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Julien Menand / 2011

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Julien Menand / 2011

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Julien Menand

Essai de diplôme bachelorHaute école d’art et de design de Genève

Domaine Arts visuels

année 2010 - 2011

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Ecrire sur le sensible. Un essai sur l’intraitable

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Certaines oeuvres d’art suggèrent une réflexion par leur forme. C’est l’une des plus grandes forces d’engagement de l’art que d’apporter un propos synthétisé par la forme. L’oeuvre a cette capacité de mettre en avant une posture claire de l’artiste, tout en lais-sant des zones d’ombres interdisant ainsi la possibilité d’une interprétation totale. Cette incomplétude ne provient pas, comme on a souvent tendance à le croire, d’une négli-gence de l’auteur; elle est un garde fou, une résistance mesurée à l’interprétation, déli-bérément inscrite dans l’oeuvre pour questionner la théorisation de l’art. Elle contribue, dans le champs de l’art contemporain, à générer des interrogations sur l’existence de règles et systèmes par la transgression de ces pensées structurantes tout comme, il y a plus d’un siècle, les impressionistes ont remis en question les conventions imposés de la peinture classique. Parce que doit exister cette nécessaire friction productive entre la nécessité d’inscrire et de transmettre, par le savoir et l’écriture, l’art contemporain dans l’histoire et cette évidence que si l’art devait rentrer dans de petites cases, la pratique artistique n’aurait alors plus aucun sens.

Dans une lettre adressée à Louise Colet, Gustave Flaubert écrivait : « ce qui me semble beau, ce que je voudrais faire, c’est un livre sur rien, un livre sans attache extérieure, qui se tiendrait de lui-même par la force interne de son style, comme la Terre sans être soutenue se tient dans l’air, un livre qui n’aurait presque pas de sujet ou du moins où le sujet serait presque invisible, si cela se peut.»*

C’est avec cette même intention, par la photographie, écriture visuelle, que je tente de pro-duire ce moment pensif, que chacun, en regardant l’image, pourra emporter avec soi dans la suffisance d’un silence.

*Gustave Flaubert, «Lettre à Louise Colet», 1852, Paris, Magnard 2003

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Mon parcours artistique a été à la fois marqué par une école française de la photographie contemporaine où, depuis les années 80, la théorisation de cet Art s’est imposé comme une «certitude dogmatique» (M. Tamisier, 2009) – ce que Michel Poivert appela en 2004 « le mo-ment théorique » - et l’école Allemande, avec une approche divergente, marquée notamment par un engouement pour la matérialité de la photographie, « die Materialität des Bildes ». L’appareil à la main, je me trouvais sans cesse entre ces deux cultures : celle de mes ori-gines, et ses discours théoriques sur le contenu de l’image et celle de mes rencontres, dont la lecture inclut la surface de l’image. C’est ce clivage qui m’a amené vers une problématique de « l’intraitable » chère à Roland Barthes; ce moment où le spectateur ne trouve plus les mots pour décrire une oeuvre puisqu’il s’agit d’une expérience, d’une rencontre.

Mon travail consiste en la création d’images et de dispositifs qui questionnent le rapport que le spectateur entretient avec la photographie contemporaine. Il s’appuie sur l’expérimenta-tion et la poésie de l’image, sur une photographie subjective, ancrée dans le réel et mettant l’accent sur une démarche empirique et inductive plutôt qu’une tentative théoricienne.

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C’est ce que je ne vois pas qui m’apprend ce que je cherche.

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Après avoir passé une dizaine d’années à faire et regarder des photographies, j’ai acquis le sentiment qu’il était désormais possible, par les technologies numériques, de tout représen-ter, du réel à la fiction, de l’allégorie au romantisme en passant par l’abstrait.J’ai commencé, peu à peu, à m’intéresser aux caractéristiques représentationnelles de la photographie au détriment du sujet qui pouvait y être représenté. Je me suis interrogé alors sur l’objet de ma quête : une photographie qui se contente de donner une information se limite à remplir un rôle d’illustration. Elle ne dépasse en rien sa caractéristique première, à savoir enregistrer une trace du réel. Pourtant, en observant certaines images, il nous est tous arrivé de percevoir quelque-chose qui n’était pas représenté directement dans l’image mais «par» l’image. Quel pouvait être cette chose qui est là, que je ne vois pas et qui, en quelques sortes, échappe où résiste à la représentation ? Mon cheminement dans cette recherche a été fortement in-fluencé par certains artistes-photographes et amis de l’université de Duisbourg-Essen qui ont beaucoup travaillé sur la transfiguration du réel (Danto, 1981) par la photographie. Ces jeunes artistes de ma génération après avoir acquis une maîtrise parfaite de la photographie hyper-réaliste cherchaient alors à tirer de ce type de photographie une nouvelle forme trans-figurée par l’inclusion d’esthétiques picturales inspirées notamment du Cubisme.

(Voir annexe n°1)

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J’ai tout d’abord rencontré la photographe allemande Annette Jonak, ancienne élève de Jorg Sässe, que j’ai côtoyée durant plusieurs années en Pologne où nous avons, dans nos pra-tiques photographiques respectives, exploré la réalité des restes du socialisme. De cette rencontre, j’ai développé un vif intérêt pour l’école allemande, son approche exigeante de l’esthétique et ses recherches menées dans la photographie. Cette période m’a permis d’af-firmer mes convictions sur certaines pratiques et approches du médium: l’utilisation du for-mat tableau, une émancipation de la pratique de «séries» au profit de photographies uniques ou diptyques ou bien encore l’intérêt pour «l’essai en photographie». Jusqu’alors, j’évitais volontairement le terme de «série» devenu trop imprécis avec le temps. En effet, dans la dé-finition au sens de la pensée francophone elle regroupe un ensemble d’images d’un même auteur et traitant d’un même sujet, ayant ou non des différences formelles. Dans la pensée germanique de la photographie contemporaine, le terme de série se réfère uniquement à un ensemble d’images construites suivant un même schéma esthétique (à l’image des portraits de Thomas Ruff par exemple). Pour un ensemble d’images construites sur un même schème de propos mais comportant des différences formelles on parlera plutôt de «fotografisches Essai». Ce terme, utilisé depuis une quinzaine d’années en Allemagne mais peu reconnu en France, entre en résonance avec ma pratique photographique. Ma façon de travailler n’est pas basée sur une logique d’épuisement par la série. J’attache une grande importance à ce que chacun de mes travaux possède une existence propre. Si ces travaux possèdent dès lors des différences formelles qui semblent résolument les distinguer, ils sont néanmoins axés sur les mêmes questions et procèdent tous d’une interrogation autour du médium photogra-phique, de ses caractéristiques représentationnelles et de son rapport avec le spectateur.

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Cet espace autre de la photographie.

«Vue 8503» (2009) est une des premières images issues de cette réflexion sur l’irréalité du réel dans le cadre photographique. On y retrouve une référence explicite aux travaux de Jorg Sässe (en annexe 1). En travaillant sur le détail, cette image tente de « transfigurer » (Danto, 1981) le réel en une composition picturale abstraite. Le moment de la prise de vue, le grain du film et le format du tirage ont été choisis pour offrir une double lecture de l’image: lorsque celle-ci est accrochée au mur et que nous nous trouvons à une distance suffisante, elle s’ap-parente à un monochrome, ce qui est dû à l’uniformité des valeurs et à la quasi disparition de la ligne d’horizon. Seul le premier plan nous donne un indice quant au fait qu’il s’agit bien là d’une photographie. Lorsque que l’on s’approche de l’image pour aller voir l’infime détail que l’on aperçoit au dernier plan, on peut y découvrir les rameurs dépeints par le grain du film.

Par la réunion des extrêmes, le proche et lointain, l’abstrait et le figuratif, cette première forme artistique de la photographie qu’était le Pictorialisme et la photographie contemporaine, cette image tente, à travers l’histoire du medium, une synthèse entre peinture et photographie. Elle questionne l’apparition de ce rapport troublant entre l’ici et l’ailleurs.

Dès lors; ce que je cherche est au-delà de ce que je vois. Ce qui m’apprend ce que je cherche n’est pas ce qui est donné à voir a priori mais ce qu’il y a au-delà du sujet représenté.

Vue 8503 - détail

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Vue 8503 (2009), D-print on aluminium monted, 90x110cm

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Point de vue

La première qualité, que j’ai longtemps recherchée dans ma photographie est l’acuité du regard. C’est sans doute la principale raison qui m’a décidé à persévérer dans ce médium. On pourrait définir cette acuité du regard comme la capacité à observer des choses qu’habituellement tout un chacun ne remarquerait pas. En m’interrogeant sur la nature représentationnelle de la pho-tographie et plus particulièrement sur ses frontières, j’en suis venu à réfléchir sur l’acuité de voir le rien. Pour reprendre l’expression de Philippe Dubois, «ce quelque chose que nous n’avions pas vu et qui est là» (Dubois, 1983). Ce négligeable «rien à voir» qui, transposé dans le cadre photographique, devient cette incomplétude créatrice d’une tension dans la représentation. Ce paradoxe qu’est de révéler l’essence de la monstration, sa visibilité et son aspect spectaculaire, par le fait de montrer du rien.

Le regard peut révéler un espace improbable qui ne pourra être vu qu’à travers le prisme d’une image photographique. Ne voyant rien en ce point de vue, j’ai bien failli ne pas faire de cliché...

L’histoire de la photographie contemporaine n’a eu de cesse que de chercher à légitimer son existence dans le monde de l’art. Tout d’abord en tentant de se définir comme un outil conceptuel d’enregistrement d’une trace du réel, avec la photographie documentaire. Puis par sa capacité à traiter de sujets de société avec la photographie narrative (à l’instar de Nan Goldin par exemple). Elle s’est retrouvée, avec l’art conceptuel des années 60, amputée de ses qualités plastiques considérées comme bourgeoises, nostalgiques et rétrogrades pour finalement regagner une cer-taine autonomie dans le format tableau. Ainsi Jean Marc Bustamante, dans les années 70-80, cherche à « faire des photographies qui aient valeur de tableau » et donne justement ce nom à ses images. L’idée peut sembler antithétique: la photographie trouverait dès lors son autonomie grâce au «tableau»! La possibilité de trouver une réelle autonomie à la photographie dans l’art, et dans le contexte actuel d’une société d’images, serait d’appréhender la photographie de façon ontologie, en considérant son acte et son résultat comme un tout, que l’on pourrait qualifier de «vue». Ce terme qui sous-entend à la fois ce qui est donné à voir concrètement et une certaine subjectivité du regard qui nous est offerte, résume à mon sens la nature d’une photographie. C’est donc dans une prolongation critique des travaux de Bustamante que j’ai choisi de nommer «vues» certains de mes travaux.

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Vue 3107 (2009), D-print on aluminium monted, 90x110cm

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«Ailleurs», «espace improbable», il était logique que je rencontre dans mes recherche la no-tion foucaldienne d’hétérotopie, un lieu ou espace «autre», localisation physique de l’utopie ou de la dystopie1. Les lieux hétérotopiques sont pour Foucault des «lieux hors de tout lieux et pourtant bien localisables» qu’il cite dans une énumération rocambolesque: la caserne, la clinique psychiatrique, le cimetière, la prison, le théâtre, le zoo, les musées et bibliothèques, les foires et villages de vacances, les colonies jésuites du Paraguay, les bordels ou le bateau. Les espaces hétéropiques de Foucault sont concrets et physiques. Mais la force de son texte réside à mon sens dans son invitation poétique à investir l’espace par l’imaginaire.

Guidé par ce précepte, j’ai axé ma recherche sur la possibilité de concevoir l’espace de re-présentation comme une hétérotopie propre. Comment l’artiste, peut-il montrer cet espace? Où réside l’hétérotopie dans la photographie? Depuis les années 90, la notion d’espace a été bouleversée avec l’avènement du monde virtuel. En terme de localisation nous sommes passé de l’adresse postale à l’adresse URL et il est acquis dorénavant que tout ce qui peut contenir de l’information peut être considéré comme espace, désigné sous le nom de plate-formes. Cette évolution de la notion d’espace, m’a permis d’élargir mon champ réflexion sur ces espaces autres, immatériels, qui composent le champ interprétatif.

Dans une photographie, plusieurs espaces peuvent se supperposer :

Le premier étant l’espace réel correspondant à l’objet de la représentation (c’est l’espace représenté). Celui-ci est un espace supposé «localisable». Il peut être réel ou virtuellement construit et remplira le plus souvent la fonction de scène. Cela peut être un coin de rue, un intérieur, une colline. Cela peut-être aussi les champs pastoraux créés de toute pièce par Beate Gütschow dans sa série LS (Cf annexe n°2).

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Délimité par les frontières graphiques de l’image se trouve l’espace de la représentation, la surface de l’image, composée et contenue dans le cadre, qui procède d’une césure dans l’espace (réel) et dans le temps. En ce sens, nous pourrions l’appeler l’espace photogra-phique.

Présentée sur le mur d’une galerie, sur un écran, dans une édition ou au sein d’un dispositif, l’image interagit avec son contexte, son espace de présentation. Enfin, un espace ou plutôt «inter-espace» qui ne prend corps ni dans l’espace représenté ni dans celui de la représentation, ni même dans l’espace de présentation mais qui les projette tous les trois. C’est l’espace de projection mentale. Espace de l’évocation et de l’imaginaire, celui-ci n’est pas matérialisable bien qu’inévitablement relié à l’image par la perception et l’interprétation. C’est l’espace de la rencontre singulière entre l’oeuvre et son contemplateur, un reflet... un espace de réflexion.

Cette réflexion sur la superposition des espaces dans la pratique photographique peut pa-raître un peu rébarbative néanmoins elle semblait nécessaire à ma recherche pour essayer de mieux comprendre quelles peuvent être les différentes couches successives qui peuvent constituer une oeuvre et comment le spectateur pourrait interagir avec une ou plusieurs d’entres elles.

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Pour favoriser une rencontre de type projectif avec l’image, j’ai alors envisagé un dispositif visuel utilisant le reflet ou l’image renvoyée comme moyen de matérialiser un espace de réflexion directement ancré dans l’oeuvre. Dans cette nouvelle tentative je me suis inspiré, pour la forme, des nombreux tableaux-miroirs réalisé par Michelangelo Pistoletto (annexe n°3). Menant toujours des recherches sur la synthèse entre peinture et photographie, j’ai découvert le miroir noir dans une exposition à la Fondation d’entreprise Ricard / Art Contem-porain, Paris. Il s’agissait de plaques noires réfléchissantes, utilisées à la Renaissance par les peintres pour composer leurs tableaux. Ces plaques noires accrochées évoquaient le clair-obscur du Caravage et la lumière tombant sur son Narcisse lorsqu’il regarde son reflet dans la rivière. Je voulais que ce travail s’inscrive dans une contemporanéité par l’objet de la représentation, en travaillant sur la pose et l’attitude du personnage.

Certaines oeuvres nourrissent notre réflexion de manière inconsciente ; ce n’est que bien après avoir réalisé et accroché le travail que je vis en Réflexion #1 une référence implicite à Picture for Women (1979) par les simillitudes de traitement de la mise en scène des person-nages; l’image de Jeff Wall venant alors relancer un questionnement sur ce travail (annexe n°4).

Réflexion #1 se présente accroché dans un espace sombre. Le choix du format, proche de l’échelle humaine, invite le spectateur à prendre physiquement place dans un puits de lumière tombant au sol à 1,50m devant le tableau, faisant apparaître alors son propre reflet dans l’image. Cet effet visuel me permet de mettre le spectateur dans une position d’acteur, jouant son propre rôle d’observateur. Une manière, en quelque sorte de le mettre en face d’une situation qui va lui donner l’occasion de soulever des questions sur son rapport à l’oeuvre. Car, comme l’explique Roger Dutilleul*, «l’essentiel est que le tableau vous regarde. Ce n’est pas à l’amateur à le regarder [...] il doit se contenter de le voir, c’est-à-dire de croiser son regard avec le sien, afin de soupçonner la pensée ou mieux l’émotion profonde et intime de l’artiste. Deux êtres vivants qui communiquent tant bien que mal».* Collection R. Dutilleul, LaM, Lille, 2011

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Réflexion #1 (2010), Diassec on aluminium monted, 110x140cm

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Reflexion #1

Dessin préparatoire du dispositif (ci-contre) et vue de détail de l’installation (ci-des-sous).

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Artefact

D’une recherche interrogeant l’espace du cadre photographique, de ce qu’il contient à ce qu’il renvoie, et à force d’accrocher des photos au mur, mon questionnement s’est logique-ment déplacé vers l’espace de présentation de l’art dans une étude du mur blanc, support conventionnel de présentation. Artefact est pensé dans son rapport à l’espace. Dans une dé-marche de travail in situ les images réalisées sont replacées dans l’espace de prise de vue. Deux tirages en apparence identiques sont présentés au mur, chacun sur un des pans. Le spectateur, en se déplaçant devant l’installation, ne sait plus s’il s’agit ou non de deux images semblables en tout point. L’intervention joue sur l’effet d’anamorphose, que crée la forme géométrique du mur dans l’image, qui, selon l’endroit où l’on se place, ne rendra jamais la géométrie de la photographie voisine. Elle questionne les préconceptions du monde de l’art, et la reproductibilité de la photographie, tant il est rarement concevable de se retrouver de-vant deux oeuvres identiques accrochée l’une à côté de l’autre sur une cimaise.

Artefact - Vue de l’installation

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Artefact (2011), D-print on aluminium monted, 30x40cm

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Dé-monstration

Dé-monstration est la dernière pièce issue d’une longue réflexion et de plusieurs tentatives dans cette quête d’un mutisme de la représentation. Mon intention première était d’essayer de créer une forme d’enfermement de l’image en travaillant sur des portraits dont les per-sonnages auraient les yeux fermés. En donnant à voir ces portraits, j’essaie de créer ce sen-timent de frustration de ne pas avoir le regard du modèle, mais de mettre en évidence une partie intérieure du personnage que l’on n’aurait pas pu voir s’il avait posé normalement, les yeux ouverts. Conventionnellement dans le genre du portrait, les yeux du sujet photographié constituent ce que Barthes appelait le punctum de l’image, lien, passant par le regard, entre le sujet et le spectateur. Je fis d’abord une série de portraits avec une chambre 4x5 inch, mais l’esthétique inhérente aux images déservait mon propos. Puis j’ai poussé ma recherche dans la réalisation d’images en couleur mettant en scène plusieurs personnages mais encore ici, le résultat renvoyait à la notion d’individualisme et du rapport aux autres dans les lieux de socialisation... Une dernière série d’images, réalisé à partir de photomatons retirés aux proportions humaines me permit d’obtenir une cohérence esthétique et d’introduire enfin la notion d’identité qui me permettait de créer un espace de rencontre entre l’image et le spec-tateur. Cependant, la série accrochée de manière linéaire au mur me semblait superflue. Aucun de ces travaux ne rendait l’effet escompté où ne représentait l’objet recherché : Une «non-photographie» qui questionnerait le monde de la représentation dans un jeu avec le spectateur.

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Dé-monstration, foto-automat monted on aluminium (2011), 4 x 5 cm

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Dé-monstration (2011), vue de l’installation

Parmi les amis qui avaient accepté de «passer aux photomatons» l’un d’eux avait fait cette observation sur les clichés : «On les regarde, mais on ne les voit pas. On les voit juste se regarder eux mêmes. Ils sont devant nous, mais ils sont dans eux-mêmes. Ils regardent en eux-mêmes, mais ils ne peuvent pas voir leur propre visage. et nous l’inverse...». N’étant pas convaincu de la nécessité de faire une série de ce projet, j’ai décidé tout naturellement de choisir son image dans son format d’origine et de la monter dans un cadre, dit d’exposition, pour que le spectateur ne puisse, du moins un instant, ne pas voir le portrait d’un homme qui ne le voit pas, qui ne se donne pas à voir...

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Dé-monstration

Travaux réalisés illustrant les différentes étapes de recherche.

Portraits à la chambre 4x5 inch (2009) - photographies d’études

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Etudes de mises en scènes aux yeux fermés (2009) : 4 photographies couleurs.

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Etudes #2

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Etudes #3

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Etudes #4

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Foto-automat (2010-2011), Vue d’installation

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Foto-automat (2010-2011) D-Prints, 42 x 59cm

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En m’interrogeant sur ma pratique de la photographie, j’en suis venu à questionner ce para-doxe qu’est de révéler l’essence de la monstration, son aspect spectaculaire, en montrant une forme de résistance ou de mutisme de la représentation. Dans cet enjeu qu’est la dis-parition du visible, comment sauver ce qu’il reste à regarder ? Comment créer une manière de voir l’inattendu dans le plus simple, où le détail serait à la fois évident et complètement étrange ?

Quelles relations peut-on avoir aux oeuvres ? Qu’est-ce qu’on en comprend et comment se passe l’interaction entre l’oeuvre et le spectateur ? Ces préoccupations s’accompagnent pour moi d’une réflexion sur la représentation, son statut, et les conditions de sa réception. En misant sur l’imaginaire et l’inconscient collectifs, j’essaie d’anticiper sur ces préconçus de l’art, en tentant de déjouer des modes familiers de lecture de la photographie. J’essaie d’of-frir à voir des images marquées par la question de l’interprétation et de la connaissance des choses en passant par une distanciation du réel et de la représentation de celui-ci. Il s’agit simplement de s’interroger sur l’ambiguïté des images dans un jeu avec le spectateur. Parce que «montrer», est un acte indissociable de l’oeuvre; parce que le regardé, cette oeuvre, se voit conférer une présence par le regardant. Dans la plupart de mes travaux, soit par un jeu de détournement du regard où ce qui est à voir n’est pas là où on le pense à priori, soit par l’implication directe du spectateur, je travaille sur la présence d’une oeuvre d’art rendue pos-sible par le spectateur, qui en jouant le rôle de relais, en venant combler avec son imaginaire une part manquante de l’oeuvre, en devient son extension.

L’expérience en art, n’a de valeur que si elle est partageable et partagée, puisque l’art n’a d’existence que dans le partage et la représentation. « Il n’est point de regard qui n’attende une réponse de l’être auquel il s’adresse. Que cette attente soit comblée (par une pen-sée, par un effort volontaire d’attention, tout aussi bien que par un regard au sens étroit du terme), l’expérience de l’aura repose sur le transfert, au niveau des rapports entre l’inanimé et l’homme, d’une forme de réaction courante dans la société humaine. Dès qu’on est - qu’on se croit - regardé, on lève les yeux. Sentir l’aura d’une chose, c’est lui conférer le pouvoir de lever les yeux». Walter Benjamin*.

* Walter Benjamin, “Sur quelques thèmes baudelairiens” (traduit de l’allemand par M. de Gandillac et J.Lacoste), Charles Bau-

delaire. Un poète lyrique à l’apogée du capitalisme, Paris, Payot, 1982

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ANNEXES /

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1 /

Sabrina Jung, 066680bar (2007) C-Prints on Aludibond, 90 x 135cm

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Sonia Jiménez Álvarez *1971; 2 images de la série Korrekturen (2007)

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Jorg Sässe 2103 (2008), D-print, 110 x 150cm

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Annette Jonak, Left stage #6, Brno, Tschechien, 2008, D-print, 60x70cm

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2 /

Beate Gütschow, LS #3 1999, C-print 116x169cm

Beate Gütschow, LS #15 2002,C-print 105x113cm

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3 / Michelangelo Pistoletto, Mirror Paintings (1962-1972), various sizes.

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Michelangelo Caravaggio, Narcissus (1597-1599), oil on canvas, 110x92cm.

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4 /

Jeff Wall, Picture for Women (1979), C-print on lightbox, 161,5x223,5x28,5cm

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ARTISTES /

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Gerhard Richter mirrors - http://gerhard-richter.com

Sabine Horning www.sabine-hornig.de

Beate Gütschow www.beateguetschow.net

Anne Lass Geography of nowhere 2006-2009, Photographies

Rivkah Young Welcome in Paradise, 2007-2009, Photographies

Georg Parthen Ohne Orte, 2005, www.georgparthen.de

Clemens von Wedemeyer Occupation, 2002 video

Annette Jonak www.annettejonak.de

Jeff Wall

Jorg Sässe www.c42.de

Peter Wildanger www.peter-wildanger.de

Michelangelo Pistoletto www.pistoletto.it

Miroir noir http://fondation-entreprise-ricard.com/expositions/past/miroirs_noirs/pres/

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BIBLIOGRAPHIE /

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FRIED (Michael) La place du spectateur, Paris, Essai Gallimard, 1990

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