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Pierre Fontenelle Le 3 décembre [email protected]
Histoire de la musique
Les Six Suites pour Violoncelle seul BWV 1007-1012
J.S. Bach
Source : https://en.wikipedia.org/wiki/Johann_Sebastian_Bach#/media/File:Johann_Sebastian_Bach.jpg
IMEP
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Table des Matières
1. Introduction……………………………………………………………………. 32. Biographie……………………………………………………………………… 43. Genre : Suite de Danses Instrumentale…………………………….. 9
3. Contexte Historique des 6 Suites…………………………………….12
3.1. L’environnement
3.2. L’instrumentation
3.3. Le style d’écriture
3.4. Particularités de la 5 ème Suite
4. Bibliographie ………………………………………………………….…...18
4.
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1. Introduction
Ce travail a pour objectif de présenter les Six Suites pour Violoncelle seul BWV 1007-1012 de
J.S. Bach (1685-1750). Nous présenterons tout d’abord une brève biographie de la vie de ce
compositeur et de sa renommée posthume et, plus particulièrement, la redécouverte des
Six Suites au cours du XXème siècle. Ensuite, nous définirons le genre de ces œuvres tout en
présentant histoire et caractéristiques. Finalement, ce travail se terminera avec une analyse
du contexte historique qui a mené à la composition des Six Suites pour Violoncelle seul ainsi
que de quelques particularités présentes dans cette œuvre.
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2. Biographie
Johann Sébastian Bach est né en 1685 à Eisenach, en Thuringe, un Etat libre du centre du Saint-
Empire Romain Germanique et est décédé à Leipzig en 1750. Né dans une famille de musiciens
luthérienne, Johann est le plus jeune de 8 enfants, et grandit entouré par la musique. Très jeune,
Johann est initié au violon par son père, Ambrosius Bach, Directeur de l’orchestre municipal et
violoniste dans l’orchestre du Duc. La jeune vie de Johann est très vite endeuillée par une série de
décès : trois de ces frères et sœurs morts en bas âge, suivi en 1694 par sa mère, et l’année suivante
en 1695 par son père. Devenu orphelin à 10 ans, il part vivre chez son grand frère Christoph,
organiste à Ohrdruf, avec qui il apprend le clavier et qui l’expose aux différentes œuvres des grands
compositeurs à cette époque-là, tels que les compositeurs allemands, Johann Pachelbel (1653-
1706) et Johann Jakob Froberger (1616-1667), les Français, Jean-Baptiste Lully (1632-1687) et
Louis Marchand (1669-1732), et les Italiens comme Girolamo Frescobaldi (1583-1643).
En 1700, âgé de 15 ans, il part à pied pour Lüneburg (ville distante de 300 km) pour rejoindre
l’école de musique St. Michaels, qui d’ailleurs possède une grande bibliothèque où Johann a
certainement passé de nombreuses heures à étudier les différentes partitions. Là, il est mis en
contact avec de nombreuses influences musicales et y fait la rencontre d’un de ses maitres, George
Böhm (1661-1733), un compositeur qui avait réussi à synthétiser l’art d’Allemagne du Nord et de la
France. Bach a également pu parfaire ses connaissances de la musique française sous la tutelle de
Thomas de la Selle, un ancien étudiant de Jean-Baptiste Lully. A cette époque, Johann part
régulièrement à Hambourg, la métropole la plus proche, pour écouter des grands organistes tel que
Johann Adam -Reincken.
Dès 1703, il se voit offrir son premier travail en tant que violoniste et serviteur à la cour de
Weimar. Par la suite, il est nommé organiste à Arnstadt. Il commence alors à composer.
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En 1705, il parcourt 400 kilomètres à pied afin de se rendre à Lubeck pour y rencontrer
Buxtehude. Ce voyage qui ne devait durer que quelques semaines se prolonge et, pour finir, Bach y
reste pendant presque 4 mois.
En 1707, il est nommé organiste à Mulhausen où il fait la rencontre de son cousin Johann
Gottfried Walter, qui l’initie au style italien (Frescobaldi, Corelli, Vivaldi…). C’est en octobre 1707
qu’il épouse Maria Barbara, sa propre cousine.
L’année suivante en 1708, il devient organiste à la cour de Weimar et en 1714. Il y est nommé
Konzertmeister, c’est-à-dire directeur de musique.
En 1717, une joute musicale entre J. S. Bach et le compositeur et virtuose français Louis
Marchand est organisée à Dresde en présence du Roi Auguste II et toute sa cour royale. Marchand,
sachant que Bach était un meilleur organiste que lui, prend la fuite et laisse le champ libre à Bach
qui profite de cette opportunité pour impressionner l’audience. C’est aussi à cette époque qu’il est
nommé Kappelmeister à Köthen, au service de Léopold, Prince de Anhalt-Köthen où il restera
jusqu’en 1723. Le Prince avait lui-même étudié la musique en Italie et jouait de la viole de gambe.
Le compositeur et le Prince deviennent de très grands amis ; quand Maria Barbara donne naissance
à un 7eme fils, Léopold en deviendra le parrain. Malheureusement, peu de temps après, en 1720,
son épouse décède lors d’un des voyages de J.S. Bach jusqu’à Carlsbad. Un an plus tard, en décembre
1721, il se marie avec Anna Magdalena le 3 Décembre, une chanteuse professionnelle, à l’Eglise de
Köthen. Puis quelques jours après, le Prince Léopold épouse sa cousine de 19 ans, Friederica
Henrietta, qui n’est pas une grande amatrice de musique. Dès lors, le budget alloué à la musique se
réduit drastiquement et se voit diminué à 4% de ce qu’il était auparavant, et seulement 3
instrumentistes sont encore employés dans l’orchestre du Prince. J.S. Bach comprend alors la
nécessité de partir autre part.
En mai 1723, Bach quitte Köthen pour devenir Cantor à la ville cosmopolite de Leipzig où il est
soumis à de nombreuses nouvelles obligations – professeur de musique (et d’autres sujets) aux
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adolescents de l’école St. Thomas, direction de deux différentes chorales d’église, et d’autres tâches
administratives.
De 1729 à 1737, Bach est le Directeur du Leipzig Collegium Musicum, une société de concert
fondée par Georg Philip Telemann (1681-1767) en 1704 basée à Leipzig. Il y redeviendra Directeur
entre 1739-1741. En 1736, il devient Hofcomponist (compositeur de la cour) à Dresde, tout en
demeurant à Leipizig.
En 1747, lors d’une rencontre avec le roi Frédéric II de Prusse, dit Frédéric le Grand, Bach
improvise sur un thème « royal », qui deviendra par la suite, le sujet de l’Offrande Musicale, une
fugue à six voix.
En 1749, sa santé se détériore, probablement suite au diabète qui l’affecte et sa vision
dégénère. En 1750, lors de la venue de John Taylor, un ophtalmologue anglais, Bach décide de se
faire opérer des yeux. Une semaine après un supposé « succès chirurgical », Bach retourne voir
Taylor pour une seconde opération, menant à une perte de vue totale, et à de nombreux nouveaux
problèmes (l’ophtalmologue ne semblait pas très clairvoyant). Le 28 juin 1750, Johann Sébastian
Bach meurt, à 66 ans.
Source : https://en.wikipedia.org/wiki/Johann_Sebastian_Bach#/media/File:JSBWohnorte.svg
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Néanmoins, Bach continuera de vivre à travers son œuvre. 1829 marque le début de la
« Renaissance » du compositeur et de la lente redécouverte de son œuvre. En effet, pendant la
période classique, la musique de Bach n’était pas appréciée à cause de sa complexité. Ses œuvres
étaient rarement jouées en publique, et étaient vues plutôt comme des exercices. Seules ses qualités
en tant qu’organiste étaient vraiment reconnues. C’est Félix Mendelssohn (1809-1847) qui en sera
l’artisan en dirigeant, dans un concert historique, l’oratorio La Passion selon St. Mathieu, dans la
salle de concert du Berlin Singakademie.
En 1853, Robert Schumann (1810-1856) participe également à cette redécouverte en écrivant
un accompagnement au piano des Suites pour violoncelle seul de Bach. Seul l’accompagnement de
la 3ème suite nous est parvenu à ce jour.
Mais c’est sans aucun doute le très célèbre violoncelliste espagnol, Pablo Casals (1876-1973),
qui révèle au grand jour le génie des suites pour violoncelle seul de J. S. Bach. En 1890, il les
redécouvre dans un magasin de partitions miteux à Barcelone, et c’est en 1901-1902, après une
douzaine d’années de travail, qu’il les joue pour la première fois en concert.
En 1936, quatre mois après le début de la guerre civile en Espagne, Pablo Casals commence ses
enregistrements des Suites de Bach pour EMI à Paris, en commençant par la 2ème et la 3ème Suite. En
juin 1938, durant la résistance catalane face à l’avancée des troupes franquistes, Casals retourne au
studio à Paris, pour enregistrer la 1ère et la 6ème Suite. Le cycle d’enregistrement des Suites s’achève
en juin 1939 quand Casals enregistre la 4ème et la 5ème Suite toujours à Paris. En 3 ans, Casals aura
fait le premier enregistrement intégral des Suites de Bach, et, certainement celui qui a fait le plus
école et qui est toujours à ce jour considéré comme le plus important.
En 1944, Casals refuse de jouer en concert dans tout pays qui reconnait la dictature de Franco.
Il cesse tout type de représentation publique, et s’installe de façon permanente à Prades, en France,
à la frontière catalane.
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En 1950, à l’occasion du bicentenaire de la mort de Bach, Pablo Casals rendra un hommage tout
particulier au compositeur en organisant le Festival Bach de Prades, et recommence à se produire
en concert, en commençant par la première suite en Sol Majeur.
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3. Genre : Suite de Danses Instrumentale
Durant la période baroque, en Europe, la Suite de Danses était une des formes les plus
populaires de musique instrumentale. Dans une suite, se succède une série d’airs accompagnant des
danses traditionnelles. Ces airs ont été écrits en principe dans une même tonalité et ils alternent
des danses de tempo lent et de tempo rapide. Peu à peu, les compositeurs ont écrit des suites de
danses qui ne nécessitaient plus la présence de danseurs et donc, seuls des musiciens étaient sur
scène.
3.1. L’histoire de la Suite de Danses Instrumentale
Ce genre musical s’est développé aux quatre coins de l’Europe En France, Jean-Philippe Rameau
(1683-1764) et tout particulièrement François Couperin (1668-1733) écrivent des suites pour
clavecin. Ce dernier nous a légué sa vision de la suite instrumentale qu’il appelle « Ordres »,
contenant à la fois danses traditionnelles mais aussi pièces descriptives (2ème Ordre en Ré – Les
Papillons).
En Allemagne, Johann Jakob Froberger (1616-1667) est à l’origine de la structure
‘conventionnelle’ de la suite instrumentale. Johann Sébastian Bach (1685-1750) qui a, entre autres,
étudié la musique de Froberger, écrira une multitude de suites pour divers instruments : le clavecin
(Les 6 Partitas faisant partie du Klavierubüng I, les Suites Anglaises BWV 806-811, les Suites
Françaises BWV 812-817…), le violon (les 3 Partitas pour violon seul BWV 1002, 1004, 1006), la flûte,
le lute, et finalement le violoncelle, avec les 6 Suites pour violoncelle seul BWV 1007-1012.
En Angleterre, Georg Frédéric Haendel (1685-1759) et Purcell (1659-1695) sont les deux grands
compositeurs à avoir écrit des suites instrumentales.
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Plus tard, pendant l’époque Classique et la grande majorité du XIXème siècle, la suite de danses
instrumentale a été éclipsée par le genre de la sonate et de la symphonie. Cependant, plusieurs
facteurs comme la redécouverte de la musique de Bach (et la musique baroque en général) et le
néoclassicisme ont mené quelques compositeurs à réécrire dans ce genre. Ainsi, dans Le Tombeau
de Couperin, le compositeur français Maurice Ravel (1875-1937) utilise des danses archaïques telles
que la forlane ou le rigaudon rendant, de la sorte, hommage à l’art de la suite instrumentale
baroque pour clavier. Les suites instrumentales de Bach, en particulier pour violon et violoncelle,
ont été une source d’inspiration pour de nombreux compositeurs, notamment pour le belge Eugène
Ysaÿe (1858-1931) qui écrivit les Six Sonates pour violon seul ainsi que pour le violoncelliste Gaspar
Cassadó (1897-1966), un élève de Pablo Casals, dans sa Suite pour violoncelle seul.
3.2. Les Caractéristiques de la Suite de Danses Instrumentale
Il est difficile de définir les caractéristiques de la Suite ‘classique’ étant donné que les
compositeurs introduisaient de nombreuses variantes et permutations au cadre standard ci-
dessous.
1. Un Prélude (ou plus rarement une ouverture) – Une pièce courte dont la forme peut
varier, introduisant la suite en affirmant la tonalité, souvent de caractère
improvisatif et virtuose. Généralement, le prélude utilise des motifs rythmiques et
mélodiques qui se retrouveront tout au long de la Suite.
2. Allemande – Une danse populaire originaire d’Allemagne.
3. Courante, Corrente – Danse aristocratique, rapide et joviale, originaire de la cour de
Louis XIV. Deux styles existaient ; l’Italien (corrente) et le Français (courante).
4. Sarabande – Une danse originaire d’Espagne en 3/4. Au fil du temps, celle-ci se
transformera. D’une danse rapide et passionnée, elle deviendra une danse lente et
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mélancolique sous l’influence de cour de France. Un accent est placé sur la
deuxième pulsation de la mesure.
5. Gigue – Originaire des îles Britanniques (jig) cette danse est traditionnellement la
plus rapide de tous les autres mouvements, et conclut la Suite.
Entre la sarabande et la gigue, au cours des années, des mouvements de galanteries étaient
parfois ajoutés tels que des menuets, des bourrées, des gavottes, des loures, des passepieds, des
rigaudons, des tambourins…
Si la Suite est souvent jouée par des solistes sur divers instruments, elle ne leur est cependant
pas entièrement réservée. En effet, les compositeurs J.S. Bach, Haendel, et Telemann ont utilisé ce
genre musical dans leurs pièces pour orchestre (les Water Music de Haendel).
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4. Contexte Historique des 6 Suites
Au 17ème et 18ème siècle, L’Allemagne ne ressemble pas du tout à un pays au sens moderne du
terme (une autorité, une armée, un gouvernement etc.). En fait, le Saint-Empire Romain Germanique
enveloppait plusieurs territoires, villes libres, et régions, sous l’autorité des différents ducs et
princes. Ce morcellement territorial et politique aura deux conséquences majeures sur la vie
musicale de l’époque :
Premièrement, à peu près toutes les petites cours allemandes émulaient la prestigieuse
cour de Louis XIV, le roi français. Elles avaient donc toutes (à quelques exceptions près) un
orchestre, et des musiciens de cours, ce qui offrait donc beaucoup d’opportunités d’emploi
aux musiciens.
Deuxièmement, le territoire du Saint-Empire Romain Germanique regroupe différentes
confessions religieuses (Calviniste, Luthérien, Catholique) qui chacune a ses propres
attentes musicales.
4.1. L’environnement
Plusieurs facteurs ont mené à la création des Suites pour violoncelle seul par J.S. Bach.
Ainsi, le contexte politico-religieux mais aussi l’environnement musical ont eu un impact
non négligeable sur le travail de ce compositeur. S’il est évident que ses Suites n’ont pas
été écrites simultanément, on peut affirmer, avec un haut degré de certitude, que toutes ont
été écrites lorsque Bach était Kappelmeister à Köthen (entre 1717-1723) à la cour du
Prince Léopold d’Anhalt-Köthen. Ce dernier était calviniste, une forme de protestantisme
qui bannit la musique de tout office religieux. Cependant, ce prince était un grand
mélomane et un gambiste amateur et, en 1717, au moment où Bach y est engagé, la Capelle
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de sa cour comptait 17 musiciens virtuoses provenant en majorité de la Capelle de Berlin
dissoute lors de l’accession au trône du roi Prusse, Frédéric-Guillaume Ier, le ‘Roi-Soldat’.
Dès lors, Bach disposait d’excellents instrumentistes et pouvait se permettre de composer
des morceaux exigeants. Parce que les 6 Suites pour violoncelle ont été écrites pour un
musicien prodige en tête, elles ne pouvaient l’être que pour le violoncelliste et gambiste
Christian Ferdinand Abel ou pour le violoncelliste Christian Bernhard Linigke (qui
provenait d’ailleurs de Berlin).
4.2. L’instrumentation
Pourquoi Bach a-t-il écrit les Suites pour violoncelle et non pas pour viole de gambe ? A
cette époque, la viole de gambe était un instrument beaucoup plus populaire que le
violoncelle, qui lui était relativement nouveau sur la scène musicale et servait uniquement
à accompagner. Les Concertos Brandebourgeois BWV 1046-1051 (6 célèbres concertos
grossos dédiés au Margrave Christian Ludwig de Brandebourg) recèlent l’indice nécessaire
pour répondre à cette question. En effet, l’instrumentation de chaque concerto est
spécifique à la disposition de l’orchestre de la cour au moment de sa composition. Dans le
6ème concerto, Bach remplaça le rôle de la viole de gambe par celui du violoncelle qui
devient dès lors un soliste à part entière. Ce renversement non conventionnel de
l’instrumentation résulte de la participation du prince Léopold à l’orchestre. Ce dernier
jouait la partie de viole de gambe pour la première de ce concerto. Même s’il était un
musicien compétent, il n’atteignait tout de même pas le même niveau que les autres
virtuoses de la cour. Fin diplomate, Bach changea l’instrumentation de son Concerto afin de
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ne pas embarrasser le Prince mais aussi afin de ne pas faire souffrir la musique de sa
présence. La même logique peut être appliquée au 6 Suites pour violoncelle seul, d’où le
choix du violoncelle.
4.3. Le style d’écriture
Bach a été le premier compositeur non-violoncelliste à accorder un rôle de soliste au
violoncelle. Cependant, cela ne veut pas dire que son écriture ne rivalise pas avec celle des
compositeurs baroques violoncellistes comme l’Italien Domenico Gabrielli (1651-1690),
dont ses Sept Ricercares pour violoncelle seul ont été les premières œuvres publiées pour
violoncelle seul. Au contraire, dans les 6 Suites, l’écriture est non seulement mélodique,
mais aussi harmonique. Si les instruments de la famille des claviers peuvent jouer
l’harmonie et la mélodie (ou plusieurs voix différentes dans le cas de l’écriture
contrapuntique) simultanément grâce aux 10 doigts séparés du pianiste, le violoncelle ne
peut que faire sonner deux cordes en même temps. Bach contourne ce problème en
écrivant des harmonies ‘sous-entendues’, c’est-à-dire que toutes les notes ne sont pas
toutes jouées, mais la progression harmonique peut toujours être comprise. Cette méthode
de composition est évidente dans la fuguette du prélude de la 5ème Suite en do mineur. Une
fugue, par sa nature, comporte au minimum deux voix, ce qui démontre parfaitement
l’écriture polyphonique des 6 Suites.
Cependant, seuls 5 des 36 mouvements sont écrits pour une seule ligne mélodique, sans
double cordes : le deuxième menuet de la première suite, le deuxième menuet de la
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deuxième suite, la deuxième bourrée de la troisième suite, la gigue de la quatrième suite, la
sarabande de la cinquième suite, et finalement, la deuxième gavotte de la cinquième suite.
4.4. Particularités de la 5 ème Suite
La 5ème suite se distingue des autres par une série de particularités. Tout d’abord, cette
suite utilise un scordatura (une manière d’accorder les cordes d’un instrument s’écartant
de l’accord habituel). Les cordes d’un violoncelle sont normalement accordées en quintes
(La – Ré – Sol – Do). Mais en descendant la corde de La d’un ton, le nouvel accord de
l’instrument (Sol – Ré – Sol – Do) donne une nouvelle couleur à l’instrument. L’utilisation
de scordatura est une technique prisée par les compositeurs de toutes les époques pour
tout instrument à cordes. À l’époque baroque, Heinrich Ignaz Franz Biber (1644-1704), un
compositeur austro-tchèque écrit Les sonates des Mystères (Sonates du Rosaire), dans
lesquelles on trouve 15 façons différentes d'accorder le violon. À l’époque classique,
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) recommande à l’alto soliste de s’accorder un
demi-ton plus haut dans sa Symphonie Concertante pour violon, alto, et orchestre en mi
bémol majeure K. 364. À l’époque romantique, Robert Schumann emploie cette technique
pour le violoncelle dans son quatuor avec piano, tout comme Camille Saint-Saëns (1835-
1921) dans sa Danse Macabre pour le violon solo. Finalement, tout au long du 20ème siècle,
d’innombrables compositeurs utilisent cette technique, non seulement dans la musique de
chambre mais aussi dans la musique orchestrale (Richard Strauss (1864-1949) – Ein
Heldeleben, Zoltán Kodály (1882-1967) - Sonate pour violoncelle seul, op. 8, Igor Stravinsky
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(1882-1971) : l'Oiseau de feu, Henri Dutilleux (1916-2013) -Trois strophes sur le nom de
Sacher pour violoncelle seul, etc.)
La seconde particularité de cette Suite est sa transcription pour luth, devenant ainsi la
Suite pour luth en sol mineur BWV 995, dédicacée à un Monsieur Schouster, un libraire et
éditeur vivant à Leipzig dans les années 1720.
Ensuite, le Prélude de cette suite est particulièrement intéressant pour sa forme. Il est
en fait une Ouverture à la Française, c’est-à-dire qu’il comporte une introduction lente en
4/4, et puis continue avec une fuguette modérément rapide en 3/8. Ceci le distingue de
tous les autres préludes des autres suites pour violoncelle seul.
Enfin, Bach utilise sa signature motivique tout au long de la Suite tant dans la Courante que
dans la Sarabande, la première Gavotte et la Gigue. Il transcrit les lettres B – A – C – H avec
la notation musicale allemande, créant le motif Si bémol – La – Do – Si Bécarre, signant ainsi
l’œuvre.
http://www.georgcello.com/images/BachCour5.jpg
L’utilisation de la signature B-A-C-H sera utilisée à plusieurs reprises par Bach, notamment
dans sa dernière œuvre L’Art de la Fugue BWV 1080. Avec la redécouverte des œuvres de
Bach au XIXème siècle, les compositeurs utilise le motif B-A-C-H dans certaines de leurs
compositions rendant ainsi hommage à Bach (Schumann, Franz Liszt (1811-1886), Nikolaï
Rimski-Korsakov (1844-1908), Anton Webern (1883-1945), Arvo Pärt (1935-), Krzysztof
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Penderecki (1933-) …). Dimitri Chostakovitch (1906-1975) a également salué le génie de
Bach non pas en utilisant sa signature B-A-C-H mais en s’inspirant du procédé. Il signe
certaines de ses œuvres (Concerto pour violoncelle no. 1 op. 107, Quatuor à Cordes no. 8 op.
110, Fugue no. 15 op. 87, Symphonie no. 10 op. 93 ...) avec la transcription de ses initiales
DSCH (Ré, Mi Bémol, Do, Si Bécarre).
Chostakovitch, Dimitri, 8ème Quatuor à Cordes op. 110 – Premier Mouvement - Largo
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5. Bibliographie
CHOSTAKOVITCH, Dimitri, Quatuor à Cordes no.8 op. 110, Sikorski, Hamburg, 1960.
DERMONCOURT, Bertrand, Dimitri Chostakovitch, Actes Sud/Classica, Arles, 2006.
GRONDELAERS, Stefan, Commentaires du disque : Pieter Wispelwey, JS Bach, 6 Suites for
Cello Solo, Evil Penguin Records Classic, Mechelen, 2012.
GROVE et al., The New Grove Dictionary of Music and Musicians, 2nd ed., Oxford University
Press, Oxford, 2001.
MACIA, Jean-Luc, Johann Sebastian Bach, Actes Sud/Classica, Arles, 2006.
MERTENS, Georg, The Bach Cello Suites: History - Analysis - Interpretation - CD Recordings –
Videos, http://www.georgcello.com/bachcellosuites.htm.
REBATET, Lucien, Une Histoire de la Musique, Robert Laffont, Paris, 2011.
RESTAGNO, Enzo & BRAUNEISS, Leopold, Arvo Pärt, Actes Sud/Classica, Arles, 2012.
SIBLIN, Eric, The Cello Suites: J.S. Bach, Pablo Casals, and the search for a Baroque
Masterpiece, Grove Press, New York, 2009.
WIKIPEDIA, Wikipedia.org