapitalisation of Bank of Ireland

Page 40: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

40

Commission1. Cette approche résulte de la volonté de la Commissaire à la concurrence de ne

pas entériner sans contrôle les aides publiques décidées par les Etats membres2. On retrouve

ici la volonté de conciliation entre l’exigence, à court terme, de stabilisation du secteur

financier et celle, à long terme, de mise en œuvre des règles de concurrence.

Si le régime des aides d’Etat pendant la crise financière est marqué par des règles

procédurales plus flexibles, la Commission a également opéré une mutation des règles de

fond.

II. La dérogation quant au fond

La « découverte » d’un nouveau fondement juridique (A) a permis à la Commission de

retenir une qualification plus restreinte des interventions publiques en aides d’Etat (B),

d’adapter les principes structurants du droit des aides d’Etat en matière de restructurations

(C), et de développer des principes nouveaux (D).

Il convient de préciser que la Commission a également édicté de nouvelles règles en matière

d’accès au crédit3. Si ce nouveau dispositif est lié à la crise, il se distingue de la question des

restructurations bancaires. C’est pourquoi il ne sera pas abordé dans le cadre de cet exposé.

A. Le changement de fondement juridique

Le régime de droit commun des aides d’Etat en matière de restructurations est fondé

sur l’article 107, paragraphe 3 c) TFUE4. Ce fondement textuel n’a rien de transitoire et est

applicable sans limite de temps, pour peu que ses conditions soient respectées. Choisir ce

fondement à la dérogation aurait conduit à substituer au régime précédent un nouveau régime

plus favorable aux aides publiques. Ce n’est pas le choix qu’a fait la Commission qui

n’entendait alléger le régime de compatibilité que le temps de revenir à la situation normale.

1 Affaire C14/2008, Commission européenne, Northern Rock

2 Md. Neelie Kroes, 8 décembre 2008 : « Notre rapidité d’action est très bonne mais je ne suis pas le père Noël

et je ne suis pas là pour mettre des tampons sur les projets ficelés par les Etats membres sans poser de

questions ». 3 Il s’agit du Cadre communautaire temporaire pour les aides d’Etat destinées à favoriser l’accès au financement

dans le contexte de la crise économique et financière actuelle (JO C 83 du 7.4.2009, pp. 1-15). 4 V. supra (Partie I, Section II).

Page 41: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

41

Le Traité dispose en son article 107, paragraphe 3 b) que, peuvent être considérées

comme compatibles avec le marché commun, les aides destinées à « remédier à une

perturbation grave de l’économie d’un Etat membre ». Cette disposition n’avait été utilisée

formellement qu’une seule fois, dans les années 1980, afin d’autoriser des mesures

structurelles adoptées par les autorités grecques pour remédier aux graves perturbations de

l’économie du pays, consécutives à la dévaluation de la drachme grecque1. L’autorité

bruxelloise avait refusé de se référer à ce texte dans le contexte des crises économiques du

milieu des années 1970 et, en particulier, lors de la crise pétrolière de 1974. Plus récemment,

dans l’affaire du Crédit Lyonnais, la Commission avait eu l’occasion de préciser à quelles

conditions il pourrait être recouru à cette disposition. Elle avait ainsi estimé que « les

difficultés d’une ou de quelques banques n’entraînent pas nécessairement une crise de

confiance pour tout le système » mais que, toutefois, « la défaillance d’une seule banque de

certaine taille pouvait mettre en difficulté plusieurs autres institutions de crédit qui lui sont

financièrement liées, causant ainsi une crise plus générale ». Dans cette affaire, la

Commission avait estimé que les difficultés du Crédit Lyonnais ne trouvaient leur origine que

dans une mauvaise politique de contrôle des risques et des valeurs acquises, excluant ainsi

l’applicabilité de l’article 107, paragraphe 3 b) TFUE2. Le Tribunal de Première Instance de

l’Union Européenne (TPICE) avait confirmé cette approche restrictive dans une décision du

15 décembre 1999 en refusant de voir dans la réunification allemande un cas de

« perturbation grave de l’économie d’un Etat membre » justifiant l’application de l’article

107, paragraphe 3 b)3. Après quelques hésitations

4, la Commission a finalement admis

l’application de ce texte à la crise financière. Le changement opéré est justifié par le caractère

exceptionnel du contexte économique et par ses conséquences sur l’économie réelle. Le

tableau de bord des aides d’Etat de 2009 précise ainsi que la crise qui traverse l’Europe est

« l’une des plus graves crises financières et économiques depuis près d’un siècle »5.

Une base juridique alternative aurait pu résulter de l’application de l’article 108,

paragraphe 2 du TFUE, en vertu duquel une aide instituée par un Etat membre, peut être

1 Commission Européenne, 7.10.1987, JOCE L 76 du 22 mars 1998 p. 18 ; Signalons par ailleurs l’utilisation de

cette disposition en 1974 lors de la crise pétrolière et en 1991 lors des privatisations en Grèce dans le cadre de

décisions informelles de la Commission. 2Commission Européenne, CE 20 mai 1998 concernant les aides d’Etat accordées par la France au groupe Crédit

Lyonnais, notifiée sous le numéro C (1998) 1454. 3 TPICE, 15 déc. 1999, aff. T-132/96 et T-143-96, Freistaa Sachsen, Volkswagen AG et Volkswagen Sachsen

GmbH c/ Commission 4 La Commission avait, avant octobre 2008 refusé d’appliquer l’article 107, paragraphe 3b) à la crise financière

(affaires WestLB, Sachsen LB et Northern Rock, cf. supra). 5 Tableau de bord des aides d’Etat 2009, COM (2009) 164 final.

Page 42: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

42

déclarée comme compatible par le Conseil, « si des circonstances exceptionnelles justifient

une telle décision ». Cette notion est cependant entendue de façon particulièrement exigeante

par la Cour de Justice, un cas « rare » ne constituant pas nécessairement une « circonstance

exceptionnelle »1.

Ce fondement original autorise l’application d’un régime dérogatoire dont l’une des

caractéristiques réside dans une qualification plus restreinte des interventions étatiques en

aides d’Etat.

B. Une qualification plus restreinte

Le régime dérogatoire fondé sur l’article 107, paragraphe 3, b) est caractérisé par une

méthode de qualification originale des mesures d’aides étatiques.

S’agissant des interventions décidées par des banques centrales, la Communication du 25

octobre 2008 précise et pérennise la jurisprudence Northern Rock2. Elle considère ainsi que

l’octroi de fonds de la banque centrale à une institution financière ne constitue pas une aide

lorsque la décision est initiée par la banque centrale et qu’un certain nombre de conditions

sont remplies. Le texte fait en particulier référence à l’exigence de solvabilité du bénéficiaire,

d’un « taux d’intérêt pénalisateur » ou encore d’une sureté garantissant la facilité de crédit

octroyée. Fondée sur une « situation exceptionnelle », cette interprétation peu orthodoxe des

critères de qualification d’une aide Etat s’inscrit dans le « droit de la crise » mis en place par

la Commission.

Par ailleurs, pour la première fois à notre connaissance, l’institution bruxelloise a

explicitement indiqué aux Etats membres les moyens pour venir au soutien des opérateurs

économiques et des institutions financières victimes de la crise, tout en échappant à la

qualification d’aide d’Etat. Il s’agit d’une approche originale par laquelle la Commission

édicte une véritable grille de lecture à destination des Etats membres, afin qu’ils disposent des

clés pour échapper à son contrôle.

Dans la Communication de janvier 2009, la Commission prend ainsi soin de rappeler aux

Etats membres qu’ils peuvent décider de « mesures générales » sans tomber sous le joug de

1 Ainsi, en matière de récupération d’une aide d’Etat illégale : CJCE, 11 mars 2010, aff. C-1/09, Centre

d’exportation du livre français, Min. de la Culture et de la Communication c/ SIDE. 2 V. supra (Partie I, Section II).

Page 43: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

43

l’article 107 TFUE, le critère relatif à l’existence d’un avantage spécifique n’étant pas rempli.

Les Etats peuvent dès lors librement adopter des mesures « applicables à l’ensemble des

entreprises sur leurs territoires de façon à atténuer temporairement les problèmes de

financement à court et moyen terme ». En conséquence, peuvent être accordés des délais

supplémentaires de paiement de cotisations sociales, de charges patronales, voire d’impôts, à

condition que cela soit applicable de manière générale, à toutes les entreprises et à tous les

secteurs1. La distinction entre mesures générales et aides publiques reste cependant difficile à

appréhender2.

En outre, la Commission précise que les mesures résultant d’un « capitalisme public », en ce

qu’elles ne constituent un avantage au sens de l’article 107 TFUE, ne sont pas prohibées.

Cette notion suppose néanmoins l’application délicate du critère de « l’investisseur privé en

économie de marché »3.

Le cœur du « droit de la crise » réside dans l’assouplissement des conditions

d’appréciation de la compatibilité d’une aide d’Etat.

C. L’adaptation des principes structurants

Les Communications publiées en 2008 et 2009 conduisent à une adaptation

significative des principes traditionnellement applicables en matière d’aides d’Etat et de

restructurations tels qu’édictés dans les lignes directrices de 2004.

Le domaine d’application des règles autorisant les aides d’Etat est tout d’abord élargi. La

Communication d’octobre 2008 ouvre aux Etats membres la possibilité d’aider des

institutions financières fondamentalement saines dont les difficultés découlent exclusivement

des conditions générales du marché4. En conséquence, la rigueur du régime applicable aux

entreprises en difficulté, et en particulier l’exigence d’un plan de restructuration, est atténuée.

1 Communication établissant un cadre communautaire temporaire pour les aides d'État destinées à favoriser

l'accès au financement dans le contexte de la crise économique et financière actuelle, JOUE n° C 83/2, 7.4.2009,

point 2. 2 V. supra (Partie I, Section II).

3 V. supra (Partie I, Section II).

4 Communication du 13.10.2008, point 14.

Page 44: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

44

Cette possibilité de venir au soutien de banques saines a été utilisée par la France dans la loi

de finance rectificative du 16 octobre 2008 et validée par la Commission le 30 octobre 20081.

Les modalités d’interventions étatiques sont également élargies. Des mesures structurelles

telles que la recapitalisation ou le sauvetage d’actifs dépréciés sont acceptées dans l’aide au

sauvetage. Un principe d’approbation temporaire est ainsi introduit2.

Les délais d’intervention sont par ailleurs allongés. La période de cession d’actifs,

généralement limitée à dix-huit mois, pourra ici être prolongée jusqu’à cinq ans en raison

d’éventuelles difficultés pour trouver un acquéreur3. La période de restructuration est quant à

elle étendue à cinq ans4. Il s’agit d’une prise en compte de l’objectif particulier de stabilité

financière qui exige une flexibilité suffisante pour la mise en œuvre de mesures de

restructuration. Ce délai est en effet plus long que la pratique habituelle qui prévoit, sur le

fondement des lignes directrices de 2004, des plans de deux ou trois ans.

L’exigence de participation significative du bénéficiaire au plan d’aide est également

assouplie. Alors que le droit commun exigeait une participation de 50% au minimum pour les

grandes entreprises5, la Commission, tenant compte des difficultés d’accès au financement et

du contexte général d’incertitude en période de crise, a refusé de fixer un seuil ex ante. Les

exigences varient ainsi selon chaque bénéficiaire. A titre d’exemple, la décision

Commerzbank rendue le 7 mai 2009 est éclairante. Après avoir fait référence au caractère

« irréaliste de l’exigence de 50% de contribution personnelle dans un contexte de crise

financière », la Commission valide l’aide accordée par l’Allemagne6.

Enfin, en raison du contexte d’incertitude et de la nécessité de stabiliser le système financier,

le principe fondamental de non-récurrence (« one-time-last-time ») a été temporairement

écarté : les Etats membres ont la faculté de cumuler sur le fondement de l’article 87,

paragraphe 3, point b) TFUE plusieurs aides aux mêmes bénéficiaires. Par exemple, les aides

au traitement des actifs toxiques peuvent s’ajouter à celles définies dans la Communication

1 V. supra (Partie I, Section I).

2 Communication du 25.02.2009, annexe V

3 Communication du 22.07.2009, point 37.

4 Communication du 22.07.2009, point 15.

5 Communication du 1

er octobre 2004, point 44.

6Affaire N244/2009, 07.05.2009, Commission européenne, point 85.

Page 45: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

45

bancaire1. Ainsi, les établissements de crédit WestLB, Dexia ou encore Bank of Ireland ont pu

bénéficier d’aides successives.

Outre ces assouplissements significatifs, le « droit de la crise » est marqué par

l’introduction de principes inédits dans le contrôle de compatibilité des aides d’Etat.

D. L’adoption de principes nouveaux

L’analyse des Communications et des décisions rendues par la Commission depuis

2008 montre que le droit des aides peut permettre de poursuivre d’autres finalités que celles

qui lui sont habituellement assignées (le renforcement du marché commun, la préservation

d’une saine et égale concurrence au sein de l’Union Européenne et le contrôle des

comportements anticoncurrentiels). Par sa pratique décisionnelle, l’autorité bruxelloise avait

déjà pu dans le passé forcer des pans entiers de l’économie à se restructurer (par exemple, en

matière d’industrie sidérurgique) ou à réorienter le versement de fonds publics vers d’autres

priorités (formation professionnelle ou encore protection de l’environnement). La crise

financière ne déroge pas à cette « instrumentalisation » du droit des aides d’Etat. Deux types

de nouvelles finalités peuvent ainsi être dégagées de la pratique décisionnelle de la

Commission.

Les Communications publiées mettent tout d’abord en avant des exigences morales,

des impératifs d’équité et de responsabilité à la charge des bénéficiaires de fonds publics,

jusque-là totalement étrangers au droit des aides d’Etat.

Tous les plans d’aides ont ainsi prévu des changements dans la gouvernance du bénéficiaire.

Si certains Etats ont imposé la nomination de nouveaux membres au Conseil

d’administration2

, d’autres3

ont souhaité pouvoir bénéficier d’un droit de véto sur les

décisions stratégiques (acquisitions, cessions, distributions de dividendes). D’une façon

générale, la Commission a veillé à renforcer l’indépendance des décideurs et à lutter contre

1 Annexe 5 de la Communication sur les actifs dépréciés.

2 Royaume-Uni, Irlande, Portugal

3 Le plan néerlandais soumet ainsi à l’approbation de l’Etat les décisions de modifications statutaires relatives à

des émissions d’actions ou d’instruments donnant accès au capital, au lancement d’une procédure de dissolution,

à la modification de la stratégie ou à toute autre modification substantielle affectant l’établissement concerné.

Page 46: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

46

les conflits d’intérêts au sein des institutions financières, par exemple en exigeant une

augmentation des administrateurs indépendants au sein du Conseil d’administration1.

En outre, la Commission a cherché à surveiller le montant des revenus accordés aux dirigeants

des sociétés bénéficiaires. Ceci résulte de la Communication « recapitalisation » qui prévoit,

parmi les gardes fous imposés au bénéficiaire, l’inclusion d’une « politique restrictive à

l’égard des dividendes » et la mise en place d’un « plafonnement de la rémunération des

dirigeants ou des primes versées »2

. Ces principes sont rappelés à l’identique dans la

Communication sur les actifs dépréciés3. La distribution de dividendes a ainsi pu être

purement et simplement interdite4 ou limitée à un pourcentage des profits réalisés

5, pendant la

période de soutien étatique. Pragmatique, la Communication du 13 octobre 2008 souligne que

ce type de restriction est surtout adapté aux banques véritablement en difficulté car il peut être

« important de permettre le versement de dividendes lorsque cela constitue une incitation à

fournir de nouveaux capitaux privés à des banques fondamentalement saines »6. De surcroit,

la majorité des interventions étatiques prévoyant la garantie des dettes bancaires ont été

subordonnées à des limitations de rémunération des dirigeants de l’institution bénéficiaire7. A

titre d’exemple, le plan allemand limite la rémunération des dirigeants des banques aidées à la

somme annuelle de 500 000 euros et prohibe tout versement d’indemnités contractuelles de

départ et de bonus8. Le plan de soutien français prévoit quant à lui un encadrement des

distributions de stock-options, d’actions gratuites et autres formes de rémunérations

variables9.

En ce qu’il ne se rapporte en aucune façon à des exigences économiques et concurrentielles

mais plutôt à des considérations morales, l’objectif de cette limitation des rémunérations est

inédit. Dans un contexte de crise aigüe, l’ampleur des plans étatiques au soutien des banques a

1 Dans l’affaire Sparkasse KolnBonn (C32/2009), le nombre d’administrateurs indépendants est ainsi passé de 2

à 4. 2 Point 45 de la Communication

3 Point 31 de la Communication

4 Royaume-Uni, Allemagne, Danemark

5 17,5% en Autriche ou encore 35% en Grèce

6 Point 33 de la Communication

7 Grèce, Finlande, France, Hongrie, Irlande, Lettonie, Pays-Bas, Pologne, Suède, Slovénie, Slovaquie,

Allemagne. 8 Par exemple : affaire N244/2009, Commerzbank, 7.5.2009

9 Article 25 de la loi n°2009-431 du 20 avril 2009 : « La convention présente les conditions dans lesquelles le

conseil d'administration, le conseil de surveillance ou le directoire autorise l'attribution d'options de

souscription ou d'achat d'actions ou d'actions gratuites aux président du conseil d'administration, directeur

général, directeurs généraux délégués, membres du directoire, président du conseil de surveillance ou gérants

dans les conditions prévues aux articles L. 225-177 à L. 225-186-1 et L. 225-197-1 à L. 225-197-6 du code de

commerce, ainsi que l'octroi des autres types de rémunération variable, des indemnités et des avantages indexés

sur la performance, et des rémunérations différées ».

Page 47: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

47

en effet pu susciter critiques et incompréhensions parmi les populations des Etats membres,

elles aussi touchées par la crise. Exiger une baisse des rémunérations globales des dirigeants

d’institutions coupables d’avoir pris des risques excessifs répond ainsi à la volonté de

moraliser un secteur jugé - en partie - responsable de la crise. Toutefois, venant de la

Commission - gardienne des traités - une telle approche étonne. En dépit de l’opportunité de

ces mesures punitives et moralisatrices, l’institution bruxelloise, gardienne de la libre

concurrence en Europe, semble ici être sortie de son champ d’action, tel que défini par les

Traités.

Des exigences relatives à l’obligation pour les bénéficiaires d’encourager l’économie réelle

ont également pu être prévues à travers la mise en place d’un taux de croissance annuel

minimal des emprunts consentis1. Ceci résulte, avec la stabilisation du système financier, des

objectifs même des plans de sauvetage étatiques. La France a ainsi prévu l’obligation pour les

bénéficiaires de faire croître leur encours de crédits à l’économie réelle à hauteur de 3% à 4%

annuellement entre la date de signature de la convention et le 31 décembre 2009.

Sur la base des Communications, la Commission a également joué un rôle primordial

en matière de régulation du secteur bancaire à l’échelle européenne. En définissant et en

encadrant les mesures de politique économique générale susceptibles d’être utilisées par les

autorités nationales au soutien des institutions financières, la Commission a œuvré en faveur

d’une coordination européenne. Pour des motifs de sécurité juridique, les Etats ont en effet

privilégié les modalités d’interventions visées par les différentes Communications publiées ;

très peu de mesures ad hoc ont été adoptées.

Cette approche se confirme dans l’analyse de la façon dont la compatibilité des régimes

d’aides a été appréciée ; des finalités extra-concurrentielles ont indiscutablement été prises en

compte. Ainsi, dans une décision du 30 octobre 2008 concernant la France, la Commission

fait expressément référence au fait que le dispositif en question est « à même de renforcer la

confiance nécessaire au bon fonctionnement du système financier » et au fait qu’il permet

« un accès au refinancement pour tous les établissements de crédit »2 .

Ce rôle est assumé par l’institution bruxelloise. M. Almunia, Commissaire européen à la

Concurrence, estime ainsi que « la Commission européenne a agi de fait comme une autorité

de résolution à l’échelle européenne ». Plus encore, « les règles relatives aux aides d’Etat ont

1 Par exemple en France, Italie, Autriche et à Chypre

2 Affaire N548/2008, 30.10.2008

Page 48: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

48

été le seul instrument disponible pour exercer les fonctions qu’une autorité de résolution à

l’échelle européenne aurait pu exercer »1. En ajoutant une dimension macro-économique au

souci initial de protection du jeu de la concurrence, le contrôle communautaire des aides

d’Etat est devenu un véritable instrument de régulation économique. De facto, la Commission

s’est transformée en régulateur du secteur bancaire européen, démontrant ainsi la nécessité

d’une régulation à l’échelle européenne des établissements de crédit2.

Si les règles fondées sur l’article 107, paragraphe 3, b) TFUE marquent un

indiscutable assouplissement du droit des aides d’Etat, la dérogation reste toutefois

doublement limitée.

SECTION 2 : UNE DEROGATION LIMITEE

La portée de la dérogation instaurée par la Commission européenne est limitée

matériellement (I) et temporellement (II).

I. La sauvegarde des principes

Si les conditions d’octroi d’une aide ont fait l’objet d’un assouplissement significatif,

l’exigence du respect de plusieurs conditions « minimales » (A) et, parfois, de la mise en

œuvre d’un plan de restructuration (B), encadrent strictement les libertés étatiques.

A. Des conditions « minimales »

Les Communications de la Commission encadrent l’octroi des aides par les Etats en

exigeant le respect de conditions fondamentales.

Certaines d’entre elles sont spécifiques à la forme de l’intervention étatique. Ainsi, en matière

de sauvetage d’actifs dépréciés, une exigence de transparence est requise : la banque doit

informer la Commission de l’ampleur des problèmes rencontrés en matière d’actifs, de la

1 Joaquin Almunia, speech 13/14, 11.01.2013

2 V. infra (Conclusion)

Page 49: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

49

solvabilité intrinsèque de l’établissement avant l’octroi de l’aide et de ses perspectives de

retour à la viabilité. En outre, la Commission harmonise les actifs éligibles aux mesures de

sauvetages : l’objectif est ici d’éviter toute course à la subvention ou tout forum shopping de

la part des banques. Une classification par catégorie d’actifs (« paniers ») est ainsi mise en

place par la Communication du 26 mars 2009. Applicable à tous les Etats membres, elle inclut

les actifs dits « toxiques » à l’origine de la crise ainsi que d’autres actifs à condition d’une

justification suffisante1.

Outre ces conditions spécifiques au sauvetage d’actifs dépréciés, les conditions posées par la

Communication peuvent être regroupées autour de six thèmes.

i. Caractère ciblé et approprié de l’aide

L’aide accordée par l’Etat doit être clairement ciblée sur l’objet recherché - remédier à

une perturbation grave de l’économie de l’Etat membre - et doit être conçue de manière

adéquate pour atteindre cet objectif. La Commission distingue ici deux types d’aides.

Pour les régimes d’aides dont peuvent bénéficier la totalité des institutions financières d’un

Etat membre, le recours à l’article 107, paragraphe 3 b) se justifie d’emblée dès lors qu’il y a

un risque de « perturbation grave de l’économie ». Ce critère est rempli dans le contexte de la

crise financière de 20082.

Pour les régimes d’aides individuelles en faveur de certaines entreprises particulières, la

Commission exige que les difficultés des banques concernées soient de nature à menacer le

fonctionnement global des marchés financiers. Certains facteurs sont alors pris en compte : la

taille de l’établissement concerné, sa présence prédominante dans certains secteurs d’activité,

le contexte exceptionnel sur le marché financier au moment de l’octroi de l’aide. Ainsi, dans

une décision concernant la banque Fortis, la Commission a pu relever que la bénéficiaire

« [détenait] plus d’un quart des dépôts des ménages belges auprès des banques établies en

Belgique et [était] de loin la plus grande banque sur le marché belge », afin de conclure qu’il

est raisonnable de supposer que « sa défaillance aggraverait sensiblement la crise de

confiance des ménages belges envers le secteur bancaire et créerait une méfiance aigüe des

1 Communication du 22 juillet 2009, point 32.

2 V. supra (Partie II, Section I).

Page 50: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

50

banques étrangères envers les banques belges, ce qui aurait pour effet de leur couper toute

possibilité d’emprunt »1.

ii. Caractère non discriminatoire des aides

Les aides doivent respecter les règles fondamentales du marché intérieur2

. En

particulier, l’admissibilité à un régime d’aide ne peut être fonction de la nationalité3 et les

aides doivent être accessibles à « toutes les institutions financières de l’Etat membre, y

compris des filiales de banques d’autres Etats membres qui exercent dans celui-ci des

activités importantes »4. A cet égard, la Commission veille à ce que les critères d’éligibilité

des institutions financières soient objectifs et prennent en compte le rôle des institutions en

cause dans le système bancaire concerné et l’économie globale.

Ainsi, fin septembre 2008, le ministre irlandais des Finances a annoncé la décision de son

gouvernement de garantir tous les dépôts et dettes de six banques irlandaises et de leurs

filiales établies à l’étranger. La Commission s’est inquiétée des répercussions négatives qui

pourraient en résulter pour les concurrents étrangers opérant en Irlande et ne bénéficiant pas

de la garantie. A la demande de cette dernière, le gouvernement irlandais a du affirmer que le

système de garantie était disponible pour l’ensemble des banques possédant en Irlande des

filiales ou succursales « fortement et largement ancrées dans l’économie nationale »5. Cette

règle de non-discrimination a ainsi permis à des filiales de participer à des régimes de

garanties étrangers. Par exemple, la banque Abbey National, filiale du groupe espagnol

Santander, a bénéficié du régime mis en place au Royaume-Uni.

iii. Limitation des aides au minimum nécessaire

Les aides doivent, dans leur forme et dans leur montant, être nécessaires pour atteindre

l’objectif recherché. Autrement dit, « si une mesure d’aide d’un moindre montant ou

entrainant une distorsion moindre de concurrence était suffisante pour remédier à la

perturbation de l’économie, la mesure ne peut être considérée comme nécessaire » 6

.

1 Affaire N74/2008, 19.11.2008, points 34 et 35.

2 CJCE, 22 mars 1977, Iannelli, Rec. p. 557.

3 Parmi une jurisprudence constante : 5 juin 1985, 103/84, Commission c/ Italie.

4 Point 18 de la Commission bancaire.

5 Affaire NN48/2008, Commission européenne, 13.10.2008.

6 Commission Européenne, 8 décembre 2008, décision relative au dispositif de refinancement des groupes

bancaires en France.

Page 51: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

51

L’objectif est d’éviter que « les actionnaires des établissements financiers ne profitent

d’avantages indus au détriment des contribuables »1.

Ce principe se traduit, dans le domaine des garanties, par une interdiction de couvrir les

créances subordonnées ou l’ensemble des éléments du passif2. Dans l’hypothèse d’une

liquidation contrôlée, la Communication interdit l’octroi de toute aide aux actionnaires ou aux

acheteurs de l’institution liquidée3. En matière de sauvetage d’actifs, ce principe se retrouve

dans la nécessité d’une répartition équitable des coûts y afférents entre l’Etat, les actionnaires

et les créanciers4.

L’objectif est ici non seulement de diminuer le montant de l’aide, mais aussi de réduire les

risques d’aléa moral en faisant en sorte que les bénéficiaires supportent les conséquences de

leurs erreurs. Dans cette optique, les recapitalisations ont conduit à une dilution du capital et

du contrôle des actionnaires existants. La nationalisation a été la mesure de partage des coûts

la plus sévère acceptée par la Commission puisqu’elle conduit à une perte totale de contrôle

des actionnaires sur la banque5. Cet objectif a également conduit la Commission à s’assurer

du contrôle de la rémunération du capital.

iv. L’exigence d’une rémunération adéquate

Les mesures d’aides doivent être assorties d’une contribution appropriée à la charge

des institutions bénéficiaires à titre individuel et/ou du secteur financier dans son ensemble.

La Commission accepte cependant de faire preuve d’une certaine souplesse dans

l’appréciation du respect de ce critère, compte tenu des difficultés de refinancement sur les

marchés6. Fixée au cas par cas, la question de la rémunération a fait l’objet d’âpres débats

entre la Commission et les Etats membres7. La détermination d’un « taux juste » dans un

contexte de paralysie du marché interbancaire est en effet particulièrement difficile.

Ainsi, pour l’octroi de garanties, la Commission exige une « contribution significative des

bénéficiaires et/ou du secteur au coût de la garantie ainsi que, le cas échéant, au coût de

1 Rapport de la Commission, 17 nov. 2008, « Tableau de bord des aides d’Etat – Mise à jour de l’automne

2008 » (COM(2008) 751 final), p. 59. 2 Communication du 13 octobre 2008, point 23.

3 Communication d’octobre 2008, point 49 de l’affaire C14/2008 € - $ - Restructuring aid to Northern Rock (OJ

L 112, 5.5.2010, p. 38-60) 4 Communication de février 2009, point 22

5 La nationalisation a ainsi été décidée pour les banques Northern Rock (affaire n° C 14/2008, Northern Rock,

JOUE L n0112, 5.5.2010, p.38-60) et Fortis (Affaire N255/2009, Fortis, JOUE C n°178, 31.07.2009, p.2). 6 V. supra, décision Commerzbank (Partie II, Section I).

7 « Plan de recapitalisation des banques, bras de fer entre Paris et Bruxelles », Les Echos, 1

er décembre 2008

Page 52: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

52

l’intervention de l’Etat s’il est fait appel à la garantie »1. Le calcul exact de la contribution

varie selon les circonstances particulières de chaque cas d’espèce. En tout état de cause, les

frais liés à l’octroi du régime doivent se rapprocher le plus possible du prix de marché. En cas

d’activation de la garantie, une contribution significative supplémentaire du secteur privé est

nécessaire. La Commission prend cependant en compte le contexte de crise et reconnaît que

les bénéficiaires peuvent ne pas être immédiatement en mesure de verser l’intégralité d’une

rémunération appropriée. En conséquence, les Etats sont incités à insérer une clause de retour

à meilleure fortune, aux termes de laquelle les bénéficiaires seraient tenus, dès que possible,

de verser une rémunération supplémentaire ou de rembourser une partie des montants

éventuellement versés par l’Etat membre en cas d’activation de la garantie. En pratique, les

Etats ont largement suivi les recommandations de la Banque Centrale Européenne (BCE)2.

S’agissant des recapitalisations, l’autorité bruxelloise a indiqué que si le secteur privé

participait de manière substantielle3 à l’opération de recapitalisation, elle présumera que la

rémunération prévue par l’accord passé entre les parties prenantes constitue une rémunération

adéquate. Il s’agit là d’une variante du critère de concomitance en vertu duquel il n’existe pas

d’avantage, donc d’aide, si l’Etat intervient au même moment, de la même manière et selon

les mêmes conditions que les opérateurs privés4. Cette disposition pose cependant des

difficultés. Dans bien des cas, il semble en effet qu’aucun acteur privé ne se serait engagé

sans intervention simultanée de l’Etat, de sorte qu’il n’existe en réalité pas de véritable « prix

de marché ». En l’absence d’une telle concomitance, la Commission fait référence aux

recommandations de la Banque Centrale Européenne (BCE) : celle-ci a défini une fourchette à

l’intérieur de laquelle le niveau de rémunération pouvait être fixé, en fonction du type de

capital choisi, d’un taux de référence et du profil de risque spécifique de la banque5. En tout

état de cause, la rémunération doit se situer en dessous des taux de marché existants pendant

la crise (environ 15%), jugés excessifs, et au-dessus des taux applicables antérieurement à la

crise, ceux-ci reflétant une sous-estimation généralisée des risques. Il convient de préciser que

certains Etats membres, dont la France, ont développé une méthodologie propre pour fixer le

1 Communication du 25 octobre 2008, point 25

2 Recommandations du Conseil des gouverneurs de la Banque Centrale Européenne (BCE), 20 octobre 2008.

3 30% au minimum

4 V. Partie I, Section II.

5 Points 24, 27 et 28 de la communication. Une annexe propose par ailleurs une tarification des différents

instruments de capitaux propres et une série d’indicateurs pour la détermination du profil de risque d’une

banque.

Page 53: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

53

prix, validée par la Commission. En pratique, la rémunération varie entre 7,8% et 12%1. La

majorité des Etats ont par ailleurs inséré des clauses d’augmentation de rémunération avec le

temps, le capital devenant ainsi de plus en plus cher pour le bénéficiaire (« step-up clauses on

remuneration rates »). Une communication de décembre 20112 apporte des précisions sur la

rémunération des recapitalisations effectuées sur la forme de titres à rémunération variable3.

L’harmonisation des taux de rémunération revêt ici une importance particulière afin d’éviter

le risque de « subsidy shopping » grâce auquel les banques transnationales pourraient choisir

entre plusieurs régimes nationaux afin d’obtenir les conditions de rémunération les plus

favorables.

En matière d’actifs dépréciés, la Commission a mis l’accent sur la nécessité d’une évaluation

coordonnée des actifs. Si la valorisation est par hypothèse supérieure au prix de marché des

actifs concernés (sans quoi il n’existerait pas d’élément d’aide), la Commission précise qu’il

convient de tenir compte de la « valeur économique réelle » à long terme4. Il s’agit de la

valeur économique desdits actifs, sur la base des flux de trésorerie sous-jacents et d’horizons

temporels plus larges que ceux employés habituellement sur le marché. Pour éviter une

situation d’insolvabilité technique, la Commission précise qu’il est possible d’excéder la

valeur économique réelle des actifs concernés mais à la condition que cela s’accompagne

d’une profonde restructuration de l’entreprise concernée et que soient instaurées des mesures

complémentaires permettant de s’assurer du remboursement ultérieur de ce nouvel élément

d’aide.

A titre d’exemple, la France est le pays européen dont le plan aura été le plus rémunérateur, le

soutien étatique s’étant soldé par un gain net de 2,7 milliards d’euros. Il en va autrement pour

le Royaume-Uni ou l’Allemagne dont les pertes consécutives aux plans d’aides se sont

respectivement élevées à 15 et 17 milliards d’euros.

1 V. Annexe n°8 : Taux de rémunération prévu par les Etats membres dans les plans de recapitalisation des

établissements de crédit 2Communication de la Commission concernant l’application, à partir du 1

er janvier 2012, des règles en matière

d’aides d’Etat aux aides accordées aux banques dans le contexte de la crise financière, JOUE n° C 356 du

6.12.2011, p.7-10 3 Ainsi, la Commission appréciera la rémunération de ces injections de capital sur la base du prix d’émission des

actions. Pour les banques cotées en bourse, le prix de référence de l’action doit être le prix côté sur le marché des

titres assortis de droits équivalent à ceux attachés aux actions émises. En l’absence de cotation, les Etats

membres doivent recourir à une méthode de valorisation appropriée basée sur le marché. Dans tous les cas, des

décotes relatives à l’effet de dilution devront être réalisées. 4 Communication du 22 juillet 2009, point 40

Page 54: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

54

v. L’existence de « garde-fous » pour limiter les distorsions de concurrence

Les aides accordées doivent être conçues de façon à minimiser les retombées négatives

pour les concurrents, les autres secteurs et les autres Etats membres. Il s’agit ici des mesures

compensatrices exigées dans le cadre du régime général, censées « brider » le comportement

commercial du bénéficiaire de l’aide. L’analyse de la pratique décisionnelle de la Commission

pendant la crise montre une exigence particulière en la matière. Deux types de mesures

compensatrices doivent être distinguées.

Les premières sont structurelles et consistent en une réduction de bilan imposée. Il s’agit par

exemple de cessions de filiales, de succursales, de portefeuilles de clients, de divisions

d’entreprise ou bien encore d’ouvertures des infrastructures à la concurrence. Alors qu’avant

la crise, la Commission exigeait traditionnellement une réduction du bilan d’environ un tiers

(exemple : Crédit Foncier de France, Crédit Lyonnais, Banco di Napoli, Société Marseillaise

de Crédit), la réduction imposée approche aujourd’hui les 50%1. Il s’agit ici de l’un des rares

domaines où le « droit de la crise » est plus exigeant que le droit commun.

Les secondes mesures compensatrices sont des contraintes comportementales. Elles consistent

le plus souvent en des interdictions d’acquisition. La portée de cette interdiction, prévue dans

plus de la majorité des plans d’aide, doit cependant être relativisée dans la mesure où

l’interdiction n’est applicable que pendant la durée de la restructuration (quatre à cinq ans),

certains Etats ayant fait le choix d’une durée plus courte2. De surcroit, l’interdiction n’a

concerné en règle générale que l’acquisition d’institutions financières et ne s’appliquait qu’au-

delà d’un certain seuil3.

D’autres mesures comportementales ont pu être prévues, telles que la limitation de

l’expansion dans certains domaines d’activités ou certaines zones géographiques, ou encore

l’interdiction de toute campagne de publicité mettant en avant l’aide obtenue4. Dans certaines

hypothèses, la Commission a empêché le bénéficiaire, pendant une durée limitée, de pratiquer

des prix inférieurs à la concurrence (« price leadership bans »)5.

1 47,2% pour la banque IKB, 45% pour la Commerzbank, 40% pour Fortis, 50% pour WestLB, 50% pour

BayernLB 2 Par exemple l’Allemagne vis à vis de la Commerzbank

3 5% ou 20% des fonds propres selon les cas. Concernant la banque RBS, la limitation visait les acquisitions

supérieures à 500 millions de livres. 4 Par exemple : Affaire NN51/2008, Danemark, régime de garanties pour les banques, Commission européenne,

10.10.2008, point 32. 5 Aide d’Etat n°SA.34488, Nea Proton, JOUE n°C 357/26, 20.11.2012, point 83.

Page 55: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

55

vi. Caractère nécessairement temporaire des aides au sauvetage

Les aides au sauvetage ne sont en principe autorisées que pour une durée de six mois.

Passé ce délai, toute nouvelle mesure en faveur du même bénéficiaire doit obtenir une

nouvelle approbation de la Commission. Le caractère temporaire de la recapitalisation doit

ainsi être clairement établi. En particulier, les incitations à rembourser le capital au plus vite

doivent être nombreuses. Ainsi, la Commission indique dans ses Communications qu’elle

incite à pratiquer des taux de rémunération augmentant avec le temps.

Outre le respect de ces conditions, un plan de restructuration du bénéficiaire est

fréquemment exigé par la Commission.

B. L’exigence d’un plan de restructuration

Les aides dont la Commission autorise l’octroi doivent être accompagnées de mesures

de suivi et d’ajustements structurels, tant pour le secteur dans son ensemble que pour les

bénéficiaires individuels de l’intervention. Chronologiquement, le plan de restructuration

succède aux mesures adoptées dans l’urgence. Il s’agit de faire en sorte que l’aide n’ait pas à

être renouvelée. Les interventions publiques ne doivent en effet pas permettre un maintien en

vie artificiel d’une entreprise dont le modèle économique n’est pas viable. Cette exigence

contraste avec la crise bancaire japonaise du milieu des années 1990 où les banques ont été

recapitalisées sans faire l’objet d’une restructuration immédiate, ce qui a eu pour conséquence

l’absence de retour à la viabilité.

Les conditions d’exigence d’un plan de restructuration ont été définies dans les

Communications de 2008 et 2009.

La Commission distinguait initialement les banques saines et les banques en difficulté1.

Compte tenu du caractère exceptionnel de la crise, seules ces dernières devaient soumettre un

plan de restructuration, l’atteinte à la concurrence étant bien plus importante dans cette

hypothèse, l’aide étant liée au bénéficiaire et non simplement à des conditions de marché

défavorables. Cependant, dès lors que la garantie était effectivement mise en œuvre, un plan

de restructuration s’imposait systématiquement. Le particularisme du secteur bancaire a

toutefois nécessité des explications sur la notion de « banque en difficulté ». Il semblait en

1 Communication d’octobre 2008, point 14

Page 56: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

56

effet difficile de se contenter de la définition générale donnée dans la Communication de

20041. La Communication concernant la recapitalisation précise ainsi que la distinction se

fonde sur plusieurs indicateurs : l’adéquation des fonds propres, les marges des contrats

d’échanges sur défaut, la note de crédit de la banque, ses perspectives ainsi que le volume de

l’aide2. S’agissant de ce dernier, la Commission considère que les aides obtenues sous la

forme de recapitalisation et de sauvetage d’actifs qui représentent plus de 2% des actifs

pondérés en fonction des risques constituent un bon indicateur pour distinguer une banque

fondamentalement saine d’une banque en difficulté. L’absence de plan de restructuration

n’exonère pas l’Etat membre de toute obligation. Celui-ci devra rendre un rapport à la

Commission sur l’utilisation des fonds publics et lui fournir toutes les informations

nécessaires pour lui permettre d’apprécier la viabilité des banques.

Une modification est intervenue dans le cadre d’un document de travail publié le 30 avril

2010 par la Commission européenne. Compte tenu de l’évolution positive des conditions de

marché et, en particulier, de l’accès plus facile aux liquidités, l’institution bruxelloise estime

justifié d’étendre l’exigence d’un plan de restructuration aux banques dont les garanties

étatiques dépassent 5% de l’ensemble des dettes inscrites au bilan ou bien excèdent le seuil de

500 millions d’euros. Dans un contexte d’amélioration économique, ceci révèle en effet le

manque de confiance des investisseurs envers le modèle économique de la banque

bénéficiaire. Cette nouvelle exigence s’applique à toutes les garanties prolongées au-delà du

30 juin 2010. Dans une Communication de décembre 2010, la Commission étend l’obligation

de soumettre un plan de restructuration à tout bénéficiaire d’une mesure de recapitalisation ou

de sauvetage d’actifs3. La distinction entre les banques saines et les banques en difficulté est

supprimée. Ceci s’inscrit dans la stratégie de sortie de crise mise en place par la Commission4.

Au total, 65% des garanties ont été octroyées à la condition d’un plan de restructuration,

contre 85% pour les recapitalisations et 100% pour les sauvetages d’actifs dépréciés.

La Communication « restructuration » de juillet 2009 rappelle les principes de base

applicables aux plans. Les banques aidées doivent tout d’abord être rendues viables à long

terme sans bénéficier d’aides supplémentaires. Ainsi, la notification de l’aide doit contenir un

plan de restructuration complet, détaillé et fondé sur un concept cohérent. Une comparaison

1 V. Partie I, Section II.

2 Communication de juillet 2009, point 4

3 Communication du 7 décembre 2010, point 14.

4 V. Partie II, Section II.

Page 57: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

57

doit être menée avec d’autres options possibles, parmi lesquelles un démantèlement ou une

absorption par une autre banque. De la sorte, la Commission pourra apprécier s’il existe des

solutions moins onéreuses et moins susceptibles de fausser la concurrence1. Par ailleurs, les

banques et leurs propriétaires devront assumer une « part équitable » des coûts de

restructuration. Ainsi, afin de limiter le montant d’aide au minimum nécessaire, les banques

doivent d’abord utiliser leurs ressources propres pour financer la restructuration. Cela peut

impliquer la vente d’actifs2. Enfin, des mesures structurelles et comportementales sont

exigées3.

L’ampleur du plan de restructuration, établi au cas par cas, dépend ainsi de la gravité des

problèmes rencontrés par chaque banque. La Commission prend en compte les mêmes

indicateurs que ceux utilisés pour distinguer les banques saines des banques en difficulté4. En

règle générale, plus la dépendance du bénéficiaire à l’égard des aides d’Etat est forte, plus la

restructuration devra être importante.

L’élément principal consiste généralement en la cession d’une activité déficitaire5 ou en

l’arrêt d’une activité jugée trop risquée6. Les Etats et la Commission ont aussi mis en place

des « badbank » (« structures de défaisance ») afin d’isoler et de céder tous les actifs non

rentables7. Des restrictions d’investissements ont été imposées afin de contraindre les banques

à se constituer un capital suffisamment solide8. La Commission a par ailleurs eu l’occasion

d’imposer des augmentations de prix lorsqu’il est apparu qu’une pratique de prix agressifs

avait contribué aux difficultés structurelles du bénéficiaire9. Des modifications dans la

gouvernance ont été exigées lorsqu’il est apparu que des considérations de politique locale

influençaient la gestion de la société10

. Enfin, le rôle du comité de contrôle des risques a

généralement été renforcé afin de sécuriser le profil de la banque.

1 Communication du 22 juillet 2009, point 9

2 La Commerzbank a ainsi du vendre l’une de ses branches immobilières à la suite de sa seconde recapitalisation

par l’Etat allemand. 3 V. Partie II, Section I.

4 V. Partie II, Section I.

5 Dexia a ainsi du céder sa filiale américaine FSA

6 La négociation pour compte propre en particulier

7 C’est par exemple le cas de Northern Rock (C14/2008 – Restructuring aid to Norther Rock (JOUE L 112,

5.5.2010, p. 38-60). 8 C’est par exemple le cas de la banque RBS (N422/2009, Restructuring of Dexia (JOUE, L 274, 19.10.2010, p.

54-95). 9 C’est par exemple le cas pour INBG (C/10/2009 – ING (JOUE, L 274, 19.10.2010, p. 139-162).

10 Par exemple pour la banque LBBW (C17/2009 – Recapitalisation and asset relief for LBBW (JOUE L 188,

21.7.2010, p.1-23).

Page 58: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

58

Au 8 mars 2013, 59 plans de restructurations en lien avec des institutions bancaire et la crise

financière sont intervenus. Cela représente près de 25% du secteur bancaire européen. Dix

neufs plans ont par ailleurs donné lieu à une liquidation. Concrètement, les banques qui se

sont vues imposer un plan de restructuration ont reçu 70% du montant total des aides d’Etat

accordées à ce secteur de l’Union Européenne.

Outre l’exigence du respect d’un « noyau dur » du droit européen des aides d’Etat,

l’ampleur de la dérogation est limitée quant à sa portée.

II. Une portée limitée

Le changement opéré par la Commission présente un objet limité : il ne s’applique

qu’à l’égard du secteur bancaire et financier (A) et uniquement pendant la période de crise

(B).

A. La portée matérielle

Dès la Communication du 13 octobre 2008, la Commission limite l’applicabilité de

l’article 107, paragraphe 3, point b) du traité aux « institutions financières » également

appelées « établissements financiers » 1

ou bien encore « banques »2, sans pour autant préciser

ce que ces termes recouvrent. La notion ne saurait à l’évidence dépendre des catégories des

droits nationaux et doit être entendue de façon uniforme à l’échelle de l’Union. Dès lors, en

l’absence de définition propre au droit de la concurrence, il semble raisonnable de se reporter

vers celles données dans d’autres domaines du droit communautaire.

Tout d’abord, l’expression de « banque » inclut à l’évidence les établissements de crédit au

sens de la directive de coordination bancaire du 12 décembre 19773

, à savoir les

établissements qui « reçoivent des dépôts ou autres fonds remboursables du public, et qui font

des crédits pour leur propre compte »4.

1 Communication du 5 décembre 2008 (« recapitalisation des établissements financiers »).

2 Communication du 22 juillet 2009, point 1.1.

3 Directive 77/780/CEE

4 Cette définition figure désormais dans le Règlement CRD IV et s’impose ainsi aux Etats membres (v. supra :

introduction).

Page 59: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

59

Par ailleurs, l’utilisation des termes « établissements financiers » et « institutions

financières » témoigne d’une approche plus large. En l’absence de définition donnée par le

droit communautaire, il semble raisonnable d’y inclure l’ensemble des institutions du secteur

qui, bien que n’appartenant pas à la catégorie des établissements de crédit, menacerait

l’équilibre du secteur financier en cas de défaillance. Si l’approche est flexible et ne saurait se

restreindre à une définition préétablie, il convient de préciser qu’une récente proposition de

directive portant sur la taxe sur les transactions financières donne une liste particulièrement

large d’institutions appartenant à la catégorie des établissements financiers. Sont ainsi

notamment visés les établissements de crédit, les entreprises d’investissement, les OPCVM,

les fonds de pension ou bien encore les entreprises d’assurance1. L’analyse de la pratique

décisionnelle de la Commission pendant la crise révèle toutefois que la question de la

délimitation de la notion d’institution financière ne s’est pas posée. Nous pouvons estimer que

ceci tient, notamment, à la notion européenne de « banque universelle »2 ainsi qu’à l’approche

particulièrement flexible de l’institution bruxelloise.

Enfin, la Commission a exclu le recours à cette disposition « dans des situations de crise

touchant d’autres secteurs, dès lors qu’il n’existe pas de risque comparable pour l’économie

d’un Etat membre dans son ensemble ». La question s’était en particulier posée pour le

secteur automobile.

La notion de « perturbation grave de l’économie » de l’article 107, paragraphe 3b)

TFUE fait par ailleurs l’objet d’une interprétation restrictive de la Commission européenne3.

Celle-ci précise en effet que ce fondement ne peut être accepté dès lors que l’aide ne résulte

pas d’une crise systémique mais de difficultés individuelles d’un opérateur4. Le Tribunal de

l’Union Européenne (TUE) a également souligné, à plusieurs reprises, que cette disposition ne

pouvait être appliquée qu’en cas de perturbation grave de l’économie d’un Etat membre dans

son ensemble5.

1 Proposition de directive en date du 14.2.2013, COM(2013)71 final, article 2 paragraphe 1 à 8.

2 Les banques universelles ou globales sont des grands conglomérats financiers regroupant les différents métiers

des banques de détail, des banques de financement et d'investissement et des banques de gestion d'actifs

(http://www.lesechos.fr/finance-marches/vernimmen/definition_banque-universelle.html) 3 V. supra (Partie II, Section I).

4 Par exemple, la décisions de la Commission du 30 avril 2008 dans l’affaire NN 25/2008, Aide au sauvetage en

faveur de WestLB, JO C 189 du 26.7.2008 p.3 5 Par exemple : arrêt du 15 décembre 1999 dans les affaires jointes T-132/96 et T-143/96, Freeistaat Sachsen et

Volkswagen AG/Commission, point 167, Recueil 1999, page II-3663.

Page 60: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

60

Définie comme une « irrégularité dans le fonctionnement d’un système »1

, une

perturbation est, par essence, temporaire.

B. La portée temporelle

Le caractère provisoire du régime dérogatoire se retrouve dans chacune des quatre

Communications adoptées pour les besoins de la crise financière. Ainsi, par exemple, celle

d’octobre 2008 dispose que les mesures étatiques peuvent être approuvées « non pour une

durée indéterminée mais tant que la situation de crise le justifie »2.

La notion de crise est cependant incertaine. Elle ne connait ni critères, ni définition. La

Commission l’identifie par ses effets : il s’agit d’un « très important ralentissement des

activités qui s’étend à l’économie dans son ensemble et qui touche les ménages, les

entreprises et les emplois »3. De façon plus économique, la Commission précise : « la crise

entraine un effondrement de la demande qui peut avoir un effet très néfaste sur la situation

économique de nombreuses entreprises saines et de leurs salariés, à court ou à moyen

terme ». En conséquence, les régimes approuvés doivent être réexaminés à intervalles

réguliers et prendre fin dès que la situation économique de l’Etat membre le permet. A cette

fin, la Commission impose aux Etats de procéder tous les six mois à un examen des éléments

justifiant la poursuite de l’application de son régime. C’est à cette condition qu’un régime de

garantie peut être autorisé pour une durée supérieure à six mois.

La Communication sur les restructurations publiée en juillet 2009 n’était quant à elle prévue

que pour durer jusqu’au 31 décembre 2010 au plus tard4. Cette durée a cependant été prorogée

par deux Communications intervenues successivement en décembre 20105 et en décembre

20116. La Commission y estime que les conditions d’application de l’article 107, paragraphe

3, point b), du traité sont toujours réunies en raison de la persistance de tensions sur les

1 Dictionnaire Le Robert, 1979.

2 Point 12

3 Communication du 22.01.2009

4 Point 49

5 Communication de la Commission concernant l’application, à partir du 1

er janvier 2011, des règles en matière

d’aides d’état aux aides accordées aux banques dans le contexte de la crise financière (JOUE n° C 329/7 du

7.12.2010). 6 Communication de la Commission concernant l’application, à partir du 1

er janvier 2012, des règles en matière

d’aides d’Etat aux aides accordées aux banques dans le contexte de la crise financière (JOUE, n° C 356 du

6.12.2011).

Page 61: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

61

marchés. Ces dernières résultent en particulier de la crise de la dette souveraine intervenue en

2010 et 2011 qui a pour effet de rendre l’accès aux marchés de financement plus difficile.

Ces textes ne se contentent toutefois pas de constater la prorogation nécessaire des

règles dérogatoires. Ils esquissent également un processus de sortie de crise.

Si le dernier trimestre de l’année 2009 a montré des signes de redressement sur les marchés

financiers, l’arrivée de la crise des dettes souveraines en 2010 a empêché la Commission de

mettre fin au régime dérogatoire établi dans le contexte de la crise de 2008-2009. Le caractère

exceptionnel des règles applicables exige cependant la mise en place d’une stratégie de sortie

de crise afin de préparer les différents opérateurs au retour des règles de droit commun en

matière d’aides d’Etat. Une première amorce en ce sens a été opérée dans un document de

travail du 30 avril 2010. La Commission a en effet estimé qu’il y avait alors un niveau

suffisant de stabilisation du secteur financier pour mettre en œuvre une stratégie progressive

de sortie de crise. Sans pour autant revenir aux lignes directrices de 2009, ce document

instaure des règles plus contraignantes pour les garanties octroyées postérieurement au 30 juin

2010. Ainsi, le coût de la garantie est augmenté de 20 à 40 points de base selon la notation du

bénéficiaire. En outre, un plan de restructuration s’impose aux entreprises actionnant de

manière significative les mécanismes de garantie1. Ceci signifie que les banques doivent se

préparer à un retour aux mécanismes normaux du marché, sans support étatique, dès lors que

les conditions de marché le permettront.

La Communication de décembre 2010 accroit le rythme de ce processus de sortie de crise en

supprimant purement et simplement la distinction entre banques saines et banques en

difficulté. La Commission estime en effet que le secteur bancaire dans son ensemble éprouve

moins de difficultés à se refinancer sur les marchés et peut donc répondre à ses besoins en

fonds propres, sans faire appel au soutien de l’Etat. Dès lors, à partir du 1er

janvier 2011, tout

bénéficiaire d’une nouvelle mesure de recapitalisation ou de sauvetage d’actifs dépréciés doit

présenter un plan de restructuration. Cette modification permet de préparer les banques à un

retour aux mécanismes normaux du marché et à inciter les établissements ayant encore besoin

d’un soutien à accélérer leur nécessaire restructuration2.

1La Commission précise ainsi que le seuil s’impose dès lors que plus de 5% du total du passif est garanti ou que

le total de dettes garanties s’élève à 500 millions d’euros (v. supra : Partie II Section I). 2 Communication de décembre 2010, point 16

Page 62: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

62

La sortie de crise doit être réalisée avec une attention particulière. Si, à ce jour, la majorité des

banques européennes ont remboursé les Etats, l’incertitude relative à la date de sortie de crise

reste totale. A titre d’exemple, alors que la France n’avait pas octroyé d’aide à une banque

depuis mai 2009, un plan de soutien en faveur du Crédit Immobilier de France (CIF) a été

validé par la Commission européenne le 21 février 20131. Dans sa décision d’approbation

temporaire, l’autorité bruxelloise confirme l’applicabilité de l’article 107, paragraphe 3, point

b) TFUE en se fondant sur la Communication précitée du 1er

décembre 2011. De même, de

récents plans d’aides ont été accordés ou prolongés dans d’autres Etats membres2. Les

récentes difficultés connues par les banques chypriotes constituent par ailleurs une illustration

supplémentaire de l’instabilité persistante sur les marchés européens.

1 Affaire SA.35389 (IP/13/148).

2 Parmi d’autres : aide SA.32554 accordée par l’Autriche en faveur de la banque a Hypo Group Alpe Adria

(5.12.2012) ; aide SA. 35382 accordée par les Pays-Bas en faveur de la banque SNS REAAL (22.2.2013).

Page 63: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

63

CONCLUSION

A l’heure où la sortie de crise se dessine, des conclusions peuvent être tirées quant aux

conséquences de la crise sur le secteur bancaire européen et le droit des aides d’Etat.

Bien que la crise ait incontestablement freiné la croissance vigoureuse du secteur

bancaire européen, les politiques adoptées par les Etats membres auront permis de sauver le

système bancaire et financier1. Au 1

er janvier 2013, dix-neufs liquidations d’établissements de

crédit auront été ordonnées dans l’Union. Ce chiffre reste bien inférieur à celui connu par les

Etats Unis où plusieurs centaines de banques – d’une taille parfois considérable ont fait

faillite.

Par ailleurs, la réponse pragmatique de la Commission aura produit ses effets : les

aides d’Etat n’ont semble-t-il pas porté atteinte à la concurrence. Deux indicateurs2 permettent

de constater que la concentration sur le marché bancaire européen n’a pas été affectée par la

crise3. Il ne semble ainsi y avoir aucune relation entre les aides d’Etat et l’évolution de la

concentration sur le marché puisque des mesures vigoureuses de soutien ont pu conduire à

une concentration du marché4 ou, au contraire, à une déconcentration

5. Par ailleurs, les parts

de marché des opérateurs européens n’ont été que très peu impactées : à l’exception de quatre

entrées, le « top 20 » des banques européennes les plus présentes sur le marché européen n’a

pas été modifié. La consolidation du secteur bancaire n’a, en règle générale, pas non plus été

touchée par la crise. La période 2007-2009 connait en effet un taux moyen de baisse du

nombre d’institutions financières en Europe de 2,5%, chiffre similaire à la période 2001-2007.

Ce chiffre ne saurait cependant refléter la situation de chaque Etat membre6. En outre, si les

aides d’Etat ont permis de sauver des établissements de crédit, elles n’ont pas permis aux

bénéficiaires d’en tirer profit vis-à-vis de leurs concurrents : après avoir comparé l’évolution

1 V. supra (Partie I, Section I)

2 Il s’agit du CR5 (parts de marché des cinq plus grosses institutions en Europe) et du HHI (Herfindahl

Hirschmann Index, établi en additionnant le carré des parts de marché de toutes les entreprises du secteur

considéré ; plus l’IHH d’un secteur est fort, plus la production est concentrée). 3 Annexe n°9 : Evolution de la concentration structurelle du secteur bancaire européen

4 +13% en Irlande entre 2007 et 2009 par exemple

5 Belgique, Autriche ou Pays-Bas par exemple

6 Alors que la France a connu une accélération des consolidations pendant la crise (de 4 à 6%), l’Allemagne a vu

son taux de consolidation baisser (de 4 à 2%).

Page 64: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

64

des profits réalisés par les banques aidées par rapport aux banques non aidées, la Commission

a constaté que les premières ont eu plus de difficultés à renouer avec les profits1.

Cette apparente stabilité ne saurait cependant masquer les bouleversements qu’a

entrainés la crise à l’échelle de l’Union Européenne, à l’égard du droit des aides d’Etat et de

la régulation des banques.

En premier lieu, en reléguant momentanément le droit des aides d’Etat au second plan, la crise

a démontré la nécessité d’un régime spécifique aux établissements de crédit touchés par une

crise systémique. Il est en effet apparu que le « droit commun des aides d’Etat » n’était pas

adapté – car trop lent et trop rigoureux – à la gravité de la situation. Développé dans l’urgence

sur le fondement original de l’article 107, paragraphe 3b) TFUE, ce régime est actuellement

en cours de révision afin de le pérenniser dans un contexte d’après-crise. Selon toute

vraisemblance, un régime « de crise », plus flexible, devra être prévu afin de sécuriser les

interventions étatiques et in fine, d’assurer la primauté du droit des aides d’Etat. La

Commission a ainsi indiqué dans une Communication du 8 mai 2012 la mise en place,

« lorsque les conditions du marché le permettront », d’un nouvel ensemble de règles relatives

au sauvetage et à la restructuration d’institutions financières2.

En second lieu, l’action ambitieuse de la Commission sur la base de l’article 107, paragraphe

3b) TFUE a mis en lumière l’exigence d’une meilleure régulation du secteur bancaire.

Des règles plus exigeantes ont ainsi été adoptées – ou sont en passe de l’être - en matière de

capitalisation des banques3, de contrôle des rémunérations dans le secteur bancaire

4, de

réglementation du système bancaire parallèle (« shadow banking »)5, de responsabilisation

des agences de notation6 ou bien encore concernant la modification de la structure des

banques7.

1 V. Annexe n°10 : Evolution de la profitabilité des banques européennes pendant la crise

2 Communication sur la modernisation des aides d’Etat, 8 mai 2012, point 18

3 En cours d’adoption, le package « CRD IV » transpose les nouvelles normes internationales sur les fonds

propres adoptées dans le cadre de l’accord de Bâle III. 4 Appliquant les recommandations du Financial Stability Board (FSB), la directive CRD III du 24 novembre

2010 prévoit notamment une limitation de la part variable des rémunérations à 50% ainsi que l’exigence d’un

versement différé de 40 à 60% des rémunérations variables. 5 La Commission a publié un livre vert à ce sujet en avril 2012 (IP/12/253, 19.3.2012). Une nouvelle

réglementation devrait être adoptée dans le courant de l’année 2013. 6 Règlement (CE) n°1060/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 sur les agences de

notation de crédit, JO L 302 du 17.11.2009, ou « règlement ANC I ». 7 Publié le 2 octobre 2012, le rapport Liikanen prévoit ainsi la « filialisation » des activités de trading.

Page 65: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

65

De surcroit, la crise des dettes souveraines a montré les dangers résultant de la proximité entre

les Etats et les banques : alors que les premiers viennent au soutien des secondes en cas de

difficultés, ces dernières détiennent d’importants volumes de dette publique. Dans ce

contexte, a été créé en mai 2010 le Fond Européen de Stabilité Financière (FESF), remplacé

par le Mécanisme Européen de Stabilité (MES) en septembre 2012. L’objectif est de

permettre à des Etats membres en difficulté de se refinancer lorsque les marchés ne prêtent

plus qu’à des taux prohibitifs.

Mais, plus encore, la crise a montré les inconvénients du décalage entre des autorités de

supervision nationales et des normes communautaires. Or, instrument efficace permettant une

coordination minimale des interventions étatiques, le droit des aides d’Etat ne saurait habiliter

la Commission du rôle de régulateur européen. En effet, si une panoplie commune d’outils

d’intervention a été adoptée (garanties des dépôts et des crédits interbancaires,

recapitalisations, achats d’actifs toxiques), l’absence d’harmonisation des plans

gouvernementaux ne saurait être occultée. Ainsi, formellement exclue avant la crise,

l’existence d’un pouvoir de supervision européen au service de la stabilité financière apparait

aujourd’hui comme une nécessité. Dans ce contexte, l’Union avance, comme souvent, par

petits pas. Face aux oppositions des Etats membres quant à la création d’un régulateur

européen, un compromis a initialement été trouvé avec la mise en place d’un cadre de

surveillance européen comprenant trois autorités européennes de surveillance (AES), dont

l’autorité bancaire européenne (ABE)1. Cependant, la persistance de la crise a rapidement

démontré la nécessité de créer une véritable régulation à l’échelle européenne. Dans ce

contexte, un pas significatif vers l’Union bancaire a été réalisé à la suite d’un accord

d’octobre 2012 établissant un superviseur des banques de la zone euro dans le cadre d’un

mécanisme de surveillance unique (MSU) des établissements bancaires européens. Si la BCE

a été récemment désignée comme le futur régulateur, la mise en place concrète de ce

mécanisme se heurte aujourd’hui à des résistances nationales2.

Regrettant que les américains aient si longtemps tardé à réformer leur système bancaire après

la crise de 1929, Jean Monnet affirmait déjà : « Les hommes n'acceptent le changement que

dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise »3.

1 Règlement (EC) n°1093/2010 du 24 novembre 2010

2 Venant en particulier du Royaume-Uni et de la Suède

3 Jean Monnet, Mémoires, Fayard, Paris, 1976, p. 129

Page 66: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

66

BIBLIOGRAPHIE

TEXTES

Commission européenne, Lignes directrices concernant les aides d’Etat au sauvetage et à la

restructuration d’entreprises en difficulté, JOUE n°244, 1.10.2004, p. 2-17.

Commission européenne, Communication concernant l’application des règles en matière d’aides

d’Etat aux mesures prises en rapport avec les institutions financières dans le contexte de la crise

financière mondiale, JOUE n° C 270, 13.10.2008, p. 8-14.

Commission européenne, Recapitalisation des établissements financiers dans le contexte de la crise

financière actuelle : limitation de l’aide au minimum nécessaire et garde-fous contre les distorsions

indues de concurrence, JOUE n° C 10, 15.01.2009, p. 2-11.

Commission européenne, Communication concernant le traitement des actifs dépréciés dans le secteur

bancaire de la Communauté, JOUE n° C 072, 26.3.2009, p.1-22.

Commission européenne, Tableau de bord des aides d’Etat : édition spéciale consacrée aux aides

d’Etat accordées dans le cadre de la crise économique et financière actuelle, 8.4.2009, COM (2009)

164 final.

Commission européenne, Communication sur le retour à la viabilité et l’appréciation des mesures de

restructuration prises dans le secteur financier dans le contexte de la crise actuelle, conformément

aux règles relatives aux aides d’Etat, JOUE n° C 195, 19.8.2009, p.9 - 20.

Commission européenne, Tableau de bord des aides d’Etat, 27.5.2010, COM (2010) 255 final.

Commission européenne, Document de travail sur l’application des règles en matière d’aides d’Etat

aux régimes de garantie publique couvrant les dettes bancaires émises après le 30 juin 2010.

Commission européenne, Communication concernant l’application, à partir du 1er

janvier 2011, des

règles en matière d’aides d’Etat aux aides accordées aux banques dans le contexte de la crise

financière, JOUE 7.12.2010, n° C 329, p. 7-11.

Commission européenne, Tableau de bord des aides d’Etat, 22.6.2011, COM(2011) 356 final.

Commission européenne, The effects of temporary State aid rules adopted in the context of the

financial and economic crises, 5 octobre 2011, 112 pages.

Page 67: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

67

Commission européenne, Communication concernant l’application, à partir du 1er

janvier 2012 des

règles en matière d’aides d’Etat aux aides accordées aux banques dans le contexte de la crise

financière, JOUE, n° C 356, 6.12.2011, p. 7-10.

Commission Européenne, Tableau de bord des aides d’Etat, 21.12.2012, COM (2012) 778 fo,am

OUVRAGES

PARTSCH Pierre-Emmanuel, Droit bancaire et financier européen, Paris, Larcier, 2009, 1086 pages.

RIPERT Georges, Les forces créatrices du droit, 2ème

édition, Paris, LGDJ, 1994, 423 pages.

VALLENS Jean-Luc, Crise du crédit et des entreprises, Paris, Lamy, 2010, 318 pages.

ARTICLES

BARBIER DE LA SERRE Eric, GERARD Damien, D’ORMESSON Olivier, SPILLIART Patrick, Le

droit de la concurrence est-il adapté à la crise, Cahiers de droit de l’entreprise, n°1, Janvier 2013,

entretien 1.

BAZEX Michel, BENZONI Laurent, ENCOUA David, MONTALCINO Caroline, VOGEL Louis,

Les actes des ateliers : Le droit de la concurrence à l’épreuve de la crise économique, Paris, 27 avril

2009.

BERKANI Elias et GUIBERT Philippe, Prolongation conditionnée des aides accordées aux banques

dans le contexte de la crise financière, Revue Lamy de la Concurrence, n°26, janvier 2011, p. 42.

BRUNET François, Le droit de la concurrence face aux défis de la crise mondiale, Revue Lamy de la

Concurrence, n°20, juillet 2009.

CHEROT Jean-Yves, La Commission européenne approuve la garantie publique générale accordée

par l’Allemagne à une banque, Concurrences, n°2-2010.

CHEROT Jean-Yves, Le droit et la politique de concurrence au défi de la crise financière et

économique, RFDA, 2010, p. 745.

COHEN Elie, Risque systémique et droit de la concurrence, Concurrences, n°1-2009, p. 1-2.

DECOCQ Georges, Le droit de la concurrence à l’épreuve de la crise économique et financière,

Contrat Concurrence Consommation, n°2, Février 2012, repère 2.

DERENNE Jacques, La Commission publie une communication limitant les aides au minimum

nécessaire et posant des garde-fous contre les distorsions indues de concurrence, Concurrences, n°1-

2009, p. 141-143.

Page 68: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

68

DERENNE Jacques, La Commission européenne publie des orientations sur le traitement des actifs

dépréciés dans le secteur bancaire de l’Union, Concurrences, n°2-2009, p. 151-152.

DERENNE Jacques, La DG Comp publie des lignes directrices sur son réexamen des régimes d’aides

approuvés en application des communications « bancaires », Concurrences, n°4-2009, p. 144-145.

DERENNE Jacques, Le TUE rejette le recours d'une association allemande de banques privées contre

une décision de la Commission déclarant partiellement incompatible un apport en capital en faveur

d’une banque régionale au motif que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation

dans l’application du test de l’investisseur privé en économie de marché, Concurrences, n°2-2010,

p.132-134.

DERENNE Jacques, La Commission européenne prolonge jusqu’en 2011 les mesures temporaires

pour les banques permettant aux Etats membres de soutenir leur secteur financier, Concurrences, n°1-

2011, p. 152-153.

DONNEDIEU DE VABRES-TRANIE Loraine, PICOT Thomas, Aides d’Etat et droit de la

concurrence dans un contexte de crise, Jeantet et associés : opinions et actualités, Janvier 2009, p.1-6.

DRUMMEN Jean-Bertrand, JEANNEROT Philippe, LUCAS Josselin, Les aides d’Etat, le droit de la

concurrence et les entreprises en difficulté, Revue des procédures collectives, n°3, mai 2012, entretien

n°2.

GERARD Damien, EC competition law enforcement at grips with the financial crisis : Flexibility on

the means, consistency in the principles.

GIOLITO Christophe, La Commission publie dans l’urgence une Communication relative à

l’application des règles en matière d’aides d’Etat relative aux mesures prises en faveur des banques et

institutions financières en situation de crise, Concurrences, 2008, n°4 , p. 104-106.

IDOT Laurence, Les mutations du droit des aides d’Etat, Revue Lamy Droit des Affaires, n°46, février

2010, p.83-87.

JENNY Frédéric, La crise économique et financière, la régulation et la concurrence, Concurrences,

2009, n°2, p. 1.

KARPENSCHIF Michaël, Les aides publiques face à la crise, RFDA, 2010, p. 750.

KARPENSCHIF Michaël, La crise financière : quelles implications juridiques ?, Revue Lamy de Droit

des affaires, n°35, février 2009, p. 70.

Page 69: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

69

LENOIR Noëlle, COMBET Marie-Laure, Crise et aides d’Etat : L’opportune résurgence de l’article

87-3-b CE, Concurrences, 2009, n°2, p. 1.

LOMBARD Martine, Le droit public économique face à la crise, RFDA, 2010, p. 764.

LOWE Philip, Competition Policy and the Economic Crisis, Competition Policiy International,

Volume 5, Number 2, Autumn 2009.

PERROT Anne, Politique de la concurrence et faillites bancaires, Revue Lamy de la concurrence,

2009, n°20.

PLANE Mathieu, PUJALS Georges, Les banques dans la crise, Revue de l’OFCE, juillet 2009, n°110.

STROMSKY Bruno, La Commission européenne approuve le plan de restructuration et le dispositif de

soutien des actifs illiquides d’une banque néerlandaise, Concurrences, n°2-2010, p. 122-123

STROMSKY Bruno, La Commission approuve une aide au sauvetage sous forme d’injection de

capital en faveur d’un groupe bancaire allemand, Concurrences, n°4-2010, p. 187-188.

STROMSKY Bruno, La Commission approuve une aide à la restructuration en faveur d’une banque

de détail espagnole, Concurrences, n°1-2011, p. 165-166.

STROMSKY Bruno, Crise financière : La Commission étend les règles applicables aux banques dans

le contexte de crise, Concurrences, n°1-2012, p. 158-159.

STROMSLY Bruno, Le TUE applique le principe de l’investisseur privé en économie de marché à la

modification des conditions de remboursement de l’apport en capital de l’Eat dans une banque et

annule partiellement une décision de la Commission, Concurrences, n°3-2012, p. 171-174.

VIDELIN Jean-Christophe, Le droit public économique et les crises économiques : approche

historique, RFDA, 2010, p. 727.

WAGNER Loïc, Aides d’Etat : la Commission européenne confrontée au risque systémique, Europe,

n°1, Janvier 2009, étude 1.

Page 70: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

70

PLAN DETAILLE

SOMMAIRE .................................................................................................................................. 3

LISTE DES ABREVIATIONS ............................................................................................................ 4

INTRODUCTION ............................................................................................................................ 5

PARTIE 1 : LA CRISE DU DROIT .................................................................................................... 9

Section 1 : L’objectif politique de sauvetage du secteur bancaire ......................................... 9

I. Nécessité des interventions étatiques .......................................................................... 9

A. Gravité de la crise financière ................................................................................... 9

B. Particularisme du secteur bancaire ......................................................................... 11

II. Mise en œuvre des interventions étatiques ................................................................ 12

A. Typologie ............................................................................................................... 12

B. Efficacité ................................................................................................................ 16

Section 2 : L’objectif juridique du droit européen des aides d’Etat ..................................... 19

I. La violation du « droit commun des aides d’Etat » ................................................... 19

A. Qualification des interventions étatiques ............................................................... 19

B. Insuffisance des dérogations traditionnelles .......................................................... 25

II. Le sens du droit des aides d’Etat dans un contexte de crise ...................................... 29

A. Le débat .................................................................................................................. 29

B. La position médiane de la Commission européenne .............................................. 33

PARTIE II : LE DROIT DE LA CRISE ............................................................................................. 37

Section 1 : Un droit dérogatoire ........................................................................................... 37

I. La dérogation quant à la forme .................................................................................. 37

A. Assouplissement de la procédure de contrôle ........................................................ 37

B. Réactivité accrue .................................................................................................... 39

II. La dérogation quant au fond ...................................................................................... 40

A. Le changement de fondement juridique ................................................................. 40

B. Une qualification plus restreinte ............................................................................ 42

C. L’adaptation des principes structurants ................................................................. 43

D. L’adoption de principes nouveaux ......................................................................... 45

Section 2 : Une dérogation limitée ....................................................................................... 48

I. La sauvegarde des principes ...................................................................................... 48

A. Des conditions « minimales » ................................................................................ 48

Page 71: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

71

B. L’exigence d’un plan de restructuration ................................................................ 55

II. Une portée limitée ..................................................................................................... 58

A. La portée matérielle ............................................................................................... 58

B. La portée temporelle .............................................................................................. 60

CONCLUSION ............................................................................................................................. 63

BIBLIOGRAPHIE ......................................................................................................................... 66

PLAN DETAILLE ......................................................................................................................... 70

ANNEXE .................................................................................................................................... 72

Annexe n°1 : Impact de la crise sur la capitalisation boursière des banques ................................ 73

Annexe n°2 : Impact de la crise sur les taux de défaut sur les obligations d’entreprises .............. 74

Annexe n°3 : Impact de la crise sur l’indice de profit des banques ............................................... 75

Annexe n°4 : Montant des aides utilisées en comparaison avec la taille du secteur bancaire de

chaque Etat membre ...................................................................................................................... 76

Annexe n°5 : Evolution de l’écart de taux entre l’Euribor et l’Overnight Indexed Swap rate (OIS)

....................................................................................................................................................... 77

Annexe n°6 : Evolution du CDS spread des principales banques européennes pendant la crise .. 78

Annexe n°7: Evolution du ratio de solvabilité (tier 1 capital) des banques européennes .............. 79

Annexe n°8 : Taux de rémunération prévu par les Etats membres dans les plans de

recapitalisation des établissements de crédit ................................................................................. 80

Annexe n°9 : Evolution de la concentration structurelle du secteur bancaire européen ............... 81

Annexe n°10 : Evolution de la profitabilité des banques européennes pendant la crise ............... 82

Page 72: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

72

ANNEXE

Page 73: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

73

Annexe n°1 : Impact de la crise sur la capitalisation boursière des banques

PLANE Mathieu, PUJALS Georges, Les banques dans la crise, Revue de l’OFCE, juillet

2009, n°110.

Page 74: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

74

Annexe n°2 : Impact de la crise sur les taux de défaut des obligations

d’entreprises

PLANE Mathieu, PUJALS Georges, Les banques dans la crise, Revue de l’OFCE, juillet

2009, n°110.

Page 75: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

75

Annexe n°3 : Impact de la crise sur l’indice de profit des banques

PLANE Mathieu, PUJALS Georges, Les banques dans la crise, Revue de l’OFCE, juillet

2009, n°110.

Page 76: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

76

Annexe n°4 : Montant des aides utilisées en comparaison avec la taille du

secteur bancaire de chaque Etat membre

Page 77: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

77

Annexe n°5 : Evolution de l’écart de taux entre l’Euribor et l’Overnight

Indexed Swap rate (OIS)

Page 78: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

78

Annexe n°6 : Evolution du CDS spread des principales banques

européennes pendant la crise

Page 79: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

79

Annexe n°7: Evolution du ratio de solvabilité (tier 1 capital) des banques

européennes

Page 80: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

80

Annexe n°8 : Taux de rémunération prévu par les Etats membres dans les

plans de recapitalisation des établissements de crédit

Page 81: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

81

Annexe n°9 : Evolution de la concentration structurelle du secteur bancaire

européen

Page 82: Restructurations Et Aides d'Etat Dans La Crise

82

Annexe n°10 : Evolution de la profitabilité des banques européennes

pendant la crise