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SJAP Année universitaire 2010-2011 DROIT COMMERCIAL I : Droit commun des sociétés Licence (L3) UPA Plan du cours de Mme Le Professeur E. CLAUDEL INTRODUCTION I - Les motifs présidant à la création d’une société II - Qu’est-ce qu’une société ? A) Définition de la société B) Société et autres groupements 1) Société et association 2) Société et GIE C) Société et autres contrats 1) Contrat de prêt 2) Contrat de travail 3) Contrat de vente D) Société : institution ou contrat ? III- Quelle forme sociale choisir ? A) L’ampleur du choix 1) Sociétés civiles et sociétés commerciales 2) Sociétés de personnes et sociétés de capitaux 3) Sociétés à risques limités ou illimités 4) Sociétés faisant ou non APE B) L'exercice du choix IV : Le droit des sociétés A) Les sources du droit des sociétés 1) Les sources internes 2) Les sources et l’influence européennes B) Les orientations actuelles du droit des sociétés PREMIÈRE PARTIE : CONSTITUTION DE LA SOCIETE TITRE I : LE CONTRAT DE SOCIÉTÉ CHAPITRE I : LES CONDITIONS DE VALIDITÉ DU CONTRAT DE SOCIÉTÉ 1

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SJAP Année universitaire 2010-2011

DROIT COMMERCIAL I : Droit commun des sociétés

Licence (L3) UPA

Plan du cours de Mme Le Professeur E. CLAUDEL

INTRODUCTION

I - Les motifs présidant à la création d’une société

II - Qu’est-ce qu’une société ?A) Définition de la sociétéB) Société et autres groupements

1) Société et association2) Société et GIE

C) Société et autres contrats1) Contrat de prêt2) Contrat de travail3) Contrat de vente

D) Société : institution ou contrat ?

III- Quelle forme sociale choisir ?A) L’ampleur du choix

1) Sociétés civiles et sociétés commerciales2) Sociétés de personnes et sociétés de capitaux3) Sociétés à risques limités ou illimités4) Sociétés faisant ou non APE

B) L'exercice du choix

IV : Le droit des sociétésA) Les sources du droit des sociétés

1) Les sources internes2) Les sources et l’influence européennes

B) Les orientations actuelles du droit des sociétés

PREMIÈRE PARTIE : CONSTITUTION DE LA SOCIETE

TITRE I : LE CONTRAT DE SOCIÉTÉ

CHAPITRE I : LES CONDITIONS DE VALIDITÉ DU CONTRAT DE SOCIÉTÉ

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SECTION 1 - Les conditions de validité communes à tous les contrats

§1) Le consentementA) Le consentement sincère

1) Simulation portant sur l’existence même du contrat2) Simulation portant sur la nature du contrat3) Simulation portant sur la personne de l’associé

B) Le consentement vicié

§2) La capacité requise pour constituer une société

§3) L’objet du contrat de société et l’objet socialA) Objet du contrat de société et objet socialB) Les conditions tenant à l’objet socialC) Intérêts liés à la détermination de l’objet social

§4) La cause

SECTION 2 - Les conditions particulières au contrat de société

§1) Une pluralité d’associé

§2) La réunion d’apportsA) L’opération d’apports

1) Nécessité des apports2) Nature juridique de l’opération d’apport3) Effets de l’opération d’apport

B) L’objet de l’apport1) L’apport en numéraire

a) Les faux apports en numéraire : les « comptes courants d’associés »b) Les véritables apports en numéraire

2)L’apport en naturea) Typologieb) Évaluation

3)L’apport en industriea) Notionb) Domainec) Régime

§3) La participation aux résultats. A) L’exigence de répartition des bénéfices et des pertesB) Les modalités du partage

B1- Le moment du partageB2 – Détermination de la participation de chaque associé1) Le principe de liberté statutaire2) Une liberté tempérée d’exception

2.1) Interdiction des clauses léoninesa) Définition générale et sanction des clauses léoninesb) Problème particulier de la validité des clauses extra-statutaires d’achat de droitssociaux à prix plancher : les cessions massives de droit sociaux et les conventions deportage

2.2) Interdiction des clauses d’intérêt fixe

§4) L’affectio societatisA) DéfinitionB) UtilitéC) PreuveD) Sanction de l’absence d’affectio societatis

CHAPITRE II : LES FORMALITÉS DE CONSTITUTION

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SECTION 1 - Les actes constitutifs

§1) La signature du pacte socialA) Les actes précédant la signature des statuts : pourparlers et promesse de société. B) Rédaction et signature des statuts

§2): Publicité et immatriculationA) Formalités de publicitéB) Immatriculation

SECTION 2 - La période de formation

§1) Définition de la période de formation et activité de la sociétéA) La période de formationB) L'activité de la société pendant la période de formation

1) Qui peut agir ?2) Quels actes peut-on accomplir ?

§2) Sort des actes accomplis au cours de la période constitutiveA) Les conditions d’une reprise par la société

1) Conditions de fond à la reprise2) Conditions de forme

a) Liste des actes annexée aux statutsb) Mandat donné par les associés lors de ou après la signature des statutsc) Ratification des actes par la majorité des associés après l’immatriculationd) Refus de toute autre modalité ?

B) Effets de la reprise ou du défaut de reprise1) Effets de la reprise

a) La société est engagéeb) La responsabilité personnelle du souscripteur se trouve dégagée

2) Effets du défaut de reprise

CHAPITRE III : SANCTION DES IRRÉGULARITÉS DE CONSTITUTION

SECTION 1 – Les causes de nullité

§1) Les causes de nullité en droit françaisA) Nullité résultant d’une disposition expresse du Livre II du code de commerceB) Nullité résultant d’une violation qui régissent les contrats

§2) Etude de la compatibilité du droit français au droit communautaireA) L’article 11 de la directive du 9 mars 1968

B) L’interprétation de cet article par la CJCE : l’arrêt Marleasing (rappel)

SECTION 2 - L’action en nullité

§1) Les personnes pouvant agir en nullité

§2) Les obstacles à l’exercice de l’actionA) La prescriptionB) La régularisation

1) La régularisation spontanée2) La régularisation forcée

SECTION 3 - Les effets de la nullité

§1) Nullité de la sociétéA) Effets entre les associésB) Rapports avec les tiers

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§2) Responsabilité en cas d’annulationA) Les personnes responsablesB) Régime de l’action en responsabilité

TITRE II : LA PERSONNALITÉ MORALE DES SOCIÉTÉS

Introduction : 1°) La naissance de la personnalité morale2°) La nature de la personnalité morale : réalité ou fiction ?3°) Intérêts de la personnalité morale 4°) Les abus de la personnalité morale

CHAPITRE I : LES ATTRIBUTS DE LA PERSONNALITÉ MORALE

SECTION 1- : Identification de la société

§1) Appellation de la sociétéA) Le choix de la dénomination socialeB) Protection de la dénomination sociale

§2) Le siège socialA) de siège socialB) Intérêts du siège socialC) Détermination du siège socialD)Régime du siège social

§3) La nationalité de la société

§4) La commercialité de la société

SECTION 2 -Le Patrimoine de la société

§1) Consistance du patrimoine social

§2) Le principe d’autonomie du patrimoine socialA) Autonomie du patrimoine social par rapport aux associés et aux dirigeantsB) Autonomie du patrimoine social par rapport aux créanciers

SECTION 3 - Capacité et responsabilité de la société

§1) Capacité de la sociétéA) La capacité de jouissance

1) Principe de la pleine capacité de jouissance2) Limites à la capacité de jouissance

a) Le principe de spécialité légaleb) Le principe de spécialité statutaire

B) La capacité d’exercice

§ 2) Responsabilité civile et pénale de la sociétéA) La responsabilité civileB) La responsabilité pénale

1) De l’irresponsabilité à la responsabilité pénale2) Champ d’application de la responsabilité pénale

a) Champ d’application quant aux personnesb) Infractions concernées

3) Conditions de mise en œuvre de la responsabilité pénale

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a) L’infraction doit avoir été commise pour le compte de la personne moraleb) L’infraction doit avoir été commise par un organe ou un représentant de la

personne morale4) Sanctions encourues5) Incidence de la responsabilité pénale des personnes morales sur celle des personnes

physiques

CHAPITRE 2 : LES SOCIÉTÉS SANS PERSONNALITÉ MORALE

SECTION 1 - La société en participation

§1) Les caractéristiques de la société en participationA) Caractères principaux de la société en participationB) Avantages et utilisation pratiques de la société en participation

§2) Constitution de la société en participation

§3) Fonctionnement de la société en participationA) La gérance de la SEP1) Statut du gérant2) Responsabilité du gérant

B) Situation des associés

§4) Dissolution de la SEPA) Causes de dissolutionB) Conséquences de la dissolution

SECTION 2 - La société créée de faitIntroduction : définition (rappel)

§1) Usages de la Société créée de fait

§2) Preuve de la société créée de faitA) Preuve de l’existence de la SCF par un des associés de la société

1) Hypothèse classique de l’exploitation d’un fonds de commerce2) La question de l’acquisition d’un logement

B) Preuve de l’existence de la SCF par un tiers

§3) Le régime de la Société créée de fait

DEUXIÈME PARTIE- LA VIE DE LA SOCIETE

TITRE I : LES ACTEURS DE LA VIE SOCIÉTAIRE

CHAPITRE 1 : LES DIRIGEANTS SOCIAUX

SECTION 1 - Désignation et pouvoirs

§1)DésignationA) Choix et procédureB) ConditionsC) Publicité

§2) Pouvoirs des dirigeants sociauxA) Pouvoirs dans l’ordre interne

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B) Pouvoirs des dirigeants vis-à-vis des tiers1) Le dépassement de l’objet social ne constitue pas toujours une limite aux pouvoirs

des dirigeants2) Les clauses statutaires limitant les pouvoirs des dirigeants sont inopposables aux

tiers3) Les limitations légales aux pouvoirs des dirigeants sont opposables aux tiers

SECTION 2 - : Responsabilité des dirigeants

§1) Responsabilité civile des dirigeantsA) Responsabilité du dirigeant envers la société ou les associés

1) Cas et conditions2) Modalités d’exercice de l’action en responsabilité

a) L’action individuelle en responsabilitéb) L’action sociale

B) Responsabilité du dirigeant envers les tiers1) L’hypothèse générale : la responsabilité soumise à la commission d’une faute

détachable des fonctionsa) L’exigence d’une faute détachableb) Les critères de la faute détachablec) Exemples

2) Les hypothèses particulières

§2) Responsabilité pénale des dirigeants A) Multiplicité des cas

1) Responsabilité en cas d’infractions spécifiques au droit des sociétésa. L’abus de biens sociauxb. L’abus de pouvoirs ou de voixc. Autres cas

2) Responsabilité en cas d’infractions non spécifiques au droit des sociétés3) Responsabilité en tant que chef d’entreprise

B) Moyens d’exonération

CHAPITRE 2 : L’ASSOCIÉ

SECTION 1 - Le statut d’associé

§1) Les attributs de la qualité d’associéA) Participation à la vie sociale

1) Droit pour l’associé de participer aux décisions collectives (hypothèse générale)a) Droit d’accès aux assembléesb) Droit à l’informationc) Droit de sanctionner la gestion

2) La question des droits du titulaire de titres démembrés ou indivisa) Les droits du nu-propriétaireb) Les droits de l’usufruitierc) Les droits des propriétaires indivis

3) La question de la disponibilité des droits de vote B) Participation aux résultats

1) Droit aux dividendes2) Droit aux réserves3) Droit au boni de liquidation

§2) Les engagements des associésA) Détermination des engagementsB) Intangibilité des engagements

1) Principe2) Limites

SECTION 2 - La perte de la qualité d’associé

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§1) Le droit de l’associé de rester dans la sociétéA) Le principe du droit fondamental de l’associé de rester dans la sociétéB) Les exceptions

1) Les exceptions légales2) Les clauses d’exclusion statutaire (principe et conditions)3) Le coup d’accordéon

§2) L’absence de droit de se retirer de la société

§3) Le droit de quitter la société en cédant ses titresA) Conditions à la cession de droits sociaux

1) L’application du droit commun de la vente2) La soumission éventuelle à une procédure d’agrément

B) Effets de la cession1) Effets entre les parties2) Effets vis-à-vis des tiers

TITRE II : LES CRISES SOCIALES

CHAPITRE 1 : LES CRISES POLITIQUES

SECTION 1 : Les abus de majorité, de minorité et d’égalité§1) L’abus de majorité

A) Définition. B) Sanction

§2) L’abus de minoritéA) DéfinitionB) Sanction

§3) L’abus d’égalité

SECTION 2-– Les remèdes aux blocages : les interventions extérieures§1) L’administrateur provisoire§2) L’expert de gestion §3) Les autres intervenants

CHAPITRE 2 : LES CRISES JURIDIQUES

( La nullité des actes et délibérations)

SECTION 1 - Les cas de nullité§1) La nullité des actes ou délibérations modificatifs des statuts (sociétéscommerciales seulement) §2) La nullité des autres actes ou délibérations

SECTION 2- L’action en nullité

TROISIÈME PARTIE - LA DISPARITION DE LA SOCIETE

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TITRE I : LES CAUSES DE DISSOLUTION

SECTION 1 - Causes de disparition communes à toutes les sociétés

§1) Les hypothèses de dissolution de plein droitA) L’arrivée du termeB) La réalisation ou l’extinction de l’objetC) Annulation du contrat de sociétéD) Liquidation judiciaireE) Dispositions statutaires

§2) Le problème spécifique de la réunion de toutes les parts sociales en une seulemain

A) Le principe : la possibilité de régulariserB) La possibilité d’une dissolution

§3) La dissolution provoquéeA) Dissolution conventionnelle anticipéeB) Dissolution judiciaire (les justes motifs)

1) Inexécution de ses engagements par un associé2) Mésentente entre associés

SECTION 2 - Causes propres à certaines catégories de sociétés

§1 : Causes propres aux sociétés de personnes§2 : Causes propres aux sociétés de capitaux

TITRE II : LES EFFETS DE LA DISSOLUTION

SECTION 1 - Liquidation de la société

§1) Organisation de la liquidationA) Nomination d’un liquidateurB) Sort des organes sociaux

§2) Opérations de liquidationA) Pouvoirs du liquidateur et responsabilitéB) Clôture de la liquidation

§3) Survie de la société pour les besoins de la liquidation

SECTION 2 - Le partage

§1) La mise en œuvre du partage§2) Les modalités de réalisation du partage§3) Les effets du partage

BIBLIOGRAPHIE

Il est recommandé aux étudiants de se doter d’un manuel susceptible de compléter ou d’expliciter lecours. L’achat d’un code est indispensable.

Ouvrages généraux:

(Rien sur les mémentos ect…)J. Bonnard, Droit des sociétés, Hachette, Les fondamentaux, 7e éd., 2010-2011

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A. Constantin, Droit des sociétés, Memento Dalloz, juin 2010M. Cozian, M. Viandier, F. Deboissy, Droit des sociétés, Litec, 22me éd., sept. 2009. Classique.Dynamique et pédagogue. Un peu politique. Très agréable.P. Didier, Droit commercial, T. II (les entreprises en société) PUF, 1997. B. Dondero, Droit des sociétés, Dalloz (coll.Hypercours), septembre 2009Y. Guyon, Droit des affaires, Economica, T. 1, 12ème éd., 2003.J. Hamel, A Jauffret et G. Lagarde, Sociétés commerciales, Dalloz tomes 1 et 2, 1980.J. Hémard, F. Terré et P. Mabillat, Sociétés commerciales, Dalloz, 3 tomes (1972, 1974 et 1978).M. Jeantin, Droit des sociétés, Montchrétien, 1992 P. Le Cannu, et B. Dondero, Droit des sociétés, Montchrestien, 3éme éd. 2009 V. Magnier, Droit des sociétés, Dalloz (coll. Cours), 4e éd., 2009. Un peu plus succinctB. Mercadal et P. Janin, Mémento sociétés commerciales 2007, éd. Francis Lefebvre.exclusionP. Merle, Sociétés commerciales, Précis Dalloz, 13ème éd., sept. 2010. (avec Anne Fauchon). Très bonneréférence. Assez volumineux.J. Mestre, C. Blanchard-Sébastien et D. Velardocchio, Lamy sociétés 2010.B. Petit, Droit des sociétés, Litec objectif droit, 2008, Objectif droit. tableau succinct mais précis etcompletRipert et Roblot, devenu M. Germain et V. Magnier, Traité de droit commercial- les sociétéscommerciales, LGDJ, T. 1, vol. 2, 19ème édition, 2009. Excellente référence mais un peu cher (65 euros). Plutôt pour ceux qui font des TDD. Vidal, Manuel de Droit des sociétés, LGDJ (coll. Manuel), 7éme éd. 2010. Très agréable

CodesCode civil 2011 : c’est sur lui que nous nous appuierons en premier lieu, car c’est dans le code civilqu’on trouve les règles de droit commun des sociétés, c’est-à-dire applicables à toutes les sociétésTitre 9 « De la société »Article 1832 à 1844-7 => droit communMais nous trouverons également les règles applicables à la société civile (art. 1845 à 1870) {2ème

semestre} et à la société en participation (art. 1871 à 1873) {1er semestre}

Code de commerce, 2011 (parution septembre) => toutes les règles applicables aux sociétéscommerciales- Livre II du code de commerce. Article L. 210 à L252Mais rq : les dispositions du code civil applicables aux sociétés sont proposées en appendice

Code des sociétés et des marchés financiers, 2010 pour Dalloz ; 2011 pour LitecAttention : le « Code des sociétés » ne sera autorisé à l’examen que s’il s’agit d’une version noncommentée => uniquement édition Litec

Répertoires & encyclopédies :Jurisclasseur – sociétés.Encyclopédie Dalloz – Répertoire sociétésDictionnaire permanent de droit des affaires

Lamy sociétés

Revues spécialisées :Bulletin Joly sociétés. MensuelRecueil Dalloz, cahier droit des affaires. HebdomadaireRevue de jurisprudence de droit des affaires. MensuelleRevue de jurisprudence commerciale. MensuelleRevue Droit des sociétés. MensuelleRevue des sociétés. TrimestrielleRevue trimestrielle de droit commercial.Trimestrielle

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Semaine juridique édition entreprise et affaires. Hebdomadaire

+ Méthodologiecelle proposée par l’université, accessible sur le site de l’UFR SJAPcelle de M et Mme Bachellier, Dalloz 2010, La technique de cassation

Annonce sommaire du plan :

D’abord une introductionPuis nous accompagnerons la société dans le temps en quelque sorte, de sa naissance à sa mort1ère partie : Constitution de la société- acte de société (conditions, fond et forme)- la personnalité morale2ème partie : Vie de la société (acteurs, - associés et dirigeants essentiellement- crises, transformations peut-être)3ème partie : Disparition de la société : étude de sa dissolution (causes de dissolution et effets)

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INTRODUCTION :

La société est l’un des rouages essentiels de la vie économique. On en compte plus de trois millions, etencore ne s’agit-il là que des sociétés « officielles », c’est-à-dire immatriculées. Les plus connues sontles SA (sociétés anonymes), mais ce sont loin d’être les plus nombreuses.

La plus répandue est en réalité la SARL (elle représente 80 % des sociétés commerciales).En septembre 2009, il existait 1.780.107 SARLViennent ensuite les sociétés civiles (1.365.111)Venait ensuite la SA, mais pour un peu plus de 4% des sociétés seulement (113.492). Elle est de pusen plus réservée aux sociétés faisant appel public à l’épargne (même si le terme a officiellementdisparu). Aujourd’hui, la SA est dépassée par la SAS (société par actions simplifiées : 138.953), quirencontre un très vif succès en raison de la liberté de création et d’organisation qu’elle autorise.Vient ensuite la SNC (société en nom collectif), pour un peu moins de 2% des sociétés (66.576)Puis les sociétés coopératives et les sociétés en commandite (2534)Et enfin les GIE (16.493) et GEIE (groupement européen d’intérêt économique) (231)

Le nombre de création de sociétés a diminué depuis 2008, en raison de la crise économique, mais ilexiste néanmoins environ 3 millions de sociétésCertes, ce chiffre reste très inférieur au nombre d’entreprises individuelles mais un constat doit être fait: au delà d’un certain seuil en chiffre d’affaires et en nombre de salariés, on ne trouve presque plusd’entreprises individuelles.

Pourquoi ce succès de la forme sociétaire ? => Étude des raisons pouvant présider à la création d’unesociété

I : LES MOTIFS PRÉSIDANT À LA CRÉATION D’UNE SOCIÉTÉ

Les raisons de créer une société sont multiples. Elles ont été présentées par Ripert et reprises par lesauteurs modernes, dont Alain Viandier.

3 vocations possibles

◊ 1ère vocation : Technique d’organisation d’un partenariat : C’est la société « originelle », qui permet la réalisation d’une œuvre commune (médecins, avocats,architectes => par le biais de sociétés civiles en général)

◊ 2ème vocation : Technique d’exploitation de l’entreprise : aspect très connuL’enveloppe sociétaire offre de multiples intérêts

1- Intérêts financiers : la création d’une grosse structure nécessite de regrouperbeaucoup de capitaux => recours à l’emprunt et appel à des associés (apports d’argent, de biens)…Certaines sociétés peuvent faire APE (appel public à l’épargne) et rassembler des capitaux illimités=> la société est donc une technique de financement.

2- Intérêts juridiques : elle permet la création d’une personne moraleIl est bien sûr possible d’exploiter son entreprise sans recourir à une société. Ainsi qu’il l’a été dit, ilexiste de très nombreux entrepreneurs qui sont simplement à la tête d’un fonds de commerce.Mais il existe de multiples intérêts du recours à la forme sociétaire par rapport à l’entreprise individuelle

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✘ créer une personne morale permettra à l’entrepreneur d’isoler son patrimoineprofessionnel. Lorsqu’une personne physique est à la tête d’un commerce, sans qu’une structure sociétaire soit créée,tous ses biens sont engagés (principe d’unicité du patrimoine, en vertu duquel une personne ne peutavoir qu’un patrimoine ; cette théorie empêchait donc l’entrepreneur d’affecter et d’isoler une partie deson patrimoine à son activité professionnelle). En revanche, si une société, et donc une personne morale, est créée, c’est la société qui sera à la têtedu patrimoine professionnel. Le patrimoine personnel de la personne physique est à l’abri. Les deuxpatrimoines sont indépendants.

Problème : cette indépendance est largement illusoire car, - lors de la création de la société ou de son accroissement, l’entrepreneur doit recourir à l’emprunt etsouscrire des garanties bancaires (éventuelle caution personnelle). - à la dissolution du groupement : il existe un risque de liquidation judiciaire et de faillite personnelle. - certaines formes sociales impliquent la responsabilité indéfinie et solidaire de ses membres (SNC… ettoutes les sociétés à risques illimités)

Par ailleurs, une loi du 15 juin 2010 a créé l’Entrepreneur individuel à responsabilité limitée(EIRL), qui permet de créer un patrimoine personnel séparé du patrimoine social. Cette loi met fin à lathéorie d’unicité du patrimoine et permet de créer un patrimoine d’affectation (art. L. 526-6 à L. 526-21du code de commerce). On ne peut encore se prononcer sur le succès de cette structure. Beaucoupconsidèrent que la loi de 2010 n’a pas été suffisamment pensée. Cette loi ne sera par ailleurs publiéequ’en décembre 2010. Elle n’est donc pas encore en vigueur.A noter : la théorie de l’unicité du patrimoine avait déjà été écornée en 2003 lorsque le législateur apermis la déclaration d’insaisissabilité de la résidence principale de l’entrepreneur individuel et en 2007avec l’introduction de la fiducie.

✘ Selon M. Guyon, « l’enveloppe société » aboutit à ce que l’entrepreneur « échappe auxvicissitudes qui atteignent les personnes physiques »

- elle permet d’éviter les conséquences désastreuses du décès du commerçant (en générall’exploitation disparaît ou alors le fonds de commerce tombe en indivision) => technique detransmission de l’entreprise ;

- elle permet également une transmission entre vifs plus facile, notamment en cas de retraite del’entrepreneur. Il est plus facile de céder des parts sociales qu’un fonds de commerceLa cession de parts sociales ou d’actions s’opère à des conditions plus avantageuses que latransmission d’entreprise d’un point de vue fiscal

3 - Intérêt fiscal : un entrepreneur individuel décide souvent de recourir à la formesociétaire pour des motifs fiscaux, alors même qu’économiquement la transformation ne s’imposait pas.Ceci dit, les avantages sont moins nets aujourd’hui

✘ entreprise individuelle : IR (impôt sur les revenus) sur la totalité du bénéfice (BIC), que les bénéficessoient laissés dans l’entreprise ou prélevés. Il s’agit d’un impôt très lourd si les bénéfices sontimportants => peuvent aller jusqu’à 50% si on inclut les charges sociales (mais possibilité adhésion àun centre de gestion agrée qui permettra des abattements fiscaux) mais ce n’est en général pas le cas.Rq : l’Entrepreneur ayant créé une EIRL peut cependant opter pour l’IS.

✘ société : la fiscalité varie selon le type de société : - sociétés de personnes : principe de transparence : ce sont les associés les contribuables, pas la

société => statut peu avantageux car assujettissement à l’IR => bénéfices imposés directement entreles mains des associés.

- sociétés de capitaux (SA SARL): opacité , au sens où c’est la société qui est contribuable..Bénéfices imposés à deux reprises- lorsqu’ils sont perçus par la société => IS (impôt sur les sociétés) de 33,33%- lorsqu’ils sont versés aux associés sous forme de dividendes => revenu imposable pour chaqueassocié.

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Pourtant, la forme sociale permet de nombreux avantages: de nombreuses charges peuvent êtredéduites du montant imposable, notamment le salaire du ou des dirigeant(s) s’il est effectif et nonexcessif par rapport aux services rendus à la société (CGI art. 39-1-1°). Quant aux dirigeants eux-mêmes, ils bénéficient du statut fiscal des salariés => déduction de 10% pourfrais professionnels + abattement de 20% Cf détail en cours de droit fiscal.

Cependant, l’entreprise individuelle, en tout cas quand il s’agit d’une petite structure, aaussi des avantages par rapport à la société

- coût de fonctionnement moindre- moins de bureaucratie- allègements fiscaux et sociaux

Il faut par ailleurs noter que la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 (LME) a mis en placeun régime incitatif à l’exercice individuel d’une profession indépendante à travers l’auto-entrepreneur (pas d’immatriculation au Registre du commerce et des sociétés – RCS- ; obligationscomptables allégées ; acquittement forfaitaire des charges sociales…)

Bilan : la distinction entre entrepreneur individuel et structure sociétaire se brouille.

Nous avons donc déjà vu que la société a 2 vocations :- technique d’organisation d’un partenariat- technique d’exploitation d’une entreprise

Il en existe une troisième

3ème vocation – Technique d’organisation du patrimoine

Certaines sociétés, plus rares, ne sont conçues que pour gérer un patrimoine. Elles ne sont pas« entrepreneurs »-> Il en est ainsi pour certaines sociétés de portefeuilles, qui ne font que rassembler des valeursmobilières.Autre exemple : certaines sociétés civiles immobilières qui ne sont conçues que pour organiser unetransmission de patrimoine.Ex : des parents apportent des immeubles dont ils sont propriétaires à une société. Mais ils n’apportentque la nu-propriété : ils gardent l’usufruit, et donc les revenus de l’immeuble. Ils réalisent une donationpartage : les parts sociales vont être divisées entre les enfants, qui deviennent associés de la SCI. Audécès des parents, la nu propriété se transformera en pleine propriété. Intérêt fiscal.

Pb actuellement : doute sur la licéité (cf infra évolution JP)

Conclusion : multiples intérêts attachés à la forme sociétaireEt deux possibilités d’y accéder :

- Soit un commerçant individuel, à la tête d’un fonds de commerce, va « se transformer » ensociété.

- Soit création de la société « ab initio ». Cela concerne le plus souvent les entreprises dépassantdès l’origine la dimension humaine. On le voit, une société peut aussi bien comprendre un seul associé que plusieurs millionsFrance : 7 millions d’actionnaires (1/10)

On trouve des sociétés dans tous les secteurs de la vie sociale : industrie, football, agro-alimentaire, nouvelle économie, haute couture quelquefois.

Mais pour bien comprendre le phénomène, il faut savoir ce qu’est exactement une société.

II - QU’EST-CE QU’UNE SOCIÉTÉ ?

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Etude de la définition puis étude des problèmes de frontières avec d’autres groupements puis avecd’autres contrats

A) Définition de la société :

On la trouve dans le code civil. Cela est normal puisque nous travaillons sur le droit commun dessociétés. Or, le code civil présente la société comme un contrat.

La définition de la société est donnée par l’article 1832 du code civil (article très important !!!): « La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecterà une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager des bénéfices ou deprofiter de l’économie qui pourra en résulterElle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l’acte de volonté d’une seule personneLes associés s’engagent à contribuer aux pertes ».

A l’instar d’un auteur (A. Viandier), on relèvera que cet article comporte plusieurs mots clés : plusieurspersonnes… en commun… bénéfice…économies…pertes…

1°) Plusieurs personnes : la société est en effet un groupement de personnes. L’étymologie mêmedu mot en atteste. Un groupe de personnes, deux au moins, décident par un contrat de constituer unesociété. C’est la solution de principe On rencontre cependant des sociétés unipersonnelles :

- soit il s’agit de sociétés officiellement pluripersonnelles mais qui sont en réalité animées parune seule personne, les autres associés n’étant que de pure façade ou se désintéressant de la viesociale

- soit la société, qui fonctionnait à l’origine à plusieurs, devient unipersonnelle, suite par exempleà des décès ou des départs en retraite. Nous verrons plus tard les conséquences de ces modifications.

- soit enfin la société est conçue dès l’origine comme unipersonnelle. C’est surtout cettehypothèse qui nous intéresse.Une réforme du 11 juillet 1985 a rendu possible cette hypothèse a priori surprenante. La société estalors instituée par un acte unilatéral de volonté.

Pendant longtemps, seule une forme de société pouvait être créée à un seul : la SARL (Société àresponsabilité limitée) , qui prend alors le nom d’EURL (entreprise à responsabilité limitée). Depuis, les sociétés unipersonnelles se sont généralisées, sans que le législateur ait réfléchi à un statutautonome de celle-ci. Il a simplement transposé et, quand besoin est, adapté les règles des sociétéspluri personnelles. En 1994, on créée la SAS (société par actions simplifiée) et en 1999, sa version unipersonnelle, laSASU (société par action simplifiée unipersonnelle)La société européenne, toute récente, peut être unipersonnelle. Il existe encore d’autres exemples.La question des sociétés unipersonnelles sera étudiée dans la suite des développements

2°) Autre caractéristique de la société : sa finalité

L’article 1832 du code civil envisage deux finalités alternatives : le partage des bénéfices ou laréalisation d’une économieCette dualité est récente puisqu’elle date de 1978 (loi du 4 janv. 1978).

Dans sa rédaction initiale (avant 1978), l’article 1832 définissait la société comme le contrat par lequeldeux ou plusieurs personnes conviennent de mettre quelque chose en commun en vue de partager lebénéfice qui pourra en résulter. La notion de bénéfice était donc fondamentale et la JP interprétaitstrictement cette notion.

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Un arrêt célèbre illustre cela. Il s’agit de l’arrêt Caisse rurale de Manigot du 11 mars 1911 deschambres réunies de la CC°. Faits : querelle entre l’administration de l’enregistrement et la Caisse rurale de Manigot à propos dedroits à percevoir. Cette Caisse procurait à ses membres des prêts à taux réduits => leur permettait deréaliser des économies ou d’éviter un appauvrissement. Etait-ce une société ou une association ? Laréponse des chambres réunies de la Cour de cassation était subordonnée à une définition du bénéfice => elles définirent celui-ci comme « tout gain pécuniaire ou gain matériel qui ajouterait à lafortune des associés ».

Gain pécuniaire = enrichissement en argent => distribution de dividendes par exempleGain matériel = distribution de produits fabriqués ou non par la société

Le bénéfice supposait donc un accroissement de la fortune des associés. La simple réalisation d’uneéconomie était insuffisante pour qu’il y ait société. => la Caisse était une association => distinction assez nette entre les ≠ groupements.

Problème ensuite car élargissement des finalités possibles des sociétés. Le législateur a voulufaire bénéficier certains groupements du statut de sociétés et les faire échapper au statut d’association + a voulu donner aux entreprises le moyen de se regrouper au sein d’une structure dotée de lapersonnalité morale sans pour autant qu’ils poursuivent comme finalité la réalisation de bénéfices. =>GIE institué par une ordonnance du 23 sept. 1967.

= > 1978 (loi du 4 janvier 1978) : réforme de la définition de la société : une société peutdésormais être constituée dans le but de réaliser une économie. = économie en numéraire (marchandises achetées à un coût moindre) ou atténuation d’une perte.

Problème : obscurcissement des notions et difficultés de qualification désormais, car il existe deschevauchements entre les trois grandes catégories de PM (personnes morales) de droit privé, à savoirles sociétés, les associations et les GIE => cf infra distinction entre la société et les autres groupements.

B) Sociétés et autres groupements

Il existe de nombreux groupements à analyser mais on s’attachera seulement à 2 : les associations etles GIE.

1) Sociétés et associations

Il est important de distinguer les sociétés des associations car leur régime juridique reste différent (a) .il demeure que cette distinction est devenue difficile (b)

a) Intérêts et critères de la distinction entre société et association :

✘ constitution* les sociétés sont soumises à des conditions de constitution assez strictes

(apports obligatoires, immatriculation au RCS obligatoire…(cf infra)

* les associations : - pas de formalités pour les associations non déclaréessinon déclaration avec dépôts des statuts à la préfecture ; dans ce cas, les associations auront lapersonnalité morale.

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quelques unes sont déclarées d’utilité publique => elles auront une capacité plus large (pourrontrecevoir des dons et legs) - apports facultatifs

✘capitalSon montant est variable selon le type de société (V. infra) mais le capital existe toujours Un capital n’est pas exigé pour les associations

✘PatrimoineIl est limité pour les associations => seulement celui strictement nécessaire à la poursuite de l’objet del’association (ex immeuble)Pas de limite pour les sociétés✘ capacité

- sociétés : capacité complète dans la limite de leur objet social.- associations : capacité réduite. Seules les associations reconnues d’utilité publique peuvent

recevoir des libéralités (dons et legs).

✘ responsabilité personnelle : - variable selon le type de société (cf infra)- association = pas de responsabilité personnelle des membres pour les actes du groupement.

✘ Droits financiers des membres- sociétés => partage des bénéfices et du boni de liquidation- association : aucun

✘dissolution- société => reprise des apports ; partage des bénéfices et du boni de liquidation- associations => simple reprise des éventuels apports (mais ne peuvent partager le boni de

liquidation => don à une autre association)

✘ régime fiscal très différent. Mais le droit fiscal a été amené à reconnaître l’existence d’association àbut lucratif => assimilées aux sociétés pour les impôts directs.

Mais la société et l’association se rapprochent sur le terrain de la prévention et du traitement de leursdifficultés => les lois applicables visent les personnes morales de droit privé, du moins celles ayantune activité économique. + certaines associations peuvent émettre des obligations depuis la loi du 11 juillet 1985.

b) Domaines respectifs

Au tout départ, différence claire entre les deuxLes sociétés avaient un but intéressé. Elles avaient la faveur du législateur car elles participaient à laprospérité généraleLes associations étaient supposées avoir un but désintéressé : philanthropique, culturel, religieux…Elles ont fait l’objet de la méfiance des pouvoirs publics jusqu’à début XXème s. (d’où leur capacitélimitée)

Puis tout est devenu plus confus :

Deux raisons :

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- depuis 78, les sociétés peuvent réaliser des économies (et non plus seulement partager desbénéfices). Permet de rattacher les coopératives à la catégorie des sociétés (diminution des fraisgénéraux par mise en commun des moyens de production par ex)

- les associations ne se limitent plus à des activités désintéressées. Développement du secteurdit de l’économie sociale ou solidaire : les associations exercent de plus en plus des activitéséconomiques. Elles sont nombreuses dans le secteur du tourisme (agence de voyage) ou sanitaire, social (maison deretraite), sportif (club de sport : retour dessus tout à l’heure ; ex de la FFF (Fédération française defootball). Peuvent se comporter comme de véritables entreprises

Du fait des définitions respectives de la société et de l’association, la frontière entre le secteur lucratifet le secteur non lucratif s’estompe et la différence entre une société et une association s’obscurcit. Seule différence qui demeure : les associations ne peuvent jamais partager les bénéficesréalisés. définition de l’association donnée par l’article 1er de la loi du 1er juillet 1901 : « convention parlaquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun d’une façon permanente leurs connaissancesou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices ».

CONCLUSION : 3 DOMAINES À DISTINGUER

◊ domaine réservé de la sociétéLe groupement constitué dans le but de partager le bénéfice qui en résultera éventuellement estnécessairement une société (même si éventuellement les associés poursuivent parallèlement un butmoral). Les membres d’une association ne peuvent en aucun se partager entre eux les bénéficesréalisés.

◊ domaine réservé de l’association => le secteur non lucratif : groupement constitué dans un butentièrement désintéressé, exclusif de toute recherche d’un avantage matériel quel qu’il soit (profit ouéconomie).Vaste domaine : activités religieuses, artistiques, humanitaires, politiques, syndicales, sportives Les groupements qui déploient de telles activités ne sont pas des sociétés, même s’il leur arrive de fairedes économies ou même quelques bénéfices dans le cadre d’opérations ponctuelles et déterminées :ventes aux enchères, réalisation de spectacles, vente de badges ou de tee-shirts à l’occasion d’unemanifestation… Il importe cependant que de telles activités restent marginales, accessoires, par rapport à l’objectifcaritatif du groupement, à défaut de quoi une requalification serait possible en acte de commerce.Nous le verrons dans un instant.

◊ domaine de concurrence de la société et de l’association

- lorsque réalisation d’économies :La réforme de 1978 qui a intégré à la société la réalisation d’une économie a rendu concurrentes laforme sociale et la forme associative (ainsi que le GIE) , lorsqu’il s’agit de réaliser des économiesd’ordre pécuniaire : acheter (par la création de centrale d’achat) ou emprunter moins cher, voyager àmoindre frais…

- Lorsque réalisation de bénéfices sans partage de ceux-ciIl arrive ainsi que des associations emploient des centaines de salariés et réalisent des chiffresd’affaires colossaux et de nombreux bénéfices. Même si elles ne distribuent pas de bénéfices entre leurs membres, elles participent à la vieéconomique et commerciale et cela n’est pas sans poser de difficultés. Plusieurs problèmes

o pb vis à vis des partenaires de l’association, car l’association à un régime juridiquerudimentaire qui protège mal les tiers

o Pb car créé des distorsions juridiques entre les sociétés, qui obéissent à un régimejuridique beaucoup plus contraignant, et les associations. => Pb de la « para

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commercialité » : les associations ont une activité commerciale concurrente à celle dessociétés, alors que n’ont pas les mêmes charges et disposent quelquefois de subventions

Le droit ne pouvait être indifférent à cela =>caractère lucratif parfois pris en compte :

- Réaction du droit fiscal : fisc traite l’association poursuivant en fait ou en droit un but lucratifcomme une société => paie l’IS, la TVA…

- réaction du droit commercial ? Enjeu : attribution de la qualité de commerçant certaines associations ne doivent-elles pas se voir reconnaître ou attribuer la qualité de

commerçante, dès lors qu’elles réalisent des actes de commerce à titre de professionhabituelle (cf. cours 2ème année) ?

Position de la JP : une association peut accomplir des actes de commerce de façon isolée etaccessoire sans devenir commerçante. Si, en revanche, elle accomplit des actes de commerce de façon répétée et habituelle, il sera possiblede lui opposer son statut de commerçant de fait.

Affaire célèbre : Com 17 mars 1981, Institut musulman de la Mosquée de Paris. Cet institut exploitaitune boucherie afin de permettre à ses fidèles de se procurer de la viande conformément aux ritesreligieux. La Cour de cassation a jugé que l’un des fournisseurs de l’association pouvait apporter lapreuve de ses livraisons et de ses créances en apportant ses livres de commerce.

Il arrive aussi que la Cour de cassation, sans se prononcer explicitement sur la qualité de commerçantou non de l’association, applique les règles de la commercialitéEx : Cass. Com. 14/02/2006 « Planet Immo »Une association, Planet Immo, offrait de manière permanente un site internet ouvert aux particuliersvisant à favoriser les échanges d’immeublesUne société agit contre elle et l’assigne devant le tribunal de commerceLa Cour de cassation approuve : l’association effectue des opérations d’intermédiaire pour l’achat et lavente d’immeubles

En revanche, une telle association ne peut se prévaloir de sa qualité de commerçante =>elle ne saurait être une commerçante de droit.

2) Sociétés et GIE (Groupement d’intérêt économique)

GIE créé par ordonnance du 23 sept. 1967. Aujourd’hui codifié à L. 251-1 et s. code de commerceInvention française, qui a inspiré le GEIE (groupement européen d’intérêt économique, créé par unrèglement 2137/85 du Conseil du 25/07/85) qui fut la première personne morale européenne + a inspiré plusieurs législations nationales.

GIE était à l’époque regardé comme le signe d’une renaissance de la liberté contractuelle (car la loi du24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales était très interventionniste) => grande liberté laissée aucontrat constitutif Succès certain à sa création dans le secteur par exemple du bâtiment et des travaux publics, ou dusecteur tertiaire (banque, assurance)Ex célèbre : airbus (mais transformé en SAS en juin 2000)Autre ex : le PMUPlus récemment : Le GIE Sesam Vitale : entreprise de service qui conçoit et met en œuvre destechniques d’échanges avec les professionnels de santéOu GIE carte bancaire : rassemble les établissements financiers et gère un système interbancaire depaiement et de retrait par carte.

Puis déclin. Certains notent un renouveau.

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Qu’est-ce qu’un GIE ?Il a été conçu comme un instrument de collaboration entre des entreprises (personnesphysiques ou personnes morales) préexistantes. Il est souvent utilisé pour une coopérationdurable entre professionnels (ex GIE carte bancaire) ce sont des groupements qui, tout en respectant l’indépendance juridique et économique desparticipants, leur permettent de mettre en commun des moyens de production ou decommercialisation. Le but du GIE est de développer l’activité économique de ses membres. Sera civil ou commercial en fonction de son activité => exerce-t-il des actes de commerce de façonhabituelle ?Intermédiaire entre société et associationIntéressant car pleine capacité juridique

Ressemblances entre GIE et société :

Les deux groupements (GIE et société) ont la personnalité morale à compter de leur immatriculation auRCS. Autre ressemblance : ils peuvent tous deux permettre la réalisation d’économie D’où la possibilité de domaines concurrents Rq de Guyon : pratiquement pas de différence entre les GIE et les sociétés civiles de moyen constituéesentre membres de professions libérales => mise en commun de moyens : locaux, matériel,documentation.…

Mais différences tout de même :

Capital : le GIE peut-être constitué sans capital

Objet originalité de l’objet du GIE : doit être le prolongement de l’activité de ses membres (Chaquemembre conserve son indépendance juridique). Ex : le PMU, qui regroupe des sociétés de course, a pour objet de concevoir, promouvoir etcommercialiser les paris sur les courses de chevaux. L’objet du groupement n’est donc pas de créer detoute pièce une ou des activités qui n’existaient pas chez ses membres. Mise en commun de moyens de production ou de commercialisation.

=> La société peut au contraire avoir un objet extrêmement large, sans rapport avec l’activité de sesmembres.

BénéficesAutre ≠ : le GIE ne peut en principe pas réaliser de bénéfices. Plus exactement, il n’a pas pour vocationde faire des bénéfices pour lui-même puisque son objet est d’en faire faire à ses membres.Mais il peut réaliser des bénéfices, en quelque sorte à titre accessoire (ce n’est pas sa finalitéprincipale)Que se passe-t-il si des bénéfices ?

- selon certains, si l’exploitation du groupement est bénéficiaire, les profits sont immédiatementrépartis entre ses membres. Rq de Guyon : les GIE partagent des bénéfices qu’ils ne réalisentpas !

- selon Viandier, possibilité de mettre en réserve

Responsabilité des membres indéfinie et solidaire (alors que varie selon sociétés)

Donc trois personnes morales possibles, avec chacune des spécificités mais également despoints de rencontre entre elles.

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Un exemple cité par A. Viandier : dans les villes, des chauffeurs de taxi créent fréquemment un servicede radio-taxis : gère en commun les appels téléphoniques : source d’économie pour chacunQuel statut ?Au choix ! Selon les villes, GIE, association ou société

Résumé

- la société a pour objet le partage des bénéfices ou la recherche d’une économie (art. 1832)- l’association a un objet autre que le partage des bénéfices (art. 1er loi du 1/07/1901). En principe, objet désintéressé mais possibilité de poursuivre une activité lucrative. Condition : ne pas distribuer les bénéfices éventuels entre les membres.- le GIE : constitué pour développer l’activité économique de ses membres par la mise en commun demoyens de production ou de commercialisation. Il ne peut réaliser par lui-même de bénéfices et doit immédiatement répartir entre ses membres lesprofits qui peuvent provenir de son activité (art. 1er ord. 23 sept. 1967)

Nature de lapersonne morale

Réalisation de bénéfices

Partage debénéfices

Réalisation d’économies

Société oui oui oui

Association(au sens strict)

non non non

Association àbut lucratif

parfois non parfois

GIE Non (pas lui-même) parfois oui

Problème pour reprendre un auteur (Guyon) : la classification actuelle est d’une mise en oeuvredifficile. Elle englobe des groupements ayant des objets ≠ (la réalisation d’économies pour les uns, debénéfices pour les autres) en même temps qu’elle distingue des groupements très proches => quelle ≠entre les sociétés se limitant à la recherche d’une économie, les GIE et les associations à but lucratif?

Autre classification proposée par Guyon qui s’inspire du critère utilisé par l’article 48 al. 2 TCE,devenu 54 TFUE => le but lucratif, mais en ce sens qu’il opposerait les personnes morales à butaltruiste et celles poursuivant un but lucratif (regrouperaient celles qui poursuivent la réalisation debénéfices ou d’économies). Le critère ne serait plus le partage de bénéfices mais sa réalisation. On pourrait s’inspirer, pour savoir si le but est altruiste, des critères posés par le droit fiscal : utilitésociale de l’activité, gestion désintéressée, tarifs modérés des services rendus aux membres ou à destiers, excédents de recettes réinvestis dans l’oeuvre elle-même.

C) Différences avec d’autres contrats

La distinction entre le contrat de société et les autres contrats ne devrait en principe pas poser dedifficulté car une société ne peut en principe exister que si des formalités ont été accomplies(notamment l’immatriculation au RCS, Registre du commerce et des sociétés), ce qui permet unedistinction claire avec d’autres contrats, surtout ceux qui obéissent au principe du consensualisme.

Cependant,- même si des formalités constitutives d’une société ont été accomplies, les parties ont pu vouloirdéguiser un autre contrat sous l’apparence d’une société et il appartient alors au juge de redonner sonexacte qualification au contrat.- il existe des sociétés non immatriculées comme les SEP (sociétés en participation).

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Donner son exacte qualification au contrat a son importance : - pour la validité même de l’acte- pour déterminer les droits des créanciers envers les parties contractantes- les règles de compétence juridictionnelle- pour le calcul des droits d’enregistrement…

Dans leur opération de qualification, les juges doivent tenir compte de la volonté des parties, mais nesont pas liés par elle. En cas de fraude ou d’erreur, ils ont un pouvoir de requalification. Ils sontsouverains pour apprécier la volonté des parties et vérifier si les éléments du contrat de société sontprésents, mais l’opération même de qualification est une question de droit contrôlée par la Cour decassation .

Quels sont les contrats litigieux? Ils sont essentiellement trois (contrat de prêt, de travail et de vente)

1) Le contrat de prêt tout d’abord :

Problème en effet lorsque le prêteur ne se contente pas de recevoir un intérêt mais est intéressé auxrésultats. Quels critères retenir ?

L’aléa est un critère décisif : - le contrat de société suppose en effet que l’associé coure un risque - alors que le bailleur de fonds est assuré de recevoir sa rémunération (sauf insolvabilité del’emprunteur). => Il faudra alors analyser si la personne qui a prêté de l’argent à la société et qui a pris uneparticipation dans le capital est ou non assurée d’être rémunérée car, si elle assurée de l’être, il n’yaura pas participation au risque économique de l’entreprise socialeoui si : brève durée de l’avance consentie, garantie stipulée au contrat… => qualité de prêteur et nond’associé.

Mais l’aléa n’est pas le seul critère => critère de la participation à la gestion. En principe, lesimple prêteur ne s’immisce pas dans la gestion sociale.

Pontavice et Dupichot : « c’est dans la collaboration active à la marche de l’affaire que l’on reconnaîtrale véritable associé du simple prêteur ou bailleur de fonds qui ne vas pas jusqu’à s’immiscer dans lagestion »

2) Le contrat de travail

=> et donc distinction entre le statut d’associé et le statut de salarié. A priori là encore, pas de problème.La rémunération du salarié est en principe fixe : il est indépendant des résultats de l’entreprise,bénéfices ou pertes, ce qui le différencie d’un associé. Mais problème si celui qui apporte son industrie à la société participe aux bénéfices de l’exploitation.C’est alors l’absence de lien de subordination qui sera décisif, la collaboration à l’exploitation sur unpied égalitaire. On parle d’affectio societatis.

3) Le contrat de vente.

A priori là encore, contrats très différents Mais il peut arriver que le vendeur se fasse payer par uneparticipation aux bénéfices que l’acquéreur tirera de l’exploitation du bien vendu. Mais généralement, il n’existe pas, du côté du vendeur, de volonté de participer à la gestion => pasd’affectio societatis.

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Pour bien cerner la notion de société, il reste une question à se poser : la société est-elle bien un contratou n’est –elle pas plutôt une institution ?

D) La société : contrat ou institution ? Question très classique et toujours débattue à l’époque actuelle. Débat semblait abandonné depuis lesannées 1960 mais renouvelé dans les années 1990 par le renouveau de la liberté contractuelle etl’influence du droit anglo-saxon.(Cf J.P. Bertrel, Le débat sur la nature juridique de la société, Mélanges Sayag 1997 p. 131)

A l’origine, la société était regardée comme un contrat => thèse issue du droit romain, reprise parDomat, Pothier, puis Hamel, Lagarde et Jauffret…V. article 1832, dans sa rédaction initiale : société = contrat. Conforté par la place de l’article dans le code civil => inséré entre le contrat de louage et le contrat deprêt. + différents éléments qui plaident en faveur d’une qualification contractuelle : la société est soumiselors de sa création aux conditions de validité de tous les contrats + certains mécanismes s’expliquentpar la technique contractuelle (=> mandat donné au gérant d’administrer la société).

Doutes au sein de la doctrine du XIX => certains éléments du fonctionnement de la société et même desa création cadraient mal avec l’analyse contractuelle. - principe majoritaire- nombre important d’actionnaires- intervention du législateur dans la détermination des règles ; très marqué avec la loi du 24 juillet 1966- subordination de la personnalité morale à l’accomplissement d’une formalité administrative(l’inscription au RCS) et non de la volonté de ses membres..

=> certains proposèrent de voir dans la société une institution (notion empruntée au droit public àHauriou). L’institution est quelquefois ainsi définie : ensemble de règles qui organisent de façon impérative etdurable un groupement de personnes autour d’un but déterminé ; les droits et intérêts privés sontsubordonnés au but social qu’il s’agit d’atteindre. A l’appui de cette analyse :- idée que la société poursuit un objectif propre, distinct de celui de ses membres. - idée de durée => volonté de limiter les cas de nullité + société survit à ses fondateurs. - réfutation de l’analyse selon laquelle les dirigeants seraient des mandataires => ce sont organeschargés de la mise en oeuvre de la politique de la société.

Problème : la notion d’institution reste imprécise et n’a jamais déterminé l’application d’un régimespécifique (cf. Michel Jeantin).

Progrès de l’analyse institutionnelle en 1985 (loi du 11/07/85) avec la réforme de l’article 1832 => « lasociété est instituée… » (et non plus « constituée »).

Mais ensuite retour au contractuel . Influence des théories anglo-saxonnes. Cf article d’A. Couret sur le gouvernement d’entreprise : « l’idée n’est certes pas nouvelle et cela faitmaintenant de nombreux mois que l’on évoque la tendance inexorable du droit des obligations àenvahir le droit des sociétés. La multiplication des pactes d’actionnaires, les reconnaissances implicitespar le législateur de ces pactes ont largement accrédité l’idée d’une modification significative de notredroit des sociétés. L’idée très américaine que l’entreprise est un noeud de contrats s’insinue ». (Dalloz95 chr. p. 163).A nouveau idée que la société est la chose des actionnaires. La création de la SAS en 1994 renforcecette idée.

Position actuelle de la doctrine :

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- soit estime que la question ne présente pas de réelle portée (M. Jeantin). Cela estcontesté par M. Bertrel qui juge que cela conditionne la définition que l’on retient de l’intérêt social(intérêt des associés si la conception contractuelle ; intérêt de l’entreprise {englobe les intérêts desassociés, des salariés, des créanciers, des fournisseurs…} si conception institutionnelle).

- soit défense de l’analyse contractuelle en s’appuyant sur le renouveau de la libertécontractuelle en droit des sociétés (J. Mestre ; La société est bien encore un contrat , Mélanges Mouly1998 p. 131)Nous en verrons différentes illustrations, avec notamment des formes de sociétés telles que la SAS.Tendance de ces dernières années : retrait du législateur.

- soit renouvellement de l’analyse en une qualification hybride : à la fois contrat etinstitution (P. Didier à l’origine, puis, P. Merle; Guyon, Cozian et Viandier, JP Bertrel…). Ces auteursconstatent l’impuissance de chaque thèse individuellement à expliquer la nature de la société. Enréalité, la primauté de chaque conception varie selon le type de société (personnes ou capitaux), selonque l’on se situe à la date de création de la société ou en cours de fonctionnement, et selon lesépoques.Et un auteur remarque que le caractère institutionnel est plus lié à la personnalité morale qu’à lasociété elle-même => seules les sociétés sans personnalité morale sont entièrement contractuelles(Paillusseau)

- position particulière de M. Libchaber : la société est un contrat spécial (Mélanges Jeantin 1999,p. 281).

JP est le reflet de cette hésitation : • se montre tantôt favorable à une qualification contractuelle :- lorsque décide qu’une clause claire et précise des statuts s’impose au juge sous peine de dénaturation(Civ.I. 8 juin 77). Les exemples se situent généralement dans le cadre de la création de la société- lorsque refuse l’exclusion d’un associé en réponse à une demande en dissolution (cf plus tard) ex arrêt du 12 mars 1996 : « aucune disposition légale ne donne pouvoir à la juridiction saisie d’obligerl’associé qui demande la dissolution à céder ses parts »- lorsque considère que l’article 1836 al 2 cc qui prévoit que l’on ne peut augmenter les engagementsdes associés qu’à l’unanimité s’applique aux clauses de non concurrence

se montre tantôt favorable à la qualification institutionnelle :lorsque le juge décide la nomination d’un administrateur pour résoudre une crise socialecompromettant l’avenir de l’institution ou prononce la nullité d’une délibération sociales prisescontrairement à l’intérêt social, et dans l’unique dessein de favoriser les majoritaires au détriment desminoritaires. Cf en général la JP relative à l’abus de majorité. Idem lorsque le juge valide les conventions de vote conforme à l’intérêt social. …Petite faveur de la JP pour la conception institutionnelle.Rq : tendance actuelle à la contractualisation du droit des sociétés.

III : QUELLE FORME SOCIALE CHOISIR ?

Etude rapide car anticipe un peu sur le second semestre, mais permet de prendre pied dans la réalité.En effet, on ne créé pas une société : on créé une SARL, une SA, une société civile…Ampleur du choix : société civile, SA, SAS, SARL, EURL, SNC (société en nom collectif), SCS (société encommandite simple), SCA (société commandite par actions), SE (société européenne)

A) L’ampleur du choix.( typologie des sociétés et classifications)

Seules les grandes classifications seront étudiées (rq : une société peut évidemment appartenir àplusieurs catégories. Ex : société de personne et société à responsabilité illimitée)

1) Sociétés civiles et sociétés commerciales

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Classification consacrée par la loiL’article 1845 al.2 cc précise qu’ont « le caractère civil toutes les sociétés auxquelles la loi n’attribuepas un autre caractère à raison de leur forme, de leur nature ou de leur objet »=> les sociétés civiles sont le principe, mais un principe rogné par l’ampleur de l’exception.

En effet, une société est commerciale- soit parce qu’elle a pour objet l’accomplissement d’actes de commerce (Les sociétés civiles nepeuvent à l’inverse effectuer que des opérations de caractère civil : activités libérales, agriculture,construction immobilière => domaine non négligeable).La recherche de cet objet ne sera en fait nécessaire que pour les sociétés non immatriculées.

- soit parce qu’elle revêt une forme qui lui confère de plein droit la commercialité => Art. L. 210-1 ccom : « sont commerciales par leur forme et quel que soit leur objet les SNC, les SCS, lesSARL et les sociétés par actions » (attention, le texte n’utilise en réalité pas les abréviations).Rq : toutes les sociétés immatriculées sont prédéfinies quant à leur caractère. Elles sont toutescommerciales, sauf la société civile.Sont des sociétés par actions : les SA, SCA, SAS, SE, SEL (société d’exercice libéral)

Longtemps, la distinction entre sociétés civiles et sociétés commerciales a été la summa divisio. Lasociété civile était assimilée à un particulier, tandis que la société commerciale était assimilée à uncommerçant => juridiction compétente, nature des actes accomplis, règles de preuve, de prescription,solidarité…Les règles sur les sociétés civiles sont dans le code civilLes règles sur les sociétés commerciales sont dans le code de commerce

Mais aujourd’hui, la distinction s’amenuise :- loi 13 juillet 1967 => possibilité d’ouvrir une procédure collective contre une société civile. Le critèreest l’existence d’une personne morale de droit privé.- loi du 4 janvier 1978 a édicté des règles applicables à toutes les sociétés et remanié le régimeparticulier des sociétés civiles dans le sens d’un alignement avec les sociétés commerciales.En fait, à chaque fois qu’i y a eu une réforme de sociétés civiles, il y a eu emprunt aux sociétéscommerciales

Par ailleurs, l’avènement d’un droit professionnel a troublé la distinction : la loi du 31/12/1990 permetainsi désormais aux professionnels du secteur libéral, qui auparavant n’avaient guère que les sociétésciviles (SCP- société civile professionnelle- ou SCM – société civile de moyens) à leur disposition pourexercer en commun, la possibilité de créer des SEL (sociétés d’exercice libéral), qui sont des sociétéscommerciales.But : donner aux professions libérales les moyens de lutter contre la concurrence internationale =>cette forme permet à des groupements de professionnels de mieux structurer leurs cabinets et d’avoirun statut fiscal plus satisfaisantLes SEL peuvent emprunter la forme des SARL, des SA, des SAS, des SCA…

2) Sociétés de personnes et sociétés de capitaux

Cette distinction a également joué un rôle fondamental.

- Sociétés de personnes : rôle particulièrement vif de l’intuitu personnaeConcerne les SNC, SEP, SCS, et la société civile. Régime plus souple et moins contraignant avec quelques inconvénients : - cession des parts avec l’accord unanime des associés + les évènement graves affectant un associé (décès, incapacité, faillite) mettent en principe fin à lasociété.

- Sociétés de capitaux (SA)

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=> la personne de l’associé est en principe indifférente.=> Libre négociabilité=> Evénements relatifs à la vie d’un associé sont sans incidence sur la sociétémais règles strictes et contraignantes. Forte intervention du législateur

Mais affaiblissement contemporain de la distinction. - dans les sociétés de personnes, l’acte de société peut désormais prévoir que le décès de l’un nemettra pas fin à la société (art. 1870 cc) => l’institution sociétaire prend de l’importance- dans les sociétés de capitaux ne faisant pas APE, la considération de la personne peut prendre del’importance => possibilité d’insérer une clause d’agrément dans les statuts (art. 228-23 du ccom) etles pactes extra statutaires organisent souvent un contrôle de l’actionnariat.

Par ailleurs, certains types sociaux sont hybrides => Cas de la SARL et de la SCA.

Maintien de certains intérêts à la distinction, notamment sur plan fiscal- sociétés de personnes => en principe IR. Principe de transparence fiscale : « les associés sontpersonnellement soumis à l’impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux correspondant àleurs droits dans la société » (art. 8 CGI)- sociétés de capitaux => IS au taux de 33 1/3 %

3) Sociétés à risques limités ou illimités

Cette classification regroupe largement la précédente classification au sens où les sociétés depersonnes sont en principe à risques illimitées et les sociétés de capitaux à risques limités (sauf pourles commandites => varie selon la catégorie d’associés ; la SARL relève de la catégorie des sociétés àrisques limités). Cette classification met l’accent sur l’engagement des associés : répondent-ils des dettes sociales surleur patrimoine personnel ? => Oui si la société est à risques illimités ; non dans l’autre cas.Cette classification reste très utilisée et nous y ferons souvent référence

4) Sociétés faisant ou non APE ou sociétés cotées / non cotées

La très grande majorité des sociétés se finance en réunissant les capitaux de quelques personnes.Beaucoup plus rarement, les épargnants sont sollicités : c’est l’APE

Sociétés faisant ou non APE (ou faisant offre au public)Cette distinction est nouvelle et prend de l’importance Rq : ordonnance 2009/80 du 22/01/2009 réformant l’appel public à l’épargne a supprimé cette notiond’appel public à l’épargne au profit de la notion « d’offre au public », dans le but de rapprocher ledroit français du droit européen (volonté de rendre la place de Paris + attractive)Faire une offre au public signifie recourir à la publicité, au démarchage, à des établissements de créditou à des prestataires de services d’investissement pour placer ses titres.Par mesure de commodité, nous utiliserons cependant l’expression APE.

Conditions particulières à remplir pour pouvoir faire APE : - être une société par actions - conditions de constitution plus rigoureuses car protection des épargnantsJusqu’à il y a peu, il fallait, avoir un capital minimum de 225.000 euros (au lieu de 37.000 euros pour lesSA ne faisant pas APE). Mais ordonnance 2009/80 du 22/01/2009 réformant l’appel public à l’épargne asupprimé cette exigence- différences également quant à l’organisation et au fonctionnement : obligations spéciales ~ publicité,surveillance de l’AMF (autorité des marchés financiers)

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Particularités pénales également : infractions spécifiques et renforcement des pénalités.

* Et au sein même des sociétés faisant APE, autre distinction => sociétés cotées ou non enbourseEn effet, faire APE peut aussi bien signifier faire simplement appel à la publicité financière qu’être admisà la cote d’une bourse de valeur mobilière. => Pour les sociétés cotées, règles encore plus strictes.

Les sociétés faisant APE drainent énormément de capitaux et n’ont plus rien à voir avec la petite SA. Etpourtant, la loi de 1966 les a coulées dans le même moule

Mais tendance croissante à les dissocier, à l’image du droit européen, qui fait de la distinction sociétéscotées / non cotées, une summa divisio. Cela pparaît dans un plan d’action publié en mai 2003. Illustration en France : la loi Breton du 26 juillet 2005 réserve au Conseil d’administration ou au Conseilde surveillance des sociétés cotées l’obligation d’établir un rapport sur les contrôles internes. Il existepar ailleurs une réflexion spécifique sur la rémunération des dirigeants dans les sociétés cotées.

{ Il existe par ailleurs des Les classifications particulières. Elles sont citées pour information car nous

n’en parlerons plus

Certaines sociétés sont créées pour répondre à des besoins spécifiques. Existence de sociétésparticulières par leur statut ou par leur objet

a) Sociétés particulières par leur statut juridique

Ex des coopératives=> les associés sont en même temps - soit des travailleurs au service de la société (coopérative de production)- soit des fournisseurs (coopératives de vente)- soit des clients (coopérative de consommation)Chaque coopérateur n’a qu’une voix, quelle que soit sa part dans le capital social.

Ex des sociétés à participation ouvrièrePermettent aux salariés de participer aux fruits de l’expansion de l’entreprise et de prendre une partdans la gestion. Peu de succès

Ex des sociétés à capital variableLe capital de ces sociétés varie constamment à la hausse (nouveaux versements) ou à la baisse(reprises d’apports)

Ex des sociétés à capital variable : capital varie constamment à la hausse (nouveaux versements) ou à

la baisse (reprises d’apports)

ex des SEM (sociétés d’économie mixte ) :associent une collectivité publique et des capitaux privés

Ex des sociétés nationalisées : SA dont le capital appartient exclusivement à l’Etat. Nb privatisations

entre 86 et 88 et se poursuit actuellement (cg France Telecom)

b) Sociétés particulières par leur objet

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- secteur immobilier => terrain d’élection des sociétés civiles. Sociétés civiles de construction parexemple

- secteur agricole => nb sociétés civiles et coopératives. Ex des GAEC : groupes agricoles d’exploitation en commun . Création de l’EARL (entreprise agricole à responsabilité limitée)en 1985.

- secteur des professions libérales => nombreuses sociétés civiles. 2 grands succès : - la société civile professionnelle (loi29/11/66) responsabilité solidaire et illimitée- la société civile de moyens, proche des GIE. Simple fourniture de moyens à ses membres

Innovation avec la loi du 31/12/90 qui crée la SEL => désormais possibles d’exercer sous la forme d’unesociété commerciale. But : donner aux professions libérales les moyens de lutter contre la concurrence internationale =>permet à des groupements de professionnels de mieux structurer leurs cabinets et d’avoir un statutfiscal plus satisfaisant.

- secteur de la banque et du crédit : ex des SICAV : sociétés d’investissements à capital variable qui ontpour objet la gestion de valeurs mobilières. }

B) L’exercice du choix.

Choix de la forme sociale => fonction des besoins des futurs associés et de leur projet.Les règles qui vont suivre ne sont exposées que succinctement. Elles relèvent du cours de droit spécialdes sociétés.

• nombre d’associés - pluralité exigée sauf EURL et SASU- dans les SA, il faut être au moins 7 {sauf SASU}- dans les SCA, il faut être au moins 4 (1 commandité et 3 commanditaires)- max de 100 dans les SARL alors que 50 auparavant (ord. 25/03/2004)

• responsabilité limitée ou illimitée

• qualité de commerçant ou non des associés - oui pour SNC- variable dans les Sociétés en commandite : seuls les commandités sont commerçants- non pour les SA/SARL…

• capacité limitée à l’objet social ou non (dépend si risques limités ou non)

• capital minimum : la loi fixait un capital minimum pour les sociétés par actions mais de nombreuses évolutions ont eulieu- SA : 37 000 euros (auparavant : 225.000 si APE, mais supprimé par ordonnance du 220/01/2009. V.art. L. 222-4 ccom)- SE : 120 000 euros- SAS : il fallait auparavant 37000 euros mais supprimé par LME du 4 août 2008

pas de K minimum pour - les sociétés à risques illimités - et désormais pour les SARL (libre détermination dans les statuts alors qu’avant loi 1/08/2003

devaient avoir un K min de 7.500 euros). Au moins 1 euro.- et les SAS (depuis LME ; v. supra))

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En principe , liberté de choix entre ces différentes formes. Pour faciliter cette liberté, on a posé un principe de neutralité fiscale mais qui n’est pastoujours effectif.

o neutralité fiscale effectivepas de différence quant au coût de la création de la société car formalité de l’enregistrement désormaisgratuite Idem pour le statut fiscal du dirigeant d’entreprise. La déduction de 10% pour frais professionnels et l’abattement de 20% bénéficient aujourd’hui auxdirigeants d’entreprise, y compris les gérants majoritaires de SARL (loi Madelin de 1994) Par ailleurs, les salariés et les dirigeants sont désormais taxés à l’IR selon un même barème progressifqui comporte 5 tranches (dernière : taux max de 40%)

- neutralité fiscale bafouée : le coût de la transmission de titres sociaux n’est pas toujoursle même, même si la tendance est au rapprochement.

- transmissions de parts sociales d’une société de personnes (SARL, SNC, société civile) => droit de 3 %(au lieu de 5% auparavant ) avec un abattement à la base de 23.000 euros (en dessous, formalitésd’enregistrement gratuite). Cet abattement est déduit en proportion du pourcentage des droits cédés.

ex : Cessions de part pour 40 000 eurosreprésente 30% du K d’une SARLprix de cession : 60 000

Calcul des droits exigibles :Calcul de l’abattement : 23000 (abattement) X 30 % = 6900Calcul de la base imposable : 60000 – 6900 = 53100Application du taux d’imposition : 53100 X 0,03 : 1593 euros

- alors que transmission d’actions => taux de 3% (auparavant 1,10 %) mais le montant des droitsexigibles est plafonné à 5000 euros par mutation (avant = 4.000 euros) régime spécial pour les sociétés à prépondérance immobilière

Autre limite à la liberté de choix : - la forme sociale est quelquefois imposée : les sociétés d’investissement à capital variable et lessociétés de gestion de fonds communs de placement doivent obligatoirement revêtir la forme de SA- le choix est quelquefois limité : ex les sociétés exploitant une officine de pharmacie doivent revêtir laforme de la SNC ou celle de la SARL.

IV : LE DROIT DES SOCIÉTÉS

A) Les sources du droit des sociétés

Diversité des sources essentiellement lois et décrets, souvent issus d’un processus d’harmonisation européenne.

mais développement contemporain des sources administratives avec l’importance des réponsesministérielles et des recommandations de l’AMF pour les sociétés cotées

importance de la JP (œuvre prétorienne : notion de PM, abus de majorité, information desadministrateurs, exclusion….

importance de la doctrine.

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Nous étudierons out d’abord les sources internes puis les sources européennes

1) Les sources internes

a) Les lois, décrets et ordonnances.

1°) avant 1966

* Droit romain : il pratique la société => distinction entre le consortium d’héritiers ou d’amis et lasociété de publicains (véritable société financière)

* Moyen Age en Italie => apparition de la personnalité morale = corpus mysticum et apparition denouvelles formes sociales (sociétés en commandite). La technique sociétaire se développe, sous la double forme de la «commande » (technique encore trèsproche du prêt) et de la compagnie. Par la suite, la diversification s’accentue. Les sociétés de personnesse développent, mais apparaît l’idée d’une société de capitaux

* XVII : apparition de la société par actions => la « compagnie », dont le capital est divisé en « sols »appartenant à des « actionnistes ».A la veille de l’ordonnance de 1673 (Colbert), coexistent :- des sociétés générales (ancêtres de la SNC), - des SA (appelées ainsi car elles avaient un caractère occulte. Il s’agit aujourd’hui des SEP), - des sociétés en commandite - et des compagnies privilégiées, crées sur le modèle de la Compagnie des Indes orientales, quiconstituent les ancêtres de nos SA. Certaines faisaient même appel à l’épargne publique.

* code civil de 1804 et code de commerce 1807 : peu de choses en droit des sociétés- dans le code civil : définition de la société + distinction entre les sociétés générales et les

sociétés particulières + fonctionnement de la société civile- dans le code de commerce : quelques dispositions précisant les différents types de sociétés. Le

code de 1807 organisait succinctement le statut de 3 sociétés commerciales : la société encommandite, la SNC et l’association en participation (actuelle SEP). Les sociétés de capitaux restaient soumises à une autorisation gouvernementale. Rien sur la reconnaissance de la personnalité morale (elle sera l’oeuvre de la JP)La majeure partie de la réglementation se trouvait alors dans des textes non codifiés :

*- loi du 24 juillet 1867 sur les sociétés par actions : elle créé un ensemble cohérent de dispositions. Permet la libre création des sociétés par actions. Elle fut complétée par la loi du 7 mars 1925 sur les SARL. Mais vieillissement des textes : quelques retouches y furent apportées mais une grande réforme étaitattendue : ce sera l’œuvre de la loi du 24 juillet 1966

2°) Loi du 24 juillet 1966, 100 ans jour pour jour après la première loi.

A entièrement rénové le droit des sociétés. Entrée en vigueur le 1er avril 1967. Complétée par le décret du 23 mars 1967. Elle ne fut pas intégrée dans le code civil. On dit qu’il s’agit d’une « Loi du commerce ».

Grandes lignes de la réforme : très pointilliste et dirigiste car intervention marquée de l’Etat dans lessociétés (d’où la théorie institutionnelle)

protection des tiers (très accusé)- limitation du nombre de nullités des sociétés - les clauses statutaires limitant les pouvoirs des dirigeants sont déclarés inopposables aux tiers.

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- personnalité morale à compter de l’immatriculation au RCS et non plus de la signature desstatuts.

protection des associés- développement du droit à l’information- mesures en faveur des minoritaires- accroissement du rôle du CAC (commissaire aux comptes)

aspect pénal accusé : + de 200 qualifications mais essentiellement dans un but préventif (volonté aujourd’hui de réduire les incriminations pénales en droit des affaires)

création d’une nouvelle forme sociale d’inspiration allemande avec une distinction entre leconseil de surveillance et le directoire.

Mais, ainsi que le soulignent Ms Cozian, Viandier et Mme Deboissy, la loi n’est pas un code des sociétés- les règles relatives aux sociétés civiles et les dispositions communes à toutes les sociétés

restent régies par le code civil. L’article 1834 déclare que les dispositions générales du chapitre 1er du titre IX du Livre III sontapplicables « à toutes les sociétés , s’il n’en est disposé autrement par la loi en raison de leur forme oude leur objet ».

- on n’y trouve rien sur les groupes de sociétés…

3°) Les réformes postérieures à 1966.

Du fait notamment de l’influence du droit européen, la loi de 1966 et le décret de 1967 ont fait très vitel’objet de très nombreuses retouches, souvent intégrées dans des DDOEF (lois portant diversesdispositions d’ordre économique et financier). Interventions innombrables et au coup par coup. A noter : le rôle créateur de droit des autorités boursières => déplacement des sources,particulièrement pour le droit des sociétés cotées, très dynamique.

Une réforme a été importante : celle du 4 janvier 1978 qui modifie l’article 1832 du code civil (V.supra : permet à la société la réalisation d’une économie)

Puis lois ponctuelles : - ordonnance du 23 sept. 67 qui créé le GIE. - Autre réforme : ordonnance du 28 septembre 1967 qui crée la COB (devenue AMF). Rôle très importantdans le cadre des sociétés faisant APE. - loi 11/07/85 qui crée l’ EURL. - loi du 3/01/94 créant la SAS => contractualisation du droit des sociétés.

Puis intervinrent des lois de plus grande ampleur :

Pourquoi ?- vieillissement des textes, même si certaines grandes innovations avaient été introduitesprécédemment (notamment loi de 1994 sur la SAS). Volonté d’introduire en France les nouvellestechnologies et de rendre plus de place au contrat. Mouvement de revendication contre l’ordre publicsociétaire- scandales financiers. Crise du marché. Perte de confiance des investisseurs volonté d’instaurerdes contrepouvoirs au sein des sociétés et d’améliorer la transparence. Le concept de gouvernementd’entreprise apparaît.Ce mouvement ne concerne pas uniquement la France car le droit des sociétés est éminemmentperméable. Processus commun avec les Etats Unis (Loi Sarbanes Oxley) et les différents pays d’Europe.

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Réflexion commune sur les principes d’un bon gouvernement des entreprises au sein de l’Unioneuropéenne.

Mais les réformes touchent inégalement les différentes formes sociales. Elles visent surtout les sociétésde capitaux. La SARL est néanmoins concernée et, sur des points marginaux, la société civile.

Quelles sont ces lois ?

- loi NRE (Nouvelles régulations économiques) du 15 mai 2001. Elle réforme en profondeur la SA- réforme parachevée avec loi sécurité financière du 1er août 2003 qui corrige certaines erreurs etinsuffisances de la loi NRE et y apporte certains compléments

- loi initiative économique de la même date (1/08/2003) But : faciliter la création d’entreprises car un constat fut dressé selon lequel la France était peudynamique en ce domaine. Cette loi touche toutes les formes sociales, mais particulièrement la SARL, terrain d’accueil des PME,créatrices d’emplois.L’accent mis sur la transparence.

Ces lois furent suivies de toute une série d’autres lois et de textes plus limités mais néanmoinsimportants :- ordonnance du 25/03/2004 portant simplification du droit des sociétés- ordonnance du 24/06/2004 portant réforme du régime des valeurs mobilières émises par les sociétéscommerciales- loi Breton du 26/07/2005 pour la confiance et la modernisation de l’économie- loi Jacob du 2/08/2005 en faveur des PME- loi du 1er avril 2006 relative aux OPA (acquisition)…- loi « Tepa » du 21/08/2007, qui encadre notamment les rémunérations différées des dirigeants(compléments de retraite et indemnités de départ ou parachutes dorés)

Et à nouveau une loi importante (même si elle n’a peut-être pas la portée de la loi NRE). Il s’agit dela Loi de modernisation de l’économie du 4/08/2008, qui s’efforce une fois encore favoriser lacréation des PME et à faciliter leur fonctionnement. Sont particulièrement visées les SAS et les SARL.

- renforce l’attrait de la SAS (fin du capital minimum ; possibilité d’apports en industrie ; fin del’obligation d’avoir un commissaire aux comptes pour les petites SAS)

- facilite la gestion de l’EURL (proposition de statuts types)- renforce les nouvelles technologies en introduisant la visio-conférence dans les SARL…

Cette loi a été suivie de plusieurs ordonnances (notamment ordonnance du 22 janvier réformant l’APE)et de différents décrets (dont décret n°2009-234 du 25/02/2009)

On trouve également des dispositions intéressant le droit des sociétés dans la loi du 12/05/2009 desimplification et de modernisation du droit (notamment SAS et CAC)Par ailleurs, différents textes encadrant la rémunération des dirigeants dans certaines sociétés ont étéadoptés, notamment les sociétés aidées par l’Etat (décret 30/03/2009 + 20/04/2009)

Ces différentes seront pour l’essentiel d’entre elles étudiées dans le cours de droit spécial des sociétés.

A noter également, pour des réformes plus techniques : _ L’ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre 2000 qui créé un nouveau code de commerce : ellecodifie les grandes lois du commerce, notamment celles applicables aux sociétés commerciales. La loide 1966 est donc intégrée. Les dispositions sur les sociétés appartiennent au Livre deuxième : Des sociétés commerciales et desGIE : art. L. 210-1 à L.252-13Un décret n° 2007-431 du 25 mars 2007 a codifié la partie réglementaire Et une codification de la partie « arrêtés » vient d’avoir lieu

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b) Les autres administratives .

Article très intéressant de B. Oppetit : La décodification du droit commercial français, Mélanges Rodière1981 p. 200. « Le droit des sociétés offre un bon exemple à la fois de cette augmentation quantitativedes règles et aussi de l’intervention croissante d’autorités ou d’organismes qui réglementent,recommandent, invitent, bref qui concourent activement à l’élaboration d’un droit censé découlerformellement d’autres sources ; en effet, outre les innombrables textes d’origine législative ouréglementaire, on ne saurait trop rappeler le rôle essentiel joué désormais en cette matière par cessources d’origine administrative, telles les réponses ministérielles, les notes ou instructions de laDirection générale des Impôts, les lettres du ministre de l’économie et des finances, et, à un degrécroissant, les décisions générales, les recommandations et les instructions de la COB ».

Encore plus vrai aujourd’hui => multiplication de textes d’origine administrative

Réponses ministériellesIl s’agit théoriquement d’un moyen de contrôle parlementaire. Aujourd’hui, il s’agit d’un moyen pour unparlementaire (souvent à la demande d’un électeur) d’obtenir de l’administration une informationintéressant directement l’instigateur de la question. => en théorie aucune valeur juridique. Ces réponses ne lient pas l’administration ni le juge. Il existeplusieurs exemples de décisions de JP étant allé à l’encontre de réponses ministérielles (cf Com 10 mars76 excluant le jeu des clauses d’agrément dans les cessions d’actions, ceci contre une réponseministérielle).Elles ont cependant une influence importante, même pour les juges.Par ailleurs, ces réponses ont valeur juridique en matière fiscale.

circulaires et instructions ministériellesEn principe documents internes à l’administration, mais il existe des circulaires et instructions quicréent de véritables droits et obligations pour les tiers (circulaires réglementaires par opposition auxcirculaires interprétatives).

actes de l’AMF (qui succède à la COB)actes de portée générale ou individuelle

- générale => adoptions de décisions sur toutes les questions d’ordre général concernant lefonctionnement des bourses de valeur+ adoption de règlements concernant le fonctionnement des marchés placés sous son contrôle ouprescrivant des règles de conduite professionnelle pour les personnes faisant APE. => véritable pouvoir réglementaire

- individuelle : existence d’un rescrit : faculté de saisir l’AMF lorsque l’on fait APE notamment :avis demandé de bonne foi sur une question précise. Lorsque donne un avis favorable, évite ensuiteque celle-ci sanctionne ou saisisse l’autorité judiciaire. Mais le rescrit ne s’impose par aux juges et neconstitue pas un fait justificatif en matière pénale.+ nouveaux vecteurs telles que les foires aux questions (Intéressant d’aller un coup d’œil)+ importance des recommandations (V. récemment recommandation du 9/07/2009 sur la rémunérationdes dirigeants des sociétés cotées)

c) La jurisprudence.

Rôle essentiel dans la construction du droit des sociétés.- Complète et précise les textes. - La jurisprudence utilise des textes très généraux pour fonder des solutions importantes => art.

1382 pour l’abus de majorité ou le devoir de loyauté des dirigeants.

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- Existence de solutions purement prétoriennes. Ex de l’arrêt Fruehauf (Cour d'appel de Paris 22mai 1965) relatif à la nomination d’un administrateur provisoire dans l’hypothèse où les organessociaux fonctionnent mais mettent en péril l’intérêt social par leurs décisions;Grand rôle dans la contractualisation actuelle du droit des sociétés.

d) La doctrine

Importance des manuels…Cf biblio. Rôle de critique et de proposition.

2) Les sources et l’influence communautaires.

Biblio : Jeanne Boucoureliev : Les voies de l’Europe des sociétés, JCP éd. E, 1996 I n° 560 ; Jurisclass.droit ctaire; Y. Guyon, La coordination communautaire du droit français des sociétés, R.T.D.E. 1990/2 ,Dictionnaire permanent de droit européen des affaires, éditions législatives Dalloz, rubrique sociétés…

Important : prendre l’habitude de visiter le site europaOnglet activitéPuis marché intérieurPuis les entreprises au sein du marché intérieurPuis Droit des sociétés

En sus des efforts réalisés par la CJCE (devenue CJUE) pour faciliter la libre circulation des sociétés dansl’espace européen , de gros efforts ont été réalisés en droit européen concernant la coordination deslégislations des Etats membres. Et pourtant, le droit européen des sociétés est encore balbutiant.L’article 54 TFUE (ex art. 48 TCE) pose le principe de la liberté d’établissement des personnes morales.Les sociétés peuvent donc se faire librement concurrence.

Trois voies pour le droit européen des sociétés :- créer des institutions sociétaires de droit européen- poser un principe de reconnaissance mutuelle- harmoniser les droits

a) La voie idéale : créer une véritable société supra nationale de droit européen Société régie par une législation communautaire

Un exemple de structure transnationale : le GEIE, institué par un règlement communautaire du 25juillet 1985 => permet la coopération entre les entreprises membres de l’Union européenne. Mais l’objet du GEIE est limité = permettre la mise en commun de moyens sans faire disparaîtrel’indépendance des diverses entreprises nationales qui le composent.

Autre exemple : la société européenne (SE)Beaucoup souhaitaient une société européenne plus ambitieuse. C’est chose faite Le projet existe depuis 1970 mais il était impossible d’aboutir à un consensus, notamment sur la placedes salariés dans cette société.Finalement, un accord politique a eu lieu lors du congrès de Nice de décembre 2000. Deux textes ontété adoptés- un règlement relatif au statut de la SE (societas europaea) adopté le 8/10/2001- une directive sur la place des travailleurs dans la société du même jourLes Etats avaient trois ans pour transposer la directive. Transposition effectuée en France par loi Bretondu 26/07/2005, complété par décret du 14/04/2006Etude sera faite dans le cadre du cours de droits spécial.

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Un rapport a été déposé le 30 mars 2007 sur la SE : succès moyen. Seules 18 SE ont été créées enFrance.

Quelques caractéristiques : - société de droit indépendant des différents droits nationaux. Mais il est prévu qu’en cas de silence durèglement, le droit national du pays du siège est applicable. - création de la SE : par fusion, par création d’une société holding, par constitution d’une filialecommune à ≠ conditions. - SE de type SA, présentant un caractère commercial quel que soit son objet et doté de la personnalitéjuridique. Capital minimum de 100 000 euros. - gestion : choix entre un système moniste et un système dualiste (avec un organe de gestion et unorgane de surveillance). - la SE devra choisir entre trois formes de participation des salariés : soit dans le conseild'administration (ou dans le conseil de surveillance si dualiste) ; soit création d’un organe spécifiquereprésentant du personnel ; soit participation organisée par un accord collectif négocié entre ladirection des sociétés fondatrices et les représentants du personnel.Le statut actuel reste assez rigide.

Réflexion actuelle pour créer un statut de société privé européenne => Proposition de règlementdu Conseil du 25 juin 2008 concernant le statut de la société privée européenne.Vise à proposer un mode de création simplifié pour les PME

Autre exemple encore : la société coopérative européenneRèglement (CE) n° 1435/2003 du Conseil du 22 juillet 2003 relatif au statut de la société coopérativeeuropéenne (SEC)Complété par directive 2003/72 du 22/07/2003 relative à l’implication des travailleursOn parle d’une « volonté de doter les coopératives, entités reconnues dans tous les États membres,dont les activités transnationales se développaient, d'un instrument juridique adapté à leurs besoinsface au double constat (i) de l'existence de nombreuses difficultés d'ordre juridique ou administratifauxquelles se heurtent les relations transfrontalières entre coopératives et (ii) de la nécessitéd'instaurer une forme juridique européenne fondée sur des principes communs pour tous les Étatsmembres permettant aux coopératives d'opérer au-delà de leurs frontières nationales sur tout ou partiedu territoire européen » (Catherine Cathiard, JCP E janv. 2009)Transposition en France : la loi n° 2008-89 du 30 janvier 2008 complétée par la loi n° 2008-649 du 3juillet 2008 a introduit dans le droit français le statut de la société coopérative européenne

b) Deuxième voie : la reconnaissance mutuelle des sociétés

Existence d’une convention signée à Bruxelles en date du 29 février 1968 , ratifiée en France en 1969(loi du 20/12/69) => reconnaissance de plein droit des sociétés civiles, commerciales, ou coopérativesconstituées en conformité avec la loi d’un Etat contractant (proche de la théorie de l’incorporation) quileur accorde la capacité d’être titulaire de droits et d’obligations et ayant leur siège dans laCommunauté. Problème : convention non ratifiée par les Pays Bas et l’adhésion de la GB à la Communauté n’a fait quecristalliser les divergences => convention inapplicable. Renégociation incertaine D’une façon générale,échec de la voie conventionnelle.

c) Troisième voie : la coordination

Succès de la coordination => adoption de nombreux règlements et surtout directives, qui ontlargement influencé le droit français => réformes successives. rappel : ne constituent du droit positif national qu’après transposition par un texte législatif.Problème : retards fréquents des EM => la JP de la CJCE a atténué ce principe (cf. interprétationconforme et responsabilité des Etats)

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Fastidieux de citer toutes les directives.On peut les classer

• • directives intéressant directement le droit des sociétésdirectives intéressant directement le droit des sociétés

- la 1ère est importante : directive du 9 mars 1968 ~ sociétés par actions et SARL. La directivevise à coordonner les règles relatives à la publicité, au pouvoir de représentation des organes et à lanullité des sociétés de capitaux.=> ordonnance de 1969

- 2ème directive 77/91 (13 décembre 76) relative constitution de la société anonyme ainsique le maintien et les modifications de son capital, modifiée par la directive 2006/68 du6/09/2008 (dans le cadre d’un plan plus général de modernisation du droit communautaire dessociétés) : Cette deuxième directive relative au droit des sociétés coordonne les dispositions nationalesrégissant la constitution des sociétés anonymes, les exigences minimales en capitaux propres, lesdistributions aux actionnaires et les augmentations et réductions de capital. Elle fixe les conditionsnécessaires pour garantir le maintien du capital dans l'intérêt des créanciers. De plus, elle assure laprotection des actionnaires minoritaires et formule le principe selon lequel tous les actionnaires dansune situation identique doivent être traités sur un pied d'égalité => loi 21/12/81Directive modifiée par une directive n°2009/109 du 16 sept.20 09Un projet de loi a été déposé le 22 septembre 2010 pour transposer des directives européennes, dontcette dernière.

- 3ème (9/10/1978) : protection des intérêts des actionnaires et des tiers à l’occasion desfusions : Cette directive a pour objectif de régler les fusions entre sociétés anonymes dépendant d'unmême État membre => loi 5/01/88Directive modifiée par une autre numérotée 2009/109/CE du 16 sept. 2009Un projet de loi a été déposé le 22 septembre 2010 pour transposer des directives européennes, dontcette dernière.

- 6ème : 17/12/1982) ~scissions de SA : Cette directive a pour objectif de régler les scissions entresociétés anonymes dépendant d'un même État membre - Réflexions en cours => loi 5/01/88

- 12ème (21 déc. 1989) ~SARL à un seul associé : Cette directive a pour objectif de créer uninstrument juridique permettant la limitation de la responsabilité de l'entrepreneur individuel à traverstoute la Communauté. Cette D a été modifiée à plusieurs reprises de façon substantielle. Elle a été abrogée et remplacée parla directive 2009/101 CE du 16 sept. 2009. Un projet de loi a été déposé le 22 septembre 2010 pourtransposer des directives européennes, dont cette dernière.

Depuis, fin de la numérotation

- Directive du 21/04/2004 sur les OPA : L'Union européenne souhaite offrir aux entrepriseseuropéennes une plus grande sécurité juridique face aux offres publiques d'acquisition (OPA) tout enprotégeant les intérêts des actionnaires (et notamment des actionnaires minoritaires), des salariés etde toute autre partie intéressée. Par voie de directive, elle instaure des règles transparentes,communes à toute l'Union européenne, en matière d'OPA transfrontières, et ce au bénéfice de toutesles parties concernées. Elle renforce par exemple les règles d'information des actionnaires sur les offresproposées (période d'acceptation, contrepartie, financement de l'offre…). Elle favorise également larestructuration des entreprises, de manière à contribuer à rendre le marché européen plus compétitif(source : la Commission)

- Directive 2007/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007concernant l'exercice de certains droits des actionnaires de sociétés cotées.

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La directive fixe des normes d'exigence minimale afin de faciliter l'exercice des droits des actionnairesdans les assemblées générales des sociétés cotées, notamment sur une base transfrontalière. Elle viseégalement à prendre en compte les possibilités que représentent les technologies modernes (voteélectronique).La directive s'applique à toutes les sociétés ayant leur siège social dans un État membre de l'Unioneuropéenne et dont les actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé(source : la Commission)

directives présentant des aspects transnationauxdirectives présentant des aspects transnationaux

- 11ème (21/12/89) : formalités de pub pour les sociétés qui créent une succursale dans unautre EM : Cette directive a pour objectif d'établir des règles concernant les obligations d'informationdans un État membre incombant aux succursales de sociétés régies par la législation d'un autre État,afin d'assurer un niveau de protection équivalent aux actionnaires et aux tiers => décret 16/06/92

- Directive du 26/10/2005 relative à la fusion transfrontalières des sociétés de capitaux = >Les mesures envisagées par cette directive visent à réduire le coût des fusions transfrontalières et à engarantir la sécurité juridique. La législation de l'État membre dont relève la société issue de la fusiontransfrontalière détermine la date à laquelle la fusion prend effet, ainsi que les modalités de la publicitéde la fusion dans le registre public ((source : la Commission)Selon T. Mastrullo, il s’agit « d’un texte important qui rend possible les fusions internationales desociétés au sein de l’Union européenne et facilite la réorganisation, la restructuration et la mobilité desgroupes à l’échelle communautaire » (in La transposition en droit français de la directive sur les fusionstransfrontalières, Europe août 2009n chronique 8) . La loi n° 2008-649 du 3 juillet 2008 portant diverses dispositions d'adaptation du droit des sociétés audroit communautaire, principalement consacrée aux fusions transfrontalières, a transposé cettedirective. Complétée par décret du 5/01/2009. Cette loi vise les SA, les SCA, les SCA, les SEimmatriculées en France, les SARL et les SAS (sans exclure les formes unipersonnelles). Elle exclut enrevanche les sociétés de personnes.

- Et actuellement à l’étude : une directive sur les transferts internationaux de siègessociaux (14ème directive)

• directives posant des règles comptables• directives posant des règles comptables

- 4ème (25/07/78) : comptes annuels, rapport de gestion, publicité des documents => loi30/04/83- 7ème (13/06/83) : ~comptes consolidés => loi 3/01/85- 8ème (10/04/84) ~contrôle légal des documents comptables => décret 4/01/93- Règlement 1606/2002/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 juillet 2002, sur l'applicationdes normes comptables internationales.- Directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil, du 17 mai 2006, concernant lescontrôles légaux des comptes annuels et des comptes consolidés et modifiant les directives 78/660/CEEet 83/349/CEE du Conseil, et abrogeant la directive 84/253/CEE du Conseil [Journal officiel L 157 du09.06.2006]. La 8e directive « droit des sociétés » vise à renforcer et à harmoniser la fonction decontrôle légal dans les États membres de l'Union européenne (UE). Elle clarifie les missions descontrôleurs légaux et fixe des principes éthiques afin de garantir l'objectivité et l'indépendance descontrôleurs.…. + nb directives adoptées dans le domaine des valeurs mobilières et les marchés. + nb directives adoptées dans le domaine des valeurs mobilières et les marchésréglementés.réglementés.Normal car les sociétés, les SA notamment, ont vocation à s’adresser à l’épargne publique. . Activitétransfrontalière par nature => vers la coordination des règles applicables aux marchés.

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Certains projets en cours sont d’importance. C’est le cas notamment de celle s relative à la structuredes SA, aux pouvoirs et aux obligations de leurs organes (5ème) ou de celle relative aux OPA/OPE (projetde 13ème), ou aux groupes de sociétés.

Les dispositions des directives sont généralement considérées comme posant des règles minima.Problème car les Etats membres adoptent des mesures de transposition plus sévères, ce qui nuit àl’objectif d’harmonisation => aujourd’hui le Conseil de l’Union européenne tend à adopter desdispositions considérées comme des dispositions maximales.L’introduction des directives dans les ordres juridiques internes fait l’objet de contrôle de la part de laCommission, mais cela n’empêche pas les Etats de ne pas respecter les délais de transposition. Méthode de transposition retenue en France : consiste essentiellement à modifier la loi du 24 juillet1966 et son décret d’application (désormais codifiés). France globalement à jour.

Conclusion : notre droit des sociétés est largement européanisé.

B) Les orientations actuelles du droit des sociétés

Elles seront juste évoquées

Volonté de favoriser la création d’entreprises par le biais d’une simplification desdémarches à accomplir (allègement des formalités) et d’une dépénalisation des infractions. + suppression du capital minimum (SARL / SAS) et réduction du capital minimum pour les sociétésfaisant APE

Volonté de favoriser la mobilité des sociétés

Tendance à la contractualisation du droit des sociétésApparu clairement avec la création de la SAS et les différentes réformes qui se sont succédéesDéveloppement des droits des associésDéveloppement des pactes d’actionnaires

Volonté d’améliorer le gouvernement des entreprisesSouci à la fois national, européen et internationalIdée de gouvernement d’entreprises, inspirée des pays anglo-saxons. Cette idée est partie du constat des abus des grands chefs d’entreprise (rémunérations pharaoniques).La société est perçue comme un « bateau ivre » volonté de revenir à plus de loyauté, d’intégrité et de transparence encadrement de l’exercice du pouvoir ; meilleure répartition des pouvoirs de surveillance ;introduction du whistleblowing (mécanisme d’alerte interne mis à la disposition des salariés) développement des droits des actionnaires ; transparence de l’information (notamment sur rémunération); développement des comités indépendants début d’encadrement de la rémunération des dirigeants sociaux

Volonté d’associer davantage les salariés

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Première PARTIE :

CONSTITUTION DE LA SOCIETE

La société naît d’un contrat (avec les remarques précédemment formulées) et ce contrat présente cetteparticularité de lui-même faire naître une personne juridique, à condition de respecter la formalité quiconsiste à immatriculer la société au registre du commerce et des sociétés 5RCS). Il nous faudra doncétudier de façon distincte le contrat de société, qui prend le nom de statuts, et la personnalité moralede celle-ci, étant précisé que certaines sociétés ne sont jamais immatriculées et ne sont donc pasdotées de la personnalité morale.

Nous étudierons tour à tout- Le contrat de société- La personnalité morale des sociétés

TITRE I : LE CONTRAT DE SOCIETE

Rappel de l’article 1832 du code civil : « La société est instituée par deux ou plusieurs personnes quiconviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue departager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter »Puis l’article énonce : « elle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l’acte de volontéd’une seule personne »

On voit ainsi que la société est instituée par des « personnes » : personnes physiques ou personnesmorales (groupe de sociétés).L’associé personne physique peut être (Vidal) « majeur, capable et célibataire ; il peut aussi, selon lescas, être mineur, majeur incapable, indivisaire, nu propriétaire, usufruitier (on relativisera), mariécommun en bien, marié dans les termes d’un contrat de mariage, concubin, contractant à un PACS ».

Toutes ces personnes peuvent être associées d’une société.

La société peut être instituée- soit par un contrat- soit par un acte unilatéralLa notion d’acte unilatéral a fait une entrée remarquée en droit des sociétés en 1985. Par une simpledéclaration unilatérale, exprimée dans les statuts, l’associé unique peut décider de constituer unesociété qui va acquérir la personnalité juridique par l’immatriculation au RCS.

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Définition ici de l’acte unilatéral (Hallouin) : l’acte unilatéral « manifeste l’adhésion de l’associé uniqueà un statut légal organisant la personne morale ».

Qu’il y ait contrat ou acte unilatéral à la base de la société, la doctrine s’accorde à considérer que lerégime du contrat doit s’appliquer, avec quelques aménagements dans l’hypothèse d’une sociétéunipersonnelle.

Globalement, la société, pour être valable, devra donc respecter des conditions de fond (section 1).Nous étudierons ensuite les formalités qu’il convient de respecter pour sa constitution (section 2), avantd’étudier les sanctions des éventuelles irrégularités commises ou existantes (sections 3).

Chap 1 : Les conditions de validité contrat de sociétéChapitre 2 : Les formalités de constitutionChapitre 3 : Les sanctions des irrégularités de constitution

CHAPITRE I :

LES CONDITIONS DE VALIDITÉ DU CONTRAT DE SOCIÉTÉ

En tant que contrat, la société doit respecter les conditions de validité qui sont celles de tous lescontrats (art. 1110 du code civil). Il faudra y ajouter les conditions spécifiques au contrat de société,issues notamment de l’article 1832 du code civil.

SECTION I : LES CONDITIONS DE VALIDITÉ COMMUNES À TOUS LES CONTRATS

La société a été conçue par les rédacteurs du code civil comme une forme particulière de contrat, etl’on s’accorde encore à la considérer ainsi à sa constitution => les principes fondamentaux du droit desobligations lui sont applicables.

Il faut noter que, en sus de l’article 1832 du code civil, de nombreuses dispositions du droit des sociétésfont allusion au droit des contrats 1842 al 2 du code civil : « jusqu’à l’immatriculation, les rapports entre associés sont régis par lecontrat de société et par les principes généraux du droit applicables aux contrats et aux obligations » art. L. 235-1 du code de commerce : « La nullité d’une société ou d’un acte modifiant les statutsne peut résulter que d’une disposition expresse du présent livre ou des lois qui régissent la nullité descontrats »

La volonté est donc prééminente et nous allons reprendre, appliqués à la société, les conditions devalidité du contrat énoncés à l’article 1110 du code civil, à savoir l’exigence d’un consentement, d’unecapacité, d’un objet et d’une cause licite.

§1) LE CONSENTEMENT

- exister, qu’il soit donné par l’associé directement ou par un mandataire, - être sincère - et ne pas être vicié.

L’absence totale de consentement à l’acte est une hypothèse qui ne se rencontre pas. Il arrive enrevanche que le consentement ne soit pas sincère, au sens où il est simulé, ou qu’il soit entaché d’unvice.

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A) Le consentement sincère (non simulé)

Trois formes de simulation sont possibles

1) Simulation portant sur l’existence même du contrat (la société fictive)

On dit alors que l’acte de société est fictif, au sens où les prétendus associés n’ont jamais vouluconclure un contrat. La société n’est qu’une façade, qui masque quelquefois les agissements d’uneseule personne.

a) Définition et intérêt

Il y a société fictive lorsque l’échange de volontés correspondant aux caractères du contrat de sociétéfait défaut. En général, la société ne sera composée que d’un seul associé, les autres n’étant que des prêtes noms.

L’intérêt de déclarer une société fictive apparaît surtout (mais non exclusivement) en cas de procédurecollective contre la société => la reconnaissance du caractère fictif permet par exemple, lorsqu’il y acessation de paiement, d’agir contre le maître de l’affaire et de le déclarer lui-même en état decessation de paiement ou en liquidation.

b) Preuve

La fictivité se prouve par un faisceau d’indices concordants: - pas de vie sociale (pas de réunion d’assemblées, pas de comptabilité…)- pas de pluralité d’associés => invraisemblance de la qualité d’associé pour certains (ex :mineurs émancipés de la même famille que le maître de l’affaire et n’ayant aucun intérêt pour lesaffaires sociales- pas d’autonomie patrimoniale …

Mais des liens de famille entre les associés ne suffisent pas à établir la fictivité, de même que ne suffitpas le fait qu’un associé soit largement prépondérant, dès lors que « le rituel social estscrupuleusement respect » (Viandier).

c) Illustrations et problèmes particuliers

Il existe de nombreux exemples jurisprudentiels de fictivité : - société fictive créée pour obtenir des primes au nom de la création d’entreprise (Crim. 21 oct.91). , - société fictive pour se soustraire à l’action des créanciers, notamment du fisc (com 2 juin 87) ;

Un arrêt récent du 9 juin 2009 de la chambre commerciale (n° 07-20.937, inédit) illustre l’hypothèsed’une société constituée avec un associé de complaisance en fraude des droits des créanciers de l’autreassocié. Une société civile immobilière (SCI) avait été constituée entre deux associés - dont l'un détenait 5 500parts et l'autre une part symbolique - en vue d'acquérir une villa. Estimant que la SCI n'était qu'unesociété écran créée dans le but d'organiser l'insolvabilité du principal associé, un créancier de celui-ciavait demandé en justice l'annulation de la société pour fictivité. Les juges ont fait droit à sa demandepour les raisons suivantesIl a été fait droit à sa demande pour les raisons suivantes :- aucun procès-verbal d'assemblée générale ou autre document attestant du fonctionnement de la SCIn'avaient été produits ;-l'assemblée générale n'avait jamais été convoquée, l'associé majoritaire n'ayant pas estimé utile deremplir ses fonctions de gérant ;

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- aucun des éléments constitutifs de la société, apport, participation aux bénéfices et aux pertes etaffectio societatis n'étaient réunis.

Un autre arrêt récent a été remarqué : Cass. Com. 15 mai 2007, Saunier (n°06-14.262, FP+B). Il retient la fictivité d’une société de portefeuille. Une femme âgée de 70 ans avait constitué une société civile avec ses deux enfants. Cette société avaitpour objet la propriété et la gestion d’un portefeuille de valeurs mobilières. La femme avait apporté à lasociété la nue-propriéte de 7765 obligations assimilables du Trésor. Les deux enfants avaient chacunapporté 120 francs en numéraire. Le capital a été divisé en parts sociales et les parts ont été attribuéesà chacun en proportion des apports. Mais la femme a ensuite fait donation de ses parts (évaluées à près de 6 millions de francs) à ses deuxenfants, chacun pour moitié. Le fisc considère que cette opération dissimule une donation indirecte de la nue-propriété des titres auxdeux enfants afin d’éviter l’application d’un barème prévue à l’article 762 CGI (avec réserve d’usufruit).S’en suit un redressement fiscal.

Et cour de cassation va suivre l’analyse du fisc en considérant que société est bien fictive. Il y a fictivitécar :1°) défaut de fonctionnement de la société : on ne constate pas d’acte de gestion relatif à l’achatou la vente de valeurs Ce point est contesté par un commentateur (R. Mortier). Pour lui, le portefeuille était défensif et il étaitdonc normal de ne rien faire dessus ; cela ne veut pas dire que la société ne fonctionne pas.Normalement, le défaut d’activité s’entend du défaut de rituel social (assemblées générales…) maisnon de l’absence d’activité économique réelle car cela condamnerait toutes les sociétés en sommeil)

2°) pas d’apports réels des deux enfants et pas d’autonomie financière réelle de la société Ici encore, commentaire critique et le commentateur précité cite Alain Viandier : s’il fallait annuler pourfictivité toutes les sociétés qui sont détenues à 99,99 % par un seul associé, il y aurait foisond’annulations. Par ailleurs, l’autonomie financière n’est pas un critère du contrat de société

3°) pas de véritable intention de s’associer car la mère entendait garder la haute main sur lagestion des titres Ici encore, critique : la situation est normale car la mère a gardé l’usufruit.

La solution de la Cour de cassation pourrait condamner les sociétés de portefeuille de cetype. Pourtant, un précédent arrêt de la Cour de cassation avait considéré (arrêt Botherel 3/10/2006)que ce type de montage ne présentait pas une finalité exclusivement fiscale car elle permettaitd’assurer un partage équitable en lots équivalents, et donc pas de fictivité).

Il s’agit donc d’un arrêt critiqué.

Et pourtant, la chambre commerciale de la Cour de cassation a renouvelé sa conception extensive de lafictivité. Dans un arrêt du 13 janvier 2009, F-D, n° 07-20.097, F-D, de WurstembergerEst fictive au sens de l'article 1382 du Code civil, la SCI constituée au moyen d'un apport en nue-propriété avant donation des droits sociaux correspondant dès lors qu'elle n'a pour objet, ni larecherche de profits, ni la réalisation d'économies.

Arrêt in extenso :

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 15 juin 2007), que, paracte du 12 novembre 1997, MM. de Wurstemberger et Rey ont constitué laSCI Sea View (la SCI), en faisant respectivement apport à cette dernière dela nue-propriété d'un immeuble sis à Nice et d'une somme de 1 524 euros ;que, le 18 février 1998, M. de Wurstemberger a fait donation à M. Rey del'essentiel des parts qu'il détenait dans la SCI ; que l'administration fiscale,considérant que l'apport à la SCI de la nue-propriété de l'immeuble et ladonation de la quasi totalité des parts représentatives de cet apport

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dissimulait en réalité une donation de la propriété des immeubles enéludant l'application du barème légal prévu par l'article 762 du Codegénéral des impôts, a, le 2 juin 1999, notifié à M. de Wurstemberger unredressement fondé sur l'abus de droit ; qu'après le rejet de sa demande,ce dernier a assigné le directeur des services fiscaux aux fins d'obtenir ledégrèvement des impositions et pénalités mises en recouvrement ; que sademande a été rejetée ;

Attendu que M. de Wurstemberger fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué,alors, selon le moyen :

1°/ qu'une société civile immobilière de gestion qui détient la nue-propriétéd'immeubles présente une vocation purement patrimoniale, celle dedétenir et de gérer la nue-propriété destinée à se muer en pleine propriétéau décès de l'usufruitier ; que ce type de société est dépourvu de besoinspropres et ses frais généraux sont réduits ; que, par ailleurs, l'article 1832du Code civil qui définit la société ne prévoit pas qu'une société doit êtreautonome financièrement ; qu'en l'espèce, en déduisant la fictivité d'unetelle société du défaut de vocation des associés à partager les bénéfices,ou à réaliser des économies et de sa faible autonomie financière, la courd'appel s'est prononcée par des motifs inopérants, privant ainsi sa décisionde base légale au regard des articles 1832 du Code civil et L. 64 du livredes procédures fiscales ;

2°/ qu'il résulte du principe de liberté contractuelle prévu par l'article 1134du Code civil et des limites à ce principe énoncées par l'article L. 64 du livredes procédures fiscales, que lorsque le contribuable a le choix entre deuxsolutions juridiques pour répondre à des préoccupations non exclusivementfiscales, celui-ci n'est pas tenu d'opter fiscalement pour la voie la plusonéreuse ; qu'en l'espèce, en admettant que la constitution de la SCI SeaView, suivie de la donation des titres reçus en contrepartie répondaiteffectivement à un objectif de sécurité juridique et était donc motivée parun but non exclusivement fiscal, tout en concluant à l'abus de droit aumotif que cet objectif pouvait être atteint par une voie plus onéreuse, àsavoir la donation directe de la nue-propriété des immeubles litigieuxaccompagnée de la conclusion d'une convention relative à l'exercice desdroits indivis, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de sespropres constatations, a violé les principes susvisés ;

Mais attendu que l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que la SCIn'avait pour objet, ni la recherche de profits, ni la réalisationd'économies, dès lors que les grosses réparations restaient à lacharge du nu-propriétaire ; qu'il constate que son actif étaituniquement composé d'un actif en nue-propriété, et qu'elle nedisposait d'aucun moyen financier pour assurer la gestion de sonpatrimoine, l'apport en numéraire de M. Rey étant insuffisant pour luipermettre de remplir son objet social et de fonctionner réellement ; qu'ilretient que sa création, par un apport de la nue-propriété des biensimmobiliers, suivie, à peu de temps d'intervalle, de la donation de lamajorité des parts de M. de Wurstemberger à M. Rey, dissimulait unedonation indirecte afin d'éluder l'application du barème de l'article 762du Code général des impôts ; qu'en l'état de ces constatations eténonciations, desquelles il résulte que la SCI était fictive, et abstractionfaite du motif surabondant critiqué par la seconde branche, la cour d'appela légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que le moyen, pris en sa troisième branche, ne serait pas denature à permettre l'admission du pourvoi ;

Par ces motifs :

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Rejette le pourvoi ; (...).

Ici encore, les commentaires ont été plutôt critiques.

Ex : présentation au BRDA 20/02/2009 : « La Cour de cassation a déjà jugé que l'absence d'autonomiefinancière de la société et la faible proportion des fonds apportés par rapport à la valeur de l'apport ennature constituent des critères de fictivité ( Cass. com. 15-5-2007 n° 06-14.262 : BRDA 13/07 inf. 4).Ces critères ne nous paraissent pas pertinents car les sociétés de patrimoine « passives », commecelle de l'espèce ci-dessus, peuvent remplir leur objet en ayant recours au crédit. Au demeurant, on neretrouve pas en l'espèce les critères habituels de fictivité retenus par les tribunaux : inexistence desapports, défaut de tenue des assemblées générales, absence de comptabilité, etc.Lorsque la fictivité de la société n'est pas établie, l'apport de la nue-propriété d'un bien immobilierfamilial suivi d'une donation de parts à un successible n'est considérée comme un abus de droit quesi l'opération a été dictée par la volonté exclusive des parties d'éluder ou d'atténuer le paiement del'impôt. Relevons à cet égard que la Cour de cassation a écarté à plusieurs reprises cette qualificationau motif que l'opération permettait d'assurer la cohésion du patrimoine en évitant les inconvénientsd'une indivision successorale sur le bien ( Cass. com. 26-3-2008 n° 06-21.944 : RJDA 7/08 n° 799 ; Cass.com. 23-9-2008 n° 07-15.210 : RJDA 12/08 n° 1260 ; Cass. com. 4-11-2008 n° 07-19.870 : RJDA 1/09 n°26) ».

d) Quelle sanction pour la fictivité ?

Lorsque la société est fictive, il y a souvent un vice apparent : absence d’apports, d’affectio societatis

Hésitation entre deux sanctions : la nullité et l’inexistence

L’enjeu est réel en raison de la différence de régime entre ces deux sanctions :

nullité : en droit des sociétés, la nullité :- n’est pas rétroactive - obéit à une prescription triennale (art. 1844-14 cc : Les actions en nullité de la société (…)

se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue. Rq : la loi du 17juin 2008 n’a pas modifié cette prescription spéciale).;

- est inopposable aux tiers de bonne foi…

inexistence : - sanction rétroactive puisque la société est supposée n’avoir jamais existé ; - pas de prescription

Solution : Selon Cour de cassation : une société fictive est une société nulle, et non inexistanteCom 16 juin 1992 (Lumale)Un arrêt de la ch comm du 22 juin 1999 a par ailleurs précisé (mais application du droit commun dessociétés) que la nullité d’une société fictive n’est pas rétroactive

Cette sanction peut poser difficultés au regard du droit européen. Nous avons fait allusion dansl’introduction à la première directive en droit des société, qui traite notamment des cas de nullitédans les SA et des SARL. Or, cette directive prévoit des causes précises de nullité pour la société, et dans un arrêt Marleasingdu 13/11/1990, sur lequel nous reviendrons, la CJCE, interrogée à titre préjudiciel par le juge espagnol,a posé que ces cas de nullité étaient limitatifs. Or, la fictivité ne fait pas partie des cas de nullitémentionnés dans la directive. Certes, le champ de la directive est circonscrit aux SA et SARL, mais un problème se pose tout demême.

Certaines juridictions de fond en ont tiré toutes les conséquences.

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Ex : Cour d'appel de Paris 21 septembre 2001 qui a considéré que le juge national est tenud’interpréter le droit national à la lumière du texte et de la finalité de la directive, en vue d’empêcher ladéclaration de nullité d’une SA pour une cause autre que celles énumérées à son article 11. Elle a considéré que l’article 235-1 C. com, en ce qu’il se réfère au droit commun des contrats, n’est pascompatible avec les dispositions de l’article 11 de la directive qui énumère de façon limitative lescauses de nullité de la société. La Cour d’appel de Paris en a déduit qu’il ne pouvait y avoir nullité pourfictivité des apports.

La Cour de cassation semble vouloir éviter de se prononcer depuis.

Ex : arrêt du 19/02/2002 : Attendu que M. Frank reproche encore à l'arrêt d'avoir décidé que la sociétéGPI était fictive et d'avoir en conséquence " ouvert " la procédure de liquidation judiciaire de la sociétéGPI à son égard, alors, selon le moyen, que le juge national qui est saisi d'un litige dans une matièreentrant dans le domaine d'application de la directive n° 68/151/CEE du Conseil du 9 mars 1968 est tenud'interpréter son droit national à la lumière du texte et de la finalité de cette directive en vued'empêcher la déclaration de nullité d'une société pour une cause autre que celles énumérées à sonarticle 11 ; qu'il est donc interdit au juge français de prononcer la nullité d'une société pour défautd'affectio societatis qui ne figure pas dans la liste des motifs qui sont limitativement énumérés àl'article 11 de ladite directive ; qu'en décidant que M. Frank ne pouvait pas se prévaloir de la directiven° 38/151 devant elle, la cour d'appel a violé l'article 189, alinéa 3, du Traité instituant lesCommunautés européennes ; Mais attendu que la cour d'appel, qui n'était pas saisie d'une demande de nullité de la société GPI, aseulement constaté la fictivité de celle-ci et décidé, dans l'intérêt des tiers, d'étendre à M. Frank laprocédure collective précédemment ouverte ; que le moyen n'est pas fondé »

2) Simulation pourtant sur la nature du contrat

Le contrat de société (acte apparent) dissimule une autre convention secrète qui correspond à laréelle intention des parties - en réalité, il s’agit d’un contrat de prêt mais dissimulé car volonté d’échapper à la loi sur l’usure- en réalité, il s’agit d’un contrat de travail mais dissimulé car volonté de se soustraire aux lois socialesou à problème lié à la nationalité d’un salarié- en réalité, il s’agit d’un contrat de vente mais mais dissimulé car fiscalité lourde attachée à ce contrat- en réalité, il s’agit d’une donation mais les parties se trouvent confrontées aux règles protégeant laréserve héréditaire.

Sanction : ce n’est pas nécessairement la nullité car la simulation n’est une cause de nullité en droitfrançais (en raison du principe de l’autonomie de la volonté). Entre les parties, c’est l’acte secret qui prévaut. Mais encore faut-il que cet acte réel nesoit pas affecté d’une cause de nullité, tirée par exemple de l’illicéité de son objet ou de sa cause. Par ailleurs, il faut que la partie à l’acte de société apparent qui invoque un acte réel puisse prouvercelui-ci.

Quant aux tiers, ils ont une option => se prévaloir de l’un ou l’autre acte. Si plusieurs tiers ont des intérêts divergents, la solution est nuancée. Alors que le droit commun de lasimulation donne dans ce cas préférence à l’acte apparent, la jurisprudence commerciale fait du « caspar cas », en appréciant, dans chaque espèce, les mérites respectifs des tiers en présence.Un conflit peut apparaître entre des créanciers sociaux et créanciers personnels.

3) Simulation portant sur la personne de l’associé

Hypothèse : celui qui se présente comme associé n’est en fait qu’un prête nom

L’apport est effectif, mais il est réalisé par un apporteur apparent, pour le compte d’un mandant, qui,pour des raisons diverses, préfère garder l’anonymat.

Cette opération est reconnue licite en doctrine et en JP, sauf si elle a pour objet de frauder la loi.

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Remarque : le prête–nom n’a pas la qualité d’associé. C’est le mandant qui est le véritable associé carc’est lui l’apporteur. C’est donc dans la personne du mandant que doivent s’apprécier les conditionsexigées pour la validité d’une société (capacité, apports, affectio societatis…). Le nombre minimumd’associés doit être déterminé en fonction du nombre de mandants (et non en fonction du nombre deprête noms).

Problème : toutes ces règles ne valent qu’une fois découverte la simulation. Pour la période antérieure,c’est le prête-nom qui a participé à la société.

Souvent, il existe entre le véritable associé et le prête-nom une convention de croupier= convention par laquelle un associé, sans le consentement de ses co-associés, convient avec un tiersde partager les bénéfices et les pertesLe tiers, qui participe ainsi à la vie financière de la société, est appelé croupier, car il « monte encroupe » derrière l’associé.

Utilités de cette convention : - hypothèse où la cession de parts est soumise au consentement de tous les associés et où il est difficilede l’obtenir- hypothèse où l’associé doit faire face à des difficultés financières de trésorerie- façon de préparer un changement de contrôle…

Condition juridique du croupier : il a un droit sur les bénéfices sociaux attribués à son cocontractantmais il n’est pas lui-même associé. Il n’a donc pas de rapport direct avec la société. Il n’a aucune desprérogatives d’administration : pas de participation aux AG ; pas de droit à la communication dedocuments. Il a des droits pécuniaires mais aucun droit politique.

Il faut faire attention à la rédaction de la convention de croupier : si l’associé s’engage à exécuter lesordres du croupier en matière de vote par exemple et s’il s’engage à lui communiquer les livres sociaux,la convention de croupier risque d’être requalifiée en cession de droits sociaux, voire en une cessiondéguisée faite en fraude des règles sur l’agrément.

Validité de la convention de croupier : Autrefois, cette convention était expressément validée par le code civil. L’article 1861 ancien de cecode énonçait que : « chaque associé peut, sans le consentement des autres associés, s’associer unetierce personne relativement aux parts qu’il a dans la société ; il ne peut pas, sans ce consentement,l’associer à la société, lors même qu’il en aurait l’administration »Mais cet article n’a pas été repris. Cela ne signifie pas que cette convention soit condamnée. Elle est en tant que telle valable, sauf,ainsi qu’il vient d’être dit, si elle est utilisée pour contourner les règles par exemple relatives àl’entrée de nouveaux associés.

B) Le consentement intègre. Le problème des vices du consentementIls sont relativement rares.

Rq préalable : depuis une ordonnance du 20 décembre 1969, le vice du consentement n’est unecause de nullité du contrat de société dans les SA et dans les sociétés à responsabilitélimitée que lorsqu’il atteint tous les associés. (art.L. 235-1 ccom)

Dans les autres sociétés : il y a possibilité d’annulation si un seul associé est touché.

- violence : pas de trace en JP

- erreur : un associé se trompe sur l’étendue de son engagement, sur la nature de ses apports, sur lapersonne de tel autre associé…

- dol : lorsque des manoeuvres frauduleuses des fondateurs ont déterminé la souscription d’actions.Vice plus fréquent même si les exemples restent rares.

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Ex : Cass. com 23 mai 2006

Vu l'article 1116 du code civil ; Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte du 16 janvier 1998, M. X... aconstitué, avec MM. Y... et Z..., la société DCP Process (la société) ; que M. X... aversé, outre la somme de 20 000 francs à titre d'apport initial, d'autres sommesen exécution d'un pacte d'associés signé le 30 décembre 1997, par lequel il s'estengagé à financer la société par des versements en compte courant pour unmontant maximal de 200 000 francs ; que la société a été mise en liquidationjudiciaire le 26 juillet 1999 ; que par acte du 8 décembre 2000, M. X... a assignéM. Y... en invoquant à son encontre des manoeuvres frauduleuses l'ayantdéterminé à s'associer à la constitution de la société et a sollicité sacondamnation à lui payer des dommages-intérêts ;

Attendu que pour limiter la réparation du préjudice de M. X..., l'arrêt retient quela réticence dolosive de M. Y..., qui avait dissimulé à M. X... son intention dedémarcher la clientèle de la société qui l'avait précédemment employé, a vicié leconsentement de ce dernier et que seul le préjudice correspondant au montantde l'apport versé lors de la création de la société était la conséquence directe dudol commis, à l'exclusion de celui correspondant aux sommes remises, après laconstitution de la société, en vue de son fonctionnement, qui est lié à laliquidation judiciaire et n'est pas la conséquence directe du dol allégué ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a retenu l'existence d'uneréticence dolosive lors de la constitution de la société tout en constatant que M.X... s'était engagé au même moment dans un pacte d'associés à financer lasociété par des versements en compte courant, n'a pas tiré les conséquenceslégales de ses constatations et a violé le texte susvisé ;

§2 – CAPACITÉ REQUISE POUR CONSTITUER UNE SOCIETE

Il n’existe pas de règles particulières à la capacité dans les textes relatifs au droit des sociétés. Onapplique donc le droit commun.

A) Hypothèses d’associés personnes physiques

La capacité attendue de chaque associé dépend du type de société.

1° - Situation des mineurs

Jusqu’à récemment, le législateur interdisait au mineur, même émancipé, d’être commerçant. Lemineur ne pouvait donc être associé dans les sociétés dans lesquelles les associés sontcommerçants : il ne pouvait être associé de SNC, ou associé commandité dans une société encommandite, pour les commandités). Seuls les majeurs pouvaient être associés dans ces sociétés (art.121-2 Code com ancien ), et à condition qu’ils ne soient frappés d’aucune interdiction

En revanche, le mineur pouvait librement être associé dans les autres sociétés (société civiles, SA,SARL, société en commandite pour les commanditaires ) car la capacité de faire le commerce n’étaitpas requise, ces sociétés ne conférant pas la qualité de commerçant à leurs associés.

Mais la loi du 15 juin 2010 relative à l’entrepreneur individuel (EIRL) a changé la situation, de façonnéanmoins assez confuse. Selon certains (Philippe Merle), l’interdiction qui était faite au mineur, même émancipé, d’êtrecommerçant, a été supprimée. Pour d’autres, la loi sur l’EIRL n’a fait que remplacer l’interdiction de principe par une autorisation souscondition qui ne vise que les mineurs émancipés. L’interdiction serait maintenue pour les mineurs nonémancipés.

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Par précaution, nous allons nous aligner sur cette interprétation prudente.

- mineurs émancipés : ils peuvent désormais créer et gérer une EIRL, quelle que soit la nature del’activité exercée (civile ou commerciale)Ils ne pourront cependant être commerçants que s’ils y ont été autorisés par le JAF au moment de leurémancipation ou, après cette émancipation, par le président du TGI (art. L 121-2 nouv.).

- mineurs non émancipés : ils pourront créer et gérer une EIRL ayant une activité civile seulement(agricole, artisanale ou libérale). Sur autorisation de leurs deux parents, de leur administrateur légal oudu conseil de famille selon les cas, ils pourront accomplir seuls les actes d’administration nécessairespour les besoins de la création et de la gestion de l’EIRL. Ils ne pourront en revanche effectuer seuls desactes de disposition (qui seront accomplis par les personnes mentionnées supra).

2° - Concernant les époux, toutes les interdictions ont disparu progressivement (1958 : validité dessociétés entre époux, mais ils ne pouvaient être indéfiniment et solidairement responsables des dettessociales pour une même société ; fin des restrictions grâce à la loi du 23 déc. 1985 relative à l’égalitédes époux dans les régimes matrimoniaux). Mais pour éviter les fraudes, il est recommandé d’établir lesstatuts par acte authentique. 3° - Concernant le ressortissants étrangers

* ressortissants de l’UE (solution étendue aux ressortissants des Etats parties à l’accord sur l’EEE ou dela Confédération suisse) : il n’existe aucune restriction : ils peuvent être associés de toutes les sociétéset même dirigeants

* ressortissants hors UE : une distinction s’impose- il n’existe aucune restriction pour être associé d’une SA, d’une SARL et société civile.- Pour les associés d’une société exigeant la capacité commerciale (associé en nom, commandité)

ou pour être dirigeants d’une société par action ou d’une SARL, il a longtemps fallu une carte decommerçant. Mais une ordonnance du 25/03/2004 a remplacé cette carte par une simple déclaration aupréfet du département dans lequel le ressortissant envisage d’exercer (art. L. 122-1 Code comm).

B) Hypothèses d’associés personnes morales

Les personnes morales de droit privé (société, associations, syndicats, GIE) peuvent souscrire des partsdans d’autres sociétés. Elles doivent cependant respecter certaines obligations de déclaration defranchissement de certains seuils et veiller à la réglementation relative aux participations réciproques.

Les choses sont plus compliquées pour les personnes morales de droit public. L’Etat peut avoir des parts dans une société, mais il faut une loi en cas de prise de participationmajoritaire.Collectivités publiques : sauf autorisation par décret en CE, il possible pour elles de prendre desparticipations mais seulement dans les sociétés qui ont pour objet l’exploitation de services publicslocaux ou des activités d’intérêt général.Seule liberté qui leur est reconnue : créer des sociétés d’économie mixte locales.

§ 3 - L’OBJET DU CONTRAT DE SOCIÉTÉ ET L’OBJET SOCIAL

En droit des sociétés, il est moins question de l’objet de la société que de l’objet social.

A) Objet du contrat de société et objet social

La notion d’objet social est une notion propre au droit des sociétés qui ne se confond pasavec celle d’objet du contrat.

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- Objet du contrat (au sens de l’article 1108 du code civil). Conformément à l’article 1832 cc, cetobjet consistera en mise en commun de biens en vue de partager les bénéfices ou de profiter del’économie qui pourra en résulter. Il s’agit donc de la prestation que chacun s’engage à fournir. C’est laraison pour laquelle on pourrait dénier la qualité d’associé à celui qui n’a fait aucun apport.

- Objet social => c’est objet de l’exploitation sociale tel que défini dans les statuts. Il existe unepossibilité de discordance avec l’activité réellement exercée. C’est cette dernière qu’il faut observerpour savoir si objet licite (en tous les cas en droit français).

L’objet social doit être distingué de l’intérêt social qui est une notion plus fluctuante (et peuévoquée dans le code de commerce).Pour certains, l’intérêt social se confond avec l’intérêt des associés, leur intérêt commun.Pour d’autres, c’est l’intérêt de l’institution sociétaire dans son ensemble. Il s’agit d’une question sensible sur laquelle nous reviendrons.En tous les cas, nous verrons que les dirigeants doivent avoir une conduite conforme à l’intérêt social.

B) Les conditions tenant à l’objet social

Trois conditions doivent être remplies

1) L’objet social doit être possible

La possibilité de l’objet s’apprécie au moment de la constitution de la société. S’il est impossible, lasociété est nulle.Un problème peut se poser si l’impossibilité survient en cours de vie sociale. Il faut alors se référer àl’article 1844-7 du cc qui énonce : « la société prend fin par la réalisation ou l’extinction de son objet ».Donc, en cas d’impossibilité absolue de continuer la société, il peut y avoir dissolution de plein droit dela société (Cass. Civ. I 16/07/1967)Cependant, les tribunaux ont tendance à éviter la dissolution si la société est prospère. Ils préfèreront lamodification des statuts.

2) L’objet social doit être déterminé

Le champ d’activité de la société doit être précisé : c’est principe de spécialité de l’objet statutaire.À la différence des personnes physiques, les personnes morales ont une capacité de jouissancelimitée à l’activité en vue de laquelle elles ont été créées.

Il serait par exemple irrégulier que la société se donne comme objet la réalisation de toutes opérationscommerciales, industrielles et financières. Ce serait contraire à la règle de spécificité de l’objet.

Pb : dès lors qu’une société décide d’exercer une autre activité que celle définie dans les statuts, il fautmodifier ceux-ci. C’est une opération lourde => les praticiens essaient de rédiger les statuts de lamanière la plus large qui soit sans pour autant heurter la condition de détermination. Les statutsprévoient donc souvent une énumération longue des activités que la société peut exercer et ajoutequ’elle pourra réaliser toues opérations financières, industrielles ou commerciales se rattachantindirectement aux activités spécifiées (« clause parapluie »).

Mais problème des définitions très larges : cela laisse les coudées trop franches aux dirigeants, ce quipeut être dangereux pour les associés en cas de responsabilité illimitée.

3) L’objet social doit être licite

Article 1833 ccLicite signifie non contraire à l’ordre public (et au droit de la concurrence) et aux bonnesmoeurs (ex d’une société créée pour exploiter une maison close ou une société d’encouragement desmères porteuses)..

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France : licéité s’apprécie par référence à l’objet réellement exercé et non par rapport à l’objetstatutaire (V. notamment Cass. Com. 11 juillet 2006 avec cette particularité que l’affaire mettait encause une société en participation)

Si cette référence à l’objet réel ne pose pas de problème dans toutes les sociétés, elle pose tout demême un problème de compatibilité avec la première directive européenne concernant les SA et lesSARL, en application de l’interprétation qu’en a faite la CJCE dans l’affaire Marleasing déjà étudiée du 13nov. 1990. Selon cette jurisprudence, la licéité doit s’apprécier eu égard à l’activité indiquée dans lesstatuts et non à partir de l’activité réellement exercée.

Si l’objet illicite, la sanction encourue est la nullité absolue de la société : impossible de la couvrir parune décision unanime des associés et la prescription de l’action en nullité est de trois ans à compter dela constitution de la société (art. 1844-14 cc).

C) Intérêts liés à la détermination de l’objet social

Il existe plusieurs intérêts liés à l’objet. En voici quelques uns (liste non exhaustive).1°) Permet de déterminer si une société est civile ou commerciale, lorsque la société n’est pas civile oucommerciale par la forme. En fait, seules les SEP sont civiles ou commerciales en raison de leur objet social (V. la suite du cours)

2°) Incidence sur les pouvoirs des dirigeants car l’objet social marque les limites à ces pouvoirs, maisune distinction est à faire

dans les rapports internes à la société, l’objet social constitue à la fois le fondementet la limite aux pouvoirs des dirigeants, et ceci dans toutes les sociétés. Le dirigeant qui nerespecterait pas cette limite engagerait sa responsabilité vis-à-vis des associés

dans les rapports externes, c'est-à-dire dans le cadre des relations entre la société et lestiers, l’objet n’est pas nécessairement une limite. Cela dépend du type de société

o sociétés à risques illimités : l’objet social est bien une limite => la société n’est pasengagée par les actes du dirigeant qui excèdent l’objet social. Cela est normal car les associés sont trèsexposés.o sociétés à risques limités : l’objet social n’est pas une limite (si tiers de bonne foi) 3°) La réalisation ou l’extinction de l’objet social entraîne en principe la dissolution de la société.

4°) le changement complet d’activité réelle vaut cessation d’entreprise au sens du droit fiscal pour ce

qui a trait à l’impôt sur les bénéfices.

5°) En revanche, le seul dépassement de l’objet social ou l’accomplissement d’activité non prévuesdans les statuts ne rend pas l’activité sociale ainsi accomplie illicite (sauf si l’ordre public est en cause).Le principe de liberté du commerce et de l’industrie l’emporte sur celui de la spécialité de l’objet.

§4) LA CAUSE DU CONTRAT DE SOCIÉTÉ

Définition : La cause de la société est la raison pour laquelle deux ou plusieurs personnes s’associent.Elle est souvent confondue avec l’objet dans la mesure où la raison d’être de la société est précisémentla réalisation de son objet.

Conditions : la cause doit exister et être licite. Elle pose en fait rarement un problème d’existence. Elle pose quelquefois un problème de licéité.

RQ : la cause peut être illicite alors que l’objet est licite.

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EX : annulation du contrat de constitution d’une SARL pour s’affranchir des formalités de constitution dela SA jugées trop contraignantes.

C’est souvent une fraude qui est invoquée : « fraus omnia corrumpit »

Plusieurs exemples

- annulation pour cause illicite des contrats de société conclus dans une perspective de fraude audroit de gage général des créanciersex : on créé une société avec des comparses et on apporte des biens, en contrepartie de quoi onobtient des parts sociales. En principe, on évalue les biens apportés et l’apporteur obtient un nombrede parts en proportion. Ici, les biens apportés vont être volontairement sous évalués (aveccompensation occulte). En outre, les droits sociaux sont plus faciles à dissimuler => saisie plus difficile

- Autre fraude : fraude aux droits du conjoint dans la communautéex d’un mari ayant fait apport à une société d’une fonds de commerce commun pour une somme trèsinférieure à sa valeur réelle pour priver sa femme d’une part importante de ses droits légaux dans lacommunauté

- fraude aux droits des héritiers réservatairesDans une affaire, il y a eu fraude et annulation d’une société civile car il avait été démontré qu’elleavait été constituée par le de cujus avec son frère et son neveu en vue de soustraire un immeuble à sasuccession

- un exemple récent : Civ. II 3 mai 2007 (n°06-11.798) : fraude pour faire échec à la règle interdisant audébiteur saisi d’enchérir lors de la vente de ses biens. Ici, un débiteur dont un bien immobilier faisaitl’objet d’une saisie avait constitué une SCI (société civile immobilière) avec ses enfants. C’est la SCI quia surenchéri au moment de la vente sur adjudication du bien => fraude.

Il arrive aussi que la cause illicite ne soit pas retenue.Ex : Cass. Com. 9 juin 2009, n°08-15.270 (F-D), Sté José Sola Un contrat de forage avait été conclu par un gérant au nom de la société. Il était destiné àalimenter en eau la société ainsi que le jardin personnel du gérant. Les travaux avaient été malexécutés. Attrait en responsabilité, l’entrepreneur avait opposé comme moyen de défense lanullité du contrat pour cause illicite car, soutenait-il, le contrat constituait un abus de bienssociaux pour avoir été conclu au nom de la société et à ses frais en vue de la satisfaction desbesoins personnels du gérant. La Cour de cassation rejette la nullité : le contrat n'est pas contraireà l'intérêt de la société, de sorte que sa cause n'est pas illicite.

Quelle sanction ?En principe, la sanction est la nullité mais cette fois encore on peut avoir une hésitation en raison del’arrêt Marleasing de 1990 qui ne mentionne pas la cause illicite.

Une autre question se pose : faut-il que tous les contractants aient concouru à la fraude ?Dans un arrêt du 28 janvier 1992, la chambre commerciale avait énoncé que tous les associés doiventavoir concouru à la fraude. Mais cet arrêt est antérieur à un arrêt que vous avez étudié en droit des obligations en matière decause illicite : Cass. Civ. 1ère, 7 oct. 1998 : le mobile illicite n’a pas à être partagé, ni même connu desautres. On peut donc se demander quelle serait aujourd’hui la position de la JP commerciale. Les auteurstendent à considérer que la solution de la JP civile s’applique également (V. notamment Viandier) =>l’associé « innocent » pourrait demander la nullité ;

Nous connaissons maintenant les conditions de validité que doit remplir la société au titre du droitcommun des contrats. Il existe une autre série de conditions à remplir, qui découlent spécifiquement ducontrat de société.

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SECTION II : LES CONDITIONS SPECIFIQUES AU CONTRAT DE SOCIÉTÉ

Retour à 1832 : « La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par uncontrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéficeou de profiter de l’économie qui pourra en résulter ».

Trois éléments constitutifs se dégagent : - pluralité d’associés- mise en commun d’apports - participation aux résultats.Un quatrième élément a été ajouté : l’affectio societatis

§1) UNE PLURALITÉ D’ASSOCIÉS

Rapide car nous avons déjà fait allusion à cette question.

Pour les sociétés de personnes : il faut être au moins deux.Pour les SARL, idem (et maximum 100).Pour les sociétés en commandite et les SA : 7 minimum. Pas de maximum pour les SA. Ex de la compagnie financière de Paribas en 1987: 3 800 000 actionnaires(ensuite diminution importante); la C.G.E : 2 240 000…

Mais alinéa 2 de l’article 1832 prévoit que « dans les cas prévus par la loi, la société peutêtre instituée par l’acte de volonté d’une seule personne »

Quels sont ces cas ?

Les plus célèbres : les EURL (loi di 11 juill. 1985) et la SASU (loi du 12 juill. 1999)

Mais il existe d’autres cas.

Un véritable feuilleton a eu lieu pour la SEL (société d’exercice libéral) : une loi de 1990 a créé les SEL.Un mode unipersonnel était-il concevable?Réponse tranchée de la cour de cassation le 15 juin 1999 (civ 1) : « les dispositions du secondparagraphe de l’alinéa 2 de l’article 1er de la loi du 31/12/90, suivant lesquelles les sociétés constituéespour l’exercice d’une profession libérale ayant pour objet l’exercice en commun de cette profession,excluaient nécessairement toute forme unipersonnelle ».

Pb : de nb SELARL unipersonnelles avaient déjà été créées => le législateur a réagi en adoptant und’un cavalier législatif dans la loi du 23/06/99 renforçant l’efficacité de la procédure pénale : il a abrogécet alinéa. La forme unipersonnelle est donc désormais sans conteste possible.

Autres cas : une loi du 28/12/99 créé l’EUSRL : entreprise unipersonnelle sportive à responsabilitélimitée.Est aussi possible l’ EARL (entreprise agricole à responsabilité limitée) sous forme uniperssonnelle.Et la société européenne peut être unipersonnelle

Débat concernant la création dune SA unipersonnelle, mais cette hypothèse a été rejetée lors del’adoption de la loi Breton. Certains auteurs proposent la création d’une SNC unipersonnelle (A. Reygrobellet) mais non encoreconsacré.

En dehors des cas déjà consacrés, la pluralité reste de rigueur, lors de la constitution et encours de vie sociale.

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Un problème peut se poser en cas de décès ou de rachat de parts qui aboutissent à ce quetoutes les parts soient en une seule main. Le principe d’unité du patrimoine devrait conduire à ceque la société soit dissoute car l’associé unique se retrouve à la tête de deux patrimoines.

Mais la solution serait trop drastique. C’est pourquoi l’art 1844-5 cc prévoit que la société continue àvivre en attendant sa régularisation. Plusieurs solutions sont offertes à l’associé unique :

- l’associé unique peut céder une partie de ses parts à un tiers dans le délai de 1 an ou procéderà une augmentation de capital avec appel à des extérieurs. Il peut obtenir 6 mois supplémentaires avecl’autorisation du tribunal.

ou peut décider de dissoudre la société par déclaration au greffe du Tribunal de commerce..Nous étudierons les modalités plus tard.

RQ : si la régularisation n’a pas eu lieu dans le délai d’un an, tout intéressé peut demander la liquidation(art. 1844-5-1). Cela vise essentiellement l’administration fiscale.

§2) LA RÉUNION D’APPORTS .

Les apports ne sont pas propres au contrat de société : sans être obligatoires, ils sont possibles dans lesassociations, GIE… Mais ils jouent un rôle fondamental en droit des sociétés. Les apports sont nécessaires, sinon il n’y a pas de société (art. 1843-3 cc). En faisant un apport, lesassociés manifestent leur affectio societatis.

Par ailleurs, la somme et la valeur des apports (mis à part les apports en industrie) donnentla mesure du capital social.

Dans les sociétés à risques limités, la loi impose (imposait) un capital minimum.

Donc la valeur des apports doit atteindre le minimum légal. Ex : SA : 37000 eurosSE : 120 000 euros

Cette exigence d’un capital minimum n’est plus requise dans toutes les sociétés à risques limités- concernant la SARL, la loi du 1er août 2003 a supprimé l’exigence d’un capital minimum.- concernant la SAS, la LME a supprimé également l’exigence d’un capital minimum

Dans les sociétés à risques illimités, aucun minimum n’est requis.Possibilité de K à 1 euro.

Dans toutes les sociétés où la loi ne fixe pas ou plus de minimum, ce sont les statuts quidéterminent le montant du capital social.

Quels types d’apports peut-on faire ? L’article 1832 cc vise les apports de biens ou d’industrie. En réalité, on distingue traditionnellement 3 types d’apports : en nature, en numéraire et enindustrie (consacré par l’article 1843-3 cc).

Seuls les apports en nature (meubles ou immeubles) et les apports en numéraireconstituent le capital social. On dit qu’ils sont capitalisés.

Les apports en industrie, bien que rémunérées par l’octroi de parts sociales, ne font pas partie ducapital social. Cette place marginale des apports en industrie en droit français s’explique par le rôle quel’on attribue au capital social (il est notamment le gage des créanciers sociaux).

Il faut cependant noter que, si les apports constituent le patrimoine initial de la société, ils n’enconstituent pas la seule source de financement. Existent aussi les comptes courants d’associés, grâce

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auxquels les associés peuvent mettre à disposition de la société des sommes qui peuvent êtreconsidérables (prêts).Existe aussi la pratique des quasi apports : mise à disposition de biens ou de droits dont « l’apporteur »conserve la propriété.

Mais les comptes courants et les quasi apports ne sont pas rémunérés par l’octroi de parts sociales.Nous en dirons cependant un mot des comptes courants.

A) L’opération d’apport

Le terme d’apport est ambivalent (Guyon). Il désigne à la fois l’opération juridique qui consiste à mettrecertains biens à la disposition de la société et le bien lui-même.

1) Nécessité des apports

Il n’existe pas de société s’il n’y a pas d’apports car il n’y aurait aucun moyen pour que s’épanouissel’activité sociale. Et il ne suffit pas que le contrat de société comporte des apports. Il faut que chaque associé réaliseun apport (même de façon inégale), que la société soit dotée ou non de la personnalité morale. C’estl’apport qui marque le trait distinctif de la qualité d’associé par rapport à ceux qui participent à la viesociale à un autre titre (prêteurs et salariés).

Problème : il existe des hypothèses où une personne peut être associée sans avoir fait d’apport . C’estle cas par exemple d’une société qui distribue gratuitement des actions à son personnel. Mais c’est unehypothèse marginale.

Il existent plusieurs hypothèses où la condition d’apport n’est pas remplie (il y aurafictivité)

1°- l’apporteur n’a pas le droit de disposer du bien apportéHypothèse où il n’en est pas propriétaire (sauf jeu de l’article 2279 cc au bénéfice de la société)Ou alors l’apport supposait une autorisation qui n’a pas été sollicitée ou qui n’a pas été accordée (ex :droit rural => le fermier ne peut pas faire apport de son droit au bail sans le consentement du bailleur)

2° - l’apport est sans valeur pécuniaire : le bien est grevé d’un passif non déclaré ou d’une hypothèquequi absorbe totalement sa valeur et le prive de tout intérêt (ex :apport d’un brevet qui est tombé dansle domaine public) ;

3° - l’apporteur se fait consentir par la société un prêt lui permettant de libérer son apport, ce qui estinterdit.Mais en revanche, il est possible de se faire consentir un prêt par un autre associé

Rq : il n’y a pas fictivité de l’apport si celui-ci est effectué par l’intermédiaire d’un prête-nom (rappel : leprête nom est valable sauf si son recours dissimule une opération illicite. Cf supra).

Sanction de ces situations :

- s’il y a fictivité de l’ensemble des apports ou si aucun apport n’a été valablement réalisé, lasociété est (et non inexistante) : art. 1844-10 cc et L. 235-1 ccom

- si seul un associé n’a pas réalisé un apport valable => hésitation. Selon certains, la société reste valable si, malgré la nullité de la convention d’apport, le capital peutdemeurer intégralement souscrit, parce qu’un autre associé remplace celui dont l’apport a été annulé(Guyon). Cela sera impossible notamment si l’apport prévu consistait en un fonds de commerceindispensable au fonctionnement social. Pour d’autres, il faut rechercher si l’opération d’apport viciée a été la cause impulsive et déterminantede la constitution de la société (M. Jeantin).

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Rq : les apports de chacun sont nécessaires mais tous n’ont pas forcément la même nature(biens, numéraire, industrie) ni la même importance. L’égalité entre les associés supposesimplement que soit respecté le principe de proportionnalité entre le montant des apportset la valeur des droits attribués à chacun.

2) Nature juridique de l’opération d’apport

En contrepartie de son apport, l’associé a droit à l’attribution de parts sociales ou d’actions (cf casparticulier des apports en industrie). => le contrat d’apport est donc un contrat onéreux translatif de droits, qui va s’apparenter, maiss’apparenter seulement , - à un contrat de vente s’il est translatif de propriété, - à un contrat de louage s’il y a apport en jouissance.

Mais c’est un contrat aléatoire => l’apporteur ignore la valeur des parts ou actions qu’il reçoit encontrepartie (à la différence de la souscription d’obligations et des avances en compte courant, quiconfèrent à la qualité de créanciers).

3) Effets de l’opération d’apport

a) Obligations de l’apporteur à l’égard de la société

Obligation de - réaliser l’apport souscrit (art.. 1844-3) - et de garantir la société contre l’éviction et les vices cachés.

Mais l’apport constitue la limite de l’obligation de l’associé envers la société. Il n’ets par exemple pastenu de souscrire à une augmentation de capital, sauf dans des sociétés particulières comme lessociétés de construction, et sauf intervention de lois particulières.

Conséquences : si l’associé a réalisé son apport, son exclusion n’est pas possible, du moins dans lessociétés à capital fixe.

b) Obligations de l’associé à l’égard des tiers

L’apport est de moindre incidence. Cette incidence dépend du type de société et de la nature de laresponsabilité encourue.- si responsabilité indéfinie (sociétés civiles, SNC…) : l’apport ne constitue pas la limite à laresponsabilité des associés, car leur patrimoine propre répond des dettes sociales. - Si responsabilité limitée aux apports (SA, SARL) : par hypothèse, l’apport constitue la limite àleur responsabilité

c) Obligations de la société à l’égard de l’apporteur

La société a l’obligation de rémunérer l’apport par l’émission de parts sociales+ a des obligations particulières en fonction de la nature des apports.

B) L’objet de l’apportNous avons dit qu’il existait trois catégories d’apports : - en numéraire : c’est l’apport le plus habituel.- en nature

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- en industrie.Seuls les deux premiers types d’apport sont capitalisés.

Un mot sur chacun

1) Les apports en numéraire

Il y a plusieurs façons de mettre une somme d’argent à la disposition de la société. Il y a l’apportvéritable et il y a l’apport en compte courant, très fréquent mais qui, juridiquement, ne doit pas êtreconfondu avec le premier. Nous commencerons par lui.

a) Le faux apport en numéraire : « l’apport en compte courant d’associé »

Pourquoi les guillemets ? Parce qu’en réalité, il ne s’agit pas d’apports, et il n’y a pas non plus decompte courant !Alors à quoi a-t-on affaire ? A un prêt.

Explication : assez fréquemment, des sommes sont mises à la disposition de la société par certainsassociés (souvent des dirigeants), à titre de prêt. Ils peuvent constituer une source de financementimportant pour les sociétés, que ce soit des PME ou des grands groupes (ce sont alors les mères quiprêtent de l’argent à leurs filiales).Mais l’associé qui prête de l’argent à la société est bien un prêteur. Il n’obtient pas de partsentre contrepartie des fonds. Et les sommes reçues par la société (empruntées) ne font paspartie du capital social.

Ces « apports en compte courant » sont intéressants pour les deux parties :

pour la société

- ils évitent d’avoir recours au financement externe- en même temps, ils facilitent l’obtention d’autres financements externes car leur existencerassurent les banques- ce sont des prêts qui sont souvent conclu à durée indéterminée et ils considérés comme unevoie de financement interne- souplesse de la formule- aucune formalité : simple contrat, même pas forcément écrit, qui échappe à toute autorisationpar le conseil d’administration ou l’assemblée générale par exemple (alors que s’il y avait eu apportsupplémentaire, il y aurait eu augmentation de capital et donc modification des statuts et réuniond’une assemblée générale extraordinaire). Idem en cas de remboursement : pas de réduction du capital, donc pas de formalité

pour l’associé

- il va obtenir une rémunération, qui est un intérêt (et non un dividende)- il peut adapter sa contribution aux besoins et ressources de l’entreprise : possibilité deversements ou de retraits (d’où le terme « compte courant »). Il peut donc se faire rembourserfacilement tout ou partie des sommes prêtées (alors que l’apport ne peut être récupéré que lors de ladissolution de la société ou en cas de retrait)

Cet « apport en comte courant » peut néanmoins poser des problèmes, notamment au moment duremboursement.En principe, le remboursement peut avoir lieu à n’importe quel moment sur demande de l’associé,puisqu’il s’agit souvent d’un CDI (si CDD, il faut attendre le terme).Mais cela peut poser difficulté au regard de l’intérêt social si la société connaît des difficultés financières.

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C’est pourquoi certaines juridictions du fond ont voulu poser des entraves à la faculté deremboursement, notamment en considérant la demande de remboursement comme contraire àl’affectio societatis ou comme constituant une modification du capital. Ces tentatives sont censurées par la Cour de cassation.

Ex : Cass. Com. 24 juin 1997 : « Ayant énoncé que les comptes d'associé ont pour caractéristique essentielle,en l'absence de convention particulière ou statutaire les régissant, d'êtreremboursables à tout moment, et relevé qu'en l'espèce le compte litigieux avaitété constitué sur simple convention verbale et avait fonctionné comme une suiterégulière d'apports et de retraits, ce dont il résulte qu'étaient inopposables à cetassocié, en vertu de l'article 153 de la loi du 24 juillet 1966, les délibérationsd'assemblées générales qui tendaient à augmenter, sans son consentement, lesengagements qu'il avait pris en sa qualité d'associé, une cour d'appel a, par cesseuls motifs, justifié sa décision d'ordonner le remboursement à cet associé dusolde de son compte. »

Civ. III 3 fév 1999 : « Ayant relevé que la somme de 175 750 francs avait toujours été inscrite dansles écritures et les bilans de la SCI sous la rubrique des dettes à court terme etsous le titre de compte courant associé Menveux SA, la cour d'appel, (…), aretenu, à bon droit, que la somme ne constituait pas un apportcomplémentaire de la société Menveux impliquant une augmentation decapital et la création de parts nouvelles à son profit, mais s'analysait en uneavance faite par un associé à la société conférant à ce dernier la qualitéde créancier social, et en a justement déduit qu'à défaut de stipulationcontraire, l'associé était en droit d'exiger le remboursement de cetteavance à tout moment en dehors de toute procédure de retrait ».

Cass. Com. 8 déc. 2009 (n°08-16.418, inédit: la Cour de cassation a censuré une CA qui avait condamnéune société à rembourser 20 000 euros à un associé dont le compte courant présentait une soldecréditeur de plus de 33 000 euros. La Cour d’appel avait retenu à tort que 20 000 euros était la sommemaximale pouvant être supportée par la trésorerie disponible de la société.

Mais attention : ceci ne joue qu’en l’absence de disposition contraire des statuts ou dans le contrat deprêtEx Com 9 oct. 2007 : les statuts soumettaient le remboursement à la condition que la trésorerie lepermette. La Cour de cassation a jugé que cela n’était pas purement potestatif et que c’était doncopposable au prêteur

Il existe par ailleurs des possibilités d’aménagement : Ex : CA Montpellier 16/12/2008. La Cour considère que le remboursement immédiat de son comptecourant est un droit pour l’associé. Mais, elle ajoute que, si la situation difficile de la société n’est pas denature à faire échec à ce droit, elle peut justifier des mesures d’aménagement du paiement (D.S. mai2009 comm. 87, comm. ML Coquelet).

Conclusion : il est bien de prendre des précautions dans le contrat de prêt (par exemple, prévoir unpréavis assez long en cas de demande de remboursement, ou prévoir un terme).

b) Le vrai apport en numéraire

L’apport en numéraire (somme d’argent) est l’apport le plus habituel.Mais c’est une catégorie qui a perdu de son sens depuis que les SARL et les SAS peuvent fixer librementle montant du capital social dans les statuts.

Une distinction est à faire entre la souscription et la libération des apports- souscription : c’est la promesse de réaliser l’apport

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- libération : c’est la réalisation de cette promesse, c’est à dire le versement effectif des sommes. Lalibération est possible par tout moyen (versement d’espèces, émission d’un chèque, ordre de virement).

Il existe des règles concernant la souscription et la libération

Règles applicables

1)° souscription : Le principe est posé à l’art. L. 225-3 ccom : « le capital doit être intégralementsouscrit » (SA). Idem art. L 223-7 pour les SARL. La société n’est donc créée que si la totalité du capital a été souscrite. Il faut donc que desengagements aient été pris à hauteur de la totalité du capital.L‘apporteur devient associé dès la souscription : il peut voter, toucher les bénéfices, dès la souscription

2)° libération : les règles sont plus complexes et varient selon les sociétés

o Le principe est celui de la libération échelonnée (selon les règles prévues dans lesstatuts)

Les statuts fixent en principe librement les sommes qui doivent être libérées dès la constitution de lasociété. La société n’a pas en effet pas besoin de tout son capital pour commencer à fonctionner.

Mais un trop grand retard dans la libération peut avoir des conséquences fâcheuses.

C’est pourquoi l’article 1843-3 du cc pose des règles dérogatoires au droit commun qui facilitent lerecouvrement des sommes dues par l’apporteur:- les intérêts moratoires (au taux légal ou statutaires) courent de plein droit dès le jour de l’exigibilité del’apport (sans mise en demeure)- des dommages et intérêts peuvent être versés à la société si un préjudice lui est causé du fait duretard dans la libération, sans que la mauvaise foi du débiteur (l’associé retardataire) ait à êtredémontrée. En outre, la loi NRE du 15/05/2001 a donné la possibilité d’enjoindre aux dirigeants sous astreinte qu’ilsappellent les fonds ou que soit désigné un mandataire

o Il existe des exceptions à cette liberté statutaire

Dans les sociétés à responsabilité limitée, il est important de protéger les créanciers car le capital socialconstitue leur seul gage. Il existe donc des précautions particulières dans ce type de sociétés : - société par actions [SA et SAS] : la moitié de la valeur nominale des actions doit êtrelibérée dès la souscription (art. 225-3 ccom) . La libération du reste doit intervenir sur décision du conseil d'administration dans les 5 ans maximum . En cas de défaillance de l’actionnaire, existe une possibilité d’exclusion sous la forme de « l’exécutionen bourse » : les actions vendues sont publiquement. Si le prix de vente est inférieur à celui que s’étaitengagé de payer l’actionnaire, la différence est à sa charge.

- SARL : depuis loi NRE du 15/05/2001, il faut libérer le cinquième dès la souscription. Le restedoit être libéré sous 5 ans à compter de l’ immatriculation, sur appel du gérant. Dans les SA et les SAS, il est impossible de faire augmentation de capital s’il reste des apports ennuméraire non libérés

Dans les sociétés à risques illimités, c’est en revanche le principe de libération échelonnée qui joue àplein. La loi ne prévoit donc pas de délai pour la libération et les statuts organisent celle-ci librement. Ilest par exemple possible de prévoir que les apports seront libérés au fur et à mesure que la société ferades bénéfices.

2) Les apports en nature

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Définition des apports en nature : tout apport de biens, meuble ou immeuble, sauf monnaie.Il peut s’agir de meubles corporels (matériel, machines) ou immatériels (fonds de commerce, brevet,marché, créance…). Tout bien dans le commerce peut faire l’objet d’un apport.

Deux points sont à étudier : typologie et évaluation.

a) Typologie des apports en nature

Les apports en nature peuvent être faits en propriété, ou en jouissance ou en nue propriété/usufruit..

1° - Première hypothèse : apport d’un bien en pleine propriété.

Le transfert de propriété aura lieu seulement au jour de l’immatriculation de la société au RCS (caravant pas, elle n’a pas de personnalité morale et ne peut donc être propriétaire). L’opposabilité aux tiers est quelquefois retardée jusqu’à l’accomplissement de formalités de publicité(ex pour l’apport d’un fonds de commerce ou d’une créance).

L’apport est alors proche d’une vente Apporteur tenu à la garantie contre l’éviction et les vices cachés. La propriété et les risques sont immédiatement transférés à la société (si elle a étéimmatriculée). C’est donc elle qui peut user de la chose mais également qui supporte les conséquencesde sa disparition. Si la chose disparaît, il faudra quand même rembourser sa valeur à l’apporteur lors dela dissolution.

Mais : - l’associé a vocation à reprendre la chose en nature lors de la dissolution de la société ;- la contrepartie de l’apport n’est pas le versement d’une somme d’argent mais la remise de droitssociaux, dont la valeur varie avec les aléas de l’exploitation ;- il n’existe pas de privilège du vendeur- il n’existe pas de rescision pour lésion en cas d’apport d’un immeuble

Rq : l’apport d’un bien à une société peut diminuer les droits des créanciers (personnels) de l’apporteur,qui voient leur gage personnel diminuer au profit des créanciers de la société. L’apport en nature estdonc un moyen commode pour organiser son insolvabilité. Les créanciers ont cependant plusieursrecours- l’action paulienne (art. 1167 cc) si démontrent que l’apport a été fait en fraude de leur droit =>l’apporteur organise son insolvabilité, avec la complicité des coassociés qui doivent au moins avoirconnaissance de cette insolvabilité. Si succès => bien réintégré dans le patrimoine de l’apporteur- l’action oblique (art. 1166 cc) si l’associé s’abstient d’agir alors qu’il pourrait demander la nullité deson apport ou de la sociétéIl y a nullité de l’opération d’apport s’il a été réalisé pendant la période suspecte en cas de cessation depaiement de l’apporteur (L.632-2 ccom). Mais il faut que la société ait connu cet état.

2° hypothèse - apport d’un bien en jouissance.

Exemple : un membre d’une profession libérale qui met sa clientèle à la disposition de la sociétéOu mise à disposition d’un immeuble.Hypothèse rare en pratiquePourtant, elle présente des avantages car l’apporteur demeure (pleinement) propriétaire de son bien. Lasociété n’a que le droit d’en jouir. Il s’agit d’une mise temporaire du bien à la disposition de la société.Cette mise à disposition présente cette fois un caractère successif. Elle ressemblera à une location,mais il y a remise de parts sociales en contrepartie de l’apport et non versement d’un loyer.Cf art. 1843-3 cc : l’apporteur « est garant envers la société comme un bailleur envers son preneur »

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Conséquences : l’associé s’engage donc à garantir une paisible jouissance pendant la durée de l’apport.La société acquière un droit personnel contre l’apporteur. Mais la société n’a aucun droit réel sur la chose apportée, qui reste la propriété de l’apporteur (il enrécupérera la pleine jouissance à la dissolution de la société et l’apporteur sera protégé en cas deprocédure collective puisque le bien ne fait pas partie de l’actif social). En contrepartie, c’est l’apporteurqui subit les risques de la chose.

Ces règles sont à nuancer quand il y a apport d’une chose de genre (chose fongible ou consomptible –ex : apport d’action d’une SA) : dans ce cas, la société en devient propriétaire. Elle devra restituer unequantité et une valeur égales à l’apporteur au terme convenu. 3° hypothèse - apport d’un bien en usufruit ou en nue propriété .

L’associé peut tout d’abord faire un apport en nue propriété : la société acquière cette nue propriété etl’associé quant à lui garde l’usufruit Formule intéressante car la société récupèrera la pleine propriété à l’avenir car l’usufruit est forcémenttemporaire. Au décès de l’usufruitier notamment, la société récupère la pleine propriété de la chose.Cette formule a souvent été utilisée comme une technique de dévolution successorale avec avantagefiscal (V. supra). Elle consiste par exemple à apporter à une SCI la nue-propriété d’un immeuble puis dedonner les parts à ses enfants. Cette formule était jusqu’alors validée mais nous avons vu que, sansqu’elle soit en tant que telle condamnée, elle avait été fragilisée par un arrêt du 7 mars 2007 (v. Supra).

A l’inverse, l’associé peut faire un apport en usufruit : la société ne sera alors qu’usufruitière de lachose apportée. Les effets seront les mêmes que ceux de l’apport en propriété mais la société n’a pas le droit dedisposer du bien. L’apport lui confère cependant un droit réel sur la chose apportée : usus et fructus(peut louer le bien).Rq : l’usufruit concédé à une PM ne peut excéder 30 ans

Mais attention, dans les deux cas, l’apporteur reçoit des parts en pleine propriété (à hauteur de lavaleur de la nue propriété ou de l’usufruit qu’il a apporté à la société)

{Rq : il faut distinguer : - l’apport en usufruit ou en nue propriété, que nous venons d’étudier (c’est le bien apporté qui est

examiné)- de la nue propriété ou de l’usufruit portant sur des parts sociales, que nous étudierons plus tard

(ce sera alors la part sociale, ou l’action, qui sera examinée).

1. Evaluation des apports en nature Elle est difficile mais elle est nécessaire aussi bien lors de la constitution de la société que lorsd’opérations ultérieures telles que des fusions par exemple.

Cette évaluation est importante pour :- les créanciers, surtout dans les formes sociales où le capital social constitue leur seul gage.- les associés car ils reçoivent des parts ou actions en proportion de leur part dans le capital social.Cela conditionne en principe leur part dans les bénéficies ou les pertes.

Or, il existe très peu de dispositions légales relatives à l’ évaluation des apports en nature.Il est prévu dans les SARL (art. L223-9 ccom) et dans les sociétés par actions (article L. 225-8) que lavaleur attribuée aux apports par les associés doit figurer dans les statuts et être vérifiée par uncommissaire aux apports Cette vérification peut être supprimée pour les SARL si la valeur d’aucun apport n’excède 7500 euros +si la valeur totale des apports en nature non soumis à l’évaluation du commissaire n’excède pas ½ ducapital

Le commissaire aux apports est un technicien indépendant.

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Problème selon Guyon : ces commissaires ne constituent pas une profession organisée et il aurait fallufixer certains critères d’évaluation. Rq de l’auteur : il arrive que, à propos d’un apport, un même commissaire procède à deux évaluationsaboutissant à une valeur du simple au double. Or, les commissaires aux apports n’ont pas à justifierleurs évaluations. Il faudrait leur imposer une obligation de sincérité. Précaution légale tout de même : dans les SARL, tous les associés sont solidairement responsablespendant 5 ans vis-à-vis des tiers de la valeur attribuée aux apports en nature, lorsque cette valeur n’apas été vérifiée par un commissaire aux apports ou lorsque la valeur retenue est supérieure à celleproposée par celui-ci.

3) Les apports en industrie

a) Notion

Industrie au sens étymologique de travail : apport d’une activité professionnelle, d’une compétencetechnique (travail manuel ou intellectuel , mais en toute indépendance, sinon il y aurait contratde travail. L’apport en industrie a été étendu au fait d’apporter le crédit que peut représenter l’image del’apporteur ou à l’influence de celui-ci (crédit en affaires) . L’associé fait alors bénéficier la société de saréputation, de son nom, de ses relations. Il peut aussi apporter son savoir-faireL’apport en industrie est marqué par un fort intuitu personae.

RQ : l’apport en industrie n’est licite que si son objet est lui-même dans le commerce et ne heurteaucune disposition d’OP. On ne saurait donc admettre (sinon il y aurait corruption) qu’un hommepolitique apporte son crédit politique à quelque société que ce soit.

L’apport en industrie a nécessairement un caractère successif => une simple prestationponctuelle ne suffirait pas (V. Cass. Com. 13 janvier 2009, inédit, n° 07-21704).

Vu les articles 1832 et 1871 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambrecommerciale, 7 juin 2006, pourvoi n° B 01-12. 494), qu'une équipe d'architectesdont faisait partie M. X... ayant posé sa candidature à un concours d'architecture,MM. X... et Y... ont, le 23 septembre 2005, conclu une convention par laquelle ilsdéclaraient s'associer en tant que maîtres d'oeuvre pour l'opération faisantl'objet de ce concours et sont convenus d'une répartition entre eux des frais ethonoraires ; qu'après que l'équipe d'architectes eut été déclarée lauréate duconcours, un marché d'ingénierie a été conclu avec le maître de l'ouvrage ; queM. Y... a ultérieurement demandé que M. X... soit condamné à lui payer leshonoraires lui revenant en exécution de la convention passée entre eux ; que lacour d'appel a accueilli la demande en relevant que M. Y... avait exécuté lecontrat de société en participation qu'il avait conclu avec M. X..., dans la mesureoù il avait apporté son industrie ;

Attendu que, pour accueillir la demande de M. Y..., l'arrêt retient que M. X... avaitadressé à ce dernier le mémoire des frais de concours qu'il avait engagés, en luiréclamant le versement de sa part, et que M. Y... avait, en réglant celle-ci,exécuté sa part du contrat ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si M. Y... avait réalisé unapport en industrie en exécutant la part des missions qui lui avaient été confiées,la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief : CASSE ET ANNULE

b) Domaine des apports en industrie

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Ils ne sont pas possibles dans toutes les sociétés.

Pendant longtemps, une ligne de démarcation a légitimement séparé les sociétés à risques limités desautres. Dans les premières, le capital social est le seul gage des créanciers sociaux. Or, les apports enindustrie ne font pas partie du capital social (la force de travail est par ex insaisissable). D’une façontrès logique, la loi interdisait donc les apports en industrie dans ces sociétés, alors qu’elle les autorisaitdans les sociétés à risques illimités. Les règles ont évolué. Nous allons les étudier type de société partype de société.

- Sociétés par actions (SCA, SA et SAS) : évolution partielle des règles- dans une société en commandite, les commanditaires ne peuvent faire de tels apports (art.

222-1) => apports en industrie toujours interdits- dans les SA, les actions ne peuvent représenter des apports en industrie (art. 225-3 al3) =>

apports en industrie toujours interdits- mais la loi LME autorise désormais les SAS à émettre des actions représentants des apports en

industrie. Ils seront inaliénables. Il faudra que les statuts le prévoient.

Dans les SARL : évolution : -Ils ont été impossibles sauf exception jusqu’en 2001. Mais la loi NRE prévoit désormais que les statutsde la SARL fixent librement les modalités selon lesquelles peuvent être souscrites des parts en industrie: L. 223-7 al. 2 => ils sont possibles si les statuts le prévoient.Mais ces apports ne concourent toujours pas à la formation du capital social (idem pour les SAS)

Ils ont en revanche toujours été possibles dans les sociétés à risques illimitésIls sont trés fréquents dans les sociétés civiles professionnelles, où ils sont représentés par des partsd’intérêts (alors que les apports en capital donnent lieu à l’attribution de parts sociales). Le savoir-fairetransmis par les associés est quelquefois l’unique source de bénéfices sociaux. Idem dans certaines SEP. L’apport en industrie est également le révélateur d’une société créée de fait entre époux ou concubins.À la séparation, le conjoint ou le compagnon de l’exploitant du fonds de commerce essaiera dedémontrer qu’il existait une société créée de fait entre eux (V. infra).

c) Régime des apports en industrie

Les apports en industrie ne font pas partie du capital social car ils ne peuvent servir de gage auxcréanciers sociaux (libération successive au fur et à mesure des services rendus). Ils donnent simplement lieu à l’attribution de parts pouvant droit au partage des bénéfices et de l’actifnet à charge de contribuer aux pertes (art. 1843-2).

Lorsqu’ils sont possibles légalement (V. supra), ils doivent être prévus dans les statuts pour qu’unassocié puisse s’en prévaloir (Cass. Com. 14/12/2004, inédit, n°01-11.353 : « Mais attendu, d'une part,qu'après avoir exactement énoncé que seuls les statuts déterminent les apports de chaque associé etrelevé que les statuts de la société, qui n'ont jamais été modifiés, prévoyaient exclusivement desapports en espèces et non des apports en industrie, la cour d'appel a décidé à bon droit que MM. X... nepouvaient se prévaloir de tels apport »)

Obligations de l’apporteur en industrie

- fournir le travail ou la prestation promise, de façon successive. Cour d'appel de Paris 15/11/93 : les apports en industrie ne peuvent se ramener à une aideoccasionnelle ou à de simples tâches d’exécution matérielle. Ils doivent constituer une participation à ladirection effective de la société. V. aussi Cass. Com 13 janvier 2009)

- rendre compte à la société de tous les gains qu’il a réalisés par l’activité faisant l’objet de sonapport (art. 1843-3 al. 6)

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- ne pas concurrencer la société => ne doit pas déployer les mêmes talents à son propre profitou au profit d’une autre personne (donc obligation de non concurrence et d’exclusivité dans le domaineayant fait l’objet de l’apport)

Droits de l’apporteur en industrie

Il s’agit d’un véritable associé (même si non titulaire de parts de capital ). Il a donc droit à larémunération de son apport : droits aux dividendes, aux réserves et au boni de liquidation + droits devote

Si les statuts n’ont rien prévus, sa part dans les bénéfices sera égale à celle de l’apporteuren numéraire ou en nature dont les apports sont les moins élevés (art. 1844-1 cc). Explication : apports difficiles à évaluer + probable suspicion. Avantage : moindre participation aux pertes. Mais les statuts peuvent prévoir des règles différentes (ce qui sera souvent le cas).

En dehors de cela, ses droits sont assez milités car il n’est pas titulaire de parts de capital - les droits de l’apporteur en industrie sont intransmissibles, aussi bien entre vifs qu’à cause demort (mais ce point est discuté. M. Dondero n’est pas d’accord).- lors des opérations de partage à la dissolution, il n’a pas droit à une reprise de son apport ni àun remboursement.

CHAPITRE 2 : LES FORMALITÉS DE CONSTITUTION.

A l’exception de l’immatriculation au RCS (oeuvre du greffier au RCS), tous les actes matériels etjuridiques nécessaires à la constitution d’une société sont en principe accomplis par le fondateurs

Définition : personnes qui prennent l’initiative de constituer une société, celles qui, selon M. Guyon,« concourent activement à l’organisation et à la mise en mouvement de la société, notamment enélaborant le projet de statuts, en s’assurant de l’accomplissement des formalités légales et enconcluant les actes de la SEF ».

Les fondateurs ne prennent pas nécessairement des participations dans le capital social, mais engénéral, ils deviennent eux-mêmes associés.

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Il n’existe pas de conditions particulières pour être fondateur : pas de condition d’honorabilité (saufconstitution d’une société faisant APE) ou de ressources.

En constituant une société, les fondateurs doivent veiller à ne pas faire de faute civile ou pénale. Ilsdoivent s’assurer de la validité et de l’efficacité des actes qu’ils confectionnent. Les articles 1840 cc etL. 210-8 ccom énonce qu’il leur revient (ainsi qu’aux premiers membres des organes de direction, degestion et de contrôle) de procéder correctement aux formalités de constitution, sous peine d’engagerleur responsabilité.

De actes constitutifs doivent être accomplis (section 1)Puis nous verrons que, pendant la période de conception qui précède l’immatriculation, la société a puavoir une activité, ce qui pose la question su sort des actes accomplis par le une société en formation(section 2)

SECTION 1 : LES ACTES CONSTITUTIFS

A l’exception des SEP, qui se forment librement, la constitution d’une société, qu’elle soit civile oucommerciale, suppose le respect d’un formalisme assez lourd. L’article 1835 cc exige que le pactesocial soit dressé par écrit (= les statuts) et des formalités de publicité doivent être respectées.Equivalent dans l’article L. 210-2 ccom- L’écrit protègera les associés, qui savent ainsi exactement ce à quoi ils s’engagent (§1)- La publicité protège les tiers, banquiers, clients, fournisseurs… : tous ceux qui traiteront avec lasociété doivent pouvoir se renseigner sur les particularités de la société avec laquelle ils contractent(§2).

Deux séries d’actes : - signature du pacte social (les statuts)- formalités administratives

§1) LA SIGNATURE DU PACTE SOCIAL

Contrat de société = contrat complexe : il se conclut rarement de manière instantanée. Les fondateursvont s’efforcer de trouver d’autres associés, de s’enquérir des aides publiques éventuelles, de l’intérêtet du soutien des banques… Doivent envisager le type de société, le montant du capital social, le lieud’implantation car des primes ou des allègements fiscaux peuvent être offerts. Lorsque cette rechercheet cette réflexion est aboutie, les fondateurs concluent entre eux une promesse qui matérialise leuraccord.Cette promesse doit être distinguée à la fois des simples pourparlers et du véritable contrat de société.

Il convient d’examiner chronologiquement des différentes étapes de la constitution d’une société- jusqu’à la rédaction des statuts- rédaction et signature des statuts

A) Les étapes précédant la signature des statuts : Pourparlers et promesse de société

1) Le projet de société – Les pourparlers

A l’origine, on trouve souvent un simple projet de société => les parties envisagent éventuellement des’associer mais ils ne sont pas encore d’accord sur les éléments essentiels du contrat de société. Leprojet de société n’emporte aucune obligation à la charge des parties => possibilité de l’abandonner. Ce projet ne fait pas naître une obligation d’exclusivité, de sorte que les négociations parallèles restentpossibles.

Mais, comme c’est toujours le cas en droit des contrats, le fait de rompre brutalement etunilatéralement des pourparlers avancés peut être fautif. Com 22 février 1994 => faute à poursuivre exagérément des pourparlers, dans son seul intérêt et enviolation de l’intérêt de l’autre.Ou Com 11 juillet 2000 : pourparlers très avancés ; celui qui a rompu les pourparlers présentaientl’autre comme son associé et les tiers le considéraient comme tel.Si rupture fautive, responsabilité délictuelle

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2) La promesse de société

Existence de la promesseSi les négociations progressent, le projet se transforme en promesse. Avec cette remarque qu’il n’estpas toujours facile de tracer une frontière nette entre projet et promesse. La promesse peut êtreunilatérale ou synallagmatique.

- promesse unilatérale : une des parties se propose de constituer la société dans les conditionsqu’elle précise. L’autre ou les autres prennent acte de cet engagement et demande un délai deréflexion pour prendre une décision définitive et lever éventuellement l’option consentie.

- promesse synallagmatique => tous les futurs associés sont d’accord pour constituer la société.

Il y a promesse de société si les parties ont eu l’intention de s’associer, si l’objet et la forme de lasociété ont été défini, si la nature et le montant des apports ont été précisés et si chacun était d’accordsur la répartition des droits et le principe de la contribution aux pertes : accord sur les élémentsessentiels du contrat de sociétéSi d’importantes questions restent à régler, il n’y aura pas promesse, mais simple projet.

La promesse de société est une véritable convention : elle suppose un échange de consentements enrespectant les conditions de validité de tous les contrats.

En revanche, facilité quant à la forme : la promesse de société peut rester consensuelle => la rédactiond’un écrit n’est pas indispensable. Preuve par tout moyen car contrat commercial. Mais en réalité, les parties signent souvent entre elles un protocole. (Dans les affaires complexes, le protocole ne permet pas toujours d’aboutir à la constitution de lasociété => constitution d’une société d’études pour déterminer si le projet est réalisable. Cettestructure de relais est dissoute une fois la société constituée.)

Sanction de la violation de la promesseLe refus de passer à la constitution définitive est cette fois condamné : application de la JP civile sur laviolation des avants- contratsIl s’agit d’une obligation de faire, dont la violation est sanctionnée par des dommages etintérêts, cette fois de nature contractuelleIl n’y a pas d’exécution forcée possible. Solution constante en JP depuis 1907 : « la nature del’engagement qui s’attache à la qualité d’associé en nom collectif implique nécessairement le libreconsentement de celui qu’il intéresse, et par suite, ne permet pas aux tribunaux de le contraindre,contre sa volonté, à exécuter la promesse qu’il a pu faire à ce sujet »(solution transposable aux autres sociétés que les SNC).Cette solution est imposée par la lettre de l’article 1142 cc, le caractère personnel des engagementspris et la nécessité d’un affectio societatis (M Viandier est d’une opinion contraire et est favorable àl’exécution forcée )

(Rq : les DI doivent réparer la perte faite et le gain manqué. Possibilité d’insérer une clause pénale dansla promesse).

B) Rédaction et signature des statuts

La rédaction et la signature des statuts constituent la formalité la plus importante, car ellesmatérialisent le consentement des associés. C’est à la date de la signature des statuts que l’onapprécie si les conditions de validité de la société sont réunies (cf supra). Les statuts vont régir l’ensemble de la vie sociale (tant que la société n’est pas immatriculée, c’estmême la principale source de règles entre les associés). Leur modification ne pourra avoir lieu qu’auterme d’une procédure lourde et complexe, supposant notamment le consentement unanime desassociés : article 1836 al.1er cc, mais qui n’ets pas d’OP).

1) Rédaction des statuts

Le contrat de société doit être établi par écrit. Attention, l’écrit est exigé à titre de preuve et non de condition de validité => contrat consensuel

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Forme : possibilité acte SSP (sous seing privé) ou notarié (cette forme est obligatoire en cas d’apportd’un bien soumis à la publicité à la conservation des hypothèques ; elle est en outre conseillée en casde société entre époux)

L’écrit doit obligatoirement comporter certaines mentions ; d’autres sont facultatives.

Mentions obligatoires (art. 1835 cc) :)- apports de chaque associé,- la forme, -l’objet,- l’appellation, -le- siège social, -le capital social,- la durée de la société : max 99 ans mais possibilité d’une prorogation (art. 1838 cc) - et les modalités de son fonctionnement : peut comprendre les modalités de vote des décisionscollectives, l’organisation de l’administration et de la direction Sanction (art. 1839 cc) = en principe, c’est le rejet de l’immatriculation au RCS par le greffier.Tout intéressé peut cependant demander la régularisation, y compris le ministère public depuis une loidu 12 mai 2009. Un problème peut se poser si la mention manquante révèle un vice du consentement ou une volonté defraude. Dans ce cas, nullité possible de la société.

Mentions facultatives : les statuts peuvent contenir toutes dispositions utiles au fonctionnement de lasociété. Liberté est laissée aux rédacteurs, sauf si une disposition viole l’OP. EX : possibilité d’insérer une clause de non concurrence.Certaines mentions sont prohibées : cas des clauses léonines (réputées non écrites : cf supra).

Annexes des statuts : Il est souvent préférable de faire des statuts courts et de les compléter par des annexes.En plus des statuts, l’acte de société peut comporter différents actes

- les décisions nécessaires à la mise en fonctionnement de la société (=> désignationdes premiers organes sociaux…)

- un règlement intérieur, d’une valeur juridique inférieure aux statuts. Il émane d’une façon unilatérale d’un organe social habilité à exprimer la volonté de la société. Il règlele fonctionnement interne de la société et est fréquent dans les sociétés où les associés exercent uneactivité professionnelle (SEL…) ou profitent de prestations de services particulières (centre commercial,crèche…) . Il s’impose à la société et aux associés. Mais il n’est pas soumis à des conditions de publicité. Il est donc inopposable aux tiers. Le RI est valable s’il respecte les dispositions impératives du droit des sociétés et les statuts.

- un préambule, qui précède les statuts, et qui expose les objectifs des associés. Il n’a pas devaleur juridique véritable mais il permettra d’interpréter une disposition ambiguë dans les statuts.

- des pactes d’actionnaires : fréquents. Ce sont de simples contrats entre associés,inopposables aux tiers. Ils jouent un rôle très important en pratique. Ils peuvent être relatifs àl’agrément, à la préemption des titres, à la répartition des bénéfices, au vote… Valables si respectent l’OP sociétaire.

2) Signature des statuts

Cette signature manifeste l’engagement des associés. Nécessité d’un engagement express. Signature personnelle ou par mandataire. Chaque associé doit avoir connaissance des statuts :

- soit chacun signe les statuts (cas lorsque petite société), - ou alors signature d’un bulletin de souscription qui fait référence aux statuts : les signataires

sont alors sensés en avoir eu connaissance.La société, en tant que contrat, est conclue au jour de la signature des statuts.Mais elle n’acquérra de personnalité juridique qu’au jour de l’immatriculation au RCS. Jusque là, il nes’agit que d’une SEF.

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§ 2 : PUBLICITÉ ET IMMATRICULATION.

Art. L. 210-4 ccom : « les formalités de publicité exigées lors de la constitution de la société (…) sontdéterminées par décret ».A l’origine, il s’agissait du décret du 23 mars 1967 mais qui a été codifié => ses dispositions sontdésormais intégrées dans la partie réglementaire du ccom. Sur les formalités : art. R. 210-4 et s. A noter : un décret du 9 mai 2007 a modifié cette partie réglementaire, notamment concernantl’immatriculation au RCS. Un autre décret est récemment intervenu (décret du 1er sept. 2010)Ces formalités doivent être accomplies par les représentants légaux de la société qui agissent sous leurpropre responsabilité, avec la possibilité pour eux de choisir des mandataires.

1) Enregistrement de l’acte de société

=> formalité fiscale, qui doit intervenir dans le mois qui suit l’acte. Il y avait auparavant un droitd’apport à payer. Désormais gratuitSi apport d’un immeuble, il y a fusion de cette formalité d’enregistrement avec la formalité de publicitéfoncière.

2) Insertion d’un avis de constitution dans un JAL (journal d’annonces légales) dans ledépartement du siège social.Art. R. 210-3 et 210-4. L’avis contient les principales énonciations des statuts pouvant intéresser lestiers (appellation, forme, montant du capital, siège, objet, nom des dirigeants…)Pour certains auteurs, il s’agit d’un formalisme inutile.

3) Demande d’immatriculation

Seule la SEP (société en participation) a vocation à rester occulte. Toutes les autres sociétés doivent sefaire immatriculer au RCS (Registre du commerce et des sociétés) A noter : le décret du 1er sept. 2010 prévoit désormais également une immatriculation obligatoire aurépertoire SIRENE (V. infra)

Art. 1842 : « Les sociétés autres que les SEP ( …) jouissent de la personnalité morale àcompter de leur immatriculation ». Puisque l’immatriculation au RCS confère la Personnalité morale à une société (V. également art. L. 210-6 ccom) , il s’agit d’une formalité constitutive de droits. C’est seulement à cette date que la société va accéder à la vie juridique et que ses organes seronthabilités à la représenter.Autre intérêt : l’immatriculation permet le déblocage des fonds provenant des apports en numéraireet qui étaient jusque-là déposés sur un compte bloqué.

Nous allons étudier les étapes de cette immatriculation.

a) Dépôt du dossier d’immatriculation

Après accomplissement des formalités qui précèdent, les fondateurs ou les premiers dirigeants vontfaire une demande d’immatriculation. Aucun délai n’est requis pour l’immatriculation, mais la sanction du retard va de soi (pas depersonnalité morale)

Pour se faire immatriculer, les dirigeants doivent se présenter au Centre de formalité desentreprises (CFE) dans le ressort duquel est situé le siège social. Un décret du 1er mars 2010 créécependant un guichet électronique qui permet de déposer en ligne son dossier sans avoir àdéterminer au préalable quel CFE aura à le traiter. A noter : depuis 2003 (loi pour l’initiative économique), toutes les déclarations relatives aux créationsdes entreprises, à la modification de leur situation ou à la cessation de leurs activités peuvent êtretransmises par voie électronique. Le CFE constitue ce que l’on appelle un guichet unique : il permet au déclarant d’effectuer en unmême lieu toutes les formalités requises.

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Il est également possible de s’adresser au greffe du Tcom.

b) Contenu de la demande d’immatriculation

La demande est établie sur une « liasse unique ».Le décret du 9 mai 2007 a modifié les éléments à déclarer au centre

Contenu de la demande d’immatriculation : cf. art. R. 123-53 ccom, car ne sera pas présenté de façoncomplète. Doivent notamment figurer dans le dossier :- la raison sociale ou dénomination + nom commercial- la forme juridique : préciser si associé unique (new) et si statut légal particulier- le montant du capital social- l’adresse du siège social- les activités principales - la durée de la société telle que fixée dans les statuts…

Il faut également respecter les exigences de l’art R. 123-54 et mentionner : les noms, prénoms, date etlieu de naissance + nationalité des associés et des tiers ayant le pouvoir d’engager la société ainsi quedes administrateurs, membres du conseil de surveillance et commissaire aux comptes…

Par ailleurs, doivent être joints à la demande des actes qui sont destinés à être déposés augreffe du tribunal. En pratique, c’est le CFE qui les transmet au greffe en même temps que lademande d’immatriculation. Il s’agit de :

- deux expéditions des statuts s’ils sont établis par acte notarié, sinon (si l’acte est sousseing privé), il fallait antérieurement déposer deux originaux. Réforme du 9 mai 2007 : il est désormaispossible de déposer des copies.

- deux copies des actes de nomination des organes de gestion, de direction,d’administration, de contrôle; de surveillance, lorsque ces personnes n’ont pas été désignées dans lesstatuts.

Ce dépôt a un triple but :- informer les tiers- permettre un contrôle sommaire sur la régularité de la constitution- assurer la conservation au greffe d’un original des actes au cas où ils seraient détruits.

c) Examen de la demande

Rôle du greffier : il se livre seulement à un contrôle formel, qui consiste à vérifier le respect desprescriptions légales et réglementaires.

L’art. R 123-97 ccom prévoit une alternative- Si dossier complet => immatriculation dans le délai d’un jour franc après réception de la

demande. - Si le dossier est incomplet, le déclarant dispose de 15 jours pour le compléter.

Si le complément n’est pas donné ou s’il est insuffisant, il y a rejet de la demande et cette décision estnotifiée dans le même délai d’un jour franc. Un décret du 1er sept. 2010 précise que, dans ce mêmedélai d’un jour franc, le greffier informe l’INSEE, par voie électronique, de ce refus d’inscription.Les fondateurs peuvent alors saisir le juge commis à la surveillance du registre.

d) Effets de la demande

* Dès le dépôt du dossier d’immatriculation, le CFE délivre gratuitement un récépissé de créationd’entreprise sur lequel est inscrit « en attente d’immatriculation »=> but = faciliter les actions auprès de la Poste, d’EDF… avec cette précision que ces actes sonteffectués par certaines personnes au nom de la société (cf infra).

* Attribution d’un numéro d’identification

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Un répertoire national des entreprises et des établissements est tenu par l’INSEE. Un centreinformatique spécifique a été ouvert à cet effet à Nantes. Porte le nom de SIRENE.Dès l’immatriculation le greffier transmet le dossier à l’INSEE, qui va attribuer à la société un numéroSIREN à 9 chiffres qui devra figurer sur tous les papiers de l’entreprise (factures,correspondance, doc. publicitaires) et qui permettra de l’identifier auprès des administrations. Cenuméro sera suivi de la mention RCS et du nom de la ville où se trouve le greffe dans lequel l’entreprisea été immatriculée.Le déclarant se verra notifier son immatriculation ainsi que son numéro SIREN dans un extrait Kbis.

Nous avons vu que le décret du 1er septembre 2010 prévoit que les PM en formation doivent désormaisobligatoirement être inscrites au répertoire SIRENE (art. R. 123-220 nouveau)

4) Insertion au BODACC

Dès qu’il reçoit la notification du n° d’identification par l’INSEE (délai de 8 jours), le greffier doit adresserun avis à insérer au BODACC (bull off. des annonces civiles et comm.). Formalité de publicité qui est plus efficace que l’inscription dans un JAL car elle est de portée nationale.

5) Formalités diverses

Il est indispensable de faire des déclarations d’existence auprès de différentes administrations (fiscales,URSSAF, Caisses de retraite, Assedic…)Une simplification est intervenue avec la création des centres de formalités des entreprises (loi Madelindu 11 fév. 1994 et décret du 19 juin 1996) et le principe du « guichet unique » : les déclarationsd’existence seront effectuées dans un même lieu. Le déclarant dépose la « liasse unique » que nous avons étudiée auprès du CFE (pièces justificatives) etcette liasse sera ventilée par le CFE dans les 24 heures auprès des différentes administrations et cecisimplement après un contrôle formel.

Rq : L’intérêt de toutes ces formalités est notamment de protéger les tiers. Ceux-ci doivent doncpouvoir accès aux informations utiles. Ils peuvent donc solliciter le CFE en adressant un courrier ou ense rendant sur place. Ils peuvent aussi obtenir des renseignements en consultant le sitewww.sirene.tm.fr

(source : INSEE)

SECTION 2 : LA SOCIÉTÉ EN FORMATION (SEF)

Un temps plus ou moins long va s’écouler entre la signature des statuts et l’immatriculation. Pendantcette période, on dit que la société est en formation. Deux remarques préalables :

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- pendant cette période, les fondateurs et les premiers associés ne sont pas inactifs : ils vontaccomplir différents actes pour mettre en place l’activité sociale

- jusqu’à l’immatriculation, les rapports entre les associés sont régis par le contrat desociété et les principes généraux applicables aux contrats et aux obligations (art. 1842 al. 2cc)

2 points à étudier : - définition de la SEF- sort des actes accomplis pendant la période de formation.

§1) DÉFINITION DE LA PÉRIODE DE FORMATION ET ACTIVITÉ DE LA SEF.

A) La période de formation

Petite hésitation en JP :

début de la période : cela dépend du cas d’espèceSelon la chambre commerciale de la cour de cassation, il y a SEF dès que les intentions de la créersont affirmés avec suffisamment de netteté. Il faut que des formalités précises et non équivoquesaient matérialisé l’intention des associés.Il s’agira souvent de la signature des statuts, mais possibilité que ce soit avant : le stade duprotocole paraît suffisant (Cour d'appel de Paris 12 avril 1991).

La période de formation ne doit pas être trop longue. Une société qui fonctionne longtemps sans avoirété immatriculée est réputée devenir une société créée de fait.(cf infra).

fin de la périodeCette fois, pas d’ambiguïté : c’est l’immatriculation.

B) Activité pendant la période de formation

Des nécessités pratiques obligent à conclure d’assez nombreux contrats sans attendre l’immatriculation: bail, découverts ou crédits bancaires, achat de matériel, recrutement de personnel, installation delignes téléphoniques… . Ces actes sont indispensables.

1) Qui peut agir ?

a) La société elle-même ne peut pas agir

Ce n’est pas la société elle-même qui agit puisqu’elle n’a pas encore la personnalité morale.Différentes conséquences sont attachées à ce défaut de PM.

● une SEF n’a pas la personnalité procédurale

irrégularité d’une action en justice diligentée par une SEF (et contre une SEF)

mais une division oppose différentes chambres de la Cour de cassation quant à lapossibilité de régulariser ce vice.

Troisième civile : Civ. III 9/10/96 : elle considère qu’il s’agit d’une irrégularité de fond, mais qui peut êtrecouverte avant que le juge statue, en raison de l’immatriculation de la société au RCS.Il suffit donc que l’immatriculation ait été effectuée au jour où le juge statue.Même position de la deuxième chambre civile

{A noter, concernant un acte particulier, mais qui n’est pas un acte de procédure à proprement parler,que la deuxième ch. Civile vient de poser que l’enchère portée au nom et pour le compte d’une SEFn’encourt pas la nullité lorsque, en raison de la reprise des actes accomplis pendant sa formation,l’enchère est réputée avoir été conclue dès l’origine par la société ultérieurement immatriculée (Cass.Civ. II 10 oct. 2009, n° 08-15.882, F-P+B, Cédille)S’inspire de la reprise des engagements}

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Mais solution différente de la part de la chambre commerciale :Cass. Com. 30 nov. 1999 : « l’irrégularité d’une procédure tenant à l’inexistence de la PM qui agit enjustice ne peut être couverte »

Cette position a été réaffirmée par la Cass. Com. le 20 juin 2006 (Bull. n°146)Vu l'article 32 du nouveau code de procédure civile, ensemble l'article 126 du même code ;

Attendu qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personnedépourvue du droit d'agir ; que cette situation n'est pas susceptible d'êtrerégularisée lorsque la prétention est émise par ou contre une partie dépourvue depersonnalité juridique ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Santé magazine, reprochant à la sociétéDéclics-multimédia, alors en formation, d'avoir déposé des noms de domaine sur le réseauinternet qui portaient atteinte à ses droits, a demandé qu'il soit fait interdiction à cettesociété d'utiliser ces dénominations et qu'elle soit condamnée à réparer le préjudice causé ;

Attendu que pour déclarer cette demande recevable, l'arrêt retient que le dépôt des nomsde domaine litigieux résulte d'un constat effectué le 8 janvier 2000, que la société Déclics-multimédia a été immatriculée le 27 avril 2000 et que le dépôt a donc été reprisautomatiquement par cette société dès son immatriculation, laquelle est intervenue aucours de la procédure, introduite par assignation du 1er mars 2000 ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte de ses constatations que la société Déclics-multimédia était, lors de l'assignation, dépourvue de personnalité juridique, la cour d'appel aviolé les textes susvisés ;

La doctrine est assez critique vis-à-vis de cet arrêt. Il semble que procéduralement, rien ne devrait pouvoir s’opposer à la régularisation à condition : - que la société ait acquis la personnalité juridique- qu’elle ait repris l’acte qui est la cause de l’action- que l’assignation soit parvenue à celui qui a le pouvoir de représenter la société PM.

● une SEF ne peut pas être partie à un contrat

Tous les actes passés par une SEF en son nom sont nuls : Exemples d’actes nuls en JP :

- signature d’un acte d’acquisition d’un emplacement commercial (Ciiv. III 28/10/1992) ;- congé donné (Civ. III 22 mars 1995)- cession de créance : Cass. Com. 2/05/2007 (n°05-14071)

Cela ne signifiera pas qu’aucun acte ne pourra être passé pendant la période de formation, mais cesactes seront passés par des personnes agissant au nom de la société (art. L. 210-6 ccom) : v. infra.

b) Mais des personnes peuvent agir au nom de la société

Art. 1843 cc (et 210-6 ccom) : des personnes « peuvent agir au nom de la SEF ».Opérations hasardeuses : les personnes qui ont agi au nom de la SEF avant immatriculation sonttenues des obligations et des actes accomplis, avec solidarité si la société est commerciale, sanssolidarité dans le cas contraire.Ce sont bien les personnes qui ont agi qui seront responsables (ou celles qui ont donné mandat) ; ce nesont pas forcément les fondateurs. Tant qu’il n’y a pas eu immatriculation, et de reprise (cf infra), seule(s) cette (ces) personne(s) sera(ont)engagée()s, et non, par exemple, les signataires des statuts. Risque pour les tiers car cette personne peut être insolvable. Le cocontractant n’aura alors aucuninterlocuteur (tant qu’il n’y a pas eu reprise par la société. Cf. infra).

2) Quels actes peut-on accomplir pendant la période de formation ?

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n’importe quel acte ne peut pas être exercé. Le but des actes ne peut être que la mise en place de l’activité sociale. et surtout la période de formation ne peut pas durer trop longtempsOn constate parfois une certaine passivité des fondateurs : la société tarde à être immatriculée alorsque des actes sont passés. Cette situation a des conséquences. En effet, s’il y a commencementd’exploitation, existe une possibilité de requalification en société créée de fait (SCF).

Enjeu : Incidence sur les personnes responsables car la SCF emprunte le régime de responsabilité de laSEP (société en participation).

Explication : dans le cadre d'une société en formation, seule la personne qui passe commande au nom de la

société en formation est personnellement tenue des obligations en découlant. Si plusieurspersonnes ont passé commande, elles seront toutes tenues. Les associés de la société qui n’ontpas participé à la passation de la commande n’ont pas eu à en supporter les conséquences.

au contraire, dans le cadre de la société créée de fait, les engagements pris par certainsassociés pour le compte de la société obligent personnellement et solidairement tous les autres,même s'ils n'ont pas participé à l'acte, à condition cependant que ces personnes aient agi enqualité d'associés au vu et au su des tiers (C. civ. art. 1872-1, al. 2, sur renvoi de l'article 1873).

Il est donc intéressant pour les tiers (et notamment pour le cocontractant) d’obtenir une requalificationen société créée de fait car celle-ci peut aboutir à élargir, à certaines conditions sur lesquelles nousreviendrons, le champ des responsables.

Quand y aura-t-il passage (ou dégénérescence) d’une SEF en une SCF ?Le critère tient normalement à la nature des actes accomplis

- SEF : simple possibilité de conclure des actes préparatoires à l’activité sociale. Exclut les actesde pleine exploitation.

- SCF : début d’activité socialeMais la frontière est étroite entre actes préparatoires et exploitation. La requalification dépend descirconstances de chaque espèce.Un critère de distinction a été posé par la Cour de cassation dans un arrêt du 9 nov. 1987 pour aider àdéterminer quand il y avait passage d’une forme à l’autre : la SEF est requalifiée en SCF s’il y a« développement de manière durable et importante d’une activité dépassantl’accomplissement de simples actes nécessaires à la constitution de la société ».Cela semblait signifier que la conclusion d’un seul acte relevant de l’activité sociale ne suffisait pas pourqu’il y ait requalification.

Mais dans des arrêts récents, la Cour s’est montrée moins exigeante.Ex : Cass. Com. 26 mai 1999, n°08-13.891 (n°464 F-D), Ligier contre Caisse nationale de créditmaritime mutuel du Morbihan et de Loire Atlantique : Une SNC en formation avait pour objet social l'acquisition des parts d'une autre société. Un empruntavait été contracté par le gérant associé, au nom de la société, et était destiné à financer cetteacquisition. La SNC n'avait pas finalement pas été immatriculée au registre du commerce et dessociétés. La banque décide d’agir en remboursement, non contre le signataire de l’emprunt (qui était legérant), mais contre l'associé fondateur non gérant (par ailleurs caution). Les juges accueillent cettedemande et le pourvoi est rejeté.Nous allons décortiquer l’attendu de rejet.

Mais attendu que l'arrêt retient que la société, en cours de formation, avait pourobjet social l'acquisition des parts de la société Croisière des alizés et quel'emprunt contracté par M. X..., au nom de la société, a servi à cette acquisition ;

La Cour constate un début d’activité sociale. Il n’y a pas seulement eu emprunt, mais utilisationde l’emprunt (donc accomplissement de l’objet social)

« qu'il retient encore que M. Y... s'était présenté comme l'un des associés de lasociété dans un courrier adressé à un tiers et avait participé à l'acte de prêt ens'engageant en qualité de caution avec M. X... envers la CRCMM ;

La Cour applique donc les critères applicables à la SCF (cf supra): l’autre s’est présenté somme

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un associé de la société. Ce point a été discuté car une partie de la doctrine considère que cen’est pas le sens de l’expression « se présenter comme associé au su et au vu des tiers » visée àl’article 1872-1.

« que de ces constatations et appréciations (…) la cour d'appel a pu déduirequ'en l'absence d'immatriculation au registre du commerce une société créée defait s'était substituée à la société en formation et que l'activité développée parMM. X... et Y... avait dépassé l'accomplissement des simples actes nécessaires àsa constitution »

Donc l’associé non signataire a été condamné à rembourser. Rq : le fait d’avoir été caution ne suffit pas à justifier sa mise en cause, car il s’est porté caution del’engagement pris au nom de la SEF. Or, la société n’a pas été immatriculée => le cautionnement perdson objet.

L’arrêt a été critiqué (M.-C. Coquelet) : interprétation trop extensive de l’article 1872-1 cc car l’arrêtpeut conduire à considérer que toute SEF devient une SCF dès lors qu’un début d’activité sociale a étéréalisé.

Une remarque pour clore le 2) : le recours à la notion de société créée de fait dans cette hypothèse estcritiquée en doctrine. Nous verrons en effet qu’il y a en principe SCF quand les associés se comportentcomme des associés mais sans en avoir conscience (ce point sera traité dans le titre II, chapitre II), cequi ne correspond pas du tout à l’hypothèse visée.

[il y a donc deux types de sociétés créées de fait- la SCF en quelque sorte ab initio : c’est celle qui se déduit du comportement de ses membres- la SCF qui résulte d’une dégénérescence de la société en formation qui tarde trop às’immatriculer et commence son exploitation].Doctrine préférerait le recours à la notion de SEP (société en participation).

§2) SORT DES ACTES ACCOMPLIS AU NOM ET POUR LE COMPTE DE LA SOCIÉTÉ EN FORMATION

Il est nécessaire de protéger les tiers qui contractent avec une SEF car il n’existe encore aucunepersonne morale qui leur serve d’interlocuteur. Il est indispensable que quelqu’un réponde des actesaccomplis.D’où la question : qui devra exécuter les actes accomplis pendant la période de formation? (rq : on se situe dans l’hypothèse où pas de requalification en SCF)

La loi prévoit une solution alternative (art. 1843 cc et L. 210-6 ccom)Art. 1843 cc:Les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant l'immatriculation sonttenues des obligations nées des actes ainsi accomplis, avec solidarité si la société estcommerciale, sans solidarité dans les autres cas. La société régulièrement immatriculéepeut reprendre les engagements souscrits, qui sont alors réputés avoir été dès l'originecontractés par celle-ci.

Idem art.L. 210-6 ccom al 2Les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de lapersonnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis,à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne lesengagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par lasociété.

Quelle est l’alternative ? :- ou bien la société, une fois immatriculée, reprend les engagements souscrits : ces actes seront

réputés avoir été conclus dès l’origine par celle-ci- - ou bien la société ne les reprend pas et les signataires sont alors personnellement responsables

des actes accomplis. Cette dernière solution est évidemment moins favorable pour les créanciers. La reprise est donc un acteessentiel.Nous allons voir cependant qu’elle ne peut intervenir qu’à des conditions précises.

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A) Conditions de la reprise

Il existe des conditions de fond et des conditions en quelque sorte procédurales

1) Conditions de fond à la reprise

Il faut que des engagements aient été souscritsLa reprise s’applique à tous les actes, contrats et obligations souscrits au nom de la société pendant lapériode de formationL’arrêt précité de la deuxième chambre civile en date du 10 sept. 2009 montre que le termed’engagement ne se limite pas aux engagements contractuels puisqu’il vise par ex le fait de se porteradjudicataire. Question : cela s’applique-t-il aux actes délictueux (concurrence déloyale…) ?Pas de réponse ferme en Jp mais la réponse est sans doute négative car il est peu probable qu’il puissey avoir eu mandat ou qu’il puisse y avoir ratification (CA Paris 24 fév. 1977). La doctrine est égalementhostile.

L’acte doit avoir été accomplis pour le compte d’une société en formation=> le fondateur doit avoir indiqué à son cocontractant qu’il agissait pour le compte d’une SEF et nonpour son compte personnel, sinon il ne pourra y avoir reprise.

Illustration avec Cass. Com. 23 janvier 2003L’associé unique d’une exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) avait contracté un emprunten son nom personnel pour financer du matériel destiné à l’EARL. La société est mise en redressementjudiciaire et l’homme est poursuivi en paiement du solde du prêt. Il soutient que la créance est éteintefaute d’avoir été déclarée au passif de l’EARL. CA le suit : prêt accordée pour les besoins de l’EARL + reprise de l’acte par celle-ci car il y a eu unedécision expresse en ce sens + prise en charge par celle-ci des remboursements=> cassation : « Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle a constaté que l'engagement résultant des prêts contractésn'avait pas été pris au nom de l'EARL, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».

Autre illustration récente avec Cass. Com. 2 fév. 2010 : Un protocole d’accord avait été signé entre le propriétaire d’un local commercial et deux associésfondateurs. Aucune stipulation du protocole ne précisait que les engagements avaient été souscrits aunom d’une SEFLa société est par la suite immatriculée. Les juges du fond considèrent que les signataires du protocolesont libérés car :

- il y avait eu exécution volontaire de l’acte par la société après immatriculation - + plusieurs indices (factures et devis postérieurs établis au nom de la SEF) permettaient de dire

que l’acte avait été conclu pour le compte de la SEF.Cassation : « Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si MM. X... et Z... avaient déclaré,dans le protocole d'accord par lequel ils s'engageaient à exécuter les travaux, agir pour le compte de lasociété en formation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale »

Enseignements de ce arrêt : approche très formaliste de l’exigence posée. Il faut que le document comporte

« intrinsèquement » (M.-L Coquelet) la marque de ce que l’acte est conclu pour le compte d’uneSEF

Mais il est vrai que des indices postérieurs ne permettent pas d’établir que, au jour de laconclusion de l’acte, le cocontractant savait que l’acte était souscrit, non pas à titre personnel,mais pour le compte d’une SEF

Acte doit être conclu dans l’intérêt de la société et non dans l’intérêt perso dusignataire.

2) Conditions de forme à la reprise

Situation complexe : il faut à la fois faciliter la ratification et éviter aux associés les engagements dontils ne veulent pas.

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Trois modalités de reprise ont été prévues par un décret du 3 juillet 1978 (art. 6) :« L'état des actes accomplis pour le compte de la société en formation avec l'indication, pourchacun d'eux, de l'engagement qui en résulterait pour la société est présenté aux associés avant lasignature des statuts.

Cet état est annexé aux statuts, dont la signature emportera reprise des engagements par la société,lorsque celle-ci aura été immatriculée.

En outre, les associés peuvent, dans les statuts ou par acte séparé, donner mandat à l'un ouplusieurs d'entre eux, ou au gérant non associé qui a été désigné, de prendre des engagements pour lecompte de la société. Sous réserve qu'ils soient déterminés et que les modalités en soient précisées parle mandat, l'immatriculation de la société emportera reprise de ces engagements par ladite société.

La reprise des engagements souscrits pour le compte de la société en formation ne peut résulter,après l'immatriculation de la société, que d'une décision prise, sauf clause contraire desstatuts, à la majorité des associés.

On peut dire que les deux premières modalités, si elles sont respectées, vont emporter repriseautomatique au jour de l’immatriculationLa troisième pourra jouer post immatriculation, mais avec un vote pris à la majorité des associés

Hypothèses Immatriculation RCSActes passés avant signature statuts et annexeprésentée à signature

Reprise automatique

Mandat donné Reprise automatiqueautre Nécessité vote post immatriculation à la

majorité

a) Actes annexés aux statuts

Vise une hypothèse rare où les actes ont été conclus avant la signature des statuts

Ces actes peuvent être ratifiés lors de la constitution de la société une liste des actes accomplis avant la constitution de la société est soumise aux associés enmême temps que la signature des statuts. Les associés n’ont alors qu’une alternative : s’ils souhaitent constituer la société, ils doiventaccepter de ratifier les engagements. S’ils refusent la ratification, ils doivent renoncer à la constituer la société.

En fait, cette technique s’applique rarement car la période constitutive ne commence, dans la plupartdes cas, qu’avec la signature des statuts. En effet, c’est souvent lors de la signature des statuts que lesassociés désignent leurs premiers représentants, et ce sont ceux-là qui vont agir.

b) Mandat donné par les associés lors de ou après la signature des statuts (mais avant immatriculation au RCS, sinon pas de problème de reprise)

Si les associés ont prévu les actes qu’il sera nécessaire de conclure avant l’immatriculation, ils peuventdonner mandat à l’un ou plusieurs d’entre eux de les accomplir (art. 6 al. 3 décret du 3 juillet 1978 etart. L. 210-6 ccom)L’existence du mandat et son contenu doivent être prouvés par celui qui l’invoque.

2 conditions relatives au mandat : - il doit être donné à une personne déterminée (mais certains auteurs considèrent que mandat

pourrait être donné à tous les associés) ;- il doit énumérer les actes pour lesquels il a été donné et en préciser les modalités.

Le mandat ne peut pas être implicite ou général.

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Ce régime ne permet donc que de passer au nom de la société que les actes qui étaient prévus aumoment de la signature des statuts. Dans le cas contraire, il oblige à consulter une nouvelle fois tous les associés pour que ceux ci donnentmandat de conclure un acte imprévu. Assez complexe => préférable alors de recourir à la secondepossibilité (V. infra c.).

Il existe une autre raison de recourir à la reprise par décision expresse (c) : le mandat est dangereuxpour les mandants => si la société n’est finalement pas immatriculée, la responsabilité des mandantssera engagée au même titre que celle des mandataires.

c) Ratification par la majorité des associés après l’immatriculation

art. 6 al 4 décret du 3 juillet 1978 : « la reprise des engagements souscrits pour le compte de la sociétéen formation ne peut résulter, après immatriculation au RCS, que d’une décision prise, sauf clausecontraire des statuts, à la majorité des associés ».

La règle majoritaire n’est pas d’ordre public : possibilité d’une majorité qualifiée ou de l’unanimité

Avantage de cette solution => permet la reprise de tous les engagements dont le sort n’a pas été régléprécédemment : « reprise balai »

Mais il est impératif de confier cette ratification à l’organe collégial représentant la collectivité desassociés. Selon la doctrine, serait également inopérante la ratification donnée par le représentant légalde la société de sa propre initiative car cela serait contraire à la volonté législative de réserver auxassociés le droit de décider de la reprise.

d) Refus de toute autre voie ?

En dehors de ces trois hypothèses, il n’existe en principe pas de possibilités de reprise, etnotamment pas de possibilité de reprise tacite.

Avant l’adoption du décret de 1978, plusieurs décisions avaient accepté l’hypothèse d’une reprise tacitedes actes. La rédaction actuelle de l’article 6 semble condamner cette solution et exiger une décisionexpresse des associés.

Cette interprétation a été consacrée par Civ. I 26 avril 2000 et par d’autres arrêts qui ont suivi tels queCom. 13 mars 2001De nombreuses décisions sont intervenues depuis pour bloquer toute autre forme de ratification :application littérale des dispositions de l’article 6 du décret de 1978

Ex récent : Com 23 mai 2006 (Bull n°130)Sur le premier moyen pris en sa première branche :

Vu les articles L. 210-6 du Code de commerce, 26, alinéa 3, du décret du 23 mars1967 et 6 du décret du 3 juillet 1978 ;

Attendu, selon le premier de ces textes, que les personnes qui ont agi au nomd'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de lapersonnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables desactes ainsi accomplis, à moins que la société ne reprenne les engagementssouscrits ; qu'il résulte des deux autres textes que la reprise de telsengagements ne peut résulter que, soit, de la signature par les associés desstatuts auxquels sont annexés un état des actes accomplis pour le compte de lasociété, d'un mandat donné par les associés avant l'immatriculation de lasociété, soit à l'un ou plusieurs des associés, ou au gérant non associé, etdéterminant dans leur nature, ainsi que dans leurs modalités, les engagements àprendre, soit encore, après l'immatriculation, d'une décision prise à la majoritédes associés ;

Attendu que pour dire que M. Y..., en sa qualité d'associé de la société PAM, ne

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peut être tenu au paiement des sommes réclamées par Mme X... au titre del'exécution de l'acte du 17 janvier 1989, l'arrêt retient que l'acte a été passédans l'intérêt exclusif de la société, que cet acte ayant été signé par l'ensembledes associés de la société PAM ceux-ci avaient accepté la prise en charge parleur société des obligations en résultant, et que, dès lors, il était conforme auxfinalités de l'article 26 du décret de 1967, un mandat donné par certains associésà d'autres n'étant en l'espèce d'aucun intérêt ;

Attendu qu'en statuant ainsi la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

=>commentaire : le fait que l’acte soit passé dans l’intérêt exclusif de la société et qu’il ait étésigné par l’ensemble des associés ne vaut pas reprise

Et sur le premier moyen pris en sa seconde branche :

Vu les articles L. 210-6 du Code de commerce, 26, alinéa 3, du décret du 23 mars1967 et 6 du décret du 3 juillet 1978 ;

Attendu, selon le premier de ces textes, que les personnes qui ont agi au nomd'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de lapersonnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables desactes ainsi accomplis, à moins que la société ne reprenne les engagementssouscrits ; qu'il résulte des deux autres textes que la reprise de telsengagements ne peut résulter que, soit, de la signature par les associés desstatuts auxquels sont annexés un état des actes accomplis pour le compte de lasociété, d'un mandat donné par les associés avant l'immatriculation de lasociété, soit à l'un ou plusieurs des associés, ou au gérant non associé, etdéterminant dans leur nature, ainsi que dans leurs modalités, les engagements àprendre, soit encore, après l'immatriculation, d'une décision prise à la majoritédes associés ;

Attendu que pour dire que M. Y..., en sa qualité d'associé de la société PAM nepeut être tenu au paiement des sommes réclamées par Mme X... au titre del'exécution de l'acte du 17 janvier 1989, l'arrêt retient encore que par l'effet deson immatriculation au registre du commerce la société a repris lesengagements souscrits pour son compte par l'ensemble des associés qu'elle aentrepris d'exécuter effectivement ;Attendu qu'en statuant ainsi la cour d'appel a violé les textes susvisés

=> commentaire : l’immatriculation et l’exécution spontanée des actes par la société ne vaut pasreprise tacite

Autre exemple : Cass. Civ. III 24 janvier 2007 (cf.)Et encore illustration avec Cass. Com. 17 juin 2008 : la reprise d’un contrat de fourniture ne peutrésulter ni de la livraison des marchandises et du paiement partiel du prix par la société une foisimmatriculée, ni de la rétention par elle du solde de la facture en raison de malfaçons

Ces nombreux arrêts manifestent une résistance des juges du fond puisqu’on voit que la Courde cassation a besoin de rappeler la règle à des juges qui ne sont pas en accord avec cette lecturestricte.

Il est vrai que la position de la CC° est parfois critiquée par son excès de formalisme quipeut porter atteinte aux droits des tiers alors que la loi de 66 avait tenté de les protéger.

C’est peut-être pour cette raison qu’on a pu déceler une amorce d’évolution avec un arrêt du 1er juillet2008, dans le cadre spécifique de la reprise par mandat

Un associé fondateur d’une SARL avait conclu, avant la signature des statuts, un contrat de bailcommercial pour le compte de la SEF.Les statuts furent signés 3 mois plus tard. Ils donnaient mandat à l’un des associés de conclure un bailcommercial au nom et pour le compte de la SEF (donc le mandat fut donné postérieurement à lasignature du bail mais avant immatriculation)

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La société placée finalement placée en liquidation judiciaire et les loyers restèrent impayés. Lepropriétaire du local rechercha la responsabilité des associés eux-mêmes, en contestant la validité dumandat donné a posteriori et en soutenant que les modalités de reprise exigées par la loi n’avaient pasété respectéesCA accepte son action c/ l’associé signataireCassation : « l’engagement pris par un associé pour le compte d’une SARL en formation peut –êtreratifié par un mandat donné avant l’immatriculation, laquelle emporte reprise de ces engagements parla dite société ».La cour admet donc l’efficacité d’un mandat a posteriori, ayant ratifié les engagements pris parun associé pour le compte d’une SEF

Cette solution est contestable : - Elle dénature le mandat

solution normale aurait été : 1) mandat ; 2) acte ; 3) immatriculation. Ici nous avons 1) acte ; 2)mandat ; 3) immatriculation

- Un autre moyen aurait été meilleur

B) Effets de la reprise ou du défaut de reprise

1) Effets de la reprise

a) Engagement de la société

les actes et engagements sont réputés avoir été souscrits dès l’origine par la société(art. 1843 et art. L. 210-6 in fine) . Rétroactivité importante du point de vue fiscal => la reprise n’équivaut pas à une mutation => pas depaiements de nouveaux droits d’enregistrement. Importante également en matière sociale => dans les contrats de travail, l’ancienneté des salariés sedétermine à partir de la date d’embauche.

(Explications doctrinales proposées à cette rétroactivité :- stipulation pour autrui- application aux personnes morales de l’adage infans conceptus pro nato habetur- gestion d’affaires- engagement pris sous la condition suspensive de la reprise par la société. C’est la meilleureexplication.. )

b) La responsabilité personnelle du souscripteur se trouve dégagée.

Principe : responsabilité de la seule société

Exceptions :● hypothèse d’un cautionnement

La responsabilité des futurs associés peut résulter d’un engagement de cautionner toutes lesobligations souscrites au nom de la SEF. Le débiteur principal (la société) n’existe pas encore, mais la JPest pourtant favorable à ce type de sûreté personnelle.

● paiement par chèque On admet qu’un compte bancaire peut être ouvert à la demande d’un fondateur au nom d’une SEF. Précaution prise par lun décret - loi du 3O octobre 1935 : le fondateur d’une société qui émet deschèques sur un compte intitulé « M…pour la société X » demeure personnellement tenu du paiementdes dits chèques.

● reprise frauduleuse => la reprise ne saurait couvrir la fraude d’un débiteur. ex : Cour d'appel Paris 22 nov. 1988 : en mars 1985, un gérant de SARL en formation contracte unemprunt. A l’automne, il immatricule la société pour échapper à l’action en remboursement et il fait

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voter par l’assemblée une décision de reprise. La Cour d'appel va juger nulle cette reprise car elle apour objet de transférer frauduleusement la charge d’une dette sur une personne morale insolvable.

2) Incidence du défaut de reprise

Hypothèse : société n’a pas été immatriculée ou elle a immatriculée mais tout ou partie des actes nesont pas repris. Cela emporte deux conséquences, une qui joue exceptionnellement et l’autre qui est larègle.

a) Incidence sur l’existence de la société

Hypothèse exceptionnelle où des actes ont été conclu avant même la signature des statuts et où lesassociés refusent, au jour de cette signature, de signer également l’annexe les relatant (v. supra). Nousavons déjà vu que cela empêchait la constitution de la société.En revanche, le refus de donner mandat ou de ratifier n’a aucune influence sur la validité de la société.

b) Détermination des personnes responsables

a1 - principe : les personnes qui ont accompli les actes ou donné mandat de les accomplirrestent seules tenues envers leur cocontractant, indéfiniment et

- soit solidairement si la société est commerciale (cette responsabilité ne confère pas pour autant aux participants la qualité de commerçant).

- soit de façon conjointe si société civile

Rq : seules les personnes ayant personnellement agi sont tenus, et non pas les fondateurs ou lesassociés pris en cette simple qualité. Donc ne pas se méprendre sur le sens de la responsabilitésolidaire. Il y a solidarité si et seulement si plusieurs personnes sont intervenues à l’acte.

● agissement personnel :Ex : Com 26 nov. 1996 : une Cour d'appel ne peut mettre à la charge de tous les associés d’une sociétéen formation les conséquences d’un contrat conclu par l’un d’eux, en considérant qu’ils ont agi commeles associés d’une société en participation, sans caractériser les actes personnels de ces personnespermettant de dire qu’ils ont agi en qualité d’associés au vu et au vu des tiers ou qu’ils s’étaientimmiscés dans la conclusion du contrat en cause, en faisant croire aux tiers qu’ils entendaients’engager à son égard.

● mandat. Possibilité de mandat tacite.Ex : Cour d'appel Rennes 26 février 1987 : dans un cas où un des fondateurs de la société avaitcontracté seul avec un prestataire de service et se trouvait donc seul débiteur de l’obligation nonreprise, il a été considéré, compte tenu d’une part de l’extrême proximité des dates de la constitutionde la société et de la conclusion d’un contrat, et d’autre part des liens familiaux unissant les fondateurs,que les deux autres fondateurs non signataires avaient donné un mandat implicite au signataire deconclure le contrat en cause. Dès lors, les trois fondateurs ont été condamnés à payer le solde de lafacture réclamée par l’entreprise contractante.

a-2 - Exception : au cas où cependant, la société profiterait personnellement des actes accomplismalgré le défaut de reprise, elle pourrait être tenue de rembourser les frais exposés par celui qui s’étaitengagé sur le fondement de l’enrichissement sans cause ou d’une gestion d’affaires.

Précaution à prendre pour les fondateurs au cas où la société ne serait pas immatriculée : prévoirune clause résolutoire de plein droit dans les actes passés en cas de défaut d’immatriculation dans uncertain délai.

Remarque : beaucoup de contentieux autour de la SEF

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CHAPITRE III : SANCTION DES IRRÉGULARITÉS DE CONSTITUTION

Problème : une conciliation doit être opérée entre le souci de sévérité qui doit présider au choix de lasanction et le souci de protéger les tiers de bonne foi qui ont contracté avec la société. Le premier soucicommande une nullité rétroactive ; le second plaide en faveur d’une non rétroactivité.

Ce second souci a été pris en compte par la jurisprudence antérieure à 1966, qui a limité les cas denullité et créé la théorie des « sociétés de fait ».

[Distinction à faire entre les sociétés de fait et les sociétés créées de fait- société créée de fait = situation dans laquelle deux ou plusieurs personnes se sont

comportées en fait comme des associés, mais sans entreprendre les démarches nécessaires àl’immatriculation. Ex des sociétés créées de fait entre concubins. Problème de distinction avec lessociétés en formation (cf supra)

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- société de fait = situation dans laquelle une société, voulue par les participants, estentachée d’un vice. Pendant la période qui s’écoule entre l’existence du vice etl’annulation, la société est dite de fait.]

Le législateur a pris le relais. Il a souhaité, d’abord dans les sociétés commerciales, puis dansl'ensemble des sociétés, limiter l’application de la théorie des nullités. Le régime prévu est dérogatoireau droit commun.Cela va se retrouver, tant au niveau de l’étude des causes de nullité (section1), que sur son exercice(section2) et ses effets (section3).

SECTION I : CAUSES DE NULLITÉ (ÉTUDE RAPIDE)

En principe, la nullité d’une convention doit être prononcée dès qu’une condition de validité fait défaut.La théorie des nullités en droit des sociétés est plus complexe => la sanction s’applique aussi bien auxconditions de validité qu’à certaines formalités de publicité.

Droit commun des sociétés : Art. 1844-10 cc : la nullité de la société ne peut résulter que dela violation des articles 1832 cc, 1833 ou de l’une des causes de nullité des contrats engénéral

Pour les sociétés commerciales : Art. L. 235-1 al. 1er ccom. : « la nullité d’une société ou d’un actemodifiant les statuts ne peut résulter que d’une disposition expresse du présent livre ou des lois quirégissent la nullité des contrats ».L’énumération de l’article L 235-1 est limitative => les associés ne pourraient donc prévoir d’autrescauses de nullité dans les statuts. Un arrêt qui prononcerait la nullité d’une société au motif par exemple que celle-ci n’a pas étéimmatriculée encourrait la cassation (Com. 4 mai 1981). La seule sanction dans cette hypothèse estque la société est privée de la personnalité morale

[L’alinéa 2 de ce texte traite des cas de nullité d’un acte ne modifiant pas les statuts et admet pluslargement les causes de nullité (sera vu en fin de semestre)]Seul le premier alinéa nous intéresse pour le moment, et pas dans son intégralité. On voit que ce texte a deux objets : la nullité de la société elle-même et la nullité des actes modifiantles statuts. Seule la première sera envisagée ici, même si elle est d’application plus rare.

Les causes de nullité sont strictement encadrées par ces textes mais se pose tout de même unproblème de compatibilité avec le droit européen.

§1) LES CAUSES DE NULLITÉ DES SOCIÉTÉS EN DROIT FRANÇAIS

Principe : pas de nullité sans texte en droit des sociétésLes textes en cause peuvent être soit spécifiques au droit des sociétés, soit applicables au droit descontrats en général.

A) Nullité, sanction de la violation des textes sur les sociétés

Nous traiterons des causes de nullité dans toutes les sociétés (droit commun) puis dirons un mot descauses spécifiques aux sociétés commerciales.

1) La nullité, sanction de la violation des règles de conditions de validité spécifiques au contrat desociété (règles communes à toutes les sociétés)

a) Violation de l’article 1832 cc

- pluralité d’associé => annulation si la société n’a qu’un seul associé dès l’origine, sauf dans lessociétés officiellement unipersonnelles- apport inexistant ou fictif- absence d’affectio societatis des associés. Mais cette sanction est discutée.- absence de toute participation aux résultats

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- fictivité de la société. (Rappel : hésitation sur la sanction : nullité ou inexistence ?)Réponse avec un arrêt du 16 juin 1992, Lumale => une société fictive est une société nulle et noninexistante. Cette solution a été réaffirmée dans un arrêt du 22 juin 1999.)

b) Violation de l’article 1833 cc

Il faut y ajouter la référence à l’art. 1833 : - nullité si objet social illicite (mais cf arrêt Marleasing pour les sociétés commerciales) - nullité si la société n’a pas été constituée dans l’intérêt commun des associés.

2) La nullité, issue de dispositions express régissant les sociétés commerciales (art. L. 235-1 ccom)

La nullité est en outre encourue dans les sociétés commerciales si une disposition expresse de la loi leprévoit. Or, il n’existe presque aucune disposition en ce sens.La loi ne vise que les SNC (société en nom collectif ) et SCS (société en commandite simple) : lesconcernant, l’article L. 235-2 ccom prévoit que l’accomplissement des formalités de publicité est prévueà peine de nullité

Et encore, l’hypothèse est exceptionnelle - car le greffier du Tcom exerce un contrôle lors de l’immatriculation et ce problème est donc enprincipe évité- car la nullité est facultative (sauf fraude) : pouvoir d’appréciation du juge- + cf infra les larges facultés de régularisation.

Pourquoi cette disposition ? En réalité, le législateur avait la volonté de supprimer toutes les causes denullité pour défaut d‘accomplissement de formalités de publicité ou pour vice de forme, mais on oubliala formalité prescrite à l’article L. 235-2 et personne n’a songé à la supprimer depuis.

Il n’existe aucune cause de nullité expresse pour les SA et les SARL.

Mais un arrêt de la Cour de cassation du 17/07/1974 a considéré que l’article L. 225-1 du ccom, quidispose que le nombre d’associés d’une SA ne peut être inférieur à 7 (sans préciser que la SAconstituée par moins de 7 est nulle) est une cause de nullité. Ce faisant, la Cour a fait une lecture largede la notion de « disposition expresse »

B) Nullité résultant de la violation des dispositions qui régissent les contrats en général

Il s’agit des règles régissant le consentement, la capacité, l’objet et la causeOn y ajoute la fraude (mais pb de compatibilité avec le droit communautaire). La fraude n’est pas viséepar les textes mais on applique l’adage « Fraus omnia corrumpit » (la fraude corrompt tout).

Une distinction est à faire, concernant la capacité et le consentement, selon le type desociété* SNC et sociétés en commandite simple => nullité possible si le défaut ou le vice duconsentement atteint un seul associé ou en cas d’incapacité même d’un seul* SARL, Sociétés par actions => nullité pour vices du consentement ou incapacité seulementsi elle atteint tous les associés fondateurs (art. L 235-1 ccom)

§2) COMPATIBILITÉ DU DROIT FRANÇAIS AU REGARD DU DROIT COMMUNAUTAIRE (RAPPEL)

A) Présentation de l’article 11 de la directive du 9 mars 1968

(Directive du 9 mars 1968 : 1ère directive communautaire en droit des sociétés : cf introduction du cours)

Article 11

La législation des États membres ne peut organiser le régime des nullités des sociétés que dans les

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conditions suivantes: 1. la nullité doit être prononcée par décision judiciaire;

2. les seuls cas dans lesquels la nullité peut être prononcée sont:

a) le défaut d'acte constitutif ou l'inobservation, soit des formalités de contrôle préventif, soit de laforme authentique;

b) le caractère illicite ou contraire à l'ordre public de l'objet de la société;

c) l'absence, dans l'acte constitutif ou dans les statuts, de toute indication au sujet soit de ladénomination de la société, soit des apports, soit du montant du capital souscrit, soit de l'objet social;

d) l'inobservation des dispositions de la législation nationale relatives à la libération minimale du capitalsocial;

e) l'incapacité de tous les associés fondateurs;

f) le fait que, contrairement à la législation nationale régissant la société, le nombre des associésfondateurs est inférieur à deux.

En dehors de ces cas de nullité, les sociétés ne sont soumises à aucune cause d'inexistence, de nullitéabsolue, de nullité relative ou d'annulabilité.

Attention : cette directive ne s’applique qu’aux sociétés de capitaux

B) L’interprétation de cet article par la CJCE

CJCE 13 nov. 1990, Marleasing SA. Un recours préjudiciel émanait du gouvernement espagnol en vued’interpréter la première directive. Le juge espagnol se demandait si l’objet visé à l’article 11 ne valaitque pour l’objet statutaire ou pouvait s’étendre à l’objet réel, c’est à dire à l’activité réellement exercéepar la société. Si l’objet statutaire est licite mais que l’activité exercée est illicite, peut-il y avoir nullité ?La CJCE estime que la notion d’objet social doit s’entendre de l’objet statutaire exclusivement. La nullitéd’une société ne pourrait donc résulter de l’illicéité de l’activité réellement exercée.Or, la Cour a posé dans cet arrêt (et l’a réaffirmé depuis) que le juge national a l’obligation d’interpréterson droit national à la lumière de la directive.Cette interprétation vaut donc pour le droit français.

Elle conduit à se poser la question de la validité au regard du droit européen d’autres causes de nullitéprévues en droit français (cf. fictivité, cause, absence d’affectio societatis, fraude…).Attention encore une fois : la question ne se pose que pour les sociétés de capitaux.

SECTION II - L’ACTION EN NULLITÉ

§1) PERSONNES POUVANT AGIR EN NULLITÉ

La détermination du champ des titulaires du droit d’agir en nullité est fonction du but de la sanction etde sa nature.

Lorsqu’il y a préservation d’un intérêt particulier (ex : incapacité, vice du consentement), la nullité estrelative : seule peut agir la personne (ou le groupe de personnes) protégée.Cette nullité est opposable même au tiers de bonne foi car on veut protéger l’associé dans la personneduquel existe la cause de nullité

Lorsqu’il s’agit de préserver l’intérêt de la société dans son ensemble (cause, objet…), la nullité estabsolue : toute personne ayant un intérêt légitime à demander la nullité peut agir : associés,associations d’actionnaires, créanciers sociaux, dirigeants… En effet, la Cour de cassation a énoncé (Com 4 juillet 1995) que : « aucune disposition n’impose que ledemandeur à l’action soit actionnaire de la société à la date de l’acte ou de la délibération dont ilpoursuit l’annulation ».

Cette nullité ne pourra pas être opposée à l’encontre d’un tiers de bonne foi.

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Rq : le défendeur à l’action est la société elle-même.

§2) LES OBSTACLES À L’EXERCICE DE L’ACTION

la prescription est le premier obstacle. Il faut également prendre en compte les très larges facultés derégularisation.

A) La prescription

Unification réalisée par la loi de 1966 : 3 ans à compter du jour où la nullité est encourue .(art.1844-14 cc et L. 235-9 ccom)

Rq : certains juges tentent de contourner cette courte prescription en prenant comme point de départ lejour où la cause de nullité est découverte ou bien le jour où la cause de nullité a cessé.Ils sont alors censurés

Ex avec Civ. I 20/11/2001 (Bull. n°286, pourvoi n°99-13985) qui traite de la perte d’affectio societatisTrois personnes créent une SCI mais en réalité les parts sont détenues par une seule (au terme d’uneprocédure complexe). L’une d’elles agit en nullité. On lui oppose la prescription, laquelle est écartée parla CA qui dit que la nullité est permanente et que la prescription ne court qu’au jour où la cause denullité a disparu. Son arrêt est cassé : Vu l'article 1844-14 du Code civil ;

Attendu, selon ce texte, que les actions en nullité de la société se prescrivent par trois ans à compterdu jour où la nullité est encourue ;

Attendu que Paul Fachena a constitué, le 11 mars 1968, avec Mme Coltelloni et M. Bernaroyat lasociété civile immobilière du 4, rue Picot (la SCI) au capital de 90 000 francs, chacun des associés étantporteur de 300 parts ; que cette SCI a acquis un appartement situé à l'adresse ci-dessus, loué auxépoux Coltelloni et occupé ultérieurement par Paul Fachena qui a assumé la gérance de la société àpartir de 1970 ; que cette même année, Mme Coltelloni a cédé ses parts à Paul Fachena, M. Bernaroyatcédant les siennes en 1972 à la mère de Paul Fachena, laquelle les a cédées en 1973, année de sondécès, à sa fille, Mme Degardin ; que Paul Fachena a cédé, le 28 décembre 1982, les 300 parts portéespar sa soeur, pour lesquelles cette dernière avait signé des actes de cession en blanc ; qu'après ledécès de Paul Fachena, survenu en 1993, Mme Degardin a, le 8 avril 1994, dénoncé ces actes decession ; que, le 29 avril suivant, Mme Paul Fachena a fait enregistrer la cession de parts du 28décembre 1982 ; que les époux Degardin l'ont, alors, fait assigner devant le tribunal de grande instancede Paris en nullité de l'acte de cession et paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que, pour juger que l'action en nullité de la SCI n'était pas prescrite en 1973, soit trois ansaprès la perte de toute affectio societatis, l'arrêt attaqué relève que, s'agissant d'une nullitépermanente, seule la disparition de la cause de celle-ci, soit la reconstitution d'une affectio societatisfait courir la prescription de trois ans de l'article 1844-14 du Code civil ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la nullité prononcée pour perte de l'affectio societatis était encourue en1970, année où l'arrêt situait cette perte, la cour d'appel a violé le texte susvisé

Donc c’est bien le jour où la nullité est encourue qu’il faut prendre en compte- jour où l’affectio societatis a disparu- jour de la signature des statuts si illicéité de l’objet (illustration avec Cour d'appel de Paris14/02/2006)… Ce délai de prescription peut être interrompu ou suspendu

Rq : l’exception de nullité reste perpétuelle, comme en droit commun : celui auquel l’exécution de l’acteirrégulier est demandée peut toujours refuser de s’exécuter.

B) La régularisation

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La loi a multiplié les possibilités de régularisation « a posteriori ». Cette régularisation peut êtrespontanée ou contrainte.

1) Régularisation spontanée

Alors qu’en droit commun, seules les nullités relatives peuvent être réparées par la voie de laconfirmation de l’acte nul par la personne protégée, l’impossibilité de réparation est exceptionnelle endroit des sociétés.Les textes encouragent en effet clairement la régularisation par les associés

art. L. 235-3 ccom (et 1844-1) : l’action en nullité est éteinte lorsque la cause de nullité a cesséd’exister le jour où le tribunal statue sur le fond en première instance (cette règle déroge au principeselon lequel le tribunal doit se placer au jour de l’assignation pour apprécier les éléments du litige).Il existe une exception pour les nullités résultant de l’illicéité de l’objet => pas de régularisationpossible.

le tribunal saisi d’une action en nullité ne peut la prononcer moins de 2 mois après l’acteintroductif d’instance : L.235-4 ccom

le tribunal peut fixer d’office un délai pour couvrir la nullité. Un tribunal a même nommé unmandataire de justice pour convoquer les actionnaires aux fins de régularisation enfin si la société a d’ores et déjà entamé une procédure de régularisation nécessitant laconvocation d’une assemblée générale ou la consultation des associés, et si elle peut justifier laconvocation régulière de cette assemblée ou l’envoi aux associés du texte du projet de résolutionaccompagné des documents nécessaires, le tribunal doit accorder le délai nécessaire pour que lesassociés puissent prendre une décision. Ce n’est qu’à l’expiration du délai, si aucune décision n’a été prise, que le tribunal statuera sur lademande en nullité à la demande de la partie la plus diligente (L235-5 ccom)

Problème si le vice n’a pas été réparé spontanément : une menace demeure pour les associés et pourles tiers. D’où la possibilité de régularisation forcée.

2) Régularisation forcée

3 hypothèses à distinguer

a) Vice du consentement ou incapacité d’un associé

Hypothèse visée à l’article L.235-6 ccomTout intéressé peut mettre en demeure la personne susceptible de régulariser - de le faire (si la régularisation est possible)- ou d’agir en nullité sous 6 mois Si une action en nullité est formée dans ce délai, tout associé peut soumettre au tribunal toute mesurede nature à supprimer l’intérêt du demandeur. Ex : possibilité de lui racheter ses droits sociaux (cette possibilité est prévue expressément par letexte).

Le tribunal a alors le choix entre prononcer la nullité ou opter pour les mesures proposées, à conditionqu’elles aient été préalablement adoptées dans les conditions prévues dans les statuts. Le vote du demandeur en nullité n’est pas pris en considération : cas exceptionnel d’exclusion d’unassocié.En cas de contestation, la valeur des droits sociaux de l’associé exclu est déterminée à dire d’expert oupar ordonnance du Pt du Tcom statuant en référé (art. 1843-4 cc).

b) Violation des règles de publicité (SNC et SCS seulement)

Art. L. 235-7 ccom : toute personne ayant intérêt à la régularisation peut mettre la société en demeured’y procéder.La société a 30 jours pour le faire, sinon tout intéressé peut demander au Pt du Tcom, statuant enréféré, la désignation d’un mandataire chargé d’accomplir la formalité

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c) Même si le vice n’est pas sanctionné par la nullité, tout intéressé peut demander la régularisation sous astreinte.

SECTION 3 : LES EFFETS DE LA NULLITÉ

Rq sur la compétence : le pouvoir de prononcer la nullité appartient à titre exclusif au juge.

§1) NULLITÉ DE LA SOCIÉTÉ

Principe : cette nullité opère sans rétroactivité : art. 1844-15 al.1 cciv + art. L.235-10 ccom (cesarticles reprennent la théorie jurisprudentielle des sociétés de fait : cf supra) => la société est nullepour l’avenir seulement. Il s’agit d’une exception remarquable au droit commun.

A) Effets de la nullité entre les associés

La société doit être liquidée en application des règles sur la liquidation des sociétés (cf fin ducours) , comme si elle était dissoute. On va appliquer les dispositions statutaires.

(3 cas cependant où les dispositions statutaires ne sont pas prises en compte- associé incapable dont le consentement a été vicié => reprend ses apports et se trouve quitte detoute charge- objet social illicite ou société frauduleuse car il ne faut pas faire produire effet à une conventioncontraire à l’OP (doctrine)- défaut total d’affectio societatis (doctrine). JP plus réservée. Dans ces trois hypothèses, chacun des pseudos associés reprend ses apports. Si un actif se dégage après la reprise => participation proportionnelle à la part dans le pseudo capitalsocialSi c’est passif qui se dégage : contribution aux pertes dans les mêmes %.)

Illustration du fait que l’on applique les règles sur la liquidation et non les règles sur la nullité de droitcommun : Cass. Com. 11/07/2006 Une SEP (mais la même solution s’appliquerait pour une autre société) avait été constituée entre unpharmacien et un vétérinaire pour permettre au premier de délivrer des médicaments vétérinaires sansordonnance et au second de régulariser ultérieurement cette activité illégale lors de ses visitesd’élevage. Cet objet est illicite et la société est nulle.La Cour d'appel de Renne avait appliqué les règles du droit commun des contrats et bloqué lesrestitutions consécutives à l’annulation au motif que les deux parties étaient également immorales ( V.cours 2ème année sur les conséquences de l’annulation, notamment à travers la règle « nemoauditur… »)L’arrêt est cassé (sur le fondement de l’article 1131 du code civil relatif à la cause) : « Attenduque l'objet illicite d'une société ne fait pas obstacle aux opérations d'apurement des comptesentre les associés, consécutives à sa dissolution »

Explication : en droit des sociétés, la nullité n’est pas rétroactive. En conséquence, il n’y a pas à fairejouer les règles de restitutions et de blocage éventuel de celles-ci par application de la règle nemoauditur. Il faut tout simplement procéder aux opérations de liquidation : apurement des comptes et partageéventuel entre les associés.

B) Rapports avec les tiers

art. 1844-16 cc et L.235-12 ccom : ni la société, ni les associés, ne peuvent se prévaloir dela nullité à l’encontre des tiers de bonne foi. La bonne foi s’entend de l’ignorance du risque d’annulation.

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Seule exception : nullité pour vice du consentement ou incapacité : la nullité pourra être opposée autiers par la personne dont le consentement a été vicié ou par l’incapable.

En dehors de ce cas, les tiers ont une option:- soit demander la nullité de la société ;- soit la considérer comme valable.

§2) RESPONSABILITÉ EN CAS D’ANNULATION

L’annulation de la société peut engager la responsabilité civile de ceux à qui elle est imputable.Le code de commerce consacre quatre articles à cette question, les trois premiers étant relatifs auxpersonnes responsables et le dernier à la prescription.

A) Personnes responsables

* art.223-10 ccom (applicable à la SARL) : responsabilité solidaire des premiers gérants et des associésauxquels la nullité est imputable. Ils sont responsables envers les autres associés et les tiers

* art. 225-249 (applicable à la SA) => responsabilité solidaire des fondateurs auxquels la nullité estimputable et des administrateurs en fonction au moment où elle est encourue. Idem pour les actionnaires dont les apports ou les avantages n’ont pas été approuvés ou vérifiés.

* art. L. 226-12 (applicable à la société en commandite par actions) : mêmes règles pour les gérants oules membres du conseil de surveillance

RQ : il n’existe aucune disposition particulière pour les SNC et les sociétés en commandite simple. Il nesaurait donc y avoir de responsabilité solidaire dans le cas de ces sociétés. La doctrine estimecependant qu’il faut appliquer les règles de la responsabilité de droit commun c’est-à-dire que sontresponsables tous ceux auxquels la nullité est imputable (tous les coauteurs de l’irrégularité).

Autre rq : dès lors que l’irrégularité de constitution a causé un dommage, même si la nullité n’est pasencourue, il est possible d’agir en responsabilité contre les fondateurs et les premiers dirigeants.

B) Régime de l’action en responsabilité

- Prescription : 3 ans à compter du jour où la décision d’annulation est passée en force de chose jugée(L 234-13 al. 1er ccom).

la régularisation ne met pas fin à l’action en dommages et intérêts tendant à la réparation du préjudice causé par le vice (L 234-13 al.2 ccom). Dans ce cas, la prescription est de trois ans à compter de la date à laquelle la nullité a été couverte.

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TITRE II : LA PERSONNALITÉ MORALE DES SOCIÉTÉS

La notion de personne morale a d’abord été une notion de droit public. Elle désignait l’Etat et lescollectivités publiques.La théorie des personnes morales de droit privé a été construite au XIX s. Plusieurs éléments doiventêtre précisés avant d’aborder l’étude de la personnalité morale.

1°) Il existe des sociétés sans personnalité morale

La jurisprudence a posé que toutes les sociétés avaient la personnalité morale, à l’exception dessociétés en participation (SEP) et des sociétés créés de fait. Nous reviendrons sur elles dans le chapitre2 du présent titre.

2°) La naissance de la personnalité moraleLes lois de 1966 et 1978 ont repris ces solutions jurisprudentielles (en vertu desquelles toutes lessociétés ont la personnalité morale, à l’exception des SEP et des sociétés crées de fait), tout enprécisant que les sociétés ne jouissent de la personnalité morale qu’à compter de leurimmatriculation au RCS. : art. 1842 cc et L. 210-6 ccom.Cette référence au critère purement formel de l’immatriculation a l’avantage de fixer la naissance de lapersonnalité morale à une date indiscutable et facile à connaître pour tous.Elle a aussi conforté en droit commercial l’idée selon laquelle la personnalité morale est une fiction (cfinfra).

3°) La nature de la personnalité morale a en effet beaucoup agité la doctrine jusqu’à la moitié duXXè s. Deux thèses s’opposaient

- la thèse classique (Savigny, Ihering), selon laquelle la personnalité morale était une fiction : lapersonnalité morale n’existe que si elle est reconnue implicitement ou explicitement par le législateur.

- la thèse « moderne » (Geny) selon laquelle la personnalité morale serait une réalité : on doitreconnaître son existence, en dehors de toute habilitation législative, à tout groupement organisé quidéfend un intérêt collectif. Ses droits et ses devoirs ne sont alors pas limités par la loi, mais doivent luiêtre reconnus en fonction de ses besoins.

Question : fallait-il reconnaître la personnalité morale aux comités d’entreprise ?Réponse : Cass. soc 28 janvier 1954 : « attendu que la personnalité civile n’est pas une création de laloi mais appartient à tout groupement pourvu d’une possibilité d’expression collective pour la défensed’intérêts licites, dignes par suite d’être juridiquement reconnus et protégés ».Cette règle a été ensuite étendue auxcomités de groupe (Cass.soc. 23 janvier 1990) et au comitéd’hygiène et de sécurité (Soc. 1er avril 1991) La thèse de la personnalité morale - réalité l’a emporté en droit social.

En revanche, c’est la théorie de la fiction qui semble l’avoir emporté en droit des sociétés,puisqu’il faut respecter une formalité légale pour que la personnalité morale soit reconnue à cesgroupements- article 5 loi 66 (devenu L. 210-6 ccom) et 1842 cc- art. 3 ordonnance 23 sept. 1967 pour les GIE (art. L 251-4 ccom)- art. 5 loi du 1er juillet 1901 pour les associations

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4°) La personnalité morale est essentielle pour les sociétés, et le législateur a le souci de luidonner une grande stabilité : principe selon lequel les modifications statutaires n’affectent pas lapersonnalité morale (ex : les changements de capital social, les transformations, les prorogations…). La jurisprudence considère même que la radiation du RCS n’a pas pour effet la perte de la personnalitémorale (Com. 21/02/2001)

Pourquoi est-elle essentielle ?- elle confère à la société une capacité juridique ; elle lui permet d’avoir un patrimoine, une

nationalité, un domicile, un nom… - elle constitue un écran entre la personne des associés et les tiers : c’est la société qui est

l’interlocuteur naturel pour les tiers. La personne morale est autonome par rapport à ses associés, à sesdirigeants, et par rapport aux autres personnes morales. Ce principe est à relativiser tout de même dans les sociétés à risques illimités.Idem entre sociétés du même groupe : possibilité de lever l’écran de la personnalité morale en cas deconfusion de patrimoines ou d’apparence favorable aux tiers.

Cela conduit à une autre question : cet écran incite certaines personnes à créer une personne moraleuniquement pour se mettre à l’abri de leurs créanciers personnels. Il existe des abus de la personnalitémorale.

5°) Les abus de la personnalité morale.

L’abus n’est pas constitué par le seul fait que la personnalité morale est créée ou utilisée pour profiterd’un avantage législatif. Il est par exemple licite de constituer une société pour payer moins d’impôts.Il existe néanmoins des cas caractéristiques d’abus, soit permanent, soit ponctuel ; mais il existe aussides abus « simplement possibles ».

1°) L’abus est permanent dans le cas d’une société fictive : la société n’est qu’une apparence ; iln’existe en réalité pas d’affectio societatis, pas de capital social, pas d’associés véritables… C’est à celui qui se prévaut d’une fictivité de la société de l’établir. Prescription de droit commun : 30ans.

Hypothèse fréquente de fictivité : société masquant les agissements d’une seule personne, les autresassociés n’étant que des prête-noms, des associés de complaisance. Indices : maîtrise absolue de la société par l’un des associés ; société créée à partir d’une exploitationindividuelle en difficulté, par l’adjonction de quelques tiers …Mais l’existence de liens familiaux ne suffit pas à établir la fictivité, pas plus que la détention de la quasitotalité des parts (cf supra). Ces traits peuvent néanmoins constituer des indices de fictivité (il y a alorsnullité de la société).

Autre hypothèse : filiale de façade. La filiale est en principe juridiquement autonome. Mais cette autonomie tombe si, en réalité, lesassociés de la filiale ne sont que des prête-noms de la société-mère : la mère a créé une filialeuniquement pour bénéficier des avantages de l’interposition de personnes, mais entend en réalitéexercer tous les pouvoirs. Ex: la mère veut lancer un nouveau produit mais elle n’entend pas en supporter les risquescommerciaux => elle créé artificiellement une filiale. Solution de la JP : considérer que la filiale n’est en réalité qu’une succursale et qu’il n’existe qu’uneseule personne morale.

Dernière hypothèse : sociétés pratiquement confondues.Jurisprudence qui concerne essentiellement le droit des procédures collectives : une procédure ouverteà l’encontre d’une société est étendue à une autre société s’il est démontré que ces sociétés avaient enréalité confondu leurs activités et leurs patrimoines : communauté de comptes bancaires, imbricationsdes contrats passés entre elles, imbrication des éléments d’actifs et de passif, mêmes membresdirigeants, ….

Sanction de la fictivité : nullité de la société (cf supra). Cela entraîne sa disparition pour l’avenir etquelquefois des sanctions pénales.

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2°) L’abus ponctuel en cas d’utilisation d’une société valable pour l’obtention d’un droitdéterminéIci la société existe bien mais quelqu’un l’utilise pour obtenir une sorte d’interposition de personnes,pour obtenir une prérogative à laquelle il n’a pas droit ou échapper à une obligation => ex d’une personne qui cède son fonds de commerce et qui est donc débiteur d’une obligation denon rétablissement et qui décide d’entrer dans une société déjà existante. Cette société entreprend deconcurrencer l’acquéreur du fonds de commerce. Ce dernier ne devrait en principe rien pouvoir faire carce n’est pas la société qui était partie à la cession du fonds.

3°) L’abus possible : la mise en sommeil de la société

La société mise en sommeil est une société qui interrompt ou cesse ses activités économiques, sansqu’il soit pour autant décidé de la dissoudre et de procéder à la liquidation de son patrimoine. Cettesociété est en état d’hibernation et attend qu’on la réveille.

Pourquoi cette inactivité ?- décision d’une assemblée- cause extérieure.

Il n’y a pas nécessairement abus, mais, pendant la période d’hibernation, la société est tout de mêmeune source d’abus et de fraude : cela permet notamment d’esquiver les impôts frappant la liquidationdes sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés.

Les sociétés mises en sommeil devraient logiquement, au bout d’un certain temps, être dissoutes. Maisles tribunaux sont réticents. Certains arrêts ont admis qu’une société pouvait cesser toute activitééconomique pendant plusieurs années et ne plus avoir même de domicile réel sans pour autant perdrela personnalité juridique.

Il existe pourtant dans le décret du 30 mai 1984 relatif au RCS des dispositions qui s’appliquent auxsociétés mises en sommeil.

- une société qui cesse totalement ou partiellement son activité, même en l’absence dedissolution, doit dans le mois demander une inscription modificative au RCS pour faire mentionner cettecessation d’activité (R 123-69)

- lorsque le greffier constate, après une délai de trois ans, à compter de la mention de lacessation totale d’activité d’une société, l’absence de toute inscription modificative relative à unereprise d’activité, il adresse au siège social une lettre recommandée mettant en demeure la société derespecter les règles relatives à la dissolution et l’informant que, à défaut de réponse dans les trois mois,il procédera à la radiation d’office ; le greffier avise le ministère public de la radiation et celui-ci peutéventuellement faire constater la dissolution de la société.Si par ailleurs, le greffier est avisé qu’une personne immatriculée a cessé son activité à l’adressedéclarée, il doit lui rappeler ses obligations déclaratives par LRAC. Si la lettre est retournée avecmention selon laquelle la personne ne se trouve plus à l’adresse indiquée, il doit mentionner lacessation d’activité sur le registre et opérer la radiation dans le même délai de 3 mois.

Rq : inconvénients d’une société en sommeil pour les associés : elle engendre de nombreux frais (ex :paiement d’un loyer en cas de bail).

En dehors de ces cas d’abus, la personnalité morale a des vertus indéniables. Permettant uneassimilation avec la personne physique, elle confère à la société des attributs extra-patrimoniaux etpatrimoniaux (chapitre I).Nous étudierons ensuite la situation des sociétés sans personnalité morale (chapitre 2)

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CHAPITRE 1ER : LES ATTRIBUTS DE LA PERSONNALITÉ MORALE

La personnalité morale confère de nombeux attributs : elle permet l’identification de la société (SectionI) ; elle lui permet d’avoir un patrimoine (Section II) ; elle lui confère une capacité juridique, avec sonrevers, la responsabilité (Section III)Nous commencerons avec les attributs extra patrimoniaux (l’identification de la société).

-

SECTION 1ÈRE : IDENTIFICATION DE LA SOCIÉTÉ

Comment identifier une personne ? En mentionnant son nom, son domicile, sa nationalité, si c’est unepersonne civile ou commerçante…Il en va de même pour la société.

§1) APPELLATION DE LA SOCIÉTÉ

Appellation prend, pour une société dotée de la personnalité morale, le nom de dénominationsociale. Cela ne concerne pas les sociétés non dotées de la personne morale (société créée de fait ou enparticipation) toute société dotée de la personnalité morale doit avoir une appellation figurant dansses statuts : art. 1835 cc. (idem art. L.210-2 ccom. )

Lorsque l’appellation est modifiée en cours de vie sociale, il y a modification des statuts. Différentesconditions sont alors à respecter, ainsi que des formalités de publicité. Il n’y a pas de création d’unepersonne morale nouvelle.

Etude : choix de la dénomination sociale puis protection

A) Le choix de la dénomination sociale

Sous réserve de ne pas remettre en cause les droits légitimes des tiers et de ne pas adopter unedénomination contraire à l’OP et aux bonnes moeurs, le choix de la dénomination sociale est libre. Ilest préférable, afin de ne pas utiliser la dénomination d’une société concurrente, de consulter l’INPI. Ilfaut en effet faire attention au risque de confusion (cf §2))

Comment s’opère le choix ? Soit on choisit une dénomination de pure fantaisie, soit une dénominationtirée de l’objet de la société, soit enfin une dénomination qui emprunte le nom de certains associés (rq :il est impossible de faire figurer le nom des commanditaires dans les sociétés en commandite)..

La dénomination doit être précédée ou suivie immédiatement de l’indication de la forme de la société,et, s’il s’agit d’une SA ou d’une SARL, du montant du capital social.

Un problème se pose lorsqu’un associé accepte que son nom figure dans la dénominationsociale. De nombreux groupes industriels portent en effet le nom d’un homme, celui qui a fondél’entreprise. C’est le cas par exemple dans l’industrie automobile : Citroën par ex.La Cour de cassation a décidé que l’associé confère à la société un droit irrévocable sur sonnom. Ce nom, désormais compris dans la dénomination sociale, devient « un signe distinctif qui s’estdétaché de personnes physiques qui le portent pour s’appliquer à la personne morale qu’il distingue » :Cass Com 12 mars 1985, affaire Bordas.

Présentation de l’arrêt :Pierre et Henri Bordas ont créé en 1946 une maison d’édition, « Editions Bordas, SARL puis SA. Lesfondateurs ont ensuite cédé la majorité du capital social à un tiers. Pierre Bordas était resté président

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mais des conflits sont nés, ce qui a entraîné la démission de celui-ci. Il a essayé d’empêcher la sociétéd’utiliser le nom de Bordas en plaidant l’inaliénabilité du nom patronymique.Échec devant la Cour de cassation : « le principe de l’inaliénabilité … du nom patronymique, quiempêche son titulaire d’en disposer librement pour identifier au même titre une personne physique, nes’oppose pas à la conclusion d’un accord portant sur l’utilisation de ce nom comme dénominationsociale ou nom commercial ; ce patronyme est devenu, en raison de son insertion dans les statuts, unsigne distinctif qui s’est détaché de la personne physique qui le porte pour s’appliquer à la personnemorale qu’il distingue, et donc devenir ainsi objet de propriété incorporelle ».

Ce patronyme devient ainsi source de propriété incorporelle pour la société en cause. Conséquence : l’associé qui se retire ne peut exiger la disparition de son nom de ladénomination sociale.

Cette règle a été à nouveau illustrée par un arrêt du 12 juin 2007 (n°06-12.244) à propos d’une EURL :l’associé unique d’une EURL dont la dénomination comportait son nom patronymique avait cédél’ensemble de ses parts et avait par la suite demandé qu’il soit fait interdiction à l’acquéreur d’utiliserce nom dans la dénomination de l’EURL, en faisant avoir qu’il n’avait pas été transmis à l’occasion de lacession des parts.Les juges du fond accueillent son action. Une cassation s’ensuit : le nom litigieux constituait le signedistinctif de l’EURL cédée et l’associé cédant n’en avait pas interdit l’utilisation lors de la cession desparts.

Mais un tempérament a été posé dans l’affaire Ducasse en cas de notoriété dufondateur (attention, il faut que le nom soit notoire dès l’origine, c’est-à-dire avant même laconstitution de la société) : Com. 6 mai 2003 (Bull. n° 69)

Présentation de l’arrêt :Alain Ducasse est un chef prestigieux triplement étoilé. Il avait apporté l’usage de son nom et de saréputation à une société « Ducasse Diffusion », créée pour commercialiser des produitsgastronomiques. Cette société avait ensuite déposé deux marques centrées sur le nom du cuisinier.Ducasse décide lui-même de déposer son nom comme marque et agit contre la société en annulationde l’usage de son nom.Les juges du fond rejettent son action en application de la JP Bordas (celui-ci, en sa qualité d'associéfondateur de la société ADD, lui a donné ipso facto l'autorisation de faire un usage commercial de sonpatronyme, qu'il a ainsi perdu l'usage de celui-ci qui est devenu par l'insertion dans les statuts de lasociété un signe distinctif qui s'est détaché de la personne physique qui le porte pour s'appliquer à lapersonne morale qu'il distingue et devenir un objet de propriété incorporelle, et que c'est dans le libreexercice de son droit de propriété sur le signe litigieux que la société ADD a déposé les marques).

Cassation : Vu l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que le consentement donné par un associé fondateur, dont le nom est notoirement connu, àl'insertion de son patronyme dans la dénomination d'une société exerçant son activité dans le mêmedomaine, ne saurait, sans accord de sa part et en l'absence de renonciation expresse ou tacite à sesdroits patrimoniaux, autoriser la société à déposer ce patronyme à titre de marque pour désigner lesmêmes produits ou services ;

( …)Attendu, qu'en statuant ainsi, alors qu'il n'était ni établi, ni même allégué que M. X... aurait renoncé àses droits de propriété incorporelle sur son patronyme, la cour d'appel a violé les textes susvisés«

B) Protection de la dénomination

Il est possible de déposer une dénomination sociale comme marque.Il existe en effet un risque si on ne le fait pas : celui qu’un conflit surgisse entre dénominations sociales.

En l’absence d’un dépôt comme marque, comment les tribunaux règlent-ils ce problème ?

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Il faut, avant de l’expliquer, dire que les personnes morales ont un droit privatif sur leur dénomination,qui s’acquière par l’insertion du nom dans les statuts, mais qui n’est opposable aux tiers qu’à compterde l’immatriculation de la société au RCS. Cette opposabilité a pour conséquence que la société est protégée contre les usurpations.

Fondement de la protection : le risque de détournement de clientèle. On applique la théoriede la concurrence déloyale.

Les tribunaux recherchent si les sociétés ont des activités identiques ou voisines, et si par conséquentl’identité de dénomination sociale pourrait créer un risque de confusion dans l’esprit du public. Si c’est le cas, la société ayant usurpé le nom d’un autre lui doit dédommagement et doit modifier sapropre dénomination.

Le caractère original ou distinctif d’une dénomination sociale n’est pas une condition de sa protection(V. Cass. Com. 10 mai 2006), dès lors que le risque de confusion existe (ex : « Le Gardien » pour unesociété de gardiennage. Condamnation d’ une autre société ayant utilisé la dénomination « Gardian ».Le risque de confusion existait : inscription au RCS de la même région, même activité, clientèlecommune…

Certains tribunaux ont accepté de condamner un usurpateur en dehors de tout risque de détournementde clientèle. Cela rappelle le parasitisme : lorsque la victime du parasitisme est très connue, une autrepeut chercher indûment à profiter de cette notoriété en usurpant son nom. Si les agissements de cetteseconde société sont répréhensibles, la première risque d’en supporter les conséquences.

Certains proposent d’améliorer la protection en préconisant l’assimilation de la dénomination sociale àune marque : cela aboutirait à une protection quasi absolue.

§2) LE SIÈGE SOCIAL

A) Notion de siège social

Le siège social joue le rôle de domicile pour la société. Il doit figurer dans les statuts car c’estégalement un élément d’identification. Le siège social se définit en principe comme le lieu où fonctionnent les organes de directionde la société et ses principaux services. Il doit être précisé dans les statuts.

Sur le plan pénal, la Cour de cassation admet qu’une société puisse se dire titulaire d’un domicile ausens de l’article 184 de l’ancien code pénal, devenu 226-4 du nouveau code pénal. Elle a donc admisqu’il y ait violation de domicile dans l’hypothèse où une personne (un journaliste) avait pénétré parescalade dans le centre d’essais d’une société qui construit des automobiles alors que ce centre étaitclos par un mur d’enceinte et gardé en permanence (Crim 23 mai 1995).

Position au départ contraire de la CJCE, qui, dans le cadre d’une recherche de preuves de pratiquesanticoncurrentielles, a estimé que le principe d’inviolabilité du domicile ne s’étendait pas aux sociétés(CJCE 17 oct. 1989). Mais elle a ensuite consacré le droit au respect du domicile dans un arrêt du 16 avril 2002.

B) Intérêts du siège social

- En cas d’assignation en justice de la société, cette assignation doit être faite au lieu où la société estétablie (sauf JP des « gares principales ». V. infra) - Le siège social est le lieu où doivent être accomplies les formalités légales de publicité- le siège social détermine la loi applicable à la société et sa nationalité.

C) Détermination du siège social

La société choisit librement le lieu de son SS. Il doit correspondre au lieu du principalétablissement : lieu où se trouvent les organes de direction et les services administratifs, lacomptabilité, le lieu de réunion des assemblées, lieu où la société a ses comptes bancaires… Il s’agitdonc du lieu de la vie juridique de la société. Il est souvent distinct du lieu d’exploitation.

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Mais ce siège doit être réel : il ne doit pas être utilisé pour tourner les dispositions légales ou seulementobtenir des avantages fiscaux ou des aides publiques. Si le siège indiqué dans les statuts ne correspondpas au centre de la vie juridique de l’entreprise, il est fictif, et les juges ont le pouvoir de déterminer lesiège réel. Ex : Com 6 janvier 1998 : la société était immatriculée dans les îles vierges britanniques, pour desraisons fiscales. Le centre de décision était quant à lui en France, au domicile de son dirigeant => lasociété a été considérée comme ayant son siège en France.

Quant aux tiers, ils ont une option entre le siège tel que défini dans les statuts et le siègeréel. L’article L. 210-3 ccom prévoit en effet que les tiers peuvent se prévaloir du siège statutaire maisque celui-ci ne leur est pas opposable.

Rq : il existe une possibilité de domiciliation provisoire pour les sociétés nouvelles : possibilité dedomicilier la société dans le local d’habitation de la personne qui demande l’immatriculation ou de sonreprésentant légal, pour une durée qui ne peut dépasser 2 ans.

D) Régime du siège social

Deux problèmes se posent.

1°) Les personnes physiques se voient appliquer le principe d’unicité du domicile.Ce principe existe aussi mais n’est pas d’application aussi rigoureuse pour les sociétés par applicationde la jurisprudence des « gares principales ».

Explication :Lorsqu’une société est assignée devant un tribunal, elle doit l’être au lieu de son SS. Cela peut poser problème pour le demandeur car ce lieu peut être très éloigné de son domicile. Or, unesociété a souvent des établissements secondaires, succursales ou agences, qui sont distinctes du SS.A la différence de la filiale, la succursale n’a aucune autonomie juridique (pas de personnalité morale,pas de patrimoine…). La jurisprudence accepte pourtant que la société puisse être assignéedevant le tribunal du lieu de sa succursale. Il suffit qu’un acte litigieux ait été conclu par lereprésentant local ou qu’un acte se rattache qu’une façon quelconque à la succursale.

2°) Le transfert du SS d’un lieu à l’autre est possible comme toute modification des statuts auxconditions de cette modification. Une procédure simplifiée est prévue lorsque le transfert se fait au seindu même département ou dans un département limitrophe pour les SA et les SARL : la décision peutalors être prise par le Conseil d’administration (SA) ou le gérant (SARL), sous réserve de ratification parles associés ou par la prochaine AGE. Le transfert à l’étranger est au contraire soumis à des conditions plus strictes (unanimité ou majoritérenforcée) car il entraîne un changement de nationalité.

§3) NATIONALITÉ DE LA SOCIÉTÉ

Les sociétés sont, comme les personnes physiques, sous la dépendance d’un Etat (sauf les sociétésmultinationales (IBM, Nestlé, Général motors…). La transposition aux sociétés de la notion denationalité a été discutée (Niboyet). En effet, la nationalité supposerait un rapport politique, presquesentimental suggère M. Guyon (également discuté). Or, on peut difficilement attribuer des sentiments àune société. Certains auteurs préfèrent le critère d’allégeance.

L’article L. 225-97 ccom fait expressément référence à la nationalité de la société, alors que le code civil(art. 1837) se contente de faire allusion à la loi applicable aux sociétés.

La comparaison avec les personnes physiques ne peut cependant pas être poussée très loin.Différentes illustrations en attestent.

1°) On souligne généralement que le concept de nationalité appliqué aux personnes physiques estunitaire, alors qu’il ne l’est pas appliqué aux personnes morales : une société peut être considéréecomme française à tel égard et comme étrangère à un autre. Le tribunal des conflits l’a admis dans unarrêt du 29 nov. 1959, Mayol Arbona.

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2°) les conditions d’attribution de la nationalité pour une personne physique sont précises (jussanguinis ; jus solis) alors que le législateur n’indique pas comment se détermine la nationalité dessociétés. Quatre critères d’attribution de la nationalité sont concevables : - le critère du centre d’exploitation (problème lorsqu’il existe plusieurs sites) ;- le critère du siège social ;- le critère du contrôle (qui fait référence à la nationalité des principaux apporteurs de capitaux et desdirigeants)- le critère de l’incorporation (rattachement de la société au pays selon la loi duquel elle a étéconstituée et où elle a été enregistrée. Indifférence quant au SS). Ce dernier critère est retenu en droit européen, en combinaison avec le critère du SS. Il est retenu en GB et aux Pays Bas.

Quelle est la situation en France ?L’art. 1837 cc énonce que « toute société dont le siège est situé sur le territoire français est soumiseaux conditions de la loi française ». Idem art. L. 210-3 ccom{A comparer avec l’article applicable aux personnes physiques : « les lois de police et de sûretéobligent tous ceux qui habitent le territoire français ». (art. 3 cc)}

La Jp considère qu’il faut prendre en compte le lieu du SS statutaire (retenu par Plénière 21/12/1990 etpar l’article 1837 cc), mais si ce siège est fictif, il faut rechercher le siège réel.

Il arrive quelquefois que l’on prenne en considération le critère du contrôle (nationalité des principauxdirigeants). Ce critère est apparu en France au lendemain de la première guerre mondiale, lorsque l’on a souhaitédistinguer entre les « biens amis » et les « biens ennemis », les seconds étant susceptibles deconfiscation. Mais ce critère reste aujourd’hui exceptionnel ; il est par exemple appliqué dansl’hypothèse de privatisation des entreprises publiques ou aux concessions de services publics, auxtransports maritimes, à la presse.

3°) la nationalité des sociétés emporte moins de conséquences que la nationalité des personnesphysiques => la société ne jouit pas de droits civils et politiques. En revanche, l’assimilation aux personnes physiques est possible quant à la jouissance ou à l’exercicede droits privés, tels que l’atteinte à la réputation

4°) le changement de nationalité est une opération complexe.

Il y aura changement de nationalité par transfert de son SS dans un autre pays.Mais cela pose toute une série de problèmes.En l’absence d’une convention de reconnaissance mutuelle entre pays, une société qui souhaitetransférer son siège social dans un autre pays doit en fait se dissoudre et se reconstituer dans le paysd’accueil => très lourd car suppose de recueillir le consentement unanime des associés (art. L. 222-9 et223-30) et le transfert du SS statutaire entraîne la dissolution de la société.

Amélioration en 2005 sur le plan fiscal : auparavant, ce transfert entraînait paiement des droits deliquidation. La loi de finances pour 2005 a supprimé cette conséquence lorsqu’il y a transfert du SSdans un Etat membre de l’UE.=> anticipation sur les projets communautaires

Projet de quatorzième directive sur le transfert du siège statutaire.L'objet de la directive serait le transfert transfrontalier du siège statutaire d'une société de capitauxdéjà constituée dans l'ordre juridique d'un Etat membre, aux fins de l'exercice de sa libertéd'établissement. Chaque Etat membre devrait reconnaître le droit d'une société relevant de son ordre juridique nationalde décider par délibération de l'assemblée générale, adoptée selon les formes et les procéduresnécessaires pour les modifications des statuts, du transfert de son siège statutaire dans un autre Etatmembre afin d'y acquérir une nouvelle personnalité juridique en lieu et place de celle d'origine. Cette décision, ainsi que l'activation de la procédure d'immatriculation dans le nouvel Etat membre, nepourrait comporter par elle-même ni la radiation de la société, ni la perte de sa personnalité juridique

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au titre de l'Etat membre d'origine tant que l'acquisition de la personnalité juridique de la société dansl'Etat membre d'accueil n'aura pas été entérinée par l'immatriculation dans ce dernier.L'immatriculation dans l’Etat membre d'accueil comporterait la perte de la personnalité juridique et laradiation de la société dans l’Etat membre d'origine, avec notation du transfert tant dans le registred'origine que dans celui où aurait lieu la nouvelle immatriculation. Le transfert du siège statutaire ne comporterait à aucun moment la mise en liquidation de la société;sauf disposition contraire de la directive, il n'affecterait pas l'ensemble des relations juridiques, activeset passives, de la société avec les tiers - à savoir le patrimoine de la société.

Mais rq : une société européenne peut librement transférer son SS d’un Etat à un autre dans l’UE

§4) COMMERCIALITÉ

A) Intérêts de déterminer le caractère civil ou commercial de la société

Rappel : selon l’article L. 210-1 ccom , le caractère civil ou commercial d’une société dépend de saforme ou de son objet.

Le critère de la forme sociale est essentiel puisque sont commerciales par la forme les sociétés paractions, les SARL, les SNC, les SCS. Elles sont commerciales même si elles exercent une activité denature civile (ex : expertise comptable).

Le critère de l’objet fait référence à l’article L. 110-1 ccom (ex art. 832 ccom) relatif aux actes decommerce (achat pour revendre, location de meubles, manufacture, banque…). Il est à appliquer auxsociétés crées de fait, aux SEP, aux GIE, qui seront commerciaux ou civils en fonction de leur objet.

Ex : Cass. Com. 15 juin 2010, n° 09-15.130, FD, GIE Afer c/ sté Delahaye : Un GIE avait été assignédevant le Tcom par un courtier en assurance. Le GIE contestait la compétence commerciale et a forméun contredit. Ce contredit a été rejeté par les juges du fond, approuvés par la Cour de cassation : « Maisattendu que l'arrêt (…) relève que les statuts du GIE autorisent celui-ci à effectuer toutes opérationscommerciales se rattachant directement ou indirectement à la réalisation de son objet et en déduit,sans dénaturation, que ce groupement effectue des actes de commerce et que son objet présente uncaractère commercial ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations (…) la cour d'appel alégalement justifié sa décision »

Un société commerciale par la forme peut exercer une activité de nature civile mais l’inverse n’est pasvrai. Cela pose problème lorsque des sociétés non commerciales se livrent à une activité commerciale :on considère alors que les associés sont membres d’une société créée de fait de nature commerciale,tenus indéfiniment et solidairement du passif social. Civ. III 5/07/2000Cela produit des conséquences au plan fiscal : elles sont soumises à l’IS

Remarque : la différence entre les actes civils et les actes de commerce s’estompe, de même que celleentre sociétés civiles et sociétés commerciales.Il reste cependant important de déterminer la nature civile ou commerciale d’une société àplusieurs égards bénéfice de la « propriété commerciale (renouvellement du bail commercial), tenue d’une comptabilité, compétence des tribunaux de commerce, liberté de la preuve, prescription décennale avant la réforme issue de la loi de juin 2008 => désormais prescriptionde 5 ans sans distinction Par ailleurs, les actes accomplis par une société commerciale, même s’ils sont civils par nature,seront commerciaux par accessoire s’ils ont été accomplis pour les besoins de l’activité.

Exceptions : - les litiges relatifs aux SEL (sociétés d’exercice libéral) relèvent des tribunaux civils- les ventes d’immeubles sont toujours considérées comme ayant une nature civile- le régime des baux commerciaux est refusé aux sociétés commerciales par la forme mais exerçantune activité de nature civile.

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B) Le problème particulier de la détermination de la compétence juridictionnelle

Attardons nous sur la compétence judiciaire car est intervenue une modification de la loi + des arrêtsintéressants ont été rendus récemment

1) Les bases juridiques tout d’abord

Initialement, la compétence des Tcom était fixée dans l’article 631 ccom, qui prévoyait que : « lestribunaux de commerce connaîtront… des contestations entre associés pour raison d’une société decommerce ». Cet article concerne les litiges entre associés mais également les litiges entre associés et la société, dumoins lorsqu’ils sont en rapport avec le fonctionnement de la société (ou sa création, ou sa liquidation).ex : action en responsabilité contre les dirigeants sociaux.

Cet article a été abrogé par une loi de 1991Il a ressuscité grâce à la loi NRE du 15 mai 2001, dans le code de l’organisation judiciaireEt il est revenu dans le code de commerce grâce à une ordonnance du 8 juin 2006, sous l’articleL.721-3, qui dispose :

Les tribunaux de commerce connaissent :

1° Des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre établissements de crédit ou entre eux ;

2° De celles relatives aux sociétés commerciales ;

3° De celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes.

Toutefois, les parties peuvent, au moment où elles contractent, convenir de soumettreà l'arbitrage les contestations ci-dessus énumérées.

La rédaction de ce texte n’est pas identique à celle de l’ex article 631, qui, notamment, ne faisait pasréférence aux contestations relatives aux sociétés commerciales, mais aux « contestations entreassociés, pour raison d’une société commerciale »

Cette modification a eu des conséquences en JP car celle-ci a déduit du nouveau texte un élargissementde la compétence du TCom.Etude à travers des cas jurisprudentiels.

2) Les Cas jurisprudentiels

Différents problèmes se sont posés en JP

a) Problème pour déterminer la compétence judiciaire en cas de litiges entre associés

- litiges entre membres d’une société civile => obligatoirement tribunaux civils- litiges entre membres d’une société commerciale dont les membres ont la qualité de commerçants(ex : SNC) => tribunaux de commerce- litiges entre membres de sociétés commerciales mais dont les associés ne sont pas commerçants (SA,SARL) : plus complexe

Un problème particulier se pose pour les cessions d’actions ou de parts sociales et lesclauses accessoires à la cession.

Jusqu’à une époque récente, la Jp décidait que la question relevait en principe de lacompétence des tribunaux civils car ce type de cession n’affecte pas le pacte social. Il n’y avait exception que pour les cessions de blocs de contrôleEx : Com. 26 mars 1996 : « la convention qui a pour objet l’organisation de la société commerciale entransférant son contrôle ou en en organisant le maintien à son titulaire est un acte commercial ».

Puis évolution.

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1er signe par un arrêt de Com. 14 fév. 2006, mais les auteurs doutaient de la réalité du revirement (V.Cozian)

Mais confirmation du revirement avec Com. 10 juillet 2007 (n°06-16548, bull.), qui appliqueclairement le nouveau texte, et elle le fait à propos d’un litige portant sur l’application d’une clause denon concurrence stipulée à l’occasion d’une cession de droit sociaux, clause qui n’aurait pas étérespectée par une des parties. L’autre partie l’assigne en responsabilité devant le TCom. Le débiteur dela clause de non concurrence soulève une exception d’incompétence.

Réponse :

Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 411-4 2 du code de l'organisation judiciaire,devenu l'article L. 721-3 2 du code de commerce, les tribunaux de commerce connaissentdes contestations relatives aux sociétés commerciales ;

Attendu que selon les constatations de l'arrêt, le litige qui oppose les cédants des actionsd'une société anonyme aux dirigeants de la société cédée, porte sur la clause de non-concurrence contenue dans la convention de cession, ce dont il résulte qu'en application dutexte précité, ce litige, né à l'occasion d'une cession de titres d'une sociétécommerciale, relève de la compétence du tribunal de commerce; que par ces seulsmotifs, abstraction faite de ceux critiqués par le moyen, l'arrêt se trouve justifié ; que lemoyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches

Certes en l’espèce, la cession portait sur une grande partie des titres, mais la formule utilisée dans ledispositif de la décision est générale et ne semble ainsi pas limitée à la cession de bloc de contrôle.

Dans un communiqué diffusé sur son site internet, la Cour de cassation précise que cette solution n’estvalable que pour la compétence juridictionnelle (édition 2007 p. 121). Si la cession n’emporte pas contrôle de la société, les règles relatives aux obligations commerciales nes’appliquent pas (notamment celles relatives à la preuve et à la solidarité). En revanche, la solutionaura un effet sur les clauses d’arbitrage puisque l’article L. 721-3 al. 5 du cc de commerce prévoit queles contestations relevant de la compétence du TCom peuvent être soumises par les parties, aumoment où elles contractent, à l’arbitrage. ainsi que sur les clauses s’arbitrage).

Depuis, la solution a été étendue.Cass. Com. 12/02/2008, n° 07-14912, à propos d’une cession de créance en compte courant inclusedans l’acte de cession des actions (né à l’occasion de la cession des titres d’une société commerciale)

Il est possible aussi de citer l’arrêt de la chambre commerciale du 15 janvier 2008 (n°07-12102),qui considère que relève de la compétence commerciale le litige relatif à une mission confiée àune conseil financier, mais qui était préparatoire à la cession du contrôle d'une société revêtantun caractère commercial et exclusivement affectée à la réalisation de cette convention principalequi en constitue sa cause. La référence marquée à la cession de contrôle limite l’intérêt de l’arrêt.

Que doit-on en déduire ?Que le Tcom est désormais compétent pour tous les litiges relatifs aux cessions de titresd’une société commerciale relèvent désormais du tribunal de commerce ?De nombreux auteurs estiment que oui.Un désaccord s’exprime cependant dans l’ouvrage de MM Cozian, Viandier et de Mme Deboissy. Pources auteurs, l’objet même des clauses en question (clause de non concurrence ; cession de comptecourant) révèle que la cession des titres avait une influence directe sur le fonctionnement de la sociétéou le montant de son capital. Selon eux, c’est seulement à cette condition que la compétence du Tcomse justifierait.

b) Qu’en est-il pour les actions en responsabilité contre les dirigeants desociétés commerciales ?

Sous l'empire de l'ancien article 631 du Code de commerce, la Cour de cassation avait admis qu'undirigeant de droit d'une société commerciale pouvait être assigné devant cette juridiction même s'iln'était pas commerçant dès lors que les faits qui lui étaient reprochés (mauvaise exécution

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d'un marché de travaux) se rattachaient par un lien direct à la gestion de la société (Cass.com. 27-11-1973 : Bull. civ. IV n° 343).

Dans un arrêt du 27 octobre 2009 (n° 08-20.384, FS+P+B+I), Sté Interservice AE c/ Arama, laCour étend la solution, sur le fondement de l’article L. 721-3 ccom, à une action dirigée par un créanciercontre un dirigeant de fait. Le créancier reprochait en effet au dirigeant d'avoir commis des fautes àl'origine du préjudice qu'il avait subi du fait de l'inexécution des obligations de la société

Cette action, ajoute la Cour, relève de la compétence du tribunal dès lors que les faitsreprochés à cette personne se rattachaient par un lien direct à la gestion de la société, peuimportant que l'intéressé n'ait pas eu la qualité de commerçant ni même celle de dirigeantde droit de la société.

Cet arrêt est intéressant car une évolution notoire a eu lieu entre 1973 et 2009. Entre temps en effet, laJP a considéré qu’un créancier (un tiers de façon plus générale), ne pouvait agir contre un dirigeant ques’il démontre que celui-ci a commis une faute personnelle d’une particulière gravité séparable de sesfonctions (cf suite du cours sur la responsabilité du dirigeant). Il était dès lors permis de se demander sila jurisprudence ancienne ne devait pas être remise en cause, puisque, par définition, la fautedétachable est celle qui n'a pas de lien direct avec la gestion sociale. Le dirigeant social noncommerçant devrait, dès lors, être nécessairement attrait devant la juridiction civile. Apparemment, iln’en est rien.Solution à confirmer.

A noter quoiqu’il en soit : tendance à élargir le domaine de la compétence consulaire.

SECTION II : LE PATRIMOINE DE LA SOCIÉTÉ

Toute société dotée de la personnalité morale a un patrimoine propre distinct de celui des associés.Application de la théorie d‘Aubry et Rau sur le patrimoine

§1) CONSISTANCE DU PATRIMOINE SOCIAL

Définition : ensemble de droits (actif) et d’obligations (passif) de la société elle-même. Lepatrimoine est variable

D’un point de vue comptable, ce patrimoine apparaît dans le bilan de la société

Cela nous donne l’occasion de dire un mot du bilan

Passif du bilan : paradoxalement peut-être, ce sont les ressources de la société ; c’est ce qui permet sonfinancementCe sont donc :

ses dettes, à court / moyen / long terme - dettes vis à vis des associés : le capital est constitué par la somme des apports (ce sont des dettes

car les apports devront en principe être restitués lors de la liquidation de la société => les apports sontdes dettes que la société contracte vis à vis des associés) + les réserves + les comptes courantsd’associés

- dettes vis-à-vis des tiers : les divers emprunts + les dettes envers les fournisseurs Ses profits (bénéfices)

Actif : l’actif correspond à l’emploi des ressources ; c’est-à-dire à ce que la société réalise grâce auxressources. Il comprend :

- L’actif immobilisé => les biens dont la personne morale est propriétaire pour les avoir reçus enapport ou acquis dans le cours de son exploitation (immeuble ; brevets, matériel, mobilier..)

- Les valeurs réalisables à court terme (les créances)- Les valeurs disponibles (trésorerie)- Les stocks (marchandises)- les pertes

+ toutes autres sortes de droits réels ou personnes (apports en jouissance, droit au bail…)

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Principe : l’actif doit être égal au passif

ACTIF« ce que possède la société »

Ce sont les emplois(composition du patrimoine)

PASSIF« ce que doit la société »

Ce sont les ressources

Actif immobilisé- immobilisations incorporelles(brevet, fonds de commerce…)- Immobilisations corporelles (terrains, immeubles, matériel, mobilier)- Immobilisations financières (certaines créances à LT, titres de participation)

Actif circulant- stocks- créances à court terme (par rapport aux clients par ex)- disponibilités (caisse, banque…)

Capitaux propres (haut de bilan)- capital- réserves- résultats de l’exercice

Provisions pour risques et charges

Dettes (bas de bilan)- vis à vis des tiers (fournisseurs,

banquiers, fisc…)- comptes courants d’associés *

* à certaines conditions, les compte courants d’associés pourront figurer dans les fondspropres.Cas notamment en cas de conventions deblocage.

TOTAL ACTIF = TOTAL PASSIF

Le patrimoine social ne doit pas être confondu avec le capital social, qui est une notion relevant à la foisdu droit des sociétés et du droit comptable . A la constitution de la société, le capital est égal à lasomme des apports (sauf apports en industrie). C’est donc la somme des apports mis à la disposition del’entreprise par les associés.

Mais le capital est une part importante du patrimoine. Il a plusieurs fonctions

1°) Dans les sociétés à responsabilité limitée, le capital social est le seul gage descréanciers sociaux. Pas au sens du droit des sûretés, mais au sens d’un droit de gage d’un créanciersur les biens de son débiteur (la société). Possibilité d’en saisir des éléments.

Le capital social peut être augmenté en cours de vie sociale par de nouveaux apports. Il ne peut enprincipe pas être réduit : on parle de fixité du capital social (Il existe cependant des sociétés àcapital variable => le capital augmente ou diminue au gré des apports et des retraits)Sens exact de cette fixité : cela signifie que les associés ne peuvent pas reprendre leurs apports avantla dissolution de la société. Ils ne peuvent pas non plus mettre le capital en distribution sous forme dedistribution de dividendes (sinon il y aurait distribution de dividendes fictifs).

Mais les apports (biens ou sommes) ne sont pas immobilisés : les sommes apportées ne sont pasbloquées ; elles peuvent être immédiatement utilisées par la société (il faut bien qu’elle fasse desachats lorsqu’elle se constitue ; avant qu’elle fasse des profits, c’est sa seule source de financement).Simplement, elles apparaissent comme une dette de la société vis-à-vis des associés => il faudrarestituer le montant à la liquidation (sauf pertes).De même, les apports en nature peuvent être utilisés. Si la société fait des pertes, le capital social est entamé. Mais encore une fois, cela apparaît en généralà la liquidation. 2°) Le capital est également source de pouvoirs pour les dirigeants : le pouvoir appartient àceux qui contrôlent le capital. A relativiser cependant du fait de la dissociation entre pouvoir économique et pouvoir politique au seinde la société (associé politique et associé investisseur).

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Une dernière notion doit être précisée : la notion de capitaux propres : ce sont les capitaux quiproviennent en quelque sorte d’une source interne à la société (par opposition au financement externe).Ils donnent la mesure de la situation financière de la société.

Relèvent des capitaux propres à la société- les apports- les réserves- les résultats de l’exercice

Les comptes courants d’associés sont analysés comme des « quasi fonds propres » lorsqu’ils font l’objetd’une convention de blocage.Si les capitaux propres deviennent inférieurs à capital social, cela signifie que la société traverse unesituation financière difficile.

Il faut distinguer l’autonomie du patrimoine social par rapport au patrimoine des associés etl’autonomie du Patrimoine social par rapport aux créanciers

§ 2 : LE PRINCIPE D’AUTONOMIE DU PATRIMOINE SOCIAL

Le principe d’autonomie du patrimoine social signifie que celui-ci est clairement distinct de celui desassociés ou des dirigeants. Différentes conséquences sont attachées à cette affirmation.

A) Autonomie par rapport aux associés et aux dirigeants

Les associés ne sont pas copropriétaires des biens apportés. Ils reçoivent des parts sociales encontrepartie de leurs apports, parts qui leur confèrent des prérogatives pécuniaires (droit auxdividendes, droit au boni de liquidation…) et extra pécuniaires (droit de vote, droit de poser desquestions écrites…), mais ils n’ont aucun droit réel sur les biens sociaux. Il s’ensuit que les biensdoivent être utilisés par la société et non individuellement par les associés. Ceux-ci n’ont aucun droitprivatif sur le patrimoineDe la même façon, à la mort d’un associé, les héritiers n’ont aucun droit sur les biens composant lepatrimoine social. Cette autonomie s’impose également aux dirigeants, lesquels ont cependant du mal à ne pasconsidérer la société comme « leur chose ». C’est particulièrement vrai dans les EURL. Différentesprécautions sont prises : - soumission des conventions avec la société à une autorisation donnée par un organe collectif(conventions de l’article L. 225-38 pour les SA et 223-1 pour les SARL)- délit d’abus de biens sociaux (utilisation du crédit de la société à des fins personnelles contraires àl’intérêt social)- sanction de la confusion de patrimoine en cas de redressement judiciaire ou de liquidation judiciairede la société par le jeu d’une extension de la procédure …

L’autonomie patrimoniale n’est pas absolue => il serait trop tentant pour les associés de tirer toutes lesconséquences de l’indépendance patrimoniale en période de déficit et au contraire de confondre leurpatrimoine avec le patrimoine social en période de prospérité. Le principe d’autonomie du patrimoinesocial trouve donc ses limites en cas de fraude.

B) Autonomie du patrimoine social par rapport aux créanciers

Les créanciers sociaux ont un droit de gage exclusif sur le patrimoine social. Ils n’ont en principe aucundroit sur le patrimoine propre des associés, sauf dans les sociétés à risques illimités ;Les créanciers auront un droit sur le patrimoine propre des associés également dans les sociétés àrisques limités mais dans des cas exceptionnels de confusion de patrimoines et de faute de gestion, etcette possibilité ne pourra encore exister qu’à l’encontre des dirigeants et cela suppose une décision dejustice.

Les créanciers personnels n’ont quant à eux aucun droit sur le patrimoine social=> pas de saisie possible sur les actifs sociaux et pas de compensation possible entre les dettespersonnelles des associés et les créances de la société. Seules exceptions : la fraude et la simulation.

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En revanche, les créanciers personnels peuvent saisir les parts sociales ou les sommes qui seraientdues par la société aux associés..

SECTION III : CAPACITÉ ET RESPONSABILITÉ DE LA SOCIÉTÉ

Il existe deux attributs essentiels à la personnalité juridique : le fait d’être capable juridiquement, aveccomme corollaire, le fait d’être responsable de ces actes.

§1) CAPACITÉ DE LA SOCIÉTÉ

Il n’existe aucune disposition particulière relative à la capacité des sociétés, mais doctrine et JP sontunanimes pour considérer qu’il faut s’inspirer des règles relatives à la capacité des personnesphysiques et les transposer aux sociétés.Donc le principe est l’assimilation des personnes morales aux personnes physiques, même si

- certains droits sont refusés aux personnes morales : ex : ne bénéficient pas des dispositionsprotectrices du droit de la consommation

Cass. Com 15 décembre 1998 (DA 99 p. 413) : les personnes morales ne bénéficient pas desdispositions protectrices de personnes démarchées prévues par le code de la consommation.

- certains droits sont réservés aux personnes morales, à l’exception des personnes physiques :faire APE (appel public à l’épargne), émettre des titres négociables…

Sinon, le principe est l’assimilation. Il convient donc de rechercher les règles applicables aux personnesphysiques. La principale est énoncée à l’article 1123 cc : « toute personne peut contracter si elle n’enest pas déclarée incapable par la loi ».Il faut cependant distinguer capacité de jouissance et capacité d’exercice.

A) La capacité de jouissance des sociétés

1) Principe de la pleine capacité de jouissance

La société peut exercer n’importe quelle activité et être titulaire de droits pécuniaires etextra pécuniaires : protection de son honneur, de sa réputation. Motif : de telles atteintes peuvent avoir des retombées négatives sur son chiffre d’affaires (perte declientèle…) car elles modifient la perception que le public peut avoir de son identité.(Cf. F.Petit, Les droits de la personnalité morale confrontés au particularisme des personnes morales,Dall. aff. 98 p. 826)

Ses droits sont :- soit prévus par la loi

ex de l’article L. 225-1 à 3 CPP : la société peut être victime de discrimination raciale ou sexuelle en lapersonne de ses représentants.Art. L. 225-1 CPP : Constitue également une discrimination toute distinction opérée entre les personnesmorales à raison de l'origine, du sexe, de la situation de famille, de l'apparence physique, dupatronyme, de l'état de santé, du handicap, des caractéristiques génétiques, des moeurs, del'orientation sexuelle, de l'âge, des opinions politiques, des activités syndicales, de l'appartenance oude la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religiondéterminée des membres ou de certains membres de ces personnes morale

ex du droit de réponse attribué par la loi du 29 juillet 1881, qui a été étendu aux personnes morales en1982 par la loi sur la communication audiovisuelle

- soit reconnus par la jurisprudence en application de principes généraux du droit

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D’une façon générale et paradoxalement peut-être, les droits de l’homme sont largementreconnus aux sociétés par la JP interne et européenne. QQ exemples - droit à la protection de l’honneur => répression de la diffamation : Crim 12 juin 1956 : considère quela loi de 1881 relative à la diffamation s’applique « aussi bien aux personnes morales qu’aux personnesphysiques » et qu’une société « a le droit de défendre sa réputation commerciale et poursuivre lesatteintes portées à sa considération professionnelle »- droit à la tranquillité => condamnation du harcèlement (Cass. crim 25 oc. 2000 : harcèlement pardémarchage téléphonique)

La CEDH, de son côté, a consacré le droit : - à un procès équitable pour les sociétés- au respect du domicile- d’ester en justice

Les sociétés ont donc le droit de demander réparation pour tout préjudice, même moral, àcondition de démontrer que la victime est bien la société elle-même.

2) Limites à la pleine capacité de jouissance

i. Principe de spécialité légale

La société doit être constituée en vue de partager des bénéfices ou de profiter d’une économie. Unesociété ne pourrait donc exercer une activité de pure bienfaisance.En revanche, une société peut réaliser des actes à titre gratuit, même si la qualification d’actesà titre gratuit prête à discussion dans la mesure où la société escompte en général que ces actes aurontdes retombées financières (publicité, image de marque…)ex : donations à des organismes humanitaires ;abandon de créances à des filiales ;pension de retraite complémentaire à un salarié qui se retire.

Par ailleurs, certains actes sont interdits à certaines formes sociales. Par ex les opérationsd’assurance sont interdites aux SARL, parce qu’elles n’ont pas de surface financière suffisante.

Les actes passés en violation du principe de spécialité légale sont nuls.

c) Principe de spécialité statutaire

La société ne peut en principe exercer que des activités entrant dans le cadre de son objetsocial tel que défini dans les statuts.Il s’agit d’une limite plus apparente que réelle, pour deux raisons :

- raison de fait : l’objet social est généralement défini largement et les statuts prévoient que lasociété est engagée par tous les actes se rattachant, même indirectement, à l’objet social ;

- raison de droit : l’objet social ne constitue une limite que dans les sociétés civiles et dans lesSNC. Dans les sociétés à risques limités, la société est engagée même par les actes de ses dirigeantsqui excéderaient les prévisions statutaires.

B) La capacité d’exercice des sociétés

La société n’a pas de capacité d’exercice. En effet, c’est une chose que d’être titulaire de droits,c’en est une autre que de pouvoir exercer ces droits personnellement => cf le mineur qui doit êtrereprésenté par ses parents et son tuteur. L’incapacité d’exercice encore plus grave pour les personnes morales car elles ne peuvent exercerpersonnellement aucun acte, même les plus simples.En droit des sociétés, les décisions sont prises par les organes de gestion, mais elles ne peuvent êtreexécutées que par les organes de représentation (qui sont quelquefois les mêmes), et ces organesde représentation ne peuvent être in fine que des personnes physiques.Cf. Guyon : « il faut une bouche pour prononcer l’acceptation, une main pour signer le contrat »La société doit donc être représentée : c’est la théorie de la représentation.

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Rq : On a essayé pendant qq temps d’appliquer la théorie du mandat => les dirigeants sociaux seraientles mandataires de la personne morale. Mais cette théorie ne pouvait prospérer, ne serait-ce que parceque le mandat ne peut être donné que par une personne qui a une volonté ; or une société n’a pas devolonté propre. Et ce n’est même pas la collectivité des associés dans son ensemble, à l’unanimité, quinomme les dirigeants, mais seulement par la majorité de ceux-ci. Par ailleurs, le dirigeant agit au nomet pour le compte de la société, ce qui ne correspond pas à la définition du mandataire. Enfin, lesdirigeants sociaux ont des pouvoirs que n’ont pas les associés. Certains articles de la loi de 1966(aujourd’hui codifiée) parlent encore de mandat.

on considère aujourd’hui qu’il y a représentation originale de la société par lesorganes que la loi a institués. Seuls ces organes sont habilités à représenter la société =>sauf exception légale, la société n’est pas engagée par des actes qui seraient effectués par de simplesassociés par exemple Tempérament : l’apparence : Civ III 2 décembre 1998, BRDA 99/3

Cette nécessaire intervention de personnes physiques peut présenter des inconvénients pour les tiers,qui ne sont pas toujours assurés de contracter avec une personne compétente. Plusieurs précautionsont été prises :

- toute désignation d’un représentant légal est réputée régulière dès lors qu’elle a faitl’objet de mesures de publicité (art. 1846-2 cc et L. 210-9 ccom). Cela évite les vérifications en cascade. Quelles sont ces mesures de pub ? => JAL, greffe, BODACC. Apartir de ce moment, ni la société, ni les tiers ne peuvent se prévaloir d’un vice dans la nomination d’unorgane pour se soustraire aux engagements pris.

- le dirigeant a toujours tout pouvoir pour engager la société ; les limitations statutairessur ce point sont inopposables aux tiers. La loi énonce que le représentant de la société a les pouvoirsles plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société, sous réserve des pouvoirs que laloi réserve aux autres organes sociaux comme les assemblées générales. Rq : un dirigeant qui ne respecterait pas les limitations statutaires engagerait cependant saresponsabilité envers les associés

§2 ) RESPONSABILITÉ DE LA SOCIÉTÉ

A une certaine époque, les auteurs se sont interrogés avec passion sur la possibilité d’engager laresponsabilité d’une personne morale, ce qui suppose de lui imputer des fautes. Peut-il y avoirimputabilité sans conscience ? Cette question s’intégrait dans le débat sur la nature de la personnemorale : création de la loi (théorie de la fiction ; dans ce cas, pas de responsabilité) ou réalité (alorsresponsabilité possible).

Débat aujourd’hui tari => de nb actes dommageables sont commis par les personnes morales et il estindispensable de permettre leur mise en cause => responsabilité civile, et, plus récemment,responsabilité pénale.

A) Responsabilité civile

Il est acquis que la société doit répondre de ses fautes délictuelles et contractuelles => possible de luidemander réparation. Pas quel biais?

La Jp a parfois admis que la société devait répondre des fautes commises par ses représentants parcequ’elle est dans la situation d’un commettant (art. 1384 => Cass req. 1895). Mauvaise solution : iln’existe pas de lien de subordination entre la société et ses dirigeants.

Il est désormais admis que la responsabilité de la société puisse être engagéedirectement , toutes les fois que la faute commise par ses organes se rattache àl’exploitation.

Cass. civ. 15 janvier 1872, repris à plusieurs reprises, et notamment par civ. II 27 avril 1977 : un associéd’une société avait mal manoeuvré un monte - charge : un ouvrier trouve la mort. Les héritiers agissent

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contre la société sur le fondement de 1382 cc. Ils sont déboutés par les juges du fond car aucune fautene peut être reprochée à une société. Cassation : « attendu que la personne morale répond des fautes dont elle s’est rendue coupable par sesorganes et en doit la réparation à la victime sans que celle-ci soit obligée de mettre en cause, sur lefondement de l’article 1384 al5 les dits organes pris comme préposés »Rq : cela n’empêchera pas que la responsabilité de la société puisse se combiner avec celle de l’agentdirectement responsable => condamnation in solidum.

=> la sdciété peut être attraite directement sur 1382 cc.Peut aussi l’être sur 1384 al 1er => fait des choses inanimées ou fait des animaux (Civ. 22 fév. 1984) Ou sur 1384 al.5 : fait de ses préposésOu sur 1384 al 1er encore : nouvelle JP de la Cour de cassation sur le fait d’autrui (Blieck 29 mars 1991)=> vise toutes les personnes que contrôle la société.

B) Responsabilité pénale

Responsabilité beaucoup plus récente = NCP de 1992 et élargi par loi Perben

1) De l’irresponsabilité à la responsabilité pénale

Une Jp ancienne avait posé le principe de l’irresponsabilité pénale des personnes morales .Crim. 8 mars 1883 : « l’amende étant personnelle comme toute peine, elle ne peut être prononcéecontre une société commerciale, être moral, laquelle ne peut encourir qu’une responsabilité civile »Relayé par la doctrine : Puech : « le délit suppose un être doué de volonté, et la peine, l’aptitude à encomprendre la signification » (1976)

Donc l’argument principal était l’absence de volonté. Mais d’autres argument étaient également avancés: - personne morale ne serait pas capable de commettre une infraction car sa capacité est limitée par leprincipe de spécialité- inefficacité des sanctions traditionnelles => emprisonnement n’aurait pas de sens appliqué auxpersonnes morales. Et la sanction qui pourrait frapper la société (fermeture d’établissement, amende…)risquerait de frapper indirectement les associés, ce qui est contraire au principe de personnalité despeines.

Problème : le droit français était en décalage par rapport aux droits étrangers (Pays Bas, GB,Canada, EU…)+ inadapté à la réalité des affaires et à la capacité de nuisance des sociétés => ex de l’affairedu sang contaminé (immunité du Centre national de transfusion sanguine…). Pb liés à l’environnement,à l’ordre économique ou à la législation sociale.+ anormal de faire systématiquement supporter par les représentants légaux la responsabilité des PMqu’ils dirigent.=> responsabilité pénale souhaitée par une grande partie de la doctrine

Le législateur avait apporté certains tempéraments à cette règle, notamment en matière defraude fiscale, contrôle des changes, infraction à la législation du travail et la JP s’était égalementassouplie.

Mais il a fallu attendre l’adoption du nouveau code pénal le 22 juillet 1992, entré en vigueur le1er mars 1994 (=> ne s’applique qu’aux agissements postérieurs) pour que le principe deresponsabilité pénale des personnes morales soit définitivement consacré

2) Champ d’application de la responsabilité pénale

a) Champ d’application quant aux personnes

art. 121-2 du code pénal, dans sa formulation originaire : « les personnes morales, à l’exclusion del’Etat, sont responsables pénalement , ….

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Seules les personnes morales sont responsables => ne vise pas les groupements non dotés de la personnalité morale (SEP, sociétés en formation,société créée de fait ou groupe de sociétés en lui-même). En revanche, cela vise les sociétés de fait carleur nullité n’est pas rétroactive.=> et ne vise pas l’Etat Cette disposition vise en revanche toutes les sociétés, les associations, les syndicats, les comitésd’entreprise…car un but lucratif n’est pas exigé. Selon Cozian : plus de 2 millions de délinquantsvirtuels.

b) Infractions concernées (évolution importante)

Une évolution très importante a eu lieu.

Au départ : application du principe de spécialité

Il existait à l’origine une différence essentielle avec la responsabilité pénale des personnes physiques=> il fallait que le texte d’incrimination prévoie expressément les personnes morales. « les personnes morales, à l’exclusion de l’Etat, sont responsables pénalement , …. dans les cas prévuspar la loi ou le règlement, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes oureprésentant… ».

On appliquait un principe de spécialité. Donc il n’y avait pas de responsabilité générale des personnesmorales. Les cas prévus visaient essentiellement les atteintes aux biens et les infractions économiques :escroquerie, abus de confiance, infractions boursières, atteinte au système informatique, revente àperte… Mais également le trafic de stupéfiants, le proxénétisme, les pollutions atmosphériques,l’homicide, …

La liste s’est bien accrue ensuite : atteintes au droit d’auteur, banqueroute, pollution atmosphérique,infractions aux dispositions de la loi sur l’eau, infractions en matière de publicité, violation loi94~respect du corps humain, atteintes à l’environnement, emploi de la langue française… Les condamnations plus fréquentes concernaient les délits de travail clandestin, de blessuresinvolontaires, de facturations irrégulières et de délits d’atteinte à l’environnement

La Cour de cassation s’est pour la première fois prononcée sur la responsabilité pénale d’une personnemorale en cas d’homicide involontaire dans un arrêt du 1/12/98 (BRDA 99/2). Un salarié intérimaireavait fait une chute mortelle alors qu’il était occupé sur la terrasse d’un immeuble en construction nonpourvue de barrière de protection. Le président de la société ou son subdélégataire en matière desécurité n’avaient pas accompli toutes les diligences normales pour faire respecter les prescriptions enla matière => faute d’imprudence ou de négligence.

Pb dans notre matière : la responsabilité pénale des personnes morales n’était prévue pour aucune desinfractions mentionnées par l’ex loi du 24 juillet 1966 comme les abus de biens sociaux. Idem pour lesinfractions prévues par le code de la consommation.

L’élargissement opéré par la loi Perben

Depuis la loi Perben du 31 décembre 2005, toutes les infractions, quel que soit le texte àl’origine de la poursuite, peuvent engager la responsabilité pénale des PM => laresponsabilité pénale des PM peut donc être engagée pour l’ensemble des crimes, délits etcontraventions existants Sont donc désormais visées par les textes toutes les infractions en droit des sociétés, dont l’abus debiens sociaux Application dans le temps de la réforme : Crim 19/06/2007 : « Attendu qu'une loi pénale étendant une incrimination à une nouvelle catégorie deprévenus ne peut s'appliquer à des faits commis antérieurement à son entrée en vigueur ; » pour les infractions commises jusqu’au 30 décembre 2005, la responsabilité d’une PM ne peutêtre mise en cause que si le texte qui définissait et réprimait l’infraction le prévoyait expressément. Cas

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ici pour le délit de publicité trompeuse et de fraude (en l’espèce vente de vins sous des châteauxfictifs).

Rq : réflexion sur la nécessité d’une dépénalisation du droit des affaires dans le cadre du rapport Coulonrendu en janvier 2008, mais pour le moment pas de traduction

3) Conditions de mise en œuvre de cette responsabilité

L. 121-2 CP : « Les personnes morales, à l’exclusion de l’Etat, sont responsables pénalement , (…) desinfractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentant… »

a) l’infraction doit avoir été commise pour le compte de la personne morale

- l’infraction doit avoir profité à la personne morale ou servi son intérêt => la personne morale estresponsable dès que l’infraction a été commise dans le cadre de son activité

- la société n’est pas responsable si le représentant a agi à des fins personnelles, dans son intérêtexclusifDiscussion en doctrine en revanche, lorsque l’organe ou le représentant est sorti des limites de sesattributions légales ou statutaires.

b) Par un organe ou représentant

- acte accompli par un organe social : Conseil d’administration, Pt de conseil d’adm°, directeurgénéral, directoire, gérant… ou un représentant de la société titulaire d’un mandat

- ou un représentant : mandataire spécialement habilité

La responsabilité pénale d’une personne morale peut donc être engagée par toute personne titulaired’une délégation de pouvoirs consentie par le représentant légal => Cass. crim 1er déc. 1998 : cf infra.Mais elle ne peut pas être engagée par les infractions commises, même à son profit, par un employésans pouvoir pour la représenter.Les auteurs penchent cependant pour l’application de la responsabilité lorsque l’infraction a étécommise par un dirigeant de fait.

Sévérité de la chambre criminelle :

Dans un arrêt du 25 juin 2008 (n° 07-80.261 : BRDA 19/08 inf. 1), la Cour de cassation avait jugéqu'une infraction commise dans le cadre de la politique commerciale d'une société estréputée avoir été accomplie pour le compte de celle-ci par ses organes ou représentants etque cette infraction engage donc la responsabilité de la société.

Commentant cette décision dans son rapport pour l'année 2008, la Cour de cassation souligne qu'il enrésulte que « la responsabilité pénale d'une personne morale peut être engagée en raison dela commission d'une infraction alors même que l'auteur de l'infraction n'a pas été identifié,dès lors que le juge peut acquérir la certitude que l'infraction a été commise dans tous seséléments par un organe ou représentant ».

Les commentateurs (BRDA 27 avril 2009) relèvent que cela « ressemble fort à une présomption deresponsabilité » et que « la société peut seulement soit démontrer que l'infraction a été commise parune personne qui n'est ni un organe ni un représentant (ce qui est difficile car la notion de représentantest très large ; voir Mémento Sociétés commerciales n° 1901 s.), soit prouver que l'infraction n'a pasété commise pour son compte ».

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A noter : une Question prioritaire de constitutionnalité1 a été récemment posée concernant le principede la responsabilité pénale des personnes morales : QPC du 11 juin 2010, n° 09-87.884, Sté BureauVeritas

La question tendait « à faire constater que l'article 121-2, alinéa 1 du code pénal, qui pose le principede la responsabilité pénale des personnes morales, est contraire à l'exigence de précision suffisante dela loi pénale qui résulte de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août1789, en ce qu'il permet de retenir la responsabilité pénale d'une personne morale sans même qu'unfait précis soit imputé à ses organes ou représentants ni même que ceux-ci soient identifiés »

La Cour de cassation a refusé de soumettre cette question au Conseil constitutionnel au motif suivant :

« Attendu que la disposition contestée a été mise en oeuvre à l'encontre de la société Bureau Veritasdans la procédure, laquelle a donné lieu à la condamnation de cette personne morale du chefd'homicide involontaire ;

Mais attendu que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dontle Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;

Et attendu qu'aux termes de l'article 61-1 de la Constitution, la question dont peut être saisi le Conseilconstitutionnel est seulement celle qui invoque l'atteinte portée par une disposition législative auxdroits et libertés que la Constitution garantit ; que la question posée, sous le couvert de la prétendueimprécision des dispositions critiquées, tend en réalité à contester l'application qu'en fait la Cour decassation; qu'elle ne satisfait pas dès lors aux exigences du texte constitutionnel précité »

c) Lorsque infraction est intentionnelle, la responsabilité de la PMsuppose que le représentant ait eu conscience de commettre uneinfraction...

Illustration par un arrêt de la chambre criminelle en date du 2 décembre 1997, qui est la 1ère décisionémanant de la Cour de cassation en matière de responsabilité pénale des personnes morales :cassation d’un arrêt d’appel qui avait déclaré pénalement responsable une SA pour usage de faussesattestations à l’encontre d’un salarié dans le cadre d’une procédure de licenciement. Les attestationsavaient été produites par le DG de la société qui représentait celle-ci dans l’instance prud’homale.Dans cette affaire, les juges de la Cour d'appel avaient retenu la responsabilité de la société car ilsavaient relevé que - les attestations avaient été faites et produites par la société- la SA ne pouvait ignorer que les attestations produites étaient inexactesLeur arrêt est cassé : il aurait fallu rechercher si le directeur général de la société avait eupersonnellement connaissance de l’inexactitude des faits relatés dans les attestations.

Autre illustration : Crim. 18/01/2000

Donc l’auteur de l’infraction est la personne physique mais la responsabilité est projetée sur lapersonne morale.

(Analyse de certains auteurs : cette règle ne supposerait pas pour autant que l’auteur de l’infractionsoit identifié, lorsque l’infraction n’est pas intentionnelle (infractions d’omission, de négligence oumatérielles) => il suffira de démontrer que l’infraction est la conséquence d’un défaut d’organisation del’entreprise )

1  Depuis le 1er mars 2010, tout justiciable peut, au cours d'une instance devant une juridictionadministrative ou judiciaire, invoquer l'inconstitutionnalité d'une disposition législative, au moyend'une QPC. Cette question est transmise par le juge du fond au Conseil d'Etat ou à la Cour decassation, puis au Conseil constitutionnel, lorsque les conditions posées par la loi sont remplies

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RQ: la responsabilité des personnes morales n’exclut pas celle des personnes physiques auteurs oucomplices des mêmes faits => possibilité de cumul de responsabilité (cf. 3). Et la société peut être condamnée comme auteur principal ou comme complice.

4) Sanctions encourues

Maintien de la différence entre peines criminelles, correctionnelles et contraventionnelles, mais pas deprison évidemment possible

- amende : systématiquement encourue. Quantum => celle prévue pour les personnes physiques pour la même infraction multipliéepar 5

Ex abus de confiance : 375.000 € pour une PP => 1.875.000 € pour une sociétéCela peut être très lourd et conduire à la disparition de la personne morale. Cependant, le juge doittenir compte des ressources et des charges de la personne morale auteur de l’infraction.

Lorsque la loi ou le règlement le prévoit expressément, des peines complémentaires sont possibles(Rq : rapport Coulon propose de clarifier les peines complémentaires)

- dissolution du groupement dans les cas les plus graves (sauf syndicat, parti politique, comitéd’entreprise ou institution représentative du personnel). Sorte de peine de mort appliquée àl’entreprise. - possibilité d’interdiction temporaire ou définitive d’exercer une activité professionnelle- placement sous surveillance judiciaire- possibilité d’exclusion des marchés publics- possibilité de donner publicité de la décision de condamnation- interdiction de faire APE- interdiction d’émettre des chèques- confiscation de la chose qui a servi à commettre l’infraction ou la chose qui en est le produit.

Ex crim 19 mars 2002Condamnation de Total Fina Elf à la suite du naufrage de l’Erika au large de la BretagneLe navire n’appartenait pas à Total mais avait été loué par lui. Nombreuses négligences de l’armateur,du capitaine…Total Fina Elf a été condamné pour pollution maritime et complicité de mise en danger d’autruiCondamnation à caution de 7,6 millions €Placement sous contrôle judiciaireInterdiction d’affréter des navires de + de 15 ans pour le transport de fioul lourd.

Les condamnations sont inscrites dans le casier judiciaire des personnes morales.

Il existe une possibilité de réhabilitation (effacement des condamnations inscrites au casier) afin depermettre que, à la suite d’une fusion ou d’une cession de contrôle, les nouveaux associés ou dirigeantsn’aient à subir d’anciennes condamnations auxquelles ils sont étrangers. Elle a lieu sur demande ou deplein droit quand aucune autre condamnation n’a eu lieu dans le délai de 5 ans.

+ Crim 20/06/2000Une société qui a absorbé une autre société faisait l’objet de poursuites pour blessures involontaires nepeut être déclarée coupable de ce délit, l’absorption ayant fait perdre son existence juridique à lasociété absorbée => exception au principe de transmission universelle de patrimoine résultant de lafusion. Cela est conforme eu principe de personnalité de la sanction (art 6 CEDH)

5) Incidence de la responsabilité pénale des personnes morales sur celle des personnes physiques

Contrairement à ce que certains espéraient, la responsabilité pénale des personnes morales n’a passupprimé la responsabilité du chef d’entreprise. art. 121-2 nouveau code pénal : « la responsabilité pénale des personnes morales n’exclut pascelle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits ». donc cumul de responsabilité possible

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Mais il n’y a pas responsabilité pénale de plein droit de la personne physique : celle-ci n’est punissableque si elle est identifiée et si elle est complice ou coauteur des mêmes faits.

Une circulaire du 13 fév. 2006 invite les magistrats du ministère public à opérer la distinction suivante :

* Concernant les infractions intentionnelles : poursuites à la fois contre la PP auteur ou complicedes faits et c/ la personne morale, dès lors que les faits ont été commis pour son compte par l’un de sesorganes ou représentants

* Concernant les infractions non intentionnellesex : infractions de nature technique, où une réglementation n’a pas été respectée poursuites uniquement contre la personne morale sauf si la personne physique a commis une faute personnelle suffisamment établie

Statistiques judiciaires : PP condamnées en plus de la PM dans un 1/3 des cas.

P. Merle : ce risque de condamnation des PP peut inciter les chefs d’entreprises à consentir desdélégations de pouvoirs à des préposés dotés de la compétence, de l’autonomie et des moyensnécessaires.

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CHAPITRE 2 LES SOCIÉTÉS SANS PERSONNALITÉ MORALE

Elles sont très nombreuses, même si leur nombre exact est difficile à connaître

Il existe deux types de sociétés sans personnalité morale : les sociétés en participation(SEP) et les sociétés créées de fait (SCF).

Aux termes de l'article 1871 du Code civil, la société en participation est une sociétéque les associés ont convenu de ne pas immatriculer.

La société créée de fait est la situation dans laquelle deux ou plusieurs personnes sesont comportées en fait comme des associés, sans avoir exprimé la volonté de constituerune société, sans même en avoir conscience. Ce n’est qu’ultérieurement , souvent à la dissolutiondu groupement, que se pose la question de l’existence d’une société créée de fait. On constate que des personnes se sont comportées en fait comme des associés. On dit que lasociété créée de fait n’accède souvent à la vie juridique que pour disparaître.

Ainsi, la distinction avec la société en participation réside dans l'origine de ces sociétés. Celle-ci(SEP) est le fruit d'une convention, tandis que celle-là (SCF) est le résultat d'une pratique.

Mais, de toute façon, cette distinction a aujourd'hui perdu son intérêt puisque, aux termes del'article 1873 du Code civil, les dispositions du chapitre sur les sociétés en participation sontapplicables aux sociétés créées de fait : la loi soumet les deux sociétés aux mêmes règles,du fait de leur absence de personnalité morale

{Rq : les sociétés particulières sont en principe étudiées dans le cadre du cours de droit spécialdes sociétés. Une exception est traditionnellement faite pour les sociétés sans personnalitémorale, que l’on fait le choix de traiter dans le cadre du cours de droit commun}

SECTION 1- LA SOCIÉTÉ EN PARTICIPATION

Introduction : Définition et évolution de la SEP

Nous avons déjà dit que, aux termes de l'article 1871 du Code civil, la société en participation estune société que les associés ont convenu de ne pas immatriculer. Elle n'est pas une personne morale et n'est pas soumise à publicité.

Cette définition est issue de la loi 4 janvier 1978.

Avant cette loi, le code de commerce (car les règles sur la SEP figuraient alors dans le code decommerce) et la loi de 1966 considéraient que la SEP se caractérisait par son caractère occulte :la SEP était celle qui se ne révélait pas aux tiers.Dans l'hypothèse d'une telle révélation, la jurisprudence considérait que la société enparticipation perdait sa nature même, et devenait une société irrégulière, soumise au régime dessociétés en nom collectif

La loi du 4 janvier 1978 a abrogé les dispositions de la loi du 24 juillet 1966 relatives à la SEPpour leur substituer les articles 1871 à 1873 du Code civil.Cette loi a du même coup profondément modifié, à travers la définition même de l'article 1871 duCode civil, le particularisme juridique de la société en participation.

Particularisme réside désormais dans la décision des associés de ne pas immatriculer leur société,et donc, corrélativement, de ne pas lui faire acquérir la personnalité morale. La SEP n’est doncplus nécessairement occulte, même si ce point reste discuté en doctrine.

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§ 1 – LES CARACTÉRISTIQUES DE LA SEP

Nous étudierons ses caractères principaux et puis son utilisation pratique

1. Caractères principaux de la SEP

(rq : le plan de cette partie s’appuie sur celui retenu dans l’ouvrage Lamy sociétés commerciales)

1) C’est une société

La société en participation est d'abord une société : elle doit donc comporter tous les élémentsconstitutifs du contrat de société.

L'article 1871, alinéa 2, du Code civil le précise d'ailleurs expressément en indiquant qu'elle nepeut pas déroger aux dispositions de l'article 1832 du même Code C. civ.

Les associés en participation doivent donc être animés de l'affectio societatis , avoir effectué desapports, et s'engager à partager les bénéfices et à participer aux pertes

2) C’est une société non immatriculée et donc sans personnalité morale

L'absence de personnalité morale emporte plusieurs conséquences.

- La société en participation n'a pas de raison sociale - Elle n'a pas de siège social (toutefois, les associés peuvent, à usage strictement interne,

localiser l'activité sociale en un lieu qu'ils choisiront). - Elle n'a pas de nationalité ́.

- Elle n'a pas de patrimoine, en tous cas vis à vis des tiers. Dans les rapports entre lesassociés, il est possible de recréer une forme de patrimoine en recourant à la technique del'indivision (embryon de patrimoine social)(Les apports, que doivent réaliser les associés, ne sont pas translatifs de propriété . Il y aura doncplutôt mise à la disposition de la société que véritable apport. Nous reviendrons sur ce point).

Elle ne souscrit aucun engagement personnel, que ce soit en qualité de débiteur ou decréancier. La règle est implicitement donnée par l'article 1872-1, alinéa 1er, du Code civil lorsqu'il préciseque « chaque associé contracte en son nom personnel et est seul engagé à l'égard des tiers ». Csqce: la SEP ne peut ni détenir des biens ni contracter un emprunt, ni consentir un prêt à unesociété

Illustration : Cass. com., 20 mai 2008, no 07-13.202, P + B La Cour de cassation, se fondant sur cette absence de personnalité morale, exclut le jeu de lacompensation dans la mesure où la société en participation ne saurait être créancière d’uneobligation

Cette impossibilité pour la SEP d’être débitrice a des conséquences sur l’acte de caution. Selonl’article 2289 du code civil, « Le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable. »Cette condition fait défaut lorsque la dette, objet de l'engagement de la caution, est celle d'unesociété en participation, puisque celle-ci n’a pas la personnalité morale. La Cour de cassationvient donc de poser que le cautionnement ayant pour objet de garantir les dettes d'une société enparticipation ne peut fonder la condamnation de la caution à garantir la dette d'une personneautre que le débiteur désigné dans l'acte de cautionnement (Cass. com., 6 juill. 2010, n° 09-68.778, FS-P+B, Sté Banque populaire du Sud c/ Saint-Léger Dagorn)

_ Elle ne peut pas agir en justice. L'action en justice introduite au nom d'une société enparticipation par son gérant est entachée d'irrégularité pour défaut de qualité pour agir ;

- De même, la société ne peut faire l'objet d'une procédure collective (Cass. com.,23 nov. 2004, no 02-14.262, Dr. sociétés déc. 2005, comm. 29, obs. J.-P. Legros). Celle-ci doit êtredirigée contre les associés pris individuellement.

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3) C’est une société que l’on fait échapper aux formalités de publicité légale

Nous avons vu qu’avant la loi du 4 janvier 1978, la SEP ne devait pas se révéler aux tiers. A présent, le législateur se contente de la soustraire aux formalités de publicité (immatriculation)

Pb : l'article 1872-1, alinéa 2, du Code civil envisage, de son côté, la conséquence d'une révélationaux tiers de la société, en décidant que tous les associés seront alors engagés. Comment concilier ces deux règles : pas de publicité mais possibilité d'être révélé aux tiers ?

La majorité des auteurs considère que, depuis 78, la SEP peut être occulte ou ostensibleElle peut être ostensible, dès la constitution de la société ou seulement à l’occasion de laréalisation d’une opération déterminée.Elle peut être ostensible vis à vis de certains tiers et dissimulées aux autres.

4) C’est une société régie par le principe de liberté contractuelle

Selon l'article 1871, alinéa 2, du Code civil, « les associés conviennent librement de l'objet, dufonctionnement et des conditions de la société en participation ».

Ainsi, les associés en participation ont la liberté d'organiser leur société comme ilsl'entendent. Liberté de déterminer son objetLiberté de fixer ses modalités de fonctionnement Liberté de fixer sa durée : la loi laisse une entière liberté aux associés.Csqce : la durée fixée peut être limitée dans le temps ou encore à la réalisation d'une ou plusieursopérations déterminées, mais elle peut tout aussi bien être illimitée (c'est là un facteursupplémentaire de souplesse par rapport aux sociétés dotées de la personnalité morale qui sontconclues pour une durée max de 99 ans).

Dans ce dernier cas, l'article 1872-2 du Code civil prévoit que la dissolution de la société « peutrésulter à tout moment d'une notification adressée par l'un d'eux à tous les associés, pourvu quecette notification soit de bonne foi, et non faite à contretemps

Cette liberté, inhabituelle dans le droit des sociétés est liée à l'absence de personnalité morale dela société en participation

Mais cette liberté n’est pas sans limites puisqu’il faut respecter les principes fondamentaux dudroit des sociétés. L’article 1871, al. 2, impose le respect des certaines dispositionsimpératives. Outre le respect des éléments essentiels de la société (art. 1832 et 1833), onretrouve l’interdiction des clauses léonines (art. 1844-1, al. 2) ou l’interdiction d'augmenter lesengagements des associés sans leur consentement (art. 1836 al.2);

Cette importance donnée au contrat conduit quelquefois la JP à considérer la SEP comme unesorte de contrat spécial. Il faudra alors le distinguer d’autres contrats.

- différence avec un contrat de travail car pas de subordination. Par ailleurs, le salarié ne contribuepas aux pertes.

- différence avec le contrat de prêt avec participation au résultat car affectio societatis. Par ailleurs,le contrat de prêt avec participation aux bénéfices se distingue de la société en participationparce que le prêteur peut toujours réclamer la restitution des fonds remis malgré les pertes subieset parce qu'il n'a pas le pouvoir de contrôler l'emploi des capitaux.

- - différence aussi avec le mandat avec participation aux bénéfices, car le mandataire n'a qu'unrôle d'exécutant et qu'il ne participe pas aux pertes.

5) C’est une société civile ou commerciale

La commercialité par la forme n'est cette fois pas consacrée par le législateur

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Conséquence : la société en participation sera civile ou commerciale selon la nature de sonobjet, selon l’activité qu’elle exerce. Cela est expressément envisagé par l'article 1871-1 du Codecivil qui évoque la société à « caractère » civil ou commercial. Il y a donc lieu ici de se référer aux critères habituels de la commercialité (cf. C. com., art. L. 210-1et s.). Sauf si une organisation différente a été prévue, les rapports entre associés des sociétés enparticipation

à objet civil seront régis par les dispositions applicables aux sociétés civiles, et ceux entre associés des sociétés en participation à objet commercial, par le droit commun

des sociétés en nom collectif (C. civ., art. 1871-1).

2. Avantages et utilisations pratiques de la SEP

1) Avantages de la société en participation

— simplicité : la constitution de la société en participation ne nécessite aucune formalité ; ellese réalise en un instant, et, dès l'accord de volontés, la société produit effet.C’est pourquoi la société en participation constitue un cadre intéressant lorsque l'opérationcommune projetée est ponctuelle et de courte durée, et ne justifie pas la soumission aux lourdesformalités de constitution, puis de fonctionnement et enfin de dissolution d'une personne moraleElle est encore intéressante lorsque l'exploitation a commencé alors que les formalités depublicité légale n'ont pas pu encore être effectuées.

- discrétion : pas de publicité : peut demeurer inconnue des tiers si les associés le souhaitent.Une seule exception à cet anonymat : obligation de faire une déclaration d'existence de la sociétéà l'administration fiscale

— souplesse : liberté dans l'organisation de leurs relations juridiques (cf supra), sous la seuleréserve des quelques principes fondamentaux du droit des sociétés.

- source d’économie : cette absence de formalités constitutives est évidemment sourced'économie

Ces avantages ont cependant une contrepartie négative : l'absence de personnalité morale.Celle-ci peut évidemment être une faiblesse, notamment pour l'exploitation d'entreprisesimportantes et de longue duréeLe gérant, souvent seul connu des tiers, peut avoir du mal à convaincre de la suffisance de sasolvabilité et manquer de surface financière pour des opérations risquées et onéreuses.

2) Utilisation de sociétés en participation

Ulisations très diverses

Elle peut être utilisée dans le cadre d’opération très ponctuelles : achat en commun d'unbillet de loterie par exemple.Elel peut aussi être utilisée pour des opérations originales telles que l’achat en commun d’uncheval de course « à la retraite » en vue de la reproduction (« syndicat d’étalon).

Mais peut-être aussi utilisée pour la coopération inter entreprises :réalisation en commun d'opérations industrielles ou commerciales, ponctuelles ou prolongées : projet de promotion immobilière ; recherche de débouchés commerciaux ; conception et la réalisation de travaux de construction ; fourniture d'usines clefs en main ; exploitation d'un brevet ; coproduction cinématographique ou coédition d'un roman entre éditeurspactes d'actionnaires : La Générale des eaux (devenue Vivendi) et la société Havas ont conclu unpacte d'actionnaires pour gérer leurs droits de vote dans la société C+. Ont apporté leurs titres àune SEP.

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possibilité aussi de coopération internationale: ex d'eurotunnel

Elle peut être utilisée par des personnes physiques dans des secteurs qui supposentdes mises de fonds importantes : commerce des vins, des pierres précieuses, des objets d’art

Elle peut-être utilisée pour stabiliser une indivisionDes entreprises sont copropriétaires de gros et coûteux équipements qu'elles exploitent encommun : un avion pour des compagnies aériennes ; un centre de raffinage pour des compagniespétrolièresCes entreprises peuvent prévoir une indivision conventionnelle ou créer une SEP

Elle peut encore permettre le financement d'une opération à risque- pool bancaire : association de plusieurs banquiers pour financer un très gros projet ;- ou association de banquiers pour placer dans le public les VM émises par les sociétés cotées.

§2) CONSTITUTION DE LA SEP

La société en participation trouve sa base juridique, comme toute autre société, dans uncontrat, mais dans un contrat qui est ici particulièrement important à deux points devue :

- d'une part, parce qu'il demeure le seul cadre des relations entre les associés, dans la mesure où,exceptionnellement, il ne provoque pas la création d'une personne morale

- et, d'autre part, parce que l'article 1871, alinéa 2, du Code civil, pose ici un principe de libertécontractuelle qui donne exceptionnellement aux associés une réelle marge de manœuvre dans ladétermination « de l'objet, du fonctionnement et des conditions de la société ».

Cette liberté n'est cependant pas absolue puisque ce texte impose le respect des principesfondamentaux du droit des sociétés (cf supra)

A) Conditions de fond

1) Conditions tenant aux associés

Les associés en participation doivent être au moins deux, personnes physiques aussi bien quepersonnes morales (pas de forme unipersonnelle) Capacité des associés Si objet civil, pas de pbSi la société en participation est à objet commercial, il faut faire une distinction selon qu’elle estocculte ou ostensible- si c’est une société occulte à objet commercial, le gérant — et lui seul — doit avoir lacapacité requise pour exercer une activité commerciale

- si, en revanche, la société est ostensible, à objet commercial, tous les participants quiexercent l'activité commerciale doivent avoir la capacité de faire le commerce

2) Conditions tenant à l'objet de la SEP

L'objet de la société en participation peut être civil ou commercial, et c'est sa nature quidétermine la nature même de la société (cf supra)Cet objet doit évidemment être licite, l'article 1871, alinéa 2, du Code civil, prévoyant d'ailleursexpressément le respect de l'article 1833 du Code civil

Ainsi donc, une société en participation ne saurait avoir pour objet de tourner une réglementationprofessionnelle : Cass. com., 11 juill. 2006 (n°04-16.759) : confirmant l'annulation d'une sociétéen participation constituée entre un pharmacien et un vétérinaire dont l'activité comportait des

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pratiques illicites constitutives de manquements graves aux dispositions d'ordre public du Codede la santé publique relatives à la délivrance des médicaments vétérinaires (déjà vu).

3) Conditions relatives aux apports et statut de ceux-ci

La société en participation étant une véritable société, chaque associé doit faire un apport. Conformément au droit commun, les apports peuvent être en nature, en numéraire ou enindustrie (fréquent)Par ailleurs, les apports effectués doivent être réels, sérieux et non fictifs.

Statut des apports : ici encore, les règles sont marquées par le fait que la société n’apas la PM

Distinction selon que l'on se situe par rapport aux tiers ou dans l'ordre interne

a) Statut des apports vis-à-vis des tiers

Aux termes de l'article 1872, alinéa 1er, du Code civil, « à l'égard des tiers, chaque associé restepropriétaire des biens qu'il met à la disposition de la sociéte ́ ».

Ce principe de la conservation de la propriété du bien apporté par l'apporteur est dans lalogique d'une société qui n'est pas dotée de la personnalité morale. Cela produit des conséquences importantes.

Quelques exemples :

- l'apporteur, ne concédant que la jouissance du bien apporté, conserve le droit d'en disposer (cf.Cass. civ., 5 mai 1858, DP 1858, I, 222 ; Cass. req., 27 juin 1893, DP 1893, I, 488), si bien que sescréanciers peuvent eux-mêmes le saisir. On doit cependant admettre alors la possibilité d'uneaction en responsabilité civile au profit des coassociés, en réparation du dommage subi ;

- l'apporteur, en sa qualité de propriétaire, doit subir les risques liés à la perte de la chose. Il esttoutefois admis que si cette perte est due aux opérations sociétaires, elle fait partie du passifcommun et doit donc être supportée par tous les associés

Mais ce principe peut faire l'objet d'aménagements :

- stipulation d'indivision Aux termes de l'article 1872, alinéa 3, du Code civil, les associés peuvent convenir de mettrecertains biens en indivision. Cette stipulation doit cependant être expresse et non équivoque+ rq : les biens qui se trouvaient indivis avant leur mise à disposition à la SEP sont réputésindivis.

- transmission de la propriété de biens apportés à l'un des associés Cette possibilité, déjà admise par la jurisprudence, est consacrée par l'article 1872, alinéa 4, duCode civil. Les associés peuvent convenir que la propriété de certains biens apportés seratransférée à l'un d'entre eux (en pratique, généralement le gérant). Un tel transfert de propriété, s'effectuant dans l'intérêt sociétaire, obligera l'associé rendupropriétaire à affecter les biens considérés à l'exploitation

b) Dans les rapports internes,

Les associés doivent considérer que les biens constituent en réalité le patrimoine social

B) Absence d'exigence de forme et preuve de la SEP

Pas de mesures de publicité (cf supra)Avec une réserve : la SEP doit être déclarée à l’administration fiscale, afin que celle-ci perçoive lesdroits d’enregistrement.

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+aucune exigence de forme. La rédaction d'un écrit n'est même pas requise , puisquel'article 1871, alinéa 2C. civ., art. 1871, al. 2, ne renvoie pas à l'article 1835 du Code civil. Doncpossibilité de sociétés verbalesMais rédiger un écrit est une bonne précaution d’autant que l’absence d’acte est source de conflitentre les associés.

Pb : comment prouver l’existence d’une SEP?Cette question se posera par exemple si la société fait des pertes et qu'il s'agit d'obtenir dechacun leur participation aux pertesSelon l'article 1871, alinéa 1er in fine, du Code civil, la société en participation « peut êtreprouvée par tous moyens ». Cela est vrai qu’elle soit commerciale ou civile

La preuve peut notamment se faire notamment par témoignages et présomptions, en l'absencemême de commencement de preuve par écrit : échange de courriers, projets de statuts...C’est à celui qui invoque son existence de la prouver. Tous les éléments constitutifs devrontêtre présents

La Jp est exigeante et ne se contente pas du fait que les parties ont utilisé le terme SEP => travailde qualification des juges

Par ex, l'affectio societatis est apprécié souverainement par les juges du fond. Ainsi, la Cour decassation considère que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la courd'appel, après avoir constaté l'achat en commun d'un billet de loterie, constitutif d'un apport, adéduit la volonté des acheteurs de s'associer pour un partage du coût et des gains éventuels(Cass. 1re civ., 14 janv. 2003, n°00-19.984, Dr. sociétés avr. 2003, comm. 69, note F.-X. Lucas,RJDA 2003, no 400).

§3) FONCTIONNEMENT DE LA SOCIÉTÉ EN PARTICIPATION. LES PARTICIPANTS

Ici, les règles sont marquées par le fait que la société n’a pas de PM et par l’importance ducontrat. C’est lui qui donne efficacité à la société et qui organise son fonctionnement.

Etude de la situation des associés puis du gérantA) Situation des associés

Nous distinguerons leur situation dans l’ordre interne et vis à vis des tiers.

1) Rapports entre associés

i. Droits des associés

L'associé en participation bénéficie des droits traditionnellement attachés à la qualité d’associé etque nous étudierons dans la suite du cours: - droit de participer à la gestion- de participer aux bénéfices- de céder ses parts (avec l'accord de tous les autres associés ou selon les conditions prévuesdans les statuts )- de participer aux décisions collectives, selon les modalités prévues dans les statuts : libertétotale (AG ou autre mode de consultation ; majorité à définir).

ii. Obligations des associés

Là encore, leur situation est classique : - libérer leurs apports- contribuer aux pertes. Une grande liberté leur est laissée dans la répartition, sous réserve desclauses léonines. Si les statuts ne disent rien, le principe est celui de la répartition proportionnelleaux apports.

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2) Rapports des associés avec les tiers

Application de l’art. 1872-1

a) Le principe : engagement du seul associé contractant

En principe, les tiers traitent avec le gérant et ne connaissent pas les participants occultes.C’est pourquoi l’art 1872-1 al 1 du Code civil pose un principe : « chaque associé contracteen son nom personnel et est seul engagé à l'égard des tiers ».

Cela vaut également pour le gérant ; celui-ci contracte en son nom propre et est seul engagé vis àvis des tiersConséquence : L'acte passé entre un associé (ou le gérant) et un tiers est inopposable aux autresassociés

b) Mais trois exceptions (alinéas 2 et 3C. civ., art. 1872)

1 ère exception : lorsque « les participants agissent en qualité d'associés au vu et au su destiers »

Condition pour que joue cette exception : chaque participant doit être « l'auteur de sa proprerévélation », celle-ci ne pouvant résulter de l'attitude du seul gérant. Seul, le comportementpersonnel d'un associé peut autoriser un créancier à agir contre lui.

D'après la Cour de cassation, le comportement personnel exigé des associés supposenécessairement des actes positifs

ex : Cass. com., 15 juill. 1987, Bull. civ. IV : a censuré pour défaut de base légale un arrêt de lacour d'appel de Lyon qui avait condamné solidairement les associés aux motifs que la révélationde la société avait été faite par écrit par un des associés à un tiers contractant, que d'autresassociés n'avaient pas réagi au reçu d'une lettre de ce contractant, et qu'enfin la convocation desparticipants à une assemblée par voie de presse avait révélé aux tiers l'existence de la société. Pour la Cour de cassation, de tels motifs ne caractérisent pas les « actes personnels » desparticipants, et ne permettent donc pas de considérer ni qu'ils ont agi en qualité d'associés au vuet au su du tiers contractant, ni qu'ils se sont immiscés dans l'accord passé avec lui et que cefaisant, ils entendaient s'engager à son égard.

(Un arrêt récent précédemment étudié dans le cadre de la société en formation dégénérant enSCF a cependant fait preuve de moins d’exigence : V. supra Cass. Com. 26 mai 1999, n°08-13.891 (n°464 F-D), Ligier contre Caisse nationale de crédit maritime mutuel du Morbihan et deLoire Atlantique).

En pratique, il est important que les personnes qui traitent avec le gérant d'une société enparticipation sachent qu'elles ne pourront se ménager une action contre des associés restés enretrait sans obtenir d'eux un engagement exprès. Par ailleurs, la Cour de cassation a rappelé que si aux termes de l'article 1872-1, alinéa 2, du Codecivil, les membres d'une société en participation, qui agissent en qualité d'associés au vu et sudes tiers, sont tenus à l'égard de ceux-ci des obligations nées des actes accomplis par l'un desautres, c'est à la condition que celui-ci les ait accomplis en cette qualité (cf. Cass. com.,13 janv. 1998, no 95-19.198, Bull. civ. IV, no 23,)

La forme à préférer pour que cette révélation soit « efficace » est variable : emploi d’un nomcommercial sur les camions de la société si les associés étaient d’accord par ex.

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Si la preuve de cette révélation est rapportée, chaque participant sera tenu, parrapport aux créanciers, des actes accomplis par l’un des autres. Cet engagement serasolidaire si la société est commerciale, et sans solidarité dans les autres cas.

Rappel : la nature commerciale ou civile de la société ne peut être déduite que de l'activité decelle-ci.

2ème exception : lorsqu'un associé a, « par son immixtion, laissé croire au cocontractant

qu'il entendait s'engager à son égard »

Il s’agit d’une immixtion dans la gestion externeSeul l’auteur de l’immixtion est engagé

3 ème exception : lorsqu'« il est prouvé que l'engagement a tourné à son profit »

Cette disposition atténue le principe posé par l'article 1872-1, alinéa 1er, du Code civil.

Rq : il existe un régime particulier de responsabilité des associés en présence d’uneindivision mais nous n’en parlerons pas

B) Gérance de la SEP

Rien dans la loiIci encore, importance du contrat et application

- soit des règles de la SNC si l’objet de la société est commercial- soit des règles de la société civile si objet civil

1) Statut du gérant

Application de l'article 1871, alinéa 2, du Code civil.

Les associés en participation peuvent désigner un ou plusieurs gérants associés ou non, et cettedésignation peut intervenir aussi bien dans les statuts qu'en cours de vie sociale. Selon Lamy : une personne morale pourrait être choisie comme gérant

Si les statuts sont muets à cet égard, tous les associés sont gérants, comme le prévoient lesrègles de la société en nom collectif

Statut du gérant : librement défini dans les statuts (rémunération, révocation, démission)

2) Pouvoirs et Responsabilité du gérant

a) Dans l’ordre interne

Vis-à-vis des associés, le gérant est tenu de respecter le pacte social (et les limitations depouvoirs éventuelles), d'agir dans l'intérêt social et de rendre compte de sa gestion. À ces différents titres, sa responsabilité peut se trouver engagée envers eux pour faute sur unfondement contractuel, parce qu’il est le mandataire des associés. {Un arrêt récent mérite d’être noté, même s’il est difficile à comprendre2: Cass. com., 6 mai 2008,no 07-12.251, P + B En l'espèce, les associés d'une société en participation, ainsi que son liquidateur amiable,reprochaient à l'ancien gérant-associé et à son représentant des fautes dans la gestion de lasociété en participation alors en liquidation.

2 Voir note de B. Dondero : Recueil Dalloz 2008 p. 2113La société en participation, réfractaire à la théorie de la faute détachable ? 

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Pour les juges du fond cette action ne pouvaient aboutir car ils estimaient « qu'à défaut dedispositions légales ou statutaires spécifiques, le gérant n'est responsable que sur le fondementdu droit commun de l'article 1382 du code civil, à raison des fautes détachables de ses fonctionsde gérant ». Tel n'est pas l'avis de la Cour de cassation qui considère au contraire sur de double fondement desarticles 1992 et 1382 du code civil « que le gérant d'une société en participation, dépourvue depersonnalité morale, est, en sa qualité de mandataire des associés, responsable des fautescommises à leur égard dans sa gestion »2 csqces :- action de nature contractuelle- pas besoin de prouver une faute détachable de ses fonctions de gérantDe toute façon, il était malvenu de la part de la CA de s’appuyer sur l’exigence d’une fautepersonnelle puisque celle-ci n’est en principe requise, que dans l’ordre externe}.

b) Pouvoirs et responsabilité vis à vis des tiers

Pouvoirs : le gérant a les pouvoirs les plus larges sur les biens dont il a apparemment ladisposition puisqu’il agit en son nom personnel en non en celui de la société (art. 1872-1 cc)

Des règles de responsabilité en découlentLorsqu’une PM existe, le dirigeant n’est en principe responsable vis-à-vis des tiers que s’il commetune faute détachable de ses fonctions (V. la suite du cours)Nous verrons que la théorie de la faute détachable des fonctions permet de subordonner laresponsabilité du dirigeant à une faute personnelle. La Cour de cassation a même définiprécisément la faute séparable des fonctions comme étant le cas où le « dirigeant commetintentionnellement une faute d’une particulière gravité incompatible avec l’exercice normal desfonctions sociales » (Cass. com., 20 mai 2003, no 99-17.092, Bull. civ. IV, no 84 ; étudiée infra.).

Ces dispositions favorables peuvent-elles s’appliquer au gérant d’une société en participation(SEP) ? La réponse est négative, dans la mesure où le gérant ne peut pas s’abriter derrière unepersonnalité morale inexistante. C’est parce qu’en principe le tiers a comme interlocuteur premier la société, être moral, que laresponsabilité du dirigeant est difficile à atteindre.Ici, il n’y a pas d’être social.

En principe, les tiers n’ont d’action que contre le gérant, et non contre les associés, saufexceptions visées supra. Le gérant fait écran.En contrepartie, les associés ne peuvent rien exiger des tiers. Seul le gérant peut agir contre eux.

Rq : il existe une organisation particulière de la gérance lorsqu’une indivision estconvenue mais je n’en parlerai pas davantage que tout à l’heure

§4 - DISSOLUTION DE LA SEP

Nous étudierons les causes de dissolution puis ses conséquencesRq : pour les besoins de l’étude de la SEP, nous anticipons ici sur ce qui sera traité à la fin ducours.

A)Causes de dissolution

Causes communes à tous les types sociétaires Etant une société, la société en participation est dissoute selon les causes énumérées à l'article1844-7 du Code civil (et sur lesquelles nous reviendrons à la fin du cours) parmi lesquelles : — arrivée du terme — réalisation de son objet, — dissolution judiciaire pour justes motifs : — décision des associés : — clause statutaire prévoyant une faculté de dissolution,

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+ Causes liées à la nature de la société en participation

Elles résultent de l'article 1871-1 du Code civil qui, « à moins qu'une organisation différente n'aitété prévue », répute applicables, « en tant que de raison », les règles des sociétés en nomcollectif ou celles des sociétés civiles selon que la société en participation a un caractèrecommercial ou civil.

Sur cette base, s'appliquent à la participation commerciale les causes de dissolution prévues parles articles L. 221-12 et s. C. comEx : décès d'un associé ; interdiction d'exercer une profession commerciale ou incapacité frappant l'un des associés. Mais ces causes seront étudiées dans le cadre du cours de droit spécial des sociétés.

Par ailleurs, la nature exclusivement contractuelle de la société en participation conduit à penserque la société est dissoute par la réunion de toutes les parts en une même main.

+ Cause propre aux sociétés en participation à durée indéterminée

Elle est prévue par l'article 1872-2, alinéa 1er, du Code civil : la dissolution de la société peut alors« résulter à tout moment d'une notification adressée par l'un d'eux à tous les associés, pourvuque cette notification soit de bonne foi, et non faite à contretemps ».

La jurisprudence a admis qu'une dissolution intempestive ou résultant des torts exclusifs d'unassocié pouvait être source de responsabilité civile En toute hypothèse, la notification aux autres associés de la volonté de rompre la société estrequise pour qu'il y ait dissolution

B)Conséquence de la dissolution

La dissolution de la SEP n’a pas à être publiée (il est prudent de procéder à sa liquidation et deprendre soin de faire cesser l'apparence de la société à l'égard des tiers)

Csqces : Ici encore, on tient compte du fait qu’il n’y a pas de personnalité morale

La principale conséquence est l’arrêt des opérations sociétaires. Les comptes bancaires doiventêtre clôturés, le papier commercial, les bons de commande doivent être détruits.

Mais, faute de personnalité morale, et donc faute d’actif ou de passif social distinct despatrimoines personnels des associés, il n’y a pas vraiment de liquidation.

=> Simple arrêté des comptes entre les associés, les comptes étant en général arrêtés parle gérant.

A défaut d'un aménagement conventionnel de la liquidation entre les associés, il y a applicationdes règles applicables à la SNC si l’objet est commercial : => chaque associé a droit, après paiement des dettes,

1°) au remboursement ou à la reprise de ses apports :

La société en participation n'ayant pas la personnalité juridique, le principe est la reprise parchacun des associés des biens qu'il avait mis à la disposition de la société et dont il était demeurépropriétaire. Ici encore, les règles de l’indivision peuvent compliquer les choses (application desrègles du partage des successions) .Si une plus value a été apportée au bien apporté, elle profite en principe uniquement àl’apporteur. L’apporteur en industrie, lui, ne reprend pas ses apports. Mais les statuts peuvent avoir prévu que la plus value serait partagée.

2°) et à une part de l'actif subsistant proportionnelle à ses apports.

Aménagement possible sous réserve caractère léonin

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Idem pour la contribution aux pertes Elle s'effectue selon les prévisions des parties, simplement limitées par la prohibition des clausesléonines. L'associé qui aura payé plus que sa part dans la contribution aux pertes a un recourssubrogatoire contre les autres

Dans le silence des associés, tant dans les statuts que dans les conventions postérieures, la partde chacun dans les bénéfices et les pertes est déterminée en fonction des apports respectifs (C.civ., art. 1844-1, al. 1er).

SECTION II- LA SOCIÉTÉ CRÉÉE DE FAIT

Visée par Code civil, article 1873 on reconnaît la SCF dans ce texte mais pas de définition. Régimejuridique applicable à une SCF est celui de la SEP. Régime juridique commun à toutes les sociétés sanspersonnalité juridique.

Définition SCF : jurisprudence et doctrine : société dont l'existence est déduite par le juge à partir ducomportement de 2 ou de plusieurs personnes qui se sont comportées dans les faits comme s'ils étaientassociés sans pourtant jamais avoir exprimé la volonté d'être en société.

SCF est différente de la société de fait : les magistrats mélangent les termes. Société de fait est unesociété nulle car affectée d'un vice de constitution mais qui a fonctionné pendant un temps déterminéavec que sa nullité ne soit prononcée. Va disparaître, mais par dérogation au principe du droit civil, leprononcé de la nullité n'aura pas d'effet rétroactif, nullité opère simplement pour l'avenir. On luiapplique les règles de la dissolution. Principe posé par Code civil, article 1844-15 ainsi quand la nullité de la société est prononcée, elle metfin sans rétroactivité à l'exécution du contrat. À l'égard de la personne morale qui a pu prendrenaissance, la nullité produit les effets d'une dissolution prononcée par justice.

§1) Usages de la Société créée de faitLa SCF est un instrument au service du juge lui permettant d'établir l'existence d'une société. Le jugefait application de la SCF dans de nombreuses situations, il y a 2 applications principales :

- SCF entre concubins / amis ;- utilisation de la SCF comme un instrument de requalification si une société en formation a

commencé son activité sociale.

A. Les sociétés entre concubins

Concubin car le plus gros du contentieux.

Une concubine vivant maritalement avec un homme qui exploit un fonds de commerce. Elle l'aidebénévolement en comptabilité, secrétariat, assure frais généraux... Peut apporter son industrie, donnerde l'argent. Si quitte son concubin, cherche à se venger et va voir son avocat : vous avez exploitez ensemble lefonds de commerce : apports, affectio societatis. Devant le juge : se sont comportés dans les faits comme s'ils étaient associés sans avoir exprimé lavolonté d'être en société. L'activité exploitée seule en apparence est en réalité exploitée à 2.

Avantage : si on établit la SCF on établit la société ainsi partage des bénéfices, contribution aux pertes.La concubine a droit à une fraction des bénéfices. SCF peut être un instrument de vengeance.

B. La requalification d'une société en formation en société créée de fait

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Normalement, une société en formation ne peut accomplir que des actes strictement nécessaires à saconstitution c'est-à-dire à la préparation de sa future activité sociale. L'exploitation du programmesocial ne peut commencer qu'à compter de l'immatriculation.

Dans la pratique, une société en formation commence par anticipation son activité sociale c'est-à-direqu'elle conclut des actes excédant les actes strictement nécessaires à sa constitution. Dans cettehypothèse, la jurisprudence décide de manière classique qu'une sociale en formation qui débute sonactivité sociale avant d'être immatriculée se comporte dans les faits comme une SCF.Néanmoins, cette requalification est soumise à condition rappelée dans un arrêt de la chambrecommerciale du 4 décembre 2001 ainsi il faut que cette activité soit répétée, durable, doit s'inscriredans le temps. Ce critère de répétition permet au juge d'établir qu'il y a bien une volonté des associésde commencer l'activité sociale avant l'immatriculation.

Qui a un intérêt à cette requalification ?

Tiers, l’enjeu est le régime juridique. Pour le Code civil, article 1873 le régime applicable à SCF estcelui de la SEP ce qui permet aux tiers d'échapper au principe de responsabilité personnelle (Codecivil, article 1843) en faveur d'une responsabilité collective de l'ensemble des associés en applicationde Code civil, article 1872-1, alinéa 2. Puis responsabilité selon la forme de la société.

§2) Preuve de la société créée de faitÀ l'image d'une SEP, l'existence d'une SCF peu être rapportée par tous moyens. Objet est que soit ils'agit de démontrer la volonté d'être en société (société entre concubin) soit établir que la société enformation excède les actes nécessaires à sa constitution.

Jurisprudence est plus sévère quand il s'agit d'établir entre 2 personnes l'existence d'une société crééede fait et beaucoup plu souple quand il s'agit pour un tiers de démontrer l'existence d'une SCF.

C) Preuve de l’existence de la SCF par un des associés de la sociétéPour la jurisprudence la preuve de l'existence de la SCF suppose que l'associé demandeur rapporte lapreuve de tous les éléments constitutifs nécessaires à l'existence d'une société et donc d'un contrat desociété.

En conséquence de Code civil, article 1832 prévoit que l'associé demandeur devra rapporter la preuved'apports, de l'affectio societatis, volonté de participer aux bénéfices ou au moins aux économies,volonté commune de contribuer aux pertes. Preuve assez difficile à rapporter parfois.

D) Preuve de l’existence de la SCF par un tiersQuand l'existence d'une SCF est invoquée par un tiers, la jurisprudence se montre alors beaucoupmoins exigeante ainsi le tiers n'a pas à rapporter la preuve de tous les éléments constitutifs énuméréspar Code civil, article 1832. Le tiers peut simplement établir l'apparence d'une société c'est-à-dire qu'illui suffit de démontrer que le comportement des associés était tel que toute autre personne placée dansla même situation que lui aurait pu croire légitimement à l'existence d'une société. Arrêt de la chambrecommerciale du 3 novembre 1988 ainsi l'apparence d'une SCF à l'égard d'un tiers s'apprécieglobalement et donc indépendamment de la révélation des différents éléments constitutifs du contrat desociété.

§3) Le régime de la Société créée de faitRégime juridique applicable à la SCF est celui de la SEP. On devrait normalement considérer que seulest engagé vis-à-vis des tiers et ce normalement en vertu de Code civil, article 1872-1, alinéa 1l'associé qui a contracté au nom de la SCF.

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La jurisprudence, dans un souci de protection des tiers, décide que chaque fois que la preuve del'existence d'une SCF a été établie par ce tiers il y a responsabilité collective car, par leurcomportement, les associés créés de fait ont agi vis-à-vis des tiers au vu et au su des tiers en créantl'apparence d'une société.

La SCF est dépourvue de toute personnalité juridique et ne dispose d'aucun patrimoine social.

DEUXIÈME PARTIE- LA VIE DE LA SOCIETE

Organisation du pouvoir au sein de la société :- direction de la société ;- droits des associés et principalement leurs droits politiques (droit de vote).

Principe : le fonctionnement d'une société est défini par les statuts eux-mêmes c’est à direfonctionnement contractuel. Code civil, article 1835 prévoit que doivent obligatoirement figurer dansles statuts les conditions de fonctionnement de la société.

Législateur intervenu pour préciser lui-même les conditions de fonctionnement de la société : sociétépar société. Les conditions de fonctionnement varient suivant la forme de la société.

Aujourd'hui, on continue de considérer que les statuts doivent fixer les conditions de fonctionnement.Ces conditions ne pourront pas déroger aux conditions de fonctionnement posées par la loi quand cesdernières sont d'ordre public.

TITRE I : LES ACTEURS DE LA VIE SOCIÉTAIRE

CHAPITRE 1 : LES DIRIGEANTS SOCIAUX

SECTION 1 - Désignation et pouvoirs

§1) DésignationD) Choix et procédure

Principe général : une société ne peut pas fonctionner sans un organe de direction c’est le dirigeant quiconcentre entre ses mains le pouvoir exécutif.Cette nomination est en principe faite dans les statuts pour le premier dirigeant donc décision desassociés. En cours de fonctionnement de la société, la nomination du dirigeant relève nécessairementde la compétence exclusive des associés réunis en assemblée générale.Parallélisme des formes ainsi les associés ont seule compétence pour révoquer le dirigeant.

E) ConditionsSeule une personne physique peut être dirigeante.Pendant longtemps, on a considéré que le dirigeant était un mandataire des associés : pouvoirs définispar les statuts et le mandat. Comme il s'agissait d'un mandataire contractuel, on appliquait les règles dumandat. Cette figure du mandataire contractuel n'existe plus aujourd'hui il y a une exception ainsi legérant d'une SEP qui n'existe que comme contrat. Aujourd'hui on considère qu'il s'agit d'un mandatairesocial. Pas un mandataire contractuel car aujourd'hui les pouvoirs du dirigeant sont définis à titreprincipal par la loi, c'est un mandataire légal.

On dit souvent que c'est une sorte de fonctionnaire son statut est fixé unilatéralement par la loiF) Publicité

§2) Pouvoirs des dirigeants sociaux

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Le dirigeant de toute société a 2 types de prérogatives : - pouvoir de gestion de la société : dirige la société. Ce pouvoir doit s'apprécier exclusivement

dans l'ordre interne. Ce pouvoir de gestion s'extériorise dans l'ordre externe- le pouvoir de représentation légale : le dirigeant est seul à pouvoir valablement engager la

société.

C) Pouvoirs dans l’ordre interneLe dirigeant tient ce pouvoir des associés eux-mêmes qui lui font confiance, par l'intermédiaire de lanomination. Ce pouvoir varie d'une forme à l'autre mais principes communs.

Pouvoir de gestion : le dirigeant a en charge la direction de la société, accompli les actes nécessaires àla société, pouvoir de direction et pouvoir d'administration permettant le développement de l'activitésociale.

Pouvoir de gestion strictement encadré les limites sont identiques d'une société à une autre :- ce pouvoir autorise simplement le dirigeant à accomplir des actes nécessaires à la réalisation de

l'objet social. Les actes ne se rapportant pas à l'objet social n'engagent pas normalement lasociété ;

- le dirigeant doit respecter, dans l'exercice de ce pouvoir de gestion, l'intérêt social les actes degestion doivent être conformes à l'intérêt de la société. Tout acte qui serait conforme à l'objetsocial mais qui porterait préjudice à la société, contraires à la société, est valable mais ledirigeant s'expose à une action en responsabilité et à sa révocation. Par exemple, acte qui seraitlésionnaire pour la société (contracté pour des conditions financières désavantageuses pour lasociété), acte qui en présente d'utilité que pour le dirigeant (a agi dans son intérêt personnel oudans l'intérêt personnel d'un ou de plusieurs associés) ;

- loi, le dirigeant ne peut accomplir que des actes de gestion c'est-à-dire des actesd'administration et des actes de direction. Le dirigeant ne peut pas en vertu de son pouvoir degestion accomplir des actes qui en vertu de la loi relèvent de la compétence exclusive desassociés.Par exemple, n'a pas le droit de modifier les statuts, ne peut pas décider de la distribution desbénéfices ou mise en réserve de ces bénéfices car la décision d'affectation des bénéfices relèvede la compétence exclusive des associés. Dans les SA, le dirigeant ne peut pas certifier lescomptes de la société. La certification des comptes relève de la compétence exclusive ducommissaire aux comptes.

Est-ce que c'est un acte de gestion ? Puis est-ce qu'il permet la réalisation de l'objet social ?

Puis est-ce qu'il est conforme à l'intérêt de la société ;

Le pouvoir du dirigeant, dans l'ordre interne, peut être directement limité par les statuts, par les clauseslimitatives ou restrictives de pouvoir. On est en présence d'un acte de gestion ainsi dans le but decontrôler la gestion de la société les associés décident de soumettre certains actes de gestion à uneautorisation préalable des associés, ou on lui interdit de prendre un acte qui ne pourra être pris que parles associés.

Sanction applicable quand le dirigeant fait abstraction d'une telle clause ainsi l'acte en lui-même n'estpas nul car la loi considère que ces clauses sont inopposables aux tiers car n'ont pas connaissance desstatuts. Cet acte de gestion engage valablement la société, elle ne peut pas invoquer vis-à-vis du tiers laviolation.

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Sanction de cette violation dans l'ordre interne exclusivement :- s'expose à une révocation ;- si cet acte a causé un préjudice à la société car contraire à l'intérêt de la société : le dirigeant

engage sa responsabilité.

D) Pouvoirs des dirigeants vis-à-vis des tiersPrincipe, seul le dirigeant de la société peut agir au nom et pour le compte de la société à l'égard destiers. Il est le seul à pouvoir agir en justice au nom et pour le compte de la société.Les tiers doivent avoir connaissance du dirigeant. Dans un but d'information des tiers, pour qu'ilspuissent identifier le représentant légal de la société, le nom du dirigeant fait l'objet d'une publicité auRCS. Il a un pouvoir de représentation légal jusqu'à ce que son nom soit remplacé au RCS par un aitrenom ainsi la cessation des fonctions doit être aussi l'objet d'une publicité qui s'accompagne du nom dunouveau dirigeant.

Ce pouvoir de représentation légale varie en fonction de la forme de la société.

4) Le dépassement de l’objet social ne constitue pas toujours une limite aux pouvoirsdes dirigeants

Le dirigeant n'engage valablement la société à l'égard des tiers qu'à la seule condition que l'acte degestion accompli entre dans la limite de l'objet social. Si l'acte dépasse l'objet social, la société peutinvoquer le dépassement de l'objet social afin de dégager toute responsabilité, elle n'est pasjuridiquement engagée.

5) Les clauses statutaires limitant les pouvoirs des dirigeants sont inopposables auxtiers

Sociétés à risque limité ainsi l'objet social statutaire n'est plus une limite au pouvoir de représentationlégal des dirigeants : on n'applique plus le principe de spécialité statutaire.

6) Les limitations légales aux pouvoirs des dirigeants sont opposables aux tiersOn doit ici tenir compte de l'harmonisation communautaire opérée par la directive du 9 mars 1968. Dans ces sociétés, la société est engagée vis-à-vis des tiers même par les actes de gestion accomplis parson dirigeant extérieurs à la réalisation de l'objet social.

SECTION 2 - : Responsabilité des dirigeantsPrincipe : tout dirigeant social engage sa responsabilité pour les fautes qu'il a pu commettre dansl'exercice de ses fonctions de direction c'est-à-dire dans l'exercice de son mandat social.Il peut engager cette responsabilité à l'égard de la société. Cette responsabilité peut aussi êtrerecherchée par les associés. Il peut engager cette responsabilité à l'égard de la société.Cette responsabilité est d'autant plus entendue largement qu'il peut s'agir d'une responsabilité civile quepénale. Le dirigeant encourt aussi une responsabilité fiscale qui sera recherchée par la société ou par le Trésorpublic c'est-à-dire administration fiscale.

Pas de régime commun de responsabilité ainsi le régime juridique applicable varie d'une société àl'autre.

§1) Responsabilité civile des dirigeantsA) Responsabilité du dirigeant envers la société ou les associés

– La responsabilité du dirigeant à l’égard des associés

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Cette responsabilité est visée par l’article 1843-5 du code civil, cette responsabilité son régime estcommandé par l’article 1382 du code civil, c’est une responsabilité délictuelle ce qui veut donc direque l’associé devra démontrer l’existence d’une faute du dirigeant social, il devra rapporter la preuved’un préjudice personnel et sur cette preuve du préjudice personnel la Cour de cassation est très strictepuisqu’elle considère que l’associé demandeur devra établir que le préjudice qu’il a subit est unpréjudice distinct du préjudice qui aurait été éventuellement dans le même temps subit par un associé. Donc la Cour de cassation considère que le préjudice social dans la plupart des cas absorbe le préjudicepersonnel et que s’il y a préjudice personnel ce dernier n’est que la conséquence du préjudice social. Dans l’hypothèse où le préjudice social absorbe le préjudice personnel alors la Cour de cassationestimera qu’il n’y a pas de préjudice réparable.Ainsi, la Cour de cassation considère que le préjudice pour un associé qui constituerait une perte de lavaleur de ses parts sociales en raison de fautes de gestions du dirigeant, la Cour considère que c’est unpréjudice par ricochet et non un préjudice personnel. En revanche, la Cour de cassation a considéré que constituait un préjudice personnel réparable parceque distinct du préjudice social le fait pour un dirigeant de présenter aux associés des comptes infidèlesdans le but de leur racheter leur titre à une valeur inférieure de leur valeur réelle. C’est donc au juge, sous le contrôle de la Cour de cassation, d’apprécier que le préjudice personnelinvoqué est un préjudice distinct du préjudice subit par la société.

Donc si un associé ne peut pas agir sur 1382 rien ne lui interdit d’agir sur le terrain de l’action socialeut singuli sur le fondement de 1843-5 et donc par ce biais, l’associé obtiendra réparation de sonpréjudice personnel.

Cette action en responsabilité que l’associé détient sur le fondement de 1382 est enfermée en vertu dudroit spécial des sociétés dans un délai de 3 ans à compter de la réalisation du préjudice.

3) Cas et conditionsA l’égard de la société qu’il dirige et quelque soit la forme de la société, le dirigeant est tenu derépondre des fautes qu’il commet au préjudice de la société et ce dans l’accomplissement de l’exercicede son mandat social c'est-à-dire dans l’exercice de son pouvoir de direction.Quel type de faute est susceptible d’engager la responsabilité du dirigeant à l’égard de la société ?

S’agissant de la faute susceptible d’engager la responsabilité du dirigeant on se rend compte que lanotion de faute est entendue très largement par la jurisprudence et l’on remarque qu’il existe troiscatégories de faute :

- Si le dirigeant commet dans l’exercice de ses fonctions une violation de la loi ou du règlement.Cette catégorie vise principalement les actes sanctionnés pénalement par exemple lorsqu’ilcommet un abus de bien social, escroquerie, vol, détournement de fond, qui serait fait audétriment de la société.

- Si le dirigeant a violé les statuts, c’est un acte fautif du dirigeant social et cet acte fautif il estsusceptible d’en répondre vis-à-vis de la société. Par exemple, concernant la violation de l’objetsocial et plus particulièrement lorsque la société est soit une SARL soit une société par action etce parce que l’objet social s’il constitue en principe, en vertu du principe de spécialitéstatutaire, la limite au pouvoir de direction des dirigeants, cette limite traditionnelle nes’applique plus depuis la transposition de la première directive de 1968 en droit françaispuisqu’une SARL et une société par action est aujourd’hui valablement engagée vis-à-vis destiers même par les actes qui excèdent l’objet social. Toutefois, il n’en demeure pas moins que le gérant de la SARL qui accompli un acte quidépasse l’objet social de la SARL se rend coupable d’une faute, il aurait dû respecter les statuts,il viole l’objet social et donc si l’acte cause un préjudice à la société il doit en répondrepersonnellement.

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De plus, les pouvoirs des dirigeants des sociétés peuvent être limités par des clauses statutaireset ce au moyen des clauses limitatives ou restrictives de pouvoir. Si le dirigeant viole la clauselimitative de pouvoir, s’il accompli l’acte qui lui est interdit par les statuts et bien cetteviolation constitue une faute dont le dirigeant devra normalement répondre personnellementvis-à-vis de la société si la violation des statuts a causé un préjudice à la personne morale.

- On considère aussi de manière générale que le dirigeant engage sa responsabilité s’il accompliune faute de gestion c'est-à-dire des fautes accomplies dans son pouvoir de direction ou gestionmais faute qui n’a pas forcément sa source dans la loi ou les statuts. C’est l’hypothèse où ledirigeant conclu un acte qui s’avère être contraire à l’intérêt social, à l’intérêt de la société. Ces actes qui sont contraires à l’intérêt social on va le déterminer en fonction des conditionsd’exécution de l’engagement, c’est une appréciation qui va se faire au cas par cas et le juge vase tenir à l’économie générale de l’engagement souscrit au nom et pour le compte de la société.Par exemple, cas où l’immeuble est vendu à un prix inférieur à la valeur de l’immeuble et biencette vente juridiquement valable est contraire à l’intérêt de la société.

4) Modalités d’exercice de l’action en responsabilitéa) L’action individuelle en responsabilité

C’est l’action en responsabilité qui est exercée en nom et pour le compte de la société par les associéseux-mêmes et cette action sociale ut singuli est bien sociale puisque l’action en responsabilité vise àobtenir réparation du préjudice subit par la société elle-même mais le demandeur à l’action ne sera pasle représentant légal de la société.

Cette action sociale regroupe un certain nombre de particularités : - Elle appartient à tout associé quelque soit la nature de l’apport qu’il a fait et d’autre part quelle

que soit la fraction du capital social qu’ils détiennent. C’est un droit individuel qui appartient àtout associéEn vertu de cette caractéristique la jurisprudence a décidé que pour que l’action sociale utsinguli soit couronnée de succès, la Cour de cassation exige que la qualité d’associé existe aujour où l’action est introduite mais pour que l’action puisse prospérer la jurisprudence exigequ’il conserve la qualité d’associé jusqu’à la fin de la procédure c'est-à-dire jusqu’à ce que lejuge statue sur le fond de la demande.

- En vertu de l’article 1843-5 du code civil, ce droit d’agir en responsabilité au nom et pour lecompte de la société comporte un caractère d’ordre public. En conséquence toute clause desstatuts qui aurait pour effet ou objet de subordonner l’exercice de l’action ut singuli à uneautorisation préalable ou un avis préalable de l’assemblée générale des associés est nulle et dela même façon toute clause qui viserait à interdire l’exercice de l’action est également nulle

- Cette action doit nécessairement présenter un caractère subsidiaire, pour la jurisprudence eneffet, la cour de cassation considère que l’exercice par un associé de l’action social ut singulisuppose que cet associé démontre préalablement que l’action sociale ut universi ne peut pas oun’a pas été exercée. Il n’y a donc pas concurrence entre les deux actions.

- Cette action sociale ut singuli si elle est exercée par l’associé elle ne vise pas à obtenirréparation d’un préjudice qui a été poursuivi par l’associé demandeur mais cette vise à obtenirréparation du préjudice subit par la société. En conséquence les dommages et intérêts qui vontêtre alloués par le juge c’est dommages et intérêts vont être reversés directement dans lescaisses de la société.Ainsi, si l’associé souhaite demander réparation d’un préjudice personnel, il dispose d’uneaction personnelle.

b) L’action sociale

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C’est l’action en responsabilité intentée par une société contre son ou ses dirigeants pour obtenirréparation du préjudice subi par la société, le préjudice social. La difficulté est que s’agissant de lacapacité d’exercice d’une société elle ne peut être exercée que par son représentant légal et donc parson dirigeant.Ainsi, sauf à être fou cette action sociale ut universi se trouve paralyser dans les faits tant que ledirigeant fautif conserver la qualité de représentant légal de la société et donc elle ne pourra êtreexercée qu’une fois la cessation des fonctions du dirigeant fautif et elle sera alors exercée par lenouveau dirigeant, le successeur du dirigeant fautif.

C’est pourquoi compte tenu de ce risque de paralysie, l’article 1843-5 du code civil reconnait auxassociés l’action ut singuli.

B) Responsabilité du dirigeant envers les tiersLorsque la responsabilité du dirigeant est cette fois recherchée par un tiers et plus particulièrement parun créancier du dirigeant, alors la jurisprudence à partir des années 80 a exigé que la faute du dirigeantsoit une faute détachable/séparable des fonctions sociales.Ainsi, on a une faute qui est commise par un dirigeant qui conduit à un préjudice à l’égard des tiersalors soit on arrive à démontrer que c’est une faute détachable des fonctions sociales alors le dirigeantva engager sa responsabilité civile sur le fondement de 1382 à l’égard des tiers. En revanche si la fauteest simple c'est-à-dire pas détachable, il y a bien eu préjudice mais alors le tiers ne va pas pouvoir agircontre le dirigeant et donc elle va pouvoir agir contre la société et suivant la nature de la faute laresponsabilité sera soit délictuelle soit contractuelle.

Donc pour quelles raisons la jurisprudence exige cette faute détachable, qu’est ce qu’elle recouvre ?

1) L’hypothèse générale : la responsabilité soumise à la commission d’une fautedétachable des fonctions

a) L’exigence d’une faute détachableCette exigence est relativement nouvelle mais posée par la jurisprudence elle-même, elle est apparuenotamment à l’occasion d’un arrêt de 1988 de la chambre commerciale du 4 Octobre, arrêt Le poivredonc a émergé une nouvelle exigence : la faute doit être détachable des fonctions.Ici la Cour s’inspire de la jurisprudence administrative à propos de la responsabilité des fonctionnairesdonc soit la faute est une faute de service et donc la responsabilité personnelle du fonctionnaire ne doitpas être recherchée mais si cette faute a été commise à l’occasion du service alors la responsabilité dufonctionnaire sera recherchée. Par analogie, la Cour de cassation en déduite que le dirigeant est un fonctionnaire social et ce parallèleentre le vrai fonctionnaire et le fonctionnaire social a permis à la Cour de cassation de faire applicationde la jurisprudence administrative, ce qui permet de protéger le dirigeant social contre des actions enresponsabilité abusives qui auraient pour effet pervers que les bonnes volontés ne décident plusd’assumer les fonctions de dirigeant social.

Dans ce souci de protection, la Cour de cassation va utiliser l’écran que constitue la personnalitéjuridique de l’associé pour protéger le dirigeant social.

Néanmoins, dans les années 90 une critique a émergé sur l’exigence de la faute détachable et lacritique principale était de dire que la faute détachable était introuvable parce que chaque fois que lejuge était saisi d’une action personnelle contre le dirigeant elle était rejetée. Ce qui conduit à uneirresponsabilité de fait des dirigeants. La Cour de cassation a consenti à donner une définition de la faute détachable.

b) Les critères de la faute détachable- Faute intentionnelle- Faute présente une particulière gravité appréciée souverainement par les juges

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- Faute incompatible avec l’exercice normal des fonctions sociales

c) Exemples et Les hypothèses particulières

Cette définition de la faute détachable a été donnée par la chambre commerciale dans un arrêt du 20Mai 2003. En l’espèce, un gérant d’une société qui était créancière à l’égard de deux autres personnes,dans un premier temps le dirigeant décide de céder les créances à une banque et après cette premièrecession la gérante décide de mobiliser c'est-à-dire de céder une seconde fois les mêmes créances à uneautre société. Arrive les créances à échéance, la banque se fait payer mais le second cessionnaire n’obtient pasrecouvrement des créances et donc décide d’agir en responsabilité civile contre la gérante.A cette occasion la Cour de cassation va définir si la faute reprochée à la gérante est une faute simpleou une faute détachable, dans cet arrêt la Cour estime que cette cession à deux reprises des deuxcréances est une faute détachable mais la Cour de cassation va enfin donner des critères de définition eten application de cet arrêt il en prévu que la faute détachable est celle qui est commise par le dirigeant« intentionnellement, faute d’une particulière gravité incompatible avec l’exercice normal desfonctions sociales ».Donc la faute détachable au terme de cet arrêt suppose pour pouvoir être prouvée de rapporter lapreuve de trois éléments :

- Faute intentionnelle- Faute présente une particulière gravité appréciée souverainement par les juges- Faute incompatible avec l’exercice normal des fonctions sociales

Donc ici le juge va réfléchir par rapport au modèle du bon père de famille. Ces trois conditions sontcumulatives. En conséquence, la faute pénale peut être parfois une faute détachable mais parfois parce qu’elle n’estpas commise délibérément là encore il n’y aura pas de responsabilité personnelle du dirigeant social.

Enfin, dans cet arrêt du 20 Mai 2003 la question que l’on se pose c’est de savoir si la Cour de cassationnous a donné la définition de la faute détachable où c’est elle simplement limitée à donner un exemplede ce que peut être une faute détachable ?

§2) Responsabilité pénale des dirigeants Le dirigeant tient son pouvoir de direction des associés eux-mêmes, puisqu’il a été nommé par eux.En conséquence, le dirigeant social va devoir exercer son pouvoir de gestion, de direction sous lecontrôle de ses associés et en conséquence il devra rendre compte de sa mission à l’égard de cesderniers. En conséquence, ils ont le pouvoir de révoquer le dirigeant. La révocation est un pouvoir qui est un pouvoir collectif des associés, ce n’est pas un droit individuelde l’associé mais un pouvoir collectif des associés qui s’exerce à l’occasion d’une assemblée générale.La question donc qui se pose principalement est de savoir comment s’exerce ce pouvoir de révocation.

Il faut distinguer la question des modes de révocation et la question des conséquences d’un exerciceabusif par les associés de leur pouvoir de révocation.

C) Multiplicité des casLes dirigeants sociaux sont librement révocables en matière de révocation le principe est celui de lalibre révocation dès lors que le dirigeant a cessé de plaire néanmoins ce principe se justifiehistoriquement par le fait qu’historiquement le dirigeant social était considéré comme le mandatairedes associés et on faisait donc application du régime juridique du contrat de mandat régime dans lequelle mandataire peut être révoqué à tout moment par le mandant.Normalement, un dirigeant social est révocable ad nutum (par un signe de tête) parce que le contrat demandat est un contrat intuitu personae conclu en raison de la confiance que l’on a dans le mandataire.

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Avec le temps la loi s’est assurée d’offrir au dirigeant social une stabilité et donc à côté de larévocation ad nutum il existe une révocation pour justes motifs et paradoxalement on constate qu’au fildes réformes il y a de moins en moins de société dans lesquelles la révocation est ad nutum. Donc de plus en plus de dirigeants sont protégés parce que révocables par justes motifs etexceptionnellement ad nutum.

La révocation ad nutum

Actuellement elle ne s’applique plus que dans la SA cette révocation peut aussi se retrouver dans lesSAS si les statuts l’on expressément prévus.

Cette dernière se caractérise par trois traits : - Le dirigeant est révocable, peut être démis de ses fonctions sans justification- Cette révocation peut intervenir à tout moment, il n’y a pas de préavis. Il n’y a pas d’obligation

d’informer préalablement le dirigeant de la menace de révocation- Cette révocation ne s’accompagne à aucun droit à indemnités, la seule indemnité dont il

pourrait bénéficier serait une indemnité contractuelle préalablement prévue

La révocation pour justes motifs

Cette révocation a été au fur et à mesure imposée par la loi elle-même, et a commencé à coloniserl’ensemble des sociétés à l’exception des SA. Cette révocation pour juste motif signifie que lesassociés sont tenus lorsqu’ils exercent leur pouvoir de révocation de justifier cette révocation par unjuste motif.De ce principe il ne faut pas déduire que la révocation qui serait faite sans juste motif est unerévocation nulle, le juste motif qui est exigé par la loi n’est pas exigé à titre de validité de la révocationce qui veut donc dire que le dirigeant, par exemple gérant d’une SARL, qui serait révoqué sans justemotif cette révocation sans juste motif entraine la cessation des fonctions sociales. La loi prévoit cependant que dans l’hypothèse où le dirigeant serait révoqué sans juste motif, celui-cidispose alors d’une action puisqu’il a le droit d’obtenir des dommages et intérêts.

Ainsi, quelle est la force juridique de ce droit à indemnités en l’absence de justes motifs ?

la loi prévoit que ce droit à indemnités n’est pas par principe d’ordre public ce qui veut donc dire queles statuts peuvent parfaitement écarter tout droit à indemnité du dirigeant même s’il a été révoqué sansjuste motif ce qui permet de revenir dans une forme de révocation ad nutum.

Qu’est ce qu’un juste motif ?

La difficulté est que la loi ne donne aucune définition de ce que peut être un juste motif de révocationet donc c’est la jurisprudence qui est intervenue pour donner des exemples de ce que peut être un justemotif.Tout d’abord, le juste motif suppose une faute de la part du dirigeant social, faute interprétée trèslargement (violation loi, statut ou actes contraires à l’intérêt social) mais la jurisprudence précise que lafaute qui va servir de juste motif doit être suffisamment grave pour expliquer qu’il soit mis un termeimmédiatement aux fonctions sociales. Si la preuve du juste motif est apportée, le dirigeant n’aura le droit à aucune indemnité parce que lepouvoir de révocation a été exercé régulièrement.

4) Responsabilité en cas d’infractions spécifiques au droit des sociétésLa révocation abusive englobe la révocation ad nutum et la révocation pour justes motifs, dans lesdeux cas, il peut arriver que la révocation soit exercée par les associés de manière abusive.

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Cette révocation abusive a été développée par la jurisprudence à partir de l’article 1382 du code civil :que la révocation soit ad nutum ou pour justes motifs, la révocation constitue un pouvoirdiscrétionnaire des associés. Toutefois, un pouvoir discrétionnaire ne doit pas être exercé de manière arbitraire, abusif c’est lathéorie de l’abus de droit.

a. L’abus de biens sociaux

b. L’abus de pouvoirs ou de voixLa Cour de cassation a considéré qu’il y a deux hypothèses dans lesquelles le pouvoir de révocation del’associé présentait un caractère abusif, cas dans lesquels on va considérer que la révocation est faite demanière brutale et donc dans le but de causer un préjudice au dirigeant.

- Elle va considérer que la révocation est abusive lorsqu’elle intervient dans des conditionsvexatoires, c'est-à-dire dans des conditions qui portent atteintes à l’honneur, à l’honorabilité dudirigeant. Par exemple, hypothèse où le dirigeant est le dernier à savoir qu’il est révoqué ouencore une révocation faite dans des conditions tapageuses.

- Lorsqu’elle intervient en violation du principe du contradictoire, en vertu de ce principe, lachambre commerciale considère que toute révocation quelle qu’elle soit nécessite quel’intéressé (le dirigeant) soit préalablement informé du risque de révocation mais surtout il doitêtre en mesure de présenter sa défense, de pouvoir discuter des faits qui lui sont reprochés. Ceprincipe pose difficulté parce que la révocation ad nutum intervient sans préavis et donc laCour de cassation revient sur les caractères de la révocation ad nutum. Toutefois, dans le mêmetemps la Cour de cassation est intervenue pour préciser l’exigence du principe du contradictoireet elle estime que ce principe impose simplement aux associés d’informés dans un tempssuffisant de l’existence d’un risque de révocation. En revanche, elle a considéré que le principedu contradictoire ne permettait pas le dirigeant révoqué à être assisté d’un avocat devant lesassociés avant que ces derniers ne décident de la révocation.

Si la preuve de la révocation abusive est démontrée alors le dirigeant va pouvoir bénéficier dedommages et intérêts afin de sanctionner l’abus dans le pouvoir de révocation et visent surtout àréparer le préjudice moral subit par le dirigeant révoqué. Ainsi, les dommages et intérêts qui vont être versés ne peuvent pas être utilisés par le juge pourcompenser la perte financière liée à la cessation de l’activité de dirigeant. Ainsi, si par exemple un dirigeant de SARL a été révoqué sans justes motifs il a alors le droit à desdommages et intérêts qui viennent compenser l’absence de justes motifs au soutien de la révocation.De plus, ce dirigeant a été révoqué de manière abusive parce qu’il a été révoqué en violation duprincipe de contradictoire alors là encore il va bénéficier de dommages et intérêts qui vont se cumulermais chacun de ces dommages et intérêts visent à réparer deux dommages distincts : l’un sanctionnel’absence de justes motifs et l’autre sanctionne l’abus de la révocation.

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CHAPITRE 2 : L’ASSOCIÉ

SECTION 1 - Le statut d’associéIls disposent de prérogatives financière, de plus il a des prérogatives politiques et enfin il y a desprérogatives patrimoniales. Tout associé a le droit de bénéficier au partage des résultats, de participer aux bénéfices, de la mêmefaçon on lui impute également des obligations financières qui sont de faire un apport en numéraire, ennature ou bien encore en industrie mais également l’obligation de contribuer aux pertes sociales etenfin s’il est associé d’une SARI il va être obligé aux dettes sociales.

§1) Les attributs de la qualité d’associéA) Participation à la vie sociale

2) Droit pour l’associé de participer aux décisions collectives (hypothèse générale)Ces droits trouvent leur fondement dans l’article 1844 du code civil, en effet, cet article dispose en sonalinéa 1er que tout associé a le droit de participer aux décisions collectives et en vertu de lajurisprudence ce droit est d’ordre public donc un associé ne peut jamais être privé de participer auxdécisions collectives. Ce droit n’est pas simplement le droit de vote c’est aussi reconnaitre à l’associé trois types deprérogatives politiques :

- Droit d’être convoqué en assemblée - Droit d’être informé- Droit de vote

d) Droit d’accès aux assembléesCe droit est soumis à des dispositions spécifiques en fonction de la forme sociale de la société. Maistout associé quelle que le montant de sa participation, quelle que soit la nature de l’apport qu’il a pufaire il doit être convoqué aux assemblées et que ces dernières ait pour objet d’être des assembléesgénérales ordinaires ou extraordinaires. Cette convocation est nécessaire pour permettre à l’associé de participer grâce à son droit de vote àl’adoption des décisions collectives relatives au fonctionnement de la société. Ce droit de convocation est d’ordre public et ce en vertu de l’article 1844, alinéa 1er du code civil. Ducaractère d’ordre public de cette convocation la Cour de cassation considère que le défaut de convocation oumême l’irrégularité de la convocation est en principe sanctionnée par la nullité des résolutions socialesadoptées lors de l’assemblée

e) Droit à l’informationSur ce point, ce droit d’information appartient à tout associé quelle que soit sa participation et la naturede son apport. Ce droit à l’information a une double fonction :

- Permet aux associés de voter en connaissance de cause les décisions soumises à l’approbationde l’assemblée générale

- Permet à l’associé d’exercer son pouvoir de contrôle et notamment d’exercer son pouvoir derévocation

f) Droit de sanctionner la gestion2) La question des droits du titulaire de titres démembrés ou indivis

a) Les droits du nu-propriétaireb) Les droits de l’usufruitierc) Les droits des propriétaires indivis

3) La question de la disponibilité des droits de voteC’est au sein de l’assemblée que s’exerce ce droit individuel de l’associé.Chaque associé dispose d’un nombre de voies égales au nombre de parts qu’il possède ( une part sociale = une voie) Toute clause contraire est réputée non écrite. 

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Les conditions de vote varient suivant la nature des décisions. 

Si il n’y a pas de modification des statuts, il faut selon l’article L 223­29 réunir un ou plusieurs associés représentant plus de la moitié des parts sociales.

Si cette majorité n’est pas obtenu, une seconde assemblée est convoquée qui statue à la majorité des votes émis quelque soit le nombre de présents sauf clause contraire. 

Si il y a modification des statuts il faut l’unanimité pour le changement de nationalité. Pour lesautres décisions l’article L 223­30 impose un quorum ( un nombre d’associés très précis)  sur première convocation, il faut que les associés présent ou représentés possèdent le quart des parts sociales sur deuxième convocation le cinquième.

Si on atteint pas ce quorum à la deuxième convocation la durée de l’assemblée est prolongée de deux mois. 

La décision se prend à la majorité des 2/3 des parts des associés présent ou représentées. (au 2/3 duquart ou du 5ème)

Ces dispositions ont un caractère supplétif cad que les statuts peuvent prévoir un quorum et une majorité plus élevée. 

L’article L 223­30 dispose que la majorité ne peut en aucun cas obliger un associé à augmenter son engagement social. 

B) Participation aux résultats1) Droit aux dividendes2) Droit aux réserves3) Droit au boni de liquidation

§2) Les engagements des associésC) Détermination des engagementsD) Intangibilité des engagements

3) Principe4) Limites

SECTION 2 - La perte de la qualité d’associé

§1) Le droit de l’associé de rester dans la sociétéC) Le principe du droit fondamental de l’associé de rester dans la sociétéD) Les exceptions

4) Les exceptions légales5) Les clauses d’exclusion statutaire (principe et conditions)6) Le coup d’accordéon

§2) L’absence de droit de se retirer de la société

§3) Le droit de quitter la société en cédant ses titresA) Conditions à la cession de droits sociaux

3) L’application du droit commun de la vente4) La soumission éventuelle à une procédure d’agrément

B) Effets de la cession3) Effets entre les parties

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4) Effets vis-à-vis des tiers

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