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Université de Cergy-Pontoise Licence en droit 2 ème année TRAVAUX DIRIGÉS DE DROIT DES BIENS Fiche n° 4 et 5 La propriété Contenu Protection de la propriété 2016-2017 Cours de M. Julien Laurent

TRAVAUX DIRIGÉS DE DROIT DES BIENS des biens Laurent... · 2017. 2. 22. · DROIT DES BIENS Fiche n° 4 et 5 La propriété ... par la cour d’appel de Besançon ; remet, en conséquence,

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Université de Cergy-Pontoise

Licence en droit – 2ème année

TRAVAUX DIRIGÉS DE

DROIT DES BIENS

Fiche n° 4 et 5

La propriété

Contenu – Protection de la propriété

2016-2017

Cours de M. Julien Laurent

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CONTENU DE LA FICHE

I - LE POUVOIR D’EXCLURE DU PROPRIETAIRE

A) L’action en revendication (notion)

Document n°1: Com. 12 mars 2013, FS-P+B, n° 11-24.729

B) L’empiètement

Document n°2 : Civ. 3ème, 20 mars 2002, n° 00-16.015

Document n°2 bis : Civ. 3ème, 15 juin 2011, n°10-20337

Document n°3 : Civ. 3ème, 10 nov. 2016, FP-P+B, n° 15-25.113

II - LES PREROGATIVES DU PROPRIETAIRE

A) L’image des biens

Document n°4 : Ass. Pl., 7 mai 2004, Bull. civ., n° 10 ; Bull. Information Cour de Cassation (cf site

Cour de cassation) du 15 juillet 2004, rapp. COLLOMP et concl. J. SAINTE-ROSE

; D. 2004, p. 1545, notes J.-M. BRUGUIERE et E. DREYER ; JCP, éd. G, 2004, I,

163, N° 24, obs. G. VINEY et I, 171, n° 1, obs. H. PERINET-MARQUET et II,

10085, note Chr. CARON ; Defr. 2004, p. 1554, note S. PIEDELIEVRE et A.

TENENBAUM ; D. 2004, Som., p. 2406, N. REBOUL-MAUPIN ; Droit et

Patrimoine, juill.- août 2004, Th. REVET ; RTDCiv. 2004, p. 528, obs. Th.

REVET. Cass. 3ème Civ., 19 mai 2004 (pourvoi n° 02-19800)

Document n°5 : Civ. 1ère, 5 juillet 2005, Bull. Civ., I, n°297 p. 248

B) Le droit de disposer

Document n°6 : Civ. 3ème, 23 sept. 2009, (pourvoi n°08-18187), LEDC nov. 2009, p. 7, obs. G. Pillet

Document n°7 : Civ. 1ère, 4 janvier 1995, n° 92-20013 (6° moyen)

C) Les limites au droit de propriété

Document n°8 : Riom, 7 septembre 1995 (pour rire un peu)

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III - VALEUR SUPRA-LEGISLATIVE DE LA PROPRIETE

Document n°9 : Cons. Constit., 30 septembre 2011 (décision n° 2011-169 QPC)

Document n°10 : Cons. Constit., 15 juin 2010 (décision n°2010-607 DC)

Document n°11 : CEDH, 29 avril 1999 (Aff. CHASSAGNOU ET AUTRES c. France, Requêtes nos

25088/94, 28331/95 et 28443/95) - extraits

EXERCICES

2°) A l’aide des documents 2 et 2 bis, faire le commentaire intégralement rédigé de l’arrêt reproduit au document 3

2°) Faire le commentaire détaillé (introduction intégralement rédigée et plan détaillé) de l’arrêt reproduit au

document 7

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Document n°1: Com. 12 mars 2013, FS-P+B, (n° 11-24.729)

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 624-9 et R. 624-13 du code de commerce, dans leur rédaction issue de l’ordonnance du 18

décembre 2008 et du décret du 12 février 2009 ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué et les productions, que la société Emballages industriels de Franche-Comté-Groupe

Bordmann (la débitrice) a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 16 juin 2009 et 13 avril 2010, M.

X... étant désigné successivement mandataire judiciaire et liquidateur ; que, le 17 juillet 2009, la société GE capital

équipement finance (la bailleresse) a demandé à la débitrice de prendre position sur la poursuite du contrat de

location d’un chariot élévateur puis, après avoir vainement revendiqué ce bien le 28 avril 2010, a présenté au juge-

commissaire une requête en revendication ; que, par jugement du 26 novembre 2010, le tribunal a infirmé

l’ordonnance ayant accueilli cette requête pour tardiveté de la demande ;

Attendu que pour infirmer ce jugement, l’arrêt, après avoir exactement énoncé que rien n’interdit à celui qui

revendique de le faire en même temps que, le cas échéant, il interroge le débiteur sur la poursuite du contrat

afférent au bien en cause, retient que la lettre du 17 juillet 2009, outre qu’elle demandait de prendre position sur la

poursuite du contrat en cours, rappelait que la résiliation entraînerait l’obligation de restitution immédiate du

matériel loué, et qu’elle a été communiquée, à la même date, au mandataire judiciaire avec la même observation, de

sorte que cette lettre devait s’analyser en une demande de revendication susceptible d’acquiescement ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que la lettre précitée, qui n’invitait pas son destinataire à se prononcer sur le

droit de propriété de la bailleresse sur le bien, ne valait pas demande en revendication, la cour d’appel a violé les

textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il a déclaré l’appel recevable, l’arrêt rendu le 27 juillet 2011, entre les parties,

par la cour d’appel de Besançon ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l’état où

elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Dijon ;

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Document n°2 : Civ. 3ème, 20 mars 2002, n° 00-16.015

Sur le moyen unique :

Vu l'article 545 du Code civil ;

Attendu que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant

une juste et préalable indemnité ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 mars 2000), que Mme X... et M. Y..., propriétaires de fonds contigus, sont

convenus d'ériger une clôture mitoyenne ; que Mme X... a fait assigner M. Y... pour non-respect de cette

convention et violation de son droit de propriété ; que l'expert désigné par le Tribunal a relevé un empiétement

d'une partie de la clôture, de 0,5 centimètre, sur le fonds de Mme X... ;

Attendu que pour débouter Mme X... de ses demandes, la cour d'appel a retenu que l'empiétement était

négligeable ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que peu importe la mesure de l'empiétement, la cour d'appel a violé le texte

susvisé ;

Par ces motifs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 mars 2000, entre les parties, par la cour

d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et,

pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.

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Document n°2 bis : Cass. 3ème Civ., 15 juin 2011 (pourvoi n°10-20337)

Sur le second moyen :

Vu l'article 545 du code civil ;

Attendu que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant

une juste et préalable indemnité ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 11 mai 2010), que Mme X...a assigné les époux Y..., propriétaires de fonds

contigus, aux fins d'obtenir la démolition des chapiteaux des piliers du portail réalisant un empiétement en

surplomb sur sa propriété ;

Attendu que pour débouter Mme X...de sa demande, l'arrêt retient que l'empiétement porte sur un surplomb minime

et dépourvu de toute conséquence et que la demande relève de la seule intention de nuire, caractéristique d'un abus

de droit;

Qu'en statuant ainsi, alors que la défense du droit de propriété contre un empiétement ne saurait dégénérer en abus,

la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le premier moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du

pourvoi ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté Mme X...de sa demande de

suppression d'une partie des chapiteaux des piliers du portail des époux Y...qui empiète sur sa propriété, l'arrêt

rendu le 11 mai 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause

et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour

d'appel de Nîmes, autrement composée ;

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Document n°3 : Civ. 3e, 10 nov. 2016, FP-P+B, n° 15-25.113

Sur le moyen unique :

Vu les articles 544 et 545 du code civil ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Bourges, 2 juillet 2015), que M. et Mme X..., propriétaires de la parcelle AN 305, et

M. et Mme Y..., propriétaires de la parcelle AN 151, ont assigné leur voisin, M. Z..., propriétaire de la parcelle 462,

en enlèvement d’un bâtiment constituant un atelier-garage empiétant sur leurs fonds ;

Attendu que, pour ordonner la démolition totale du bâtiment, l’arrêt retient qu’il empiète sur le fonds de M. et Mme

X..., que les considérations de l’expert selon lequel l’empiétement représenterait une bande d’une superficie de 0,

04 m ² sont inopérantes au regard des dispositions des articles 544 et 545 du code civil et que cet empiétement

fonde la demande de démolition de la construction litigieuse ;

Qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si un rabotage du mur n’était pas de nature à

mettre fin à l’empiétement constaté, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en qu’il condamne M. Z... à démolir le bâtiment édifié sur sa parcelle 462,

... à Decize (58) et dit que cette démolition devra être achevée dans un délai de six mois de la signification du

présent arrêt, sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé ce délai, l’arrêt rendu le 2 juillet 2015, entre les

parties, par la cour d’appel de Bourges ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où

elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Orléans ;

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Document n°4 : Ass. Pl., 7 mai 2004, Bull. civ., n° 10

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 31 octobre 2001), que la Société de promotion immobilière SCIR Normandie

(la société SCIR Normandie), a confié à la société Publicis Qualigraphie aux droits de laquelle se trouve la société

Publicis Hourra (la société Publicis) la confection de dépliants publicitaires comportant, outre des informations

relatives à l'implantation de la future résidence et à ses avantages, la reproduction de la façade d'un immeuble

historique de Rouen, l'Hôtel de Girancourt ; que se prévalant de sa qualité de propriétaire de cet hôtel, la SCP Hôtel

de Girancourt, dont l'autorisation n'avait pas été sollicitée, a demandé judiciairement à la société SCIR Normandie

la réparation du préjudice qu'elle disait avoir subi du fait de l'utilisation de l'image de son bien ; que cette dernière a

appelé la société Publicis en garantie ;

Attendu que la SCP Hôtel de Girancourt fait grief à l'arrêt du rejet de ses prétentions, alors, selon le moyen :

1 ) qu'aux termes de l'article 544 du Code civil, "la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la

manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois et par les règlements" ; que le

droit de jouir emporte celui d'user de la chose dont on est propriétaire et de l'exploiter personnellement ou par le

truchement d'un tiers qui rémunère le propriétaire, ce droit ayant un caractère absolu et conduisant à reconnaître au

propriétaire un monopole d'exploitation de son bien, sauf s'il y renonce volontairement ; qu'en énonçant que "le

droit de propriété n'est pas absolu et illimité et ne comporte pas un droit exclusif pour le propriétaire sur l'image de

son bien" pour en déduire qu'il lui appartenait de démontrer l'existence d'un préjudice car la seule reproduction de

son bien immeuble sans son consentement ne suffit pas à caractériser ce préjudice, la cour d'appel a violé l'article

544 du Code civil ;

2 ) qu'elle faisait valoir dans ses conclusions d'appel que l'utilisation à des fins commerciales de la reproduction de

la façade de l'Hôtel de Girancourt sans aucune contrepartie financière pour elle, qui a supporté un effort financier

considérable pour la restauration de l'hôtel particulier ainsi qu'en témoignent les photographies de l'immeuble avant

et après les travaux, restauration qui a permis aux intimées de choisir une image de cet immeuble pour l'intégrer

dans le dépliant publicitaire, est totalement abusive et lui cause un préjudice réel, le fait que les intimées aient

acheté cette reproduction chez un photographe rouennais prouvant bien que la façade restaurée représente une

valeur commerciale ; qu'en énonçant, sans répondre à ce moyen particulièrement pertinent qu'elle "ne démontre pas

l'existence du préjudice invoqué par elle et d'une atteinte à son droit de propriété", la cour d'appel n'a pas

légalement justifié sa décision au regard de l'article 544 du Code civil ;

3 ) qu'elle faisait également valoir dans ses conclusions d'appel en visant les cartes postales de la façade historique

de Hôtel de Girancourt qu'elle édite et qu'elle avait régulièrement produites, que les mentions portées au verso de

ces pièces confirment sa volonté de conserver à son usage exclusif le droit de reproduire la façade de l'hôtel ou de

concéder une autorisation quand elle estime que les conditions sont réunies ; qu'en s'abstenant totalement de se

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prononcer sur la valeur de ces pièces qu'elle avait régulièrement versées aux débats à l'appui de ses prétentions, la

cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1353 du Code civil et 455 du nouveau

Code de procédure civile ;

Mais attendu que le propriétaire d'une chose ne dispose pas d'un droit exclusif sur l'image de celle-ci ; qu'il peut

toutefois s'opposer à l'utilisation de cette image par un tiers lorsqu'elle lui cause un trouble anormal ;

Et attendu que les énonciations de l'arrêt font apparaître qu'un tel trouble n'était pas établi ; d'où il suit que le moyen

n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Document n°5 : Civ. 1ère, 5 juillet 2005, Bull. Civ., I, n°297 p. 248

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 février 2002) que la société Flohic éditions a publié, dans un tome d'une

collection intitulée "Le patrimoine des communes de France", la photographie d'une maison du XVIIIe siècle,

accompagnée de précisions localisatrices, historiques et architecturales ; que Mlles Marie-Laure et Marie-France

X..., soeurs et copropriétaires de l'immeuble, dont le consentement préalable à l'utilisation de cette image n'avait

pas été sollicité, ont assigné ladite société en dommages-intérêts ;

Attendu que les soeurs X... font grief à la cour d'appel d'avoir rejeté leurs prétentions, alors que, selon le moyen, la

propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, le propriétaire ayant seul le droit

d'exploiter son bien sous quelque forme que ce soit, et que l'exploitation du bien par un tiers, sous la forme de

photographie, porte atteinte au droit de jouissance du propriétaire et qu'en décidant du contraire la cour d'appel a

directement violé l'article 544 du Code civil ;

Mais attendu que le propriétaire d'une chose, qui ne dispose pas d'un droit exclusif sur l'image de celle-ci, ne peut

s'opposer à l'utilisation du cliché par un tiers que si elle lui cause un trouble anormal ;

que la cour d'appel, qui a relevé que les soeurs X... ne versaient pas aux débats le moindre élément propre à établir

que la reproduction litigieuse perturbait leur tranquillité et intimité ou que les indications de situation géographique,

non critiquées par le moyen sous l'angle de la vie privée, permettaient de redouter en l'espèce un trouble

quelconque, a ainsi légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :REJETTE le pourvoi ;

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Document n°6 : Civ. 3ème, 23 sept. 2009

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 24 avril 2008), que par acte notarié du 23 mai 2003, la commune de Saint-Pée-

sur-Nivelle a vendu à M. X... et à Mme Y... un lot d'une superficie de 999 m² dans un lotissement communal, au

prix de 42 685 euros ; que dans un paragraphe intitulé "conditions particulières imposées par la commune - Pacte

de préférence", l'acte de vente comportait une clause, valable pendant vingt ans, prévoyant qu'avant toute revente à

un tiers, le rachat du terrain devrait être proposé à la commune ; que la clause précisait que le prix de revente du

terrain nu ne pourrait excéder le prix d'acquisition initial, réactualisé en fonction de la variation de l'indice INSEE

du coût de la construction, et que le prix du terrain avec une construction serait égal au prix de vente du terrain nu

majoré du prix de revient de la construction, évalué par un expert ;

que M. X... et Mme Y... ayant, le 21 octobre 2006, signé un compromis de vente de leur terrain au prix de 120 000

euros, la commune les a avisés qu'elle entendait exercer son droit de priorité au prix d'acquisition réactualisé en

fonction de l'érosion monétaire ; que M. X... et Mme Y... ont alors assigné la commune pour faire annuler la clause

instituant, à son profit, un droit de priorité ;

Attendu M. X... et Mme Y... font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande, alors, selon le moyen, que le pacte

de préférence qui impose au promettant, au cas où il déciderait d'aliéner le bien, de donner préférence au

bénéficiaire du pacte, à un prix prédéterminé dans le contrat, constitue une atteinte au droit de propriété lorsque la

durée de cet engagement est de vingt ans de sorte que la clause instituant un tel pacte doit être annulée ; qu'en

décidant le contraire, tout en constatant que le contrat conclu entre M. X... et Mme Y... et la commune stipulait que

les premiers s'engageaient, au cas où ils décideraient de vendre, à donner préférence à la commune, à un prix

prédéterminé au contrat, pendant une durée de vingt ans, la cour d'appel a violé l'article 544 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que la stipulation avait été librement convenue, qu'elle

avait pour but, en fixant d'ores et déjà un prix, institué pour une durée de vingt ans, d'empêcher la spéculation sur le

bien dans un contexte marqué par la rareté de l'offre et le "décrochage" des possibilités financières de la plupart des

ménages par rapport à l'envolée des prix de l'immobilier, et que M. X... et Mme Y... avaient bénéficié en

contrepartie de son acceptation de la possibilité d'accéder à un marché protégé de la spéculation immobilière, la

cour d'appel, qui a retenu à bon droit que les modalités stipulées, notamment quant à la durée de validité de la

clause, n'étaient pas, au regard de la nature et de l'objet de l'opération réalisée, constitutives d'une atteinte au droit

de propriété, en a exactement déduit que la demande en nullité devait être rejetée ;D'où il suit que le moyen n'est

pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

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Document n°7 : Cass. civ. 1ère, 4 juin 1995, n° 92-20013 (6° moyen)

Attendu que, par jugement du 13 mai 1987, devenu irrévocable, le tribunal de grande instance de Rochefort-sur-

Mer a prononcé le divorce des époux Y...-X..., mariés, en 1959, sous le régime ancien de la communauté réduite

aux acquêts, et précisé que les effets patrimoniaux de ce divorce remonteraient au 20 août 1986, date de la

cessation de la cohabitation ; que, le 2 février 1988, le notaire liquidateur a dressé un procès-verbal de difficultés ;

que l’arrêt attaqué a dit que la propriété agricole constituait un bien propre de M. Y..., ainsi que les parcelles

cadastrées ZI 125, ZH 42 et C 1032 ; que Mme X... devrait rembourser la moitié de l’emprunt de 15 000 francs,

contracté par son mari en vue de l’acquisition du matériel d’exploitation ; que M. Y... était seul propriétaire des

parts sociales Coop agneau et Ufra Ovine vendéenne ; que le compte bancaire du Crédit agricole et le livret de

Caisse d’épargne étaient des biens propres à celui-ci ; que les impenses réalisées sur les immeubles propres de M.

Y... lui demeureraient propres ; qu’enfin, Mme X... serait tenue de donner à bail rural à son ex-mari la parcelle

cadastrée ZI 23, dont la propriété lui était reconnue ; que Mme X... et M. Y... ont formé respectivement pourvois

principal et incident ;

(…)

Et sur le sixième moyen du même pourvoi :

Vu l’article 544 du Code civil ;

Attendu qu’aux termes de ce texte, “ la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus

absolue “ ;

Attendu que, pour décider que Mme X... serait tenue de consentir un bail rural à son ex-mari sur la parcelle ZI 23

qui constituait un bien propre de la femme, l’arrêt attaqué énonce que l’obligation incombant aux acquéreurs de

maintenir cette parcelle affectée à l’amélioration de l’exploitation agricole de M. Y..., sous peine de résolution de la

vente consentie par la SAFER, sera respectée par la mise de cette parcelle à la disposition du mari, dans le cadre

d’un bail rural ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors, d’une part, que le droit de propriété est un droit fondamental, de valeur

constitutionnelle, et alors, d’autre part, que l’obligation imposée à Mme X... de consentir un bail rural constituait

une restriction à son droit de disposer librement d’une parcelle dont elle était seule propriétaire, la cour d’appel, qui

a excédé ses pouvoirs, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, (…) en ce qu’il a déclaré que Mme X... serait tenue de consentir un bail rural à M. Y... sur

la parcelle ZI 23, l’arrêt rendu le 24 juin 1992, entre les parties, par la cour d’appel de Poitiers (…).

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Document n°8 (pour rire un peu) : Riom, 7 septembre 1995

Attendu que les faits et la querelle sont exposés dans les décisions rendues à Clermont-Ferrand le 11 janvier 1994

et le 25 janvier 1995, cette dernière dont appel ; que la cour en adopte les motifs ; que, céans, les époux Roche

concluent au débouté de Rougier ; qu’au contraire celui-ci, enchanté du jugement qui a prescrit la fin du poulaille,

demande la confirmation et 20 000 francs de dommages et intérêts ;

Attendu que la poule est un animal anodin et stupide, au point que nul n’est encore parvenu à le dresser, pas même

un cirque chinois ; que son voisinage comporte beaucoup de silence, quelques tendres gloussements, et des

caquètements qui vont du joyeux (ponte d’un œuf) au serein (dégustation d’un ver de terre) en passant par l’affolé

(vue d’un renard) ; que ce paisible voisinage n’a jamais incommodé que ceux qui, pour d’autres motifs, nourrissent

du courroux à l’égard des propriétaires de ces gallinacés ; que la cour ne jugera pas que le bateau importune le

marin, la farine le boulanger, le violon le chef d’orchestre, et la poule un habitant du lieu-dit La Rochette, village de

Salledes (402 âmes) dans le département du Puy-de-Dôme ;

Par ces motifs, infirme le jugement.

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Document n° 9 : Cons. Constit., 30 septembre 2011 (décision n° 2011-169 QPC)

1. Considérant qu'aux termes de l'article 544 du code civil : « La propriété est le droit de jouir et disposer des

choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les

règlements » ;

2. Considérant que, selon les requérants, le caractère absolu du droit de propriété conduit à ce que toute occupation

sans droit ni titre du bien d'autrui soit considérée par les juridictions civiles comme un trouble manifestement

illicite permettant au propriétaire d'obtenir en référé, en application de l'article 809 du code de procédure civile,

l'expulsion des occupants ; que, par ses conséquences sur la situation des personnes qui vivent dans des résidences

mobiles, la définition du droit de propriété porterait atteinte au principe de sauvegarde de la dignité de la personne

contre toute forme d'asservissement et de dégradation, au droit de mener une vie familiale normale, ainsi qu'à

l'objectif de valeur constitutionnelle que constitue le droit au logement ;

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « La Nation

assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » ; qu'aux termes du onzième

alinéa de ce Préambule, la Nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la

protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de

son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir

de la collectivité des moyens convenables d'existence » ;

4. Considérant qu'il ressort également du Préambule de 1946 que la sauvegarde de la dignité de la personne

humaine contre toute forme de dégradation est un principe à valeur constitutionnelle ;

5. Considérant qu'il résulte de ces principes que la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent

est un objectif de valeur constitutionnelle ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Le but

de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont

la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression » ; que son article 17 dispose : « La propriété étant un

droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée,

l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ;

7. Considérant, en outre, qu'aux termes du seizième alinéa de l'article 34 de la Constitution, la loi détermine les

principes fondamentaux « du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales » ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, s'il appartient au législateur de mettre en œuvre l'objectif de

valeur constitutionnelle que constitue la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent, et s'il lui

est loisible, à cette fin, d'apporter au droit de propriété les limitations qu'il estime nécessaires, c'est à la condition

que celles-ci n'aient pas un caractère de gravité tel que le sens et la portée de ce droit en soient dénaturés ; que doit

être aussi sauvegardée la liberté individuelle ;

9. Considérant que l'article 544 du code civil, qui définit le droit de propriété, ne méconnaît par lui-même aucun

droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'en tout état de cause, il n'appartient pas au Conseil constitutionnel

d'examiner la conformité de l'article 809 du code de procédure civile aux droits et libertés que la Constitution

garantit,

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14

D É C I D E : Article 1er.- L'article 544 du code civil est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente

décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article

23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Document n° 10 : Cons. Constit., 15 juin 2010 (décision n° 2010-607)

- SUR L’ARTICLE L. 526-12 DU CODE DE COMMERCE :

7. Considérant que l’article 1er de la loi déférée insère dans le chapitre VI du titre II du livre V du code de

commerce une section intitulée « De l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée », comprenant les articles L.

526-6 à L. 526-21 ; que ces dispositions permettent à tout entrepreneur individuel d’affecter à son activité, au

moyen d’une déclaration faite à un registre de publicité, un patrimoine séparé de son patrimoine personnel ;

qu’elles déterminent les conditions et les modalités de la déclaration d’affectation, organisent sa publicité,

définissent ses effets et fixent les obligations des entrepreneurs ayant opté pour ce régime juridique ;

8. Considérant que le deuxième alinéa de l’article L. 526-12 du code de commerce dispose que la déclaration

d’affectation du patrimoine « est opposable aux créanciers dont les droits sont nés antérieurement à son dépôt à la

condition que l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée le mentionne dans la déclaration d’affectation et en

informe les créanciers dans des conditions fixées par voie réglementaire » ; que ces créanciers peuvent toutefois «

former opposition à ce que la déclaration leur soit opposable » ;

9. Considérant qu’en vertu des alinéas 6 à 8 de l’article L. 526 12 de ce code, la déclaration d’affectation du

patrimoine soustrait le patrimoine affecté du gage des créanciers personnels de l’entrepreneur et le patrimoine

personnel du gage de ses créanciers professionnels ; que s’il était loisible au législateur de rendre la déclaration

d’affectation opposable aux créanciers dont les droits sont nés antérieurement à son dépôt, c’est à la condition que

ces derniers soient personnellement informés de la déclaration d’affectation et de leur droit de former opposition ;

que, sous cette réserve, le deuxième alinéa de l’article L. 526-12 du code de commerce ne porte pas atteinte aux

conditions d’exercice du droit de propriété des créanciers garanti par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits

de l’homme et du citoyen de 1789 ;

10. Considérant qu’il n’y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d’office aucune autre question de

conformité à la Constitution,

DÉCIDE : Article 1er.- Les articles 9, 12 et 13 de la loi relative à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée

sont déclarés contraires à la Constitution.

Article 2.- Sous la réserve énoncée au considérant 9, l’article L. 526-12 du code de commerce, tel que résultant de

l’article 1er de la même loi, n’est pas contraire à la Constitution.

Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

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15

Document n° 11 : CEDH, 29 avril 1999 (Aff. CHASSAGNOU ET AUTRES c. France)

(…)

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPECE

A. Mme Chassagnou, M. R. Petit et Mme Lasgrezas

1. Mme Chassagnou, M. R. Petit et Mme Lasgrezas sont nés respectivement en 1924, 1936 et 1927. Tous trois sont

agriculteurs et résident dans le département de la Dordogne, à Tourtoirac quant à la première, et à Sainte-Eulalie-

d’Ans quant aux deux autres.

Ils y sont propriétaires de terrains d’une superficie inférieure à 20 hectares d’un seul tenant et inclus dans le

périmètre des ACCA de Tourtoirac et de Chourgnac-d’Ans.

2. Membres du Rassemblement des opposants à la chasse (« ROC »), puis de l’Association pour la protection des

animaux sauvages (« ASPAS »), une association d’utilité publique, agréée au titre de la protection de la nature, les

requérants apposèrent en 1985 sur les limites de leurs terrains des panneaux comportant les indications « Chasse

interdite » et « Refuge ». Les ACCA de Tourtoirac et de Chourgnac-d’Ans saisirent le juge des référés d’une

demande tendant à l’enlèvement de ces panneaux. Ledit juge y fit droit par une ordonnance du 26 septembre 1985,

laquelle fut confirmée le 18 juin 1987 par la cour d’appel de Bordeaux.

3. Le 20 août 1987, le préfet de la Dordogne rejeta la demande que M. R. Petit et Mmes Chassagnou et Lasgrezas lui

avaient adressée, tendant au retrait de leurs terrains du périmètre des ACCA de Tourtoirac et de Chourgnac-d’Ans.

Les intéressés saisirent le tribunal administratif de Bordeaux d’un recours en annulation de cette décision, que ledit

tribunal rejeta par un jugement du 26 mai 1988.

1. La procédure devant le tribunal de grande instance de Périgueux

4. Par ailleurs, le 30 juillet 1987, les requérants avaient assigné les ACCA de Tourtoirac et de Chourgnac-d’Ans

devant le tribunal de grande instance de Périgueux.

Ils alléguaient essentiellement l’incompatibilité avec les articles 9, 11 et 14 de la Convention et 1 du Protocole no 1,

des articles 3 et 4 de la loi Verdeille aux termes desquels, d’une part, tous les terrains non clos d’une superficie

inférieure à 20 hectares et situés à plus de 150 mètres des habitations sont soumis à l’action de l’ACCA par apport

des propriétaires ou détenteurs de droits de chasse, ces apports étant réputés réalisés de plein droit et dévolus

gratuitement même contre le gré de ces derniers et, d’autre part, le propriétaire non chasseur est de droit membre de

l’association. Ils invitaient le tribunal à en déduire qu’ils étaient des tiers par rapport aux ACCA en cause, que leurs

terrains ne pouvaient plus être soumis à l’action de ces dernières et que celles-ci ne pouvaient se prévaloir de

l’apport de leurs droits de chasse. Enfin, ils priaient le tribunal de leur reconnaître la faculté d’apposer sur leurs

propriétés des panneaux visant à y faire respecter leurs droits.

5. Le 13 décembre 1988, le tribunal de grande instance de Périgueux rendit un jugement ainsi motivé :

« [Sur le moyen tiré de l’article 1 du Protocole no 1 :]

Certes, la loi aboutit à une dépossession forcée du droit de chasse, attribut du droit de propriété et conduit à imposer

chez les propriétaires de terrains soumis à l’emprise des ACCA le passage de tiers, en l’occurrence des chasseurs.

La loi Verdeille apparaît d’ailleurs édicter une réglementation particulière échappant au principe posé par l’article

365 du Code rural aux termes duquel « nul n’a la faculté de chasser sur la propriété d’autrui sans le consentement

du propriétaire ou de ses ayants droit ».

(...)

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16

Le Protocole (...) n’exclut pas (...) des tempéraments qui peuvent être apportés au droit de propriété puisque, après

avoir énoncé que « nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions

prévues par la loi et les principes généraux du droit international », l’article 1er précise encore que « les dispositions

précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent

nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des

impôts ou d’autres contributions ou des amendes ».

La généralité des termes employés traduit le caractère particulièrement large des restrictions qui peuvent être

apportées par les Etats signataires au droit de propriété, dans leurs législations internes.

La loi Verdeille dont le but avoué (...) est de favoriser notamment le développement du gibier sur le territoire, la

destruction des animaux nuisibles et la répression du braconnage, répond à la « cause d’utilité publique » prévue

par l’article 1 du Protocole (...). De même, en voulant « assurer une meilleure organisation technique de la chasse »,

le législateur français a eu pour finalité de permettre l’exercice démocratique de la chasse et d’empêcher qu’un

propriétaire foncier ne se réserve l’exclusivité de la pratique cynégétique sur son terrain, restreignant ainsi le droit

d’usage des biens, en l’espèce le droit de chasse, conformément à l’« intérêt général » auquel fait référence le

Protocole (...)

Par suite, au regard du droit de propriété, les dispositions des articles 3 et 4 de la loi [Verdeille] n’apparaissent pas

contraires à la Convention (...).

(…)

2. La procédure devant la cour d’appel de Bordeaux

6. Le 23 décembre 1988, les ACCA de Tourtoirac et Chourgnac-d’Ans interjetèrent appel devant la cour d’appel

de Bordeaux.

Le 18 avril 1991, ladite cour réforma en toutes ses dispositions le jugement du 13 décembre 1988 par un arrêt ainsi

motivé :

« Il est certain qu’en recherchant l’exploitation rationnelle du droit de chasse par la mise en commun des droits

individuels sur des territoires d’une superficie inférieure à un minimum réglementaire, la loi [Verdeille] a constitué

une dérogation importante au principe posé par les dispositions de l’article 365 du code rural que « nul n’a [la

faculté] de chasser sur la propriété d’autrui sans le consentement de son propriétaire ou de ses ayants droit » ; de la

sorte cependant, le droit de chasse, attribut du droit de propriété, a été détaché de celui-ci pour qu’il puisse en être

fait un usage conforme à l’intérêt général, tel qu’il est défini à l’article 1 de la loi, qui précise que les [ACCA], ainsi

investies de prérogatives de puissance publique, « ont pour but de favoriser sur leur territoire le développement du

gibier et la destruction des animaux nuisibles, la répression du braconnage, l’éducation cynégétique de leurs

membres dans le respect des propriétés et des récoltes et, en général, d’assurer une meilleure organisation technique

de la chasse pour permettre aux chasseurs un meilleur exercice de ce sport ».

L’affirmation que le législateur aurait seulement pris en considération « la satisfaction égoïste d’une activité de

loisir » qui n’aurait pas dû de ce fait autoriser la privation de droits fondamentaux pour certains, a été formulée par

les premiers juges en méconnaissance évidente de l’objet des dispositions susvisées et relatives aussi bien à la

protection de l’environnement et de la faune contre la chasse sauvage, les déprédations de toutes sortes ou une

gestion anarchique qu’à l’organisation et à la réglementation du sport lui-même ; celui-ci en raison du très grand

nombre de ses adeptes et en outre de l’enjeu économique correspondant, doit être soumis à l’instar de toute activité

de loisir largement répandue, aux contraintes inhérentes au fonctionnement normal d’un service public de surcroît

reconnu comme tel par le Conseil constitutionnel et le Conseil d’Etat (CE 7/7/1978 – CE 5/7/1985) ; pareilles

restrictions pour cause d’utilité publique à l’exercice du droit de propriété sont expressément prévues par la

Convention (...) en son article 1er du Protocole additionnel, dont les consorts Chassagnou-Petit-Lasgrezas ne

sauraient ainsi utilement invoquer la violation ; de même le regroupement de petites propriétés en des territoires de

chasse de taille suffisante et de ce fait en mesure d’offrir au plus grand nombre l’accès à des loisirs, qui ne

pourraient autrement que demeurer réservés aux possesseurs privilégiés d’un patrimoine foncier important, prive de

tout fondement le grief fait à la loi, d’une discrimination par la fortune, prohibée à l’article 14 de la Convention (...)

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17

Enfin si l’apport de leurs terrains aux ACCA confère aux propriétaires concernés la qualité de membres de droit

ainsi habilités à intervenir dans la gestion du territoire communal de chasse ainsi qu’à faire valoir leurs intérêts, là

sont les seuls effets des dispositions incriminées ; au contraire des adhérents dont l’affiliation requiert notamment le

paiement de cotisations, il n’est mis à la charge des membres de droit aucune obligation et encore moins n’est-il

prévu à leur encontre quelconques dispositions coercitives ou sanctions ; ces derniers sont libres de chasser ou de

ne pas chasser, d’exercer un droit de regard sur le fonctionnement de l’ACCA et de s’immiscer dans leur action ou

bien de s’abstenir de toute participation à celle-ci.

Alors que d’autre part la création de ces ACCA, leurs champ et mode d’action, leurs statuts sont non seulement

régis par les dispositions légales, mais encore subordonnés à l’agrément préfectoral et que de ce fait quelle que soit

la forme associative de ces organismes, leur mission de service public exclut tout rapport contractuel entre leurs

adhérents, l’admission de droit et gratuitement des propriétaires tenus à apport n’est qu’une contrepartie de

l’aliénation partielle que ceux-ci subissent, et constitue de surcroît un tempérament certain aux dispositions

restrictives du droit de propriété.

Il apparaît que les membres du ROC qui ne sont pas sans savoir que l’intérêt général commande certaines

limitations à l’exercice du droit de propriété et que la loi [Verdeille] n’est en aucun cas génératrice d’entraves à la

liberté d’association, revendiquent en réalité un droit de non-chasse, lequel n’est ni consacré par la loi interne, ni,

pas plus que le droit de chasse lui-même, garanti par les traités internationaux. (...) »

3. La procédure devant la Cour de cassation

7. Par un arrêt du 16 mars 1994, la troisième chambre civile de la Cour de cassation rejeta le pourvoi formé par les

requérants. Les motifs retenus par la haute juridiction sont les suivants :

« (...) attendu que les dispositions de l’article 1er du Protocole (...) reconnaissant aux Etats le droit de mettre en

vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général et la

cour d’appel ayant retenu, d’une part, que les dispositions de la loi [Verdeille] étaient relatives aussi bien à la

protection de l’environnement et de la faune contre la chasse sauvage, les dégradations de toutes sortes ou une

gestion anarchique, qu’à l’organisation et à la réglementation du sport lui-même et, d’autre part, que le

regroupement de petites propriétés en des territoires de chasse suffisants et, de ce fait, en mesure d’offrir au plus

grand nombre l’accès à des loisirs qui ne pourraient autrement que demeurer réservés aux possesseurs d’un

patrimoine foncier important, prive de tout fondement le grief d’une discrimination par la fortune, le moyen n’est

pas fondé de ce chef ;

(...)

(...) attendu qu’ayant relevé qu’il n’était mis aucune obligation à la charge des membres de droit que sont les

propriétaires ayant apporté leurs terrains à l’association, à l’égard desquels n’étaient prévues ni dispositions

coercitives, ni sanctions, que ces membres pouvaient participer à l’action de l’association ou s’en abstenir et que la

mission de service public de l’association excluant tout rapport contractuel entre les adhérents, l’admission de droit

et gratuitement des propriétaires tenus à apport n’était qu’une contrepartie de cet apport, la cour d’appel a, par ces

seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef[.] »

B. MM. Dumont, A. et P. Galland, E. et M. Petit et Pinon

8. MM. Dumont, A. et P. Galland et E. Petit (décédé en juin 1995) sont nés respectivement en 1924, 1926, 1936 et

1910, et MM. M. Petit et Pinon, en 1947. Tous sont agriculteurs et résident à Genouillac, dans le département de la

Creuse. Ils sont propriétaires de terrains d’une superficie inférieure à 60 hectares d’un seul tenant et inclus dans le

périmètre des ACCA de La Cellette et de Genouillac, et se disent opposants éthiques à la chasse loisir. Ils sont eux

aussi membres de l’ASPAS.

1. La procédure devant le tribunal administratif de Limoges

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18

9. Les requérants demandèrent chacun au préfet de la Creuse, en août et septembre 1987, de procéder au retrait de

leurs terrains du périmètre des ACCA en question. Ils saisirent ensuite le tribunal administratif de Limoges d’un

recours en annulation des décisions implicites de rejet résultant du silence gardé par ledit préfet, en invoquant tant

les dispositions de la Convention que celles du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de la

Convention de l’OIT de 1948 concernant la liberté syndicale.

10. Le 28 juin 1990, le tribunal administratif de Limoges rejeta les recours par six jugements identiques motivés

comme suit :

(…)

Sur le moyen tiré de la violation du droit de propriété et du droit d’usage

(...)

Considérant que si les dispositions précitées protègent les droits de propriété et d’usage des biens, elles ne font pas

obstacle à ce que des atteintes y soient portées dans l’intérêt général ; qu’ainsi qu’il a été dit précédemment,

l’organisation de la chasse présente un intérêt général de nature à justifier de telles atteintes ; que les propriétaires

dont les terrains sont situés dans le territoire d’une ACCA trouvent la contrepartie de la perte de leur droit d’usage

exclusif dans leur participation à l’ACCA et dans les prestations qu’elle assure ; que la circonstance que [les

requérants] déclarent ne pas être personnellement intéressés par de telles contreparties n’est pas de nature à les faire

regarder comme insuffisantes ; qu’enfin si [les requérants] entendent soutenir que la loi du 10 juillet 1964

n’assurerait pas une juste et préalable indemnisation en méconnaissance de dispositions à valeur constitutionnelle,

il n’appartient pas au juge administratif de se prononcer sur la constitutionnalité d’une loi ; que dès lors un tel

moyen ne peut être utilement discuté devant le Tribunal Administratif ; »

2. La procédure devant le Conseil d’Etat

17. Invoquant les articles 9, 11 et 14 de la Convention et 1 du Protocole no 1, les intéressés se pourvurent devant le

Conseil d’Etat.

(…)

Considérant que la circonstance que des terres appartenant au requérant ont été incluses dans le périmètre de

l’[ACCA] et que des titulaires du droit de chasse peuvent venir y pratiquer cette activité n’a pas privé le requérant

de sa propriété, mais a seulement apporté des limitations à son droit d’usage de celle-ci conformément aux règles

édictées par la loi, lesquelles ne sont pas disproportionnées par rapport à l’objectif d’intérêt général poursuivi ; que

le moyen sus analysé ne saurait, dès lors, être accueilli ;

(...)

C. Mme Montion

11. Mme Montion est née en 1940 et exerce la profession de secrétaire. Elle réside à Sallebœuf, dans le département

de la Gironde.

12. La requérante et son époux – décédé en février 1994 – étaient propriétaires d’un terrain de 16 hectares inclus

dans le périmètre de l’ACCA de Sallebœuf.

Membre de la Société nationale de protection de la nature (« SNPN ») et du ROC, M. Montion avait vainement

demandé au cours de la procédure d’institution de ladite ACCA que son fonds bénéficiât au sein de celle-ci du

statut de réserve. Il avait ensuite, sans plus de succès, attaqué, devant les juridictions administratives, l’arrêté

préfectoral du 7 décembre 1979 portant agrément de cette association.

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13. Désormais résolu à apporter son fonds au réseau de réserves naturelles volontaires de la SNPN, il demanda au

préfet de la Gironde, par une lettre du 15 juin 1987, d’une part, d’enjoindre à l’ACCA de Sallebœuf de le rayer de

la liste de ses membres et, d’autre part, de radier son terrain de la liste des parcelles constituant le territoire de

chasse de ladite association. Le 29 juin 1987, il adressa la même requête au président de l’ACCA.

Le préfet et le président de l’ACCA lui signifièrent leurs refus par des lettres datées respectivement des 25 juin

et 10 juillet 1987.

1. La procédure devant le tribunal administratif de Bordeaux

14. Le 13 août 1987, M. Montion et la SNPN saisirent le tribunal administratif de Bordeaux d’un recours en

annulation pour excès de pouvoir des décisions des 25 juin et 10 juillet 1987. Ils plaidaient essentiellement la

méconnaissance des articles 9, 11 et 14 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1.

15. Le 16 novembre 1989, le tribunal administratif de Bordeaux rejeta les requêtes par un jugement ainsi rédigé :

(…)

Considérant que si la Convention (...) protège le droit de propriété, cette disposition ne fait pas obstacle à ce que

des atteintes y soient portées dans l’intérêt général ; que l’organisation de la chasse, en raison même de la nature de

cette activité, du nombre des chasseurs et du phénomène social qu’elle constitue, présente un intérêt général de

nature à justifier une atteinte au droit de propriété ; que le propriétaire dont les terrains sont situés dans le territoire

de l’ACCA trouve la contrepartie de la perte du droit d’usage privatif dans l’exercice d’un droit d’usage sur les

terrains des autres propriétaires, sans compter les autres prestations assurées par l’association dont il devient

membre de droit ; que M. Montion n’est pas, en outre, fondé à se prévaloir de son propre renoncement à ces

contreparties pour prétendre qu’il ne bénéficie pas d’une juste indemnisation de la perte de son droit d’usage ;

(...)

Considérant que la participation à l’[ACCA], pour un propriétaire dont les terrains sont inclus dans le territoire de

l’ACCA, est un droit accordé en contrepartie de la perte du droit d’usage exclusif de ses terrains et destiné à lui

permettre de défendre ses intérêts au sein de l’association ; qu’il dispose, en outre, de la possibilité de se retirer

dans les conditions prévues à l’article 8 de la loi [Verdeille] et n’a pas à payer de cotisation, l’apport des terrains ne

pouvant, au demeurant, être regardé comme un élément de la cotisation dès lors que des compensations sont

accordées à ce titre ; que, par suite, le refus d’autoriser M. Montion à se retirer de l’ACCA de Sallebœuf ne

méconnaît pas la liberté d’association ;

(…)

16. Le 10 mai 1995, le Conseil d’Etat rejeta les requêtes

(…)

III. LE DROIT INTERNE PERTINENT

A. Droit de chasse et droit de propriété

17. L’article L. 222-1 (ancien article 365) du code rural dispose :

« Nul n’a la faculté de chasser sur la propriété d’autrui sans le consentement du propriétaire ou de ses ayants

droit. »

Il en résulte que le « droit de chasse » appartient au propriétaire foncier. Ce droit est exclusif, sous réserve du

« droit de chasser » que la loi confère au preneur d’un bail rural sur le fonds (article L. 415-7 C. rural).

Le propriétaire peut « louer » ledit droit mais ne peut le vendre indépendamment du fonds sur lequel il porte.

(…)

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20

PROCÉDURE DEVANT LA COMMISSION

18. Mmes Chassagnou et Lasgrezas et M. R. Petit ont saisi la Commission le 20 avril 1994, MM. Dumont, P.

Galland, A. Galland, E. Petit, M. Petit et Pinon, le 29 avril 1995, et Mme Montion, le 30 juin 1995.

Ils soutenaient que, en application de la loi no 64-696 du 10 juillet 1964 portant organisation des Associations

communales de chasse agréées, dite loi « Verdeille », nonobstant leur opposition éthique à la chasse, ils sont

obligés d’« apporter » leurs terrains à des Associations communales de chasse agréées, sont « d’office » affiliés

auxdites associations et ne peuvent faire obstacle à la pratique de ce sport sur leurs propriétés ; ils y voyaient une

méconnaissance de leurs droits à la liberté de conscience et d’association ainsi que de leur droit au respect de leurs

biens, garantis respectivement par les articles 9 et 11 de la Convention et 1er du Protocole no 1. Ils se disaient en

outre victimes d’une discrimination fondée sur la fortune, contraire à l’article 14 de la Convention combiné avec les

trois dispositions susmentionnées, résultant de la faculté réservée aux propriétaires d’un terrain d’une superficie

supérieure à certains minima d’échapper à l’apport forcé de leur terrain à une Association communale de chasse

agréée et, ainsi, d’y exclure la pratique de la chasse et d’éviter leur affiliation à une telle association.

(…)

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLEGUEE DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE NO 1, PRIS ISOLEMENT

19. Les requérants se plaignent que l’apport forcé de leurs terrains à une ACCA, conformément aux dispositions de

la loi Verdeille, constitue une atteinte à leur droit au respect de leurs biens, tel que reconnu à l’article 1 du

Protocole no 1, qui dispose :

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour

cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois

qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le

paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »

A. Sur l’applicabilité de l’article 1 du Protocole no 1

20. Les comparants s’accordent à considérer que l’apport forcé des terrains à une ACCA, conformément à la loi

Verdeille, doit s’analyser à la lumière du second alinéa de l’article 1 du Protocole no 1, qui laisse aux Etats le droit

d’adopter les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général. Il y

a désaccord en revanche sur la question de savoir s’il y a eu réellement « ingérence » dans le droit des requérants de

faire usage de leurs biens.

21. Les requérants estiment que l’obligation qui leur est faite d’apporter leurs terrains à l’ACCA, sans leur

consentement et sans indemnité ni contrepartie, constitue une privation anormale de leur droit d’usage sur leurs

fonds puisqu’ils sont, d’une part, obligés de supporter la présence des chasseurs sur leurs terrains, alors qu’ils sont

opposés, pour des raisons éthiques, à la pratique de la chasse et, d’autre part, qu’ils ne peuvent affecter les terrains

dont ils sont propriétaires à la création de réserves naturelles où la chasse serait prohibée.

22. Pour le Gouvernement, au contraire, l’ingérence dans le droit de propriété des requérants serait mineure dans la

mesure où ils n’ont pas été véritablement privés de leur droit de faire usage de leurs biens. La loi Verdeille n’a pas

Page 21: TRAVAUX DIRIGÉS DE DROIT DES BIENS des biens Laurent... · 2017. 2. 22. · DROIT DES BIENS Fiche n° 4 et 5 La propriété ... par la cour d’appel de Besançon ; remet, en conséquence,

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pour effet de supprimer le droit de chasse, attribut du droit de propriété, mais vise seulement à en atténuer

l’exercice exclusif par les propriétaires. La seule chose que les requérants ont perdue est la faculté d’exclure autrui

de la chasse sur leur fonds. Or la chasse ne se pratique que pendant six mois de l’année et l’article L. 222-10 du

code rural prévoit expressément que les terrains situés dans un rayon de 150 mètres autour de toute habitation (soit

au total une surface de 7 hectares) ne sont pas soumis à l’action de l’ACCA.

23. La Cour relève que, si les requérants n’ont pas été dépouillés du droit d’user de leurs biens, de les louer ou de

les vendre, l’apport forcé de leur droit de chasse sur leurs terrains à une ACCA les empêche de faire usage de ce

droit, directement lié au droit de propriété, comme bon leur semble. En l’occurrence, les requérants ne souhaitent

pas chasser chez eux et s’opposent à ce que des tiers puissent pénétrer sur leur fonds pour pratiquer la chasse. Or,

opposants éthiques à la chasse, ils sont obligés de supporter tous les ans sur leur fonds la présence d’hommes en

armes et de chiens de chasse. A n’en pas douter, cette limitation apportée à la libre disposition du droit d’usage

constitue une ingérence dans la jouissance des droits que les requérants tirent de leur qualité de propriétaire. Dès

lors, le second alinéa de l’article 1 joue en l’espèce.

(…)

B. Sur le respect des conditions du second alinéa

(…)

24. En conclusion, nonobstant les buts légitimes recherchés par la loi de 1964 au moment de son adoption, la Cour

estime que le système de l’apport forcé qu’elle prévoit aboutit à placer les requérants dans une situation qui rompt

le juste équilibre devant régner entre la sauvegarde du droit de propriété et les exigences de l’intérêt général :

obliger les petits propriétaires à faire apport de leur droit de chasse sur leurs terrains pour que des tiers en fassent

un usage totalement contraire à leurs convictions se révèle une charge démesurée qui ne se justifie pas sous l’angle

du second alinéa de l’article 1 du Protocole no 1. Il y a donc violation de cette disposition.

(...)

Par ces motifs, la Cour

1. Dit, par douze voix contre cinq, qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1, pris isolément ;

(…)