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D'une coul e ur e ts e s variations IKNOW WH O K ILLED M E Ch ris Sive rts on IKNOW WH O K ILLED M E par ADRIEN CLERC TORSO - NUMERO TROIS OCT. /NOV . 2008 I know wh o kill ed me (2007) e s t auréol é d’une sul fure us e réputation dans l e pe tit m onde du ciném a : il détie nt l e re cord du nom bre de prix obte nus aux Razzie s Aw ards , prix récom pe ns ant l es pl us m auvais fil ms de l ’année, reçoit une salve de critiq ue s as s as s ine s , e t s a cam pagne de pre s s e fut avortée du fait de l ’arre s tation de s a s tar, Linds ay Loh an, pour ébriété e t pos s e s s ion de s tupéfiants . La s ortie du fil m en sall e aux Etats -Unis ne rapporte guère aux producte urs , q ui décide nt de l im iter l e s dégats : l a diffus ion à l ’étrange r e s t oubl iée au profit d’une rapide dis tribution s ur l e s m arch és vidéo. La q ue s tion, pour l e s pe ctate ur curie ux, s e pos e inévitabl e m e nt : q u’e s t-ce q ui a pu provoq ué une te ll e unanim ité contre I k now wh o k ill ed me ?Si l a vis ion du fil m 37 déconte nance , par sa s tructure ch aotiq ue , s on s cénario invrais s e m bl abl e , s e s s cène s racol euses e t s e s dial ogues bacl és, ell e s urpre nd s urtout : I know wh o kill ed me est pars e m é de ful gurance s vis ue ll es, de s éq ue nce s m agnifiq ue s et d’une am biance as s e z inédite dans l e th rill er conte m porain. Le fil m e s t im parfait, m anifestem ent : et al ors ?m ais s urtout : de q ue ll e façon ? Le s page s q ui vont s uivre te nte nt de répondre à ce tte de rnière q ue s tion, e t s ’adre s s e nt donc e n priorité aux l e cte urs ayant vu l e fil m. Pour l es autre s , nous te nte rons ce pe ndant de ne pas révél e r d’él ém ents capitaux conce rnant l a concl us ion, I k now wh o k ill ed m e étant (e ntre autre s ) un bon vie ux w h odunit...

TORSO 3: I KNOW WHO KILLED ME

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Un exemple d'article du numero 3 du fanzine TORSO, article portant la question de la couleur dans le tres beau giallo americain "I Know Who Killed Me" de Chris Sivertson

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  • D'une coule ur e t s e s variationsI KNOW W H O KILLED ME

    Ch ris Sive rts on

    I KNOW W H O KILLED ME

    parADRIENCLERC

    TORSO - NUMERO TROIS OCT. / NOV. 2008

    I k now w h o k ille d m e (2007) e s t aurol dune s ulfure us e rputation dans le pe tit m onde du cinm a : il dtie nt le re cord du nom bre de prix obte nus aux Razz ie s Aw ards , prix rcom pe ns ant le s plus m auvais film s de lanne , re oit une s alve de critiq ue s as s as s ine s , e t s a cam pagne de pre s s e fut avorte du fait de larre s tation de s a s tar, Linds ay Loh an, pour brit e t pos s e s s ion de s tupfiants . La s ortie du film e n s alle aux Etats -Unis ne rapporte gure aux producte urs , q ui dcide nt de lim ite r le s dgats : la diffus ion ltrange r e s t oublie au profit dune rapide dis tribution s ur le s m arch s vido. La q ue s tion, pour le s pe ctate ur curie ux, s e pos e invitable m e nt : q ue s t-ce q ui a pu provoq u une te lle unanim it contre I k now w h o k ille d m e ? Si la vis ion du film

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    dconte nance , par s a s tructure ch aotiq ue , s on s cnario invrais s e m blable , s e s s cne s racole us e s e t s e s dialogue s bacls , e lle s urpre nd s urtout : I k now w h o k ille d m e e s t pars e m de fulgurance s vis ue lle s , de s q ue nce s m agnifiq ue s e t dune am biance as s e z indite dans le th rille r conte m porain. Le film e s t im parfait, m anife s te m e nt : e t alors ? m ais s urtout : de q ue lle faon ? Le s page s q ui vont s uivre te nte nt de rpondre ce tte de rnire q ue s tion, e t s adre s s e nt donc e n priorit aux le cte urs ayant vu le film . Pour le s autre s , nous te nte rons ce pe ndant de ne pas rvle r dlm e nts capitaux conce rnant la conclus ion, I k now w h o k ille d m e tant (e ntre autre s ) un bon vie ux w h odunit...

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    TORSO - NUMERO TROIS OCT. / NOV. 2008

    New Salem , petite ville tranq uille com m e il y en a tant aux Etats-Unis. Le q uotidien dAubrey, adolescente passionne de littrature et de piano, dfaut dtre trpidant, e st rassurant : lye la sem aine, m atch de football et ftes entre am is le w ee k - end. Un jour, son petit am i, Jerrod, lui offre une rose bleue... D ans laprs-m idi, lon retrouve le cadavre h orriblem ent m util dune jeune fille, Jennifer, q ui frq uentait le m m e lye q uAubrey. Le soir-m m e, Aubrey disparait. Le FBI investit New Salem . Q uelq ues jours plus tard, Aubrey e st retrouve au bord dune route, inconsciente, am pute dun bras et dune jam be. Lorsq uelle se rveille, lh pital, la jeune fille prtend se nom m er D ak ota Moss, tre stripteaseuse, et navoir jam ais m is les pieds New Salem ...

    H YBR IDATIO N DES GENR ES

    Il ny a jusq ue l rien de trs surprenant pour le spectateur de th riller, dans lintrigue tout du m oins : nous som m es convaincus, tout com m e les enq uteurs du FBI q ui discutent de laffaire, de nous trouver face un refoul d au ch oc post-traum atiq ue. Telle Gregory Peck dans La Maison d u Dr. E d ward es (19 45), Lindsay Loh an va devoir travailler son inconscient jusq uau m om ent ou elle cessera de refouler la ralit et, de cette faon, rvelera lidentit de son agresseur tout en redevenant Aubrey Flem ing plutt q ue cette fantaisiste D ak ota Moss. Le th riller psych analitiq ue, tel q uil a t cre par Alfred H itch cock , sappuie sur une forte croyance en la ralit : tout lm ent fantastiq ue prsent lcran doit sexpliq uer, in fine, par le trouble m ental du personnage par leq uel le regard tait port.

    Nous savons cependant, et cela depuis les prm ices de I k now wh o k illed m e, q ue nous ne nous trouvons pas face un m trage dune telle m esure, dun tel classicism e. Nous venons en effet dtre tm oins de tortures particulirem ent visuelles, la crudit et la frontalit voq uant plus Saw (2004) ou H ostel (2005) q ue la film ograph ie dH ith cock . Les plans gores du film sont loin dvoq uer le giallo, q ui avait lui aussi retenu dH itch cock les fem m es h ystriq ues et la m aladie m entale : leur stylisation e st, com m e nous le verrons un peu plus loin, peu prs nulle. Q uel est alors leur nature, q uelle e st leur vise ? Nous ne som m es jam ais m is en situation dattente face au gore, q ui ne provoq ue pas non plus un dgot aussi profond q uailleurs. Une certaine distance sinstalle m m e face ces plans pisodiq ues : une m ain coupe, un index en dcom position, provoq uent beaucoup m oins dim pact q ue dautres passages du

    film .Le gore tient ch ez Sivertson de la ch irurgie plastiq ue, dans le sens ou, par ces q uelq ues plans dconnects du rcit, il nous propose dexplorer les profondeurs de son m atriau film iq ue, de s corps q ui le com posent. Tandis q ue la m atire se dcom pose, la surface se recom pose : ce sont les fascinantes variations de couleur du doigt de D ak ota en train de tom ber en m iette. Ce st donc b ien la plastiq ue du film q ui e st interroge dans ces sq uences, tant ces vnem ents savrent sans consq uence ph ysiq ue - jentends pour le spectateur : il ne nous e st jam ais donn re ssentir lam putation dune jam be, juste constater, constater labsence ou la prsence de form es.

    Alors q ue lon pensait tre au bout de nos surprise s, Le film em prunte plus tard, dans son dernier tiers, de s lm ents issus du th riller surnaturel, genre rcent construisant son suspens autour de faits inexpliq us. Mais contrairem ent aux film s les plus connus du genre, I k now wh o k illed m e ne ch erch e pas batir son suspens sur sur le tw ist salvateur. Il faut voir lh rone ch erch er sur Internet la cause de se s m alh eurs pour com prendre q ue le ralisateur ne sintresse q uen surface au versant surnaturel de son film , q ui ne sem ble prsent q ue pour perm ettre une certaine libert form elle.La diffrence avec lattitude de Luck y McK ee face son oeuvre e st frappante : tandis q ue McK ee ch arge se s film s dune foi totale, q ui touch e la totalit du m atriau film iq ue, Sivertson ne sem ble accorder grce q u la surface, q ui devient le lieu de la croyance et donc de la vrit. Celle-ci ne se situe donc jam ais dans les m ultiples renversem ents du rcit, Ch ris Sivertson ne st pas M. Nigh t Sh yam alan, et sem ble faire b ien peu de cas de son explication finale des vnem ents proposs : ce st dailleurs un sentim ent de perte q ui dom ine, une fois la fin du film atte inte, et les deux rvlations ( q ui e st le tueur ? et com m ent tout cela est- il possible ? ) se dsam orent lune lautre. Lon pourrait invoq uer une m auvaise construction scnaristiq ue : il nous sem ble au contraire q ue le film , en proposant une telle h ybridation des genres, ch erch ait justem ent les puiser, com m e nous allons le voir dans ltudes de s codes e sth tiq ues q ui rgissent I k now wh o k illed m e.

    PATCH W O R K VISUEL

    Ce q ui frappe en effet dans I k now wh o k illed m e, plus encore q ue la construction scnaristiq ue pour le m oins risq ue, ce st la libert visuelle avec laq uelle le rcit e st m en. La prem ire im age du film donne la direction exacte dans laq uelle Ch ris Sivertson sengouffre : celle dune position fascinatoire face aux form es et aux

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    couleurs, celle dun cinm a proch e de la m agie, q ui doit tenir son spectateur par des jeux de form es et de couleurs plutt q ue par sa construction scnaristiq ue, son potentiel dram atiq ue ou se s perform ances dacteurs. D es volutes de bleus, de violets et de rouges, en constant m ouvem ent, sentrelacent puis se stabilisent, jusq u form er une im age : lense igne lum ineuse dun club de striptease. La cam ra panotte vers le h aut, sort dune flaq ue deau la stabilit ph m re, pour cadrer lense igne elle-m m e. Le m onde dI k now wh o k illed m e ne sera, ds lors, q ue reflets et illusions, dsillusions aussi : le spectateur rceptif sent b ien com bien e st plus forte lim age des abstraits entrelacs de couleurs q ue celle de lense igne lctriq ue.

    Le rgim e visuel m ajoritaire em prunte se s lum ires et la com position de se s plans au cinm a de genre italien des annes 60-70, , dont la position gnrale pouvait se rsum er la prise de partis pris e sth tiq ues fortes pour cach er les dfaillances du film dans dautres dom aines. Cette attitude, pousse lextrm e, introduira une nouvelle faon de penser le space du film et se s rsonnances, dans des ch efs doeuvres tels q u Inferno de D ario Argento ou Lau-d el de Lucio Fulci. Sivertson sem ble vouloir creuser cette voie dun cinm a dim ages

    pures, de form es en m ouvem ent et de couleurs : en proposant des cadres largem ent colors, aux zones dom bres trs franch es, le bleu prenant souvent le pas sur les autres couleurs, il donne voir un univers personnel, soum is de s rgles q ue lon pressent m ais q ue lon ne com prend pas. La contam ination par le bleu fait ainsi m atire dvidence, sans q ue lon ne sach e jam ais le pourq uoi scnaristiq ue du ch oix.. Le m onde ainsi dpe int e st profondm m ent irraliste, m ais seulem ent au niveau des apparences : se s rgles ne sont gure diffrentes de celles de la ralit, ou tout du m oins sappuie sur celles-ci pour batir un univers fictif.

    En parrallle ce prem ier rgim e, lon note lutilisation abondante deffets visuels directem ent issus dun certain cinm a contem porain e stam pill MTV : surim pressions voyantes, flash s colors, isolation de certaines couleurs, ralentis et retours en arrire jalonnent la progression du film . Lim age sim pose ainsi dans son artificialit : ces effets, plutt q ue de cre une im m ersion dans un univers particulier (q ue propose le prem ier rgim e), m ettent distance, nous sortent de la narration et relativisent notre regard.

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    Le deuxim e rgim e e sth tiq ue venir se superposer aux autres nen e st pas m oins ch oq uant q ue le prem ier ici dcrit. Il sagit de celui q ue le film adopte au m om ent de se s plans gores, m ais aussi durant certaines scnes de dialogues. Dordinaire particulirem ent com poss, les plans deviennent anodins, les fluides m ouvem ents de steadycam sont rem placs par un trem bl visible, la ph otograph ie devient plus naturaliste, tout tend vers un rendu plus raliste. Ces sq uences m arq uent dans un ensem ble aussi

    Enfin I k now wh o k illed m e propose de s im ages identifies grce leur cadre 4/3 et les logos q uelles com prennent com m e tlvisuelles puis issuent dInternet, sans q ue cette nature particulire ne soient ncessaire s directem ent au rcit. Cette utilisation arbitraire de form ats et de sth tiq ues diffrentes rappelle le final de lexcellent Sisters (Soeurs d e Sang) (2005) de D ouglas Buck , rem ak e du th riller de Brian D e Palm a ayant aussi fait lobjet dun dbat ach arn ch ez les am ateurs du genre(1). Buck tente lui aussi, dans son prem ier film , des ch angem ents

    audacieux au niveau stylistiq ue, pour conter une h istoire proch e de sch yzoph rnie et de gem ellit. Les deux film s dstabilisent pare illem ent par leur intgration au niveau visuel de leur sujet : la fragm entation de la perception, lincapacit voir le m onde dans son unicit. Ce q ui trouble surtout le regard dans I k now wh o k illed m e ce st labsence de logiq ue apparente des ch angem ents de rgim e e sth tiq ue. Ceux-ci npousent en effet pas les m ouvem ents du scnario, m ais agissent sparem ent, les deux partie s du film se toisant dans leurs m tam orph oses re spectives.

    FR AGMENTATIO N DU PSYCH ISME

    Les dstructurations scnaristiq ues et visuelles savrent donc coh rentes, dans I k now wh o k illed m e, dans la faon dont elles accom pagnes la dconstruction dun personnage, lh rone de film de genre. En effet Lindsay Loh an incarne b ien plus q uun sim ple Aubrey/D ak ota dans le film de Ch ris Sivertson : elle e st successivem ent de nom breuse s figures reconnues de la fm init dans le

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    I k now w h o k ille d m e ne s t toujours pas dis ponible e n dvd e n France . Le m e ille ur m oye n de voir le film e s t donc, pour lins tant, de s e tourne r ve rs le dvd zone 2 publi e n Angle te rre par IconFilm , dvd re pre nant le s s pcificits de ldition zone 1. Le film e s t propos e n VO ou VO s ous -titre e n anglais , e n 5.1 ou 2.0. Lim age e t le s on s ont de bonne q ualit. Le s bonus s ont, de le ur cot, rduits la portion congrue : on trouve une ve rs ion plus longue de la s cne de dans e , une ve rs ion plus longue de de ux plans de louve rture , e t une fin doute us e fais ant du film un fantas m e du pe rs onnage principal. Que lq ue s rattage s de s acte urs gaie nt aus s i la gale tte , ains i q uun traile r concoct par ldite ur.

    cinm a h orrifiq ue, figures q ue nous allons dans un prem ier tem ps nous borner num rer.

    Lentit Aubrey telle q uelle nous e st prsente au dbut du film rappelle b ien sur les gentilles adolescentes b ien-pensantes du slash er, celles q ui, contrairem ent leurs am ie s, ne couch ent pas et ne boivent pas. Lentit D ak ota dans sa form e prim aire e st lexacte inverse : sexuellem ent active, sre delle, elle incarne ladolescente dvoye type. Cette opposition pourrait paraitre sim pliste, et elle le st jusq ue l : on re ste dans un genre, les deux faces peuvent tre penses par le spectateur com m e appartenant un m m e univers. Les ch ose s se com pliq uent en revanch e rapidem ent : D ak ota, ds son arrive dans lh pital, devient la fem m e atte inte de m aladie m entale, typiq ue du giallo ou du th riller h itch cock ien. Elle ne possde plus aucune de se s q ualits prcdentes, parait ne plus faire autre ch ose q ue les m im er. Personne ne croit lh istoire de la jeune fille, principalem ent car son rcit soppose trop directem ent sa prsence : celle dune jeune fille com bative, certes, m ais plus porte par une form e dh ystrie q ue par la m oindre puissance sexuelle. Lorganisation par flash -back s e st ainsi faite q ue lon les croit m ensongers, incapable dunifier en une seule personne la D ak ota du prsent et celle du pass. Cette troisim e figure e st im m diatem ent suivie de la term inal girl, celle q ui dans son antre affronte et terrasse la Bte, ici le tueur aux roses bleues. La term inal girl est norm alem ent, dans le slash er, la gentille fille (lentit Aubrey ) transform e par une srie dpreuves en fem m e forte capable de rsister aux assauts m asculins. Seulem ent, dans notre film , la gentille fille a disparue depuis le dbut du film , ce ne st pas elle q ui sub it les preuves. Le point troublant d I k now wh o k illed m e, ce st donc lim possib ilit dvolution des personnages, q ui se rem placent plutt q ue de ch anger. La m arq ue finale de cette m tam orph ose path ologiq ue de la figure fm inine se trouve b ien sur dans le dernier plan du film , dans leq uel lon voit rapparaitre Lindsay en h rone goth iq ue. Vtue dune grande robe blanch e, se s ch eveux tals sous son visage la peau diaph ane, elle voq ue les jeunes fem m es de Poe ou de Millais, bloq ues q uelq ue part entre la vie et la m ort. Et contre lh rone goth iq ue, vient se lover la term inal girl... O n le voit b ien, ce st lim possib ilit de saisir la fm init q ue pointe ici Sivertson, lim possib ilit de contenir la fem m e dans une seule de se s caractrisations cinm atograph iq ues sim ples.

    Tandis q ue Marnie, dans le film du m m e nom , trouvait lexpression de se s psych oses dans linvasion par le rouge de sa subjectivit, la couleur en tant q ue m arq ue e st ici

    com m une tous les personnages fm inins : lopposition rouge/bleu entre D ak ota et Aubrey, m anifeste dans un m agnifiq ue plan dintrieur de voiture clair au gyroph are ; ne st q ue de surface. Les diverse s entits fm inines partagent une m m e m aladie, q ui e st la contam ination de leur univers par le bleu : le club de striptease com m e la ch am bre de jeune fille se voit ainsi transfigurs, recom poss sur les sch m as colors dont on trouve le m odle dans lantre du tueur.

    Face cette figure fm inine com plexe, les personnages m asculins sont reconfigurs, com m e pour rpondre aux attentes dune fem m e m ultiple, insaisissable m ais h yper-prsente (peu de sq uences sloignent de Loh an). Le petit am i de Lindsay, Jerrod, le garon balourd, gauch e, suintant la libido non apaise, viril m ais terriblem ent gentil (daucuns diront bte) trouve une sorte dq uivalence dans le m onde de D ak ota a travers le personnage du jeune h om m e du car : se s traits

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    androgynes, la suret de sa voix, se s dplacem ents de ch at sont cent lieues de s m anires de Jerrod. Les deux acteurs ch oisis se re ssem blent, pourtant, indniablem ent au niveau ph ysiq ue. D e ce ch oix de casting brillant dcoule lun des aspects les plus saisissants du film , cette capacit de donner lim pression de regarder au m m e m om ent laction dans plusieures faces dun k alidoscope.

    Cet aspect e st dautant plus m arq uant q ue la sq uence q ui prcde im m diatem ent lapparition de lh om m e du car nous m et en prsence dune sorte dch o visuel du tueur, q ui, nous apprend la conclusion du film , na pu se trouver la sortie du club de striptease, lanc la poursuite de D ak ota. Q ue voit-on, alors, dans cette sq uence ? Une sorte de condensation de plusieurs im ages-clefs du film sur des surfaces, celles de labri-bus dans leq uel attend D ak ota. Sur une des vitres, lim age, pe inte en rouge, dun h ibou, anim al q ue lon retrouvera un m om ent critiq ue de lintrigue, Sur une autre vitre, lim age dune om bre bleue, celle du tueur q ui ne peut tre l et q ui pourtant apparait, surface evanescente capable dapparaitre et de disparaitre autour de la jeune fille terroris. Ce tueur ne st pas le tueur, pas celui q ui a m assacr Jennifer et k idnapp Aubrey. Ce st celui q ui, diront nous, convient la D ak ota prim aire, la conforte dans sa vision du m onde base uniq uem ent sur des rapports de force sexus (lorsq uelle dcrit la scne aux enq uteurs du FBI, elle insiste sur le fait q ue le tueur tait certainem ent parm i les clients du club de striptease).

    DU SEXE ADO LESCENT?

    O n croit, dans un prem ier tem ps, etre sur le point d'assister une rflexion sur la sexualit : le personnage du jardinier, torsu nu et tatouage de branch ages pineux autour du tton incarne une sexualit m asculine aggressive q ui, si elle e st raille par Aubrey, lattire dvidence. D urant une scne du cours de piano, ne prtend-t-elle pas vouloir arrter linstrum ent pour se consacrer lcriture, tandis q ue lon voit son regard sgarer vers la fentre, derrire laq uelle rde tel un prdateur le jardinier ? En transform ant Aubrey en D ak ota, le film repousse la possib ilit de problm atiser la sexualit adolescente, pour la transform er en un sim ple spectacle. O n pense b ien sur la scne de pole dancing, m ais aussi la relation sexuelle entre Jerrod et D ak ota. D ans cette seconde scne le ralisateur refuse de film er linfirm it de son personnage, transform ant ainsi un passage potentiellem ent m alsain, rem ettant en cause le voyeurism e spectatoriel, en une scne gentim ent rotiq ue.

    Laspect bon enfant ressort galem ent dans le m ontage en parrallle des ractions de la m re dAubrey dans sa cuisine, ulcre par ce q ui se passe sous son toit, et la scne de com die q ui suivra, voyant Jerrod dem ander un prservatif aux agents du FBI. D e m anire gnrale le sexe, b ien q ue trs prsent dans I k now wh o k illed m e, ne st jam ais problm atis, la vision q ui en e st donne re ste rassurante pour les autorits m orales, surtout si lon considre q ue lon y voit une m ineure vendre son corps et une am pute faire lam our.

    LE BLEU CO MME PR INCIPE UNIFICATEUR

    D ans un film q ui regorge de clins doeils loeuvre de D avid Lynch (2) et dont la principale th m atiq ue (lclatem ent psych iq ue) e st une des obse ssions de lauteur de Lost H igh way et Mulh olland Drive, im possible de ne pas voir dans la prsence de rose s bleues un sym bole, la fois trange et attirant, de la prsence souterraine de puissances m alfiq ues dans le petit m onde b ien ordonn de New Salem . Les rose s bleues dI k now wh o k illed m e jouent le m m e rle q ue lore ille coupe dans lh erbe verte de Blue Velvet : elles signifient par leur seule existence le drglem ent dun ensem ble q ui les dpasse. Pourtant, plus q ue Lynch peut-tre, Siverston croit m oins au m ystre q u la surface q ui lh ab ite : ainsi laissera-t- il stendre une tch e de couleur sur tout son film , laissera-t-il couler la couleur sur tous les objets dI k now wh o k illed m e. Le ralisateur prend des partis pris e sth tiq ues si forts q uils en contam inent la digse : lutilisation du bleu ne st jam ais expliq ue, lon ne sait jam ais, et lon na pas savoir, pourq uoi les rose s sont bleues. Elles sont bleues, point, et lon doit laccepter com m e un fait trange, com m e une de ces tch e s q ui contam inent le rcit h itch cock ien pour Slavoj Z ize k . Le bleu prend posse ssion

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    Pourq uoi le s ros e s s ont ble ue s ? Elle s s ont ble ue s , point, e t on doit l'acce pte r com m e un fait e trange ...

  • I K NO W W H O K ILLED ME

    2007

    R alis par Ch ris Sivertson

    Produit par Frank Mancuso, Jr D avid Grace

    crit par Jeff H am m ond

    Casting: Lindsay Loh anJulia O rm ondNeal McD onoughBrian Gerargh ty

    I KNOW W H O KILLED ME

    TORSO - NUMERO TROIS OCT. / NOV. 2008

    1.Sisters fut conspu par les spectateurs de Gerardm er en 2006, m ais gagna ailleurs de s prix de m ise en scne.2.Clins doeils q ue nous nous contenterons ici de com m encer une num ration, pour laisser au lecteur le soin de com plter: lense igne du club de striptease aux couleurs flash y q ui renvoie celle du O ne Eyed Jack de Twin Peak s, le discours du garon du car q ui renvoie ceux du gant dans la m m e srie ou de lh om m e -m ystre dans Mulh olland Drive, le h ibou q ui regarde lintrigue - Twin Peak s, encore - etc, etc...

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    de lcran, et soudain apparaissent, en dpit de toute crdib ilit, de s dizaines de paire s de gants bleus, bleus com m e ceux du tueur, partout, sur les m ains de tous les policier. Les arm es du tueur, dtre re stes trop longtem ps dans se s m ains, deviennent bleues leur tour, et lon aperoit dans un coin de son antre de s cristaux bleus dont on ne connaitra jam ais lorigine, m ais q ue lon peroit com m e une incursion de la couleur pure, devenue objet, m ise en vidence dans la figuration film iq ue. La q uestion du sym bole disparait ainsi, puisq ue si dans un prem ier tem ps le bleu signifie la prsence du tueur, il devient ensuite une pure m anation de la volont cratrice du ralisateur, un pur geste artistiq ue gratuit, q ui accde ainsi labsolu q ui ne tient pas dans le fait de raconter q uelq ue ch ose au spectateur, m ais de le fasciner.